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Analyse numérique des EDP elliptiques

Franck Boyer

Master 2ième année - Mathématiques et Applications

Université Paul Cézanne

1er décembre 2009

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TABLE DES MATIÈRES iii

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre I Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques 1

1 Espaces de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.1 Espaces Hk(Ω), Hk

0 (Ω), H−k(Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Inégalités/Injections de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3 Opérateur de traces. Espaces de traces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.4 Inégalités de Poincaré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.5 Champs L2 à divergence L2. Trace normale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 Formulations faibles de problèmes elliptiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.2 Théorème de Lax-Milgram . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.3 Exemples de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.4 Exemples plus sophistiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

3 Le principe du maximum faible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

4.1 Enoncé et preuve du théorème général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194.2 Problèmes de type point-selle ou formulations variationnelles sous contrainte . . . . . . . 204.3 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Chapitre II Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis 29

1 Principes généraux de l’approximation de Galerkin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 291.1 Cadre coercif. Approximation de Galerkin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301.2 Cadre coercif. Approximation de Petrov-Galerkin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311.3 Cadre d’un problème mixte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331.4 Choix des espaces d’approximation et de la base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

2 Exemples d’espaces éléments finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362.1 Le cas 1D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362.2 Quelques notions en dimension supérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 452.3 Autres éléments finis utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

3 Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-sup stables . . . . . . . . . . . . . . . . . 583.1 Lemme de Fortin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593.2 Le problème de Stokes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

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iv TABLE DES MATIÈRES

Chapitre III Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques 67

1 Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 681.1 Maillages orthogonaux admissibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 681.2 Construction du schéma numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 691.3 Premières propriétés : existence et unicité de la solution - stabilité . . . . . . . . . . . . . 701.4 Compacité - Convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 731.5 Estimation de l’erreur en dimendion 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

2 Quelques problèmes plus généraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 802.1 Le problème de diffusion isotrope hétérogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 802.2 Le problème de convection-diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 802.3 Le problème anisotrope hétérogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

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Chapitre I

PRÉREQUIS. INTRODUCTION AUX EDPELLIPTIQUES

1 Espaces de Sobolev

L’essentiel du contenu de ce paragraphe provient des références [Bre83] et [Ada75].

1.1 Espaces Hk(Ω), Hk0 (Ω), H−k(Ω)

Définition I.1

Soit Ω un ouvert de Rd. Pour tout entier k ≥ 0, on définit l’espace de Sobolev Hk(Ω) de la façonsuivante

Hk(Ω) = u ∈ L2(Ω), ∂αu ∈ L2(Ω), ∀α ∈ Nd, |α| ≤ k,muni de la norme

‖u‖Hk =

|α|≤k

‖∂αu‖2L2

12

.

De façon équivalente, on a H0(Ω) = L2(Ω) et Hk+1(Ω) = u ∈ Hk(Ω), ∇u ∈ (Hk(Ω))d.On définit enfin Hk

0 (Ω), l’adhérence dans Hk(Ω) de D(Ω), ensemble des fonctions de classe C∞ et àsupport compact dans Ω.

Proposition I.2

Les espaces Hk(Ω) et Hk0 (Ω) ainsi définis sont des espaces de Hilbert et de plus, si Ω est Lipschitzien,

alors l’ensemble C∞(Ω) des fonctions régulières jusqu’au bord de Ω est dense dans Hk(Ω).

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2 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Il est possible de caractériser le dual topologique de l’espace Hk0 (Ω) de la façon suivante.

Définition I.3

Pour tout k ≥ 1, on définit l’espace de distributions suivant

H−k(Ω) =

f ∈ D

′(Ω), f =∑

|α|≤k

∂αfα, avec fα ∈ L2(Ω)

,

muni de la norme

‖f‖H−k = inf

|α|≤k

‖fα‖2L2

12

,

l’infimum étant pris sur toutes les décompositions possibles de f sous la forme intervenant dans ladéfinition de H−k.

Proposition I.4

Pour tout k ≥ 1, l’espace H−k(Ω) ainsi défini est un espace de Hilbert qui, de plus, est isomorphe audual topologique de Hk

0 (Ω). De façon plus précise, le crochet de dualité s’exprime de la façon suivante

〈f, u〉H−k,Hk0

=∑

|α|≤k

(−1)|α|∫

Ω

fα∂αu dx, ∀f ∈ H−k(Ω), ∀u ∈ Hk

0 (Ω).

On vérifie bien sûr que cette formule ne dépend pas de la décomposition de f en somme des ∂αfα.

Attention, le dual topologique de Hk(Ω) n’est pas un espace de distributions et ne possède donc pas de carac-térisation aussi simple.

Remarque I.5

L’exemple le plus simple à retenir, et le plus utile pour la suite de ce cours, c’est que tout élément f deH−1(Ω) s’écrit, au sens des distributions, sous la forme

f = u+ div G, avec u ∈ L2(Ω) et G ∈ (L2(Ω))d.

Concluons se paragraphe par le théorème de dérivation des fonctions composées dans les espaces de Sobolev.

Théorème I.6

Soit Ω un ouvert de Rd. Pour toute fonction u ∈ H1(Ω) et toute fonction T : R 7→ R de classe C1 àdérivée bornée nous avons

T (u) ∈ H1(Ω), et ∇T (u) = T ′(u)∇u. (I.1)

De plus,u ∈ H1(Ω) 7→ T (u) ∈ H1(Ω),

est continue.

Preuve :

1. On raisonne par densité en approchant u ∈ H1(Ω), par une suite (un)n de fonctions régulières. Pour cesfonctions un, le théorème de dérivation des fonctions composées s’applique et on a donc ∇(T (un)) =

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1. Espaces de Sobolev 3

T ′(un)∇un. En prenant une fonction test Φ ∈ (C∞c (Ω))d, on a donc∫

Ω

T (un)div Φ dx = −∫

Ω

T ′(un)∇un · Φ dx.

Il faut donc vérifier que l’on peut passer à la limite dans cette formule pour montrer le résultat.

• Tout d’abord, comme T est à dérivée bornée :

|T (un)− T (u)| ≤ ‖T ′‖∞|un − u|,et donc T (un) converge vers T (u) dans L2(Ω), ce qui permet de passer à la limite dans le premierterme.

• Pour le second terme, on utilise le fait que, quitte à extraire une sous-suite de (un)n on peut supposerque un converge presque partout vers u (et donc T ′(un) converge presque partout vers T ′(u) puisqueT ′ est continue). Par convergence dominée, on en déduit que T (un) converge vers T ′(u) dans L2(Ω),et comme par ailleurs ∇un converge vers ∇u dans L2(Ω), on a bien justifié le passage à la limite dansl’égalité proposée.

2. Soit (un)n une suite de foncions de H1(Ω) qui converge vers u ∈ H1(Ω).

• On a tout d’abord‖T (un)− T (u)‖L2 ≤ ‖T ′‖∞‖un − u‖L2 ,

et donc T (un) converge vers T (u) dans L2.• Il faut maintenant regarder les gradients.

‖∇T (un)−∇T (u)‖2L2 ≤ ‖T ′‖2∞‖∇un −∇u‖2L2 +∫

Ω

|T ′(un)− T ′(u)|2|∇u|2 dx.

Le premier terme tend clairement vers 0. Quand on second terme, on va montrer que sa limite supé-rieure α est nulle. Pour cela, on considère une sous-suite uϕ(n) qui réalise la valeur α. Comme (un)n

converge dans L2(Ω) et quitte à extraire encore une fois une sous-suite, on peut supposer que uϕ(n)

converge vers u presque partout. Dans ces conditions, on peut appliquer le théorème de convergencedominée et obtenir

α = limn→∞

Ω

|T ′(uϕ(n))− T ′(u)|2|∇u|2 dx = 0.

En réalité, on peut montrer que cette propriété est encore vraie si T est seulement Lipschitzienne et C1 parmorceaux par exemple. Dans ce cas, T ′ n’est pas définie de manière univoque en certains points, mais le théorèmeest quand même vrai et implique en particulier que la valeur que l’on donne en T ′ en ces points n’intervient pas.

Exemple I.7

Si T (x) = x+ = max(x, 0), on prend T ′(x) = 1 si x > 0 et T ′(x) = 0 si x ≤ 0. On obtient alors

∇(u+) = 1u>0∇u.

Mais en affectant la valeur 1 à T ′ en x = 0, on trouve aussi

∇(u+) = 1u≥0∇u.

Le théorème précédent dit que ces deux formules sont exactes, ce qui implique que

∇u = 0, presque partout sur l’ensemble u = 0,

et en effet, nous avons :

∇u = 0, presque partout sur l’ensemble u = α,

pour toute valeur de α ∈ R.

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4 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

1.2 Inégalités/Injections de Sobolev

On se contente ici de donner les résultats concernant l’espace H1(Ω) même si des résultats similaires peuventêtres démontrés pour les espaces Hk(Ω) ou les espaces W 1,p(Ω), avec p 6= 2.

Théorème I.8

Soit Ω un ouvert borné Lipschitzien de Rd.

• Si d = 1 : on a l’injection continue de H1(Ω) dans l’espace de Hölder C0, 12 (Ω).

• Si d = 2 : on a l’injection continue de H1(Ω) dans l’espace Lp(Ω) pour tout p < +∞. Parcontre, on n’a pas l’injection continue de H1(Ω) dans L∞(Ω).

• Si d ≥ 3 : on a l’injection continue de H1(Ω) dans l’espace Lp∗(Ω) avec p∗ = 2dd−2 .

De plus, les injections non critiques sont compactes.

Dans le cas non borné, les résultats sont essentiellement les mêmes (à part quelques variantes du fait que lesespaces Lp ne sont pas emboîtés dans ce cas). La différence essentielle est que la compacité des injections deSobolev n’est plus vérifiée.

Comme on va s’intéresser par la suite à la discrétisation de problème aux dérivées partielles, le cadre dedomaines bornés suffira à notre étude.

1.3 Opérateur de traces. Espaces de traces

On sait qu’une fonction lipschitzienne définie sur un ouvert Ω peut se prolonger par continuité jusqu’au bordde Ω, ce qui permet de donner un sens à la notion de trace de la fonction sur le bord. On va montrer que l’on peut,dans une certaine mesure, faire une construction équivalente dans le cas de fonctions moins régulières.

Théorème I.9

Soit Ω un ouvert borné et lipschitzien de Rd. L’application

γ0 : u ∈ C∞(Ω) 7→ γ0(u) = u|∂Ω ∈ L2(∂Ω),

se prolonge de manière unique, et de façon continue à l’espace de Sobolev H1(Ω). On appelle l’opéra-teur γ0 ainsi obtenu : l’application de traces.L’opérateur γ0 n’est pas surjectif sur L2(∂Ω). L’image de γ0 est un espace de Sobolev fractionnaireappelé H

12 (∂Ω) et qui est un Hilbert pour la norme

‖v‖H

12 (∂Ω)

= infu∈H1(Ω),γ0u=v

‖u‖H1(Ω).

Dans ces conditions, il existe un opérateur linéaire continuR0 : H12 (∂Ω) 7→ H1(Ω), dit de relèvement,

qui vérifieγ0 R0 = Id∂Ω.

N.B. : Dans le théorème précédent, l’espace L2(∂Ω) est défini par le biais de cartes locales.

Proposition I.10L’opérateur de traces ainsi construit permet d’écrire une formule d’intégration par parties

∀u ∈ H1(Ω), ∀Φ ∈ (H1(Ω))d,

Ω

u div Φ dx+∫

Ω

∇u · Φ dx =∫

∂Ω

(γ0u)(γ0Φ) · ν ds.

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1. Espaces de Sobolev 5

Exemple I.11

Il est instructif de prendre l’exemple du carré unité pour comprendre la démarche. Soit donc Ω =]0, 1[2

et u ∈ C∞(Ω). D’après la formule de Taylor nous avons

u2(x, 0) = u2(x, y)− 2∫ y

0

u(x, z)∂yu(x, z) dz, ∀x, y ∈]0, 1[.

On prend la valeur absolue, puis on intègre cette inégalité par rapport à y entre 0 et 1 :

u2(x, 0) ≤∫ 1

0

u2(x, y) dy + 2∫ 1

0

|u(x, z)||∂yu(x, z)| dz.

En intégrant par rapport à x, puis en utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwarz il vient

∫ 1

0

u2(x, 0) dx ≤∫

Ω

u2 dx dy + 2‖u‖L2‖∂yu‖L2 ,

et in fine

‖u‖L2(]0,1[×0) ≤ C‖u‖12L2‖∇u‖

12L2 ≤ C

2(‖u‖L2 + ‖∇u‖L2).

Ceci montre la continuité de l’application γ0 sur l’espace C∞(Ω) pour la topologie de H1(Ω). Sonprolongement continu est alors immédiat par un argument de densité.D’une certaine façon, l’exposant 1/2 qui apparait sur les dérivées de u dans la première des inégalitésprécédentes, explique (ou en tout cas est en lien très fort avec) l’exposant 1/2 dans la définition/notationde l’espace de traces H

12 .

Dans le cas d’ouverts suffisament réguliers, il existe une autre caractérisation utile de l’espace H10 (Ω) :

Proposition I.12

Soit Ω un ouvert borné et Lipschitzien de Rd, et u ∈ H1(Ω), on a l’équivalence

u ∈ H10 (Ω) ⇐⇒ u ∈ H1(Rd),

où u désigne le prolongement par 0 de u à Rd tout entier.

On peut également regarder ce que deviennent les traces de fonctionsH1 quand on applique à u une applicationnon-linéaire Lipschitzienne T .

Proposition I.13

Soit Ω ouvert Lipschtizien de Rd et T : R 7→ R une fonction de classe C1 à dérivée bornée. Pour toutu ∈ H1(Ω), on a

γ0(Tu) = T (γ0u).

Cette propriété reste valable si T est C1 par morceaux avec un nombre au plus dénombrable de points dediscontinuité de T ′.Preuve :

Soit u ∈ H1(Ω). D’après le théorème de densité, il existe une suite (un)n de fonctions de C∞(Ω) qui convergevers u dans H1(Ω) et d’après le théorème I.6, nous savons que T (un) converge vers T (u) dans H1(Ω) et donc parcontinuité de l’opérateur de traces, nous avons

γ0T (un) −−−−→n→∞

γ0T (u).

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6 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Comme un est régulière, γ0(un) n’est autre que la restriction de un sur ∂Ω. De même, T (un) est une fonctioncontinue et donc γ0T (un) est égale à la restriction de T (un) sur ∂Ω. Ainsi, on a

γ0T (un) = T (γ0un), ∀n ∈ N.

Enfin, nous avons γ0un qui converge dans H12 (∂Ω) et donc dans L2(∂Ω) vers γ0u. Par convergence dominée (en

utilisant la sous-linéarité de T ), on a donc convergence de T (γ0un) vers T (γ0u).Le résultat est donc démontré en mettant bout à bout toutes les convergences obtenues ci-dessus.Ce résultat est fort utile pour démontrer que toutes les propriétés raisonnables de la trace sont satisfaites. Ainsi,

en choisissant convenablement T on démontre que si u ∈ H1(Ω) vérifie

u(x) ≥ α, pour presque tout x, alors γ0(u) ≥ αpresque partout.

En particulier, cela prouve que

γ0(H1(Ω) ∩ L∞(Ω)) ⊂ H12 (∂Ω) ∩ L∞(∂Ω),

et on peut même montrer l’égalité entre ces deux espaces.

1.4 Inégalités de Poincaré

L’opérateur de traces défini précédemment permet de caractériser de façon plus claire l’espace H10 (Ω) défini

plus haut.

Proposition I.14

Soit Ω un ouvert borné et Lipschitzien de Rd. On a la propriété

H10 (Ω) = Ker γ0,

autrement dit, l’espace H10 (Ω) est exactement l’ensemble des fonctions de H1(Ω) qui sont nulles au

bord, au sens de l’opérateur de traces.

Reprenons maintenant l’exemple I.11 du carré unité et supposons que u soit nulle au bord. Un calcul tout à faitsimilaire donne maintenant ∫

Ω

u2(x, y) dx dy ≤ 2‖u‖L2‖∇u‖L2 ,

ce qui amène à

‖u‖L2 ≤ 2‖∇u‖L2 .

Cette inégalité montre que la norme L2 de u est controlée par la norme L2 de ses dérivées, ceci n’étant bien survalable ici que pour les fonctions nulles au bord. Ce résultat se généralise de la façon suivante

Théorème I.15 (Inégalité de Poincaré)

Soit Ω un ouvert borné et lipschitzien de Rd. Il existe une constante C > 0 telle que

‖u‖L2 ≤ C‖∇u‖L2 , ∀u ∈ H10 (Ω).

En conséquence de quoi, l’application u 7→ ‖∇u‖L2 est une norme surH10 (Ω) , équivalente à la norme usuelle.

Il existe de nombreuses variantes de ce résultat, dont les plus utiles sont peut-être les suivantes :

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1. Espaces de Sobolev 7

Théorème I.16

Soit Ω un ouvert borné et Lipschitzien de Rd.

1. Soit ΓD une partie fermée d’intérieur non vide dans ∂Ω (pour la topologie induite). On note

H1D(Ω) = u ∈ H1(Ω), γ0(u) = 0, sur ΓD.

Alors il existe C > 0 telle que

‖u‖L2 ≤ C‖∇u‖L2 , ∀u ∈ H1D(Ω).

2. On noteH1

m(Ω) = u ∈ H1(Ω),∫

Ω

u dx = 0.

Alors il existe C > 0 telle que

‖u‖L2 ≤ C‖∇u‖L2 , ∀u ∈ H1m(Ω).

1.5 Champs L2 à divergence L2. Trace normaleOn définit l’espace

Hdiv(Ω) = v ∈ (L2(Ω))d, div v ∈ L2(Ω),muni de la norme

‖v‖Hdiv =(‖v‖2L2 + ‖div v‖2L2

) 12 .

Cet espace est un espace de Hilbert et nous avons le résultat de densité suivant :

Théorème I.17

Soit Ω un ouvert borné régulier. L’ensemble des champs de vecteurs de classe (C∞(Ω))d est dense dansHdiv(Ω).

Pour démontrer ce résultat on utilise une conséquence du théorème de Hahn-Banach.

Lemme I.18Soit E un espace de Banach et F un sous-espace de E. Alors F est dense dans E si et seulement sitoute forme linéaire continue sur E qui s’annulle sur F est identiquement nulle.

Preuve (du théorème):Soit donc Φ une forme linéaire continue sur Hdiv qui s’annule sur (C∞(Ω))d. Comme Hdiv(Ω) est un espace

de Hilbert, le théorème de représentation de Riesz nous dit que F se représente comme un élément f de Hdiv(Ω)par

〈F, u〉H′div,Hdiv =

Ω

f · u dx+∫

Ω

(div f)(div u) dx.

Par hypothèse, on a donc ∫

Ω

f · ϕdx+∫

Ω

(div f)(div ϕ) dx = 0,

pour tout ϕ ∈ (C∞(Ω))d. Si on note f le prolongement par 0 de f à Rd et (div f) celui de div f , on obtient∫

Rd

f · ϕdx+∫

Rd

(div f)(div ϕ) dx = 0,

pour tout ϕ ∈ (D(Rd))d. Ceci montre en particulier que (div f) est dans H1(Rd) et que l’on a

∇(div f) = f.

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8 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Ainsi (div f) est dans H1(Rd), donc la fonction g ≡ div f est dans H10 (Ω) et son gradient n’est autre que f . Ainsi

la forme linéaire F se récrit

〈F, u〉H′div,Hdiv =

Ω

u · ∇g dx+∫

Ω

(div u)g dx,

où g est une fonction de H10 (Ω). Or,D(Ω) est dense dans H1

0 (Ω), il existe donc une suite gn ∈ D(Ω) qui convergevers g dans H1

0 (Ω). Mais pour tout n, on a∫

Ω

u · ∇gn dx+∫

Ω

(div u)gn dx = 0,

par définition de la divergence au sens des distributions. On peut donc passer à la limite par rapport à n et obtenirle résultat F = 0, ce qui prouve le résultat de densité attendu.

On rappelle que l’espace H12 (∂Ω) est l’image de l’application trace des fonctions de H1(Ω) sur L2(∂Ω) et

que la norme sur cet espace peut être définie par

‖ϕ‖H

12 (∂Ω)

= inf‖u‖H1 , u ∈ H1(Ω), tq u = ϕ sur ∂Ω au sens des traces

.

On note dorénavant H− 12 (∂Ω), par définition, le dual de H

12 (∂Ω) après identification de L2(∂Ω) à son dual.

Proposition I.19

Soit Ω un ouvert lipschitzien de Rd. L’application γν qui à u ∈ (C∞(Ω))d associe (u · ν)|∂Ω (où ν estla normale sortante au bord de l’ouvert Ω) se prolonge en une application linéaire continue deHdiv(Ω)dans H− 1

2 (∂Ω) et on a la formule de Stokes suivante :

∀u ∈ Hdiv(Ω), ∀w ∈ H1(Ω),∫

Ω

u · ∇w dx+∫

Ω

w div u dx = 〈γνu, γ0w〉H− 1

2 ,H12,

où γ0 est l’opérateur de trace de H1(Ω) dans H12 (∂Ω).

Remarque I.20

Si u ∈ (H1(Ω))d, on a en particulier u ∈ Hdiv et donc on a, a priori, deux définitions possibles de latrace normale. En réalité, les deux définitions coïncident et on a donc

γ0(u) · ν = γνu.

Dans ce cas, γνu est un élément de H12 (∂Ω).

Preuve :On rappelle qu’il existe un opérateur de relèvement linéaire continu de H

12 (∂Ω) dans H1(Ω) noté R0 qui

vérifie par définitionγ0 R0 = Id

H12 (∂Ω)

.

voir le théorème I.9.

