CASDAR SOCIEL
La durabilité sociale d'exploitations d'élevage
en Livradois-Forez
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 2
SOMMAIRE
1 Le Livradois-Forez ....................................................................................................................... 3
2 Méthodologie.............................................................................................................................. 4
Diversité des éleveurs et des acteurs enquêtés ............................................................................................... 4
2.1.1 Les éleveurs ............................................................................................................................................................................ 4
2.1.2 Les acteurs .............................................................................................................................................................................. 6
Une grille d’analyse des enquêtes élaborée en plusieurs étapes .............................................................. 6
3 Différentes réalités et vécus du métier d’éleveur rendant compte de la durabilité sociale 7
Cohérence entre le système de production et les attentes de l'éleveur ................................................ 7
Les conditions de travail liées aux infrastructures et l’état de santé ........................................................ 8
3.2.1 Les infrastructures ................................................................................................................................................................ 8
3.2.2 La santé des éleveurs compromise à long terme .................................................................................................... 9
La charge de travail et le temps libre ................................................................................................................... 9
3.3.1 Une forte amplitude horaire et des rythmes plus ou moins bien vécus ........................................................ 9
3.3.2 Différents rapports au temps libre ............................................................................................................................. 10
Les relations sociales et familiales ...................................................................................................................... 11
3.4.1 Relations entre associés : objectifs et décisions stratégiques plus ou moins partagés ........................ 11
3.4.2 Relations avec la famille : soutien ou pression ...................................................................................................... 11
3.4.3 Autres relations sociales ................................................................................................................................................. 12
Impact du territoire sur la durabilité sociale des exploitations ............................................................... 13
3.5.1 Un territoire en repli… ..................................................................................................................................................... 13
3.5.2 …Mais un territoire où il fait bon vivre ..................................................................................................................... 13
Contributions des exploitations à la durabilité sociale du territoire ..................................................... 14
4 Conclusion : Une approche multicritères, multi-échelles et multi-acteurs ........................ 15
5 Bibliographie ............................................................................................................................. 19
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 3
1 LE LIVRADOIS-FOREZ
Le Livradois-Forez (LF), est un territoire de moyenne montagne situé en bordure est du Massif Central.
Traditionnellement tourné vers l’élevage, il comprend deux massifs de moyenne montagne – Monts du Livradois
et Monts du Forez – très forestiers. La plaine centrale d'Ambert, traversée par la Dore, et les plaines des bordures
ouest et nord (Limagnes) sont les secteurs de plus basse altitude (500 m environ), tandis que les sommets du
Livradois sont à 1200 m et ceux du Forez à 1600 m. La Vallée de la Dore, traversant le territoire du sud au nord,
constitue l’axe économique et de circulation majeur où se concentrent une grande partie de la population et des
activités industrielles, artisanales et commerciales.
Ce territoire, un des plus fortement peuplés de France au XIXème siècle, marqué par une tradition ancienne
de pluriactivité, présente aujourd'hui une densité de population relativement modérée comparée aux autres
montagnes françaises1, une population âgée, un taux de boisement élevé (50%), des structures d'exploitation
relativement petites (44 ha en 2010 contre 55 ha en moyenne en France) avec toutefois des écarts de
dimension très importants. Cette situation résulte de plusieurs phases de déprise agricole au siècle dernier.
Les structures foncières agricoles, très complexes (à cause du relief et des boisements) et morcelées,
constituent un tissu dense et atomisé. Le foncier est détenu par de multiples propriétaires - locaux ou non,
familiaux ou non. Les exploitations sont gérées le plus souvent sous forme individuelle (84%) même si la
part d’association augmente (de 10 % à 16 % entre 2000 et 2010). Dans la plupart des ménages, un des
membres a une activité extérieure dans des secteurs variés (forêt, services, industrie, artisanat…).
L’élevage bovin prédomine (bovin lait, bovin viande, bovin mixte) mais on trouve également des systèmes
ovins viande et quelques caprins. Des ateliers hors sol (volailles ou porcs) sont parfois présents en
complément. Le caractère laitier de l'élevage du LF s'érode par progression de la viande et diversification
des systèmes. L’élevage est basé sur l’herbe et les prairies permanentes (2/3 de la SAU du territoire est en
STH) avec une place des cultures limitée et dépendante de l'altitude (céréales à paille, maïs-ensilage). Malgré
quelques structures locales de transformation des produits agricoles (laiterie et abattoir), la restructuration
des filières interroge le devenir des plus petites structures particulièrement lorsque le tissu agricole est plus
lâche (bassin de collecte du lait redéfini). 28% des exploitations sont impliquées dans des filières de qualité :
AOP fromagères (Fourme d’Ambert, de Montbrison et Bleu d’Auvergne), IGP et label rouge pour les porcs
et les volailles et Bio. 16% commercialisent en circuits courts et leur nombre est en constante évolution.
L’avenir de l’élevage dans ce territoire relève de trois enjeux majeurs :
- préserver l’ouverture du paysage,
- conserver des volumes de production pour garantir la pérennité des outils de transformation,
- maintenir le nombre de familles d’agriculteurs menacés par les difficultés de reprise de certaines
structures, trop isolées, loin des services, ou trop grandes.
1 34 hab. / km2 contre 50 hab. / km2 dans l'ensemble des montagnes françaises
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2 MÉTHODOLOGIE
Diversité des éleveurs et des acteurs enquêtés
2.1.1 Les éleveurs
Le choix des éleveurs bovin lait et ovin viande enquêtés, a été fait en prenant en compte une diversité d’âge
des personnes, de formes et de taille de collectif de travail, d’isolement ou non dans le territoire et de façon
de produire (petites et grandes structures, pâturage ou non, agriculture biologique, production laitière avec
ou sans transformation fromagère….)
2.1.1.1 Diversité des structures
Les entretiens ont été réalisés sur 8 exploitations, 4 en production principale bovins lait et 4 en ovins viande.
