La problématique de l’effectivité de la réglementation des prix : cas de contrôle des prix
ASSISTANT LAURENT NGOY NDJIBU (Faculté de droit département de droit économique)
UNILU
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INTRODUCTION
1. objet de la recherche
« L’objet de recherche est souvent définie comme un creux qu’il s’agit de remplir : un
problème de recherche se conçoit comme un écart conscient que l’on veut combler entre ce que
nous savons, jugé insatisfaisant, et ce que nous désirons avoir, jugé désirable. Il s’inscrit alors
dans une problématique de l’avancement des connaissances : le chercheur choisit son objet en
fonction des manques qu’il décèle dans le corpus constitué des sciences sociales. Au départ
donc, avant que le chercheur passe à la construction proprement dite de son objet de recherche,
une question s’impose à son esprit. Elle peut être générale ou précise, plus simple au début et
plus complexe par la suite, mais elle n’a pas la précision que revêtira l’objet de recherche en fin
de course. Dans certains cas, la question demeure telle qu’elle s’est posé au début, le chercheur
explorant l’une ou l’autre de ses facettes ; dans l’autre cas, la question, sera totalement
transformée en cours de route. Chose certaine, dans tous les types de recherche mais surtout en
recherche qualitative, l’objet de recherche est à la fois un point de départ et un point d’arrivée ».
(PJ. Des lauriers et Michèle K, 1997, p 90)
La notion d’objet construit est de nos jours couramment employés, mais elle est devenue une
notion équivoque. « On parle d’objet construit en trois sens différents. Dans un premier sens,
cette notion désigne la construction d’un objet disciplinaire. On dit ici chaque que discipline
construit son objet. Dans un deuxième sens, la notion d’objet construit renvoie au phénomène
du pré construction sociale de l’objet d’étude. Par pré construction on veut dire que l’objet a été
conçu par un travail de l’esprit, ou créé par le biais d’institutions et de pratiques sociales, d’une
certaine façon avant que le chercheur entreprenne sa recherche sur cet objet. Dans un troisième
sens, la notion d’objet construit désigne aussi la démarche méthodologique du chercheur. En
effet qu’on le veuille ou non le chercheur sélectionne des faits choisit ou définit des concepts,
interprète ses résultats, etc. Bref, il construit à son tour son objet techniquement et
théoriquement ». (Pires, 1997, p 19 et 20)
Le développement qui va s’en suivre, va se cadrer avec les deux derniers sens de l’objet de
recherche.
De ce fait, il est tout à fait indiqué pour nous compte tenu de l’importance de la notion de
contrôle, de centrer notre étude sur l’analyse du contrôle en matière des prix que de parler de la
corruption, qui est la conséquence de ce dernier.
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Ainsi la vie en société ne sera possible et concevable qu’à travers les échanges
commerciaux. Ces échanges font intervenir plusieurs acteurs, dont les privilégiés sont les
consommateurs, les commerçants ou opérateurs économiques et l’Etat comme régulateur de ces
échanges. Les échanges commerciaux se déroulent autour d’un prix et d’une chose qui, permettent
aux acteurs de se rencontrer.
« C’est ainsi que le code civil congolais livre III, dispose que la vente est une convention par
laquelle l’un s’oblige à livrer une chose et l’autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique
ou sous seing privé. Elle est parfaite entre parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à
l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore
été livrée ni, le prix payé ». (Décret loi de 1888, articles 263-264)
Dans cette relation prix et chose, l’Etat à travers le ministère d’économie intervient pour
sauvegarder le pouvoir d’achat des consommateurs et guider les opérateurs économiques dans leurs
entreprises.
Dans cet échange malgré l’intervention de l’Etat à travers les normes juridiques, les acteurs
recourent à plusieurs ressources, chacun en ce qui le concerne, pour maximiser davantage, étant
donné que le droit n’est pas l’unique ressource pour les acteurs.
« Ce recours s’explique par le fait qu’il vrai tout en reconnaissant l’existence de ces
pratiques, les considérer comme des exceptions que le système peut tolérer parce qu’elles ne
mettent pas en question son efficacité et n’atténuent que très marginalement son caractère oppressif.
Mais si les hommes sont capables de battre le système dans les situations les plus extrêmes,
comment se fait il qu’ils se laissent dominer par lui dans des situations beaucoup, moins
contraignantes. C’est ainsi que même dans les situations les plus extrêmes, l’homme garde toujours
un minimum de liberté et qu’il ne peut s’empêcher de l’utiliser pour battre le système » (Crozier et
Freiberg, 1977, p42)
De même, cette liberté n’est évidement pas illimité. « Dans un contexte sursaturé de règles,
les hommes vont utiliser leur marge de liberté, non pas de manière entièrement rationnelle, c’est-à-
dire selon le plan préétabli en fonction de fins claires et permanentes, mais plutôt de manière
contingente tenant compte des opportunités à saisir dans telle ou telle situation précise ». (Digneffe,
1990, p 359)
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Le recours par les acteurs (opérateurs économiques et l’Etat) aux ressources autres que le
droit (relation, situation, profession, pouvoir, etc.) fait que le consommateur acteur faible n’a que le
choix d’adhérer à un prix qui n’est pas normal et affectent son pouvoir d’achat, en ce sens que tout
est répercuté en dernier ressort sur lui. Le consommateur devient une victime des pratiques des
autres sans le vouloir. Ce manque de contrôle peut créer à son tour plusieurs formes de corruption,
qui selon certains chercheurs peuvent « rendre nécessaire une perspective non seulement bilatérale,
mais triadique ou trilatérale de la corruption, qui ne prenne pas seulement en considération le
corrupteur et le corrompu mais également le tiers exclus (consommateur) par leurs échanges. Dans
cet échange où cette réciprocité des avantages que procure la corruption, renforce la solidarité ente
corrupteur et corrompu au détriment des consommateurs considérés comme tiers exclus ». (Nicolas
et Cie, 2000, p 9)
En matière commerciale tout commerçant entretien toujours un esprit de gain maximal et pour y
arriver il est obligé d’utiliser toutes sortes de moyens disponibles devant lui. Ainsi l’un des moyens
faciles pour maximiser les recettes est d’enfreindre le contrôle des prix avec ou non l’aide des
agents d’affaires économiques chargés de régulariser le comportement des opérateurs économiques
sous divers aspects. Ainsi, le père de la démocratie occidentale Aristote, voyait dans le commerce
une activité qu’on ne pourrait exercer sans manqué aux exigences de la justice.
