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Page 1: Démocratie, liberté, égalité : le socialisme pour le numérique

LE SOCIALISME POUR LE NUMÉRIQUE

DÉMOCRATIE

LIBERTÉ

ÉGALITÉ

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D’Hadopi à ACTA, aux logiciels libres, des ré-volutions arabes à Wikileaks, de l’explosion des réseaux sociaux à la protection des don-nées personnelles privées, le monde numé-rique concerne notre génération et trans-forme au quotidien notre rapport aux autres, au vivre-ensemble, à l’éducation, à la proprié-té privée. Les conséquences de l’explosion du numérique sont extrêmement importantes aussi bien dans les vies professionnelles que personnelles. Face à ces nouveaux territoires ouverts par le numérique, les socialistes doivent rester attentifs à l’essor de ceux-ci en tant que nouveaux espaces de renforcement de la démocratie et de l’égalité, dans la conti-nuité de notre aspiration collective au progrès.

Le monde numérique n’est pas réductible à l’Internet. La société numérique c’est le monde dématérialisé et en interconnexion perma-nente avec l’extérieur. Ce nouveau mode de communication est une aubaine pour la connaissance et la culture, mais également un facteur d’isolement. Il faut donc s’emparer de la question de l’accès et de l’éducation au net pour que le numérique soit un outil dé-mocratique et non un outil qui renforce les clivages et la précarisation des plus fragiles.

Les réponses politiques à apporter seront donc celles de l’égalité dans l’accès aux ou-tils numériques, de notre lutte contre les frac-tures dans l’accès au numérique, tant maté-rielles que sociales et éducatives. En parallèle, il est nécessaire de garantir l’accès au réseau et la neutralité du net, pour que les opérateurs d’accès à internet ne privilégient pas certains contenus sur d’autres, ni ne restreignent l’ac-cès au réseau en instaurant des barrières, des filtres, au passage de certains. C’est tout l’enjeu

qui se pose quand la régulation des réseaux est laissée aux fournisseurs d’accès à internet. Quelle intervention politique, et dans quelle mesure ?

Le progrès technique a été le moteur des der-nières révolutions industrielles, mais la révo-lution des technologies de l’information et de la communication, couramment appelées NTIC (Nouvelles Technologies de l’Informa-tion et Communication), dépasse le stade de la simple révolution industrielle. Le capi-talisme s’en est emparé pour se transformer, s’adapter et en tirer profit. Il nous appartient de nous approprier les outils numériques et leurs potentialités (partage et reproductibili-té infinie à moindre coût) afin de dépasser le système et d’en faire bénéficier le plus grand nombre.

Cette adaptation du capitalisme se ressent dans la sphère du travail, quand la production de richesses devient illimitée et organisée par des millions d’internautes volontaires ou non, au profit de quelques uns. Google utilise ain-si les clics pour améliorer son système et de mieux cibler la publicité. Le numérique accroît l’efficacité en délégant des tâches à des ma-chines, il crée également une servitude pour certains salariés, connectés à internet 24h/24 par leur téléphones portables, les empêchant de conserver des temps dédiés aux loisirs et à la famille, laissant un lien permanent avec le monde du travail.

Face à cette omnipotence de la sphère éco-nomique sur le numérique, les réponses po-litiques apportées jusque-là, y compris par la gauche, ne sont que trop tardives, marquant un temps de retard, quand elles ne remettent

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pas en cause la vie privée ou la liberté d’ex-pression des citoyens.

Du dogme de la rareté au principe d’abon-dance : dépasser la propriété privéeLa révolution numérique dans le champ de la connaissance est en effet caractérisée par le fait que l’on peut dissocier l’information de son support, et s’affranchir ainsi des limita-tions de la matière. Le modèle économique doit alors s’adapter aux nouvelles potentiali-tés de reproduction, de portage et d’échanges, qualifiées d’infinies. Contrairement au jeu à somme nulle qui caractérise le libéralisme économique, partant du principe que la ri-chesse donnée à un joueur A équivaut à celle perdue par le joueur B, le monde numérique relève d’un jeu à somme infinie. La possession d’une œuvre, d’une information, d’un fichier par un tiers ne l’ôte pas à autrui. Les biens immatériels peuvent être copiés à coût nul. Nous sommes donc passés d’une économie de la rareté, au régime de l’abondance., chan-geant de fait notre appréhension politique de ce nouveau système économique.

Un logiciel, en tant qu’ensemble d’instructions données à un ordinateur, à un calculateur électronique, peut être couvert par différentes licences. Un logiciel est soit « propriétaire », son code source appartenant à un individu ou une société, appartenir au domaine public, soit être « libre », c’est-à-dire librement exécu-table, modifiable, améliorable, sans pour au-tant être forcément gratuit. Le logiciel en tant que découverte a donc été produit par des milliers de développeurs à travers le monde, appartenant originellement au domaine de la recherche, du partage, loin de la sphère mar-chande. Mais ce qui s’est développé initiale-ment à la marge du capitalisme y a finalement été pleinement intégré. Aujourd’hui, les bre-vets sur les logiciels ou autres applications, services, sont déposés, et acceptés, chaque jour. Monopoles et oligopoles se sont multi-pliés alors même que le numérique porte en lui les principes de copie et de diffusion po-tentiellement infinis.

De même en matière culturelle, le numé-rique pose des questions à la propriété intel-lectuelle. Aujourd’hui instrumentalisée à des fins commerciales par les grands monopoles

de diffusion culturelle, la propriété intellec-tuelle avait été initialement créée pour pro-téger les auteurs contre ces mêmes acteurs. Désormais, les notions d’autorat ou d’inven-tion permettent un droit d’aliénation du tra-vail intellectuel par un industriel à des fins marchandes. Toutes ces questions nous en-traînent sur les pistes des droits d’auteurs, du partage non-marchand, de l’open-data et de la liberté d’expression.

Repenser le travail dans uncapitalisme cognitif

En tant que socialistes, nous savons que l’in-tervention politique est nécessaire, mais il reste à définir son périmètre. Pourtant, notre pensée de ce système économique, social et démocratique se fait attendre avec d’autant plus de force. Il s’agit bien de la mutation d’un système, le capitalisme, en ce que Yann Mou-lier-Boutang appelle le capitalisme cognitif.