Cinq exploitations sur les huit sont diversifiées (cf page suivante).
Par rapport à la taille moyenne des structures par UMO dans le Livradois Forez on distingue 2 petites
structures de moins de 40 ha/UMO, 4 moyennes et 2 grandes (> 65 ha/UMO ou > 700 brebis/UMO).
La SAU varie de 60 à 250 ha.
Les collectifs de main-d'œuvre sont également variés : 1 éleveur seul avec un salarié à mi-temps, 3 couples
dont un où la conjointe est double active (à mi-temps sur l’exploitation), 4 autres Gaec dont 2 hors cadre
familial regroupant 2 à 4 personnes sur l’exploitation.
Les exploitations sont situées de 15 minutes à plus d’une heure d’une grande agglomération (cf carte ci-
dessous).
Situation géographique des exploitations enquêtées
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 5
Caractéristiques des exploitations enquêtées
Exploitations bovines laitières Exploitations ovins viande
1 2 3 4 5 6 7 8
Main d’œuvre
1 couple et 1
personne sans
lien familial
1 couple
(+ 1 apprenti)
1 couple
(+ 1 apprenti)
1 personne et
1 salarié à
mi-temps
1 couple –
conjointe
double active
3 associés
(le père et ses
2 fils)
4 associés sans
liens familiaux
2 associés
(frères) + aide
administrative
d’une conjointe
Statut juridique
GAEC GAEC Exploit. ind. Exploit. ind. Exploit. ind. GAEC GAEC GAEC
SAU (ha) 140 ha 160 ha 62 ha 60 ha 60 ha 203 ha 250 ha 105 ha
Productions VL VL + cultures VL VL + transfo.
fromagère et
vente directe
ov viande + VL ov viande +VA ov viande +
ov lait + VA
ov viande +
poulet + cultures
+ ETA
Cheptels, volumes produits
72 VL
488000l
56 VL
420 000l -
80 ha cultures
dt vente
40 VL
217 000 l
32 VL
120000 l livrés
et 10T de
fromage
(100 000 l env)
125 brebis
26 VL
130 000 l
1 270 brebis
viande +23 VA
700 brebis lait
+ 300 brebis
viande + 90
VA
700 brebis v +
145 000
poulets/an
+30ha céréales
dt vente
Taille/ UMO par rapport à la moyenne du Livradois
MOYEN MOYEN PETIT MOYEN PETIT GRAND MOYEN-
GRAND
GRAND
(cf troupeau ov
géré par 1
personne)
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2.1.1.2 Diversité des profils
Les 11 personnes enquêtées (rémunérées par leur travail sur ces exploitations) ont entre 24 et 56 ans, vivent
en couple et, à l’exception d’une, ont des enfants. La plupart (8/11) ont été salariées en dehors de
l’exploitation avant de s’installer et leur formation varie du CAP à Bac +5. Tous sont originaires de la région
Livradois-Forez.
2.1.2 Les acteurs
Des entretiens ont été conduits auprès de huit acteurs du territoire, de différentes structures. Ils sont
conseillers (Chambre d’agriculture, Réseau agricole Livradois-Forez, MSA) ou cadres d'entreprise (Conseil
départemental, Crédit Agricole, Sodiaal). Les deux autres acteurs sont en contact moins direct avec la
profession agricole (Directeurs d’établissement scolaire, d’office de tourisme).
Une grille d’analyse des enquêtes élaborée en plusieurs étapes
Les guides d’entretien ont été élaborés par le groupe méthodologique du projet Sociel. Les 16 enquêtes,
semi-directives, ont été menées par deux conseillers Inosys-Réseaux d'élevage de la chambre d’agriculture
et un technicien de l’Inra.
Les entretiens éleveurs ont ensuite été retranscrits partiellement pour être analysés. Une recherche
bibliographique a permis de faire un premier tour d’horizon des critères pris en compte dans les principaux
outils d’évaluation de la durabilité des exploitations agricoles, pour aborder la dimension sociale (Fourrié et
al 2013, Gasselin et al 2013, Vilain et al 2008, Vinatier et al 2007). En parallèle, l’analyse thématique des
entretiens éleveurs a permis d’identifier des thèmes récurrents relatifs à la durabilité sociale. Une grille
d’analyse établie à partir de ces cadrages initiaux a ensuite été progressivement ajustée et finalisée.
Six thèmes ont été retenus : le sens du métier et la cohérence entre système de production et attentes, les
conditions de travail, l’état de santé, la charge de travail et le temps libre, les relations sociales - familiales,
les liens avec le territoire. Ces thèmes abordent différentes échelles : individu, exploitation, famille et
territoire. S’intéresser à la durabilité sociale nécessite de prendre en compte les ressources propres à
l’exploitation et des éléments extérieurs.
L’analyse se base à la fois sur des faits et sur des ressentis relatés par les personnes enquêtées. Au sein d’une
exploitation, la situation peut être différente d’une personne à l’autre selon ses motivations pour l'élevage,
ses valeurs, qui peuvent se traduire par des approches différentes du métier, de la charge de travail, des
relations sociales.
Les entretiens auprès des acteurs ont été analysés dans un second temps et selon 4 axes qui recoupent la
majorité des thèmes abordés par les éleveurs : la durabilité sociale du territoire, la contribution de l’élevage
à cette durabilité, la durabilité sociale des exploitations d’élevage vue par les acteurs, les leviers d’action
pour améliorer cette durabilité.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 7
3 DIFFÉRENTES RÉALITÉS ET VÉCUS DU MÉTIER D’ÉLEVEUR RENDANT COMPTE DE LA DURABILITÉ SOCIALE
Cohérence entre le système de production et les attentes de l'éleveur
Les éleveurs témoignent de motivations à l’installation différentes :
Certains ont toujours eu ce projet en tête et s’installent par
passion. D’autres mettent en avant une situation à laquelle on
aboutit sans choix affirmé.