• Pour tout u ∈ Hdiv(Ω) et ϕ ∈ H 12 (∂Ω), on pose

Xu(ϕ) =∫

Ω

(R0(ϕ) div u+ u · ∇R0(ϕ)) dx.

Il vient|Xu(ϕ)| ≤ ‖R0(ϕ)‖H1‖u‖Hdiv ≤ C‖ϕ‖

H12 (∂Ω)

‖u‖Hdiv ,

par continuité de l’opérateur de relèvement R0. Ceci montre, u étant fixé, que Xu est une forme linéairecontinue sur H

12 (∂Ω) qui vérifie en outre

‖Xu‖H− 1

2 (∂Ω)≤ C‖u‖Hdiv .

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1. Espaces de Sobolev 9

Cette dernière inégalité exprime que l’application qui à u ∈ Hdiv(Ω) associe Xu ∈ H− 12 (∂Ω) est linéaire

et continue. On noteraγν(u) = Xu.

Il reste à vérifier que cet opérateur γν vérifie la propriété annoncée.

• Si u ∈ (C∞(Ω))d, et si w1, w2 ∈ H1(Ω) sont tels que γ0(w1) = γ0(w2), alors on a par intégration parparties ∫

Ω

((w1 − w2) div u+ u · ∇ (w1 − w2)) dx =∫

∂Ω

γ0(w1 − w2) (u · ν) dσ = 0.

Ceci montre en particulier que pour tout w ∈ H1(Ω), en prenant w1 = w et w2 = R0(γ0w),on a

〈(u · ν), γ0w〉 =∫

Ω

(w div u+ u · ∇w) dx

=∫

Ω

(R0(γ0(w)) div u+ u · ∇R0(γ0(w))) dx

= Xu(γ0(w)) = 〈γνu, γ0w〉H− 1

2 ,H12.

Ceci étant vrai pour toute fonction régulière, on conclut par densité grâce à la continuité de l’opérateur γν .

Théorème I.21

Soit Ω un ouvert borné lipschitzien de Rd et soit H0,div(Ω) la fermeture de (D(Ω))d dans Hdiv(Ω).Alors :

H0,div(Ω) = Ker (γν).

Preuve :Il est clair que H0,div est inclus dans Ker (γν), car (D(Ω))d ⊂ Ker (γν) par définition de l’opérateur de traces.Montrons maintenant la seconde inclusion. Soit donc u ∈ Hdiv(Ω), tel que γν(u) = 0. Comme Ω est Lipschit-

zien, on peut montrer qu’il existe un recouvrement ouvert fini de Ω par des ouverts ωi tels que les ωi ∩ Ω soientétoilés. On introduit alors une partition de l’unité (αi)i associée à ce recouvrement.

Soit maintenant ϕ ∈ D(Rd), que l’on restreint à Ω, on applique la formule de Stokes donnée dans la propositionI.19, ce qui donne ∫

Ω

ϕ div u dx+∫

Ω

u · ∇ϕdx = 0.

Remplaçons dans cette formule, ϕ par αiϕ, on obtient∫

Ω∩ωi

αiϕ div u dx+∫

Ω∩ωi

u · (ϕ∇αi + αi∇ϕ) dx = 0.

Ecrivons cela de la façon suivante∫

Rd

(1|Ω∩ωi

αidiv u+ 1|Ω∩ωiu · ∇αi

)ϕdx+

Rd

(1|Ω∩ωi

uαi

) · ∇ϕdx = 0.

Ceci étant valable pour toute fonction test ϕ, exprime le fait que la fonction vi = 1|Ω∩ωiuαi (qui est bien sûr

dans (L2(Rd))d) a une divergence au sens des distributions donnée par 1|Ω∩ωiαidiv u + 1|Ω∩ωi

u · ∇αi qui estégalement dans L2(Rd). Ainsi la fonction vi est dans l’espace Hdiv(Rd) et a son support dans Ω ∩ ωi qui est unouvert étoilé par hypothèse. Pour simplifier les notations, on suppose que cet ouvert est étoilé par rapport à 0. Onintroduit alors la famille de fonctions définie par homothétie pour tout 0 < θ < 1, par

vθi (x) = vi

(xθ

).

Comme le support de vi est étoilé, les fonctions vθi ont un support compact dans Ω∩ωi. Il est clair par ailleurs que

vθi converge vers vi dans Hdiv(Rd) (et donc dans Hdiv(Ω)) quand θ tend vers 1. Si ε > 0 est fixé, on peut donc

trouver 0 < θ < 1 tel que‖vi − vθ

i ‖Hdiv ≤ ε.

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10 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Mais comme vθi a un support compact dans Ω ∩ ωi, on peut maintenant utiliser un procédé de convolution pour

régulariser cette fonction sans que le support de la fonction ne sorte de l’ouvert Ω∩ωi, ainsi il existe η > 0 tel que

ρη ? vθi ∈ (D(Ω ∩ ωi))

d,

et‖ρη ? v

θi − vθ

i ‖Hdiv ≤ ε.

Au final, cela donne‖vi − ρη ? v

θi ‖Hdiv ≤ 2ε.

Ceci permet donc d’approcher chaque vi par des fonctions de (D(Ω))d pour la norme de Hdiv(Ω). Comme les αi

forment une partition de l’unité, on peut donc écrire

u =∑

i

uαi =∑

i

vi,

et comme la somme est finie, le processus d’homothétie/régularisation employé sur chaque vi permet de conclure.

2 Formulations faibles de problèmes elliptiques

2.1 IntroductionQuand on cherche la solution d’une EDP, on peut être confrontés aux problèmes suivants :

• La solution ou les coefficients de l’EDP peuvent ne pas être assez réguliers pour donner un sens classique àl’équation.

• La solution peut être régulière mais l’espace de régularité en question n’a pas les bonnes propriétés pourobtenir directement l’existence de la solution dans cet espace.

On va donc essayer de donner un sens plus faible à la notion de solution, sans perdre de vue si possible lesnotions les plus naturelles. Donner un sens faible à une EDP signifie :

1. Chercher une solution dans un espace de régularité plus faible que souhaité.

2. Etablir, en général à l’aide de fonction tests et d’intégrations par parties “formelles”, une série d’équationsque doit vérifier cette solution.

3. Cette série d’équations doit être construite (si possible) de telle sorte que les éventuelles solutions régulièressoient aussi solutions faibles et, a contrario, que des solutions faibles qui seraient régulières soient aussisolutions classiques du problème initial.

Les difficultés d’une telle approche sont nombreuses :

• Le choix de l’espace fonctionnel dans lequel on va chercher la solution est crucial, pas toujours unique etparfois non trivial.

• Si on affaiblit trop la notion de solution, il sera a priori plus facile de démontrer l’existence mais les propriétésd’unicité seront plus difficiles à obtenir.

• Si on n’affaiblit pas suffisamment l’équation, l’existence sera ardue à prouver mais l’unicité sera plus simple.

Il s’agit donc de trouver un juste équilibre ... Les équations elliptiques, les seules que nous allons considérerdans ce cours, ont pour propriété, en général, de mettre en jeu des dérivées d’ordre pair de la solution dans leterme principal de l’équation. L’idée première pour résoudre ces problèmes aussi bien d’un point de vue théoriqueque numérique va être de multiplier formellement l’équation par une fonction test régulière, puis d’intégrer sur ledomaine et enfin d’intégrer par parties un nombre suffisant de fois pour faire porter autant de dérivées sur la solutionque sur les fonctions tests. On pourra ainsi envisager d’utiliser le même espace fonctionnel pour la solution et lesfonctions tests.

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2. Formulations faibles de problèmes elliptiques 11

2.2 Théorème de Lax-MilgramL’un des outils qui rend cette approche utilisable est le théorème central suivant :

Théorème I.22 (Lax-Milgram)SoitH un espace de Hilbert réel, a une forme bilinéaire surH , L une forme linéaire surH . On supposeque

1. a est continue :∀u, v ∈ H, |a(u, v)| ≤ ‖a‖‖u‖H‖v‖H .

2. a est coercive : il existe α > 0 tel que

∀u ∈ H, a(u, u) ≥ α‖u‖2H .

3. L est continue :∀u ∈ H, |L(u)| ≤ ‖L‖‖u‖H .

Alors, il existe un unique u dans H qui vérifie

∀v ∈ H, a(u, v) = L(v), (I.2)

et celui-ci vérifie

‖u‖H ≤ ‖L‖α.

Si de plus a est symétrique, alors u est aussi l’unique élément de H qui minimise la fonctionnelle

J(v) =12a(v, v)− L(v).

Ce théorème nous donne donc des conditions suffisantes (mais non nécessaires comme on le verra plus tard),pour trouver une solution (unique !) à un problème abstrait de la forme (I.2).

Dans les problèmes d’équations aux dérivées partielles qui nous occupent, H sera un espace fonctionnel (L2,H1, H1

0 , etc ...), u sera la solution (faible !) que l’on cherche et les fonctions v seront des fonctions test pour notreproblème. La forme bilinéaire a s’exprimera en général sous la forme d’intégrales contenant des dérivées de u etde v, la forme linéaire L contiendra les termes sources et certains termes de bord.

Quelques remarques s’imposent :

• Pour un problème donné, le bon choix de a et de H est une question cruciale pour plusieurs raisons :

– Comme on le verra, une partie de la prise en compte des conditions aux limites du problème de départse fera via le choix de l’espace fonctionnel.

– La régularité des fonctions dans l’espace H ne peut être complètement déconnectée de la forme bili-néaire a : si les fonctions de H sont trop régulières, on n’aura pas la propriété de coercivité, alors quesi elles ne sont pas assez régulières, on perdra la continuité de a. Exemples :∗ Prenons a(u, v) =

∫Ωu(−∆v) dx. Pour que celle-ci ait un sens il faut pouvoir définir ∆v, ce qui

incite à choisir H = H2(Ω) ∩H10 (Ω) (l’espace H1

0 (Ω) est juste là pour imposer une trace nulleau bord). Ceci fournira bien une forme bilinéaire continue, d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz

|a(u, v)| ≤ ‖u‖L2‖∆v‖L2 ≤ ‖u‖L2‖v‖H2 ≤ ‖u‖H‖v‖H .

Par contre, nous n’avons pas la coercivité. En effet, si u ∈ H , on a

a(u, u) =∫

Ω

u(−∆u) dx =∫

Ω

udiv (−∇u) dx =∫

∂Ω

u(−∇u)·ν dx+∫

Ω

|∇u|2 dx =∫

Ω

|∇u|2 dx.

Il est clair qu’il ne peut exister de α > 0 tel que

‖∇u‖2L2 ≥ α‖u‖2H ,ce qui impliquerait que H2(Ω) ∩H1

0 (Ω) serait égal à H10 (Ω).

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12 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

∗ Prenons maintenant a(u, v) =∫Ω∇u · ∇v dx et H = H1(Ω). Dans ce cas, la continuité est

assurée mais la coercivité est en défaut car a(u, u) = 0 si u est constante. Le problème n’est doncpas coercif.

• Pour pouvoir appliquer le théorème de Lax-Milgram, il faut que u et v soient dans le même espace fonc-tionnel, ce qui explique que lors de la fabrication de la formulation faible à partir d’une EDP, on essaied’équilibrer les dérivées entre la fonction solution et la fonction test.

2.3 Exemples de baseProblème de Poisson avec condition aux limites de Dirichlet homogène : Soit à résoudre

−∆u = f, dans Ω,u = 0, sur ∂Ω,

(I.3)

avec f ∈ L2(Ω).Prenons une fonction test v suffisament régulière pour le moment et effectuons tous les calculs de façon for-

melle. On multiplie l’équation par v, on l’intègre sur Ω puis on effectue une intégration par parties.∫

Ω

fv dx =∫

Ω

∇u · ∇v dx−∫

∂Ω

v(∇u · ν) dx. (I.4)

Regardons de plus près la chose :

• Si on ne regarde que les termes de volume, une seule dérivée de u et v est présente. Ainsi, si on veut lacontinuité et la coercivité de la forme bilinéaire, l’espace H sur lequel on va travailler risque fort d’être unsous-espace de H1(Ω).

• On n’a pas de condition a priori sur ∇u · ν. Si on laisse le second terme tel quel, il faudra donc pouvoircontrôler ce terme en fonction de la norme de u dans H . On a vu que ceci n’est possible que si ∇u est dansL2 et si sa divergence est dans L2. Ceci suggère donc de prendre pour H le sous-espace de H1(Ω) constituédes fonctions dont le laplacien est dans L2 et muni de la norme ‖u‖2H = ‖u‖2H1 + ‖∆u‖2L2 . On peut alorsvérifier que la coercivité n’est pas satisfaite dans ce cadre.

• De toutes les façons l’approche tentée précédemment ne permet pas, a priori, de prendre en compte lesconditions aux limites du problème.

La bonne démarche consiste à se rappeler que l’on souhaite in fine prendre u et v dans le même espace. Commeon veut que u soit nulle au bord, l’idée est de considérer un espace de fonctions tests nulles au bord. Ceci permetdu même coup de faire disparaître (formellement) le second terme dans la formulation faible.

Bilan des courses : on va choisir H = H10 (Ω) et

a(u, v) =∫

Ω

∇u · ∇v dx,

L(v) =∫

Ω

fv dx.

C’est maintenant un simple exercice de vérifier que les hypothèses du théorème de Lax-Milgram sont satisfaites(on utilise ici l’inégalité de Poincaré ! !).

Exercice I.23

Soit f ∈ Lp(Ω) avec p ∈ [1,∞]. Pour quelles valeurs de p peut-on encore mettre en oeuvre la démarcheprécédente ?

Que fait-on une fois que l’on a obtenu une fonction u ∈ H = H10 (Ω), vérifiant a(u, v) = L(v) pour tout

v ∈ H ? Tout d’abord, ∇u ∈ (L2(Ω))d et on a D(Ω) ⊂ H , on peut donc prendre v = ϕ ∈ D(Ω) comme fonctiontest dans le problème. On obtient donc

Ω

∇u · ∇ϕdx =∫

Ω

fϕ dx.

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2. Formulations faibles de problèmes elliptiques 13

Ceci, par définition, montre que la divergence de ∇u au sens des distributions est égale à −f . La fonction u estdonc bien solution de −∆u = f au sens des distributions.

On peut en réalité aller encore plus loin grâce au résultat (assez difficile) suivant.

Théorème I.24 (propriété de régularité elliptique)

On suppose que Ω est un ouvert de classe C2 de Rd. Soit f ∈ L2(Ω) et u ∈ H10 (Ω) l’unique solution

variationnelle de (I.3).On a u ∈ H2(Ω) et il existe C > 0 ne dépendant que de Ω telle que

‖u‖H2 ≤ C‖f‖L2 .

Dans les conditions de ce théorème, toutes les dérivées partielles secondes (faibles) de u sont donc des fonctionsde L2. Il faut remarquer que l’hypothèse de régularité de l’ouvert Ω est importante. Elle peut être affaiblie (parexemple si l’ouvert est polygonal convexe) mais il y a des contre-exemples. Typiquement, si l’ouvert Ω possède uncoin rentrant, alors il existe des fonctions harmonique qui se comportent en r

πα au voisinage du coin en question

avec α ∈]π, 2π[. On peut vérifier qu’une telle fonction n’est pas dans H2(Ω).

Problème de Poisson avec condition aux limites de Dirichlet non-homogène Soit à résoudre−∆u = f, dans Ω,u = g, sur ∂Ω,

(I.5)

avec f ∈ L2(Ω) et g ∈ H1/2(∂Ω). Pourquoi choisit-on un g dans cet espace ? la raison est que l’on sait parexpérience du cas précédent que la solution que l’on va obtenir sera probablement dans l’espace H1(Ω). Sa tracesur le bord de Ω sera donc un objet de H1/2(∂Ω). Si on voulait résoudre ce même problème avec une donnée aubord moins régulière (ce qui peut tout à fait arriver !), on sortirait du cadre purement variationnel à la Lax-Milgramet les affaires se corseraient sérieusement.

Si on suppose donc g ∈ H1/2(Ω), d’après le théorème de traces, on peut trouver un relèvement de cette traceque l’on note R0g ∈ H1(Ω) ; il vérifie donc par définition γ0R0g = g. On cherche maintenant u sous la formeu = u+R0g, ce qui ramène le problème à trouver u vérifiant

−∆u = f + ∆(R0g), dans Ω,u = 0, sur ∂Ω.

Il se trouve que,R0g étant un élément deH1(Ω), nous avons∇(R0g) ∈ L2(Ω)d et donc ∆(R0g) = div (∇(R0g)) ∈H−1(Ω) d’après la proposition I.4 et la remarque I.5. Ainsi, le problème ci-dessus relève encore du théorème deLax-Milgram avec H = H1

0 (Ω) et

a(u, v) =∫

Ω

∇u · ∇v dx,

L(v) =∫

Ω

fv dx+ 〈∆(R0g), v〉H−1,H10.

On vérifie que le théorème de Lax-Milgram s’applique dans ce contexte et donc que l’on a bien existence et unicitéde u et donc de u = u+R0g.

Remarquons tout de même que, d’après la caractérisation de H−1(Ω), on peut écrire le terme de dualité dansL de la façon suivante :

〈∆(R0g), v〉H−1,H10

= −∫

Ω

∇(R0g) · ∇v dx.

Ainsi, en introduisant l’espace Hg = u ∈ H1(Ω), γ0u = g, la solution u = u+R0g est l’unique fonctionvérifiant

u ∈ Hg, et∫

Ω

∇u · ∇v dx =∫

Ω

fv dx, ∀v ∈ H10 (Ω). (I.6)

On ne pouvait néanmoins pas appliquer directement le théorème de Lax-Milgram à ce problème car l’espace H1g

n’est pas un espace vectoriel et donc encore moins un espace de Hilbert !

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14 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Il n’en reste pas moins que la formulation (I.6) a l’immense avantage de ne pas faire apparaître de relèvementde la donnée au bord, dont le calcul serait fort pénible en pratique. On verra que c’est cette formulation qui estutilisée d’un point de vue numérique.

Le théorème de régularité elliptique I.24 reste valable à condition de supposer que la donnée au bord g est dansl’espace H3/2(∂Ω), qui est l’image par l’opérateur de traces de l’espace H2(Ω).

Problème de Poisson avec conditions aux limites de Neumann : Soit à résoudre−∆u = f, dans Ω,∇u · ν = g, sur ∂Ω,

(I.7)

avec f ∈ L2(Ω) et g ∈ H−1/2(∂Ω). La régularité demandée à g est, là-aussi, assez naturelle. En effet, on s’attend àtrouver u dans l’espace de Sobolev H1(Ω) (ou dans un de ces sous-espaces ...) de telle sorte que ∇u ∈ (L2(Ω))d.Comme de plus, on demande que div (∇u) = ∆u = −f ∈ L2(Ω), on voit que si la solution existe, on auranécessairement ∇u ∈ Hdiv(Ω), ce qui permet de donner un sens faible à la trace sur le bord de (∇u) · ν dansl’espace H− 1

2 (∂Ω).On peut ici faire deux remarques préalables.

1. Si une solution u de (I.7) existe, alors on peut intégrer l’équation sur Ω et obtenir (si toutes les données sontrégulières) : ∫

Ω

f dx =∫

Ω

(−∆u) dx = −∫

∂Ω

(∇u) · ν dx = −∫

∂Ω

g dx.

Ceci prouve qu’il existe une condition dite de compatibilité entre les données qu’il est nécessaire de vérifierpour espérer obtenir l’existence d’une solution. Dans le cas où g est seulement dans H− 1

2 (∂Ω), celle-cis’écrit ∫

Ω

f dx = −〈g, 1〉H−1/2,H1/2 . (I.8)

2. Il n’y aucune chance pour que la solution soit unique car l’ajout d’une constante à toute solution éventuelleen fournit une nouvelle. Il faudra donc imposer une condition supplémentaire sur u pour espérer montrerl’unicité de la solution. Une façon naturelle de procéder est d’imposer

Ω

u dx = 0. (I.9)

Reprenons la démarche générale : on choisit une fonction test v a priori quelconque et on reprend le calculeffectué en (I.4). Cette fois-ci, on a une condition sur∇u ·ν qui doit être égal à g. En revanche, on n’a plus aucunecondition sur la valeur de la solution au bord, on n’a donc aucune raison d’imposer une quelconque condition à lafonction test v. Par contre, on a imposé en (I.9) que la moyenne de u soit nulle, il nous faut donc imposer la mêmecondition sur les fonctions tests.

On va donc choisir H = H1m(Ω) = v ∈ H1(Ω),

∫Ωv dx = 0 et

a(u, v) =∫

Ω

∇u · ∇v,

L(v) =∫

Ω

fv dx+ 〈g, v〉H−1/2,H1/2 .

On peut vérifier aisément, en utilisant l’inégalité de Poincaré-moyenne, que ces définitions permettent l’utilisationdu théorème de Lax-Milgram.

