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vendredi 21 octobre 2011 LE FIGARO

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ISABELLE ROUGHOL

L’ÉPOPÉE sanglante de Mouammar Kad-hafi s’est achevée hier pas très loin del’endroit où, selon la légende qu’il s’étaitforgée, le Guide était né sous une tentedans le désert de Syrte, il y a 69 ans. C’estau moment où les forces du Conseil natio-nal de transition (CNT) parvenaient à dé-loger les derniers combattants fidèles àl’ancien régime de leur bas-tion du centre-ville que le di-rigeant déchu a succombé.Aucun ordre de tuer le coloneln’avait été donné, ont assuréles responsables du CNT dansune conférence de presse,tard hier soir. « Quand il a étéretrouvé, il était en bonne santéet portait une arme », a décla-ré Mahmoud Jibril, le chef du nouvel exé-cutif libyen. Il aurait été capturé sortantd’une conduite d’évacuation où il s’étaitréfugié, puis a ensuite été dirigé vers unpick-up. « Quand le véhicule a démarré, ila été pris dans un échange de tirs entre descombattants pro-Kadhafi et des révolution-naires, et il a été tué d’une balle dans latête. » Il serait mort à l’hôpital. Et Mah-moud Jibril d’ajouter : « le médecin légistene peut dire si la balle venait des révolution-naires ou des forces de Kadhafi ».

Une version qui ne répond pas tout à faitaux questions que posent les images tour-nant en boucle sur les chaînes de télévi-

sion arabes. La vidéo filmée avec un télé-phone portable montre Kadhafiensanglanté, encore vivant, bousculé pardes civils et des hommes en treillis. Les di-rigeants n’ont pas commenté ces images.

L’un de ses fils, Moatassem, ainsi quel’ex-ministre de la Défense, AboubakrYounès Jaber, ont subi le même sort. Unconvoi transportant le troisième fils dudictateur, Seïf el-Islam, qui fuyait Syrte,était encerclé hier en fin de journée par lesforces du CNT. Les dirigeants n’ont pas su

dire s’il avait été capturé ou tué.Selon des photographes de

l’AFP, les corps du raïs et de sonfils Moatassem ont été transpor-tés hier après-midi à Misrata,autre ville conquise par les rebel-les au prix de très rudes combats,et déposé dans une maison où sepressaient les badauds. Les auto-rités envisageraient un enterre-

ment rapide et dans un lieu secret.La mort du colonel Kadhafi a été saluée

par le président américan dans une courteallocution télévisée. Évoquant « la fin d’unchapitre long et douloureux », il a estiméque cette mort prouvait que les « régimesà poigne » de la région sont voués àl’échec. Alain Juppé a, lui, salué la « fin dequarante-deux ans de tyrannie » en Libyeet souligné que la France était « fière »d’avoir aidé le peuple libyen. Selon le mi-nistre de la Défense Gérard Longuet, c’esten effet une frappe française qui a stoppéle convoi de Mouammar Kadhafi fuyantSyrte, avant que les forces libyennes ne

l’interceptent à terre. À Bruxelles, l’Al-liance atlantique a bien confirmé hier queson aviation était entrée en action dans lesecteur, sans donner plus de précision.

Prêt àmourirles armes à lamainLa dernière apparition publique deMouammar Kadhafi remontait au12 juin, deux mois avant la chute de Tri-poli. Par la suite, le Guide s’est exprimé àquelques reprises à la radio et dans des

communiqués vindicatifs. Des rumeursl’ont, un temps, dit réfugié à l’étranger,en Tunisie, en Algérie, en Afrique du Sudou en Guinée équatoriale. MouammarKadhafi, lui, répétait qu’il ne quitteraitpas le pays et qu’il était prêt à mourir lesarmes à la main.

Pour une fois, il a sans doute dit vrai.Les services de renseignements occi-dentaux étaient persuadés que le Guiden’avait pas quitté le pays. L’acharne-ment des rebelles à prendre Syrte, au-

delà de son importance symbolique, vi-sait aussi à supprimer l’une des derniè-res bases de repli dont pouvait disposerl’ex-dirigeant libyen. En atteignant cedouble objectif, l’insurrection parachè-ve sa victoire militaire. Le chef de l’exé-cutif du CNT, Mahmoud Jibril, a annon-cé que la « libération totale » de la Libyeserait proclamée samedi. Une autre pagede l’histoire du pays s’ouvrira alors, cel-le des combats politiques qui pourraientêtre aussi âpres qu’une guerre. ■

Le premier cliché de l’ex-dirigeant libyen blessé pris par un rebelle avec son téléphone portable. Des images de la chaîne al-Jezirale montre encore vivant, violemment pris à partie par des combattants. PHILIPPE DESMAZE/AFP

� ���� � ����� � ���� �� �� � ������� L’un des fils de l’ex-dirigeant, Moatassem,

a également été tué et un deuxième,Seïf el-Islam, était encerclé par les insurgés.

ISABELLE LASSERRE

C’EST Silvio Berlusconi, le chef du gou-vernement italien, qui l’a affirmé le pre-mier : « La guerre est finie. » « Sic transitgloria mundi », « Ainsi passe la gloire dumonde », a ajouté celui qui fut, en Europe,l’un des principaux alliés de Kadhafi. Ladisparition du Guide libyen signe la fin dela partie pour l’Otan, qui avait été autori-sée à intervenir militairement par les Na-tions unies le 17 mars, avant de prendre lecontrôle des opérations le 31. Avec unemission : protéger les populations civilesdes attaques du régime libyen.

Tout en baissant la voilure, l’Otanavait poursuivi ses opérations militairesdepuis la chute de Tripoli en août der-nier. Après avoir pendant quatre moisdégagé la voie aux combattants libyens,armé et entraîné les rebelles, les pays del’Alliance ont continué leurs bombarde-ments sporadiques près des bastions durégime et mis leurs moyens de rensei-gnements et de reconnaissance au servi-ce de la traque de Kadhafi.