« Il n’y avait que ça qui m’intéressait ».
« J’ai toujours été attiré par les vaches ».
« Le chemin était tout tracé ».
L'activité d'élevage est souvent mieux vécue par ceux qui se sont
installés par passion. Cependant la charge de travail, une
mésentente avec un associé par exemple, peuvent rendre le
travail difficile même si le métier a été fermement choisi au
départ. Les acteurs pensent également qu’une forte motivation
basée sur un lien fort à l’animal est nécessaire.
« Les vaches, les chèvres et les moutons…
vu le temps qu’ils prennent tu as intérêt de
les aimer ».
« Il faut être dévoué corps et âme ».
Certains éleveurs sont particulièrement sensibles au bien-être animal. D’autres, visent davantage de bons
résultats techniques, une conduite de « pointe ». D’autres encore, motivés par une volonté de se démarquer
mettent en place un système innovant, original pour la région.
Etre agriculteur, c’est aussi être son propre patron, prendre les
décisions, faire des choix. Cela motive celui qui veut rester maître
des décisions.
« T’as pas un mec qui te dit "fais ci, fais ça,
c’est l’heure", tu choisis… »
La recherche de contacts, les échanges, les discussions sont aussi mis en avant pour expliquer pourquoi des
éleveurs créent un atelier de transformation, font de la vente directe. Pour mieux défendre une production
de qualité auprès des clients et parler de leur métier, des visites d'exploitation sont organisées.
Mais cet amour du métier n'exclut pas une volonté de « se ménager du temps libre », ni les motivations pour
« un meilleur revenu » (non abordé dans les entretiens mais très présentes lors de la réunion de restitution).
Leur choix de métier, de système de production, renvoie au choix d’un « modèle » de production, qui, si il
est conforme à leurs valeurs, à leur vision de l’agriculture en général, conduit les éleveurs à exprimer une
certaine fierté : « fierté d’aller vendre son produit », d’avoir « un métier noble ». Quand le système n’est pas en
cohérence avec ces valeurs et attentes, des tensions transparaissent dans le discours des éleveurs.
Dans 4 exploitations sur 8, le système de production, pour être en cohérence avec les attentes des éleveurs,
a été modifié à l’installation ou progressivement (par exemple introduction d’un nouvel atelier ou
remplacement d’une production par une autre). Souvent la volonté de diminuer le temps de travail est à
l’origine du changement des pratiques : diminuer le niveau de production pour un suivi du troupeau moins
contraignant, mettre en place du zéro pâturage vu le morcellement du parcellaire, ne pas distribuer d’aliment
le soir. Tous les éleveurs sont satisfaits des modifications qu’ils ont mis en place.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 8
Les conditions de travail liées aux infrastructures et l’état de santé
L’état des facteurs de productions (parcellaire, bâtiments, matériel) impacte les conditions de travail et a
des conséquences sur la durabilité sociale.
3.2.1 Les infrastructures
3.2.1.1 Un parcellaire morcelé
Sur la majorité des exploitations, le parcellaire est morcelé et dispersé.
Les agriculteurs ne s’en plaignent pas car c’est un état de fait, mais
évoquent les difficultés engendrées dans leur travail.
Des acteurs comparent le parcellaire à celui d’autres régions : du fait
des chemins, des parcellaires, ils ont une charge de travail qui est
certainement bien supérieure. Deux exploitations enquêtées ont choisi
le zéro pâturage pour se faciliter le travail et dépasser ainsi les
contraintes imposées par le morcellement du foncier.
« On est tous à peu près à travailler
sur les communes autour et à avoir
des déplacements ».
« On brûle beaucoup de gas-oil et
de temps sur la route ».
« On ne peut pas déplacer les
animaux à pied. »
« Les vaches ont des problèmes de
pieds car elles marchent
énormément ».
Le problème du boisement est aussi évoqué : « le morcellement par les bois » et la concurrence des arbres sur
la pousse de l’herbe.
Pour un seul éleveur, le parcellaire est « correct » car sa structure
relativement petite (60ha), est située dans un secteur remembré et il
ne cherche pas à s’agrandir.
« Je ne veux pas avoir des ha, histoire
de dire j’ai tant d’ha, ce n’est pas la
peine ».
3.2.1.2 Des bâtiments traditionnels ou modernes
Les situations sont contrastées :
Des bâtiments traditionnels : étables entravées, traite au
transfert (3 exploitations), sans projet d’investissement.
Les agriculteurs s’en contentent, soit pour des raisons
économiques, soit parce qu’ils se voient en fin de carrière
sans repreneur. Mais limiter les investissements peut aussi
limiter les possibilités de reprise souligne un acteur.
« Ça traie les vaches, ça emmène le lait dans
le tank mais ce n’est pas une salle de traite ».
« On fait avec nos petits moyens ». « Certains
qui se sont installés il y a 15 - 20 ans n'ont
plus envie de réinvestir alors que seul un outil
moderne peut-être facilement transmissible ».
Des bâtiments plus récents (stabulation libre, salle de traite) réalisés pour améliorer les conditions de
travail ou en projet pour s'agrandir.
3.2.1.3 Le matériel
4 éleveurs mentionnent des investissements pour améliorer
les conditions de travail ou reportés pour des problèmes de
trésorerie. Même s'ils pensent que la modernisation des
équipements est indispensable, des acteurs alertent, à la fois
sur la sur-mécanisation qui induit un surendettement et à
l’inverse sur les reports de certains investissements.
« On est passé au DAL, pour aussi ne plus
avoir à porter les seaux de lait ».
« Les colliers nous aident bien ».
« Economiser des charges, se débrouiller,
permet de durer et cela se fait parfois au
détriment du capital santé ».
