Download - Courbet, présentation par D. Colin
Gustave Courbet 1819-1877
Delphine Colin
Sommaire
• Etude de l’oeuvre de Courbet à partir de trois grands axes de réflexion liés au programme de terminale:
• La place du spectateur et du tableau (espace du sensible)
• Le processus créateur (le chemin de l’oeuvre)
• L’évolution du sujet (oeuvre, filiation, rupture)
Delphine Colin
I. La place du spectateur
• Cet axe nous permet :
• de mettre en perspective l’oeuvre de Courbet avec son temps : le Réalisme, l’art et ses lieux d’exposition, la critique, les artistes qui lui sont contemporains...
• de questionner les liens particuliers que Courbet créent dans ses peintures avec l’espace réel : composition, regard, témoignage, absorption dans l’oeuvre, ces questions concernent autant la représentation que la présentation
Delphine Colin
1. Abolition des distances ���entre le peintre, le spectateur et le
modèle
• par le choix des sujets puisés dans la vie sociale et l'expérience banale
• Par la présentation : les grands formats, L’échelle 1 des personnages peints
• Par ces procédés, le spectateur devient témoin privilégié de l’événement peint.
• Plus encore, pour M. Fried, il adopte une position
• «anti-théatrale» où le spectateur n'est pas extérieur à la scène, mais est absorbé en elle.
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Le sujet
• Mise en perspective avec le Réalisme : Il ne faut pas entendre par "réalisme" une tentative d'imitation servile du réel. Il s'agit pour Courbet de "traduire les moeurs, les idées, l'aspect de son époque" mais en faisant ressortir sa "propre individualité” -> Voir l'avant-propos de la brochure accompagnant son exposition personnelle du pavillon du Réalisme
• Comparaison J.F Millet / G. Courbet pour mettre en lumière la différence entre l’aspect théâtralisé de Millet et la réalité brute de Courbet, peinte sans complaisance, sans idéalisation et sans misérabilisme -> Par exemple : opposition entre L’Angelus et les glaneuses de Millet; et Les casseurs de pierre de Courbet
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L’Angélus (1857-1859) ; les Glaneuses (1857) de Millet
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Les Casseurs de pierres (1850) ; Les cribleuses de blé (1854) de Courbet
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Représentation et présentation
• Etude d’une œuvre emblématique : L’enterrement à Ornans, 1849 -> montrer comment Courbet implique les spectateurs dans la toile :
• La représentation des personnages (échelle)
• La volonté de surprendre la vie quotidienne (jeu des regards)
• Le travail de la couleur
• La rupture avec les conventions ( format,
composition, choix du sujet) Delphine Colin
Courbet, L’enterrement à Ornans, 1849, huile sur
huile sur toile, 315 cm × 668 cm
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Représentation et présentation
• Mise en perspective :
• Par rapport au format et à la peinture d’histoire : Jacques Louis David, Le Sacre de Napoléon
• Par rapport au spectateur : voir Bill viola, série des vidéos Passions
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David, Le sacre de Napoléon, 1805-07, huile sur toile, 6,21 x 9,79 cm, Louvre
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Bill Viola, Observance, 2002, vidéo couleur diffusée sur écran plasma, 10min15
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Le spectateur-voyeur
• L'Origine du monde, 1866 ou le regard interdit : expliquer toute l’histoire du tableau avant son exposition au Musée d’Orsay, à la vue de tous, à partir de 1995
• Mise en perspective : • le dispositif Étant donnés : 1) La chute d’eau 2) le gaz d’éclairage…,
de Marcel Duchamp
• L’Olympia de Manet
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Courbet, L’origine du monde, ���Huile sur toile, 46 x 55 cm
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Marcel Duchamp, Étant donnés : 1) La chute d’eau 2) le gaz d’éclairage…,
1946-66, installation
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Loriot et Melia, Courbez vous, 1997
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Manet, L’Olympia, 1863, huile sur toile���130.5 x 190 cm, Musée d’Orsay
Delphine Colin
2. La réception par le public au XIXème siècle
• Mise en perspective : L’art et ses lieux d’exposition et de diffusion au XIXème siècle