Bombardements sporadiquesVolontiers passé sous silence au début dela guerre, le départ, et l’arrestation, duleader libyen est vite devenu l’un desbuts de guerre des leaders occidentauxet arabes. Mercredi, le Conseil des am-bassadeurs avait d’ailleurs décidé, sousl’influence de la France et de la Grande-Bretagne, les deux pays leaders de l’in-tervention, de maintenir le dispositiftant que persistaient des « menaces surla population ».

Un grand flou entourait encore hiersoir les circonstances de la mort du raïsdéchu. Selon le Conseil national de tran-sition libyen, il a reçu une balle dans latête lors d’un échange de tir après sa

capture. Un raid aérien mené par l’Otanaurait empêché sa fuite. À Bruxelles,l’Alliance a confirmé que ses avionsavaient frappé vers 8 h 30, hier matin,deux véhicules des forces pro-Kadhafidans la région de Syrte. Et selon le mi-nistre français de la Défense, c’est uneattaque de l’aviation française qui astoppé le convoi : une colonne de 80 vé-hicules qui tentaient de quitter Syrte. Undrone américain aurait également parti-cipé à l’attaque.

À Paris, à Bruxelles et à Londres, res-ponsables politiques et militairesn’avaient pas attendu la capture de l’an-cien leader libyen pour tirer un bilan,positif, de cette intervention militairemenée par les Européens et soutenue parles pays arabes de la région. Depuis le31 mars, les avions de l’Otan ont réalisé26 089 sorties, dont 9 618dites « offensi-ves ». Avec un bilan quasiment nul endégâts collatéraux. Dans les états-ma-jors des grands pays ayant participé à lamission, l’opération libyenne est consi-dérée comme une réussite, voire mêmecomme un modèle d’intervention mili-taire pour le futur. Le secrétaire généralde l’Otan, Anders Fogh Rasmussen a es-timé que l’Alliance avait « rempli avecsuccès le mandat historique confié par lesNations unies ». Le Conseil de l’Atlanti-que nord devrait se réunir aujourd’huipour décider de la fin des opérations.

Davantage politique, la nouvelle étapequi s’est ouverte depuis hier en Libyerisque d’être plus délicate. En renonçantà envoyer des troupes au sol, les pays del’Otan ont évité à la fois l’impopularitépolitique et le risque d’enlisement mili-taire. Mais ils se sont aussi privés d’unmoyen d’influence sur les forces locales.Or la rébellion, armée par l’Alliance, estdivisée et traversée par des courants is-lamistes. ■

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TANGUY BERTHEMETENVOYÉ SPÉCIAL À SYRTE

SYRTE est finalement tombée, de guer-re lasse. Hier, au petit matin, les révo-lutionnaires ont enfoncé les ultimes li-gnes des kadhafistes, mettant fin à leurrésistance que tous trouvaient curieu-sement obstinée. L’explication de cettemotivation hors du commun est venueavec l’annonce de l’élimination deMouammar Kadhafi non loin de sa villenatale en ruines. Un mois de combats adétruit la cité que Kadhafi rêvait enmodèle, la transformant en ville fantô-me. Dans les rues défoncées et désertes,les gros tout-terrain des thuwars, lesrévolutionnaires, continuent de tour-ner, leurs mitrailleuses lourdes pointéessur les façades noircies et creuséesd’impacts de tous calibres.

L’est de Syrte était aux mains des re-belles depuis plusieurs jours, mais les

snipers, cachés dans les appartementsou sur les toits, continuaient de semerla mort. Depuis une semaine, Abdallahet ses cinq hommes ont traqué cescombattants. « On cherche à les débus-quer, mais c’est très dur. Ils bougentsans arrêt, profitent de la nuit pourchanger de quartier. Ils ne se rendrontpas. Ils préfèrent mourir les armes à lamain, car ils savent que la corde les at-tend », expliquait-il, sourire au coindes lèvres.

La plus dure des bataillesLe scénario est à chaque fois le même.Dès que la patrouille entend parler d’untir, elle se précipite et investit la maisonou l’immeuble suspect. La fouille à tra-vers les pièces ravagées par les pillardsest rapide. Et le plus souvent vaine. Lafaute en revient à la désorganisation decette nouvelle armée qui, malgré lesvictoires, reste une bande de civils enarmes. Personne ou presque ne signale

la présence des tireurs embusqués, pré-férant confier sa vie à la grâce de Dieu.Il faudra sans doute encore quelquesjours pour que Syrte soit totalementsûre. Et des mois pour que les habitantsy reviennent. La ville n’a plus ni eau, niélectricité. La plupart des logementssont inhabitables. Les boutiques, ri-deaux de fer arrachés, sont béantes.

Avec Misrata, la bataille de Syrte res-tera comme la plus dure cette guerre.Mais peu de Libyens pleurent le destinde cette ville honnie que la rumeuravait parée de tous les luxes dont le res-te du pays était privé. Aux abords de cequi était, hier matin encore, le front en-tourant le dernier carré de kadhafistesreclus depuis quatre jours sur moinsd’un kilomètre carré, les thuwars mau-dissaient les lieux, se faisant prudents.Beaucoup sont morts pour prendre cedernier bastion.

À l’angle de Dubaï Street et de CairoStreet, le paysage donne une idée del’ampleur des combats. Les bâtiments,réduits à l’état de masse grisâtre, sem-blent sur le point de s’effondrer. L’ave-nue n’est plus qu’un tas de décombres.

« Trop de combattants sont tombés enmartyrs pour ça », confie Mahin, un re-belle épuisé par les assauts successifs,priant pour que les avions de l’Otanviennent « finir le travail ».

Les rares civils qui, ces derniersjours, sortaient encore, vivants mais at-terrés, étaient regardés avec une extrê-me suspicion. Les voitures étaientfouillées, les hommes sévèrement in-terrogés. « On redoute que des kadhafis-tes tentent de fuir avec des familles »,explique Mahin. Sans l’avouer, c’estMoatassem Kadhafi, le troisième fils duGuide, censé être à Syrte à la tête destroupes fidèles à l’ancien régime, qu’ilstraquent. Jamais les thuwars n’auraientimaginé Kadhafi lui-même si prèsd’eux.