L’objet de cet article devrait se baser sur la corruption, mais après observation, nous nous
sommes rendu compte que le problème ne résidait pas au niveau de la corruption mais à celui du
contrôle.
Il est encore difficile, en ce qui nous concerne, de parler de la corruption qui se situe en amont,
alors qu’en aval se pose le problème d’un contrôle non effectif de prix.
Notre objet de recherche en somme est focalisé sur le contrôle des prix tel que prévu par la loi et
tel qu’il se pratique, afin de trouver les causes pratiques empêchant un contrôle véritable des prix
qui, favorisant ainsi le caractère endémique de pratique de prix illicites.
2 .cadre méthodologique
1 .Le choix des personnes ressources
Tel que développé au niveau de l’objet, notre recherche regorge trois acteurs principaux : le
commerçant, le consommateur et les agents d’affaires économiques ou de contrôle. Pour aborder
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notre question de recherche et comprendre les pratiques exagérées des prix illicites sur terrain, il
nous semble tout à fait indiqué de choisir les personnes ressources capables de nous fournir des
informations nécessaires
Mais avant cela, le premier choix est celui du lieu d’observation. En ce qui concerne ce lieu,
d’autant plus que le problème se pose au niveau de contrôle des prix d’une manière générale, d’où
la division provinciale d’économie, est pour nous le meilleur endroit pour réaliser les entretiens
souhaités .C’est dans ce lieu que se rencontrent le commerçant et le contrôleur des prix
En ce qui concerne les personnes ressources, nous avons choisi, selon le besoin de la
recherche les agents d’affaires économiques chargés de contrôler les prix. Ce choix des personnes
ressources, se justifie par la notion d’acteur social, où une place de choix est réservée aux propos
des interviewés (acteurs).
Pour ce qui est de l’exclusion des commerçants et consommateurs dans le choix des
personnes ressources, comme nous l’avions indiqué aussi dans l’introduction, cela trouve
explication à travers l’évolution de la question de départ .Notre observation a démontré que le
problème en matière des prix ne résidait point au niveau de la corruption mais au contraire au
niveau du contrôle, dont ce dernier est la source de la corruption.
2. la méthode qualitative
« Choisir une méthode ; c’est choisir une théorie. Il est nécessaire afin d’en comprendre le
choix et l’usage de le rapprocher de la théorie avec laquelle elle est compatible ; voir qu’elle
représente parfois ». (Kienge R, 2005, p 95)
En effet, la méthodologie est la réflexion préalable sur la méthode qu’il convient de mettre
au point pour conduire une recherche. « Les techniques qualitatives de recueil de données mettent
en général le chercheur dans une position particulière par rapport à l’objet de sa recherche ; par
rapport à la recherche elle même et par rapport au groupe d’homme avec lesquels il doit composer
nécessairement le phénomène essentiel. C’est que le chercheur est entièrement intégré par sa
personne ». (Muccheilli A., 2004, p 152)
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Notre étude s’inscrit dans la recherche empirique qui se base sur les langages des personnes
clés. Il est tout à fait indiqué, à ce sujet, de faire recours à la méthodologie qualitative pour avoir les
discours nécessaires de premiers choix.
Cette méthode nous l’associons avec induction, en ce que notre but n’est pas de vérifier des
affirmations quelconques dans la mesure où nous n’avons pas connu des recherches qui parlent de
contrôle des prix, si ce n’est que de la corruption. Nous voulons plutôt chercher les causes, à
travers induction qualitative qui sont à la base de l’ineffectivité du contrôle des prix et qui
favorisent le caractère endémique des pratiques de prix illicites.
De ce fait, induire consiste en un mouvement inverse de la pensée .L’induction est le
processus par lequel on généralise sous formes d’énoncées théoriques, le fait de l’expérience ou de
l’observation. L’induction est une pratique fondée sur l’expérience de terrain et vise la
compréhension des phénomènes au départ des données plutôt que le recueil de données pour
évaluer un modèle théorique préconçu ou des hypothèses a priori.
« La démarche inductive laisse la théorie se développer durant et non avant les opérations de
recherche. Autrement dit, les catégories ou concepts que l’on utilisera pour rendre compte des
données recueillies par n’importe quelle méthode a priori conforme avec la démarche ne sont pas
tirées d’une théorie mobilisée a priori ». (Kaminski D., 2005, p 30)
Les causes recherchées pour expliquer les pratiques illicites doivent sortir des propos des
informateurs clés qui vivent directement la situation.
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I. ETAT DE LA REGLEMENTATION DES PRIX EN RDC
La législation congolaise sur les prix comprend une série de dispositions dont le respect
permettrait certainement aux consommateurs d’effectuer leurs achats à des prix connus et
convenables.
La réglementation des prix en République Démocratique du Congo, a été une préoccupation
du législateur de l'avant et de l'après indépendance.
Avant l'indépendance congolaise, le législateur colonial avait pensé réglementer les prix
pour protéger le pouvoir d'achat des consommateurs. L’ordonnance-loi du 1er août 1944 relative
aux prix marquait déjà le premier pas réalisé par le législateur colonial.
En effet, ce texte s'appliquait à quiconque vendait ou achetait des marchandises
occasionnellement, et aux personnes qui, individuellement, prestaient leurs services, dirigeaient ou
géraient une entreprise de services. L'ordonnance-loi du 1er août 1944 obligeait tout commerçant,
avant de fixer son prix de vente, de calculer toutes les dépenses engagées ou à engager .Pour
l’acquisition et la vente, l’on devait ajouter un certain pourcentage au total du prix d’achat. Pour
éviter que le commerçant commette des abus, en fixant des prix anormaux, le législateur avait établi
lui-même la base de calcul en réglementant le pourcentage bénéficiaire de tout commerçant.
