1R. Anton
Les « plantes médicinales » …
…sont elles encore médicinales?
Robert ANTON
Professeur honoraire, ancien émérite
de l’Université de Strasbourg
Académie Nationale de Pharmacie 2 mars 2016
2R. Anton
Le passé: Ministère de la santé et l’AFSSAPS (1978-2010…)
Plantes médicinales: drogues végétales (partie de plante –
inscrites sur listes A ou B
1. Commissions de la Pharmacopée française et européenne:
- monographies plantes, préparations galéniques…listes A et B
- libération de 148 plantes en l’état (ail, myrtille, thym…)
2. Commission d’AMM « Médicaments à base de plantes »:
1980-2010…2016
Rédaction des « Avis aux « fabricants concernant les AMM »
(1982- 1987-1989- BO 90/22 bis)
Conclusion: les plantes médicinales sont des médicaments
3R. Anton
EMEA-EMA: Indications thérapeutiques pour le médicament à base de plantes
EMA: Deux niveaux de libellés retenus pour l’AMM:
- « usage traditionnel»: recul d’utilisation (30 ans dont 15 dans un EM), mode de préparation traditionnel, automédication possible. Procédure simplifiée: dossiers toxico-clinique non imposés
Syzigium, Curcuma, Lavandula, Melissa, Rosmarinus, Viola….
- « usage médical bien établi» bibliographie: base de données pharmaco-cliniques disponibles
Directive 2004/24/EC
4R. Anton
Le présent: évolution vers des plantes « border line » ou d’interface pour les compléments alimentaires
« Plantes ambivalentes »: équilibre de la santé dans la vie
quotidienne…régulation des constantes physiologiques
Cynara
Ficaria
Gentiana
Passiflora
Melilotus
5R. Anton
ILSI: International Life Science Institute (2001-2003)
Développement des concepts: confort, bien
être…automédication…réalisme de la situation
“Guidance for the safety assessment of botanicals and botanical
preparations with use in food and food supplements"
B. SCHILTER, C. ANDERSSON, R. ANTON,
A. CONSTABLE, J. KLEINER, J. O’BRIEN, A.G. RENWICK, O. KORVER,
F. SMIT, R. WALKER
Food and Chemical Toxicology 41 (12), 1625-1649 (2003)
6R. Anton
AFSSA et compléments alimentaires (1995-2006)
1. Comité d’experts de nutrition humaine et GT sur
compléments alimentaires – plantes (« Président »)
2. Réunions de travail avec représentants des syndicats
industriels: élaboration de listes de plantes
3. « Démarche de l’évaluation de la sécurité, de l’intérêt et de
l’allégation des denrées alimentaires, contenant des
plantes, destinées à la consommation humaine »
(27 février 2003)
mais aucune liste ni positive
ni négative retenue officiellement
7R. Anton
Académies nationales de Pharmacie et de Médecine
Rapport commun rédigé au nom des groupes de travail respectifs des deux Académies (octobre 2010)
« Réflexions et propositions relatives aux allégations de santé et aux compléments alimentaires »
présentées par les Pr. Pierre Bourlioux et Jean-Paul Laplace
Distinction entre « compléments alimentaires » (carence, déficience) et « suppléments », avec toute une série de rappels, d’estimations, d’observations, de considérations, de mises en garde…
8R. Anton
- Comité d’experts sur la « Nutrition , la Sécurité Alimentaire et la
Santé du Consommateur »
- GT Compléments alimentaires à base de plantes (Président).
