Conférences petit-déjeuner
Des 23 et 24 juin 2016
DECRYPTAGE DU PROJET DE « LOI TRAVAIL »
1
I. INTRODUCTION
I.1 Une genèse difficile
Un projet de Loi Travail manquant de cohérence
Avec 54 articles et pas moins de 224 pages, le projet de loi ressemble à une usine à
gaz. On est loin du rapport Combrexelle qui prônait que toute création d'une
disposition nouvelle soit compensée par la suppression d'une disposition obsolète.
Le projet de loi embrasse une trop grande diversité de sujets. Alors que projet de loi
initial était centré sur la négociation collective, son périmètre a notamment été
étendu, entre autres choses, à sécurisation des parcours professionnels, au portage
salarial, aux licenciements économiques, à la responsabilité sociale des plateformes
électroniques, au harcèlement sexuel, à la réforme de la médecine du travail … Il
devrait même inclure le fait religieux dans l’entreprise si l’amendement porté par la
sénatrice Françoise Laborde et adopté par le Sénat est retenu par l’Assemblée
Nationale.
Un projet de loi qui arrive en fin de mandat présidentiel et à un moment où la côte de
popularité du Président de la République et celle du Premier ministre sont particulièrement
basses. Il est difficile pour un exécutif affaibli de porter un projet de loi d’une telle
ampleur.
Une communication pas toujours heureuse de la part du Gouvernement
Le projet de loi a été mal expliqué et défendu par le gouvernement, laissant la tâche
facile à ceux qui souhaitaient le décrédibiliser.
Certaines maladresses de rédaction allant jusqu’au titre même du projet de loi
« visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les
entreprises et les actifs ».
Le projet a été divulgué trop tôt, le 17 février 2016, avant même d’être soit soumis
au Conseil d’Etat et dans une version qui était loin d’être finalisée.
Le Premier ministre et Ministre du travail ont très/trop tôt parlé de la possibilité de
recourir à l’article 49-3, ce qui était un aveu de faiblesse.
Les réactions des syndicats contestataires relèvent de la posture
Le projet de Loi Travail avait été précédé par plusieurs rapports rendus publics et,
dans l’ensemble, plutôt bien accueillis par la plupart des organisations syndicales :
2
le rapport Combrexelle visant à donner à la négociation collective une place
prépondérante et le rapport Césaro proposant des pistes de réflexion pour
dynamiser la négociation collective au sein des entreprises.
Les organisations syndicales ne peuvent donc faire semblant de découvrir le projet
de Loi Travail, ce d’autant que le rapport Combrexelle dont il s’inspire très
largement avait pour principal objet, aux termes même de la lettre de mission du
Premier ministre, de réfléchir sur « l’élargissement de la place de l’accord collectif
dans notre droit du travail et la construction de normes sociales » afin « de faire
une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation
d’entreprise, pour une meilleure adaptabilité des normes aux besoins des
entreprises ainsi qu’aux aspirations des salariés ».
Le projet de Loi Travail intervient dans un cadre légal qui, depuis 2013, s’est
considérablement réformé afin de renforcer le dialogue social et le rôle des
partenaires sociaux par le biais notamment de :
la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, qui a permis à la plupart
des plans de sauvegarde de l’emploi d’être adoptés dans le cadre d’accords
collectifs conclus avec des organisations syndicales majoritaires au sein des
entreprises ;
la loi relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale du
5 mars 2014, qui a modifié les règles sur la représentativité syndicale et
patronale) ;
la loi relative au dialogue social du 17 août 2015 tendant notamment au
regroupement des négociations obligatoires et à l’extension de la DUP.
I.2 Le projet de Loi Travail va dans le bon sens
Il conforte la légitimité de la négociation d'entreprise en confiant l'élaboration de la norme
juridique à ceux chargés de la mettre en œuvre dans l’entreprise et qui sont les plus à
même d'en évaluer la pertinence, au plus près des intérêts des salariés.
Il acte ce qui se passe déjà dans la réalité puisque depuis 2013, pas moins de 44.000
accords d’entreprise ont été signés par l’ensemble des organisations syndicales dont la
CGT.
Il élargit enfin les domaines de compétence de la négociation collective afin de permettre
aux partenaires sociaux de passer d’une culture de l’affrontement à une culture du
compromis et de la négociation.
3
I.3 Quand le projet de Loi Travail sera-t-il voté ?
Avec le rejet de la motion de censure du gouvernement, le jeudi 12 mai 2016, le projet de
loi a été considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Le texte
est désormais entre les mains des Sénateurs, qui, réunis en séance publique depuis le 13
juin 2016, l’ont largement amendé.
Compte tenu des divergences de vues entre les deux chambres du Parlement, la
Commission Mixte Paritaire (« CMP ») devrait être réunie afin de trouver un compromis.