Après l'indépendance, nous assistons à l'intervention du législateur par le décret-loi du 28
mars 1961 relatif aux prix.
Il constitue la base de la législation congolaise en matière des prix. Ce texte consiste à
préciser les éléments devant entrer en ligne dans les structures des prix de produits et services en
vue de protéger le pouvoir d'achat des consommateurs. Ce décret loi vise à :
- combattre principalement la hausse des prix sur le marché et la pratique des prix illicites.
Ainsi seront punis d'une servitude pénale de quinze jours à trois ans, ceux qui par des moyens
frauduleux quelconques, auront opéré ou tenté d'opérer, maintenir ou tenter de maintenir la hausse
de prix ou la baisse de prix de produits. Ceux qui, même sans emploi de moyens frauduleux auront
volontairement opéré, maintenu sur le marché national la hausse de prix anormale soit par des
interdictions ou des conventions ayant pour objet de détermination des prix maximal oui minimal
de vente, soit par des restrictions à la production et à la libre circulation des produits.
- défendre ensuite le pouvoir d'achat de la population. En réglementant le prix sur le
marché national, les pouvoirs publics cherchent à défendre le pouvoir d'achat de la population pour
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permettre à cette dernière de faire des achats de tous les besoins nécessaires. Etant dans un circuit
où les transactions font la loi, la population ou le consommateur doit être protégé. En effet, la
défense du principe de la souveraineté du consommateur a toujours exigé qu'une protection lui soit
accordée contre divers abus dont il peut être victime, notamment les atteintes à la capacité de choix,
à la libre expression de volonté, aux conditions nécessaires concernant le jeu des lois du marché.
- protéger les consommateurs. Celle-ci est un objet fondamental de la réglementation des
prix. Mais le droit de la consommation au vrai sens du terme n'a émergé que dans la seconde moitié
du 20ème siècle. Celle-ci coïncide avec l'accroissement de la taille de l’entreprise, la sophistication
des produits et le développement du crédit et de la publicité dus à l'essor économique. C'est ainsi
que nous pouvons définir la protection des consommateurs comme l'ensemble des mesures prises
par l'autorité publique dans le but de les défendre contre tout ce qui peut menacer leur vie suite à un
comportement malhonnête d'un producteur, distributeur des biens et d'un prestataire des services.
De tout ce qui précède, on peut globalement distinguer deux périodes qui ont marqué
l'évolution de la politique des prix dans notre pays.
Avant l’accession de notre pays à l'Indépendance, les prix étaient librement fixés par ceux
qui en faisaient l'offre. Seuls les prix des produits pétroliers étaient réglementés par l'Administration
centrale. Toutefois, les Gouverneurs de Provinces étaient autorisés, lorsque des abus étaient signalés
dans un secteur, à imposer des prix minima .Ce fut souvent le cas pour les produits agricoles où
l'objectif de l'intervention était d'encourager la production dans ce secteur.
Après 1960, pour des raisons diverses, les circuits de production, d'Importation et de
distribution des biens et des services se sont trouvés perturbés. Il s'en suivit que la loi de l'offre et de
la demande ne pouvait plus assurer correctement la régulation du marché.
Pour rétablir l'équilibre ainsi rompu, les pouvoirs publics devaient intervenir. Le Décret-loi
du 20 Mars1961 autorisa le Ministre de l'Economie Nationale à déterminer, par voie d'Arrêtés, les
prix des marchandises, produits et services. C'est ce qu'on appela le «Régime d'homologation
préalable des prix». Concrètement, le producteur, l'importateur ou le prestataire des services ne
pouvait rien mettre en vente avant la signature de l’arrêté ministériel fixant les prix.
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Ce système a fonctionné jusqu'en 1981, année à partir de laquelle notre pays s’est engagé
dans la voie du libéralisme économique et où il a entamé sa première expérience dans l’ajustement
structurel imposé par le FMI et la Banque Mondiale.
Mais, le rétablissement de la liberté en matière de fixation des prix n'a pas conduit l'Etat à se
désengager de ses responsabilités dans la protection du consommateur. Un train de mesures
d’encadrement fut mis en place. II repose sur les éléments suivants:
- l’adoption du principe du contrôle a posteriori pour permettre à l'Etat de s'assurer que les
prix pratiqués se situent dans les limites de la structure’ agréée, laquelle intègre strictement les
paramètres objectifs du prix de revient ;
- l'obligation faite aux opérateurs économiques de communiquer au Ministère de l'Economie
Nationale, Industrie, Petites et Moyennes Entreprises, les données sur la production et les
importations afin de veiller au niveau d'approvisionnement du pays et de combattre des pratiques
spéculatives, l’objectif finale étant de laisser fonctionner correctement lès mécanismes de la
concurrence ;
- le maintien du régime de l'homologation préalable de prix pour les transactions portant sur
les produits énergétiques et les transports urbains.
Contrairement aux dispositions des articles 2 à 4 sur la fixation des prix du décret de 1961,
les articles 2 à 3 de l’ordonnance de 1983 disposent que :
Article 2: « les prix de vente des produits et services sont librement fixés par ceux qui en
font l'offre, en se conformant aux dispositions du présent Décret-loi et à ses mesures d'exécution. Ils
ne sont pas soumis à homologation préalable, mais doivent après qu'ils aient été fixés, être
communiqués avec tout le dossier y afférent, au ministre ayant l'économie nationale dans ses
attributions, pour un contrôle a posteriori. Le ministre ayant l'économie nationale dans ses
attributions détermine les modalités de calcul et de fixation des prix ainsi que la marge bénéficiaire
maximum autorisée aux commerçants autres que les producteurs des biens ou des services. Il peut
déléguer ce pouvoir aux gouverneurs de province ».