Le capitalisme cognitif peut se définir par le glissement du capital productif au capi-tal intellectuel. La production de richesses n’est plus concentrée dans des usines, sur des chaînes de production, mais dans un ensemble d’échanges dématérialisés qui échappent pour quelques 1500 milliards de dollars au fisc chaque jour. La valeur écono-mique elle-même semble donc avoir changé. L’organisation de l’économie reste toutefois monopolistique. Si la richesse intellectuelle produite chaque jour l’est par des salariés, des internautes, des milliers d’ « abeilles pol-linisatrices » volontaires ou non, un petit nombre d’entreprises concentrent les profits ainsi engendrés. Pour preuve, nous sommes tous des producteurs de contenu sur le net, victimes souvent d’un pillage de l‘inventivité de la collaboration gratuite. La notion de tra-vail change donc, ainsi que celle de temps de travail.

Des réponses politiques trop souvent conservatrices et liberticides

Le numérique pose des questions à nos li-bertés individuelles comme collectives, celle d’expression et d’information lorsque un opé-rateur restreint l’accès à un site de contenus en raison de ses partenariats commerciaux, ou

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quand des Etats comme la Chine, ou l’Egypte sous pressions révolutionnaires, bloquent l’accès des citoyens au web mondial. Garan-tir la libre-circulation des internautes et des informations est une nécessité, tandis que se pose la question de la libre-circulation d’in-formations pouvant porter atteinte à l’intégri-té d’une personne, la véracité d’un propos, au respect d’un groupement de citoyens, etc. Le numérique et le web participatif imprègnent notre mode de penser, d’agir et de consom-mer. L’usage du partage, la consommation collaborative représentent une formidable opportunité de dépassement du dogme de la propriété privée. Nous passerons du principe de la valeur marchande à la valeur d’usage. Les réponses politiques apportées par la gauche tardent à se faire entendre, si ce n’est sous un mode répressif et le système semble se développer au détriment de l’égalité, des droits et des libertés fondamentales. Le nombre de données personnelles échangées et stockées explose, reposant la notion de vie privée, se répercutant sur la vie sociale, les comporte-ments, le travail… La réponse politique la plus communément répandue reste malheureuse-ment celle de la surveillance, du traçage, de l’enregistrement, relevant d’un conservatisme politique qui réprime par peur de ne plus rien maîtriser. Hadopi, LOPPSI , Acta, CETA, le nou-veau traité commercial liberticide en cours d’élaboration, multiplication des fichiers poli-ciers sont autant de lois hyper-répressives aux réponses inadaptées, reflétant l’engagement

de la puissance publique vers un véritable contrôle social des données personnelles.

***Dans ce Dossier du Changement, nous décri-rons les outils politiques envisageables par la gauche pour garantir l’expression de l’intérêt général dans l’accès, l’usage, les contenus, les outils numériques, à l’échelle tant nationale qu’internationale, pour répondre aux nou-veaux défis du travail, de la vie privée, de la li-berté d’expression, imposés par le numérique. Nous répondrons à ces nouveaux défis démo-cratiques, aux échelles imbriquées, en quatre temps :

(1) Concilier vie privée et liberté d’expres-sion est un grand défi posé au politique, alors qu’aujourd’hui, seule l’économie semble s’y intéresser. (2) Il nous faudra donc repenser la place du citoyen, de l’humain, en termes de droit du travail, d’éducation, de protec-tion, dans la démocratie numérique. (3) Cette nouvelle répartition des richesses produites qui est en train de se dessiner nous oblige à repenser nos modes de rémunération du tra-vail, notamment du travail cognitif, et repen-ser ainsi monopoles, brevets, appropriation privée de certaines découvertes et des biens communs, donc repenser nos paradigmes économiques vers le principe d’abondance. (4) Dans tout cela, outre sa mission de régu-lation, le politique doit jouer un rôle détermi-nant pour résoudre les fractures numériques, réduire les inégalités et atteindre ainsi une so-ciété des égaux.

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Vie privée et liberté d’expression, deux principes pour penser la démocratie numérique : le rôle de l’Etat régulateur

Entre discriminations économiques et contrôle politique dans l’accès aux contenus numériques, les tentations et tentatives d’at-teinte aux droits et libertés des utilisateurs sont monnaie courante en matière numé-rique. Les monopoles de grands groupes in-formatiques ou médias sur le web mondial et les restrictions qu’ils exercent dans l’accès au réseau vont à l’encontre même des possi-bilités offertes par le numérique et de l’abon-dance des richesses qu’il produit. Il nous faut donc répondre à ce double risque de censure en nous attachant à ces principes fondamen-taux du respect de la vie privée, de la liberté d’expression, et de libre accès au réseau, sans discrimination.

Préserver la neutralité du net de la censure économique et de l’absence de prise de décision politique

• Adopter une loi garantissant la neutralité du net comme étant le fonctionnement normal du réseau dans ses trois couches (infrastruc-ture, opérateurs et services), sans discrimi-nation sur la provenance, la destination, le service ou le contenu des informations qui y transitent. L’objectif de cette disposition est de définir le concept de non-discrimination, d’assurer l’universalité d’internet et la poten-tialité de participation de tout un chacun.

• Promouvoir l’adoption d’une directive an-ti-concentration des médias par la Commis-sion Européenne, pour qu’aucun fournisseur d’accès à internet ne soit également diffuseur de contenus afin d’assurer l’égalité d’accès à tous, sans incidence marchande pour les opé-rateurs

• Réformer les statuts de l’Autorité de Régu-lation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) pour que les citoyens puissent la saisir directement afin de dénon-cer des entraves à la neutralité du net.

• Développer des moyens coercitifs de sanc-

tions contre les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pour non respect du principe de neutra-lité du net, effectués par l’ARCEP, par la Cour de Justice de l’Union Européenne (à l’appui d’une directive européenne), ou par le juge national (à l’appui d’une loi).