Globalement au niveau bâtiments et matériel, la situation dépend des projets de l’éleveur (agrandissement, reprise
ou non), de son âge (davantage d’investissements chez les jeunes installés) et de ses priorités, à savoir améliorer
les conditions de travail ou maîtriser les charges… Le vécu actuel des éleveurs n’est pas en corrélation avec le niveau
de modernité des bâtiments ou le niveau d’équipement.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus dans le département des Ardennes 9
3.2.2 La santé des éleveurs compromise à long terme
Les conditions de travail liées entre autres aux infrastructures sont plus ou moins favorables à l’état de santé
physique et psychique de l’éleveur.
Les plus jeunes n’évoquent pas de problème de santé mais s’inquiètent parfois
pour l’avenir. Chez les plus de 40 ans, six éleveurs sur huit expriment :
Des problèmes de santé physique (3/8) : mal au dos, opération d’un genou…,
Un mal être au travail (3/8), une perte de sens du métier, du stress liés à une
surcharge de travail, à des problèmes économiques, au poids de
l’administratif… et au stress lié à la crainte du contrôle administratif.
« Physiquement on ne pourra
pas tenir ».
« La gestion administrative est
invivable, on peut être noyé
sous la paperasse ».
Les acteurs qui sont attachés à ce que les effets du travail soient mieux pris en
compte estiment que le travail en bonne partie physique et donc pénible,
hypothèque la santé des éleveurs et présente des risques de dégrader leur
santé de manière assez conséquente. La retraite, malgré le faible niveau des
pensions, est attendue. Le choix de ce métier peut aussi avoir des conséquences
sur la vie privée et entraîner un risque de solitude affective. Pour certains, le
métier, difficile, augmente aussi les risques de séparation des couples.
« Souvent on est usés ».
« Il faut avoir la chance
d’avoir des compagnons ou
des compagnes qui veulent
partager ta vie ».
La charge de travail et le temps libre
3.3.1 Une forte amplitude horaire et des rythmes plus ou moins bien vécus
Sans quantification précise du travail, aux dires des éleveurs il faut compter 12
à 15 h d’amplitude horaire, avec parfois des pauses et la possibilité de se libérer
dans la journée. Certains voient dans ce travail « une certaine liberté » pour
organiser ses horaires, amener ses enfants à l’école. Les acteurs perçoivent aussi
cette liberté permise par ce métier d’éleveur.
« Si un voisin s’arrête, on peut
s’arrêter 5 min… ».
Si certains supportent bien la
longueur de la journée de travail,
d'autres vivent mal la situation.
Pour quelques éleveurs, le rythme
devient invivable. Les acteurs
soulignent cette intensification du
travail et l’astreinte de la traite
biquotidienne.
Parfois la pression sociale ou
familiale est mise en avant.
« Ce n’est pas une corvée, on sait bien qu’en 8 h on ne fera rien ».
« C’est à part le métier d’éleveur …/… les gens ils mangent à 6h ½ ou 7 h le
soir, toi à 8h ½ tu es encore au fond de ta bergerie …/… tu ne vis pas comme
les autres ».
« Je bosse comme un con .../… je vois mon voisin qui rentre de bonne heure, qui
va jouer au foot ».
« Je vais y péter, je travaille trop ». « On est à saturation ».
« La traite est contraignante, à 17 h il faut partir parce qu’il faut aller traire ».
« C’est nos parents, nos voisins agriculteurs qui nous stigmatisent parce qu’ils
nous font culpabiliser en disant que pour être un bon agriculteur, il faut
travailler 11 heures/ jour ».
Des situations plus favorables, où vie professionnelle et vie
personnelle ne sont pas confondues sont relatées par les
acteurs. Dans ce cas, la durée de la journée n'est plus
extensible.
« Je n’habite pas sur la ferme, j’ai une famille donc
à 19 H je suis à la maison, je repars le matin ».
« Nous on fait 35 h, je veux être avec mes
enfants ».
Dans notre échantillon nous ne retrouvons pas de telles situations, mais deux associés d’un GAEC y font
référence comme un objectif à atteindre.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 10
3.3.2 Différents rapports au temps libre
Des éleveurs s’organisent pour se libérer régulièrement alors que d’autres travaillent pratiquement tout le
temps.
Au niveau des week-ends, sur les 11 personnes enquêtées, 4 ne changent pas de rythme, 3 (éleveurs laitiers)
ne font « que » l’astreinte et 4 se libèrent du temps (1/2 à 1 journée libérée). Dans une seule exploitation les
associés se sont organisés pour disposer durant une partie de l’année d'un dimanche sur deux. Trois éleveurs
sur 11 arrivent à se libérer en semaine pour la chasse ou des responsabilités professionnelles.
Pour les congés, 6 n’en prennent pas, les 5 autres prennent une ou deux semaines par an.
Les acteurs connaissent des éleveurs « qui ne sont jamais partis en vacances », et relèvent que « seulement 1%
utilisent le crédit d'impôts pour prendre des congés ». Pour des acteurs l’objectif à atteindre, au moins pour les
jeunes générations, serait de « 1 à 2 week-ends par mois et 3 semaines de vacances par an », et l’avenir réside
dans les formes sociétaires, notamment en production laitière, où ce type de structure peut permettre de
« se libérer un peu de temps ».
Pour se libérer, les éleveurs se font remplacer par des membres de leur famille, s’organisent entre associés
et font appel au service de remplacement. Au cours de 4 entretiens, les éleveurs précisent qu’ils utiliseraient
davantage le service de remplacement s’il était moins cher et s’ils étaient assurés que ce soit toujours le
même salarié qui vienne.
Le rapport au temps libre est propre à chacun. Ceux pour
lesquels pouvoir se libérer du temps est une priorité
s’organisent pour être avec leur famille, des amis, ou
s’investir dans la vie locale. Ils peuvent aussi privilégier un
loisir.
Prendre pas ou peu de temps libre peut aussi convenir à
certains. Ainsi les congés ne sont pas recherchés, et/ou
c’est une habitude. Les dimanches chômés n’existent pas.