Après un probable échec de la CMP, le texte reviendra à l’Assemblée Nationale où il sera
adopté, selon toutes vraisemblances, au début du mois de juillet 2016, après un nouveau
recours à l’article 49-3 de la Constitution.
II. LA NOUVELLE ARCHITECTURE DU CODE DU TRAVAIL
II.1 Une architecture en trois strates
Les dispositions d’ordre public, auxquelles il ne sera, par principe, pas possible de
déroger en la défaveur des salariés car elles fixent les garanties minimales qui leur sont
accordées ainsi que le cadre de référence de l’organisation collective du travail. C’est ainsi
qu’il ne sera pas possible de déroger à la durée hebdomadaire du travail fixée à 35h, au
SMIC ou encore à la nécessité de justifier d’un motif figurant dans la loi pour licencier un
salarié en raison de difficultés économiques.
La négociation collective au niveau de l’entreprise :
Le projet de Loi Travail consacre la primauté des accords d’entreprise sur les
accords de branche car ce n’est, en principe, qu’à défaut d’accords d’entreprise que
les accords de branche recouvreront leur compétence. Ainsi, il sera possible de
négocier un accord d’entreprise abaissant le taux de majoration des heures
supplémentaire à 10% quand bien même l’accord de branche contiendrait des
dispositions l’interdisant expressément.
Le supplétif :
A défaut d’accord d’entreprise, il sera fait application du droit existant. Par
exemple, en cas d’absence d’accord d’entreprise sur le taux de majoration des
heures supplémentaires, il sera fait application des dispositions légales actuellement
applicables, selon lesquelles « les heures accomplies au-delà de la durée légale
(…) donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour les 8 premières heures
et (…) de 50 % pour les suivantes ».
Dans ces conditions, le projet de Loi Travail ne représente en rien un recul des
droits des salariés car, en l’absence d’accord, ce sont les dispositions légales et
réglementaires ainsi que les accords de branche et la jurisprudence applicable qui
retrouveront effet.
4
II.2 Il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes
Les accords d’entreprise restent strictement encadrés par la loi
Si le projet de Loi Travail consacrait le principe de l’inversion de la hiérarchie des
normes, les partenaires sociaux pourraient créer de la norme comme bon leur
semble. Or, le projet de loi ne leur donne pas une telle prérogative.
Il faut savoir, en effet, que si le champ des accords d’entreprise est élargi, c’est
uniquement parce que la loi l’autorise.
C’est ainsi que les accords d’entreprises ne pourront pas :
abaisser en deçà de 10% le seuil de majoration des heures supplémentaires ;
déroger, sauf exceptions strictement encadrées par la loi, aux 11 heures de
repos quotidien ;
étendre au-delà de 46 heures hebdomadaires la moyenne de la durée du
travail sur une période de 12 semaines ;
déroger à la durée hebdomadaire fixée à 48 heures pour la porter à 60
heures, sauf à strictement remplir les conditions requises par la loi ;
adapter à leur guise la règlementation sur les licenciements économiques,
celle-ci demeurant totalement en dehors du champ de négociation des
accords collectifs.
Les accords de branche gardent certaines compétences exclusives et prévalent donc sur
les accords d’entreprise sur des sujets tels que :
la durée minimale du travail pour les contrats de travail à temps partiel ;
les classifications ;
les salaires ;
la protection sociale complémentaire ;
la modulation du temps de travail au-delà d’une période de 12 mois.
II.3 Le projet de Loi Travail remet en cause le principe de « faveur »
En application du principe de faveur, une norme inférieure ne peut déroger à une norme
supérieure en la défaveur des salariés.
La remise en cause du principe de faveur n’est pas chose nouvelle :
Il convient de rappeler que la loi n°2004-391 du 4 mai 2004 relative au dialogue
social permettait déjà aux accords d'entreprise ou d'établissement de déroger aux
accords de branche, dès lors si ces derniers ne l’interdisaient pas.
5
Saisi de cette difficulté, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du
29 avril 2004, avait considéré « que le principe en vertu duquel la loi ne peut
permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux
conventions de portée plus large que dans un sens favorable aux salariés ne résulte
d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et […] ne
saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la
République […] ».
La loi du 20 août 2008 sur la réforme du temps de travail est allée encore plus loin
dans la remise en cause du principe de faveur puisqu’elle a permis aux accords
d’entreprise de déroger aux accords de branche en la défaveur des salariés dans de
nombreux domaines (par ex. conventions de forfait jours, fixation du contingent
d'heures supplémentaires ou encore mise en place du compte épargne temps) et
surtout en supprimant toute possibilité de verrouillage de ces domaines par les
branches. En d’autres termes, la loi de 2008 permettaient aux accords d’entreprise
de déroger aux accords de branche dans un sens moins favorable aux salariés même
si les accords de branche l’interdisaient expressément.
La Loi Travail va encore plus loin en étendant les domaines dans lesquels il est
possible aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche dans un sens
moins favorable aux salariés. Pour s’en convaincre, examinons la partie « durée du
travail » du projet de loi.