• Les salons
• Les expositions universelles
• L’art, l’artiste, et le public : Courbet et la rupture avec l’académisme, la stratégie du scandale
• La réception par la critique
• Les expositions personnelles : Le Pavillon du réalisme
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Photographie de Gustave Le Gray, ���Salon de 1852; Heim, Le salon de 1824
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2. Le processus créateur
• Cet axe questionne tout d’abord le nouveau rapport qui s’instaure entre le paysage et l’artiste : la peinture «sur le motif»
• Puis dans un second temps il s’agit de s’intéresser à la place du dessin dans l’oeuvre de Courbet : sa formation, les esquisses préparatoires, le dessin comme oeuvre à part entière, le recours à la photographie
• Enfin d’étudier les oeuvres «au chevalet» ou l’artiste dans son atelier comme représentation de l’acte même de peindre
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La peinture «sur le motif»
• observation dans la nature des réalités des couleurs et de la lumière : les ombres colorées
• travail de la matière, vivacité du geste et du mouvement : les Paysages de mer
• Mise en perspective : L’invention du tube de peinture; L’Ecole de Barbizon, L’Impressionnisme
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La couleur et la lumière : ���le travail des ombres colorées
l'hallali du cerf, 1856 Delphine Colin
Les paysages de mer
La mer orageuse dit aussi La vague, 1870, Huile sur toile, 117 x 160,5 cm Delphine Colin
Les paysages de mer
La Falaise d'Etretat Delphine Colin
L’Impressionnisme
Claude Monet, Etretat, soleil couchant, 1883,
Huile sur toile, musée d’art moderne, Caroline du nord Delphine Colin
L’Impressionnisme
Eugène boudin,
Les lavandières sur la plage d’Etretat, 1894
Eugène boudin,
la falaise d’Aval au coucher du soleil Delphine Colin
Les paysages de mer
Les paysages de mer sont dépourvus de toute présence humaine, seulement suggérée par des bateaux de pêche échoués sur le sable ou voguant à l'horizon. On ne trouve ainsi jamais chez Courbet l'intérêt pour la vie balnéaire moderne dont témoignent les oeuvres de Boudin ou de Monet, qu'il fréquente souvent dans les années où l'impressionnisme est encore à venir. Fasciné par l'immensité des ciels et de l'eau, Courbet cherche à exprimer les brusques et sauvages sursauts de la vie organique, l’isolement et l’infini. Delphine Colin
Comparaison
Hokusaï, La grande vague, vers 1831 Delphine Colin
Peinture en série
Le ruisseau noir, 1865, Huile sur toile, 94 x 135 cm
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Peinture en série
Outre les séries consacrées aux paysages de mer, Courbet a réalisé toute une série des paysages de sous-bois du Puits noir.
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L’Impressionnisme
Monet, Etretat, série
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L’ar%ste dans son atelier : représenta%on de l’acte de peindre
• Outre la toile très célèbre de L’atelier du peintre, Courbet s’est représenté à plusieurs reprises «au chevalet».
• En choisissant de se représenter dans l’acte de peindre, l’ar%ste joue sur ce rapport de soi à soi, tout en y invitant le spectateur, cet autre qui observe et transforme doublement le je en objet. D’autre part, il affirme le statut du peintre, créateur qui fait surgir les formes sur la toile et que l’on trouve par%culièrement exprimé dans la vision de l’ar%ste «génie inspiré» chez les roman%ques.
Delphine Colin
Jeune homme assis, étude. Autoportrait dit au chevalet
Le peintre à son chevalet,1848,
Fusain sur papier crème, 55 x 33 cm Jeune homme assis ou autoportrait au chevalet, 1847, fusain sur papier 45 x 34 cm
Delphine Colin
L'atelier du peintre, 1855
L'Atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie ar;s;que et morale, Huile sur toile, 361 x 598 cm Dans ce véritable tableau-‐manifeste, chaque figure représente une valeur dis%ncte : « C'est la société dans son haut, dans son bas, dans son milieu. En un mot , c'est ma manière de voir la société dans ses intérêts et ses passions. C'est le monde qui vient se faire peindre chez moi». Au centre de tout, le peintre se pose comme médiateur. Courbet affirme ainsi la fonc%on sociale de l'ar%ste dans une vaste scène aux dimensions de la peinture d'histoire.