Garantir les droits des consommateurs : choix et vie privée

Au nom de facilités logistiques ou marketing, le citoyen consommateur est désormais l’ob-jet d’une analyse quasi constante du contenu de ses achats. Ainsi tracé et analysé, il est la cible de toutes les attaques marketing per-sonnalisées imaginables, utilisant en cela des outils numériques comme les puces RFID (Ra-dio Frequency Identification, utilisées pour stocker et récupérer des données à distance), présentes jusque dans les vêtements que l’on achète, ou les cookies de notre ordinateur pro-duits par nos recherches sur le net. La publici-té et l’absence de choix de consommation ca-ractérisent la consommation numérique telle qu’elle est aujourd’hui maîtrisée par quelques grands groupes mondiaux.

Empêcher le traçage des consommateurs

• Interdire la greffe de puces RFID (Radio Fre-quency Identification, utilisées pour stocker et récupérer des données à distance) sur l’être humain en Europe

• Rendre l’étiquetage de leur présence obliga-toire sur tout produit de consommation, no-tamment les vêtements et imposer la désacti-vation obligatoire de celles-ci après achat, par le magasin

• Garantir le droit de chaque individu à dispo-ser des informations le concernant, garantir la proportionnalité des données récoltées. Et renforcer les moyens de la CNIL pour accélé-rer les procédures de saisine par les citoyens dans le cadre de demandes d’accès, de modi-fication, de retraits de données personnelles enregistrées, au regard de la loi Informatique et Liberté

• Imposer, par l’intermédiaire de la CNIL, l’in-formation et la demande d’autorisation préa-

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lable du consommateur en cas de revente des cookies ou autres données personnelles de navigation sur le web à des opérateurs privés à des fins marketing.

Garantir des libres choix de consommation

• Faire respecter la législation en vigueur pour donner à chaque consommateur la possibilité de choisir le système d’exploitation et les lo-giciels présents à l’achat sur son ordinateur. Rendre les prix de ces composants visibles et clairs. Donner à la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la répression des Fraudes la compétence sanc-tionnant les abus en la matière.

• Empêcher le profilage des utilisateurs de té-lévision connectée et garantir le droit à chaque utilisateur du choix du logiciel de télévision connecté installé en obligeant les construc-teurs à publier les indications d’installation et de branchement des services connectés dans un soucis de transparence.

• Autoriser les recours collectifs de consom-mateurs (à l’image des « class-actions »), notamment face aux abus des opérateurs et fournisseurs d’accès à internet.

• Interdire la publicité comportementale sur tous les supports, c’est à dire l’utilisation d’in-formations personnelles et de comportement sur le web pour mieux cibler les affichages de publicités. Interdire également la possibilité pour un annonceur d’utiliser les informations captées par bluetooth pour envoyer sur le té-léphone des messages publicitaires person-nalisés.

• Revenir sur la prolongation récente par l’Union Européenne du temps de sauvegarde des données personnelles de connexion des internautes par les fournisseurs d’accès à in-ternet et moteurs de recherche en suivant « le groupe des 29 » qui recommande une durée de conservation de 6 mois.

Concilier vie privée et sécurité publique

A travers la prolifération des outils numé-riques, de nombreux systèmes de surveil-

lances ont vu le jour et sont se infiltrés dans la vie privée des citoyens. Les quelques 45% de fichiers de police non déclarés à la CNIL, et analysés par le rapport Batho et Bénisti1 de 2011 ne font qu’illustrer la tendance à la surveillance politique de la vie privée des ci-toyens. Dans ces fichiers : des citoyens, des témoins, des automobilistes contestant la jus-tice d’une amende autoroutière, bref, tout un chacun. STIC, EDWIGE, FNAEG, CORAIL ou LUPIN, voici quelques uns de leurs noms. Mais peu de citoyens savent où leur nom figure, ni le droit de regard dont ils disposent, encore moins connaissent les modalités de retrait de leurs données personnelles de ces fichiers. Utilisés lors de procédure policières, puis ju-diciaires, ils ne font pas l’objet de mises à jour suite au jugement de l’affaire qui les concer-nait. Au total, pour ne prendre que l’exemple du STIC (Système de traitement des infrac-tions constatées), 6 millions de Français sont listés comme suspects, 27 millions sont carac-térisées comme victimes, pour un fichage de 33 millions de Français, la moitié de la popu-lation.

Il est donc aujourd’hui nécessaire de garantir un droit de regard citoyen sur les fichiers po-liciers dans lesquels ils figurent et de faciliter leur retrait. Les outils existent. Il faut introduire la notion de proportionnalité dans la loi pour garantir dans leur mise en place l’adéquation des outils policiers et des fins recherchées.

• Rendre obligatoire le retrait des traces ADN des citoyens prélevés lors d’une procédure d’enquête, dès le prononcé d’un non-lieu ou d’un acquittement. Garantir la traçabilité de la procédure de retrait pour le citoyen afin de vérifier que les données ont bien été enlevées, en facilitant leur accès à la CNIL

• Supprimer les fichiers de police qui n’ont jamais été déclarés à la CNIL, dont le fichier ARES, fichier compilant des données per-sonnelles et professionnelles des personnes contestant simplement les contraventions routières et dont les données sont conservées 5 ans. Il a déjà été condamné par le Défenseur des Droits

1 Rapport de Mme Delphine Batho et de MR Jacques-Alain Bénisti n°4113 déposé à l’Assemblée Nationale le 21 Décembre 2012

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• Garantir le contrôle démocratique et l’ac-cès citoyen des plateformes de surveillance et d’interception des communications électro-niques

• Garantir l’Open-data, à savoir l’ouverture des données de la puissance publique à l’ac-cès citoyen et garantir le respect du décret du 26 mai 2011 relatif à la réutilisation des infor-mations publiques détenues par l’État et ses administrations. A cette fin, sensibiliser et for-mer les agents publics à l’open data afin de permettre son développement réel au sein des administrations centrales, déconcentrées ou territoriales

• Introduire une obligation de transparence des données des entre-prises publiques ou entre-prises privées en déléga-tion de service public

• Réformer la CADA. Dans ses statuts d’abord en lui donnant la possibi-lité de s’autosaisir pour contraindre les adminis-trations à plus de trans-parence. Mais également dans son organisation et ses moyens, afin de diminuer drastiquement le délai d’attente qui est aujourd’hui de plu-sieurs mois et la rend, de facto, inopérante