Mais le besoin de repos, pour prendre du recul, s'adapter
et sur le long terme, préserver sa santé, est exprimé.
Nous avons aussi rencontré des éleveurs qui n’arrivent
pas à se libérer et qui le vivent mal.
« Il faut super bien s’organiser pour que tout passe ».
« Si on ne s’impose pas quelque chose pour sortir du
bordel on ne le fait plus ».
« Je ne suis jamais parti en vacances ».
« Je préfèrerais rester dans mon lit de temps en temps
plutôt que de traire tous les jours, rester chez moi 8
jours à ne rien faire car ça ne m’irait pas de partir en
vacances ».
« Quand on est invité, je n’y vais plus car je termine
trop tard, c’est ce qui me pèse ».
« Je me dis… t’as travaillé comme un con, t’as rien fait
de ta vie privée ».
Ces différents vécus de la charge de travail et du temps libre, dépendent des aspirations de chacun, du contexte
familial, des conditions opérationnelles (taille de la structure, état des infrastructures, conduites techniques…) et
relationnelles (relations entre associés, objectifs de chacun) de réalisation de l’activité.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 11
Les relations sociales et familiales
Cette thématique intègre différents échelles imbriquées : celle de l’individu, de l’exploitation, de la famille
et du territoire local.
3.4.1 Relations entre associés : objectifs et décisions stratégiques plus ou moins partagés
Gérer une exploitation à plusieurs demande souvent de partager un projet commun, d’en discuter et de
prendre ensemble les décisions stratégiques.
Parfois cela va de soi. Ainsi, la décision de s’installer à deux, à tel endroit, dans telles
productions, a bien été prise en couple.
Partager les décisions est un besoin pour partager « la responsabilité » et au sein d’un
Gaec par exemple on peut être « très différents mais complémentaires ».
« Il ne voulait pas
m'imposer quelque
chose que je n’aurais
pas voulu ».
D'autres fois décider à plusieurs n’est pas toujours facile et ces
difficultés peuvent même entraîner le départ d’un associé.
L’installation progressive des associés, après des périodes de
stages, de salariat, favorise la pérennité des associations.
« C’est pas toujours les mêmes objectifs,
pas toujours les mêmes visions… faire des
compromis…ça ne satisfait personne… ».
Dans certaines situations, il ne semble pas y avoir de discussions entre les associés, pas de projet partagé,
et chacun mène son propre atelier. Les associés ne peuvent pas se remplacer. Dans les autres situations, ils
se remplacent ponctuellement ou régulièrement.
Au-delà des prises de décisions,
les façons de travailler à plusieurs
sont très différentes.
« C’est bien de ne pas être trop les uns sur les autres ».
« Travailler à deux, c’est beaucoup plus que deux, t’as pas la même façon de voir
les choses et puis plutôt que galérer chacun de son côté, tu te mets à deux tu vas
trois fois plus vite ».
3.4.2 Relations avec la famille : soutien ou pression
Dans le cadre d’une installation familiale s’ajoute parfois le poids de l’héritage, d’un patrimoine à conserver
et de l’autorité parentale.
Des membres de la famille, non installés, peuvent apporter leur soutien moral ou une aide pratique sur
l'exploitation ou dans la vie de tous les jours (une tante qui garde les enfants, des grands parents qui
préparent les repas…).
Pour les couples dont la conjointe ne travaille pas sur l'exploitation,
le métier d'éleveur n’est pas toujours bien accepté et pour un acteur
« il peut faire peu ».
Des conjointes non impliquées sur l’exploitation se plaignent de la
charge de travail. Les acteurs qui s’expriment sur les conditions pour
tenir dans le métier estiment qu'une compagne travaillant à
l’extérieur « favorise une meilleure organisation du travail » sur
l’exploitation. Pour eux, l'intérêt est économique mais aussi social,
et humain.
« Quand je me suis installé, ma femme, ça
ne l’a pas enchanté, mais pas du tout ».
« En terminant plus tôt, en partant en
vacances, nos compagnes nous en
voudraient moins ».
« Mentalement tu sécurises tes gars et
c’est une possibilité d’ouverture sur le
monde extérieur, pour l’accès à
l’information et la compagne elle ramène
son tissu social, d’autres personnes ».
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 12
Certains enfants aident leurs parents, d’autres demandent à partir
en pension. L’astreinte de la traite est parfois dure pour eux.
Partager des activités avec eux n’est pas toujours facile, mais la
plupart s’organisent pour que leurs enfants pratiquent des loisirs
extérieurs à l’exploitation. Des acteurs rapportent qu’il est
important pour les éleveurs que les enfants puissent avoir leurs
activités.
« Etre 5 jours sans les vaches… c’était un
objectif… »
« Pas un jour je suis arrivé assez tôt pour
jouer au domino, faire du vélo…»
« Les enfants ont le droit de voir un petit
peu autre chose ».
3.4.3 Autres relations sociales
Même si le métier devient de plus en plus individuel, il ne doit pas
conduire à s’isoler rappelle un acteur.
Pratiquement tous les éleveurs rencontrés (9/11) adhèrent à un
groupement (Cuma, groupement d’employeurs, coopérative…). Des
liens peuvent aussi s’établir dans le cadre du suivi de formations, de
l’accueil de stagiaires, d’apprentis, dans les échanges avec des
clients ou des touristes de passage sur l’exploitation. Certains
éleveurs assurent aussi des responsabilités professionnelles. Ces
relations sociales permettent d’échanger des savoirs, de prendre du
recul.
Ces réseaux sociaux participent au développement local, à la
dynamique du territoire et à l’image de l’agriculture dans la société.
La vente directe, l’accueil à la ferme, le contact avec les clients,
permettent aux éleveurs de parler de leur métier, de montrer leur
travail, de défendre l’agriculture, de faire passer leurs messages.
« Il faut avoir des collègues à proximité
pour tenir ».
« Avec le suivi de formations, les échanges
avec des conseillers, on a fait des choses
intéressantes ».