Article 3: « Par dérogation à la disposition de l'article ci-dessus, le ministre ayant
l’économie nationale dans ses attributions est autorisé de fixer le prix de l'eau, de l'électricité, des
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hydrocarbures et des transports publics. Il peut pour les transports publics, déléguer ce pouvoir aux
Gouverneurs de province ».
II. CONTROLE DES PRIX
La base légale du contrôle des prix est constituée par les deux textes majeurs en matière des
prix à savoir :
1) le décret-loi du 20 Mars 1961 relatif aux prix tel que modifié par l'ordonnance-loi n083-026-du
12 septembre 1983.
2) l’arrêté Ministériel n°017/1996 portant mesure d'exécution du décret-loi du 20 Mars 1961.
Le contrôle des prix, se justifie par les motifs pour lesquels il est décrété et par le
contexte dans lequel il se déroule .Ces motifs sont :
- Sauvegarder de l'ordre public : lorsque les opérateurs économiques fixent les
prix des produits à vendre, ils peuvent exagérer. Et lorsque la population se
retrouve dans un contexte où elle ne sait plus faire face à des prix exorbitants,
elle risque d'exploser et l'insécurité va s'installer et l'ordre public sera
troublé.
- Garde-fou pour éviter un dérapage dans l’application des prix, le pouvoir
insiste sur la présence continuelle des agents de l'économie auprès des
opérateurs économiques, en vue de surveiller le marché.
1.Qui doivent contrôler les prix
La Division provinciale de l'économie regorge à son sein, plusieurs agents dont chacun
exerce les fonctions conformément à son grade. Au terme de l'ordonnance-loi portant statut du
personnel de carrière des services publics de l'Etat, les affectations en province relèvent de la
compétence du Gouverneur, car dans l'exercice de ses fonctions, c'est lui qui organise toute
l'administration provinciale et dispose de tous les services de l'Etat.
Selon l'article 4 du chapitre II de l'ordonnance-loi n° 083-026 du 12 Septembre 1983 portant
modification du décret-loi du 20 mars 1961 sur les prix, seuls les agents de l'économie
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commissionnés par le Ministre de l'économie ou sur sa délégation, les autorités administratives
territoriales, qui sont habilités d’effectuer le contrôle des prix sur le marché national.
La procédure consiste à savoir par ou commencer, comment commencer et ou aboutir. Il faut
dans ce cas:
- Identifier l'entreprise : contrôler la détention des documents de commerce
(numéro de registre de commerce et identification nationale) et adresse
complète.
- Circonscrire l'objet du contrôle : connaître sur quoi portera le contrôle et
quels produits sont visés par ce contrôle des prix. Généralement le contrôle
décrété par l'autorité provinciale porte surtout sur les produits de grande
consommation (produits alimentaires).
- Déterminer la période à couvrir : le contrôle économique ne doit pas s'étaler
sur une période illimitée. On cible une période, compte tenu des nouveaux
éléments ayant par exemple motivé le déclenchement de ce contrôle.
N.B. Seuls les domaines de l'eau, l'électricité, les Hydrocarbures et le transport public
bénéficient d'une dérogation en matière de contrôle des prix, car relevant du domaine du
Gouvernement.
a. Pour les produits importés.
Ici on se réfère à l'arrêté Ministériel n° 0017/CAB/MENIPME/96 du 01 juillet 1996. Cet
arrêté détermine les éléments pouvant intervenir dans la constitution du prix de revient d'un produit
importé
En outre, on contrôle la facture d'achat et les pièces justifications pour les autres frais
incorporés dans la structure des prix de revient.
La troisième action est celle d’exclure les frais de montage de la marchandise sur site, les
frais de supervision de la marchandise en route ou par avion et les frais de déplacement.
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b. Pour les produits locaux (Fabrication locale)
Ici on se réfère encore à l'arrêté Ministériel n° 0017/CAB/MENIPME/96 du 01 juillet sur
les produits importés. Mais ici on mettra l'accent sur la balance des comptes détaillés (compte
d'exploitation) de la période concerné par le contrôle.
Nous notons que les frais de distribution concernant un produit fini ne peuvent exister
dans le prix de revient. Il en est de même des frais de publicité qui ne doivent que faire parti du prix
de vente ex-usine.
Les dons et libéralités ainsi que l'entretien des bâtiments d'habitation sont des charges non
incorporables.
Il faudrait également maîtriser les statistiques de production et connaître la gamme des
produits fabriqués pour ainsi établir les frais de répartition globale d'un produit.
En définitive, le contrôle se fait sous deux angles, dont un s’effectue sur la qualité de
commerçant et l’autre sur le prix qui est la partie technique.
En premier lieu, on identifie le commerçant pour savoir si l’intéresse est muni de tous les
documents requis pour l’exercice du commerce. S’il remplit cette condition, on passe alors à
l’étape technique de vérification des prix.
Si les prix pratiqués sont anormaux, l’agent commissionné, en tant qu’OPJ, fait un constat
puis dresse une invitation au concerné pour venir s’expliquer sur les faits lui reprochés. Cependant,
nous faisons remarquer que, cette invitation n’est établie qu’avec l’ordre de mission singé par le
chef de division vu que le contrôle est fait en son nom.
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III. LES CAUSES FAVORISANT LE CARACTERE ENDEMIQUE DES PRIX ILLICITES
Après réalisations et analyse des entretiens informels avec les acteurs, je retenu les 5 thèmes
qui constituent en fait les causes de l’ineffectivité du contrôle en matière des prix :
- L’économie de débrouille
- La mauvaise politique salariale
- La fraude douanière
- Manque de financement par l’Etat
- le système de parrainage
Le regroupement des thèmes en 5 causes est le fruit de l’observation et analyse du
fonctionnement concret de la cellule de prix et des entretiens formels et informels .Cette
observation et cette analyse se sont réalisées sur base de la théorie d’anomie, c’est-à-dire que j’ai
observé et analysé en se mettant en tête que par manque des moyens qui pouvaient permettre un bon
travail, les acteurs cherchent à innover des pratiques pour leur adaptation au système
En effet, après notre observation sur la manière dont la division provinciale d’économie
fonctionne en général et en particulier la cellule des pris, j’ai compris qu’il y avait des mobiles qui
ont des racines dans l’anomie que connaisse le pays. Ces mobiles poussent les agents de contrôle
d’avoir un comportement contraire à celui prévu par la réglementation en matière des prix. Le
même esprit de rechercher les mobiles qui gênent le contrôle a conduit nos entretiens informels.