Six mille hommespour encercler la villeLa mort du Guide est arrivée commeune surprise totale. « C’est Moatassemqui est en ville. Kadhafi lui-même ne peutpas être là. Il n’est pas assez bête pours’enfermer ici », expliquait encore mar-di Salah al-Jabu, l’un des responsablesmilitaires de la révolution pour Syrte.

Mais pour les combattants, son élimi-nation sonne comme un soulagement.

Longtemps la victoire de Syrte estapparue amère. L’offensive sur la ville,dernière cité encore fidèle à l’ancienrégime, ne fut pas la guerre éclair dontils avaient rêvé, le triomphe facile. Ilaura fallu plus d’un mois de siège pourcirconscrire les jusqu’au-boutistes pro-tégeant Mouammar Kadhafi. Selon Ra-madan Zarmar, chef du conseil militai-re de Misrata, 6 000 thuwars ont été

mobilisés autour de la ville, venus tantde Misrata que de Benghazi. Le bilan descombats sera difficile à établir, mais ils’élève au moins à 300 tués et plus de1000 blessés.

« Allah u Akbar !, s’exclame un civildansant autour de sa voiture. Nous avi-ons peur qu’avec tout son argent Kadhafiparvienne à relancer la guerre. Qu’ilcoupe l’eau des villes, qu’il sabote lespuits de pétrole. Cette fois c’est fini, lesmartyrs ne sont pas morts en vain. » ■

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Samort est arrivéecomme une surprisetotale. Les combattantsvoient son éliminationcomme un soulagement

Des soldats fêtent la libération de la ville de Syrte, hier. Il aura fallu plus d’un mois desiège pour circonscrire les jusqu’au-boutistes protégeant Kadhafi. AL-FETORI/REUTERS

44jours

depuis le derniermessage radiodiffusé

de Kadhafi

2 international Vidéo : la chute de Syrte et la mortde Kadhafi www.lefigaro.fr/international

«Une nouvelle Libye,un monde arabe à reconstruire»

L’ÉDITORIAL DE PIERRE ROUSSELIN PAGE UNE

mardi 27 juillet 2010 LE FIGARO

C6 international

P a r t e n a i r e s d e l a 4 1 è m e é d i t i o n d e L a S o l i t a i r e

Attentat contre la chaîneal-Arabiya à BagdadUnattentat contre les bureauxdela populaire chaîne de télévisionarabe al-Arabiya a fait sixmortshier, à Bagdad.Deux autresattentats, àKerbala, ont tué21 policiers et pèlerins, rassemblésen vue de célébrations chiites.

Yémen : 70 soldats capturésLes rebelles chiites duYémen ontconquis hier une positionmilitaire stratégique et capturé70 soldats dans le nord du pays.

Iran : disparition de l’avocatd’une condamnée àmortL’avocat qui défendait unefemme condamnée àmort parlapidation était porté disparu hieralors que les autorités iraniennesont émis unmandat d’arrêtcontre lui.

Huitmorts dans un attentatau PakistanUnattentat suicide, revendiquépar les talibans, a fait aumoins8morts et 20blessés hier devant ledomicile d’unministre provincialdans le nord-ouest duPakistan.

Chavezmenace de gelerles exportations de pétroleaux États-UnisLe président vénézuélien, HugoChavez, amenacé de suspendreles exportations de pétrole versles États-Unis siWashington

soutenait une attaquede la Colombie contreson pays.

E N B R E F

ISABELLE ROUGHOL

CAMBODGE Le tribunal internationalpour les Khmers rouges, a rendu, hier àPhnom Penh, son premier verdict,condamnant à trente-cinq années deprison Kaing Guek Eav, alias Douch,l’ancien directeur du terrible centre dedétention S21.

Reconnu coupable de crimes contrel’humanité et de crimesde guerre pour la tor-ture et le meurtre d’aumoins 12 372 person-nes, il ne purgera quedix-neuf ans, après dé-duction de onze annéesd’une détention pré-ventive jugée à peinelégale et de cinq autresannées en violation deses droits. L’homme de67 ans pourrait doncsortir vivant de prison.Comme la loi cambod-gienne autorise une li-bération pour bonneconduite aux deux tiersde la peine, il pourraitmême sortir avant son80e anniversaire, re-marque la juriste AnneHeindel, du Centre dedocumentation duCambodge.

La sentence est« tout à fait dans lesclous de la justice inter-nationale », note Hea-ther Ryan, qui a suivitout le procès pour l’ONG Open SocietyJustice Initiative, mais c’est uneconclusion difficile à accepter pour lesparties civiles, qui rêvaient de perpé-

tuité, ou au moins des quarante annéeseffectives de détention requises par leparquet. « C’est systématique avec cetribunal : il crée des attentes et ne les sa-tisfait pas », commente Anne Heindel.

Torture et exécutionsAprès avoir renversé en 1975 la jeunerépublique cambodgienne, les Khmersrouges tentent d’établir une société

agraire utopiste. Lepays se ferme à l’exté-rieur, les villes sont vi-dées, les intellectuelspourchassés, et la po-pulation soumise auxtravaux forcés. En cetteannée Zéro, Douch estun jeune professeur demathématiques. Effica-ce et consciencieux, il adéjà dirigé un centre dedétention et d’« inter-rogation » dans le ma-quis communiste etprend logiquement latête de S21, un ancienlycée de la capitale de-venu prison pour desennemis politiques,réels ou imaginés, etleurs familles.

S21, la prison de TuolSleng, offre un témoi-gnage unique de lacruauté du régime : lestortures et les déten-tions étaient systémati-quement répertoriées etles détenus photogra-

phiés. À la libération en 1979, les tor-tionnaires n’ont pas eu le temps de dé-truire les archives, qui alimententaujourd’hui un musée des horreurs

dans l’ancienne prison. Et le dossier del’accusation.

