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Dossier La République de S.-et-M. - 27 août 2007 - 3

Pour Romain Royet, sous-pré-fet chargé de la politique de laville, l’application du schémadépartemental est sur la bonnevoie malgré les difficultés tech-niques et financières.

La République de Seine-et-Marne : Où en sommes-nousquant à l’application du schémadépartemental ?

Romain Royet : Aujourd’hui,56 % des communes respectentle schéma départemental. Neufcent quatre-vingt-huit places sontinscrites au schéma. Il reste enco-re 455 places à créer. Il y a beau-coup de chantiers en cours.

La Rep : Selon vous, pour-quoi les gens du voyage susci-tent souvent une crainte chezles riverains ?

R.R. : En France, le schémadominant de la vie culturelle estporté sur la sédentarité. Le rêved’une majorité de propriétaires,c’est d’avoir un pavillon. Lescraintes proviennent donc, sansdoute, de la confrontation de deuxmodes de vie distincts.

La Rep : Quel rôle tient lemédiateur ?

R.R. : L’Etat a organisé un dis-positif de médiation qui fonctionne

bien. Le médiateur est chargéd’établir le dialogue avec les gensdu voyage. Ces médiateurs sonten contact régulier avec lesnomades.

La Rep : Quelles difficultésrencontrez-vous dans l’applica-tion de ce schéma ?

R.R. : Nous devons préparerdes terrains qui soient dignes etpropres pour éviter les installa-tions sauvages et illégales. Maisnous sommes confrontés à desdifficultés techniques, on ne peutpas le nier. Les terrains doiventrépondre à des normes précisescompatibles avec les règles d’ur-banisme : une aire ne se construitpas en centre-ville mais ne doitpas être trop éloignée des écoles.Les élus sont aussi confrontés àdes difficultés financières. Le pro-blème consiste à trouver les ter-rains techniquement utilisables etle financement auprès de l’Etat etdu Conseil Général. Nous préfé-rons avoir 988 places qui répon-dent à des normes strictes et nonaccueillir les gens du voyage dansle bourbier. L’enjeu c’est vraimentde créer des places qui permet-tent un accueil digne.

V.R.

« Permettre un accueil digne »

De la boue plein les genoux, ungroupe d’enfants joue à cache-

cache sur le terrain vague destiné àaccueillir les gens du voyage, àMoissy-Cramayel, près du karting,entre l’autoroute A5 et la routenationale 6. Ici, plus d’une centainede caravanes s’entasse dans lacrasse. « C’est plein de bactéries.Nos petits attrapent des cochonne-ries. On ne peut plus vivre commeça », s’indigne un occupant. « Celafait 57 ans que je vis en caravane etles conditions de vie sont de plusen plus lamentables. Cela devientinhumain », déplore t-il, en colère.Chaque année, le quinquagénairequitte la Dordogne, avec sa famille,pour assister, en Seine-et-Marne,au grand rassemblement chrétien.Défaitisme

Entre la gadoue et les flaquesd’eau rendant certaines parties duterrain difficiles d’accès, lesnomades semblent indignés d’êtreainsi parqués. Pourtant, depuis lerenforcement de la loi Besson, le5 juillet 2000, l’installation d’une airede stationnement visant à accueillirles gens du voyage est obligatoiredans les communes de plus de5 000 habitants. Sept ans plus tard,seulement 56 % des communesont réalisé des emplacements.« Aujourd’hui, le schéma départe-mental n’est pas encore entré enapplication. On est en retard »,admet Michel Houel, président del’Union des maires de Seine-et-Marne. Actuellement, on recense900 familles environ voyageant àl’année sur le département et plusde 1 500 en circulation pendant lespériodes estivales.

Et, alors que la Communautéd’Agglomération annonce, d’ici2008, l’ouverture de 46 emplace-ments, à Melun Nord, sur la butte

de Beauregard, chez les nomades,c’est le défaitisme qui l’emporte.« Cela fait des années que les élusnous promettent des choses et querien ne bouge. Pourtant, ce que l’ondemande n’est pas compliqué. Onsouhaite juste se poser sur un ter-rain goudronné. On paiera ce qu’ilfaudra », affirme un gitan. Alors, àdéfaut de croire aux bonnes volon-tés des élus, certains gens du voya-ge gardent une foi religieuse sansfaille. Car pour une majorité decette population, le respect des tra-ditions semble très ancré.Coutumes et discrimination

20 h 30, sur le camp dupasteur J., la nuit commence à tom-ber. Réunis autour d’un caféfumant, les gitans attendent ledébut de la réunion religieuse quidoit avoir lieu, comme tous les jeu-dis. A l’appel du microphone, tousconvergent vers le grand chapiteaupour une soirée de prières, dechants et de témoignages. Ici ou là,fusent les « amen » et autres« alleliua ». Des coutumes et unmode de vie différents des per-sonnes sédentarisées qui laissentparfois perplexes. « Certains sontmariés à la mairie d’autres suivantleurs propres coutumes ce qui poseun problème pour l’état civil. Car larégularisation est faite chez les pas-teurs mais pas prise en compte parl’Etat français », explique MichelHouel. Du côté des riverains, l’arri-vée, sur une commune, des gensdu voyage suscite souvent crainteset préjugés.Victimes de discrimina-tion, les gitans se sentent rejetés.« On a l’impression qu’on veut sedébarrasser de nous […] Dès queje postule pour un travail, à partir dumoment où je dis que je fais partiedes gens du voyage, je n’intéresseplus le recruteur », se plaint mon-