En réalité, une fois que l’on a obtenu u ∈ H1m(Ω) solution du problème abstrait, on peut retrouver une formu-

lation avec toutes les fonctions tests de H1(Ω). En effet, si v ∈ H1(Ω) est quelconque, on pose v = v −m(v), oùm(v) désigne la moyenne de v sur Ω. On a alors

Ω

∇u · ∇v dx =∫

Ω

fv + 〈g, v〉H−1/2,H”1/2,

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2. Formulations faibles de problèmes elliptiques 15

ce qui donne, en faisant apparaître v (qui vérifie ∇v = ∇v) :∫

Ω

∇u · ∇v dx =∫

Ω

fv dx−m(v)(∫

Ω

f dx

)+ 〈g, v〉H−1/2,H1/2 −m(v)〈g, 1〉H−1/2,H1/2 ,

mais d’après la condition de compatibilité (I.8) on voit que les termes en m(v) disparaissent, et il reste finalement∫

Ω

∇u · ∇v dx =∫

Ω

fv dx+ 〈g, v〉H−1/2,H1/2 , (I.10)

ce calcul étant valable pour toute fonction test de v ∈ H1(Ω).On peut commencer à prendre des fonctions test v = ϕ ∈ D(Ω) comme pour le problème de Dirichlet, ce

qui a pour effet de supprimer le terme de bord dans la formulation. On obtient donc que l’équation −∆u = f estvérifiée au sens des distributions. Comme on sait que ∇u ∈ (L2(Ω))d et que f ∈ L2(Ω), l’équation montre quel’on a∇u ∈ Hdiv(Ω). Dans ces conditions la trace de∇u ·ν a un sens dans H−1/2(∂Ω) et on a vu que la formulede Stokes suivante est vraie

Ω

∇u · ∇v dx+∫

Ω

div (∇u)v dx = 〈∇u · ν, v〉H−1/2,H1/2 .

En comparant cette formule à l’équation (I.10), et comme f = −∆u, on a bien obtenu

∇u · ν = g, sur ∂Ω,

en un sens faible.

Exercice I.25Ecrire et étudier une formulation variationnelle du problème de Poisson avec des conditions aux limitesde Fourier (ou Robin) :

−∆u = f, dans Ω,∇u · ν + αu = g, sur ∂Ω,

où α > 0 est un paramètre donné.

2.4 Exemples plus sophistiquésLes éléments illustrés précédemment dans les exemples de base permettent ensuite d’analyser bon nombre

de problèmes issus de la physique. On présente ici, sans justification détaillée, certains de ces problèmes et leurformulation faible que l’on peut analyser par le théorème de Lax-Milgram.

Les opérateurs elliptiques linéaires généraux : Soit x ∈ Ω 7→ A(x) une application mesurable bornée à valeursmatricielles. On suppose que les matrices A(x) sont symétriques définies positives et uniformément elliptiques :

∃α > 0, (A(x)ξ, ξ) ≥ α|ξ|2, ∀ξ ∈ Rd, pour presque tout x ∈ Ω.

On s’intéresse au problème −div (A(x)∇u) = f, dans Ω,u = 0, sur ∂Ω,

Pour des conditions aux limites de Dirichlet homogènes, la formulation faible est donnée par H = H10 (Ω) et

a(u, v) =∫

Ω

(A(x)∇u,∇v) dx, L(v) =∫

Ω

fv dx, ∀u, v ∈ H.

L’adaptation au cas de condition non-homogène se fait dans les mêmes conditions que dans le paragraphe précé-dent. Pour les conditions de type Neumann, la seule difficulté consiste à comprendre que la condition s’écrit

A(x)∇u · ν = g.

Enfin, pour démontrer un théorème de régularité elliptique pour ce problème, il faut supposer, au minimum,que l’application A est Lipschitzienne par rapport à x.

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16 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Réaction - diffusion : Il s’agit ici d’étudier un problème de la forme −∆u + ηu = f avec η > 0. Notons quela condition η > 0 est importante ici. Il existe des valeurs de η < 0 et des seconds membres f pour lesquelles leproblème n’admet pas de solution (c’est le problème des valeurs propres de l’opérateur −∆).

Pour les conditions de Dirichlet, on utilise exactement la même méthode que pour le Laplacien et ça ne changerien (à part un terme supplémentaire dans la formulation bien évidemment).

Pour les conditions de type Neumann−∆u+ ηu = f, dans Ω,∇u · ν = g, sur ∂Ω,

(I.11)

la situation est différente. En effet, si une solution u existe, on peut intégrer l’équation sur Ω et obtenir∫

Ω

f dx = η

Ω

u dx−∫

∂Ω

g dx,

ce qui montre qu’il n’y a a priori pas de condition de compatibilité sur les données pour ce problème et que deplus, contrairement au cas précédent, la moyenne de u est imposée et ne peut être fixée.

Ceci étant dit, la formulation faible s’obtient en prenant H = H1(Ω) et

a(u, v) =∫

Ω

∇u · ∇v dx+ η

Ω

uv dx, L(v) =∫

Ω

fv dx.

Convection - diffusion : Soit Ω un ouvert borné régulier de Rd, f ∈ L2(Ω) et un champ de vecteurs b ∈(C1(Ω))d. On s’intéresse au problème suivant

−∆u+ b · ∇u = f, dans Ω,u = 0, sur ∂Ω.

Tout d’abord, on constate que le terme de convection b · ∇u contient moins de dérivées que le terme de diffusion.On a donc envie de prendre H = H1

0 (Ω) et

a(u, v) =∫

Ω

∇u · ∇v dx+∫

Ω

(b · ∇u)v dx, L(v) =∫

Ω

fv dx.

La continuité de a (qui n’est pas symétrique) ne fait aucun doute. En revanche, la coercivité est un problème plusdélicat. En effet, on a

a(u, u) = ‖∇u‖2L2 +∫

Ω

(b · ∇u)u dx,

et il faut donc arriver à contrôler le second terme par le premier pour établir la coercivité.

• Premier calcul possible :∣∣∣∣∫

Ω

b · ∇uu dx∣∣∣∣ ≤ ‖b‖∞‖∇u‖L2‖u‖L2 ≤ CΩ‖b‖∞‖∇u‖2L2 ,

où CΩ est la constante de Poincaré sur le domaine Ω. Ainsi, si ‖b‖∞CΩ < 1 on a bien la coercivité de laforme a.

• Deuxième calcul possible, en intégrant par parties :

−∫

Ω

b · ∇uu dx =∫

Ω

(div b)u2

2dx ≤ 1

2‖(div b)+‖L∞C

2Ω‖∇u‖2L2 ,

et donc cette fois si ‖(div b)+‖L∞C2Ω < 2, on a bien la coercivité de a. Un cas particulier important est celui

où la divergence de b est négative ou nulle.

Dans les deux cas, on peut donc appliquer le théorème de Lax-Milgram et ainsi obtenir l’existence et l’unicité dela solution.

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2. Formulations faibles de problèmes elliptiques 17

Le bilaplacien : Soit Ω un ouvert borné régulier de Rd et f ∈ L2(Ω). On s’intéresse au problème suivant

∆2u = f, dans Ω,u = ∇u · ν = 0, sur ∂Ω.

Sa formulation faible naturelle s’obtient en prenant H = H20 (Ω) (l’adhérence de D(Ω) dans H2(Ω)) et

a(u, v) =∫

Ω

∆u∆v dx, L(v) =∫

Ω

fv dx.

On peut montrer que H20 (Ω) = v ∈ H2(Ω), γ0v = 0, et γ0(∇v · ν) = 0, la deuxième condition ayant un sens

car ∇u ∈ H1(Ω) ! Il reste à démontrer la coercivité de la forme bilinéaire a. Autrement dit, il faut montrer qu’ilexiste α > 0 telle que

‖∆u‖L2 ≥ α‖u‖H2 , ∀u ∈ H20 (Ω).

Il se trouve que cette inégalité n’est rien d’autre que la propriété de régularité elliptique du Laplacien avec condi-tions aux limites de Dirichlet (ou de Neumann d’ailleurs !).

On peut aussi s’intéresser à la même équation mais avec un autre jeu de conditions aux limites. Par exemple,considérons le problème suivant

∆2u = f, dans Ω,∇u · ν = ∇(∆u) · ν = 0, sur ∂Ω,

pour lequel on voit immédiatement qu’il est nécessaire que la condition de compatibilité∫

Ω

f dx = 0,

soit vérifiée. De même, on observe que l’équation est invariante par ajout d’une constante à la solution. Il faut donctravailler dans l’espace H = v ∈ H2(Ω), m(v) = 0, ∇v · ν = 0 et prendre à nouveau

a(u, v) =∫

Ω

∆u∆v dx, L(v) =∫

Ω

fv dx.

La propriété de coercivité est assurée encore une fois par les propriétés de régularité elliptique du problème deNeumann pour le Laplacien.

L’élasticité linéaire : On s’intéresse à l’équation décrivant le déplacement u d’un solide élastique quand on lesoumet à un champ de forces. On peut montrer que le problème se modélise de la façon suivante :

Le domaine Ω ⊂ Rd (d = 3 est la dimension physique, d = 2 est un cas plus simple) représente le solideau repos. L’inconnue u : Ω 7→ Rd est un champ de vecteurs représentant le déplacement du point matériel situéinitialement en x sous l’effet des forces extérieures. Autrement dit, le point qui est en x au repos est déplacé enx+ u(x).

On introduit la jacobienne∇u du champ de vecteurs u etD(u) = 12 (∇u+(∇u)t) le tenseur des déformations.

On peut démontrer ensuite que le tenseur des contraintes σ dans le solide est donné par une loi de comportementde la forme

σ = λTr(D(u)) Id + 2µD(u) = λ(div u) Id + 2µD(u),

où λ et µ sont des coefficients appelés : coefficients de Lamé et qui décrivent le comportement élastique du solide.On fera l’hypothèse que λ ≥ 0 et µ > 0.

Il reste ensuite à écrire l’équation d’équilibre du solide. On montre, par des considérations de mécaniquesimples, que celle-ci s’écrit

−div (σ) = f.

Ainsi, si on rassemble les deux équations précédentes, on trouve

−2µdiv (D(u))− λ∇(div u) = f.

Noter que l’on peut formellement écrire ce problème sous la forme suivante

−µ∆u− (λ+ µ)∇(div u) = f,

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18 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

mais celle-ci n’est pas adaptée aux conditions aux limites naturelles en contrainte pour ce problème.En effet, deux conditions aux limites sont envisageables pour ce problème : une condition de Dirichlet u = 0

sur une partie ΓD du bord qui correspond à une hypothèse d’adhérence complète du solide sur ΓD ou une conditionde type “sans contrainte” (de type Neumann) qui s’écrit σ.ν = 0.

On peut donc introduire l’espace fonctionnel

HD = u ∈ (H1(Ω))d t.q.u = 0 sur ΓD.et la forme bilinéaire

a(u, v) =∫

Ω

2µD(u) : D(v) dx+∫

Ω

λ(div u)(div v) dx,

et la forme linéaireL(v) =

Ω

f · v dx.

Cette formulation est bien posée grâce à l’inégalité de Korn qui s’énonce ainsi :

Proposition I.26 (Inégalité de Korn)

Si Ω est suffisament régulier et |ΓD| > 0, il existe une constante C > 0 telle que pour tout u ∈ HD, ona

‖∇u‖L2 ≤ C‖D(u)‖L2 .

Preuve :On va seulement montrer l’inégalité dans le cas où ΓD = ∂Ω. Dans ce cas, HD = (H1

0 (Ω))d et il vient∫

Ω

|D(u)|2 dx =∫

Ω

D(u) : ∇u dx =12

Ω

|∇u|2 dx+12

Ω

(∇u)t : ∇u dx.

Le résultat sera démontré si on établit que ce dernier terme est positif. Pour cela, on écrit∫

Ω

(∇u)t : ∇u dx =∫

Ω

i,j

∂iuj∂jui dx,

puis on intègre par parties en utilisant les conditions aux limites∫

Ω

(∇u)t : ∇u dx = −∫

Ω

i,j

∂i∂jujui dx = −∫

Ω

∇(div (u)) · u dx =∫

Ω

(div u)2 dx ≥ 0.

L’inégalité de Korn fournit la coercivité de la forme bilinéaire a et la continuité ne fait guère de doute. Lethéorème de Lax-Milgram peut donc s’appliquer et on obtient l’existence d’une solution faible à cette formulationvariationnelle. On peut alors vérifier qu’on a bien résolu le problème proposé.

3 Le principe du maximum faible

Pour les problèmes elliptiques du second ordre, on peut démontrer que leurs solutions faibles vérifient le prin-cipe du maximum suivant.

Théorème I.27

Soit A(x) une famille mesurable et bornée de matrices uniformément elliptiques. Soit f ∈ L2(Ω) etg ∈ H 1

2 (∂Ω). On considère l’unique solution variationnelle u dans H1(Ω) du problème

−div (A(x)∇u) = f, dans Ω, u = g, sur ∂Ω.

Alors, si f et g sont positives presque partout, u est également positive presque partout.

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4. Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes 19

Preuve :Soit T : R 7→ R une fonction de classe C1, croissante, à dérivée bornée telle que T (s) = 0 si et seulement

si s ≥ 0. Comme u est dans H1(Ω), on a vu que T (u) est aussi dans H1(Ω), de plus la trace de T (u) est égaleà T (γ0u) = T (g). Comme on a supposé que g est positive presque partout, on a donc γ0(T (u)) = T (g) = 0presque partout. Ainsi T (u) est un élément de H1

0 (Ω).On peut donc prendre v = T (u) comme fonction test dans la formulation variationnelle du problème, ce qui

donne ∫

Ω

A(x)∇u · ∇(T (u)) dx =∫

Ω

fTu dx.

Nous avons de plus ∇T (u) = T ′(u)∇u, ce qui donne∫

Ω

T ′(u)︸ ︷︷ ︸≥0

(A(x)∇u,∇u)︸ ︷︷ ︸≥α|∇u|2≥0

dx =∫

Ω

f︸︷︷︸≥0

Tu︸︷︷︸≤0

dx.

A la vue des signes des différents termes, on voit que les deux termes de l’égalité doivent être nuls. En particulier,cela implique que ∇T (u) = T ′(u)∇u doit être nul. Ainsi T (u) est un élément de H1

0 (Ω) dont le gradient est nul,cela implique que T (u) = 0. Ceci montre bien que u est positif presque partout.

On verra par la suite que ce résultat admet quelques équivalents discrets.

4 Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes

Dans cette section on va essayer de considérer des problèmes plus généraux que ceux que l’on peut traiter parle théorème de Lax-Milgram. De plus, le résultat qui suit va donner des conditions nécessaires et suffisantes derésolubilité d’un problème variationnel.

4.1 Enoncé et preuve du théorème généralThéorème I.28 (Banach-Necas-Babuska)

Soient V et W deux espaces de Hilbert, a une forme bilinéaire continue sur V ×W . Alors les proposi-tions suivantes sont équivalentes :

1) Pour toute forme linéaire continue L sur W , il existe un unique u ∈ V tel que

a(u,w) = L(w), ∀w ∈W. (I.12)

2) Les deux conditions suivantes sont vérifiées :

∃α > 0, infv∈V

(sup

w∈W

a(v, w)‖v‖V ‖w‖W

)≥ α, (I.13)

(∀v ∈ V, a(v, w) = 0) ⇒ w = 0. (I.14)

Dans le cas où ces deux propositions sont vérifiées, l’unique solution u de (I.12) vérifie en sus

‖u‖V ≤ ‖L‖W ′

α.

Preuve :On introduit l’opérateur A défini de V dans W ′ par

〈Av,w〉W ′,W = a(v, w).

Comme a est une forme bilinéaire continue, l’opérateur A est linéaire et continu de norme égale à ‖a‖.

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20 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

• Si 1) est vérifiée, alors l’opérateur A est bijectif. D’après le théorème de l’application ouverte, cela impliqueque A−1 est un opérateur continu. Ainsi, il existe une constante C > 0 telle que pour tout L ∈W ′, l’uniquesolution de (I.12) vérifie

‖u‖V ≤ C‖L‖W ′ .

Soit maitenant v ∈ V quelconque. On pose L(w) = a(v, w) de sorte que v est exactement la solution de(I.12) pour cette forme linéaire. D’après l’inégalité précédente, on a

‖v‖V ≤ C supw∈W

a(v, w)‖w‖W

.

Ceci étant vrai pour tout v ∈ V , on a bien prouvé (I.13) avec α = 1/C.

De même si a(v, w) = 0 pour tout v ∈ V . On introduit la forme linéaire continue L(w′) = (w,w′)W surW . On applique alors l’hypothèse à v = A−1L de sorte que

0 = a(A−1L,w) = 〈AA−1L,w〉W ′,W = L(w) = ‖w‖2W ,

et donc w = 0, ce qui prouve (I.14).

• Supposons (I.13) et (I.14) vérifiées. L’hypothèse (I.14) implique que l’opérateur adjoint A′ : W 7→ V ′

est injectif, ce qui est équivalent à la densité de l’image de l’opérateur A. En effet, utilisons pour cela lacaractérisation de la densité d’un sous-espace donnée dans le lemme I.18. Pour cela, on considère une formelinéaire continue ϕ ∈ (W ′)′ qui s’annulle sur l’image de A. Comme W est un Hilbert, il est réflexif et doncϕ se représente par un élément w ∈ W par ϕ(L) =< L,w >W ′,W . L’hypothèse implique que pout toutv ∈ V , on a ϕ(Av) =< Av,w >W ′,W = a(v, w) = 0. D’après l’hypothèse (I.14), ceci imlique que w = 0et donc que ϕ = 0, ce qui montre bien que l’image de A est dense.

Revenons maintenant à l’hypothèse (I.13) qui s’écrit aussi

‖Av‖W ′ ≥ α‖v‖V ,

ce qui implique en particulier que A est injectif et que l’image de A est fermée. Comme cette image estégalement dense, on obtient que A est surjectif ce qui prouve bien que le problème (I.12) est bien posé.

Remarque I.29Dans le cas particulier où V = W et où a est coercive, on retrouve bien comme cas particulier lethéorème de Lax-Milgram.

4.2 Problèmes de type point-selle ou formulations variationnelles sous contrainteSoient deux espaces de Hilbert X et M , a une forme bilinéaire continue sur X × X , b une forme bilinéaire

continue sur X ×M . Pour toutes formes linéaires L ∈ X ′ et G ∈M ′, on cherche u ∈ X et p ∈ V tels quea(u, v) + b(v, p) = L(v), ∀v ∈ X,

b(u, q) = G(q), ∀q ∈M.(I.15)

La deuxième équation est souvent appelée la contrainte et l’inconnue p le multiplicateur de Lagrange associéà cette contrainte. Cette dénomination vient du fait que, si a est symétrique, le problème (I.15) est exactementl’équation d’Euler-Lagrange associé au problème de minimisation de la fonctionnelle J(v) = 1

2a(v, v)−L(v) surle sous-espace affine ZG de X défini par Z = v ∈ X, b(v, q) = G(q), ∀q ∈M.

• On reprend la notation A pour l’opérateur linéaire continu de X dans X ′ défini par

< Au, v >X′,X= a(u, v).

On peut également introduire un opérateur linéaire continu B : X 7→M ′ défini par

< Bv, p >M ′,M= b(v, p).

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4. Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes 21

Le problème (I.15) peut alors s’écrire en termes d’opérateurs de la façon suivante : trouver (u, p) ∈ X ×Mtel que

Au+B′p = L,

Bu = G,

où B′ : M 7→ X ′ désigne l’opérateur adjoint de B, étant entendu qu’on a identifié le bidual de M à Mlui-même.

• Si on suppose que A est auto-adjoint, le problème d’optimisation associé à cette formulation s’écrit

Trouver u ∈ ZG qui minimise J(v) =12< Av, v >X′,X − < L, v >X′,X , sur Zg,

ZG = v ∈ X, Bv = G.• Remarquons que le problème (I.15) peut se mettre sous la forme générale d’un problème variationnel usuel

en constatant qu’il est équivalent à

a(u, v) + b(v, p)− b(u, q) = L(v)−G(q), ∀v ∈ X, ∀q ∈M. (I.16)

Ainsi, en posant V = W = X ×M et c((u, p), (v, q)) = a(u, v) + b(v, p)− b(u, q), on déduit du théorèmeBNB que le problème proposé est bien posé si et seulement si les deux conditions du théorème sont vérifiéespar la forme c.

Notons que l’on ac((u, p), (u, p)) = a(u, u),

et donc c n’est jamais coercive sur X ×M car ce terme ne donne aucun contrôle sur le multiplicateur p.

Théorème I.30Si a est coercive sur X tout entier (avec constante de coercivité α > 0), alors le problème (I.15) estbien posé si et seulement si la condition suivante est vérifiée :

∃β > 0, infp∈M

(supv∈X

b(v, p)‖v‖X‖p‖M

)≥ β. (I.17)

De plus, l’unique solution (u, p) de (I.15) vérifie

‖u‖X ≤ ‖L‖X′

α+

(1 +

‖a‖α

)‖G‖M ′ , (I.18)

‖p‖M ≤(

1 +‖a‖α

)(1β‖L‖X′ +

‖a‖β2

‖G‖M ′

). (I.19)

Preuve :

• Supposons que le problème (I.15) soit bien posé. D’après le théorème de l’application ouverte, cela impliqueen particulier que la solution (u, p) du problème dépend continument des données L et G. Ainsi, il existeune constante C > 0 telle que

‖u‖X + ‖p‖M ≤ C(‖L‖X′ + ‖G‖M ′).

Soit p ∈ M . Prenons L = 0 et G définie par G(q) = (p, q)M et dont la norme M ′ n’est autre que la normede p dans M . On obtient en particulier l’existence d’un u ∈ X tel que

b(u, q) = (p, q), ∀q ∈M, et ‖u‖X ≤ C‖p‖M .

On a alors

‖p‖2M = (p, p)M = b(u, p) ≤ Cb(u, p)‖u‖X

‖p‖M ,

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22 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

ce qui donne1C‖p‖M ≤ sup

v∈X

b(v, p)‖v‖X

,

c’est-à-dire exactement la condition (I.17) avec β = 1/C.

• Nous allons montrer que les hypothèses du théorème impliquent que la forme bilinéaire c((u, p), (v, q)) =a(u, v) + b(v, p) − b(u, q) vérifie les hypothèses (I.13)-(I.14) du théorème de Lax-Milgram généralisé (outhéorème BNB).