1 L’économie de débrouille
L’économie congolaise en général est par terre. Rien ne peut marcher, même le contrôle des
prix. Les normes seront capitalisées aussi au profit des acteurs puissants. Nos entretiens formels et
informels, nous font comprendre que l’économie de débrouille ou de précarité ne permet pas aux
agents de bien accomplir leurs missions de contrôle. Un de nos interlocuteurs nous a dit à ce sujet
que : « il y a trop d’obstacles .il y a des difficultés sur terrain parce que l’économie est par terre, si
l’économie fonctionnée bien tout le monde est alaise là où il est, vous pouvez faire le travail comme
il se doit ».
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Une économie où les commerçants doivent faire tout seul, une économie où les pouvoirs
publics n’ont aucun monopole et une économie qui n’obéisse pas aux règles du jeu à causes de
crises généralisée, il est tout fait indiquer que rien en termes de réglementation ne puisse s’appliquer
.En somme, dans une économie de débrouille rien ne peut se faire en termes de contrôle où tout le
monde est hors jeu et loi.
Une économie de débrouille ou de précarité se manifeste de plusieurs manières. Elle peut se
caractériser notamment :
Par l’informel ou « économie informelle » qui se justifie par l’absence des normes capables
d’intégrer cette économie dans l’économie formelle.
L’économie informelle peut être définie comme étant l’ensemble « des activités échappant
au cadre institutionnel, réglementaire et officiel de l’économie, qui sont dès lors non contrôlées et
non enregistrées et à des degrés divers, en dépit du fait qu’elles sont le plus souvent pratiquées au
grand jour et non légales » (Cahier Africain, 2002, p 11)
Cette économie informelle qui peut se caractériser par les activités non réglementées ou par
les activités échappant aux formes instituées par les lois est la réponse à la crise généralisée, crise se
traduisant par la rareté des biens et services et qui provoque l’anomie. La conséquence de cette
caractéristique de l’économie de débrouille sur le contrôle des prix est qu’on ne sait plus contrôler
les prix de ceux qui évoluent dans l’informel. Voici un extrait de nos entretiens informels
« En principe le contrôle devrait se faire chaque jour lorsque je remarque le stylo aujourd’hui
coûte 5 francs et demain 10 francs, je dois directement savoir la cause auprès du commerçant, mais
la pratique nous montre autre chose .Ce qui est vrai est que le moment que nous traversons ne nous
permet pas de déranger les opérateurs économiques chaque jour parce que nous avons besoin
d’eux. Je pense que nous ne cautionnons pas la pratique des prix illicites. C’est le système que nous
vivons qui est mauvais.... Mais le problème se pose au niveau du dépôt des structures des prix à la
division .Ils se fait qu’avec la guerre, le gouvernement est dans une situation telle qu’on ne sait pas
embêter les opérateurs économiques, parce que la guerre pousse les commerçants à se déplacer à
tout moment à cause de l’insécurité »
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2 Manque de financement par l’Etat
Le contrôle est empêché par le fait que l’Etat ne finance pas les activités commerciales. Les
opérateurs économiques se débrouillent avec leurs propres moyens, d’où impossibilité d’effectuer
un contrôle digne de son nom. A l’époque l’approvisionnement du marché se faisait avec la licence
d’importation octroyant les crédits aux commerçants.
Dans une économie de débrouille, où tout le monde est jeté dans le choque, y compris l’Etat, il sera
difficile pour ce dernier de s’occuper des commerçants qui ont besoin de son aide pour les faciliter
dans les transactions d’importation.
En principe, conformément à la législation commerciale sur l’importation, c’est l’Etat à
travers le ministère d’économie et la banque centrale qui doit soit faciliter aux commerçants
l’obtention de devises soit encore les donner des crédits pour importer les produits qui sont
déterminés par le ministère d’économie comme besoin primordial de la population .comme dans
l’un ou l’autre cas, l’Etat ne fait rien pour faciliter les opérations d’importation ,il lui sera difficile
d’effectuer le contrôle .
Toute personne avisée, se gênerait d’aller contrôler normalement puisque la personne dont
on doit appliquer le contrôle n’est pas dans le critère voulu pour subir ce contrôle .un des nos
interlocuteurs dans un entretien informel, nous a laissé entendre que : « ce vraiment difficile pour
nous d’effectuer le contrôle facilement, car les opérateurs économiques n’ont pas peur de nous et
ils nous prennent en charge. Cela peut se comparer d’un enfant qui ne reçoit rien de son père et que
ce dernier veut lui contrôler sur ce qu’il a, il faut se gêner mon ami… »
3. le système de parrainage
Les agents de contrôle n’ont pas la main libre dans l’exercice de leur fonction. Le contrôle
est empêché par l’intervention de certaines autorités administratives et politiques en faveur des
opérateurs économiques. Même le parquet sur lequel on compte pour réprimer les délits
économiques, entretient des relations amicales avec les opérateurs économiques. Ces interventions
sont faites au profit des grands commerçants qui ont le monopole sur le marché. Ainsi ces grands
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commerçants usent de leurs relations chaque fois que les agents de contrôle veulent leur demander
des explications sur leurs écarts de conduite en matière des prix
Comme nous l’avions souligné ci haut que dans une situation de débrouille, les dispositions légales
ne parviendront pas à réguler les problèmes et elles seront battues en brèche et la loi du plus fort
fera l’affaire.