L’objectif des geôliers est d’obtenirune « confession » écrite de chaquedétenu par tous les moyens : électrocu-tion, bastonnade, simulation de noya-de… Quand le prisonnier a tout dit, ilest abattu d’un coup tiré sur la nuquedans les tristement célèbres killingfields à l’extérieur de la ville. Les pro-ches qu’il a dénoncés sous la tortureviennent prendre sa place dans la pri-son. Les enfants n’y survivent quequelques jours.

« Regret et chagrin sincère »Douch vit à deux pas de là. Il a un œilsur tout, annote les confessions, ordon-ne les exécutions. Pour le parquet, ilétait un bourreau zélé, haut cadre de laSantebal, la redoutée police politique.Pour la défense, il n’était au contrairequ’un exécutant apeuré, « otage autantqu’acteur d’un régime criminel », qui,pour protéger sa famille, a suivi les or-dres de sa hiérarchie.

Douch est un accusé atypique, qui atoujours reconnu une part de responsa-bilité. Il n’a opposé aucune résistancelorsqu’il fut arrêté en 1999, démasquépar un journaliste. Converti au chris-tianisme, il vivait alors dans un villagedu nord du Cambodge et enseignaitpour une ONG évangélique.

Dès le début du procès, au printemps2009, il a exprimé son « regret » et son« chagrin sincère » aux victimes. Maiscoup de théâtre lors du dernier jourd’audience, il demande l’acquittement.L’ancien professeur, qui a passé le pro-cès dans ses notes, pugnace sur chaquedétail, réfléchissait encore hier, toutcomme l’accusation, à déposer unéventuel appel. La cour s’en passeraitvolontiers, pressée d’en venir à sondeuxième dossier, autrement pluscomplexe. Si l’ordonnance de renvoin’est pas rendue en septembre, ellesera forcée de libérer le « Frère numérodeux », Nuon Chea, ancien présidentkhmer rouge, qui arrive à la limite destrois ans de détention préventive. Aveclui, trois autres hauts dirigeants doi-vent répondre de l’organisation systé-matique de la mort de 1,7 million deCambodgiens, soit un quart de la popu-lation du pays entre 1975 et 1979.

Le « frère numéro un », Pol Pot, estmort en 1998 sans être inquiété et letribunal, qui ne peut compter sur lesoutien d’un gouvernement mené parun ancien Khmer rouge, se déchire surla question de poursuivre ou nond’autres suspects. Face à des accusés,tous octogénaires ou presque, qui semurent dans le silence, les Cambod-giens craignent que le temps ne leurvole une maigre justice. ■

Douch, premierbourreau khmer rouge

condamnéReconnu coupable de plus de 12 000 meurtres

dans la prison S21 à Phnom Penh, l’ancien tortionnairea été condamné hier à trente-cinq ans de prison.

DATES CLÉS17 AVRIL 1975Le mouvementrévolutionnaire des Khmersrouges prend le pouvoirau Cambodge. Pol Pot, appuyépar la Chine, veut construireune utopie marxiste enrevenant à l’« année zéro ».

7 JANVIER 1979Les Khmers rougessont chassés du pouvoirpar le Vietnam.Le mouvement s’effondreau milieu des années 1990.

1997Le gouvernement cambodgiendemande l’aide de l’ONU pourjuger d’anciens cadres khmersrouges. Un accord est signéen 2003 et les Chambresextraordinaires au seindes tribunaux cambodgiens(CETC) sont mises en placeen 2006 à Phnom Penh.

BARACK OBAMA a consenti un nouveaugeste pour rassurer Israël sur sa sécurité.Les États-Unis vont financer à hauteurde 100 millions de dollars le développe-ment d’une nouvelle version d’un systè-me d’interception de missiles balistiquessurnommé Arrow (la flèche) III.Ces batteries de missiles antimissilesdestinées à intercepter des engins quepourrait tirer l’Iran doivent permettred’atteindre leur cible à une plus haute alti-tude et une plus grande distance que lemodèle actuellement déployé par l’arméeisraélienne. L’ensemble devrait être opé-rationnel d’ici deux à trois ans.Cet investissement américain s’ajoute àl’aide militaire annuelle des États-Unis deprès de 3 milliards de dollars qui permet à

Israël de financer l’achat d’armes améri-caines. C’est d’ailleurs ce dossier qui figureau menu des discussions avec Ehoud Ba-rak, le ministre de la Défense, en visite àWashington.Les Américains font pression sur l’arméede l’air israélienne pour qu’elle se décide àêtre le premier client étranger à comman-der des F35, une nouvelle générationd’avions furtifs censés échapper aux ra-dars. Pour le moment, Ehoud Barak hési-te. Le coût de chaque appareil pourrait at-teindre 150 millions de dollars. De plus, lesAméricains refusent pour le momentd’autoriser les Israéliens à introduire leurpropre avionique dans ces appareils horsde prix.

M. H. (à Jérusalem)

Le geste d’Obama pour rassurer Israël

L’Union européenne veut amener l’Iran à négocierTéhéran est prêt à discuter, mais sans examen de la nature de son programme nucléaire.

JEAN-JACQUESMÉVELCORRESPONDANTÀBRUXELLES

SANCTIONS Téhéran perd son fournis-seur préféré pour les technologies depointe : au lendemain d’une décisionunanime à Bruxelles, les Vingt-Sept ap-pliquent à partir d’aujourd’hui des sanc-tions inédites contre un secteur énergéti-que vital pour l’Iran. Avec l’espoird’amener Téhéran à discuter enfin de sesambitions nucléaires. Ou, à défaut, lesouci de convaincre le reste du monde deresserrer l’étau avec elle.

L’objectif de cet « arsenal complet »,comme le décrit Catherine Ashton, est deréussir d’ici à quelques mois là où toutesles autres tentatives ont échoué : engageravec la République islamique une discus-sion serrée sur ses ambitions nucléairesmilitaires. « Il s’agit de trouver une solu-tion politique, pas d’engager l’escalade »,insiste Pierre Lellouche, secrétaire d’Étatfrançais aux Affaires européennes.