– Commençons par vérifier (I.14) qui est plus facile. On suppose donc que (v, q) ∈ X ×M est tel que

c((u, p), (v, q)) = 0, ∀(u, p) ∈ X ×M. (I.20)

On veut montrer que (v, q) = (0, 0). Pour cela on commence par prendre (u, p) = (v, q) dans (I.20),ce qui fournit a(v, v) = 0 et donc v = 0 car a est coercive sur X . Ainsi, (I.20) s’écrit maintenantb(u, q) = 0 pour tout u ∈ X , ce qui n’est possible, d’après (I.17), que si q est nul.

– Montrons maintenant l’hypothèse (I.13). Soit donc (u, p) ∈ X ×M . D’après l’hypothèse (I.17), ilexiste u ∈ X tel que

b(u, p)‖u‖X

≥ β‖p‖M .

De plus, il est clair qu’on peut choisir la norme de u et ainsi prendre par exemple

‖u‖X = ‖p‖M .

On pose maintenant (v, q) = (u+ γu, p) et on calcule c((u, p), (v, q)) :

c((u, p), (v, q)) = a(u, u) + γa(u, u) + γb(u, p) ≥ α‖u‖2X − γ‖a‖‖u‖X‖u‖X + γβ‖u‖2X≥ α

2‖u‖2X − γ2‖a‖2

2α‖u‖2X + γβ‖u‖2X .

Ainsi, en choisissant γ < αβ‖a‖2 , il reste

c((u, p), (v, q)) ≥ α

2‖u‖2X +

γβ

2‖u‖2X =

α

2‖u‖2X +

γβ

2‖p‖2M ≥ δ‖(u, p)‖2X×M ,

où δ ne dépend que de γ, β, α et ‖a‖. De plus, nous avons

‖(v, q)‖X×M = ‖v‖X + ‖q‖M ≤ ‖u‖X + γ‖u‖X + ‖p‖M ≥ ‖u‖X + (1 + γ)‖p‖M ,

et donc‖(v, q)‖X×M ≤ (1 + γ)‖(u, p)‖X×M .

On a donc finalement obtenu

c((u, p), (v, q))‖(v, q)‖X×M

≥ δ

1 + γ‖(u, p)‖X×M ,

ce qui démontre bien que l’hypothèse (I.13) est vérifiée.

• Montrons maintenant les estimations de stabilité (I.18)-(I.19). Tout d’abord, on fixeG et on prend momenta-nément L = 0 et a = (·, ·)X . Comme le problème de point-selle proposé est bien posé pour toutes données,il existe un unique couple (uG, pG) ∈ X ×M tel que

(uG, v)X + b(v, pG) = 0, ∀v ∈ X, et b(uG, q) = G(q), ∀q ∈M.

Un tel uG vérifie donc (en prenant v = uG)

‖uG‖2X = −G(pG) ≤ ‖G‖M ′‖pG‖M .

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4. Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes 23

De plus, d’après l’inégalité inf-sup, nous avons

β‖pG‖M ≤ supv∈X

b(v, pG)‖v‖X

= supv∈X

(uG, v)X

‖v‖X= ‖uG‖X .

En rassemblant les deux inégalités, on a donc obtenu

β‖uG‖X ≤ ‖G‖M ′ . (I.21)

Notons que l’application G ∈ M ′ 7→ uG est linéaire et constitue un inverse à droite continu de l’opérateurB défini plus haut.

Reprenons maintenant (u, p) solution du problème de point-selle qui nous intéresse. On prend v = u − uG

comme fonction test dans la première équation :

a(u, u− uG) + b(u− uG, p) = L(u− uG),

On remarque le terme en b est nul car on a b(u, p) = G(p) et b(uG, p) = G(p), il reste donc

a(u− uG, u− uG) = L(u− uG)− a(uG, u− uG).

On utilise maintenant la coercivité de a et les estimations sur uG pour obtenir

α‖u− uG‖X ≤ ‖L‖X′ +‖a‖β‖G‖M ′ .

Il vient donc

‖u‖X ≤ ‖u− uG‖X + ‖uG‖X ≤ ‖L‖X′

α+

(1 +

‖a‖α

)‖G‖M ′ ,

ce qui est le résultat attendu.

Pour l’estimation sur p, on utilise bien entendu à nouveau l’inégalité inf-sup qui donne

β‖p‖M ≤ supv

b(v, p)‖v‖ = sup

v

a(u, v)− L(v)‖v‖ ≤ ‖a‖‖u‖X + ‖L‖X′ ,

et en remplaçant l’estimation obtenue sur u dans cette formule, le résultat attendu suit.

On peut proposer une méthode alternative pour prouver directement que le problème est bien posé. Cettedémonstration a pour avantage de ne pas utiliser le théorème BNB et de ne s’appuyer seulement que sur le théorèmede Lax-Milgram. De plus, la méthode de preuve suggère une méthode numérique (peu efficace en réalité) derésolution de tels systèmes.Preuve (alternative “constructive”):

Supposons donc a coercive sur X et que la condition (I.17) est satisfaite. En s’inspirant de (I.16), on introduitle problème approché suivant : trouver (uε, pε) ∈ X ×M tel que

a(uε, v) + b(v, pε)− b(uε, q) + ε(pε, q)M = L(v)−G(q), ∀v ∈ X, ∀q ∈M.

La forme bilinéaire cε qui définit ce problème sur X ×M est bien entendu continue et vérifie

cε((v, q), (v, q)) = a(v, v) + ε(p, p)M ,

elle est donc bien coercive, d’après le théorème de Lax-Milgram. Il existe donc bien une unique solution (uε, pε)au problème approché.

On peut remarquer qu’en termes d’opérateurs ce problème approché s’écrit de la façon suivante :Auε +B′pε = L,

Buε + εpε = G,

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24 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

Utilisons maintenant l’inégalité (I.17), on a

‖pε‖M ≤ 1β

supv∈X

b(v, pε)‖v‖X

=1β

supv∈X

−a(uε, v) + L(v)‖v‖X

≤ ‖a‖β‖uε‖X +

‖L‖X′

β.

On prend maintenant v = uε et q = pε dans le problème approché, il vient

a(uε, uε) + ε‖pε‖2M = L(uε)−G(pε),

et donc par coercivité de a

α‖uε‖2X ≤ ‖L‖X′‖uε‖X + ‖G‖M ′‖pε‖M ≤(‖L‖X′ +

‖a‖‖G‖M ′

β

)‖uε‖X +

‖L‖2X′

β.

Ainsi, (uε)ε et (pε)ε sont bornées respectivement dans X et dans M . On peut donc trouver une suite (εk)k quitend vers 0 et telle que uk = uεk

et pk = pεkconvergent faiblement vers des limites notées u et p dans X et M

respectivement.On voit alors qu’on peut aisément passer à la limite dans le problème approché et obtenir que u et p sont

solutions du problème de départ.L’unicité découle immédiatement des hypothèses en prenant tout d’abord (u, p) comme fonctions tests dans

la formulation faible sans terme source, ce qui montre que u = 0, puis l’inégalité (I.17) implique alors quenécessairement p = 0.

En fait, par des techniques similaires, on peut démontrer que toute la famille (uε, pε) converge vers (u, p). Plusprécisément, on a le résultat suivant :

Proposition I.31Il existe C > 0 qui dépend des données telle que

‖u− uε‖X + ‖pε − p‖M ≤ Cε, ∀ε > 0.

Preuve :On regarde le problème satisfait par la différence (uε − u, pε − p) ∈ X ×M :

a(uε − u, v) + b(v, pε − p)− b(uε − u, q) + ε(pε, q)M = 0, ∀v ∈ X, ∀q ∈M.

On commence par prendre q = 0 et à utiliser la condition inf-sup :

β‖pε − p‖M ≤ supv∈X

b(v, pε − p)‖v‖X

= supv∈X

a(uε − u, v)‖v‖X

≤ ‖a‖‖uε − u‖X .

On prend ensuite v = uε − u et q = pε − p dans la formulation ci-dessus et on utilise la coercivité de a

α‖uε − u‖2X + ε(pε − p, pε − p)M ) = −ε(p, pε − p)M ,

d’où

‖uε − u‖X ≤ ε‖a‖αβ

‖p‖M .

et

‖pε − p‖M ≤ ε‖a‖2αβ2

‖p‖M .

Définition I.32

On appelle noyau de la forme bilinéaire b, le sous-espace fermé Z de X défini par

Z = v ∈ X, b(v, q) = 0, ∀q ∈M. (I.22)

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4. Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes 25

Corollaire I.33

Soit L une forme linéaire continue sur X telle que L(v) = 0 pour tout v ∈ Z, alors il existe un uniquep ∈M tel que

L(v) = b(v, p), ∀v ∈ X,et

‖p‖M ≤ ‖L‖X′

β.

Preuve :D’après le théorème précédent, le problème suivant admet une unique solution

(u, v)X + b(v, p) = L(v), ∀v ∈ X,

b(u, q) = 0, ∀q ∈M.

La seconde équation dit exactement que u appartient à Z, donc si on prend v = u dans la première équation, onobtient en utilisant l’hypothèse L|Z = 0, que ‖u‖2X = 0 et donc u = 0. Il reste bien b(v, p) = L(v) pour toutv ∈ X . De plus, par l’inégalité inf-sup on a

β‖p‖M ≤ supv∈X

b(v, p)‖v‖X

= supv∈X

L(v)‖v‖X

= ‖L‖X′ .

En réalité on a un théorème plus fort que le précédent. Il dit que le résultat reste vrai si la forme bilinéaire a estseulement coercive sur le noyau de b.

Théorème I.34Le même énoncé que le théorème I.30 est valable si on suppose seulement que a est coercive sur Z, i.e.sur le noyau de b défini par (I.22).

Preuve :On a vu dans la preuve du théorème précédent que, G étant fixé, il existe uG ∈ X vérifiant

‖uG‖X ≤ ‖G‖X′

β, et b(uG, q) = G(q), ∀q ∈M.

On va donc chercher (u, p) solution de notre problème de point-selle sous la forme u = u + uG où u est doncmaintenant un élément du noyau Z, par définition de uG.

On cherche donc u ∈ Z qui vérifie

a(u, v) = L(v)− a(uG, v), ∀v ∈ Z.

Comme Z est un sous-espace fermé de X , c’est un Hilbert et l’existence et l’unicité d’un tel u est donc la consé-quence immédiate du théorème de Lax-Milgram. On pose maintenant

L(v) = −a(uG + u, v) + L(v), ∀v ∈ X.

Par définition de u, la forme L s’annulle sur Z, et d’après le corollaire précédent, il existe donc un unique p ∈ Mtel que

L(v) = b(v, p), ∀v ∈ X.Ceci exprime exactement que (u = u + uG, p) est solution de notre problème. L’estimation sur les normes de uet p s’obtient exactement comme dans le théorème précédent (où on avait utilisé seulement la coercivité de a surZ ! !)

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26 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

4.3 Exemples4.3.1 Un problème de diffusion scalaire en formulation mixte

On va, dans cette section, reconsidérer sous un angle nouveau le problème −div (A(x)∇u) = f . On va, eneffet, l’écrire sous la forme

−div σ = f,

A(x)∇u− σ = 0,

et on va maintenant chercher un couple (u, σ) solution de ce problème.Pour essayer de retrouver le cadre général précédent, on va plutôt l’écrire sous la forme équivalente suivante

A(x)−1σ −∇u = 0,

div σ = −f,

Plusieurs cadres fonctionnels sont possibles :

1. On cherche u ∈ H10 (Ω) et σ ∈ (L2(Ω))d. En prenant des fonctions tests v et τ dans ces mêmes espaces, la

formulation variationnelle peut s’écrire∫

Ω

A(x)−1σ · τ dx−∫

Ω

∇u · τ dx+∫

Ω

σ · ∇v dx =∫

Ω

fv dx.

ATTENTION : dans cette formulation X = (L2(Ω))d et M = H10 (Ω) et c’est donc σ qui joue le rôle de u

et u qui joue le rôle de p dans la formulation générale ... On introduit donc

a(σ, τ) =∫

Ω

A(x)−1σ · τ dx,

b(σ, u) = −∫

Ω

σ · ∇u dx.

Comme A est uniformément bornée et uniformément coercive, a est bien une forme bilinéaire continue etcoercive sur X et b est bien une forme bilinéaire continue sur X ×M . Pour prouver que le problème ainsiformulé est bien posé, il suffit de montrer l’inégalité Inf-Sup (I.17). Dans le cadre proposé, celle-ci s’écrit :

supσ∈(L2(Ω))d

∫Ωσ · ∇u dx‖σ‖L2

≥ β‖u‖H10 (Ω).

Or ceci est clairement vérifié avec β = 1 en prenant σ = ∇u dans le quotient proposé. En effet, ce quotientprend alors pour valeur

‖∇u‖2L2

‖u‖H10

= ‖u‖H10.

Il existe donc une unique solution au problème proposé. Il va de soi que dans ces conditions, on retrouveexactement la même solution que celle obtenue en utilisant le théorème de Lax-Milgram pour la formulationprimitive du problème.

2. Deuxième cadre fonctionnel possible : On cherche u ∈ L2(Ω) et σ ∈ Hdiv(Ω). Les conditions aux limitessur u sont prises en compte dans les intégrations par parties. On pose alors

a(σ, τ) =∫

Ω

A(x)−1σ · τ dx,

b(σ, u) =∫

Ω

u div σ dx.

Cette fois, on voit que la forme bilinéaire a n’est plus coercive sur X tout entier car elle ne permet pas decontrôler la norme L2 de div σ. En revanche, elle est bien coercive sur le noyau Z de la forme bilinéaire b.En effet ce noyau Z n’est autre que H0,div(Ω) = σ ∈ Hdiv(Ω), div σ = 0 et sur Z la norme L2 et lanorme Hdiv coïncident.

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4. Théorème de Lax-Milgram généralisé : formulations mixtes 27

Il faut cette fois vérifier l’inégalité Inf-Sup (I.17) suivante :

supσ∈Hdiv(Ω)

∫Ωu div σ dx‖σ‖Hdiv

≥ β‖u‖L2(Ω).

Pour la démontrer, on considère la solution ϕ ∈ H10 (Ω) du problème −∆ϕ = u et on pose σ = −∇ϕ qui

est bien un élément de Hdiv(Ω) et on a

‖σ‖2Hdiv= ‖∇ϕ‖2L2 + ‖u‖2L2 .

D’après l’inégalité de Poincaré, on a∫

Ω

|∇ϕ|2 dx =∫

Ω

uϕdx ≤ ‖u‖L2‖ϕ‖L2 ≤ C‖u‖L2‖∇ϕ‖L2 ,

et il reste donc ‖σ‖Hdiv ≤√

1 + C2‖u‖L2 et il reste∫Ωudiv σ dx‖σ‖Hdiv

≥ 1√1 + C2

‖u‖L2 ,

et l’inégalité inf-sup est donc démontrée.

4.3.2 Le problème de Stokes

Le problème de Stokes est le cas typique de problème de type point-selle qui apparaît naturellement. Il s’agitde trouver un champ de vecteurs u et un champ scalaire p vérifiant

−∆u+∇p = f,

div u = 0,(I.23)

avec les conditions aux limites u = 0 et la condition de moyenne nulle∫Ωp dx = 0. On supposera dans la suite

que Ω est connexe.Le cadre fonctionnel choisi est X = (H1

0 (Ω))d et M = L20 (l’ensemble des fonctions L2 à moyenne nulle).

On pose alors

a(u, v) =∫

Ω

∇u : ∇v dx, b(v, p) = −∫

Ω

p div v dx.

Les formes bilinéaires a et b sont continues et a est coercive sur X . Il reste donc à démontrer l’inégalité Inf-Sup(I.17) qui s’écrit ici :

supv∈X

∫Ωp div v dx‖v‖H1

≥ β‖p‖L2 , ∀p ∈ L20(Ω).

Cette inégalité inf-sup provient du résultat (assez difficile dans le cas général) suivant

Lemme I.35

Pour toute fonction p ∈ L20(Ω), il existe une fonction v ∈ (H1

0 (Ω))d telle que div v = p. Par aileurs, onpeut choisir v tel que

‖v‖H10≤ C‖p‖L2 ,

où C > 0 ne dépend que de Ω.

Le problème de Stokes est donc bien posé et on verra plus loin comment en faire une discrétisation raisonnable.

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28 Chapitre I. Prérequis. Introduction aux EDP elliptiques

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29

Chapitre II

APPROXIMATIONS DE GALERKIN.MÉTHODE DES ÉLÉMENTS FINIS

Notation : Dans toute la suite, on notera |v|Hk la semi-norme Hk, c’est-à-dire

|v|Hk =

|α|=k

‖∂αv‖2L2

12

.

1 Principes généraux de l’approximation de Galerkin

Etant donné un espace de Hilbert V , une forme bilinéaire continue a et une forme linéaire L continue. Onsuppose qu’il existe une unique solution u ∈ V du problème

a(u, v) = L(v), ∀v ∈ V. (II.1)

On cherche une approximation de cette solution u en introduisant un sous-espace de dimension finie Vh ⊂ V et encherchant une solution uh ∈ Vh du problème approché

a(uh, vh) = L(vh), ∀vh ∈ Vh. (II.2)

Quelques remarques s’imposent :

1. L’indice h dans la notation Vh fait référence à “une taille de maillage” ou plus précisément à la qualité del’approximation de V par Vh.

2. En général, il n’y a aucune raison pour que le problème approché admette une unique solution. Si c’est lecas, le problème obtenu est un système linéaire carré de dimension finie qu’il “suffira” de résoudre pourobtenir la solution approchée uh. Nous reviendrons sur ces aspects plus tard.

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30 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

3. D’autres variantes existent : on peut également approcher la forme bilinéaire a par une forme ah, on peutégalement considérer des espaces d’approximation Vh qui ne sont pas inclus dans V . On parle alors d’uneapproximation non conforme.

4. On peut également considérer deux espaces de dimensions finies Vh etWh (de même dimensions) et chercheruh dans Vh et les fonctions tests vh dans Wh. On parle alors d’approximation de Petrov-Galerkin.

Supposons maintenant qu’il existe une solution uh du problème approché (II.2), de sorte qu’en comparant(II.1) et (II.2), on obtient

∀vh ∈ Vh ⊂ V, a(u, vh) = L(vh) = a(uh, vh),

ou encorea(u− uh, vh) = 0.

L’erreur eh = u − uh est donc a-orthogonale à l’espace Vh. C’est la formule de base qui va nous permettred’analyser la convergence de la méthode.

1.1 Cadre coercif. Approximation de Galerkin.1.1.1 Existence et convergence

Le premier cadre que nous allons considérer est celui où la forme bilinéaire a est coercive sur V . Dans cesconditions, la restriction de a à Vh × Vh est également coercive et donc le problème approché admet une uniquesolution uh qui vérifie

‖uh‖V ≤ ‖a‖α‖L‖V ′ . (II.3)

Proposition II.1

On suppose que pour tout v ∈ V , d(v, Vh) → 0 quand h → 0. Alors (uh)h converge vers u dans Vquand h tend vers 0.

Preuve :De la borne (II.3), on déduit que la famille (uh)h d’éléments de V est bornée. On peut donc trouver une sous-

suite (hn)n qui tend vers 0 et un élément u ∈ V tels que (uhn)n converge faiblement vers u. On va montrer que uest égal à u.

Pour cela, on prend v ∈ V quelconque. Par hypothèse, il existe une suite (vh)h d’élements de V telle quevh ∈ Vh pour tout h > 0 et telle que vh → v dans V , quand h→ 0.

Prenons vh comme fonction test dans le problème discret

a(uh, vh) = L(vh).

Par convergence fort-faible, on peut passer à la limite dans le premier terme, et bien entendu dans le second. Onobtient donc

a(u, v) = L(v).

Ceci étant vrai pour tout v ∈ V , et par unicité de la solution du problème initial, on obtient bien que u = u.Ceci montre en particulier que la famille (uh)h admet une unique valeur d’adhérence faible dans V (qui est

u !) et donc, en particulier, elle converge faiblement vers u.Montrons maintenant la convergence forte de uh vers u. Pour cela, on prend vh = uh dans le problème discret

et on constate quea(uh, uh) = L(uh) −−−→

h→0L(u) = a(u, u).

Il vient alorsa(uh − u, uh − u) = a(uh, uh)− a(uh, u)− a(u, uh) + a(u, u) −−−→

h→00.

Par coercivité de a, cela implique bien que ‖uh − u‖V → 0.

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1. Principes généraux de l’approximation de Galerkin 31

1.1.2 Estimation de l’erreur

On peut en fait estimer l’erreur d’approximation de la façon suivante

Proposition II.2 (Lemme de Céa)L’erreur eh vérifie

‖eh‖V ≤ ‖a‖α

infvh∈Vh

‖u− vh‖V =‖a‖αd(u, Vh).

Preuve :On prend vh − uh dans l’équation d’orthogonalité de l’erreur et on trouve

0 = a(eh, vh − uh) = a(eh, vh − u) + a(eh, eh).

On obtientα‖eh‖2V ≤ ‖a‖‖eh‖V ‖vh − u‖V ,

ceci étant vrai pour tout vh ∈ Vh, on obtient bien l’estimation demandée.Ce lemme montre donc que l’erreur d’approximation eh se mesure (en norme V ) en fonction de l’erreur d’ap-

proximation entre l’espace Vh et V , c’est-à-dire la distance entre ces deux espaces. En fait, c’est même mieux quecela, car pour obtenir la convergence (et l’estimation d’erreur) il suffit de savoir approcher la solution u par desfonctions de Vh.

Le résultat précédent peut être amélioré dans le cas symétrique.

Proposition II.3 (Lemme de Céa - cas symétrique)Si on suppose que a est symétrique, alors on a l’estimation

‖eh‖V ≤√‖a‖α

infvh∈Vh

‖u− vh‖V .

Preuve :La relation d’orthogonalité de l’erreur a(uh − u, vn) = 0 implique que uh minimise dans Vh la fonctionnelle

E(vh) =12a(vh − u, vh − u), ∀vh ∈ Vh.