« C’est bien d’avoir l’avis des autres, de
savoir ce qui se passe ailleurs, de partager
un peu nos façons de travailler ».
« C’est nos problèmes d’agriculteurs, et le
message c’est aussi nos produits, des
produits sains ».
Ces relations sociales participent
à la convivialité du métier.
« Des gens qui s’arrêtent pour visiter…/… c’est agréable ».
« Il y a nos réunions, mais il y a aussi nos après réunions qui sont sympas,
quand on mange ensemble ».
« En Cuma, il faut faire un barbecue de temps en temps parce que ça permet
aux gens d’échanger sur leurs pratiques professionnelles, on prend le temps de
se demander si ça va, de discuter sur comment ça se passe dans la famille ».
Comme pour les congés et le temps libre, le vécu relatif aux relations sociales reste propre à chacun. Des
éleveurs ont un réseau peu développé mais cela semble leur convenir, d’autres aimeraient avoir davantage
de relations, ou d’une autre nature quand par exemple les relations de voisinage sont difficiles (jalousie,
vandalisme, intolérance vis-à-vis des animaux proches des habitations…).
S’investir dans des réseaux demande aussi du temps que certains vont limiter par manque de disponibilité
ou pour garder un peu de temps libre pour des activités personnelles.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 13
Impact du territoire sur la durabilité sociale des exploitations
3.5.1 Un territoire en repli…
Certains acteurs s’inquiètent du dépeuplement qui se
poursuit et du vieillissement de la population avec leurs
conséquences sur l’avenir des chantiers collectifs et de
toute forme d’entraide.
A proximité du secteur clermontois, ce sont plutôt les
problèmes de cohabitation avec l’habitat résidentiel qui
pèsent, lors de la moisson.
« Comment tu fais une Cuma avec des gens qui
habitent à 20 kms de chez toi ou à 30 ? ».
« Les habitants râlent qu’on salit les piscines ».
« Il faut demander aux gens d’enlever les voitures pour
passer ».
La faible densité de population entraîne une raréfaction
des services de proximité.
Ce discours se retrouve chez des éleveurs à plus d’une
heure d’une grande agglomération et concerne aussi
les services de conseil agricole. Cet isolement peut aussi
avoir des répercussions sur la vie privée des éleveurs.
Le développement de l’utilisation du foncier en mode
« estives » peut également contribuer à dégrader l’offre
de services.
Le repli économique pose aussi question et cela pose
problème aux conjoint(e)s qui peinent à trouver une
activité salariée.
« Il manque une densité humaine et agricole, on est de
plus en plus délaissés, on est loin de tout et loin ou pas,
on a droit aux services comme les autres ».
« C’est difficile d’attirer une bonne amie là-haut …/...
On est quand même entre 45 mn et une heure et demi
de Clermont ».
« Un territoire d’estive, ça ne remplit pas les
commerces, ça ne fait pas vivre une famille, ça ne
remplit pas l’école…, c’est vécu ici comme un souci …/…
par les élus …/… et par les agriculteurs ».
« Il n’y a plus d’emplois aujourd’hui chez nous ».
Les contraintes liées au déneigement, le morcellement lié à l’emprise du boisement sont soulignés et des
éleveurs ovins craignent l’arrivée du loup.
3.5.2 …Mais un territoire où il fait bon vivre
Tous les éleveurs sont originaires du
Livradois-Forez et témoignent de
leur attachement à leur territoire.
Des éleveurs et des acteurs
soulignent la qualité de vie à la
campagne, notamment pour les
enfants.
Le moindre coût de la vie et en
particulier celui de l’habitat est aussi
mis en avant.
« Je ne me vois pas vivre ailleurs, je n’ai pas envie d’aller ailleurs ».
« Mon amour du Livradois-Forez ».
« Les gamins, la qualité de vie qu’ils ont en terme de découverte, connaissent
la nature, les animaux, et aussi la télévision et internet, donc ils ont
beaucoup plus de connaissance… ».
« Les enfants sont tout de suite dehors pour jouer, jamais de voiture, tout le
monde se connaît, le gamin va voir les poules du voisin ».
« J’ai l’impression que les gens ici sont heureux ».
« Certaines personnes ont compris qu’on pouvait bien vivre ici alors que c’est
compliqué en ville ».
« Le territoire offre des opportunités de vivre bien et moins cher qu’ailleurs ».
Pour les acteurs, les services sont assurés, même si la disparité intra-territoire
est forte. Les éleveurs à moins d’une heure d’une grande agglomération ne se
plaignent pas d’un manque de services. Certains sont proches d’une grande
ville, les autres se disent habitués au manque de services, de commerces, ils
s’organisent en conséquence ou bien trouvent qu’il y a autant qu’en ville. Les
voies de communication (routes, internet) s’améliorent. Là encore la subjectivité
est forte et l'éloignement est relatif.
« On n'est pas tous égaux,
c'est loin à partir d'une
demi-heure de route dans le
Haut Livradois et de 10 mn
quand on habite à
Courpière ».
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 14
La vie sociale se maintient, le tissu associatif reste dynamique et
les élus se mobilisent pour construire une offre de services
culturels. La vie sociale est fondamentale.
Certains envisagent l’avenir avec optimisme, notamment grâce à
la fusion Auvergne-Rhône-Alpes.
« Le milieu associatif, c’est le ciment de cette
micro société ».
« La nouvelle grande région pourrait
redynamiser le territoire. Aujourd’hui les gens
viennent s’installer parce qu’ils peuvent
travailler en télétravail ».
Contributions des exploitations à la durabilité sociale du territoire
Les exploitations contribuent aussi à la vitalité du territoire. Les
éleveurs, surtout les plus isolés, insistent sur le rôle crucial de
l’agriculture. Celle-ci participe au maintien d’une population et
des services connexes (artisanat, services), y compris par
l’embauche de salariés d’exploitation.