En effet, dans cette situation débrouille où l ‘Etat ne parvient pas à imposer sa volonté à 100
%, les commerçants dans leur soucis de capitaliser le maximum possible, négocient avec les
autorités politiques, administratives et judiciaire un contrat tacite de parrainage, leurs permettant de
se couvrir contre toute tentative de contrôle de la part des agents. Ainsi, Les commerçants
fonctionnent à travers « des réseaux de relations dont la cohésion repose sur les mécanismes de la
réciprocité, mécanismes qui sont souvent enrayés non seulement par les interventions prédatrices
des pouvoirs publics, mais aussi par le développement dans le chef des acteurs des pratiques
sociales dérogeant aux règles de la réciprocité, visant seulement à la réussite individuelle. » (Cahier
Africain, 2002, p 30)
Pendant notre descente de terrain dans un entretien informel, un agent nous dira ceci : « …qu’à
travers la ville il y a des commerçants dont qu’on ne peut pas rien faire devant eux, si ce n’est
qu’adhéré à sa proposition de transaction, sinon ils appellent vos supérieurs et vous manquez tout.
Alors qu’est ce que vous, vous ferez en ma place …».
Un autre nous dira que « … c’est vraiment compliqué, j’étais dans un magasin dont je cache le nom
pour raison de ma sécurité, je me suis présenté et je lui ai brandi mon ordre de mission, après
lecture il m’a dit qu’il n’avait pas de réponse à me donner et je pouvais l’amener là où je veux. J’ai
déposé le dossier au parquet, là bas le dossier a été classé sans suite sans aucune raison et moi j’ai
ne plus remis mes pieds dans ce magasin… »
« Le travail devient fragiliser .Il y a plusieurs interventions, vous comprenez, l’autorité s’est
impliquée dans le commerce. Hier j’étais quelque part, je me suis imposé sur un produit, on
m’appellera pour me dire que vous connaissez le propriétaire ? C’est un magasin d’un
parlementaire. Au lieu de sortir avec honte, partez seulement, sinon on va sonner votre chef, mon
travail est fragilisé, je suis rentré sans rien faire ».
« S’il n’est pas lui-même impliqué, il reçoit quelque chose à la base. Donc vous êtes obligés de
laisser ou de faire un travail avec légèreté. Il n’y a pas même moyen de foncer avec le dossier ;
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puisque là où vous pensez amener le dossier pour qu’on puisse sanctionner, lui vous précède, il
arrange le dossier avec parquet. Pour ne plus perdre, laissons la situation comme ça. Entre nous,
si quelqu’un doit payer 3000 dollars mais lui vous dit qu’il ne payera pas et que votre finalité c’est
le parquet, alors amenez- moi là- bas sinon prenez 100 dollars et partez parce que vous aviez
marché sous le soleil, faites votre choix si vous voulez tout manquer amenez- moi au parquet. Dans
ce cas au lieu de perdre, on prend et on laisse tomber. Tous les gros sur qui nous devons peser et
faire un travail correct, ce sont ces gros- là qui sont sous parapluies ou qui sont assis sur les
longues chaises ».
4. La mauvaise politique salariale
La mauvaise politique salariale en général et en particulier pour les agents de contrôle des
prix, fait que ces derniers ne sont plus en mesure de bien mener ce contrôle. Ils ont tendance à
capitaliser le contrôle au profit du pain quotidien.
Dans tout pays qui se veut développer, ce développement serait facilité qu’avec aussi une
bonne politique salariale pour motiver le personnel, or cela n’est pas le cas pour la République
Démocratique du Congo.
En ce qui nous concerne, les agents de contrôle des prix sont mal payés, ils ont un salaire
misérable qui ne les permet pas de nouer les 2 bouts du mois. Face à cette situation, ces agents se
laissent corrompre pourvu que cela leurs permettent de gagner le pain quotidien.
Ainsi, les agents essayent de capitaliser le contrôle auprès des commerçants qui ne sont liés par un
contrat de parrainage avec nos autorités tant administratives, judiciaires que politique.
Un des agents de la division provinciale d’économie dans un entretien informel nous
confirmera que : « pour les grands commerçants on n’a pas le choix on adhère à sa proposition
pour ne pas perdre le peu d’argent qu’il me propose, mais pour les commerçants qui n’ont pas de
parapluie, là j’essaye de gagner d’avantage. Mon ami cela n’est pas de notre faute, chacun doit
manger à travers son service, si cela était faux, pourquoi le gouverneur ou le chef de l’Etat ne nous
puni pas, parce qu’il sait que c’est le seul moyen pour nous de compenser l’insuffisance
salariale… »
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Tout rendement est fonction du niveau du traitement. L’agent de contrôle qui au regard d’un
grand travail d’intérêt général, celui de sauvegarder le pouvoir d’achat, touche un salaire très
insignifiant, ne fera jamais son travail comme il se doit. Le commerçant sachant que l’agent est mal
payé, avant même de commencer le contrôle, lui propose une enveloppe, que l’agent ne sait pas
refuser.
Pour corroborer nos propos, les unités de sens des nos entretiens, nous éclairent à ce sujet :
« Imaginez vous quelqu’un comme moi qui après 30 jours, on me paye 10 dollars, comme je dois
vivre, si j’ai un dossier très efficace et que la personne fléchit je gagne quelques choses. S’il résiste
il aura à faire à l’Etat ce son problème. Je vous le dis parce que vous êtes adulte. L’économie
paralysée, l’agent de l’Etat n’est pas bien traité, il ne sait pas bien faire son travail. Un OPJ en
Europe comme moi, c’est un monsieur avec tout son pouvoir, quand tu te présentes devant moi, tu
trembles où soit ce sont les amendes ou soit la prison ».
« Mais il y a aussi la politique de notre gouvernement qui décourage le bon fonctionnement des
services de l’Etat. Imaginez un agent qui touche 10 dollars, qui doit aller contrôler un
commerçant qui a plus d’un million de dollars .Cet opérateur économique est dans une situation
telle qu’il peut emporter facilement l’agent dans son jeu. Malheureusement, les victimes c’est nous
qui travaillions à l’économie et les gens croient que c’est nous qui encourageons, non c’est le
système. Seul on ne peut rien, si nous sommes nombreux on peut faire quelque chose.