Des deux côtés, une fenêtre diploma-tique se dessine entre la fin du ramadan,en septembre, et le début de l’hiver, dated’un possible et nouveau tour de vis del’UE. Effet des sanctions ou simple coïn-cidence, le chef négociateur iranien, SaïdJalili, a déjà accepté ce week-end de ren-contrer la chef de la diplomatie euro-

péenne, probablement à Istanbul, si l’onen croit les bons offices de la diplomatieturque. Bruxelles escomptait hier soirune confirmation venue de Téhéran. Ca-therine Ashton, intermédiaire des gran-des puissances, avait lancé l’invitationdès le 14 juillet.

Cette convergence sur le lieu et sur lecalendrier ne préfigure en rien une dé-

tente sur le fond. Les six grandes puissan-ces impliquées (France, Allemagne,Chine, États-Unis, Grande-Bretagne etRussie) entendent toujours s’assurer de« la nature pacifique du programme nu-cléaire iranien ». Ce qui veut dire qu’ellessont intimement persuadées du contraireet que les Occidentaux feront tout pourempêcher Téhéran de se doter de l’armeatomique.

Écran de fuméeL’Iran est disposé à discuter, mais pas dusujet qui intéresse ses interlocuteurs. Ceweek-end, il a proposé de reprendre im-médiatement les négociations sur unéchange de combustible nucléaire, pro-posé en mai. Les six puissances persistentà n’y voir qu’un écran de fumée, et lacontinuation d’une diversion « qui duredepuis des années ».

Un nouveau dialogue de sourds pose-rait immanquablement la question dupoids politique de l’Europe et de l’effica-cité de ses sanctions. Comme elle, lesÉtats-Unis et l’Australie - et bientôt leCanada - ont imposé à Téhéran des sanc-tions économiques qui vont plus loin quece qu’a décidé l’ONU le 9 juin. Mais il nes’agit pas d’un embargo, et les risques defuites sont manifestes, jusque dans legroupe des six puissances.

« Plus cela sera hermétique, et plus nousserons pris au sérieux », disait hier PierreLellouche. Reste à en convaincre la Rus-sie, longtemps réticente aux sanctionsinternationales, la Chine, qui s’est spé-cialisée dans l’art de les contourner avecles pays pétroliers, ou encore la Turquie,qui a déjà claironné qu’elle ne rejoindrapas l’UE sur ce front. ■

Catherine Ashton espère réussir d’icià quelques mois là où toutes les autrestentatives ont échoué. J. THYS/AFP

Kaing Guek Eav,alias Douch, 67 ans,

a reconnu son rôle dansl’organisation de la prison

de Tuol Sleng (S21),un lycée de la capitaletransformé en centrede détention. REUTERS

LE FIGARO lundi 27 juin 2011

A

9international

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Libye : Kadhafi en retraitdes négociationsAlors que les rebelles ont lancéhier une offensive à 50 km ausud de Tripoli, le colonel Kadhafiaurait accepté de ne pas fairepartie des négociations sur laLibyemenées pourmettre unterme à un conflit qui duredepuis quatremois, d’après leschefs d’État africainsmédiateursdans la crise.

Offensive syrienneprès du LibanL’armée syrienne a étendu hierson offensive à Kseir, unelocalité proche du Liban,poussant des centaines depersonnes à se réfugier de l’autrecôté de la frontière, à la veilled’une réunion inédite d’unecentaine d’opposants à Damas.

Yémen : prochainretour du président SalehLe président Saleh, hospitaliséen Arabie saoudite depuis le3 juin, entend revenirprochainement au Yémen, selonson entourage.M. Salehproposera soit le transfert de sespouvoirs au Parlement, soit laformation d’un gouvernementde coalition et la tenue d’uneélection présidentielle.

Irak : attentaten fauteuil roulantDouze personnes ont étéblessées hier lorsqu’unkamikaze en fauteuil roulant aactionné ses explosifs dans unposte de police près de Bagdad.

Manifestations auMarocDesmanifestations pacifiquesétaient attendues hier dans lesgrandes villes duMaroc pourprotester contre un projet derévision constitutionnelle

soumis à référendum le1er juillet.

E N B R E F

ISABELLE ROUGHOL

ASIE DU SUD-EST Une question revientcomme un leitmotiv au Cambodge lors-que la conversation s’arrête, inexora-blement, sur le sujet de l’horreur Khmerrouge :« Pourquoi desKhmers ont-ils tuéd’autres Khmers ? » C’est à cette inter-rogation de tout un pays, sur ce génocidequi a vu 2 millions de Cambodgiens tuéspar d’autres Cambodgiens, que doiventrépondre les Chambres extraordinairesau sein des tribunaux cambodgiens, quiouvrent aujourd’hui leur secondprocès à Phnom-Penh.

Face aux juges comparais-sent ce matin les quatre plushauts dignitaires survivantsdu régime, après la mort dePol Pot en 1998 : KhieuSamphan, ancien chefd’État du Kampuchéa dé-mocratique (défendu par Jac-ques Vergès) ; Nuon Chea,« Frère numéro 2 », adjoint de PolPot, souvent présenté comme l’idéolo-gue du Parti communiste ; Ieng Sary,alors ministre des Affaires étrangères ;et son épouse, Ieng Thirith, ministre desAffaires sociales. Tous sont accusés decrimes contre l’humanité, génocide etcrimes de guerre, perpétrés entre 1975et 1979, lorsqu’ils étaient à la tête du ré-gime marxiste qui a éliminé, par la fa-mine, les travaux forcés et les exécu-tions, un quart de la population du pays.L’audience préliminaire qui débuteaujourd’hui n’abordera que des ques-tions de procédure ; il faudra attendrel’automne pour toucher au fond du dos-sier.