En particulier on a

α‖uh − u‖2V ≤ a(uh − u, uh − u) ≤ a(vh − u, vh − u) ≤ ‖a‖‖vh − u‖2V , ∀vh ∈ Vh,

ce qui donne le résultat.Dans toute la suite, on va donc chercher à construire des espaces Vh convenables et à estimer la distance entre

la solution u et Vh.

1.2 Cadre coercif. Approximation de Petrov-Galerkin.On considère une méthode un peu plus générale, où on considère deux sous-espaces de V de dimensions finies

Vh et Wh et de mêmes dimensions. On s’intéresse alors au problème suivant : trouver uh ∈ Vh tel que

a(uh, wh) = L(wh), ∀wh ∈Wh. (II.4)

1.2.1 Existence and convergence

La coercivité de a sur V ×V ne suffit pas à démontrer l’existence et l’unicité d’une solution à ce problème. Pourobtenir cette propriété, il faut vérifier les deux conditions du théorème BNB. En réalité, dans le cas de la dimensionfinie, les deux conditions sont équivalentes. Donc le problème discret ci-dessus est bien posé, si et seulement si ilexiste αh > 0 tel que

infuh∈Vh

supwh∈Wh

a(uh, wh)‖uh‖V ‖wh‖V ≥ αh.

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32 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Dans ces conditions la solution uh de (II.4) existe de façon unique et vérifie

‖uh‖V ≤ ‖L‖V ′

αh.

On voit donc déjà que la solution approchée ne sera bornée a priori que si la constante αh de la condition inf-supne tend pas vers 0 quand h tend vers 0.

Proposition II.4

On suppose qu’il existe α∗ > 0 tel que αh ≥ α∗ pour tout h > 0 et que pour tout v ∈ V , on ad(v,Wh) → 0 quand h→ 0.Alors uh converge vers u dans V quand h→ 0.

La démonstration est similaire au cas précédent, avec toutefois une petite subtilité due au fait que Vh et Wh

sont deux espaces différents.

1.2.2 Estimation de l’erreur

Sous les hypothèses précédentes, l’erreur eh = u− uh, vérifie la condition d’orthogonalité

a(eh, wh) = 0, ∀wh ∈Wh.

Proposition II.5 (Lemme de Strang - cas simplifié)L’erreur eh vérifie l’estimation

‖eh‖V ≤(

1 +‖a‖αh

)inf

vh∈Vh

‖u− vh‖V .

Preuve :Soit vh ∈ Vh. On a

eh = u− u− h = (u− vh) + (vh − uh).

Or d’après la condition inf-sup

‖vh − uh‖V ≤ 1αh

supwh∈Wh

a(vh − uh, wh)‖wh]‖V

=1αh

supwh∈Wh

a(u− vh, wh)‖wh]‖V

≤ ‖a‖αh

‖u− vh‖V .

Il vient donc

‖eh‖V ≤(

1 +‖a‖αh

)‖u− vh‖V .

Ceci étant vrai pour tout vh ∈ Vh, on obtient le résultat annoncé.

1.2.3 Bilan et exemple

Dans le cas de l’approximation de Petrov-Galerkin, il faut donc :

• Contrôler l’erreur d’approximation associée à l’espace Vh.

• Contrôler la constante αh de l’estimation inf-sup entre les espaces Vh et Wh. Il ne faut pas que ces espacessoient trop orthogonaux au sens de a quand h tend vers 0.

Prenons un exemple en dimension 1 d’espace : V = H10 (]0, 1[), a(u, v) =

∫ 1

0u′v′ dx. On prend pour Vh

l’espace de dimension 1 engendré par la fonction p(x) = 1− |2x− 1| dont le gradient vaut 2 sur [0, 1/2] et −2 sur

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1. Principes généraux de l’approximation de Galerkin 33

[1/2, 1]. On prend ensuite pour Wh l’espace de dimension 1 engendré par q(x) = sin(4πx) dont le gradient vaut4πcos(4πx). On va montrer que la condition inf-sup n’est pas satisfaite pour ce problème car en effet on a

a(p, q) =∫ 1

0

p′q′ = 8π

(∫ 12

0

sin(4πx) dx−∫ 1

12

sin(4πx) dx

)= 0.

N.B. : même si a est symétrique et que le schéma de Petrov-Galerkin est bien posé, il ne conduit pas nécessai-rement à un système discret symétrique à la fin.

1.3 Cadre d’un problème mixteSoient X et M deux espaces de Hilbert indépendants. On s’intéresse au problème de type point-selle suivant :

a(u, v) + b(v, p) = L(v), ∀v ∈ X,

b(u, q) = G(q), ∀q ∈M.

où L et G sont des formes linéaires continues respectivement sur X et M . On a vu qu’un tel problème est bienposé dès lors que a est coercive sur X (ou sur le noyau de b) et que b vérifie la condition inf-sup adéquate

infp∈M

supv∈X

b(v, p)‖v‖X‖p‖M

≥ β > 0.

Soient maintenant Xh et Mh deux sous-espaces de dimensions finies respectivement de X et M et on cosidèrele problème approché suivant : trouver uh ∈ Xh et ph ∈Mh tels que

a(uh, vh) + b(vh, ph) = L(vh), ∀vh ∈ Xh,

b(uh, qh) = G(qh), ∀qh ∈Mh.(II.5)

Notons qu’on aurait pu envisager une méthode de type Petrov-Galerkin en choisissant vh et qh dans d’autresespaces que Xh et Mh mais cela compliquerait bien entendu l’analyse qui suit.

1.3.1 Existence et convergence

Que peut-on dire de ce problème approché ?

• Si a est coercive sur X tout entier, alors a est aussi coercive sur Xh avec la même constante de coercivité.Pour assurer que le problème (II.5) est bien posé il faut donc vérifier une condition inf-sup sur b qui s’écrit

infph∈Mh

supvh∈Xh

b(vh, ph)‖ph‖M‖vh‖X

≥ βh > 0.

Comme nous sommes en dimension finie, on voit par un argument de compacité que cette condition estvérifiée si et seulement si on a

ph ∈Mh et b(vh, ph) = 0, ∀vh ∈ Xh =⇒ ph = 0.

Si on regarde la restriction B′h de l’opérateur B′ : M 7→ X ′ comme un opérateur de Mh dans X ′h, alors

cette condition dit que cet opérateur doit être injectif. En particulier, la dimension de Mh doit être inférieureou égale à celle de Xh. Moralité : la condition inf-sup sera en défaut si Mh est trop gros par rapport à Xh.

Quoi qu’il en soit, si cette condition inf-sup est vérifiée, il existe une unique solution (uh, ph) ∈ Xh ×Mh

du problème approché et on a les bornes suivantes

‖uh‖X ≤ ‖L‖X′

α+

1βh

(1 +

‖a‖α

)‖G‖M ′ ,

‖ph‖M ≤(

1 +‖a‖α

)(1βh‖L‖X′ +

‖a‖β2

h

‖G‖M ′

).

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34 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

• Si a est seulement coercive sur le noyau de b, alors rien n’assure que sa restriction au noyau Zh de larestriction b : Xh ×Mh 7→ R. En effet, on n’a pas en général l’inclusion Zh ⊂ Z, car un élément vh ∈ Zh

est tel que b(vh, ph) = 0 pour tout ph ∈Mh mais rien ne dit que b(vh, p) = 0 pour p ∈M \Mh.

Dans ces conditions, il faut donc rajouter la coercivité de a restreinte à Zh comme condition supplémentairede résolubilité du système.

Théorème II.6

S’il existe β∗ > 0 telle que βh ≥ β∗ pour tout h > 0 et si d(v,Xh) → 0 et d(q,Mh) → 0 pour toutv ∈ X et q ∈M , alors (uh, ph) → (u, p) dans X ×M , quand h→ 0.

1.3.2 Estimation de l’erreur

Essayons maintenant de produire une estimation de l’erreur dans ce contexte. Pour cela, on introduit eh =u− uh et πh = p− ph et on observe que l’on a

a(eh, vh) + b(vh, πh) = 0, ∀vh ∈ Xh,

b(eh, qh) = 0, ∀qh ∈Mh.

1. On récrit la première équation comme suit :

a(eh, vh) + b(vh, p− qh) = b(vh, ph − qh), ∀vh ∈ Xh.

Ainsi, grâce à la condition inf-sup discrète, on trouve

‖qh − ph‖M ≤ 1βh

supvh∈Xh

a(eh, vh) + b(vh, p− qh)‖vh‖X

≤ 1βh

(‖a‖‖eh‖X + ‖b‖‖p− qh‖M ).

L’inégalité triangulaire donne, pour tout qh ∈Mh :

‖πh‖M ≤ ‖p− qh‖M + ‖qh − ph‖M ,

et donc

‖πh‖M ≤(

1 +‖b‖βh

)d(p,Mh) +

‖a‖βh

‖eh‖X .

2. Soit vh ∈ Xh quelconque. D’après la condition inf-sup discrète, il existe rh ∈ Xh tel que

b(rh, qh) = b(u− vh, qh), ∀qh ∈Mh, et ‖rh‖X ≤ ‖b‖βh‖u− vh‖X .

On constate donc que pour tout qh ∈Mh on a

b(u− vh − rh, qh) = 0,

or b(eh, qh) = 0 donc on ab(uh − (vh + rh), qh) = 0.

On va donc prendre (vh + rh)− uh comme fonction test dans la première équation. Il vient

a(eh, (vh + rh)− uh) + b((vh + rh)− uh, πh) = 0.

Comme uh − (vh + rh) est orthogonal à Mh, on peut remplacer πh dans le second terme par p − qh pourtout qh. On obtient

α‖(vh + rh)− uh‖2X ≤ ‖a‖‖u− (vh + rh)‖X‖(vh + rh)− uh‖X + ‖b‖‖vh + rh − uh‖X‖p− qh‖X ,

D’où

‖(vh + rh)− uh‖X ≤ ‖a‖α‖u− (vh + rh)‖X +

‖b‖αd(p,Xh),

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1. Principes généraux de l’approximation de Galerkin 35

puis

‖u− uh‖X ≤ ‖u− (vh + rh)‖+ ‖(vh + rh)− uh‖X ≤(

1 +‖a‖α

)‖u− (vh + rh)‖X +

‖b‖αd(p,Mh).

Par ailleurs, on a

‖u− (vh + rh)‖X ≤ ‖u− vh‖X + ‖rh‖X ≤(

1 +‖b‖βh

)‖u− vh‖X .

Ceci étant vrai pour tout vh ∈ Xh, on trouve

‖u− uh‖X ≤(

1 +‖a‖α

)(1 +

‖b‖βh

)d(u,Xh) +

‖b‖αd(p,Mh).

L’estimation sur la pression s’obtient alors en utilisant l’estimation ci-dessus.

En résumé, on doit cette fois estimer l’erreur d’approximation pour chacun des espacesXh etMh et égalementestimer la dépendance de la constante de l’inégalité inf-sup en fonction du paramètre de discrétisation.

On va attaquer ces deux types de questions séparément. Etudions tout d’abord la façon dont les espaces Vh etXh/Mh peuvent être construits.

1.4 Choix des espaces d’approximation et de la baseQuelques principes guident le choix des espaces d’approximation Vh et d’une base (ϕi)i d’un tel espace.

Remarquons que trouver la solution uh =∑

j ujϕj du problème variationnel revient à résoudre un systèmelinéaire dont la matrice A a pour coefficients : ai,j = a(ϕj , ϕi). On doit donc pouvoir :

• Calculer ces coefficients.

• Obtenir une matriceA avec une structure la plus simple possible, c’est-à-dire qu’on puisse inverser aisément.

Pour tout cela, le choix de l’espace et de la base sur laquelle on va travailler est cruciale.Exemples :

• Si on prend pour Vh l’ensemble des fonctions polynômes de degré inférieur ou égal à N , avec N grand etla base formée des monomes, alors il y a de fortes chances que la matrice A soit pleine (penser à a(u, v) =∫Ωu′v′ dx). Bien entendu si on prend une base de polynômes orthonormés pour le produit scalaire défini par

a (si cette forme a est symétrique par exemple), alors la matrice A est diagonale et le calcul de la solutionapprochée est trivial.

• Le meilleur espace d’approximation est l’espace de dimension 1 engendrée par la solution exacte. Bienentendu, on ne connait pas la solution exacte, donc cette construction n’est pas utilisable en pratique.

• Une construction qui peut s’avérer intelligente et de prendre pour espace d’approximation, l’espace engendrépar les fonctions propres de l’opérateur mis en jeu dans l’équation. Si la solution est régulière on peutdémontrer que, sous de bonnes hypothèses, la méthode est extrêmement efficace. On parle de méthodespectrale.

Ainsi, si on note VN l’espace engendré par les N premières fonctions propres du Laplacien-Dirichlet endimension 1 d’espace (i.e. les sin(kπx) sur ]0, 1[), alors on a le résultat suivant (identité de Parseval) :

∀u ∈ Hm(Ω), d(u, VN ) ≤ Ck

Nm‖u‖Hm .

L’inconvénient de cette méthode est qu’on ne sait calculer les fonctions propres de l’opérateur que dans descas très particuliers (il y a même de nombreux cas où cette notion n’est pas bien définie). Dans les autres cas,on peut utiliser les fonctions propres d’un autre opérateur, en espérant que la méthode va bien fonctionner.On se retrouve alors dans une situation où la matrice du système est pleine et donc difficile à inverser.

• La dernière méthode que je présente et qui va faire l’objet de la suite de ce chapitre, c’est la méthode ditedes éléments finis. L’idée est de découper le domaine en petits morceaux (maillage) et de considérer commeespace d’approximation un ensemble de fonctions régulières par morceaux et ayant une structure particulièresur chaque morceau. Typiquement, on considérera des fonctions polynomiales par morceaux.

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36 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

2 Exemples d’espaces éléments finis

2.1 Le cas 1D2.1.1 L’espace d’approximation P1

On se place en dimension 1 d’espace, sur l’intervalle Ω =]0, 1[ et on cherche un espace d’approximationraisonnable pour V = H1(Ω). Pour cela, on commence à mailler le domaine Ω. Dans le cas monodimensionnel,cela revient à découper l’intervalle Ω en segments [xi, xi+1] avec i ∈ 0, · · · , N de telle sorte que xi < xi+1

et x0 = 0, xN+1 = 1. On pose alors h = supi |xi+1 − xi|, que l’on appelle le pas du maillage. On noteraKi = [xi, xi+1] les cellules de ce maillage.

Ceci étant fait on se propose de considérer l’ensemble des fonctions affines par morceaux

Vh = u ∈ V, ∀i, u|Ki∈ P1,

où P1 désigne l’ensemble des polynômes de degré inférieur où égal à 1. Notons que l’on considère bien ici unespace d’approximation conforme puisque, par construction, on aura Vh ⊂ V .

Lemme II.7L’espace Vh peut aussi se définir par

Vh = u ∈ C0(Ω), ∀i, u|Ki∈ P1,

et de plus, l’application

Φ : u ∈ Vh 7→ (u(x0), · · · , u(xN+1)) ∈ RN+2,

est un isomorphisme. En particulier dim Vh = N + 2.

Preuve :On doit montrer deux inclusions. La première ⊂ est triviale car on sait qu’en dimension 1 les fonctions de H1

sont continues. Pour montrer la seconde inclusion, il s’agit juste d’une intégration par parties ...Le fait que l’application proposée est linéaire et bijective est assez clair et consiste juste à remarquer qu’une

fonction affine par morceaux est définie de manière unique par les valeurs qu’elle prend aux noeuds.Le fait qu’on recherce une approximation conforme de l’espace V n’est pas sans conséquence : supposons que

l’on se soit intéressés à l’espace V = H2(Ω), alors on peut montrer que l’espace d’approximation P1 noté Vh

construit de façon analogue à ce qui précède est de dimension 2 et seulement constitué des fonctions affines surtout le domaine Ω. On comprend bien que cet espace Vh n’a guère d’intérêt en vue de l’approximation numériqued’un problème variationnel posé dans H2(Ω).

Comme l’application Φ est bijective, on voit que tout élément u ∈ Vh peut s’identifier à Φ(u) ∈ Rn+2. Leséléments de Φ(u) sont appelés les degrés de liberté dans l’espace d’approximation Vh.

On dit qu’on a affaire à un élément fini de Lagrange quand les degrés de liberté sont tous de la forme u 7→ u(a)pour un certain point a ∈ Ω. Les points ai ainsi définis sont tous distincts et sont appelés les noeuds associés àl’espace d’approximation. Dans le cas présent, les noeuds sont exactement les points xi qui définissent le maillage.

Définition II.8

On note ei pour i = 0, · · · , n + 1 les vecteurs de la base canonique de Rn+2. On appelle fonction deforme associée au noeud xi, et on note ϕi, l’antécédent de ei par l’application Φ. Autrement dit, lesϕi ∈ Vh sont définis par

ϕi(xj)δij , ∀i, j ∈ 0, · · · , n+ 1.

Dans le cadre des éléments finis P1 ces fonctions de forme (ou fonctions de base) sont aussi appelées fonctionschapeau pour des raisons relativement évidentes.

On va chercher maintenant à estimer l’erreur d’approximation associée à ces espaces Vh. Pour ce faire, on vaintroduire la notion d’opérateur d’interpolation.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 37

Définition II.9

On appelle opérateur d’interpolation de V dans Vh, l’opérateur I1h défini par

∀u ∈ V, I1hu = Φ−1(u(x0), · · · , u(xn+1)),

ou de façon plus claire

I1hu(x) =

n+1∑

i=0

u(xi)ϕi(x).

Remarquons que si u ∈ H10 (Ω), alors I1

hu ∈ H10 (Ω) et donc Vh,0 = Vh∩H1

0 (Ω) est un espace d’approximationconforme de H1

0 (Ω).On remarque aussi que I1

h est un projecteur (non orthogonal ! !) : I1hI1

h = I1h. Enfin, commeH1(Ω) s’injecte

de façon continue dans C0(Ω), il est clair que I1h est un opérateur continu de H1(Ω) dans lui-même. A ce stade il

n’est pas clair que sa norme est indépendante de h (i.e. de n).Nous allons donc maintenant montrer des estimations sur I1

h qui feront intervenir des constantes indépendantesde h.

Théorème II.10 (Propriétés d’interpolation de I1h)

1. Il existe C > 0 telle que∀u ∈ V, ‖I1

hu− u‖L2 ≤ Ch|u|H1 , (II.6)

∀u ∈ V, |I1hu− u|H1 ≤ C|u|H1 . (II.7)

2. Si u ∈ V ∩H2(Ω), alors on a|I1

hu− u|H1 ≤ Ch|u|H2 , (II.8)

‖I1hu− u‖L2 ≤ Ch2|u|H2 , (II.9)

où C ne dépend que de Ω.

3. On a∀u ∈ V, lim

h→0‖I1

hu− u‖H1 = 0.

En particulier, pour tout u ∈ V , d(u, Vh) → 0 quand h→ 0.

Remarque : on ne peut pas améliorer l’estimation (II.8) même si u est plus régulière que H2(Ω).Toutes les estimations des points 1 et 2 peuvent s’écrire :

∀m ∈ 0, 1,∀u ∈ Hm+1(Ω), ‖I1hu− u‖L2 + h|I1

hu− u|H1 ≤ Chm+1|u|Hm+1 .

Preuve :L’idée de base est de regarder ce qui se passe sur chaque maille (ou élément) de la discrétisation. Soit donc

i ∈ 0, · · · , n. Prenons x ∈ Ki.

1. Regardons la situation sur un des intervalles [xi, xi+1] du maillage.

I1hu(x) =

ui(xi+1 − x) + ui+1(x− xi)hi

, (II.10)

où on a noté ui = u(xi) et hi = xi+1 − xi, pour simplifier les notations.

On obtient

I1hu(x)− u(x) =

(ui − u(x))(xi+1 − x) + (ui+1 − u(x))(x− xi)hi

,

et donc∣∣I1

hu(x)− u(x)∣∣ ≤ |ui − u(x)|+ |ui+1 − u(x)|

≤∣∣∣∣∫ x

xi

u′(t) dt∣∣∣∣ +

∣∣∣∣∫ xi+1

x

u′(t) dt∣∣∣∣ ≤ 2h

12i

(∫ xi+1

xi

|u′(t)|2 dt),

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38 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

et donc ∫ xi+1

xi

|I1hu− u|2 dx ≤ 2h2

i

∫ xi+1

xi

|u′(t)|2 dt,

soit en sommant :‖I1

hu− u‖L2 ≤√

2h‖u′‖L2 =√

2h|u|H1 , (II.11)

et ainsi‖I1

hu‖L2 ≤ C‖u‖H1 .

On revient à (II.10) et il vient

|(I1hu)

′(x)| =∣∣∣∣ui+1 − ui

hi

∣∣∣∣ ≤1

h12i

(∫ xi+1

xi

|u′(t)|2 dt) 1

2

,

d’où ∫ xi+1

xi

|(I1hu)

′(x)|2 dx∫ xi+1

xi

|u′(t)|2 dt,

et ainsi‖(I1

hu)′‖L2 ≤ ‖u′‖L2 ,

soit|I1

hu|H1 ≤ |u|H1 .

En rassemblant les deux résultats précédents, on obtient la première estimation.

Remarque II.11

Noter que cette estimation permet déjà de démontrer que si u ∈ V , alors I1hu converge faiblement vers u

dans H1(Ω). On va voir par la suite que la convergence est forte mais il faut retenir l’idée de la preuve.On sait en effet que I1

hu est bornée dans H1, on peut donc trouver une suite hn → 0 telle que I1hnu

converge faiblement dans H1. D’après (II.11), la limite forte dans L2 de I1hnu n’est autre que u. Par

unicité de la limite au sens des distributions, par exemple, on conclut que la limite faibleH1 de cette suiteest aussi égale à u. Par un argument d’unicité de la valeur d’adhérence, on obtient bien la convergencefaible annoncée.