Malheureusement, l’Etat ne sait pas travailler correctement. Nous étions en grève, il n’y a pas de
solution, et jusqu’à présent, le plus gradé à la division le chef de division, à, plus au moins 30 à 40
dollars vous croyez qu’il peut vivre avec ce salaire. IL nous faut un Etat de droit pour que nous
travaillions bien »
5. La fraude douanière
La fraude la douanière empêche le contrôle des prix en ce que si déjà en amont où se trouve
la douane, les calculs sont déjà faussés, en aval où se situent les agents de contrôle, ce contrôle ne
sera plus exact. Cette fraude se manifeste sous plusieurs formes, notamment soit on réduit le
montant à payer au niveau de la douane, ou soit on change le produit importé par un autre qui
coûterait moins cher au niveau de taxes douanières, ou soit encore on dresse la déclaration
douanière sous un nom d’un commerçant qui n’est pas identifiable dans la ville, ou dans un autre
cas au nom d’un commerçant puissant que les agents de contrôle ne peuvent pas approcher.
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Notre économie se caractérise par sa précarité et son extraversion vers l’extérieur. Cela fait
que le contrôle des prix dépend dans un premier temps de la déclaration faite au niveau de la douane
par le commerçant importateur. Alors, lorsqu’au niveau de la douane les choses ne se passent
comme il se doit, directement cela aura des conséquences sur les prix fixés sur le marché. Comme
nous ne cessons de le dire la débrouille pousse les commerçants à maximiser davantage les
bénéfices et cela commence au moment de déclaration des produits importés.
A ce titre, le droit fiscal congolais nous enseigne qu’il existe deux sortes de résistance à
l’impôt, soit passive ou active.
Passive, lorsqu’elle comprend l’ensemble des obstacles naturels qui entravent la perception de
l’impôt et qui sont inhérents à la structure de l’économie d’un pays. Cela peut se manifester par la
fuite vers l’économie souterraine ou informelle ou la recherche de voies moins imposées, le recours
aux régimes fiscaux d’exception ou l’exploitation des lacunes existant dans le système fiscal.
Active par contre, lorsque la résistance se manifeste par la fraude fiscale ou douanière et la
contrebande.
La fraude fiscale ou douanière est une action délibérée du contribuable (commerçant
importateur) qui consiste en une infraction à la loi fiscale, en vue d’échapper à l’impôt ou encore
d’en réduire l’impact. Le fait matériel consiste notamment en l’absence de déclaration, les
omissions ou inexactitudes volontaires, etc.
De tout ce qui précède, le commerçant soucieux d’échapper à l’impôt, cherche soit à réduire
la quantité des produits importés ou soit encore de substituer les produits importés aux produits
faiblement taxés ou importé au nom d’un commerçant non connu dans la ville.
Ainsi, dit, dans la structure des prix le premier élément qui, est la base de tout calcul est la
valeur CIF plus les taxes douanières. Or lorsque ces droits de douanes font défaut, directement la
structure sera fausse et par conséquent les prix pratiqués seront illicites.
Un des nos interlocuteur dan l’entretien informel a soutenu que : « … que d’ailleurs le
travail de contrôler les prix est faussé au départ au niveau de la douane, quelle que soit notre
volonté de bien rendre le service le sera toujours illicite si au niveau de la douane rien ne se fait
correctement. Par exemple une personne peut importer les produits et arriver à la douane en
complicité avec les agents de la douane il paye un montant moindre que celui qu’elle devrait
payer normalement, cela aura des impacts sur la fixation des prix… »
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IV. LA THEORIE QUI SOUTIENT LES CAUSES DEVELOPPEES
Les causes telles que développées trouvent leurs explications à travers la théorie d’anomie,
que nous avions mobilisé selon la nature des données.
Le terme anomie dérive du nom Grec anomia, qui renvoie à son tour à l’adjectif anomos
« sans loi » (Orru M., 1998, P 29).
« On comprendra que dans une telle perspective, l’anomie procède tout à la fois de la déficience et
de la carence des règles qui normalement, doivent présider à l’harmonisation des relations entre les
différents acteurs, individuels ou collectifs du jeu social, et à leur intériorisation par chacun des
individus que comprend le corps social.» (Balle F., et alii, 1975, p 76)
Ce terme d’anomie reflète trois acceptions. Dans certain cas il, désigne l’absence de qualités
humaines chez un individu, dans l’autre le mépris de l’individu pour les normes religieuses ou les
commandements divins, et dans la troisième acception, la révolte contre les règles de justice et de
bonne conduite. Cette dernière acception convient mieux à notre recherche.
Pour Albert Cohen (1971, p 150), Durkheim conçoit l’anomie lorsque l’ensemble des
règles communes, qui constituent le principal mécanisme pour la régulation des relations entre les
éléments d’un système social s’effondre .On sait plus ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, ce
qui est juste et ce qui est injuste .Quelles sont les revendications et les espérances légitimes, quelles
sont celles qui passent la mesure. Ici l’anomie signifiera en un mot le fait d’une société qui a des
règles de conduite mais qui ne sont pas d’application et les acteurs à qui ces règles sont destinées
utilisent d’autres règles que celles prévues par la société.
Pour Marco (1998, p164-165), la notion d’anomie chez Durkheim, découle de la philosophie
morale du fait que, pour Durkheim l’origine de la morale c’est la société. L’individu n’a pas d’autre
choix que d’obéir aux règles de conduite qu’elle établit. Le terme en vient à designer toute forme de
dérèglement ou d’absence de cohésion qui pourrait causer un tort à la société. Tout relâchement des
règles sociales, qu’il soit moral ou juridique peut être qualifié d’anomie.
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D’après Faget (2002, p 52), Durkheim développe la théorie d’anomie dans deux recherches
dont l’une sur la division du travail social (1893).Dans celle-ci, il considère l’anomie comme étant
la maladie d’une société privée de règles morales et juridiques conduisant à la désagrégation de la
solidarité .L’autre sur le suicide (1897) où il présente l’anomie comme la condensation en un
individu d’un problème collectif. L’instabilité dans l’économie ou dans la famille bouleverse les
règles sociales et concourt à l’augmentation du taux des suicides.