III. LA DUREE DU TRAVAIL
Encore plus de flexibilité pour les entreprises :
Ainsi que nous venons de le voir, la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la
démocratie sociale et réforme du temps de travail permet de faire primer l’accord
d’entreprise sur l’accord de branche même dans l’hypothèse où ce dernier
l’exclurait. Seulement, cette loi ne le permettait que dans les six catégories
suivantes :
fixation du contingent d’heures supplémentaires et conditions de son
dépassement ;
mise en place d’un repos compensateur de remplacement et conditions de
prise du repos ;
conventions de forfait en heures ou en jours sur l’année : il est ainsi possible
de fixer par accord d'entreprise un nombre de jours supérieur à celui fixé par
l’accord de branche, même si ce dernier l'interdit expressément ;
aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et
au plus égale à l’année ;
mise en place d’un compte épargne-temps ;
6
et, enfin, choix de la date de la journée de solidarité.
Le projet de Loi Travail élargit les possibilités existantes. Ainsi, la primauté est
accordée aux accords d’entreprise sur les accords de branche dans les domaines
suivants et sous réserve, le cas échéant, de respecter les conditions posées par la
loi :
fixation du taux de majoration des heures supplémentaires dès lors qu’il ne
va pas en deçà de 10% ;
dépassement de la durée hebdomadaire moyenne de travail dans la limite de
46 heures sur une période quelconque continue de 12 semaines ;
durée quotidienne maximale de travail pouvant être portée jusqu’à 12h
dérogation au repos quotidien minimal de 11 heures consécutives ;
détermination du contingent d’heures complémentaires ;
dépassement du temps normal de déplacement professionnel ;
fixation des contreparties aux temps d’habillage/déshabillage ;
rémunération des temps de restauration et de pause ;
modalités de report en cas d’horaires individualisés,
Durée légale de 35 heures et majoration des heures supplémentaires
Si la durée légale de 35 heures, comme seuil de déclenchement des heures
supplémentaires, est maintenue comme dispositif d’ordre public, les parties à
l’accord d’entreprise auront la possibilité de fixer la période de référence de la
durée hebdomadaire légale (35 heures) sur toute période de 7 jours déconnectée de
la semaine civile.
Le fait que les heures supplémentaires ne soient plus nécessairement
décomptées sur une période civile permettra à l’employeur de décaler le
point de départ des 7 jours de manière à neutraliser le seuil de
déclenchement des heures supplémentaires en fonction du cycle d’activité
de l’entreprise.
Dorénavant, et c’est une différence avec ce qui existe aujourd’hui, la
dérogation à la semaine civile de référence pourra intervenir :
dans les branches d’activité autres que celles qui ont un caractère
saisonnier mentionnées à l’article L.3132-7
Sans subordonner la signature de l’accord d’entreprise à la conclusion
préalable d’un accord de branche étendu ou à la publication d’un décret.
7
En matière d’heures supplémentaires, priorité sera donnée à l’accord d’entreprise :
La majoration de 25 % pourra désormais être abaissée à 10 % par accord
d’entreprise, peu importe que l’accord de branche ait entendu verrouiller le taux de
majoration des heures supplémentaires à 25%.
La majoration de 50 %, au-delà de l’accomplissement des huit premières heures
supplémentaires, pourra être supprimée.
Si, comme actuellement, l’employeur pourra exiger du salarié qu’il accomplisse des
heures supplémentaires dans la limite et au delà du contingent annuel applicable
dans l’entreprise, le projet de Loi Travail met cependant fin à l’obligation de
l’employeur d’informer (dans la limite du contingent) ou de consulter (au-delà du
contingent) le comité d’entreprise, ou à défaut les délégués du personnel.
Toutefois, rien n’interdira aux organisations syndicales d’exiger dans l’accord que
le CE ou le CHSCT soient, selon le cas, informés ou consultés.
Durée journalière maximale :
Il est d’ores et déjà possible de déroger à la durée journalière maximale du travail :
une dérogation peut être accordée par l’inspection du travail en cas de surcroît
temporaire d’activité (travaux devant être exécutés dans un délai déterminé en
raison de leur nature, des charges imposées à l’entreprise ou des engagements
de celle-ci) ;
l’employeur peut de lui-même et sous sa propre responsabilité déroger à la
durée journalière du travail en cas d’urgence et sous réserve que la
régularisation de sa demande de dérogation auprès de l’inspection du travail
intervienne dans les plus brefs délais ;
enfin, cette dérogation peut résulter d’un accord de branche étendu ou d’un
accord d’entreprise ou d’établissement dès lors que la durée journalière du
travail n’est pas portée au-delà de 12 heures.