Un dossier compliqué. «On dit sou-vent ici que c’est le plus gros procès crimi-

nel depuis Nuremberg », note AnneHeindl, juriste du Centre de documenta-tion du Cambodge, qui maintient des ar-chives sur la période et a versé plus d’unmillion de pages au dossier. Alors que lepremier procès, celui du directeur de laprison S21, Douch, ne concernait qu’uneseule personne et un seul centre de tor-ture (le verdict de son appel est attenduen juillet), le second doit examiner descrimes dans l’ensemble du pays et dé-cortiquer toute l’organisation du régimemeurtrier. Le parquet doit déterminer

des responsabilités individuellesdans un système politique

complexe dont toutes lesdécisions étaient prises aunom de l’« Angkar »(l’Organisation), sinistredécideur sans visage dusort de chaque Cambod-

gien. Et ce plus de trenteans après les faits, alors que

les accusés se murent dans lesilence et que le gouvernement,

dont plusieurs anciens Khmers rougessont membres, dit tout haut son espoirde voir le tribunal échouer.

« Atmosphère toxique »La cour elle-même est divisée : des dé-saccords entre magistrats sur la poursui-te d’autres suspects ont conduit à aumoins six démissions. Dernier en date,Stephen Heder, l’un des historiens lesplus réputés de la période, a claqué laporte il y a deux semaines, dénonçantdes enquêtes bâclées et une« atmosphè-re toxique ». « Si ce dossier est bienmené,cela pourrait racheter le tribunal », espè-re Anne Heindl. La mission du tribunalspécial est aussi, selon ses statuts, demontrer à quoi ressemble une justice ef-

ficace, dans un Cambodge où l’institu-tion est considérée comme la plus cor-rompue.

Quoi qu’il en soit, ce procès sera leplus emblématique et le plus représenta-tif de l’histoire personnelle de chaqueCambodgien. Il aborde les dénoncia-tions, les tortures et les exécutions ; lescamps de travail où l’on creusait des ca-naux jusqu’à ce que mort s’en suive ; lafamine et la pseudo-médecine tradi-tionnelle, qui tuait plus souvent qu’ellene guérissait ; les déplacements de po-pulations et les séparations des familles.« Ils ont emmené mon père sous mes yeuxet je n’avais pas le droit de pleurer », se

souvient Navy Soth, une fillette alors.Cinq membres de sa famille immédiateont été tués ; les survivants se sont ins-tallés en France dans les années 1980.Aujourd’hui, elle est partie civile au pro-cès de ses bourreaux.« Tout ce qu’on de-mande, c’est la vérité. Le nombre d’an-nées en prison, cela ne veut rien dire »,estime-t-elle. Mais elle sait qu’elle nedoit pas trop espérer des quatre accusés,tous octogénaires et apparemment déci-dés à utiliser chaque voie possible pourfaire durer la procédure. «On est là, en-tre les Khmers rouges et les morts, à sebattre. Mais je n’attends pas grand-cho-se. »■

Deuxsurvivants

du génocidese recueillent

devantl’ossuaire deChoeung Ek,

dansles faubourgsde Phnom-

Penh.PRING/REUTER

Le second procès des Khmersrouges s’ouvre à Phnom-PenhLes quatre plus hauts dignitaires survivants

du régime doivent répondre de la mortde deux millions de Cambodgiens.

2000personnesse sont portées partiecivile à ce procès

mardi 23 novembre 2010 LE FIGARO

C8 international

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFE DE LACOUR D’APPELDE VERSAILLESPar arrêt en date du 18 avril 2008, de la 9ème Chambre de la Cour d’appel de Versailles, MmeCOHEN épouse HAIUN Monique, née le 15/01/1957 à VICHY (03) demeurant 78 avenueFoch à PARIS (75116) a été condamnée à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amendedélictuelle de 37.500 €, aux peines complémentaires d’affichage et de publication dans le quo-tidien LE FIGARO pour avoir à BOULOGNE BILLANCOURT et sur le territoire nationalcourant 2001 et 2002, frauduleusement et volontairement soustrait la société EDIFIM, dontelle était la gérante, à l’établissement et au paiement partiel de la TVA exigible au titre de lapériode du 01/01 au 31/12/2001, par minoration des déclarations mensuelles, les dissimulationsexcédant le 1/10ème de la somme imposable ou le montant de 153 €, faits prévus et réprimés parles articles 1741 et 1750 du Code Général des Impôts.VUAU PARQUET GENERAL - P/LE PROCUREUR GENERALPOUR EXTRAIT CERTIFIE CONFORME, LE GREFFIER EN CHEF

EXTRAIT DES MINUTES DU GREFFEDU TRIBUNALDE GRANDE INSTANCE DE PARIS

Par jugement contradictoire, rendu par le TRIBUNAL CORRECTIONNEL 11EME CHAM-BRE/1, le 31 mars 2009. Jugement sur citation Directe devant le Tribunal Correctionnel. Isa-belle, Blanche, Louise PERUCCA épouse HUBERT, née le 01 mars 1953 àVERT (78) de Rol-land PERUCCA et de Liliane PICARD, de nationalité française, Président Directeur Général,demeurant 28, rue des Prévanches 27120 LE PLESSIS HEBERT, libre, a été condamnée à : uneEmprisonnement délictuel - 6 mois avec sursis simple total. Ordonne la publication du présentjugement, par extrait dans le JOURNALOFFICIEL, ainsi que dans le quoditien LE FIGARO etl’AFFICHAGE, également par extrait pendant 3 mois, sur les panneaux réservés à l’affichagedes publications officielles à la mairie de la commune où la contribuable a son domicile, le toutaux frais de la condamnée. Infraction : SOUSTRACTION FRAUDULEUSEAL’ETABLISSE-MENT OU AU PAIEMENT DE L’IMPOT par DISSIMULATION DE SOMEMS - FRAUDEFISCALE - courant 2005 et 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, àParis et sur le territoire national, faits prévus par ART. 1741 AL.1, AL.2 C.G.I. et réprimés parART. 1741 AL.1, AL.3, AL.4, ART.1750 AL.1 C.G.I., ART.50§I LOI 52-401 DU 14/04/1952.Pour extrait conforme n’y ayant appel. Pour le Greffier en chef.