• Interdire à terme la vidéosurveillance, no-tamment les caméras à reconnaissance faciale dans l’espace public, demander un moratoire et l’ouverture d’une enquête parlementaire sur le sujet. Si celui-ci le demande, des mesures de sanctions contre les collectivités qui main-tiennent leur système de vidéosurveillance, pourraient être prises. Le rapport 2011 de la Cour des Comptes sur la vidéosurveillance a en effet démontré le caractère peu efficace, voire contreproductif de la vidéosurveillance pour l’élucidation des faits de délinquance2. Nous réaffirmons donc notre attachement à la présence policière humaine

• Rendre l’inspection de la CNIL sur la confor-

2 « Le taux d’élucidation des faits de délinquance de proximité n’a pas davantage progressé dans les cir-conscriptions de sécurité publique (CSP) équipées de caméras de vidéosurveillance de la voie publique

mité des installations de vidéosurveillance proactive, aléatoire et automatisée, et non plus seulement après demande de vérification de la conformité par le responsable d’une ins-tallation

• Rendre plus lisible et obligatoire l’informa-tion des personnes quant à la présence d’un système de vidéosurveillance. Les informer de leurs droits en cas de système de vidéo-surveillance au travail, dans établissements scolaires, dans les commerces, dans les halls d’immeuble ou sur la voie publique

• Interdire les machines et dispositifs d’identi-fication biométrique dans les établissements scolaires.

Penser le numérique dans la diplomatie internationale

Internet, le numérique de manière générale, tend trop souvent à être considéré comme un espace de non-droit, de cybercriminalité, de ter-rorisme, qu’il faut à tout prix réguler. Les théories

de la diplomatie internationale s’opposent sur ce fait. Mais voilà bien tout l’enjeu de la mesure et du périmètre de l’intervention poli-tique sur le monde numérique. Le rôle de l’Etat n’est pas de criminaliser aveuglement certains comportements sur le web, mais bien de per-mettre à chacun de s’approprier le numérique et de prendre conscience des possibilités dé-mocratiques permises par Internet.

• Ajouter les systèmes Deep Packet Inspection (DPI), qui permettent d’analyser des paquets de données automatiques, à la liste des maté-riels de défense soumis par l’Etat français à va-lidation du Premier Ministre, encadrant ainsi leur vente à l’étranger, notamment à certaines dictatures. Les rajouter pour cela à la liste des armes de guerre dont la vente est encadrée à l’étranger dans la mesure où ils peuvent servir de système de surveillance d’opposants poli-tiques

• Légiférer sur l’impossibilité de produire et

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« Le rôle de l’Etat n’est pas de criminaliser aveuglement certains comportements sur le web, mais bien de permettre à chacun de s’approprier le numérique et de prendre conscience des possibilités démocratiques permises par Internet. »

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d’utiliser les systèmes de DPI sur le sol fran-çais afin que le secret de la correspondance ne puisse pas être violé

• Garantir l’apport par l’Etat du même soutien aux cyberdissidents qu’aux autres dissidents politiques en étendant notamment aux blo-gueurs le régime de protection normalement réservé aux journalistes.

Garantir un droit de regard citoyen sur ses données personnelles

• Encadrer l’accès aux données personnelles des citoyens dans les fichiers policiers en aug-mentant le nombre de commissaires habilités à la CNIL à accéder pour obtenir rectification des informations y figurant, accélérer ainsi la procédure nécessaire pour éviter tout dom-mage sur la vie privée ou professionnelle du citoyen ; demander au Défenseur des Droits de rendre public le nombre d’enquêtes admi-nistratives de moralité par an, demander la tenue d’un rapport parlementaire sur le coût social et financier des fichiers policiers

• Rétablir l’obligation d’avis conforme de la CNIL sur tout nouveau fichier policier ou ad-ministratif, comme c’était le cas jusqu’en 2004. Depuis cette date, l’Etat français s’est arrogé le droit de supprimer l’avis conforme de la CNIL, ainsi que d’interdire la publication d’un avis de la CNIL s’il le souhaite

• Instaurer un droit opposable à l’accès et la récupération de ses données personnelles privées, garanti par le juge ordinaire et gratuit, en matière de données commerciales quand des entreprises de vente en ligne facturent au-jourd’hui l’accès des consommateurs à leurs données personnelles

• Garantir la récupération par les individus de leurs données personnelles contenues dans des systèmes de cloudcomputing (services

à distance), et sanctionner les blocages des fournisseurs de services en la matière. Assor-tie d’une obligation d’obtenir une sauvegarde de ses données au moment et au lieu de son choix

• Garantir au citoyen l’accès à l’information en obligeant les opérateurs, les constructeurs et concepteurs d’applications à informer les utilisateurs de la géolocalisation induite par l’utilisation de ces outils numériques. Garantir la lisibilité de l’acceptation de cette géoloca-lisation

• Créer une Haute autorité européenne de l’in-formation, de la vie privée et des libertés pour remplacer le « Groupe Article 29 », groupe-ment de représentants des CNIL européennes

• Ajouter aux missions du Contrôleur Euro-péen pour la Protection des Données la ré-daction de rapports annuels sur les droits et libertés de chaque pays de l’UE et de formuler des recommandations.

• Inscrire le droit à l’information, l’accès, la modification, la rectification, la suppression des données personnelles dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

• Interdire le vote électronique en France qui ne permet pas à ce jour de garantir la sincérité du scrutin et de protéger le secret du vote

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Repenser la place de l’humain : égalité et protection

A l’appropriation capitaliste de la richesse co-gnitive produite par les humains, succède un autre corollaire, celui de la transformation des modes de production et donc du salariat qui y contribue. Les rapports entre employeurs et salariés changent, les possibilités de contrôles sur ceux-ci évoluent et s’améliorent, l’enca-drement de ces nouveaux rapports productifs pose aujourd’hui question tant au droit du travail qu’au système éducatif qui n’est au-jourd’hui plus adapté à ce que l’on peut nom-mer l’ère de l’intelligence collaborative.