Le projet de loi ne revient pas sur la durée maximale quotidienne de 10 heures. Il
reprend les cas de dérogation susvisés. C’est ainsi qu’il sera toujours possible de
déroger en cas de :
réalisation de certains travaux spécifiques et après autorisation de la Direccte
(au lieu de l’autorisation de l’inspection du travail, comme c’est le cas
actuellement) ;
en cas d’urgence ;
par accord collectif, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à
l’organisation de l’entreprise, et toujours dans la limite de 12 heures.
8
On peut ainsi dire que le projet de Loi Travail ne modifie pas substantiellement la
réglementation actuelle sur l’amplitude maximale de la journée du travail.
Durée hebdomadaire maximale
Le projet de loi ne revient pas sur la double limite de 48 heures au cours d’une
même semaine et de 44 heures sur une période quelconque de 12 semaines. Il ouvre
cependant de nouvelles souplesses, par la conclusion d’accords d’entreprise
majoritaires, pour organiser le temps de travail au plus près du terrain.
Actuellement, il ne peut être dérogé, dans une entreprise, à la durée maximale de 44
heures en moyenne sur 12 semaines (dérogation à hauteur de 46 heures) que si un
décret, pris après conclusion d’une convention ou d’un accord collectif de branche,
le permet (Cf. article L.3121-36).
Dans le cadre du projet de loi, ce dépassement pourrait être autorisé par simple
accord ou par l’autorité administrative, à condition que ce dépassement n’ait pas
pour effet de porter cette durée à plus de 46 heures sur une période de 12 semaines
(et non plus de 16 semaines, comme prévu dans le projet de Loi Travail initial).
Le projet de loi maintient le plafond existant de 48 heures en présence d’un accord.
Toutefois, alors que cette possibilité n’était autorisée que par la conclusion d’un
accord de branche validé par décret, il sera désormais possible de passer par un
accord d’entreprise ou d’établissement, et ce dernier niveau de norme
conventionnelle sera prioritaire sur l’accord de branche. Il ne sera plus nécessaire
de faire « valider » par décret l’accord ainsi conclu.
En d’autres termes, si la double limite de 44 heures et de 48 heures est maintenue,
on peut néanmoins dire que ses conditions de mise en œuvre sont assouplies.
Modulation du temps de travail
L’enjeu de ce dispositif est de mieux répondre aux besoins des entreprises – petites
et grandes – en matière d’aménagement du temps de travail. Plus particulièrement,
cette mesure vise à permettre aux entreprises qui sont en capacité de prévoir leur
charge d’activité au-delà d’un an de moduler la durée du travail des salariés au plus
près de la variation prévisionnelle de cette charge (cas des entreprises dont
l’activité porte par nature sur des projets pluriannuels (construction aéronautique,
navale, automobile, transport, etc.)
Aux termes du projet de loi, la modulation peut se faire sur une période allant
jusqu’à trois ans, après accord d’entreprise, mais uniquement si l’accord de branche
l’autorise. Aujourd’hui, le temps de travail ne peut être aménagé que sur une
période maximale d’un an.
9
D’après le projet de loi, si la période de référence est supérieure à un an, l’accord
devra nécessairement prévoir un seuil, supérieur à 35 heures, au-delà duquel les
heures accomplies au cours d’une même semaine « sont en tout état de cause des
heures supplémentaires rémunérées avec le salaire du mois considéré ».
Il est donc inexact de dire, comme le prétendent certains adversaires du projet de
loi, que le salarié devra attendre 3 ans pour que ses heures supplémentaires soient
payées.
À défaut d’accord collectif sur la modulation du temps de travail, l’employeur
pourra toujours aménager unilatéralement le temps de travail sur une période ne
pouvant excéder 4 semaines lorsque l’effectif salarié est d’au moins 50 salariés. En
dessous de ce seuil, l’employeur pourra moduler le temps de travail, de façon
unilatérale sur une période d’au moins 9 semaines (au lieu de 16 semaines dans
l’avant-projet de loi initial).
III. SECURISATION DES FORFAITS JOURS
Les forfaits annuels, en heures ou en jours, ont été mis en place par la loi n°2000-37 du 19
janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (dite « Aubry II »).
A partir de 2011, la Cour de cassation est venue renforcer l'encadrement juridique du forfait
en jours. C’est ainsi qu’aux termes d’un arrêt du 29 juin 2011, la Cour de cassation a jugé que
« toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les
stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des
repos, journaliers et hebdomadaires ». Puis, le 24 avril 2013, la Cour de cassation a jugé que
« l’amplitude et la charge de travail [doivent être] raisonnables et [assurer] une bonne
répartition, dans le temps du travail de l’intéressé [afin d’] assurer la protection de la
sécurité et de la santé du salarié ».
Cela a conduit la Cour de cassation à déclarer illicites les stipulations de 7 accords de branche
instituant le forfait en jours (par ex. convention collective de l'industrie chimique ou encore
commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire), ce qui a conduit à l’annulation de
l’ensemble des conventions individuelles conclues sur le fondement des accords de branches
jugés illicites.