PUBLICATIONS JUDICIAIRES01.49.04.01.85 - [email protected]

Nouveau coup durpour Silvio BerlusconiMara Carfagna,ministre italiennede l’Égalité des chances,a annoncé qu’elle démissionneraau lendemain du votede confiance au Parlement,le 14 décembre, et quitterale PDL, le parti de Berlusconi,livré désormais, selon elle,aux rivalités claniques.

Un officier du FSB tuédans le Caucase russeUn officier des services spéciauxrusses (FSB) estmort aprèsl’explosion de sa voitureauDaguestan, et un policiera été tué enKabardino-Balkarie,deux républiques du Caucase

russe, une régionminéepar une rébellion.

E N B R E F

Benoît XVI envisagel’hypothèsed’une démissionBenoît XVI n’hésitera pas àdémissionner, ce qu’aucun Papen’a fait depuis sept cents ans, s’ilest dans l’incapacité « physique,psychologique ou spirituelle »d’accomplir les tâches de safonction. Le souverain pontife,qui est âgé de 83 ans, le déclaresans détour dans le livred’entretiens qui paraîtaujourd’hui. Les responsablesdu Vatican n’aiment guère

aborder cette hypothèsequi pose de complexesproblèmes doctrinaux.

Z O O M

TANGUY BERTHEMET

JUSTICE INTERNATIONALE Jean-PierreBemba est devant ses juges. Depuis hier,l’ancien chef du Mouvement de libéra-tion du Congo (MLC), une milice congo-laise, doit répondre de crimes de guerreet crimes contre l’humanité devant laCour pénale internationale (CPI) àLa Haye. Pour ses victimes, nombreuses,c’est déjà une victoire inattendue aprèsdes années d’impunité. Car l’histoire deJean-Pierre Bemba, 48 ans, est étroite-ment mêlée à celle de l’Afrique centraleau tournant des années 2000. Entre 1994et 2003, les guerres civiles, les massacreset les tueries se sont enchaînés au Congo,

au Rwanda et en Centrafrique, faisantplus de trois millions de morts.

Le procès qui s’ouvre et qui devraitdurer plusieurs mois est fondamentalpour la CPI. La cour joue une partie de sacrédibilité sur cette procédure. Troisautres chefs de guerre congolais sontcertes déjà poursuivis à La Haye. Maisleurs rôles comme leurs personnalitéssont mineurs dans le drame qu’a connula région.

Viols, meurtres et pillagesPour les services du procureur de la CPI,la tâche ne s’annonce pas simple. Déjàles critiques fusent. La première est queJean-Pierre Bemba n’est pas jugé pourdes crimes commis dans ses fiefs congo-lais, mais pour ses actions supposéesdans un pays voisin, la Centrafrique. Fin2002, les miliciens du MLC étaient entrésà Bangui pour porter secours au prési-dent centrafricain d’alors, Ange-FélixPatassé, en butte à un coup d’État. Lestroupes du MLC auraient commis descentaines de viols, de meurtres ainsi quedes pillages. D’aucuns s’étonnent que lesautres crimes du MLC, notamment ceuxcommis à la même époque en Ituri, dansl’est du Congo, ne soient pas eux aussijugés. On avait recensé alors des centai-nes de morts et des cas de cannibalismecontre des Pygmées.

La seconde question porte sur letemps mis à lancer des mandats d’arrêtcontre Jean-Pierre Bemba. Alors que lesfaits remontent à 2003, il n’a été arrêtéqu’en 2008. Entre-temps, Bemba, alorsau sommet de sa puissance, fut tran-quillement candidat à la présidentiellede 2006 au Congo. Durement battu lorsdu scrutin par Joseph Kabila, il s’était

exilé au Portugal en 2007 puis à Bruxel-les, où il fut interpellé. Pour les avocatsdu prévenu, cette chronologie est le si-gne que ce procès est politique :« Aurait-on jugé Bemba s’il avait été éluprésident ? »

La troisième interrogation est suscitéepar l’absence d’Ange-Félix Patassé dubanc des accusés. Une décision du pro-cureur, l’Argentin Luis Moreno-Ocam-

po, qui assure manquer de preuves pourconduire une telle accusation. Ces criti-ques devraient revenir tout au long desdébats. Hier, Luis Moreno-Ocampo les abalayées, affirmant que « Jean-PierreBemba a sciemment permis aux 1 500hommes qu’il commandait de commettredes centaines de viols, des centaines depillages ». Jean-Pierre Bemba a décidéde plaider non-coupable. ■

Jean-Pierre Bemba, hier, devant la Courpénale internationale (CPI) à La Haye. AP

La CPI joue son crédit sur le procès de Jean-Pierre BembaL’ancien vice-président du Congo et chef d’une milice doit répondre à La Haye de crimes de guerre et contre l’humanité.

PATRICKSAINT-PAULCORRESPONDANTÀBERLIN

ALLEMAGNE Six siècles après la condam-nation à mort de Klaus Störtebeker, le célè-bre « Corsaire rouge » décapité avec ses71 compagnons, Hambourg a entamé, hier,le procès de dix pirates somaliens. Murésdans le silence, les accusés ignorent pro-bablement le sort que réservait la cité han-séatique à leurs illustres prédécesseurs,dont la tête coupée était exposée près duport. La tradition s’est interrompue il y aquatre cents ans. En dépit des « preuvesaccablantes » citées par l’accusation, lesSomaliens jugés pour l’attaque du cargoallemandMSTaipan en avril au large de laCorne de l’Afrique encourent au maxi-mum quinze ou vingt ans de réclusion.