sieur A., du camp de Moissy-Cra-mayel. « Nous sommes jugéscomme des bandits. Nous nesommes pas des voleurs depoules ! », s’énerve t-il. Il semble,en effet, qu’un fossé se creuseentre les sédentaires et les gens duvoyages. « Il faut changer les men-talités, que les gens prennent enfinconscience qu’il faut bien lesaccueillir quelque part », explique leprésident de l’Union des maires.Alors, à défaut de trouver des ter-rains où se garer en toute légalité,les gens du voyage admettentdevoir procéder à des campements« sauvages ». Un rapport de forcequi implique souvent l’interventionde la police. Monsieur A. se rappel-le les escadrons de CRS, armésjusqu’aux dents, encerclant uncamp duquel il avait été expulsé.« Ca choque les enfants », racontet-il.Conditions de vie

Sur un autre campement àquelques kilomètres du grand ras-semblement, une dizaine de cara-vanes cohabite. Pour Lara Corpetaussi, 36 ans, être nomade est unmode de vie. « C’est un choix. J’ai-me vivre en plein air. Et on se sentplus libre », raconte t-elle. Cela faitvingt ans que la jolie blonde circuleen Seine-et-Marne, à l’étroit dansson mobilhome. Avec son mari etses deux enfants de treize et quin-ze ans, la jeune femme constatetrès clairement une dégradation deson quotidien.

Ce qui semble poser le plus pro-blème, c’est l’hygiène. Une odeur àrendre jaloux un vieux camembertflotte sur l’ensemble du terrain. Lemanque de toilettes publiques obli-ge les gens du voyage à faire leursbesoins « dans la nature ». Sur lecôté, les ordures s’entassent : vieux

pneus usés, machine à laverrouillée, détritus pourrissant en tousgenres forment une montagnepoussiéreuse. Les bennes dégouli-nantes attirent mouches et autresinsectes. Dépourvus des commodi-tés basiques, les nomades sontcontraints de puiser illégalementl’eau d’une borne à incendie et dese ravitailler en électricité grâce auxpoteaux. « On n’a pas le choix »,déplore Lara. Alors, elle fait de sonmieux pour rendre ses conditionsde vie les plus agréables possibles.

Après la chasse aux rats quoti-dienne, la jeune femme s’attelle aunettoyage du camp, comme le restedes occupants. Mais malgré tout,Lara ne changerait pas sa situationpour une vie sédentaire : « Ce n’estpas la même mentalité. Dans un

appartement, c’est chacun chezsoi. Ici, c’est plus convivial. » Danssa roulotte « 4 étoiles » : un canapéd’angle en cuir, une salle dedouche brillante de propreté dontles étagères débordent de parfums,une couette douillette pour les nuitsfraîches. Sous l’auvent, une tablegarnie d’un bouquet de fleurs.

Lire et écrireAlors, quelles sont les solutions

à apporter face à cette probléma-tique ? « Ce qu’il faut, c’est donnerune éducation aux enfants pourqu’ils apprennent à lire et à écrire »,analyse Michel Houel. En attendantd’aller à l’école, allongés sur la ban-quette, comme la plupart des adosde leur âge, les enfants ne décro-chent pas de « Secret Story ».

Les occupants du grand rassem-blement du camp de Moissy-Cra-mayel ont finalement investi le par-king de Réau. Les intempéries ren-dant le terrain totalement imprati-cable, les nomades ont dû s’exilerde quelques kilomètres. Une bonnenouvelle puisque les caravanessont désormais posées sur un ter-rain goudronné.

De son côté, Lara a reçu uneconvocation au tribunal de Melun,pour le 7 septembre prochain. L’ob-jet du rendez-vous : l’occupationillégale du terrain. « La seule choseque les élus savent faire, c’est nousexpulser », explique t-elle, agacée.

Mais à défaut d’avoir mieux, lajeune femme compte bien obtenirle droit de conserver sa place.

Vanessa RELOUZAT

Sur certains terrains, les ordures s’entassent dans une odeur pestilencielle

Alors que la traditionnelle mission évangélique rassemble les gens du voyage, le schéma départemental est, à nouveau, montré du doigt. En effet, toutes les conditions ne sont pas réunies pour accueillir les nomades.

Gens du voyage : des conditions de viede plus en plus précaires

Aires existantes• Aire de Brie-Comte-Robert

16 places conventionnées• Aire de Cesson

19 places non conventionnées• Aire de Combs-la-Ville

11 places non conventionnées• Aire de Moissy-Cramayel

11 places non conventionnées• Aire de Savigny-le-Temple

16 places non conventionnées

Places à créer

Le nombre de places prévues par le schéma départemental,

Cartographie réalisée d’après le schéma départemenal 2003(source préfecture de Seine-et-Marne)

Info

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Pour les gens du voyage,les valeurs familiales

sont au cœur de leur mode de vie

en cours de réalisation

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