1.Lignes directrices concernant la qualité,
la sécurité d’emploi et la mise sur le
marché des compléments alimentaires à base
de plantes (juin 2005)
- 2.Populations à risques, concept d’homéostasie (2005)
- 3.Liste d’ouvrages sur les « active principle in natural
flavourings », (2006)
Le Conseil de l’Europe (2000-2008)
9R. Anton
The European Scientific Cooperation (ESCO) (2008-2010): une stratégie de l’EFSA
Composition: experts identifiés par l’EFSA et par les Etats membres
Recherche d’une harmonisation européenne et assurance d’ une sécurité d’emploi
Données techniques exigées:
- identification, procédé de fabrication, compositionchimique, spécifications, stabilité, usages proposés,niveaux d’utilisation…
- données d’exposition: anticipée, cumulée, modalités…- données toxicologiques: génotoxicité, carcinogénicité, cinétique, métabolisme, subchronicité…
- approche proposée avec 2 niveaux décisionnels: A et B
10R. Anton
Exemple de « guidelines » de sécurité
Advice on the EFSA guidance document for the safety
assessment of botanicals and botanical preparations
intended for use as FS, based on real cases studies
EFSA Journal (2009), 7 (9) 280-323
Idée force: prouver l’absence de toute génotoxicité sinon
obligation de réaliser un dossier complet de toxicologie
Niveau A: acceptation des connaissances en l’état
Niveau B: données toxicologiques additionnelles requises
11R. Anton 11
Elaboration d’un “ Compendium of botanicals reported to contain toxic, addictive, psychotropic or other substances of concern” (examen de 2879 espèces + 250 “informationsinsuffisantes” utilisées en Europe)
Vers le futur: évaluation des risques pour les consommateurs (plantes et préparations)
12R. Anton
Remarques sur le 2ième compendium (2012)
Le compendium: pas une liste négative (sorte de “drapeaurouge”)
- aucun jugement formulé sur la sécurité et sur les applications des plantes et des préparations
- aucun statut légal: informations pour le fabricant
Publication: EFSA Journal, 10 (5), 2663 – 2723 (2012)
Rubriques étudiées:
nom scientifique, famille, partie de la plante, groupe et substances à “risques”, éléments de toxicologie clinique et/ouanimale, dernières publications scientifiques….
13R. Anton
EFSA : compendium et information sécuritaire (2005-2016)
Projet de publication en cours d’un compendium informatisé:
(3° version électronique en cours) avec plus de 2300
espèces dans un premier temps (les espèces « exotiques »
seront ajoutées plus tard)
- but: élaboration d’une liste de plantes présentes dans tous
les EM, pouvant présenter des dangers et des risques pour la
santé avec mention de la molécule à risque (aspects qualitatif
et quantitatif), des remarques et des références
14R. Anton
EFSA: Une situation « particulière » pour les allégations !
Pour le médicament à base de plantes: usage traditionnel
reconnu pour des indications thérapeutiques (aspects
préventif et curatif), sans démonstration d’efficacité
clinique.
Pour le complément alimentaire à base des mêmes plantes et
pour maintenir un état d’homéostasie (équilibre de la
santé) : démonstration d’efficacité clinique imposée chez
l’homme sain pour obtenir une allégation.
Plus de 4000 allégations regroupées et proposées par les
industriels: avis sur la qualité (positifs à 95%), avis sur la
clinique: quasi aucune allégation a été acceptée! Logique
stratégique calquée sur vitamines et minéraux
15R. Anton
Des questions…sans réponses…pour les allégations!
- Comment prouver un impact positif sur un état d’homéostasie
sur un homme sain?
- Pourquoi 2 attitudes différentes pour le médicament qui est
censé « guérir » et pour un complément alimentaire qui
n’est que pour retrouver un équilibre de santé
ponctuellement et ce pour la même plante?
Exemples d’allégations qui pourraient être liées à un effet
physiologique:
“Augmentation de la sécrétion biliaire et facilitation de la digestion, stimulation de l’appétit, troubles mineurs du sommeil, fatigue temporaire, élimination rénale d’eau »….
16R. Anton
EFSA : une logique… mais contradictoire a priori !
“Scientific Opinion on the substantiation of a health claim related to hydroxyanthracene derivatives and improvement of bowel function” pursuant to Article 13(5) of Regulation (EC) No 1924/20061 , EFSA Journal 2013;11(10):3412
Allégation scientifiquement bien établie pour la « constipation occasionnelle » des plantes à dérivés anthraquinoniquesavec:
Rhizome de Rheum palmatum, feuilles et fruits de Cassia sennaet de Cassia angustifolia, écorces de Rhamnus frangula, de Rhamnus purshianus D.C. et espèces d’Aloe.
La prise en compte de la sécurité d’emploi n’a pas été prise en compte dans cette opinion uniquement la qualité clinique du dossier!