Repenser le droit du travail dans un capitalisme cognitif : le salariat se transforme, la production aussi

L’enjeu est celui de la définition du contrat de travail et du temps de travail, dans un système productif dans lequel la frontière entre travail et temps libéré devient de plus en plus floue, dans lequel un employé pourra répondre à ses courriels de travail depuis son téléphone même en congés. Il revient au politique de re-définir cette frontière.

• Interdire la surveillance des courriels et toute autre correspondance numérique pri-vée par tout employeur, privé comme public et légiférer afin d’éviter les abus dans le pro-filage des salariés par les employeurs via les données GPS.

• Interdire les enquêtes administratives de moralité, déjà condamnées par la CNIl, per-mettant à la préfecture d’examiner la présence ou non d’un citoyen dans le fichier policier STIC, empêchant ainsi son embauche dans des sociétés de gardiennage, en tant que per-sonnel des aéroports, ainsi que l’ensemble de métiers de la sécurité. Ce fichier ne fait qu’in-sinuer une présomption de culpabilité qui dé-nie au salarié toute chance d’embauche ou de maintien dans l’emploi

• Généraliser les chartes informatiques, sou-mises au contrôle de la CNIL permettrait de fixer des règles sur l’utilisation des informa-tions personnelles, garantissant transparence et confiance mutuelle entre le salarié et les di-

rigeants de l’entreprise

• Ajouter à la mission des inspecteurs du tra-vail celle de la surveillance du travail collabo-ratif d’individus. Légiférer sur l’encadrement du travail collaboratif des médias numériques et leur rémunération

• Encadrer l’utilisation de tous moyens nu-mériques hors des temps de travail et intégrer notamment le temps de consultation et de ré-ponse à ses mails dans ce temps de travail.

• Favoriser la création d’espaces de rencontres et d’échange sous forme d’espaces de travail et d’innovation partagés à l’image des can-tines numériques.

• Garantir aux télétravailleurs une protection sociale équivalente aux travailleurs classiques, notamment s’agissant des questions liées aux accidents du travail

Santé et numérique : nouvelles maladies professionnelles à prendre en compte

• Faire reconnaître les nouvelles maladies professionnelles liées au travail sur poste in-formatique et leur prise en charge par la Sé-curité Sociale (stress, douleurs cervicales et dorsales, migraines, troubles musculo-sque-lettiques, oculaires, psychiques)

• Permettre ainsi au CHSCT (Comité d’hy-giène, de sécurité et des conditions de travail) de prendre des mesures, de faire des recom-mandations sur les conditions de travail

• Renforcer le dépistage de ces troubles par les services de médecine du travail.

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• Inciter les entreprises à investir dans des équipements ergonomes et innovants (fau-teuils, écrans d’ordinateur...). Faire intervenir les ergonomes pour des conseils personnali-sés.

• Promouvoir la formation des salariés aux bonnes pratiques à adopter devant un poste informatique.

Accessibilité du numérique et handicap

• Promouvoir le concept « pour tous » (label d’accessibilité aux personnes en situation de handicap) en Europe pour tout produit numé-rique

• Inciter les MDPH (maison départementales des personnes handicapées) à privilégier le financement de logiciels libres pour les per-sonnes prises en charge

• Garantir l’application de la loi de 2005 sur l’accessibilité des structures publiques aux personnes en situation de handicap et étendre ses obligations au secteur privé

• Autoriser les exceptions au droit d’auteur pour les non-voyants et mal-voyants

Repenser l’éducation vers la créativité et l’échange

Dans un temps où le travail collaboratif, la créativité sont des valeurs productives nou-velles, le système éducatif paraît inadapté. Quand l’écran prend place à l’Ecole pour rem-placer le papier, les méthodes pédagogiques doivent s’adapter. Il faut prendre en compte notamment la fracture numérique dite co-gnitive, qui discrimine dans l’accès au numé-rique en se calquant sur un inégal accès aux diplômes, d’inégales situations sociales. Dans la droite ligne de notre révolution pédago-gique, l’éducation doit désormais permettre l’aisance dans les outils numériques, l’expé-rience des méthodes de travail coopératif, le développement de la créativité de chaque enfant, faire de l’erreur un cheminement vers une solution en supprimant le système de no-tation actuel en école primaire et refondant le système global d’évaluation, et permettre à l’enfant de mieux appréhender les enjeux des

libertés numériques.

• Diminuer le nombre d’heure de cours et y intégrer des heures d’activités favorisant l’in-ventivité et la créativité.

• Instaurer des cours d’éducation au web sur les temps scolaires et réformer le B2i, afin d’al-ler vers une sensibilisation des potentialités positives d’internet et les risques-dépendance une diminution du lien social (etc.). Les élèves doivent pouvoir s’approprier l’outil numé-rique et non le subir. Instaurer une initiation à la programmation dès l’enfance.

• Faire au lycée de l’enseignement «informa-tion et sciences du numérique» une compé-tence obligatoire à valider pour l’ensemble des séries

• Rendre l’utilisation et l’apprentissage sur lo-giciels libres obligatoire dans l’ensemble du système éducatif, ce qui renforcera égale-ment les compétences des étudiants et leur compréhension de la technique du codage. La vente de système d’exploitation et de lo-giciels propriétaires au système éducatif fait partie intégrante des stratégies marketing des entreprises

• Adapter la formation des enseignants vers la connaissance des outils numériques, le codage, une connaissance tant éthique que technique, indispensable à la transmission de la compréhension des potentialités numé-riques aux élèves

• Favoriser la diffusion des ressources péda-gogiques libres produites par les enseignants dans des démarches coopératives

• Autoriser les exceptions au droit d’auteur pour l’usage d’œuvres dans l’éducation et la recherche, quelque soit la forme de la pra-tique éducative, sans tri préalable ni compen-sation financière. S’inspirer du « Fair dealing » canadien pour faciliter l’utilisation des res-sources numériques à usage pédagogique (cf. partie 3)

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La propriété privée remise en question : penser un nouveau paradigme économique

Il est à cette étape nécessaire de faire la diffé-rence entre droits d’auteurs et brevets. Si les logiciels sont couverts par le droit d’auteur, une poignée d’acteurs exerçant des pressions sur l’Office Européen des Brevets (OEB), tend à les faire reconnaitre comme inventions, et non plus comme des découvertes, donc cou-vertes par un brevet. Un logiciel doit pourtant être considéré comme une œuvre de l’esprit. Il est en effet une idée de traitement de l’in-formation reposant sur des algorithmes. Ces idées ne sont pas des inventions, elles ne re-lèvent pas d’une transformation de la matière. Alors que la couverture par les droits d’auteurs permet à l’auteur d’un logiciel de décider des modalités d’utilisation et de diffusion de son œuvre, et donc de développer des logiciels libres, librement modi-fiables, duplicables, amélio-rables, le brevet ne permet à son détendeur qu’à en ver-rouiller l’accès. Il lui octroie alors le pouvoir d’empêcher l’écriture ou l’utilisation de tout autre programme qui emploierait les mêmes fonctionnalités, les mêmes formats ou les mêmes algorithmes.