De tout ce qui précède nous retenons que, pour Durkheim, l’anomie se caractérise dans une
société, donnée par l’absence de normes pouvant être morales ou juridiques. Cette absence de
normes, qui devront organiser la société, conduit les acteurs à des comportements contraires à ceux
prévus par ces normes
Merton quant à lui aborde l’anomie dans un autre sens que celui de Durkheim non pas au
niveau des normes, mais à celui des structures sociales. .
Pour Jacques Faget (2002, p 52), Merton considère l’anomie non pas comme une
conséquence d’une société morbide ou anormale, mais comme le produit de la structure sociale.
Les structures sociales peuvent, dans des cas déterminés, pousser les individus à adopter un
comportement déviant lorsque les buts, intentions et intérêts qui sont définis par la société ne
correspondent pas aux moyens légitimes de les atteindre. L’anomie devient alors une des formes de
tension globale entre ces buts que se fixe la culture d’une société et les moyens socialement admis
pour les atteindre.
Ces deux conceptions de la théorie d’anomie peuvent valablement s’appliquer à nos
données, d’autant plus que les déviances en matière de prix, notamment le manque de contrôle,
répond positivement à ces deux conceptions. Ceci nous pousse à croire que ces deux conceptions
peuvent à un certain moment et pour des cas précis comme celui de la République Démocratique du
Congo se compléter.
Il nous faillait avoir en esprit une grille d’analyse qui devait prendre en compte les
caractéristiques d’anomie, celles d’absence de normes et manque des moyens légitimes, toute notre
analyse devait s’effectuer autours de ces caractéristiques. En agissant de la sorte, nous nous
sommes débarrassés de la tendance, qui veut réduire le manque de contrôle à la période difficile que
travers le pays. L’analyse devait retenir que les thèmes qui avaient une explication dans le manque
des moyens légitimes pouvant permettre un bon rendement des agents de contrôle.
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Ainsi, les normes commerciales en matières des prix telles que édictées ; manquent
aujourd’hui des moyens nécessaires pour leurs applications .Les agents qui sont chargés
d’effectuer le contrôle des prix n’ont pas la politique de leurs moyens pour ainsi exécuter leur
travail. De ce fait les commerçants et les agents de contrôle conscients de cette non applicabilité
des lois, capitalisent ces dernières au maximum, ou utilisent d’autres ressources autres que les lois.
La prolifération des conduites économiques informelles peut être interprétée comme une
réponse à la crise des normes et des moyens économiques, que traverse le pays. Ces conduites
contraires à l’esprit de la législation sont considérées comme des stratégies de survie conçues par
les auteurs en l’occurrence les commençants, les agents de contrôle et les pouvoirs publics, dans cet
état d’anomie pour bien choquer.
En nous conformant a ce qui a été dit plus haut sur l’anomie, un Etat qui n’a plus de
maîtrise sur son économie, qui est considérée comme le sang dans un corps humain ,cet Etat n’aura
pas de moyens pour faire respecter les conduites économiques qu’il a édicté. La population en
général, à son tour, cherchera à substituer ces conduites à d’autres pour leur stabilité. Ainsi, le
contrôle des prix qui, en principe, devrait trouver sa raison d’être, lorsque toutes les normes
économiques en matières commerciales sont en application, n’aura plus d’impact dans une situation
d’absence des normes.
Définitive, le contrôle de prix dans la ville de Lubumbashi est bloqué par le caractère
anomique que connaisse cette dernière, qui se manifeste en matière de contrôle des prix sous les
phénomènes d’économie de débrouille, le manque de financement des activités commerciales, la
politique salariale, le système de parrainage, et la fraude douanière ; qui par conséquent favorisent
le caractère endémique des pratiques de prix illicites.
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CONCLUSION
Dans la vie quotidienne de tout individu, le contrat de vente que soit tacite ou expresse, joue
le plus grand rôle, en ce que tout le monde est obligé de consommer pour sa survie. Suite à son
importance dans le quotidien, l’Etat congolais n’a pas resté indifférent devant ce contrat.
Pour ainsi sauvegarder le pouvoir d’ achat des consommateurs, qui sont confrontés à l’esprit
de gain ou de capitalisation exagéré des commerçants, l’Etat congolais a mis sur pieds à travers le
législateur une série des dispositions réglementant le mode de fixation des prix ainsi que leur
contrôle.
Malgré la présence de cette réglementation de prix dont l’objectif est d’assurer la stabilité
des prix et d’approvisionnements en produits, nous avons constaté avec amertume que les prix de
produits sur le marché sont toujours instables, suite à des nombreuses raisons, dont notamment le
manque de contrôle des prix. C’est à partir donc de cette instabilité des prix que nous nous sommes
proposé d’essayer de relever les causes pratiques empêchant le déroulement normal du contrôle, et
dérageant ainsi le pouvoir d’achat des consommateurs à travers les pratiques de prix illicites.
De tout ce qui précède pour soutenir nos propos sur ces causes citées ci haut, la théorie
d’anomie a été mobilisée à cette fin. Cette théorie constitue en soi le socle de ces causes c'est-à-
dire que ces causes trouvent leurs explications à travers cette théorie. Autrement dit nous avons
réalisé un travail empirique basée sur la théorie d’acteur social où les propos des acteurs constituent
en fait les réponses à la problématique soulevée. Mais pour rester dans la logique de nos
prédécesseurs, nous avons mobilisé la théorie d’anomie pour pouvoir soutenir davantage ces causes
résultant de nos analyses et de rendre par conséquent le résultat pertinent et scientifique.
Telle qu’abordée, cet article n’a pris en considération qu’une petite partie du
phénomène. Dans recherches ultérieures, il sera bien indiqué de prendre en considération les autres
parties du phénomène pour ainsi maîtriser toutes les causes possibles. ces parties restantes du
phénomène, sont les autres services ou institutions influant indirectement ou directement sur la
fixation des prix.
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