17R. Anton
« BEL-FR-IT »: l’origine d’un projet commun
Des convergences de points de vues dans 3 pays et une
initiative commune:
- Belgique: Ministère de la Santé (Joris Geelen)
- France: DGCCRF (Guillaume Cousyn)
- Italie: Ministère de la Santé (Bruno Scarpa)
Participation de 3 experts:
- Belgique (Luc Delmulle)
- France (RA)
- Italie (Mauro Serafini)
18R. Anton
La liste BELFRIT à partir de trois pays
La liste « BELFRIT »: Belgique (645) – France (548) – Italie
(1182) soit 2045 espèces botaniques
Les rubriques étudiées:
dénomination scientifique – famille botanique - partie
traditionnellement utilisée – partie de la plante
éventuellement à problème – molécules devant être
contrôlées - informations complémentaires sur une
éventuelle toxicité – jugement et opinion finale
Molécules à surveiller – restrictions d’utilisation possibles
Conclusion: liste acceptée dans le décret du Ministère italien du 27mars 2014, amendement mars 2015 au décret royal en Belgique...
19R. Anton
Conclusion sur la liste BELFRIT
Une liste des plantes positive et unique:
liste d’espèces associant les données de la tradition, de la
connaissance expérimentale et de la science la plus
actuelle, évitant ainsi l’obscurantisme qui pourrait nuire à
tous.
Une mise en valeur de tout ce patrimoine séculaire valorisant
le fruit du savoir et de l’expérience clinique ancestrale
unique, pouvant être utile à l’Homme, à la santé publique
de nos pays d’Europe.
20R. Anton
Un important décret en France
France: Arrêté du 24 juin 2014 publié le 17 juillet 2014 au JORF : liste des plantes, autres que les champignons,autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi (540 espèces avec molécules à « surveiller » et 73 espèces avec restriction et annexes:
- informations à communiquer par les opérateurs sur la caractérisation des préparations de plantes
- informations concernant la sécurité des préparations: niveau d’exposition et données toxicologiques
Remarque: peu de plantes « exotiques » présentes…mais des convergences potentielles avec des espèces du même genre
21R. Anton
Un constat actuel
En l’absence d’harmonisation européenne: reconnaissance de
la libre circulation des marchandises avec reconnaissance
mutuelle si un produit est sur le marché dans un EM.
II. Les autres EM ne peuvent refuser le produit que si la
preuve de sa toxicité est apportée: art 28 et 30 du traité
III. Le principe s’applique aux produits manufacturés et/ou mis
sur le marché dans l’un des 27 EM
IV. Il existe différentes listes positives et négatives dans les
différents EM qui néanmoins doivent respecter les articles
28 et 30 du traité
22R. Anton
Un point de vue personnel…
-- Mettre fin à l’anarchie du marché dès que possible
-- Se partager “le gâteau”…conserver les plantes importantespour le médicament et abandonner les plantes “traditionnelles”pour les compléments alimentaires
-- Utiliser les questions de doses pour une distinction
-- “ A vouloir tout garder on perdra tout!”
-- Allégations: décision finale reconnaissant la traditionappartient à la Commission européenne avec 2 options:
- 2A (statut quo) ou 2B (tradition reconnue)
-.
23R. Anton
Des recours possibles?
-- Plan juridique: remise en question de la présence decertaines plantes impossible: liberté de circulation (art. 16décret 2006-352) des plantes provenant d’autres états sauf sipopulation en danger (apporter les preuves)
-- Cour de Justice: importance du produit fini: dérivésanthracéniques: médicament 15-25 mg (EMA) maiscompléments alimentaires :< 10mg/j donc question de dose.Autre exemple: ail
-- Plan scientifique: possibilité de mentionner des restrictionsd’emploi si risque avéré, et “Belfrit” a proposé desavertissements qui seront intégrés plus tard dans l’arrêté.
24R. Anton
Conclusion
1. Mutation des plantes médicinales
2. Dérive vers des produits de santé, de bien-être…des
compléments alimentaires: un partage est nécessaire
3. Urgence d’une harmonisation impérative
4. Un « combat d’arrière garde » sans chance de succès et
une évolution avec son temps (« prévoir et non guérir »)
5. Une phytovigilance: un objectif prioritaire!
6. Actualité de problèmes importants: « novel food », plantes
« exotiques » huiles essentielles…un rôle que peut jouer
l’Académie…
Le pharmacien a un rôle capital comme garant de la
sécurité d’emploi et de la santé publique