Le projet de Loi Travail reprend les dispositions actuelles du code du travail et la
jurisprudence susvisée sur les conventions de forfait.
Le projet de Loi Travail prévoit qu’afin de mieux prendre en compte les impératifs de
protection de la santé et de la sécurité des salariés liés à leur charge de travail, l’accord
d’entreprise mettant en place les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année devra
déterminer :
Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier
de la charge de travail de sorte que celle-ci demeure raisonnable. Le projet de Loi
Travail n’indique cependant pas ce qu’il faut entendre par « charge de travail
10
raisonnable ». N’aurait-il pas cependant été plus simple de prévoir que « toute
convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les
stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi
que des repos, journaliers et hebdomadaires », ainsi que la Cour de cassation l’a
déjà jugé dans son arrêt du 29 juin 2011 ?
Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiqueront
périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son
activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur
l’organisation du travail dans l’entreprise.
Les modalités selon lesquelles le salarié pourra exercer son droit à la déconnexion.
On peut regretter, compte tenu de l’importance du sujet, que le projet de loi ne
contienne aucune disposition particulière sur le droit à la déconnexion. Cela donne
davantage le sentiment que le législateur a voulu se débarrasser du sujet plutôt que
de le voir traité par les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise.
Vers plus de sécurisation des forfaits jours
Que se passe t-il si l’accord d’entreprise conclu antérieurement à la publication de la Loi
Travail ne contient pas les dispositions susvisées ? Encourra t-il le risque d’être déclaré
invalide et d’entraîner, dans sa chute, l’annulation des conventions individuelles conclues sur
son fondement ?
Fort heureusement, la réponse est négative car le projet de Loi Travail prévoit un cadre
supplétif pour les entreprises couvertes par des accords dont le contenu ne correspondrait pas
à celui défini par le projet de loi.
Ainsi, selon le projet de Loi Travail, même si l’accord d’entreprise ne comporte pas les
dispositions susvisées, l’employeur aura toujours la possibilité de conclure valablement une
convention individuelle de forfait-jours avec les salariés, sous réserve :
d’avoir établi un document de contrôle du nombre de jours travaillés ;
de s’être assuré que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de
repos quotidiens et hebdomadaires ;
d’organiser un entretien annuel avec le salarié.
Autrement dit, l’employeur pourra combler unilatéralement les carences de l’accord collectif,
ce que la jurisprudence actuelle n’admet pas (Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-19807). De ce
point de vue, le projet de loi fait preuve d’un réel pragmatisme et on ne peut que s’en féliciter.
Les dispositions supprimées, que l’on regrette déjà :
On déplore que le projet de Loi Travail ait fait passer à la trappe la possibilité pour les
entreprises de moins de 50 salariés d’accéder au forfait annuel en jours en l’absence de tout
accord de branche car c’était là une vraie souplesse pour les PME.
11
Désormais, pour recourir au forfait-jours, les entreprises de moins de 50 salariés devront
passer par un accord avec un salarié mandaté ou un accord-type de branche.
On déplore également la disparition de la possibilité donnée à l’accord d’entreprise de fixer
les modalités selon lesquelles le salarié en forfait-jours peut, à sa demande et avec l’accord de
l’employeur, fractionner son repos quotidien ou hebdomadaire dès lors qu’il choisit de
travailler en dehors de son lieu de travail au moyen d’outils numériques. Il s’agissait là
d’entériner une pratique qui existe déjà et à laquelle bon nombre de salariés, notamment ceux
en télé-travail, sont attachés.
V. DIALOGUE SOCIAL
Accord majoritaire et référendum
Avènement de l’accord majoritaire
Jusqu’à présent, la validité des accords d'entreprise ou d'établissement est subordonnée
à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés
représentatives ayant obtenu au moins 30 % des suffrages aux élections
professionnelles prises en compte pour mesurer l’audience ;
à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés
représentatives ayant obtenu au moins 50 % des suffrages aux élections prises
en compte pour mesurer l’audience (l'opposition est exprimée par écrit dans un
délai de huit jours à compter de la date de notification de cet accord).
Le projet de Loi Travail réforme en profondeur les modalités de validation des accords
d’entreprise.
En effet, la validation de ces accords sera subordonnée à leur signature par l’employeur ou
son représentant et une ou plusieurs organisations syndicales » représentatives ayant recueilli
plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives (c'est-à-dire
ayant recueilli un minimum de 10% des voix exprimées) au premier tour des élections
professionnelles.
En imposant le principe majoritaire, le projet de Loi Travail recherche des accords fondés sur
un consensus large. La généralisation de ce principe, qui tend à renforcer les syndicats dans la
négociation d’entreprise, est vue par le gouvernement comme le corollaire nécessaire de la
place beaucoup plus importante donnée aux accords collectifs.
Comment cela fonctionne concrètement ?