2. On a déjà obtenu (II.11), il reste donc à étudier le gradient de I1hu− u. Pour cela on écrit

(I1hu)

′(x)− u′(x) =ui+1 − ui

hi− u′(x).

Ecrivons les deux formules de Taylor suivantes :

u(xi) = u(x) + (xi − x)u′(x) +12

∫ 1

0

(1− t)u′′(x+ t(xi − x))(xi − x)2 dt︸ ︷︷ ︸

def= Ri(x)

,

u(xi+1) = u(x) + (xi+1 − x)u′(x) +12

∫ 1

0

(1− t)u′′(x+ t(xi+1 − x))(xi+1 − x)2 dt︸ ︷︷ ︸

def= Ri+1(x)

.

On en déduit les estimations suivantes :

• On écrit I1hu− u au point x :

(ui − u(x))(xi+1 − x) + (ui+1 − u(x))(x− xi)hi

=(xi − x)u′(x)(xi+1 − x) + (xi+1 − x)u′(x)(x− xi)

hi︸ ︷︷ ︸=0

+Ri(x)(xi+1 − x) +Ri+1(x)(x− xi)

hi.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 39

D’où (Jensen ...)|I1hu(x)− u(x)|2 ≤ |Ri(x)|2 + |Ri+1(x)|2,

et donc ∫ xi+1

xi

|I1hu− u|2 ≤

∫ xi+1

xi

|Ri|2 +∫ xi+1

xi

|Ri+1|2. (II.12)

Estimons maintenant la norme L2 de Ri. On a tout d’abord

|Ri(x)|2 ≤ 12

∫ 1

0

|u′′(x+ t(xi − x))|2(xi − x)4 dt ≤ h3i

2

∫ x

xi

|u′′|2 ≤ h3i

2

∫ xi+1

xi

|u′′|2,

ce qui donne ∫ xi+1

xi

|Ri(x)|2 dx ≤ h4i

2

∫ xi+1

xi

|u′′|2 dx.

En reportant dans (II.12), il vient∫ xi+1

xi

|I1hu− u|2 dx ≤ h4

i

∫ xi+1

xi

|u′′|2 dx,

ce qui donne le résultat attendu en sommant sur i.

• On écrit maintenant la dérivée de I1hu− u au point x :

ui+1 − ui

xi+1 − xi− u′(x) =

Ri+1(x)−Ri(x)hi

,

et donc

∣∣∣∣ui+1 − ui

xi+1 − xi− u′(x)

∣∣∣∣2

≤ 2h2

i

(|Ri(x)|2 + |Ri+1|2) ≤ hi

∫ x

xi

|u′′(t)|2 dt + hi

∫ xi+1

x

|u′′(t)|2 dt.

Ainsi ∫ xi+1

xi

∣∣∣∣ui+1 − ui

xi+1 − xi− u′(x)

∣∣∣∣2

dx ≤ h2i

∫ xi+1

xi

|u′′(t)|2 dt.

Si on somme, il vient|I1

hu− u|H1 ≤ h|u|H2 .

3. Le dernier résultat se déduit des deux premiers par densité de H2(Ω) dans H1(Ω).

Il est instructif, en vue de résultats plus généraux, de faire une preuve par changement de variable. On considèrele segment unité K = [0, 1] et on note I1

0 l’opérateur d’interpolation de Lagrange de degré 1 sur cette intervalle.On suppose qu’il existe C > 0 telle que

∀v ∈ H1(K), ‖I10v − v‖L2(K) ≤ C|v|H1(K), (II.13)

∀v ∈ H1(K), |I10v − v|H1(K) ≤ C|v|H1(K), (II.14)

∀v ∈ H2(K), |I10v − v|H1(K) ≤ C|v|H2(K), (II.15)

∀v ∈ H2(K), ‖I10v − v‖L2(K) ≤ C|v|H2(K). (II.16)

Alors, on peut en déduire les résultats du théorème précédent. En effet, soit i ∈ 0, · · · , n, on note Ki =[xi, xi+1]. On introduit le changement de variable affine Ti : K 7→ Ki défini par

Ti(t) = (1− t)xi + txi+1.

On a alors, pour toute fonction ϕ ∈ H1(Ki),

‖ϕ Ti‖L2(K) =1√hi

‖ϕ‖L2(Ki),

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40 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

|ϕ Ti|H1(K) =1√hi

hi|ϕ|H1(Ki).

On constate enfin que l’on a(I1

hu) Ti = I10 (u Ti).

• Appliquons à ϕ = u Ti l’inégalité (II.13) et utilisons l’identité de commutation des opérateurs de change-ment de variable et d’interpolation :

‖(I1hu) Ti − u Ti‖L2(K) ≤ C|u Ti|H1(K),

puis les changements de variable et il vient

‖I1hu− u‖L2(Ki) ≤ Chi|u|H1(Ki).

On peut ensuite sommer sur i et obtenir le résultat attendu.

• On effectue les autres démonstrations de la même façon.

Moralité : il suffit de s’avoir estimer les erreurs d’interpolation sur un intervalle fixe K pour en déduire tousles résultats locaux sur les intervalles du maillage.

2.1.2 Approximation P1 d’un problème elliptique en dimension 1

Présentation de l’exemple Soit à résoudre le problème −∂x(k(x)∂xu) + αu = f, dans ]0, 1[ avec conditionsaux limites de Dirichlet homogène. On suppose α ≥ 0, f ∈ L2(Ω), k ∈ L∞(Ω) et inf k > 0.

On a vu que la formulation variationnelle d’un tel problème a lieu dans l’espace V = H10 (Ω) avec les formes

bilinéaires a et linéaire L définies par

a(u, v) =∫ 1

0

k(x)u′(x)v′(x) dx+ α

∫ 1

0

u(x)v(x) dx,

L(v) =∫ 1

0

f(x)v(x) dx.

On note u ∈ V , l’unique solution du problème variationnel associé

a(u, v) = L(v), ∀v ∈ V.

Résolution Revenons au cadre général que nous avons vu plus haut. Si on considère l’espace d’approximationP1 introduit ci-dessus et noté Vh,0, on note uh ∈ Vh,0 l’unique solution approchée du problème discret.

a(uh, vh) = L(vh), ∀vh ∈ Vh,0.

D’après le théorème II.10, on a bien d(u, Vh,0) ≤ ‖u− I1hu‖V → 0 quand h→ 0 et donc le théorème général

nous garantit la convergence dans H1 de uh vers u.

Théorème II.12

Si on suppose que la solution u ∈ V du problème initial est régulière, i.e. u ∈ H2(Ω), alors on al’estimation d’erreur

‖uh − u‖V ≤ C‖a‖αh|u|H2 .

On a vu que dans certains cas, le problème elliptique que l’on considère possède des propriétés de régularitéqui impliquent que si le second membre est L2 alors la solution est H2. Dans le cas qui nous intéresse, ce sera lecas dès que la fonction k sera régulière (Lipschitzienne suffit), on aura alors la propriété de régularité elliptiquesuivante : il existe C > 0 telle que la solution u du problème varitionnel est dans H2(Ω) et vérifie

‖u‖H2(Ω) ≤ C‖f‖L2(Ω).

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2. Exemples d’espaces éléments finis 41

Dans ces conditions, l’estimation d’erreur précédente s’applique et on obtient

‖uh − u‖V ≤ Ch‖f‖L2 .

Profitons de cette discussion pour obtenir une estimation d’erreur dans une norme plus faible (la norme L2)mais qui sera d’ordre plus élevé.

Pour ce faire, on a besoin de supposer que le problème adjoint vérifie une propriété de régularité elliptique quis’écrit de la façon suivante :

Il existe C > 0 telle que pour tout v ∈ L2(Ω), l’unique solution ϕv ∈ V du problème

a(w,ϕv) = (v, w)L2 , ∀w ∈ V, (II.17)

vérifieϕv ∈ H2(Ω), et ‖ϕv‖H2 ≤ C‖v‖L2 .

Dans l’exemple présenté ici, cette propriété est bien entendu vérifiée car le problème adjoint est identique auproblème initial par symétrie de la forme bilinéaire a.

Théorème II.13 (Astuce d’Aubin-Nitsche)Sous les hypothèses précédentes, on a l’estimation suivante

‖u− uh‖L2 ≤ Ch‖u− uh‖V ≤ C ′h2|u|H2 .

Preuve :Notons eh = u− uh ∈ V . Si on prend v = w = eh dans le problème adjoint (II.17), on obtient

‖eh‖2L2 = a(eh, ϕeh).

Mais, d’après la propriété de a-orthogonalité de l’erreur eh au sous-espace Vh, on en déduit

‖eh‖2L2 = a(eh, ϕeh− I1

hϕeh) ≤ ‖a‖‖eh‖V ‖ϕeh

− I1hϕeh

‖H1 ≤ Ch‖eh‖V ‖ϕeh‖H2 ≤ Ch‖eh‖V ‖eh‖L2 .

D’où le résultat.En réalité, ce résultat est assez général et n’est pas spécifique à l’approximation P1, ni au problème considéré.

Quelques mots sur les systèmes linéaires sous-jacents Pour approcher le problème précédent, nous avonsN degrés de liberté (car on est dans H1

0 et donc les deux noeuds du bord ne sont pas des degrés de liberté),correspondant aux coordonnées de la solution uh dans la base (ϕi)1≤i≤N de Vh,0.

D’un point de vue pratique, on va chercher uh sous la forme

uh =N∑

j=1

ujϕj .

Tout revient donc à chercher un vecteur U = (uj)1≤j≤N ∈ RN tel que uh définie ci-dessus vérifie le systèmediscret. Comme on connait une base de Vh,0, il est clair que le système discret est équivalent à

∀i ∈ 1, · · · , N, a(uh, ϕi) = L(ϕi),

ou encore, par bilinéarité de a :

∀i ∈ 1, · · · , N,N∑

j=1

uja(ϕj , ϕi) = L(ϕi).

Ces équations forment donc un système linéaire de la forme AU = F , avec

A = (a(ϕj , ϕi))1≤i,j≤N , F = (L(ϕi))1≤i≤N .

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42 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Revenons à l’exemple considéré plus haut : les coefficients de la matrice A sont donnés par

ai,j =∫

Ω

k(x)ϕ′i(x)ϕ′j(x) dx

︸ ︷︷ ︸=ki,j

+α∫

Ω

ϕiϕj dx

︸ ︷︷ ︸=mi,j

.

Traditionnellement on découpe ces coefficients en deux parties ki,j et mi,j comme présenté ci-dessus, de sorte quela matrice A s’écrit

A = K + αM.

La matrice K s’appelle la matrice de rigidité du système et la matrice M s’appelle la matrice de masse. Dansle cadre de l’élément fini P1, on voit que les intégrales qui interviennent dans ki,j et mi,j sont nulles dès que|i− j| > 1 car les supports de ϕi et ϕj sont alors disjoints. C’est un point crucial de la méthode des éléments finis !

Il reste donc à calculer

ki,i =1

h2i−1

∫ xi

xi−1

k(x) dx+1h2

i

∫ xi+1

xi

k(x) dx, et mi,i =∫ xi

xi−1

ϕi(x)2 dx =hi−1 + hi

3.

ki,i+1 =−1h2

i

∫ xi+1

xi

k(x) dx, et mi,i+1 =∫ xi+1

xi

ϕi(x)ϕi+1(x) dx =hi

6,

ki,i−1 =−1h2

i−1

∫ xi

xi−1

k(x) dx, et mi,i−1 =∫ xi

xi−1

ϕi−1(x)ϕi(x) dx =hi−1

6,

avec les adaptations immédiates pour les cas i = 1 et i = N .

Proposition II.14La matrice A ainsi construite est tridiagonale, symétrique et définie positive. De plus, elle vérifie leprincipe du maximum discret

A−1 ≥ 0.

Preuve :La première partie du résultat est évidente car il s’agit de la matrice de Gram d’une famille libre de V pour un

certain produit scalaire. Pour montrer le principe du maximum discret, on vérifie que A est une M-matrice.Remarquons que pour calculer effectivement cette matrice, il est nécessaire de calculer, a priori de façon exacte,

des intégrales qui font intervenir les coefficients du problème. En pratique, dans les cas complexes, on remplaceces calculs exacts par des calculs approchés d’intégrales par formules de quadrature. Ceci implique en particulierque le problème discret effectivement résolu n’est pas exactement celui analysé précédemment. Pour être certainde ne pas perdre de précision à ce stade, il est nécessaire de faire une analyse de l’erreur induite par ces formulesde quadrature. Nous en reparlerons dans la suite.

• Si le second membre est de la forme L(v) =∫Ωfv dx, alors le vecteur F est donné par les intégrales∫ xi+1

xi−1fϕi dx qu’il convient aussi de calculer de façon exacte ou approchée. Dans ce dernier cas, il faut en tenir

compte dans l’analyse d’erreur.• Si a(u, v) =

∫Ωu′v′ dx +

∫Ωu′v dx, alors la forme a n’est plus symétrique, la matrice A n’est alors plus

symétrique non plus. Elle n’en demeure pas moins inversible car a est tout de même coercive sur V .

2.1.3 L’élément fini P2

Supposons que la solution u du problème que l’on cherche à calculer soit beaucoup plus régulière (u ∈ C∞par exemple). Alors, la méthode précédente, ne permet pas d’obtenir une meilleure précision. La raison en est quel’opérateur d’interpolation naturellement associé à l’espace d’approximation introduit n’est pas plus précis quandon augmente la régularité de la fonction interpolée.

Pour profiter de la régularité de la solution et gagner en précision (sans changer le maillage de départ), alors ilfaut changer l’espace d’approximation. Dans le paragraphe précédent nous avons considéré un espace de fonctionsaffines par morceaux, nous allons maintenant considérer un espace de fonctions quadratiques par morceaux.

On repart du maillage précédent et on introduit les centres des cellules xi+1/2 = xi+xi+12 pour i = 0, . . . , N

et on forme l’espace suivantVh = u ∈ V, ∀i, u|Ki

∈ P2,

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2. Exemples d’espaces éléments finis 43

où P2 désigne l’ensemble des polynômes de degré inférieur ou égal à 2.

Lemme II.15L’espace Vh peut aussi se définir par

Vh = u ∈ C0(Ω), ∀i, u|Ki∈ P2.

De plus, l’application

Φ : u ∈ Vh 7→ (u(x0), u(x1/2), u(x1), u(x3/2), ..., u(xN+1/2), u(xN )) ∈ R2N+3,

est un isomorphisme. En particulier dim(Vh) = 2N + 3.

Preuve :Le premier résultat est exactement identique au précédent. L’injectivité de Φ est due au fait qu’un polynôme

de degré inférieur ou égal à 2 ayant 3 racines est nécessairement nul. La surjectivité de Φ provient de l’existencedu polynôme d’interpolation de Lagrange sur chacun des Ki.

Bien que nous ayons augmenté le degré des polynômes en question, nous n’avons pas construit un espaced’approximation conforme H2, pour cela, il aurait fallu imposer la continuité des dérivées aux interfaces, ce quin’est pas le cas ici. Chacune des fonctions coordonées de Φ est une forme linéaire sur Vh qu’on appelle degré deliberté. Elles sont toutes de la forme “évaluation de u en un point”, c’est donc qu’on a affaire à un élément fini deLagrange. Les noeuds de cet élément sont exactement les points x0, . . . , xN+1 et les points x1/2, . . . , xN+1/2. Onvoit donc ici que la notion de “noeud” et celle de sommets du maillage sont bien distinctes.

Les fonctions de forme associées sont les (ϕi)i et les (ϕi+1/2) définis par les relations

ϕi(xj) = δij , ∀j ∈ 0, . . . , N + 1, ϕi(xj+1/2) = 0,∀j ∈ 0, . . . , N,ϕi+1/2(xj) = 0, ∀j ∈ 0, . . . , N + 1, ϕi+1/2(xj+1/2) = δij , ∀j ∈ 0, . . . , N.

Quelques remarques s’imposent :

• Le support de ϕi est égal à la réunion de Ki−1 et Ki.

• Le support de ϕi+1/2 est exactement la cellule Ki.

On peut maintenant introduire l’opérateur d’interpolation associé à cet élément fini.

Définition II.16

On appelle opérateur d’interpolation de V dans Vh, l’opérateur I2h défini par

I2hu(x) =

N+1∑

i=0

u(xi)ϕi(x) +N∑

i=0

u(xi+1/2)ϕi+1/2(x).

On remarque que si u ∈ H10 (Ω), alors I2

hu ∈ H10 (Ω) de sorte que l’esapce Vh ∩ H1

0 (Ω) muni du mêmeopérateur d’interpolation est un espace d’approximation conforme de H1

0 (Ω).Comme précédemment, on constate que I2

h est un projecteur continu de H1(Ω) dans lui-même et on peutmontrer les propriétés d’interpolation suivantes.

Théorème II.17

Il existe C > 0 telle que pour tout m ∈ 0, 1, 2,

∀u ∈ Hm+1(Ω), ‖I2hu− u‖L2 + h|I2

hu− u|H1 ≤ Chm+1|u|Hm+1 .

Remarquons que pour les fonction u ∈ H2(Ω), le résultat d’interpolation n’améliore pas celui obtenu pourl’élément fini P1. L’utilisation d’un tel élément n’a donc d’intérêt que si la solution que l’on cherche à approcherest au moins dans H3(Ω).

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44 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Preuve :On peut faire la démonstration de ce théorème à la main comme on l’a faite pour l’élément P1, mais cela

devient plus pénible à écrire. On peut toutefois utiliser la technique de changement de variable et donc ramenertoute l’étude des propriétés d’interpolation au segment de référence [0, 1].

On va voir dans la suite que ce type de résultat peut se démontrer de façon essentiellement automatique sansgrand effort.

2.1.4 Approximation P2 d’un problème elliptique en dimension 1

On considère l’espace d’approximation P2 noté Vh construit plus haut et sa version Vh,0 = Vh ∩H10 (Ω). On

obtient la convergence dans le cas général car d(u, Vh,0) → 0 quand h→ 0 pour tout u ∈ V .

Théorème II.18

On suppose que la solution u ∈ V du problème initial satisfait u ∈ H3(Ω), alors on a les estimationsd’erreur

‖u− uh‖H1 ≤ Ch2|u|H3 ,

‖u− uh‖L2 ≤ Ch3|u|H3 .

Preuve :La première propriété se déduit immédiatement de l’analyse générale effectuée plus haut et la seconde s’obtient

par l’astuce d’Aubin-Nitsche.

2.1.5 Quelques mots sur les systèmes linéaires sous-jacents

En pratique, il faut numéroter les inconnues d’une façon “continue” entre 1 et 2N+1 (on rappelle que les deuxdegrés de liberté en x0 et xN+1 ne sont pas présents à cause des conditions aux limites).

Pour cela, tout k ∈ 1, · · · , 2N+1 s’écrit k = 2i+p avec i ∈ 0, · · · , N et p ∈ 0, 1, on notera k = (i, p).Dans ces conditions on peut numéroter les inconnues et les fonctions de base comme suit

ψk = ψ(i,p) =

ϕi, si p = 0,ϕi+1/2, si p = 1.

De même on notera par la même convention les inconnues uk de la solution uh dans la base ψk.Si on reprend le premier exemple traité par éléments finis P1, la matrice A du nouveau système s’écrit comme

précédemment A = (ak,l)kl avec

akl =∫

Ω

ψ′kψ′l dx.

Considérons les différents cas :

• Si k = (i, 0), le support de ψk est l’union des mailles Ki−1 et Ki, les seuls coefficients l pour lesquels ak,l

est (éventuellement) non nul sont :

– Si l = k = (i, 0), on obtient ak,k =∫ xi+1

xi−1k(x)(ϕ′i)

2 dx.

– Si l = k + 1 = (i, 1), on obtient ak,k+1 =∫ xi+1

xik(x)ϕ′iϕ

′i+1/2 dx.

– Si l = k + 2 = (i+ 1, 0), on obtient ak,k+2 =∫ xi+1

xik(x)ϕ′iϕ

′i+1 dx.

– Si l = k − 1 ou l = k − 2, on a des formules symétriques.

• Si k = (i, 1), le support de ψk est la mailleKi, les seuls coefficients l pour lesquels ak,l est (éventuellement)non nul sont :

– Si l = k = (i, 1), on obtient ak,k =∫ xi+1

xik(x)(ϕ′i+1/2)

2 dx.

– Si l = k + 1 = (i+ 1, 0), on obtient ak,k+1 =∫ xi+1

xik(x)(ϕ′i+1/2)(ϕi+1)′ dx.

– Si l = k − 1 = (i, 0), on obtient ak,k−1 =∫ xi+1

xik(x)(ϕ′i+1/2)(ϕi)′ dx.

Ainsi, la matriceA est pentadiagonale, elle est donc potentiellement plus complexe à résoudre que la matrice ducas P1. Elle est toujours symétrique définie positive, mais ce n’est plus une M-matrice et le principe du maximumdiscret n’est vraissemblablement plus vérifié.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 45

FIGURE II.1 – Un exemple de maillage non géométriquement conforme

2.2 Quelques notions en dimension supérieure

2.2.1 Maillages

On suppose dans toute la suite que Ω est un domaine borné, connexe et polygonal (ou polyhédral en 3D ...). Sil’ouvert a un bord courbe il faut bien sûr en tenir compte dans la mise en place des schémas et dans l’analyse deceux-ci. Il y a essentiellement deux façons de s’y prendre : ou bien définir des éléments courbes ou bien approcherle domain original par un domaine polygonal.