« L’agriculture une des seules activités
économiques sur nos zones…/… c’est un
ensemble, c’est l’agriculture, c’est l’artisanat
derrière, c’est les services ».
Groupes industriels, PME et producteurs fermiers cohabitent sur le territoire et tout le monde souligne leur
complémentarité dans la création de valeur ajoutée. L’AOP Fourme d’Ambert apporte de la plus-value non
délocalisable.
Les éleveurs ont aussi un rôle dans
l’entretien des paysages et du cadre de vie.
« Avec leurs animaux dans les chemins, ils vont passer avec des
engins… quand il y a moins de monde, tu as les chemins qui se
ferment ».
Enfin ils participent au développement touristique et à la promotion du territoire notamment par l’accueil à
la ferme, la création de gîtes, la vente de produits de qualité typiques de la région.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus dans le département des Ardennes 15
4 CONCLUSION : UNE APPROCHE MULTICRITERES, MULTI-ECHELLES ET MULTI-ACTEURS
Pour conclure, les éleveurs qui s’installent "par vocation" et ceux qui veillent à la cohérence entre leurs
attentes et leur système de production vivent souvent mieux leur métier. Trouver un équilibre entre des
investissements qui ne mettent pas en péril l’exploitation et des conditions de travail acceptables reste un
vrai défi. Les enjeux relatifs à la santé sont importants, le travail physique et des situations de stress mettent
les agriculteurs à l’épreuve. La forte amplitude horaire du travail est mieux vécue par ceux qui ne recherchent
pas de temps libre ou s’organisent pour en prendre, et les passionnés de l'élevage.
Dans les structures sociétaires, partager un projet, pouvoir se remplacer
semble plus durable mais demande des discussions, des arrangements… Les
relations sociales et aussi familiales sont à la fois sources de tension et de
soutien, lorsque les aspirations de chacun se rejoignent.
L’équilibre entre les différentes sphères de vie, développé en psychologie
sociale, la conciliation entre le professionnel et les autres sphères sont
fondamentales.
« La durabilité sociale repose
sur l’équilibre entre la vie
privée, la vie de famille et
l’épanouissement
professionnel ».
Le travail étant de plus en plus individuel, redynamiser l’action collective
impliquerait de renforcer les budgets d’animation, d’élargir les réseaux
professionnels et associatifs (Terre de Liens…) et de sensibiliser davantage les
élus politiques. La dynamique collective conditionne également les
installations.
« Il faut impérativement qu’il y
ait plusieurs jeunes qui
viennent se réinstaller
ensemble, sur le même
territoire ».
Les acteurs insistent sur l’expérience professionnelle avant installation et sur la formation initiale et continue,
pour acquérir des compétences techniques, relationnelles et entrepreneuriales.
Le droit à changer d’orientation existe mais
peu d’éleveurs se l’accordent.
« Il faudrait être capables de dire que quand ça ne va plus dans un
boulot, on en cherche un autre, on démissionne ».
Ainsi, la durabilité sociale résulte de la combinaison de différentes thématiques qui interagissent et peuvent
autant la conforter que la remettre en cause et la fragiliser. La pluralité des dimensions évoquées, souvent
subjectives, permet de comprendre les situations.
Cette compréhension demande de connaître le parcours de l’éleveur, sa situation personnelle, ses
motivations, ses valeurs, le système de production et son organisation. Elle s’intéresse à des dimensions
individuelles mais aussi aux relations sociales qu’entretient l’éleveur, dans un cadre professionnel ou privé.
Le territoire contribue aussi à la « vivabilité » du métier et réciproquement l’activité agricole contribue à la
vitalité des territoires. Pour les éleveurs, le territoire est à la fois un cadre de vie et un lieu d’exercice de
l’activité.
Comprendre la durabilité sociale demande ainsi une approche multicritères mais aussi multi-échelles et
multi-acteurs.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 16
Partage des résultats
avec les éleveurs et acteurs enquêtés dans le territoire Livradois-Forez
L'objectif de la journée proposée à l’ensemble des personnes enquêtées dans le projet Sociel était de présenter une
synthèse des entretiens réalisés, de leur permettre de croiser leurs regards et de rediscuter des résultats de l’étude.
Quatre éleveurs et deux acteurs du territoire étaient présents, ainsi que les membres de l’équipe du projet Sociel
sur le Livradois Forez.
1. Restitution
Les éleveurs et acteurs ont abondé par leurs échanges, et ainsi validé, la synthèse des entretiens. Certains
thèmes ont été abordés plus longuement, comme par exemple la santé des agriculteurs et les difficultés
pratiques à utiliser en cas de problème les prestations du système de santé. Un long débat a également eu
lieu sur les liens entre l’utilisation des estives (zones d’altitude) par des agriculteurs d’autres départements
et la durabilité sociale des exploitations ancrées dans un territoire se dépeuplant.
2. Atelier participatif (réflexions par petits groupes puis discussion collective)
L’après-midi s’est déroulé sous forme d’ateliers regroupant trois participants (1 acteur et 2 éleveurs par
groupes) pour produire un schéma répondant à la question suivante :
Pour vous qu’est ce qui est important pour qu’une exploitation du Livradois-Forez soit durable socialement ?
L'idée centrale du 1er groupe est le rapport entre l’argent et le
temps passé avec un double objectif qui est à la fois économique « il
faut bien vivre de son métier » tout en pouvant « se dégager du temps pour
faire autre chose ».
A cela s’ajoute la capacité à conjuguer vie familiale et vie
professionnelle. Un lien très fort est alors fait avec le territoire et les
services présents pour les membres de la famille (emploi du conjoint,
école…).
Enfin la vie sociale à travers les liens de proximité, l’intégration à la
vie de la commune et le non isolement dans le travail est le troisième
axe qui ressort.