Si l’accord d’entreprise n’arrive pas à fédérer les organisations syndicales représentatives
« majoritaires », il sera possible pour l’employeur de signer avec une ou plusieurs
organisations syndicales ayant recueilli au moins 30% des suffrages. Ces organisations
syndicales étant minoritaires, leur signature apposée sur l’accord collectif ne suffira pas à le
faire entrer en vigueur.
12
Ces organisations syndicales disposeront cependant d’un délai d’un mois pour indiquer à
l’employeur qu’elles souhaitent une consultation des salariés pour valider l’accord. Si, à
l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres
organisations syndicales représentatives n’ont toujours pas permis d’atteindre le taux de 50%
et que les organisations à plus de 30% le demandent toujours, cette consultation devra être
organisée dans un délai maximal de deux mois.
L'accord sera validé s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
Faute d’approbation, l’accord sera réputé non écrit.
L’objectif poursuivi par le projet de Loi Travail est d’éviter toute paralysie du dialogue social
lorsque la majorité s’avère difficile à obtenir puisqu’à l’accord majoritaire pourra être
substituée une procédure de consultation directe des salariés permettant aux syndicats
signataires de l’accord et représentant plus de 30% des suffrages exprimés en faveur
d’organisations représentatives aux dernières élections professionnelles, de faire valider le
projet d’accord.
On peut s’étonner que la CGT et FO soient « vent debout » contre le principe de l’accord
« majoritaire » car quelle organisation syndicale peut sérieusement considérer que la
consultation des salariés, à l’initiative des organisations syndicales, sur leurs conditions de vie
au travail et les choix qui les concernent directement, soit une régression sociale.
Le projet de Loi Travail est d’autant moins défavorable aux organisations syndicales que
l’employeur n’aura pas la possibilité de contourner les syndicats en consultant directement les
salariés car, d’après le gouvernement, ce serait contraire à la philosophie du projet de loi qui
vise à renforcer le pouvoir des syndicats dans les entreprises
Application dans le temps
Le principe de l’accord majoritaire et, le cas échéant, de l’accord minoritaire avec
consultation des salariés entera en vigueur à compter du 1er janvier 2017 s’agissant des
accords d’entreprise portant sur la durée du travail, les repos et les congés ainsi que des futurs
accords de préservation et de développement de l’emploi sur lesquels nous reviendrons plus
loin.
A compter du 1er septembre 2019, tous les autres accords, y compris les accords sur les PSE
(mais à l’exclusion des accords de maintien de l’emploi dont on peut considérer qu’ils vivent
leurs deniers instants), seront soumis aux règles décrites ci-dessus.
VI. ACCORD DE PRESERVATION ET DE DEVELOPPEMENT DE L’EMPLOI
Le projet de Loi Travail créé un nouveau cas d’accord collectif pour favoriser la flexibilité des
entreprises : les accords de préservation et de développement de l’emploi.
On qualifie couramment ces accords d’accords « offensifs » par opposition aux accords de
maintien de l’emploi considérés comme des accords « défensifs ».
13
L’une des principales différences entre ces deux accords est qu’au contraire des accords de
maintien de l’emploi, les accords de préservation et de développement de l’emploi ne
nécessitent pas, pour être valablement signés, de reposer sur le constat d’une situation
économiquement dégradés de l’entreprise.
Les accords de préservation et de développement de l’emploi pourront ainsi être conclus dans
des cas où la société, loin d’être dans la nécessité de se réorganiser en raison de difficultés
économiques, a gagné un nouveau marché ou un appel d’offre et envisage de demander à ses
salariés de travailler davantage.
L’objet de cet accord majoritaire d’une durée déterminée (soit 5 ans, sauf mention contraire
dans l’accord) vise « à la préservation ou au développement de l’emploi ». Cela devra être
rappelé dans le préambule de l’accord sous peine de nullité, par la fixation d’objectifs en
matière de préservation ou de développement de l’emploi ».
Une fois signé, les stipulations de l’accord de préservation et de développement de l’emploi se
substitueront aux clauses même contraires du contrat de travail du salarié, y compris celles
relatives à la rémunération horaire et à la durée de travail. En revanche, l’accord ne pourra pas
entraîner la diminution de la rémunération mensuelle du salarié, la définition de cette
rémunération mensuelle devant encore être précisée par décret.
Le salarié qui refusera de se voir appliquer l’accord pourra être licencié individuellement pour
motif économique sur la base d’un motif sui generis, qui, de fait, interdira au salarié
d’engager une action devant le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son
contrat de travail. Le licenciement de 10 salariés ou plus en raison du refus exprimé par ces
salariés de se voir appliqués l’accord de préservation et de maintien de l’emploi ne donnera
pas davantage lieu à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
De plus, ce licenciement n’ouvrira pas droit au reclassement, contrairement aux licenciements
économiques collectifs, mais à un accompagnement personnalisé auprès de Pôle Emploi, qui
reste à définir par décret. On peut néanmoins d’ores et déjà considéré que le salarié
bénéficiant de cet accompagnement aura le statut de stagiaire de la formation professionnelle.