C’est dans ce contexte d’appropriation par quelques uns de la richesse produite par un grand nombre que se pose la question centrale de ce nouveau capitalisme. Celui-ci tendrait à essayer de faire survivre le concept de rareté des richesses et des moyens de productions, dans un contexte numérique où l’abondance prime. C’est donc bien à un changement de paradigme économique que nous devons ré-pondre.

Repenser les brevets et combattre le concept de terra nullius3

• Assurer le respect des termes et de l’esprit de

3 Terra nullius est une locution latine signifiant « terri-toire sans maître ». C’est un espace qui peut être habité, mais qui ne relève pas d’un État. Selon ce principe, les terres ne sont possédées par personne. C’est un mode juridique reconnu d’acquisition de la souveraineté sur un territoire par un État, que la Cour internationale de justice a aujourd’hui compétence pour valider.

la convention Européenne du Brevet signée à Munich en 1973, toujours en vigueur, séparant clairement le domaine de l’invention (breve-table), de celle des méthodes intellectuelles et des idées

• Intégrer cette convention à la législation européenne, notamment le droit matériel des brevets, en y réaffirmant clairement la non-brevetabilité des créations immatérielles et découvertes sur le vivant, indépendam-ment de tout critère de technicité ou d’appli-cabilité industrielle

• Revenir sur l’interprétation législative d’avant 1985 par l’Office Européen des Bre-vets qui considérait que les logiciels ne pou-vaient faire l’objet d’un brevet car équivalent aux méthodes mathématiques. Mettre fin à l’indépendance politique de l’OEB aujourd’hui trop souvent soumise à la pression des lob-bies économiques.

• Dissuader les demandes de brevets invalides pour mettre fin aux usages commerciaux illégaux de biens communs

• Convoquer une conven-tion européenne de la protection des œuvres culturelles. Cette convention aura pour but de créer un statut de biens communs culturels européens, pour permettre aux citoyens d’y avoir accès gratuitement, malgré les reprises et adaptations par de nouveaux éditeurs, de créer également l’Office Européen pour la protection des œuvres culturelles pour décla-rer les œuvres, garantir le partage non-mar-chand, et la retombée dans le domaine public des œuvres dès la mort de leur auteur. Ins-taurer un statut juridique pour les communs internationaux

• Interdire la pratique de cession exclusive des droits patrimoniaux sur les publications scientifiques issus de travaux sous finance-ment public à des fins commerciales privées

Nouvelle propriété intellectuelle, nouvelle définition de l’autorat

C’est 70 ans après la mort de leur auteur, les œuvres culturelles rejoignent désormais dans

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« Convoquer une conven-tion européenne de la pro-tection des œuvres cultu-relles. »

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le domaine public. Ne servant qu’à alimen-ter une rente et non à faire vivre son auteur comme c’était initialement le cas. Les droits d’auteurs servent aujourd’hui trop souvent les grosses maisons d’éditions qui commercia-lisent les œuvres retombées dans le domaine public.

• Abroger HADOPI et la riposte graduée

• Reconnaître et légaliser le partage non-mar-chand des œuvres numériques entre indivi-dus (peer-to-peer ), assurant qu’aucun tiers ne fasse de recettes supérieures aux frais d’hébergement du site (comme a pu le faire Megaupload, en vendant des offres premium pour faciliter l’accès aux œuvres, et en ven-dant des espaces publicitaires, l’audience im-portante de la plateforme assurant à ses pro-priétaires des revenus importants). Le partage d’œuvres culturelles doit se faire dans l’intérêt des citoyens, et non dans celui d’entreprises qui pourraient en tirer un bénéfice marchand.

• Reconnaître la liberté des usages collectifs non-marchands d’œuvres, accessibles au pu-blic ou en ligne, avec fourniture des moyens de leur reproduction

• Garantir le droit à la mise à disposition phy-sique ou numérique gratuite des œuvres or-phelines dans les bibliothèques

• Revenir sur le prix unique du livre numé-rique pour abaisser son coût (pas pour le supprimer), pourtant à plus faible coût de fa-brication, qui ne sert qu’à enrichir les majors. Que ce prix permette de préserver la filière du livre, tout en déduisant le coût d’impression de l’ouvrage.

• Revenir sur le passage à 70 ans après la mort de l’auteur de la durée de protection des œuvres intellectuellespour la limiter à la date de son décès, et imposer un enregistrement des œuvres par leur auteur pour les protéger par un copyright 2.0 pour une durée limitée à quelques années, reconductible jusqu’à la mort de l’auteur, sans quoi les œuvres seraient placées par défaut sous le régime du Creative Commons, appartenant au domaine public, afin d’éviter le risque d’exploitations commer-ciales non désirées et la réappropriation par un éditeur d’une œuvre

• Interdire la reprise d’un contrôle exclusif sur des œuvres du domaine public. Il s’agira donc d’interdire les droits exclusifs sur la reproduc-tion technique de ces œuvres ou les mesures techniques de protection pour limiter la re-production de ces œuvres. L’appartenance au domaine public doit garantir la possibili-té de modifier, copier, diffuser librement une oeuvre, sans restriction aucune.