Proposition II.19

Soit T un maillage polygonal de Ω, c’est-à-dire un ensemble de cellules polygonales (K)K∈T tel que

Ω =⋃

K∈TK,

K ∩

L = ∅ si K 6= L.

Soit m ≥ 1 un entier et u une fonction définie sur Ω. Les deux propriétés suivantes sont équivalentes :

1. u est dans Hm(Ω).

2. Pour tout K ∈ T , u|K ∈ Hm(K) et pour tout K 6= L tels que K ∩ L soit de co-dimension 1alors la trace de ∂αu|K et celle de ∂αu|L coïncident sur ∂K ∩ ∂L, pour tout |α| ≤ m− 1.

Dans le cas où ces propriétés sont vérifiées, on a pour tout |α| ≤ m :

‖∂αu‖2L2(Ω) =∑

K∈T‖∂αu‖2L2(K).

Ce résultat permet de comprendre comment on peut construire des espaces éléments finis conformes dans Hm

en dimension supérieure à 1. On prendra des fonctions régulières par morceaux tout en assurant la nullité du saut(on dit dès fois à tort : “la continuité”) de u sur les interfaces du maillage.

On comprend alors comment intervient la notion de conformité géométrique des maillages. En effet, dans lasituation de la Figure II.1, on voit que le noeud atypique au milieu de la figure ne peut pas être un noeud associéà un degré de liberté de l’espace d’approximation. Supposons en effet que l’on considère une approximation P1

par morceaux, alors la valeur de la solution approchée en ce noeud particulier est liée aux valeurs au sommet desinconnues du grand triangle.

On va dorénavant considérer un maillage de Ω constitué de simplexes (on parle de façon un peu abusive de :triangulation de Ω). Les simplexes sont les enveloppes convexes de d+ 1 points non contenus dans un hyperplan.C’est en fait un mot savant pour parler de triangles en dimension 2 et de tétraèdres en dimension 3. Pour l’instanton ne fait aucune hypothèse sur le maillage.

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46 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

2.2.2 Elément fini simplicial de référence. Elément de Lagrange simplicial Pk

Comme on l’a vu précédemment, afin de construire l’espace d’approximation et d’analyser l’opérateur d’inter-polation associé, on est amené à se baser sur un élément particulier que l’on appelle élément de référence. Toutesles quantités géométriques du maillage et de l’espace d’approximation vont être définies à partir de cet objet.

On note donc K le simplexe unité (engendré par les éléments de la base affine canonique de Rd) qui servira deréférence pour toute la construction. Par définition on a

K = x ∈ Rd, ∀i, xi ≥ 0,∑

i

xi ≤ 1.

Proposition II.20

Tout simplexe K = conv(a0, · · · , ad) du maillage est l’image de K par une transformation affineT : K 7→ K de la forme

T (x) = a0 +BK x,

où la i-ième colonne de BK contient les coordonées de ai − a0 dans la base canonique de Rd.On a les propriétés suivantes de la matrice BK :

1. | det(BK)| = d!|K|.

2. ‖BK‖2 ≤ hKρK

.

3. ‖B−1K ‖2 ≤

hK

ρK.

Dans ces formules hK et hK désignent les diamètres de K et K et ρK et ρK les “rondeurs” de K etK, c’est-à-dire le diamètre de la plus grande boule inscrite dans K et K respectivement.

Preuve :La démonstration de la première propriété est élémentaire.Démontrons seulement les estimations sur BK . Pour la première propriété, on utilise le théorème de change-

ment de variable :|K| =

K

1 dx =∫

K

1| detBK | dx = | detBK ||K|,

or le volume du simplexe de référence est donné par |K| = 1d! .

Par définition de la norme ‖ · ‖2, on a

‖BK‖2 = sup‖x‖=ρ

K

‖BK x‖ρK

.

Ce supremum étant atteint (en dimension finie !), il existe a, b ∈ K tel que ‖a− b‖ = ρK . On a alors

‖BK(a− b)‖ = ‖Ta− Tb‖ ≤ hK ,

d’où le résultat. L’autre inégalité se démontre en échangeant les rôles de K et K.Dans ce résultat il faut comprendre que hK et ρK ne dépendent que de la dimension (ce sont des constantes).

Théorème II.21

Soit v : K 7→ R une fonction définie sur K. On a v ∈ Hm(K) si et seulement si v = v T ∈ Hm(K).De plus, pour tout 0 ≤ k ≤ m, on a

|v|Hk(K) ≤ C|K| 12ρk

K

|v|Hk(K),

|v|Hk(K) ≤ Chk

K

|K| 12 |v|Hk(K).

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2. Exemples d’espaces éléments finis 47

Preuve :

Effectuons la démonstration pour m = 1. Le cas général se démontre de la même façon par un calcul à peineplus compliqué.

Dans le cas k = 0, il s’agit d’estimer la norme L2. On utilise la formule de changemen de variable

‖v‖2L2(K) =∫

K

|v(x)|2 dx =∫

K

|v(x)|2|detBK |dx = |K|‖v‖2L2(K)

,

ce qui donne le résultat.

Dans le cas k = 1, on a

∇v = BtK(∇v) T = Bt

K∇v,

d’où avec le calcul précédent

‖∇v‖2L2(K)

≤ h2K

ρ2K

‖∇v‖2L2(K)

=h2

K

ρ2K|K| ‖∇v‖

2L2(K).

Cela donne le second résultat. L’autre inégalité s’obtient en inversant les rôles de K et K.

Proposition et Définition II.22 (Elément fini simplicial de Lagrange Pk)

On considère l’ensemble Σ ⊂ K des points définis de la façon suivante(i1k, · · · , id

k

), ∀(i1, · · · , id) ∈ Nd, i1 + · · ·+ id ≤ k.

Le cardinal de cet ensemble est donné par |Σ| = Ckd+k = (k+d)!

d!k! . On note (aj)1≤j≤|Σ| les éléments decet ensemble.Alors l’application p ∈ Pk 7→ (p(aj))1≤j≤|Σ| ∈ R|Σ| est un isomorphisme, en particulier Pk et Σ ontle même cardinal.

• Le triplet (K,Pk,Σ) est appelé : élément fini simplicial de Lagrange Pk.

• L’ensemble des points (aj)j est l’ensemble des noeuds de cet élément fini et la forme linéaire quià toute fonction continue v associe v(aj) est appelée le degré de liberté associé au noeud aj .

• Pour tout 1 ≤ i ≤ |Σ|, il existe une unique fonction θi ∈ Pk telle que

θi(aj) = δij , ∀1 ≤ j ≤ |Σ|.

Ces fonctions sont appelées : fonctions de forme locales

Exemple II.23

• L’élément fini P1 : les noeuds sont exactement les sommets de K.

• L’élément fini P2 : les noeuds sont les sommets de K et les milieux des arêtes.

• L’élément fini P3 en 2D : les noeuds sont : les sommets, le centre de gravité et les points aux 1/3et 2/3 de chaque arête du triangle.

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48 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Définition II.24 (Maillage simplicial géométriquement conforme)Soit T un maillage de Ω formé de cellules K simpliciales. On dit que le maillage est géométriquementconforme si et seulement si pour tout couple (K,L) de cellules distinctes, l’intersection F = K ∩ Lvérifie l’une des propriétés suivantes :

• ou bien F est de dimension inférieure ou égale à d− 2 (en particulier F peut être vide).

• ou bien F est à la fois une face de K et une face de L.

Proposition et Définition II.25 (Espace d’approximation Pk associé à un maillage simplicial)Soit T un maillage simplicial géométriquement conforme du domaine Ω.

• On note Σh =⋃

K TK(Σ) l’ensemble des noeuds de la discrétisation.

• On appelle espace d’approximation Pk sur le maillage T , l’espace

Vh = v ∈ C0(Ω), ∀K ∈ T , v|K ∈ Pk.

• Pour tout a ∈ Σh, il existe une unique fonction dans Vh, notée ϕa telle que

ϕa(a) = 1, ϕa(b) = 0, ∀b ∈ Σh \ a.

Ces fonctions s’appellent les fonctions de forme globales de l’espace d’approximation. Ellesforment une base de Vh.

• Pour tout a ∈ Σh, l’application v ∈ C0(Ω) 7→ v(a) est une forme linéaire continue appelée :degré de liberté associé au noeud a.

Proposition et Définition II.26L’espace Vh vérifie

Vh = v ∈ H1(Ω), ∀K ∈ T , v|K ∈ Pk.De plus, pour tout a ∈ Σh et tout K ∈ T , tel que a ∈ K, il existe un unique indice J(a,K) ∈1, · · · , |Σ| tel que a = TK(aJ(a,K)). On a alors :

(ϕa)|K TK = θJ(a,K).

On dira alors que K ∈ Suppϕa.Pour les cellules K qui ne contiennent pas a, on a (ϕa)|K = 0 et on dira que K 6∈ Suppϕa.

Preuve :

• Le point délicat dans la première partie du résultat concerne l’existence de J(a,K). L’unicité est triviale cartous les noeuds locaux sont distincts et TK est bijectif.

D’où vient alors la difficulté ? Si a ∈ Σh, c’est qu’a priori il existe un élément L ∈ T tel que a ∈ TL(Σ). Simaintenant K ∈ T est un autre élément contenant a, il faut vérifier que a est aussi un élément de TK(Σ).

Regardons seulement la démonstration en dimensions 2 et 3 et remarquons que le seul cas intéressant estcelui où a ∈ ∂L.

Soit alors F = K ∩L. Par hypothèse de conformité géométrique du maillage, F est soit un sommet de K etL, soit une arête commune soit une face commune à K et L.

On note alors FK = T−1K (F ) et FL = T−1

L (F ), de sorte que FK et FL sont ou bien des sommets, ou biendes arêtes ou bien des faces de l’élément de référence K.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 49

Or, on peut constater (et c’est une propriété importante de l’élément de Lagrange simplicial Pk), que laconfiguration géométrique des noeuds sur les sommets, arêtes et faces de l’élément ne dépendent pas dusommet, de l’arête ou de la face considérée. Cela signifie qu’il existe une bijection ΦL,K affine de FL surFK qui envoie les noeuds de FL ∩ Σ exactement sur les noeuds de FK ∩ Σ.

On voit qu’en fait, on peut changer ΦLK , en composant par une bijection affine qui laisse FK invariante,pour faire en sorte que TK ΦLK T−1

L soit exactement l’identité sur F , ce qui montre le résultat.

• Définissons ϕa par les formules données dans l’énoncé et vérifions que c’est bien la fonction de forme quel’on cherche. Tout d’abord, on constate que comme TK est affine (son inverse aussi), on a bien (ϕa)|K ∈ Pk

pour toute cellule K ∈ T .

Soient maintenant K et L deux éléments qui partagent une face F en commun. On a alors que (ϕa)|K∩F estun élément de Pk sur la face F en coordonnées barycentriques qui est nul sur tous les sommets de F ∩ Σh

sauf éventuellement en a (si a ∈ F ). De même (ϕa)|L∩F vérifie les mêmes propriétés. Or, il existe un uniqueélément de Pk sur F qui prend ces valeurs sur les noeuds (on considère F comme un élément fini simplicialde Lagrange en dimension d− 1 !). On en déduit donc que

(ϕa)|K∩F = (ϕa)|L∩F ,

et donc que ϕa est une fonction continue et même un élément de H1(Ω).

Soit maintenant b ∈ Σh un autre noeud de la discrétisation (a 6= b). S’il existe K 6= L tels que a ∈ K etb ∈ L, alors par définition (ϕa)|L = 0 et donc ϕa(b) = 0.

Si a et b appartiennent au même élément K, alors il existe J ′ 6= J(a,K) tel que b = TK(aJ′) et doncϕa(b) = θJ(a,K)(aJ′) = 0, par définition des fonctions de forme locale.

La conséquence de ce résultat, c’est que toutes les quantités importantes que l’on doit calculer pour mettre enplace la méthode des éléments finis sont issues d’informations locales sur l’élément de référence.

2.2.3 Opérateur d’interpolation local. Opérateur d’interpolation global

Définition II.27 (Opérateur d’interpolation local)

On appelle opérateur d’interpolation local, l’opérateur qui à toute fonction v continue sur K associeIk

0 v définie par

Ik0 v(x) =

|Σ|∑

i=1

v(ai)θi(x).

C’est donc aussi l’unique polynôme de Pk qui coïncide avec v sur les noeuds de l’élément de référence.

Définition II.28 (Opérateur d’interpolation global)

On appelle opérateur d’interpolation global, l’opérateur qui à toute fonction v continue sur Ω associeIk

hv définie parIk

hv(x) =∑

a∈Σh

v(a)ϕa(x).

C’est donc aussi l’unique fonction de Vh qui coïncide avec v sur les noeuds de la discrétisation.

Ces deux opérateurs sont liés par la formule suivante

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50 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Lemme II.29

• Pour tout K ∈ T , on a(Ik

hv)|K TK = Ik0 (v TK).

• Si v est une fonction continue, nulle sur le bord de Ω. Alors I1hv est également nulle sur le

bord de Ω. En particulier, I1h est aussi un opérateur d’interpolation que l’on peut utiliser dans

Vh,0 = Vh ∩H10 (Ω).

Preuve :

• Il suffit de constater que (Ikhv)|K TK et Ik

0 (vTK) sont deux éléments de Pk dont les valeurs coïncident surtous les noeuds de l’élément de référence. Par unicité du polynôme d’interpolation de Lagrange, la propriétéest démontrée.

• On a déjà vu plus haut que la restriction de Ikhv à une face du maillage ne dépend que des degrés de liberté

associés aux noeuds sur la face F . Donc si les valeurs de ces degrés de liberté sont nulles, alors la restrictionde Ik

hv sur la face F est identiquement nulle. Le résultat demandé est donc établi en prenant une face Fincluse dans ∂Ω.

Ces opérateurs ont pour “défaut” de n’être définis que pour des fonctions continues. Or, il se trouve que lesfonctions de H1(Ω) ne sont pas continues en dimension d ≥ 2. En revanche, en dimensions d = 2 et d = 3,l’espace H2(Ω) s’injecte bien dans l’espace des fonctions continues et donc on peut utiliser cet opérateur.

2.2.4 Analyse de l’erreur d’interpolation

Commençons par deux outils généraux.

Théorème II.30 (Lemme de Deny-Lions)

Soit U un ouvert borné lipschtizien de Rd et k ∈ N. On note Pk l’ensemble des polynômes de degréinférieur ou égal à k sur U .Il existe une constante C > 0 telle que

∀u ∈ Hk+1(Ω), infπ∈Pk

‖u− π‖Hk+1(U) ≤ C|u|Hk+1(U).

Preuve :Pour tout multi-indice α ∈ Nd tel que |α| ≤ k, on note fα la forme linéaire définie sur Hk+1(Ω) par

fα(v) =∫

U

∂αv dx.

L’ensemble de tels multi-indices a exactement la dimension de Pk (il y en a autant que de monomes distincts danscet espace).

• On constate tout d’abord que l’application linéaire

π ∈ Pk 7→ (fα(π))|α|≤k ∈ R(dim Pk), (II.18)

est bijective. En effet, pour des raisons de dimension, il suffit de montrer l’injectivité de cette application. Sion suppose qu’un polynôme non nul π ∈ Pk annulle cette application, on peut trouver un monôme non nuld’incide maximal α dans π, mais alors on voit que ∂απ est une constante non nulle dont l’intégrale ne peutpas s’annuler.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 51

• On montre maintenant qu’il existe C > 0 telle que

∀u ∈ Hk+1(U), ‖u‖Hk+1 ≤ C

|u|Hk+1 +

|α|≤k

|fα(u)| . (II.19)

Supposons que cette propriété soit fausse, il existe alors une suite (un)n d’éléments de Hk+1(U) telle que

‖un‖Hk+1(U) = 1, (II.20)

|un|Hk+1 +∑

|α|≤k

|fα(un)| ≤ 1n. (II.21)

D’après ces inégalités, on peut extraire une sous-suite (uϕ(n))n qui converge faiblement dans Hk+1 versune fonction u. De plus, par compacité, la convergence de uϕ(n) vers u est forte dans Hk(U).

D’après (II.21), toutes les dérivées d’ordre exactement k+1 de (uϕ(n))n tendent vers 0. Ceci prouve que lesdérivées partielles d’ordre exactement k+ 1 de u sont nulles et donc u ∈ Pk. De plus, en passant égalementà la limite dans les fα(uϕ(n)), on obtient que fα(u) = 0 pour tout |α| ≤ k. D’après le premier point, ceciprouve que u = 0.

Si on reprend maintenant (II.20), on trouve que ‖uϕ(n)‖Hk → 1 et par convergence forte on en déduit que‖u‖Hk = 1, ce qui contredit le fait que u soit nulle.

• Soit maintenant u ∈ Hk+1(U) quelconque. Par surjectivité de l’application (II.18), il existe un polynômeπ ∈ Pk tel que pour tout |α| ≤ k, on a fα(u− π) = 0.

On en déduit alors

infπ∈Pk

‖u−π‖Hk+1 ≤ ‖u−π‖Hk+1 ≤ C

|u− π|Hk+1 +

|α|≤k

| fα(u− π)︸ ︷︷ ︸=0

| ≤ C|u−π|Hk+1 = C|u|Hk+1 .

Théorème II.31 (Lemme de Bramble-Hilbert)

Soit U un ouvert borné lipschtizien de Rd, k ∈ N et Φ un opérateur linéaire continu de Hk+1(U) dansun espace de Banach E. Si Φ s’annulle sur Pk, alors il existe C > 0 telle que

∀u ∈ Hk+1(U), ‖Φu‖E ≤ C|u|Hk+1(U).

Preuve :Pour tout u ∈ Hk+1(U) et tout π ∈ Pk nous avons

‖Φu‖E = ‖Φ(u− π)‖E ≤ ‖Φ‖‖u− π‖Hk+1(U).

En prenant l’infimum sur π et en utilisant le lemme de Deny-Lions, il vient

‖Φu‖E ≤ C|u|Hk+1(U).

On peut déduire de ces résultats généraux, le résultat d’interpolation suivant :

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52 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Théorème II.32 (Propriété de l’opérateur d’interpolation)

Sous les hypothèses précédentes, on se donne un entier 0 ≤ m ≤ k et on suppose que m+ 1 > d/2, desorte que Hm+1(Ω) ⊂ C0(Ω).Pour p ∈ 0, 1, il existe C > 0 telle que

∀K ∈ T ,∀v ∈ Hm+1(K), |v − Ikhv|Hp(K) ≤ C

hm+1K

ρpK

|v|Hm+1(K). (II.22)

Ainsi, on a l’estimation globale

∀v ∈ Hm+1(Ω), |v − Ikhv|Hp(Ω) ≤ Cσp

T hm+1−pK |v|Hm+1(Ω), (II.23)

oùσT = sup

K∈T

hK

ρK.

Définition II.33

On dit qu’une famille (Th)h de maillages de Ω est régulière si et seulement si il existe une constanteC > 0 telle que

σTh≤ C, ∀h > 0.

On remarque que cette propriété est équivalente à demander que toutes les cellules aient un volume d’ordrehd

K :∃C > 0, ∀h > 0, ∀K ∈ Th, |K| ≥ Chd

K .

Grâce à cette définition, on constate que l’estimation d’interpolation globale (II.23) fournit l’estimation de l’erreurd’approximation optimale attendue pour l’espace d’approximation Vh construit sur une triangulation régulière. Onen déduit donc le résultat d’estimation d’erreur suivant :

Théorème II.34 (Estimation d’erreur pour l’approximation Pk d’un problème elliptique)

Soit a une forme bilinéaire continue et coercive sur H10 (Ω) et L une forme linéaire continue sur H1

0 (Ω).Soit (Th)h une famille régulière de maillages simpliciaux de Ω et (Vh)h les espaces d’approximationLagrange Pk construits sur ces maillages et Vh,0 = Vh ∩ H1

0 (Ω) leurs pendants dans H10 (Ω). On

suppose que la solution u ∈ H10 (Ω) du problème elliptique suivant

a(u, v) = L(v), ∀v ∈ H10 (Ω),

est dans Hm+1(Ω), pour un certain m ≤ k. On note uh la solution du problème approché construit surl’espace Vh,0. Il existe une constante C > 0 qui dépend de Ω, de a, de suph(σTh

) telle que

‖u− uh‖H1 ≤ Chm+1|u|Hm+1(Ω).

Si de plus, le problème adjoint admet une propriété de régularité elliptique, alors on a l’estimation ennorme L2 :

‖u− uh‖L2 ≤ Chm+2|u|Hm+1(Ω).

Preuve :Ce théorème se déduit immédiatement de l’étude générale donnée au début du chapitre et des propriétés de

l’opérateur d’interpolation Ikh obtenues plus haut, au moins dans le cas où m+ 1 ≥ d/2. Dans le cas contraire, il

faut construire un autre opérateur d’interpolation. On le verra par la suite.Pour le second point, il suffit d’appliquer la technique d’Aubin-Nitsche.Démontrons maintenant les propriétés de Ik

h .Preuve (du Théorème II.32):

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2. Exemples d’espaces éléments finis 53

• L’estimation globale (II.23) se déduit immédiatement des estimations locales, d’après la proposition II.19.C’est ici qu’intervient la restriction p ∈ 0, 1 car les fonctions de Vh ne sont pas dans Hp(Ω) pour p ≥ 2.En revanche, l’estimation locale est vraie pour tout p ≤ m+ 1.

• Démontrons donc l’estimation locale pour p ≤ m + 1. Commençons par utiliser le lemme de Bramble-Hilbert (Théorème II.31). Comme l’opérateur d’interpolation local Ik

0 laisse invariant les éléments de Pk,on en déduit que l’application Φ : v ∈ Hm+1(K) 7→ v − Ik

0 v ∈ Hp(K) s’annulle sur Pk. De plus, c’estun opérateur linéaire et continu (car Hm+1(K) s’injecte continûment dans C0(K)). D’après le lemme deBramble-Hilbert, il existe C > 0 telle que

∀v ∈ Hm+1(K), ‖v − Ik0 v‖Hp(K) ≤ C|v|Hm+1(K).