L'atelier du peintre, 1855
Delphine Colin
L'atelier du peintre, 1855
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Mise en perspec%ve
Comparaison avec le processus créateur du Radeau de la Méduse de Géricault : mul%tude des dessins préparatoires, modèles vivants ou membres récupérés à la morgue, choix de la composi%on, témoignage des survivants...
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Nombre d’ar%stes se représentent dans l’atelier, dans l’acte même de peindre. On peut penser entre autres au triple autoportrait de Johannes Gumpp (1646) et celui de Rockwell; à Veermer, L’atelier du peintre, 1665-‐67; et aux Menines de Vélasquez.
Effets communs : -‐ la mise en abîme : présence de l'image en cours de réalisa%on, répé%%on infinie de l'image créant un effet de ver%ge par un jeu de cadres, de tableaux, de miroirs
-‐ l'emboîtement d'espaces : passage d'un espace à un autre, renvoi à l'espace hors-‐champ (espace de l'ar%ste, du spectateur)
-‐ un autoportrait finalement absent : le peintre est dos, tout en%er dans l’acte du faire. Chez Velasquez, posture toutefois différente : le peintre fait face au spectateur et c’est le sujet de la toile peinte qui se dérobe à la vue.
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Mise en perspec%ve
Gumpp, Autoportrait au miroir,1646, huile sur toile, 88 x 59 cm; et en tondo
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Mise en perspec%ve
Triple autoportrait,1960
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Vermeer, L’atelier du peintre, 1665-‐67
Delphine Colin
Velasquez, Les Ménines, 1656
Delphine Colin
3. L’évolu%on du sujet : filia%on et rupture
• Il s’agit ici de s’intéresser à deux sujets qui traversent toute l’oeuvre de Courbet :
• L’autoportrait, entre héritage roman%que et modernité : mise en scène ou réalisme?
• La représenta%on du nu et la rupture avec l’académisme -‐> cet axe permet de mejre en perspec%ve Courbet avec la tradi%on du nu féminin, Ti%en/Cabanel, le réalisme de Manet et les représenta%ons du corps au XXème siècle
Delphine Colin
L’autoportrait
• Mise en scène de soi : » peintre au chevalet » figure de l’absorp%on » expressivité
• L’expression du temps qui passe
• Peinture et photographie
Delphine Colin
Mise en scène de soi
Pe;t portrait de l'ar;ste au chien noir,1842 Delphine Colin
Mise en scène de soi
Autoportrait à la pipe,1849
Mise en scène de soi
La sieste champêtre
Les amants heureux
Mise en scène de soi
L'homme blessé, Entre 1844 et 1854, Huile sur toile, 81,5 x 97,5 cm
Delphine Colin
Mise en scène de soi
Le désespéré, 1845, huile sur toile, 45 x 54 cm Delphine Colin
Mise en scène de soi
A noter :
-‐ la proximité entre la représenta%on et la surface du tableau : le format de l’oeuvre, le cadrage et le jeu de hors-‐champ, le regard
-‐ la lumière : parcourt sur le corps, révéla%on de l’anatomie, effet de surgissement, mise en valeur des gestes des bras et des mains
-‐ l’exacerba%on des sen%ments, héritée du Roman%sme : ici contrebalancée par la théâtralisa%on et l’effet d’instantanéité
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Goya
Schiele Delphine Colin
Le rapport au temps
"J'ai fait dans ma vie bien des portraits de moi au fur et à mesure que je changeais de situa;on d'esprit. J'ai écrit ma vie en un mot" Courbet
Delphine Colin
Rembrandt, autoportraits
Rembrandt a réalisé des dizaines d’autoportraits, de ces 20 ans jusqu’à un âge très avancé, essayant d’être au plus prêt de
ses transforma%ons physiques Delphine Colin
Opalka
« Pour appréhender le temps, il faut prendre la mort comme réelle dimension de la vie. L'existence de l'être n'est pas plénitude, mais un étant où il manque quelque chose. L'être est défini par la mort qui lui manque. » Roman Opalka, Entre%ens
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Peinture et photographie
Hector Berlioz, 1850,
Huile sur toile, 61x48 cm
Félix Nadar, Berlioz,1863
Epreuve sur papier albuminé, 23,8 x 18,7 cm
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La représenta%on du nu
• Courbet u%lise des photographies de nus dont il possède une importante collec%on. La photographie lui permet de transgresser la tradi%on et de se libérer de la contrainte académique du beau idéal, pour une femme «réelle».