• Mettre en place une contribution créative séparant les organismes de collecte et de re-distribution. L’organisme de distribution sera indépendant, calculera la répartition des re-distributions en fonction de données de sites Internet d’accès à des œuvres, des systèmes de partage comme les torrents ou les plate-formes de partages, et de données remontées volontairement par des utilisateurs. L’orga-nisme de collecte de la contribution sera en lien direct avec les FAI (fournisseurs d’accès à Internet). Seuls les foyers ayant un accès à Internet contribueront à hauteur de 5€ par mois et par foyer, ce qui correspond à 4% de la consommation culturelle moyenne des ménages. Une « ecotaxe numérique » sera prélevée en parallèle sur l’achat de biens nu-mériques matériels : ordinateurs, supports de lecture des livres numériques, téléphones, etc.

Promouvoir les logiciels libres et standards ouverts dans les administrations

• Réviser le RGI (référentiel général d’interopé-rabilité) français, listant les normes et bonnes pratiques communes aux administrations, puis le EIF (European Internet Foundation) en

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Europe, pour qu’ils ne fassent référence qu’à des standards ouverts

• Rendre ce même RGI contraignant pour rendre l’utilisation des logiciels libres dans l’administration obligatoire en opposant une obligation de justification en cas de choix d’un format fermé

Le défi de l’interopérabilité des formats et de l’archivage

Aujourd’hui, les Digital Rights Management (DRM) fixent le format d’une œuvre numérique et ferment ces standards. Cette fermeture em-pêche parfois la lecture d’un bien culturel ou numérique sur certains supports. On appelle cela un problème d’interopérabilité des for-mats, qui est avant tout un souci démocra-tique et de consommation. Enfin, la question du stockage des données, et de leur lieu, pose autant de question pour la pérennité de la mé-moire collective. Si un consommateur se voit dans l’obligation d’acquérir plusieurs fois dans sa vie le même film par exemple, c’est bien souvent à cause d’un changement de format et de support du bien culturel. Le même pro-blème peut se poser aux milliards de données publiques relevant de l’histoire collective au-jourd’hui conservées sous format numérique par des entreprises monopolistiques.

• Garantir le droit à la copie privée, sans res-triction de lecture d’un support en fonction de la zone géographique, du matériel utili-sé, du support et en supprimant le tatouage de chaque fichier, en supprimant les Digital Rights Management (DRM)

• Garantir l’interopérabilité du numérique par la loi et à l’échelle internationale pour assurer la capacité de chaque utilisateur à échanger des données librement, sans entraves maté-rielles ou logicielles, grâce à des standards communs

• Développer les systèmes d’archivage public ou micro-archivage privé pour sortir de situa-tion monopolistique actuelle des systèmes d’archivage

• Faire garantir le respect de l’interopérabili-

té par une CNIL révisée et renforcée dans ses pouvoirs de sanction

Le rôle de la puissance publique dans le développement d’un modèle économique du numérique

Le développement du numérique sur tous les territoires nécessite le retour de l’intervention publique. Sans une telle intervention, les opé-rateurs de télécommunication refaçonnent la carte de France de manière à concentrer leurs efforts en matière d’accessibilité au très haut débit dans les grandes villes et délaissant de fait les territoires isolés. Ce travail est une né-cessité en matière de développement écono-mique des territoires ruraux, ainsi qu’un enjeu démocratique dans l’égal accès des citoyens aux services publics. Il faut savoir que le rac-cordement à une prise internet est parfois facturé jusqu’à 4000€ par certains opérateurs en zone montagneuse en France.

• Développer l’accès à la fibre optique sur tout le territoire par le biais d’un opérateur pu-blic gérant le réseau, sur des fonds alimentés par le biais d’une taxe (à la manière du Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électrici-té (TURPE) dans les réseaux d’électrification, prélevée chez tous les fournisseurs), garantis-sant la péréquation des fonds de développe-ment et d’entretien des réseaux numériquesRésoudre la fracture numérique matérielle pour les citoyens

L’accès au numérique, et non seulement In-ternet, cache en réalité de profondes inéga-

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lités sociales et culturelles. Si la fracture nu-mérique dite cognitive peut être résolue par une meilleure répartition des richesses et une transformation de notre système éducatif, il nous reste à engager une politique volon-tariste de lutte contre la fracture numérique matérielle. Aujourd’hui encore, seuls 64% des ménages ont accès à Internet.

• Développer les espaces numériques dans les collectivités territoriales : accès à internet, formations libres au numérique, etc.

• Inscrire le droit à la connexion dans la loi

• Proposer des forfaits de base pour l’accès à l’internet seul et un soutien public à l’acquisi-tion de logiciels libres• Proposer des prêts à taux zéro pour tous les jeunes en formation pour l’acquisition d’un ordinateur

• Développer l’accès à internet dans tous les lieux de vie gérés par les collectivités : les in-ternats de lycées, restaurants universitaires (etc.)

• Inciter au développement en parallèle des Environnements numériques de travail (ENT), et plateformes d’échange de contenus péda-gogiques

• Les offres d’internet fixe doivent demeurer des offres illimitées en temps de connexion, en effet la totalité des outils logiciels sont maintenant développés selon le postulat d’un accès à l’internet permanent, et des offres par «quantité de données» consultées ne sau-raient être proposées qu’au delà d’un seuil mi-nimum raisonnable fixé en collaboration avec les associations de consommateurs.Une nouvelle fiscalité numérique pour dégagerde nouvelles marges de manœuvre pour l’Etat

• Revoir la notion de pays d’origine pour la fiscalité des produits intellectuels pour lutter contre l’évasion fiscale et l’inscrire dans une réforme globale de lutte contre les paradis fis-caux à l’échelle de l’Union Européenne

• Imposer une taxe sur les profits des entre-prises de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans le lieu de consommation, et non plus seulement le lieu de localisation des serveurs, après dépasse-ment d’un certain seuil de bénéfices.

• Revoir globalement système fiscal qui re-pose sur une économie de stocks, pour passer vers une taxation mieux adaptée à une éco-nomie de flux.