Cet accompagnement sera financé pour partie par l’employeur, via « un versement
représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis », dans la limite de trois mois de salaire.
Plus particulièrement, ce dispositif spécifique d’accompagnement s’appuiera sur deux volets
complémentaires :
d’une part, un accompagnement renforcé et personnalisé assuré par Pôle
emploi et dont les modalités devront être définies par décret. Le salarié pourra
notamment bénéficier d’un accès facilité aux périodes de formation et de
travail ;
d’autre part, les bénéficiaires justifiant d’une ancienneté d’au moins douze
mois auront bénéficieront du versement d’une allocation d’un montant
supérieur à celui de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
14
VII. REVISION DES ACCORDS COLLECTIFS
Aux termes de l’actuel article L.2261-7 du code du travail, les seules organisations syndicales
habilitées à signer des avenants de révision d’un accord entreprises sont les organisations
syndicales de salariés représentatives et ayant obtenu au moins 30% des suffrages exprimés
lors des dernières élections professionnelles, qui sont soit signataires de l’accord, soit
adhérentes à l’accord dans les conditions prévues à l’article L. 2261-3 du code.
Or, les conditions actuelles de validité d’un avenant de révision, qui supposent donc de
franchir le seuil des 30 %, pour les organisations syndicales représentatives, ne sont plus
forcément adaptées lorsque les organisations signataires de l’accord ont disparu ou ne sont
plus représentatives lors des élections professionnelles suivant la signature de l’accord.
Dès lors, se fondant sur le rapport du Professeur Césaro, le projet de Loi Travail prévoit que :
jusqu’à la fin du cycle électoral de 4 ans au cours duquel l’accord collectif est
conclu, seules les syndicats représentatifs signataires ou adhérents pourront réviser
l’accord ;
à l’issue de ce cycle, lorsqu’une nouvelle mesure de la représentativité aura eu
lieu et que les organisations syndicales signataires de l’accord considéré ne
seront plus nécessairement représentatives, le projet de loi prévoit d’étendre la
possibilité de déclencher une procédure de révision à l’ensemble des
organisations entrant dans le champ d’application de l’accord, sans aucune
condition d’adhésion ou de signature de l’accord, sous réserve que
l’organisation syndicale en question soit représentative.
VIII. LA FIN DES AVANTAGES INDIVIDUELLEMENT ACQUIS
L’avantage individuel acquis a été défini par la Cour de cassation comme « l’avantage qui, au
jour de la dénonciation de la convention ou de l’accord collectif, procurait au salarié une
rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit
déjà ouvert et non à un droit éventuel ». Tel est, par exemple, le cas de la rémunération d’un
temps de pause prévue dans un accord collectif pour les salariés qui en bénéficiaient.
En cas de dénonciation du statut collectif des salariés (à la suite, par exemple, du rachat de
l’entreprise), et en l’absence de conclusion d’un accord de substitution dans les quinze mois
suivant cette dénonciation, les salariés bénéficient, sous la loi actuelle, d’une intégration à leur
contrat de travail de leurs « avantages individuels acquis ».
Le projet de Loi Travail prévoit de ne conserver strictement que la rémunération annuelle, en
faisant disparaître l’ensemble des autres avantages individuels acquis comme ceux relatifs aux
droits au repos ou aux droits familiaux.
15
Concrètement, cela signifie que le salarié dont le statut collectif est dénoncé aura le droit au
maintien de sa rémunération au moins équivalente à celle versée au cours des douze derniers
mois, au sens de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale et ce, pour une durée du
travail équivalente à celle prévue par son contrat de travail.
Dès lors, entreront dans la rémunération du salarié toutes les sommes versées en contrepartie
ou à l'occasion du travail, et notamment les salaires et les heures supplémentaires, les
indemnités de congés payés, toutes indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages
en argent, tous avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par
l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.
Il est à craindre, selon nous que le maintien d’une rémunération aussi favorable, ait un effet
dissuasif à l’égard des éventuels repreneurs qui n’auront pas nécessairement envie de payer
aux salariés repris, en l’absence d’accord de substitution, des éléments de rémunération autres
que leur rémunération fixe.
IX. LICENCIEMENTS ECONOMIQUES
L’objectif affiché du gouvernement est de sécuriser les licenciements économiques. On peut
réellement douter que cet objectif soit rempli.
Le fait que le projet de loi ait entendu caractériser les difficultés économiques notamment
par l’évolution « significative » d’un indicateur comme une baisse des commandes ou du
chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de
l’excédent brut d’exploitation ou « par tout autre élément de nature à justifier ces
difficultés » n’est pas de nature à sécuriser les licenciements.