Le 2ème groupe distingue trois thèmes primordiaux pour la
durabilité sociale d’une exploitation dans le Livradois - Forez :
- L’environnement socio-économique du territoire, avec le maintien de services tels que l’école et
l’importance de bassins d’emploi pour les conjoints d’exploitation ;
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus dans le département des Ardennes 17
- Le cœur du métier : pour être et rester dans son métier il faut un « revenu normal », normalité propre à
chacun et en lien étroit avec le temps disponible pour faire autre chose « je préfère gagner 1000 €/mois et
passer plus de temps avec mes enfants que gagner 2000 €/mois ».
Sont abordées également les conditions de travail (mécanisation, pénibilité, temps de travail…) et la
reconnaissance de la société.
- La vie privée : les agriculteurs doivent trouver aussi un équilibre dans leur vie privée (familiale, associative,
loisirs). C’est « dur de durer s’il n’y a que le travail ».
Les deux groupes abordent la majorité des thèmes évoqués le matin : le territoire, les liens sociaux, familiaux,
le temps libre et de façon induite la charge de travail. Le thème du revenu en lien avec le temps de travail
très peu abordé dans les enquêtes ressort dans cet atelier comme un thème central de la durabilité sociale
et ce dans les deux groupes.
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 18
Présentation des résultats
à l’équipe technique du territoire Livradois-Forez
A l'invitation de la Chambre d'Agriculture neuf conseillers intervenants sur la PRA "Livradois-Forez" ont participé à
la restitution des résultats Sociel dans le cadre d’une réunion trimestrielle de l’équipe technique.
3. Le sujet leur parle !
Les participants, déjà bien sensibilisés par leurs pratiques à la dimension sociale dans l'approche des
exploitations, enrichissent la présentation en rapportant d’autres situations vécues. S'ils disent ne rien
apprendre de nouveau, ils trouvent intéressant d’en discuter entre eux, de prendre le temps d’y réfléchir.
4. Atelier participatif (réflexions par petits groupes puis discussion collective)
Question 1 : ce qu’il est important de considérer pour connaître la durabilité sociale d’une exploitation :
- la personne, ses valeurs, ses objectifs, son ressenti du métier, sa capacité à exprimer ses objectifs.
- l’exploitation (l’organisation du travail, la situation économique),
- l’environnement social, géographique, économique et de services.
Les infrastructures de l’exploitation et la santé des agriculteurs ne sont pas évoqués.
Question 2 : prise en compte de la durabilité sociale dans votre métier – Quand, comment, difficultés ?
Tous disent intégrer implicitement ces thématiques dans leur travail. Certains insistent sur la prise en compte
de l’humain dans toute activité de conseil et notamment dans l’étude de projets. Plusieurs interviennent
dans la gestion de conflits entre associés.
On distingue des conseillers dans une attitude plutôt prescriptive, encourageant à l’association, à limiter
l'agrandissement… et d’autres plutôt d’accompagnateur, interrogeant l’agriculteur sur ses objectifs, le
poussant à se questionner.
Des questions d’ordre personnel peuvent être difficiles à aborder, aussi bien pour les conseillers que les
éleveurs. Une relation de confiance est nécessaire et demande du temps pour s’établir. Les participants ont
des compétences d'abord techniques, scientifiques et certains demandent des formations aux relations
humaines pour passer de l'implicite à une prise en compte plus structurée de la dimension sociale dans leur
métier.
En projet : D’une restitution locale à une restitution institutionnelle
- Restitution aux élus professionnels
- Restitution à tous les conseillers d’entreprise de la chambre d’agriculture
CASDAR SOCIEL – Principaux résultats obtenus sur le terrain Livradois-Forez 19
5 BIBLIOGRAPHIE
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LE RMT TRAVAIL EN ELEVAGE Il développe des approches pluridisciplinaires pour une meilleure prise en compte de différentes dimensions :
organisation, productivité, sens du métier.
Le RMT favorise les débats entre acteurs du développement, de la recherche, de la formation et la
concrétisation de projets pluripartenariaux. Il amplifie les synergies entre filières herbivores et granivores, entre
disciplines, entre territoires et constitue un pôle d’expertise pour les professionnels de l'élevage et les pouvoirs
publics.
Le RMT analyse les systèmes d'élevage pour comprendre leurs transformations et les met en perspective par
des collaborations à l’international. Il valorise ses acquis en direction de publics divers, organise des rencontres
de partenaires, réalise des synthèses et des modules de formation pour conseillers et enseignants, participe à
des congrès scientifiques et à la publication d'ouvrages, encadre des thèses, anime des conférences, notamment
lors des salons professionnels de l'élevage.
Il regroupe instituts techniques et de recherche, chambres d'agriculture, enseignement supérieur et technique,
syndicalisme, soit au total 28 partenaires.
Les publications sont disponibles sur la page Web : http://rmt-travail-elevage.fr
CASDAR SOCIEL Principaux résultats obtenus sur le terrain du
Livradois-Forez
Document édité par l'Institut de l'Elevage - 149 rue de Bercy - 75595 PARIS cedex 12
jUIN 2018 - Référence idele : 00 18 601 xxx
Rédaction : Claire Balay, Sylvie Cournut (VetAgro Sup, campus agronomique de Clermont – UMR Territoires), avec l'appui de
Gérard Servière (Institut de l’Elevage), Jean-Yves Pailleux (Inra de Theix – UMR Territoires), Clémentine Lacour (Chambre
d’agriculture du Puy-de-Dôme)
Réalisation des enquêtes : Jean-Yves Pailleux, Clémentine Lacour, Jean-Marie Mouchard (Chambre d’agriculture du Puy-de-
Dôme), avec l'appui de Sylvie Cournut et de Gérard Servière
Le projet SOCIEL - Analyse de la durabilité sociale des exploitations d’élevage dans leurs territoires, financé par le Casdar, a
été réalisé dans le cadre du Réseau Mixte Technologique (RMT) Travail en Elevage
Mise en page : Katia Brulat (Institut de l'Elevage)
Crédit photos :