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Lexique :HADOPI : Haute Autorité pour la Diffusion des œuvres et la Protection des droits sur Internet instituée par le Décret n° 2009-1773 du 29 dé-cembre 2009.La Haute Autorité est investie par la loi de plu-sieurs missions relatives à la protection sur Internet des intérêts des titulaires de droits d’œuvres protégées au titre de la propriété in-tellectuelle :-observation de l’utilisation des œuvres sur Internet et encouragement de l’offre légale-lutte contre le « piratage »-régulation des mesures techniques de pro-tection des œuvres et protection des bénéfi-ciaires d’exceptions légales, suivi de l’intero-pérabilité des dispositifs de DRM

Riposte graduée : se reporter à l’argumentaire de la Quadrature du Net sur le principe de ri-poste graduée : http://www.laquadrature.net/fr/riposte-graduee

ACTA : Anti-Counterfeiting Trade Agreement (accord commercial anti-contrefaçon). Trai-té international multilatéral réunissant une quarantaine de pays, il avait pour but de ré-glementer les droits de la propriété intellec-tuelle et de lutter contre la contrefaçon. Après des mobilisations citoyennes venues de toute l’Europe, il fut finalement rejeté le 4 juillet 2012 par le Parlement Européen.

LOPPSI : Loi d’Orientation et de Programma-tion pour la Performance de la Sécurité Inté-rieure. Texte très large relatif à la criminalité générale, attentatoire notamment aux libertés numériques. Concernant le numérique, la loi prévoyait :-l’usurpation d’identité sur Internet sera un délit puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.-il sera possible d’imposer aux fournisseurs d’accès à Internet le blocage de sites Web pu-bliant du contenu pédo-pornographique par une autorité administrative (et non décidée par un juge).-une liste noire des sites, non rendue pu-blique, sera établie par l’administration, les FAI seront quant à eux tenus de bloquer l’accès à ces sites.

-une obligation de filtrage des adresses IP dé-signées par arrêté du ministre de l’Intérieur-la police, sur autorisation du juge des liber-tés, pourrait utiliser tout moyen (physique-ment ou à distance) pour s’introduire dans des ordinateurs et en extraire des données dans diverses affaires sans le consentement des propriétaires de l’ordinateur.

CETA : Canada-EU Trade Agreement (en français Accord Économique et Commercial Global (AÉCG)). Nouveau traité international multilatéral, dont les dispositions relatives au droit d’auteur reprennennt celle de la LOPPSI et du Traité ACTA.

ARCEP : Autorité de Régulation des Commu-nications Électroniques et des Postes. Au-torité administrative indépendante chargée de réguler les réseaux de communication en France.

CNIL : Commission Nationale de l’Informa-tique et des Libertés instaurée par Loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978. Autorité administrative indé-pendante chargée réglementer la pratique du fichage de manière à ce qu’elle respecte la vie privée des personnes dont les informations sont collectées.

Groupe des 29 : (Groupe de travail Article 29 sur la protection des données ou G29) organe consultatif européen indépendant sur la pro-tection des données et de la vie privée. Il est le regroupement des CNIL européennes.

CADA : Commission d’Accès aux Documents Administratifs. Autorité administrative indé-pendante qui a pour objectif de faciliter et contrôler l’accès des particuliers aux docu-ments administratifs.

Puce RFID (Radio Frequency IDentification): Puce contenant des informations pouvant être captées et récupérées sans contact par radio identification. On le trouve dans un grand nombre de produits aujourd’hui com-mercialisés allant des vêtements à l’électro-ménager. Utilisées à l’origine comme un outil de gestion des stocks et des inventaires des entreprises, elle pourrait aujourd’hui se trans-former en outil de suivi des consommateurs

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à la trace et notamment de personnalisation des publicités dont ils font l’objet par le tra-çage des produits achetés.

DPI : Deep Packet Inspection (Inspection des Paquets en Profondeur), technique permet-tant à un équipement d’analyser ou de filtrer un paquet réseau. Peut également, dans le cadre de la protection de la propriété intellec-tuelle servir d’outil de censure.

Cloud computing : procédé permettant le stockage de données sur des serveurs exté-rieurs.

Logiciel libre : Concept développé par Richard Stallman qui fut le premier à mettre en place des logiciels à la fois copiables et modifiables contrairement aux logiciels propriétaires.

Standards ouverts : Selon la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour “la confiance dans l’éco-nomie numérique” : “On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifi-cations techniques sont publiques et sans res-triction d’accès ni de mise en œuvre”

OEB : Office Européen des Brevets. Organisa-tion autonome regroupant 38 états membres. Elle offre aux inventeurs une procédure uni-forme de demande de brevet, leur permettant d’obtenir une protection par brevet. Elle est régie par la convention de Munich permettant de distinguer clairement entre inventions, re-levant du brevet, et découverte, bien commun ne pouvant être privatisé. Cette distinction est aujourd’hui de plus en plus floue.

B2i : Brevet informatique et internet instauré en 2000 dans les collèges de France. Première tentative d’introduction des TIC, Technolo-gies de l’Information et de la Communication dans les contenus pédagogiques, son contenu est aujourd’hui largement critiqué. L’objectif originel était d’introduire une dimension cri-tique et politique dans l’approche des TIC dès l’enfance.

Fair Dealing, ou utilisation équitable : cette notion, largement développée au Canada, permet de suspendre par la loi l’application d’exceptions aux droits d’auteurs sur certains sujets comme en matière éducative ou d’aide aux personnes en situation de handicap no-tamment.

Terra Nullius : locution latine signifiant « ter-ritoire sans maître ». C’est un espace qui peut être habité, mais qui ne relève pas d’un État. Selon ce principe, les terres ne sont possé-dées par personne. C’est un mode juridique reconnu d’acquisition de la souveraineté sur un territoire par un État, que la Cour interna-tionale de justice a aujourd’hui compétence pour valider.

Peer to peer (P2P) : procédé permettant à plu-sieurs ordinateurs de partager et de recevoir certaines données en réseau grâce à un lo-giciel particulier. Chaque ordinateur est à la fois client et serveur. Cette technique permet d’éviter de centraliser des données sur un seul et même réseau.

Régime du Creative Commons : organisation à but non lucratif dont le but est de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standards de leur pays, jugés trop restrictifs

Digital Rights Management (DRM) : gestion numérique des droits (GND), ou gestion des droits numériques (GDN). Technique permet-tant la restriction de l’utilisation ou de la copie d’oeuvres numériques.

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