On voit mal, en effet, en quoi le fait qu’une baisse de commandes ou de chiffre d’affaires
soit avérée dès lors qu’elle se produit, en comparaison avec la période équivalente de
l’année précédente (soit 1 trimestre pour une entreprise jusqu’à 10 salariés, 2 trimestres
consécutifs de 11 à 49 salariés, 3 trimestres consécutifs de 50 à 299 et 4 trimestres
consécutifs à partir de 300 salariés) démontre de quelconques difficultés économiques.
Il est bien évident que des indicateurs économiques reposant uniquement sur un critère de
durée ne sont d’aucune utilité pour caractériser des difficultés économiques. Cela signifie
que nonobstant une éventuelle diminution du chiffre d’affaires de l’entreprise, l’employeur
devra continuer à démontrer devant le juge prud’homal la réalité de ses difficultés
économiques au regard de leur ampleur.
On est tout aussi déçu que le projet de Loi Travail se contente de reprendre, parmi les
motifs possibles de licenciement économique, la réorganisation de l’entreprise nécessaire à
la sauvegarde de sa compétitivité (ce qui était déjà admis par les juges). Compte tenu de la
complexité de cette notion, on aurait souhaité que le législateur donne des critères
permettant aux employeurs, syndicats, représentants du personnel et juges de savoir dans
quel cas l’entreprise se trouve dans la nécessité de sauvegarder sa compétitivité.
16
Le Sénat s’y est, pour sa part, essayé en considérant qu’une entreprise doit pouvoir se
réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité si elle est conduite à perdre un marché
représentant au moins 30 % de son chiffre d'affaires ou de ses commandes
On notera également que le périmètre d’appréciation des difficultés économiques ne sera
finalement pas circonscrit au niveau national. En effet, après bien des débats et
changements, le gouvernement a finalement choisi d’abandonner la seule référence au
périmètre national pour l’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise
souhaitant procéder à des licenciements économiques.
On en revient donc à la jurisprudence actuelle retenant, si l’entreprise appartient à un
groupe, une appréciation au niveau du secteur d’activité du groupe. Le juge pourra donc,
comme c’est le cas actuellement, prendre en compte la dimension européenne ou mondiale
du groupe auquel appartient l’entreprise qui envisage de procéder à des licenciements
économiques.
Cela est assez regrettable car cela signifie qu’une entreprise connaissant de réelles
difficultés économiques ne pourra pas procéder à des licenciements économiques s’il avère
que le secteur d’activité du groupe dont elle relève ne connait, pour sa part, aucune
difficulté particulière.
X. TRANSFERT D'ENTREPRISE
Le projet de loi traite du sort des accords collectifs lorsque, à la suite d’une restructuration
d’entreprise (fusion, cession, scission, par exemple), un accord collectif est mis en cause
Aux termes du projet de loi, dès lors qu’est envisagée une fusion, une cession, une scission ou
toute autre modification juridique qui aurait pour effet la mise en cause d’une convention ou
d’un accord, les employeurs des entreprises concernées et les organisations syndicales de
salariés représentatives dans l’entreprise qui emploie les salariés dont les contrats de travail
sont susceptibles d’être transférés pourront négocier et conclure l’accord de substitution prévu
au premier alinéa de l’article L. 2261-14.
Ainsi, avec le projet de loi, la négociation et la conclusion d’un accord sera possible dès
qu’une opération est envisagée, soit chez le cédant, entre les employeurs des entreprises
concernées et les syndicats représentatifs du cédant ; soit chez le futur cessionnaire, entre les
deux employeurs et les organisations syndicales du cédant et du cessionnaire.
Ce faisant, le projet de loi répond aux difficultés pratiques actuelles. En effet, actuellement, il
faut attendre que l’opération de fusion soit intervenue pour négocier et conclure des
négociations d’harmonisation des statuts conventionnels … ce qui créé une forte incertitude
pour le cédant, le cessionnaire et les salariés car, en pratique, le sort de l’opération de
restructuration est souvent lié au succès ou à l’échec de ces négociations.
17
XI OFFRE D’ACHAT D’UNE ENTREPRISE EN CAS D’APPLICATION DE LA LOI FLORANGE
En cas de cession d’activité, l’ensemble des salariés bénéficient normalement du transfert
automatique de leur contrat de travail au cessionnaire. Le projet de loi a créé une exception à
cette règle afin de favoriser la reprise d’entreprise et le sauvetage d’emplois.
Plus particulièrement, lorsque l’entreprise, appartenant à un groupe de plus de 1.000 salariés,
souhaite fermer un site et a engagé la procédure Florange dans l’objectif de trouver un
repreneur avant de procéder au licenciement des salariés concernés, il sera possible de déroger
au transfert automatique des contrats de travail si l’entreprise fait l’objet d’une offre de reprise
qu’elle envisage d’accepter, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à
garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement.
Dans un tel cas, un plan de sauvegarde de l’emploi pourra être mis en place avant la cession et
ne concernera que les seuls salariés non repris dans le cadre de l’offre d’achat.