Arrêtés par la marine néerlandaiseavant d’être transférés en Allemagne enjuin, les dix accusés répondent d’attaquecontre le trafic maritime et de tentative derapt en vue d’obtenir une rançon. Ilsavaient donné l’assaut au porte-conte-neurs allemand à 900 km à l’est des côtessomaliennes. Mais les inculpés n’avaientpu mettre la main sur les quinze membresd’équipage, qui s’étaient réfugiés dans unespace sécurisé dans les cales du navire.Avant de prendre la fuite, le capitaineavait lancé un appel au secours à un bâti-

ment néerlandais de la force européenneantipiraterie Atalante. Trois heures et de-mie plus tard, la frégateTrompde la mari-ne néerlandaise avait donné l’assaut et unmilitaire néerlandais avait été légèrementblessé dans des échanges de coups de feu.Une vidéo de l’opération, deux lance-ro-quettes et cinq fusils d’assaut Kalachnikovsaisis aux pirates figurent parmi les preu-ves. Pour le porte-parole du tribunal deHambourg, Conrad Müller-Horn, leurcondamnation ne fait aucun doute. « Ilsdoivent s’attendre à des peines de cinq ansauminimum», estime-t-il. Cela n’arrête-ra probablement pas les pirates somaliens,qui opèrent de plus en plus loin des côtespour échapper aux navires de la missionAtalante. Leur butin est estimé à 100 mil-

lions d’euros par an. Selon le Bureau in-ternational maritime, 23 navires et plus de500 membres d’équipage sont actuelle-ment détenus par des pirates somaliens.

Le nom et l’âge des accusésLa défense a expliqué que les actes de pi-raterie sont la conséquence des troublesen Somalie et de la surpêche pratiquéepar les Occidentaux dans la région. La pi-raterie « ne peut être résolue que par unesolution politique, ont estimé hier les avo-cats. Un jugement de cette cour n’auraaucune influence sur la piraterie dansl’océan Indien. » Les accusés, dont la plu-part portent une casquette de base-ball etdes vêtements de sport, suivent avec dé-contraction les débats, traduits par trois

interprètes. La lecture des noms a, à elleseule, duré près de quarante-cinq minu-tes, juges, interprètes et accusés cher-chant à s’accorder sur une orthographeet une prononciation commune. Leséchanges les plus vifs ont porté sur l’âgedes accusés, l’un d’entre eux affirmantavoir 13 ans. L’âge légal pour être jugé enAllemagne est de 14 ans. Cependant, lesexperts médicaux estiment que l’accuséen question a plus de 18 ans.

Le procès doit se poursuivre jusqu’enjanvier. L’un des pirates a déjà déposéune demande d’asile politique en Alle-magne. Loin de la chaleur moite du golfed’Aden, les pirates disent n’avoir « peurque d’une chose, a expliqué l’un des avo-cats, l’hiver allemand ».■

Les dixpirates, jugésdepuis hier

à Hambourg,encourent

au maximumquinze ouvingt ans

de réclusion.AP, AFP

Hambourg juge dix piratessomaliensC’est la première affaire

de piraterie devant une courallemande en quatre siècles.

Notre blog AllemagneHTTP://BLOG.LEFIGARO.FR/BERLIN/

Le cargoallemandMS Taipan,en avrildernier lorsde l’assautdonné parla marinenéerlandaisecontreles piratessomaliens.AP

345 morts dans une bousculade tragique à Phnom PenhLa capitale cambodgienne vit son pire drame en plus de trente ans. Le premier ministre a déclaré le deuil national.

ISABELLE ROUGHOL

CAMBODGE Au lieu de célébrations audernier soir de la traditionnelle Fête del’eau, les habitants de Phnom Penh ontconnu hier soir « la plus grande tragé-die au Cambodge depuis la fin du régimede Pol Pot », pour reprendre les motsdu premier ministre, Hun Sen, quandun mouvement de panique a saisi lafoule des festivaliers sur un pont de lacapitale. La bousculade a fait au moins345 morts, selon un bilan officiel enco-re provisoire, et des centaines de bles-

son des pluies et l’inversement ducours de la rivière Tonlé Sap. Le roipréside à des joutes dans lesquelless’affrontent les meilleurs bateliers dupays. La population de la capitale faitplus que doubler et deux à trois mil-lions de personnes s’amassent sur lesquais du centre de la ville, où l’on peutvoir se rejoindre les quatre bras duMékong. Les infrastructures et les ser-vices d’ordre de la ville, déjà insuffi-sants en temps normal, sont alors sub-mergés… ■

(Avec AFP et Reuters)

n’était pas stable. « Cela a déclenché unmouvement de panique. Il y avait trop demonde et les gens n’avaient nulle part oùs’échapper », a indiqué le ministre del’Information, Khieu Kanharith. Lepremier ministre, s’adressant à la po-pulation à la télévision dans la nuit, apromis une enquête et présenté ses ex-cuses. Il a déclaré une journée de deuilnational pour jeudi.

La tragédie était presque inscrite.Chaque année, les provinciaux se ruentvers Phnom Penh pour trois jours defestivités, qui célèbrent la fin de la sai-

sés. Les victimes, des femmes surtoutet de nombreux jeunes, sont mortespiétinées par la foule. Beaucoup onttenté d’échapper à la mort en se jetantdans la rivière en contrebas. Le nom-bre de morts pourrait encore augmen-ter, alors que les hôpitaux étaient hierdépassés par l’afflux de blessés.

Le drame a eu lieu sur le pont quirelie Phnom Penh à l’île de Koh Pich,où se tenait un concert. « Nous étionsen train de traverser le pont vers KohPich lorsque les gens ont commencé àpousser de l’autre côté. Il y avait beau-

coup de cris et de panique », a déclaréà l’AFP Kruon Hay, 23 ans, qui setrouvait encore sur les lieux. « Lesgens ont commencé à courir et ils tom-baient les uns sur les autres. Je suistombé moi aussi. Je n’ai survécu queparce que d’autres personnes m’ont re-levé », a-t-il dit.

Deux à trois millionsde festivaliersLes causes de la bousculade étaient en-core floues hier soir : une rumeur seserait répandue selon laquelle le pont


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