• Courbet peint la réalité du corps féminin : le nu est montré dans la présence brute du corps exhibé. Le nu est peint sans jus%fica%on morale ni esthé%que ; il ne s’agit pas d’allégorie, le nu n’a d’autre raison que lui même
Delphine Colin
La représenta%on du nu
La baigneuse, 81 x 70 cm, collec%on par%culière
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La représenta%on du nu
Les baigneuses, présentées au Salon de 1853
La représenta%on du nu
La Source, 1868, Huile sur toile, 128 x 97 cm
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
• De manière plus générale, la représenta%on du nu, dans l’histoire de l’art, interroge le rapport au modèle vivant.
• Le corps ques%onné, désirable, sublime ou disloqué, au-‐delà des codes de représenta%on du "beau idéal", suscite des sen%ments complexes imposant formes, lignes et couleurs.
• Le réalisme apporté par Courbet et Manet peut être ainsi mis en perspec%ve avec le corps sublimé des Vénus (Cabanel) ou les corps fragmentés, stylisés, déformés du XXème siècle (Picasso, Ma%sse, Bacon...)
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Ingres, La source, 1820
Picasso, Femme nue à la Source, 1962
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Mise en perspec%ve
Ti%en, La Vénus d'Urbino, 1538, Huile sur toile, 119 x 165 cm
Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Manet, Olympia,1863
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Mise en perspec%ve
Cabanel, La naissance de Vénus, 1863, huile sur toile, 85.1 x 135.9 cm
« (...) la Naissance de Vénus, de M. Cabanel, qui charme et séduit sans exciter de désirs. Ce qu'on admire ici, c'est l'élégance des formes, la correc%on du dessin, la finesse et la fraîcheur du coloris. C'est moins nature que la Perle de M. Baudry; mais c'est plus purement, plus poé%quement beau» Louis Auvray, Exposi%on des beaux-‐arts : salon de 1863
« Prenez une Vénus an%que, un corps de femme quelconque dessiné d'après les règles sacrées, et, légèrement, avec une houppe, maquillez ce corps de fard et de poudre de riz ; vous aurez l'idéal de monsieur Cabanel» Émile Zola, Nos peintres au Champ-‐de-‐Mars -‐ 1867
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Mise en perspec%ve
La juxtaposi%on d'une femme nue « ordinaire », regardant le public, et de deux hommes tout habillés a suscité la controverse lorsque l'œuvre a été exposée pour la première fois au Salon des Refusés en 1863.
Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, 208 x 264 cm
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Mise en perspec%ve
Picasso, Les demoiselles d'Avignon, 1907, huile sur toile, 244 x 234 cm Delphine Colin
Mise en perspec%ve
Francis Bacon, Etudes pour un corps humain,Triptyque, 1970
Delphine Colin
Pour conclure
Sa modernité passe par sa façon de traiter le sujet : les scènes quo%diennes prennent des dimensions monumentales, la représenta%on du nu rompt avec la tradi%on pour être dévoilé dans sa réalité brute, les paysages se déploient en série et jouent sur les effets de lumière naturelle.
Courbet est aussi moderne dans sa nouvelle façon d'impliquer le spectateur : les choix des formats, des cadrages et des composi%ons obliques ; les impressions de saisissement sur le vif et les jeux des regards extra-‐iconiques, par%cipent de ce rapport par%culier entre espace fic%f et espace réel. Les nombreux scandales qui jalonnent son parcours témoignent de ceje modernité, de son affranchissement des règles académiques tout en devenant le ressort même de sa pra%que et de son posi%onnement ar%s%que.
Mais peut-‐être Courbet est-‐il surtout moderne dans son interroga%on même, tout au long de sa vie, sur son statut et son expérience d'ar%ste, véritable quête qui sous-‐tend toute sa démarche?
Delphine Colin