On utilise maintenant le Théorème de changement de variable II.21. Soit v ∈ Hm+1(K). On pose v = vTK

et on a alors

|v − Ikhv|Hp(K) ≤ C

|K| 12ρp

K

|v TK − Ikhv TK |Hp(K)

= C|K| 12ρp

K

|v − Ik0 v|Hp(K)

≤ C ′|K| 12ρp

K

|v|Hm+1(K)

≤ C ′′hm+1

K

ρpK

|v|Hm+1(K).

Ceci donne exactement le résultat escompté.

2.2.5 Compléments : inégalités de Sobolev inverses

Proposition II.35 (Inégalité de Sobolev inverse locale)Soit 0 ≤ l ≤ m. Il existe une constante C > 0 telle que

∀v ∈ Vh,∀K ∈ T , |v|Hm(K) ≤ C1

ρm−lK

|v|Hl(K).

Preuve :Quitte à appliquer le résultat aux dérivées partielles de vh, il suffit de montrer le résultat pour l = 0. On prend

maintenant v = v TK ∈ H l(K). Dans Pk (qui est de dimension finie), toutes les normes sont équivalentes, enparticulier il existe C > 0 tel que

|v|Hm(K) ≤ C‖v‖L2(K), ∀v ∈ Pk.

Ainsi, on a

|v TK |Hm(K) ≤ C‖v TK‖L2(K),

et donc en utilisant les inégalités du théorème II.21, on trouve

|v|Hm(K) ≤C

ρmK

|v|L2(K).

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54 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Théorème II.36 (Inégalité de Sobolev inverse globale)

Soit 0 ≤ l ≤ m. Il existe Cσ > 0 dépendant de σ = supKhKρK

telle que

∀v ∈ Vh, ∀K ∈ T ,∑

K

((hm−l

K |v|Hm(K)

)2 ≤ Cσ

K

|v|2Hl(K).

Si de plus, on suppose que m ≤ 1 et que l’on introduit la constante d’uniformité du maillage

τ = supK

h

hK,

alors il existe Cσ,τ > 0 telle que

∀v ∈ Vh, ‖vh‖Hm(Ω) ≤ Cσ,τhl−m‖vh‖Hl(Ω).

Preuve :Il suffit de voir que dans ce cas, les semi-normes brisées se recollent bien en des normes sur tout Ω.On dira d’une famille de triangulations Tn qu’elle est régulière et quasi-uniforme si les constantes σn et τn

associées à chacun des maillages restent bornées quand n tend vers l’infini. Dans ces conditions, on dispose del’inégalité de Sobolev inverse

∀vh ∈ Vh, ‖vh‖H1(Ω) ≤C

h‖vh‖L2(Ω).

2.2.6 Autre opérateur d’interpolation

L’opérateur d’interpolation de Lagrange Ikh étudié précédemment est assez pratique car facile à construire et à

étudier. De plus, il respecte les conditions aux limites de Dirichlet homogène et l’estimation de l’erreur d’interpo-lation est purement locale. On a vu qu’on ne pouvait le définir que pour des fonctions de Hm+1(Ω) car on a besoinde la continuité de ces fonctions pour bien faire.

En réalité, on peut construire d’autre opérateurs “d’interpolation” qui passent outre ces difficultés. Nous allonsen donner un exemple ici.

Soit T un maillage simplicial de Ω. A tout noeud a ∈ Σh, on associe un simplexe de dimension d ou d − 1,noté Ka défini par

• Si a est à l’intérieur d’une cellule K, i.e. a ∈K, on pose Ka = K.

• Si a est sur le bord d’une cellule K, on pose Ka = F ou F est une face du maillage qui contient a.

Si a est à l’intérieur d’une face, alors dans le second cas, on a unicité du choix de Ka, c’est l’unique face à laquellea appartient.

En revanche, si a est un sommet du maillage (par exemple) ou s’il appartient à une arête en dimension 3, alorsil y a plusieurs choix possibles pour Ka. Si a ∈ ∂Ω, on choisit Ka de telle sorte que Ka ⊂ ∂Ω, ce qui est toujourspossible. On fait ce choix une bonne fois pour toute pour chaque noeud a de la discrétisation.

On introduit ensuite Pa = (ϕb)|Ka, ∀b ∈ Σh \ 0, l’ensemble des traces (non nulles) des fonctions de basesur Ka. On note cet ensemble

Pa = ϕai , i = 1, · · · , na,

qui est une famille libre, en supposant par convention que ϕa1 est l’unique fonction de cet ensemble qui vaut 1 au

point a, c’est-à-dire la restriction à Ka de la fonction de forme ϕa. Enfin, on notera

Qa = ψai , i = 1, · · · , na,

la base L2(Ka)-orthogonale de Pa, définie par

ψai ∈ Vect(Pa), ∀i = 1, · · · , na,

Ka

ϕai ψ

aj dx = δij .

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2. Exemples d’espaces éléments finis 55

Définition II.37 (Opérateur d’interpolation de Scott-Zhang)

Pour tout v ∈ H1(Ω) et tout noeud a ∈ Σh, on note

πa(v) =∫

Ka

v(x)ψa1 (x) dx.

On définit alors, l’opérateur d’interpolation de Scott-Zhang ΠSZh par la formule

ΠSZh v =

a∈Σh

πa(v)ϕa.

Théorème II.38L’opérateur de Scott-Zhang vérifie les propriétés suivantes :

• C’est un opérateur d’interpolation au sens suivant

∀v ∈ Pk, ΠSZh v = v.

• Il préserve les conditions aux limites de Dirichlet homogène :

ΠSZh (H1

0 (Ω)) ⊂ H10 (Ω).

• On a les propriétés de stabilité et approximation suivantes : pour tout 0 ≤ m ≤ k et tout0 ≤ p ≤ m

∀v ∈ Hm+1(Ω), ‖v −ΠSZv‖Hp(Ω) ≤ Cσhm−p+1|v|Hm+1(Ω),

où Cσ dépend de σ qui est n’importe quel réel tel que

supK∈T

hK

ρK≤ σ.

2.2.7 Assemblage - Quadratures - Conditions aux limites

Considérons le même problème que celui considéré en dimension 1 d’espace

−div (k(x)∇u) + αu = f,

avec des conditions aux limites de Dirichlet homogène.On se place donc dans V = H1

0 (Ω) et on pose

a(u, v) =∫

Ω

k(x)∇u · ∇v dx+ α

Ω

uv dx, L(v) =∫

Ω

fv dx.

On choisit maintenant un maillage simplicial géométriquement conforme T de Ω et on construit l’espaced’approximation Vh,0 basé sur l’élément de Lagrange Pk. Soit Σh,0 = Σh ∩ Ω l’ensemble des noeuds intérieursau domaine et soit N le cardinal de cet ensemble. On numérote de 1 à N les noeuds aj de cet ensemble et on note,pour simplifier, ϕj = ϕaj la fonction de forme associé à un tel noeud.

La matrice A du système approché est alors donnée par (a(ϕi, ϕj))1≤i≤N et de façon plus précise

a(ϕi, ϕj) =∫

Ω

k(x)∇ϕi · ∇ϕj dx+ α

Ω

ϕiϕj dx.

Découpons chaque intégrale en intégrales sur les cellules :

a(ϕi, ϕj) =∑

K∈T

(∫

K

k(x)∇ϕi · ∇ϕj dx

)+ α

K∈T

(∫

Ω

ϕiϕj dx

).

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56 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

On voit que les intégrales élémentaires (sur chaque K) ne sont éventuellement non nulles que si elles sont simul-tanément dans le support de ϕi et de ϕj . On en déduit que

a(ϕi, ϕj) =∑

K∈Supp ϕi∩Supp ϕj

(∫

K

k(x)∇ϕi · ∇ϕj dx

)+ α

K∈Supp ϕi∩Supp ϕj

(∫

Ω

ϕiϕj dx

).

Or, si K ∈ Suppϕi ∩Suppϕj , cela signifie que les noeuds ai et aj appartiennent tous les deux à l’élément K. Enparticulier, J(ai,K) et J(aj ,K) sont bien définis tous les deux et on a

ϕi TK = θJ(ai,K), ϕj TK = θJ(aj ,K),

et donc(Bt

K)(∇ϕi) TK = ∇θJ(ai,K), (BtK)(∇ϕj) TK = ∇θJ(aj ,K).

Ainsi par changement de variable, on a

K

k(x)∇ϕi · ∇ϕj dx = |detBK |∫

K

k(TK(x))(

(BtK)−1∇θJ(ai,K)

)·(

(BtK)−1∇θJ(aj ,K)

)dx

= |detBK |∫

K

k(TK(x))(

(BtKBK)−1∇θJ(ai,K)

)· ∇θJ(aj ,K) dx,

et ∫

K

ϕiϕj dx = |detBK |∫

K

θJ(ai,K)θJ(aj ,K) dx.

Ainsi, pour construire la matriceA, il suffit de savoir calculer des intégrales de ce type directement sur l’élémentde référence. Pour le seccond type d’intégrale, le calcul exact se fait une bonne fois pour toute et on utilise ensuiteles valeurs ainsi calculées directement dans le code. Pour le premier type, à cause de la présence du coefficient kvariable, il faut recalculer à chaque fois ces intégrales.

Pour cela, on peut utiliser des formules de quadrature numérique les plus précises possibles (de type méthodede Gauss). Ces formules de quadrature doivent être programmées uniquement sur l’élément de référence. Il fautalors faire attention au phénomène de sous-intégration. En effet, si on utilise l’élément Pk, alors les gradients desfonctions de forme sont des polynômes de degré au plus k − 1 et le produit de deux telles fonctions sont despolynomes de degré au plus 2k− 2. Si k est une fonction régulière et qu’on veut une précision suffisante, il faudradonc utiliser une formule de quadrature qui soit exacte sur les polynômes de degré au minimum 2k par exemple.

En pratique, les choses ne se passent pas exactement comme cela. On construit plutôt la matrice globale Aen parcourant les éléments. Cela est suffisant car, comme on l’a vu toutes les intégrales en jeu sont définies auniveau de l’élément par des noeuds de cet élément. Le pseudo-algorithme pour construire la matrice de rigidité parexemple est donc le suivant

• Initialiser la matrice A à 0.

• Parcourir tous les éléments K ∈ T :

– Pour tout couple de noeuds locaux (p1, p2) ∈ 1, · · · , |Σ|2, calculer l’intégrale

Ap1,p2 = | detBK |∫

K

k(TK(x))(

(BtKBK)−1∇θp1

)· ∇θp2 dx.

– Ajouter la valeur de Ap1,p2 au coefficient Ai,j de A, où i et j sont les numéros globaux des noeudsTK(ap1) et TK(ap2), autrement dit les uniques i, j ∈ 1, · · · , N tels que J(ai,K) = p1 et J(aj ,K) =p2.N.B. : Si l’un des noeuds en question est sur le bord de Ω, alors on on ne fait rien.

On procède de la même façon pour calculer le second membre du système linéaire à résoudre.

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2. Exemples d’espaces éléments finis 57

2.3 Autres éléments finis utiles2.3.1 L’élément de Lagrange quadrangulaire Qk

Si on considère maintenant un maillage de Ω constitué de quadrangles en 2D (ou de parallèlipipèdes en 3D),quel type d’élément fini peut-on construire ?

On ne peut pas espérer avoir un degré de liberté sur chaque sommet du maillage en demandant à ce que lesfonctions approchées soit P1 par morceaux. Il faut donc agrandir un peu l’espace de fonctions polynômes qu’onconsidère.

C’est la raison pour laquelle on définit l’espace Qk des fonctions polynômes dont le degré partiel par rapport àchaque variable est au plus égal à k.

Qk(Rd) =

u =

α∈Nd

sup αi≤k

aαxα11 · · ·xαd

d

= Pk(R)⊗ · · · ⊗ Pk(R).

Bien entendu, en dimension 1, on a Q1 = P1.On constate qu’un élément deQ1 est défini par 4 coefficients en dimension 2 et par 8 coefficients en dimension

3. Cela correspond au nombre de sommets d’un quadrangle ou d’un parallelipipède, ce qui laisse espérer que cetespace de fonctions va convenir aux maillages que l’on veut considérer (il faudra bien sûr le démontrer).

De façon, un peu plus précise on a

Q1(R2) = Vect(1, x1, x2, x1x2

),

Q1(R3) = Vect(1, x1, x2, x3, x1x2, x1x3, x2x3, x1x2x3

).

On considère alors l’élément de référence K = [0, 1]d comme étant le cube unité de Rd.

Proposition et Définition II.39 (Elément fini simplicial de Lagrange Qk)

On considère l’ensemble Σ ⊂ K des points définis de la façon suivante(i1k, · · · , id

k

), ∀(i1, · · · , id) ∈ Nd, ∀1 ≤ p ≤ d, ip ≤ k.

Le cardinal de cet ensemble est donné par |Σ| = (k + 1)d. On note (aj)1≤j≤|Σ| les éléments de cetensemble.Alors l’application p ∈ Qk 7→ (p(aj))1≤j≤|Σ| ∈ R|Σ| est un isomorphisme, en particulier Pk et Σ ontle même cardinal.

• Le triplet (K,Pk,Σ) est appelé : élément fini quadrangulaire de Lagrange Qk.

• L’ensemble des points (aj)j est l’ensemble des noeuds de cet élément fini et la forme linéaire quià toute fonction continue v associe v(aj) est appelée le degré de liberté associé au noeud aj .

• Pour tout 1 ≤ i ≤ |Σ|, il existe une unique fonction θi ∈ Qk telle que

θi(aj) = δij , ∀1 ≤ j ≤ |Σ|.

Ces fonctions sont appelées : fonctions de forme locales

La notion de régularité du maillage est légèrement modifiée par rapport aux maillages simpliciaux. En particu-lier, en dimension 2, la notion de rondeur d’un quadrangle K est légèrement différente. On la définit par

ρK = min(ρT1 , ρT2 , ρT3 , ρT4),

où les Ti sont les quatre triangles obtenus en joignant trois des sommets du quadrangle.Les transformation TK qui amènent de l’élément de référence à chaque celluleK ne sont d’ailleurs plus affines,

sauf si les cellules sont des parallèlogrammes. Ces transformations sont quadratiques : TK ∈ Qd1. En particulier

leur Jacobien n’est plus une constante.

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58 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Dans ces conditions, l’espace d’approximation est défini par

Vh = v ∈ C0(Ω), ∀K ∈ T , v TK ∈ Qk,

ce qui n’est pas équivalent à demander que v|K soit dans Qk pour tout K, sauf si les cellules sont des parallèlo-grammes (auquel cas TK est affine).

L’opérateur d’interpolation se définit alors comme précédemment pour l’élément Pk. De plus, sous les hypo-thèses ainsi formulées de régularité du maillage, on obtient le résultat d’interpolation suivant :

Proposition II.40Pour une famille de maillages quadrangles régulière, il existe une constante C > 0 telle que pour tout0 ≤ m ≤ k, et tout 0 ≤ p ≤ m

∀v ∈ Hm+1(Ω), ‖v − Ikhv‖Hp(Ω) ≤ Cσh

m−p+1|v|Hm+1(Ω).

2.3.2 Un élément conforme L2 : l’élément totalement discontinu P0 = Q0

On note P0 = Q0 l’ensemble des fonctions constantes (qui sont bien des polynômes de degré total inférieur à1 et de degrés partiels inférieurs à 1).

On peut alors aisément construire, à partir d’un maillage quadrangulaire ou simplicial, l’ensemble des fonctionsconstantes par cellules. Cet espace est bien conforme dans L2(Ω) (mais certainement pas dans H1(Ω)). Pour lesfonctions suffisament régulières, on peut prendre comme degré de liberté dans une cellule la valeur de la fonctionau centre de gravité de la cellule.

Se faisant on peut définir un opérateur d’interpolation de Lagrange I0h comme ci-dessus et obtenir les bonnes

estimations. Néanmoins, pour cet espace d’approximation particulier, il existe un opérateur d’interpolation plussimple qui s’applique à toutes les fonctions de L2.

Définition II.41

Pour toute fonction v ∈ L2(Ω) et tout maillage comme ci-dessus, on définit une fonction constante parmorceaux I0,m

h v constituée par la moyenne de v sur chaque cellule K.

Proposition II.42

L’opérateur I0,mh est l’opérateur de projection orthogonale sur l’espace d’approximation Vh. De plus,

sans hypothèse de régularité du maillage, pour tout 0 ≤ m ≤ 1, il existe C > 0 telle que

∀v ∈ Hm(Ω), ‖v − I0,mh v‖L2(Ω) ≤ Chm|v|Hm(Ω).

Cet élément est notamment utilisé pour discrétiser la pression dans le problème de Stokes.

3 Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-supstables

On a construit dans le paragraphe précédent des espaces d’approximation de type éléments finis et on en aétudié les diverses propriétés.

Néanmoins, on a vu que pour les problèmes non coercifs de type point-selle, il est nécessaire d’assurer queles espaces d’approximation Xh et Mh soient compatibles, au sens où une condition inf-sup uniforme doit êtresatisfaite par les couples d’espaces.

Comme on l’a déjà vu, en dimension finie, le fait que la constante de l’inégalité inf-sup soit strictement positiveest équivalent à l’injectivité de l’opérateur B′h : Mh 7→ X ′

h (qui dans le cadre de Stokes n’est autre que l’opérateur

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3. Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-sup stables 59

gradient discret). Dans ces conditions, on peut définir

βh = infqh∈Mh

(sup

vh∈Xh

b(vh, qh)‖vh‖X‖qh‖M

)> 0.

Il faut donc être capable de montrer l’injectivité deB′h d’une part et le fait que βh ne tend pas vers 0 avec h, d’autrepart.

3.1 Lemme de FortinBien souvent, on considère des approximations conformes d’espaces X et M qui vérifient la condition inf-sup.

Dans ce cas, la validité d’une condition inf-sup discrète uniforme est donnée par le résultat suivant, dû à Fortin.

Théorème II.43 (Lemme de Fortin)Soit b : X ×M 7→ R une forme bilinéaire continue et Xh ⊂ X , Mh ⊂ M deux sous-espaces dedimension finie. On suppose que b vérifie la condition inf-sup sur X ×M :

∃β > 0, infq∈M

supv∈X

b(v, q)‖v‖X‖q‖M

≥ β.

Alors b vérifie une condition inf-sup uniforme sur Xh ×Mh si et seulement si, il existe un opérateurlinéaire continu Πh : X 7→ Xh et une constante C > 0 tel que

∀v ∈ X, ‖Πhv‖X ≤ C‖v‖X ,

et∀qh ∈Mh, b(v, qh) = b(Πhv, qh).

Preuve :Si un tel opérateur existe, pour tout qh ∈Mh, on a

β‖qh‖M ≤ supv∈X

b(v, qh)‖v‖X

= supv∈X

b(Πhv, qh)‖v‖X

≤ 1C

supv∈X

b(Πhv, qh)‖Πhv‖X

≤ 1C

supvh∈Xh

b(vh, qh)‖vh‖X

,

ce qui démontre la condition inf-sup uniforme pour b sur Xh ×Mh, avec une constante βC.Inversement, supposons la condition inf-sup uniforme est vérifiée avec une constante β. On sait alors que le

problème (uh, vh)X + b(vh, ph) = 0, ∀vh ∈ Xh,

b(uh, qh) = G(qh), ∀qh ∈Mh,

admet une unique solution (uh, qh) ∈ Xh ×Mh qui dépend continument de la donnée de G avec l’estimation

‖uh‖X ≤ 2β‖G‖X′ .

Soit v ∈ X , on prend pour G, la forme linéaire G(q) = b(v, q), dont la norme est majorée par ‖b‖‖v‖X . On trouvealors un élément uh ∈ Xh, qui dépend linéairement de v, tel que

‖uh‖X ≤ 2‖b‖β‖v‖X ,

etb(uh, qh) = b(v, qh), ∀qh ∈Mh.

On a donc bien construit un opérateur Πh : v 7→ uh qui vérifie les conditions du théorème.

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60 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

3.2 Le problème de StokesPour des raisons de simplicité, on va se restreindre ici au cas bidimensionnel.

3.2.1 Discrétisation Q1/P0

On considère un domaine Ω =]0, 1[2 carré muni s’un maillage rectangle uniforme. Si besoin les cellules serontnotées Ki,j avec 1 ≤ i ≤ N et 1 ≤ j ≤ M . On suppose que N = 4n et M = 4m et on note h = 1/N etk = 1/M . Ceci permet de simplifier les calculs.

On introduit l’espace d’approximation Q1 pour la vitesse défini par

Xh = v ∈ (H10 (Ω))2, ∀K ∈ T , v TK ∈ (Q1)2,

et l’espace d’approximation P0 pour la pression

Mh = v ∈ L20(Ω), ∀K ∈ T , p|K ∈ P0.

On va montrer que la condition inf-sup discrète n’est certainement pas vérifée par ce couple d’espaces d’ap-proximation.

Proposition II.44

Le noyau de B′h est de dimension 1.

Preuve :On notera pi,j l’inconnue en pression dans chaque maille et (ui−1/2,j−1/2, vi−1/2,j−1/2) l’inconnue en vitesse

au sommet de “coordonnée” (i− 1/2, j − 1/2).Dans ces conditions, on peut calculer

b(vh, ph) =∫

Ω

(div vn)ph dx =N∑

i=1

M∑

j=1

pi,j

(∫

Ki,j

div vh

).

Or sur chaque maille on a

Ki,j

div vh =∫

∂Ki,j

vh · ν

=hk

2

(vi−1/2,j+1/2 − vi−1/2,j−1/2

k+vi+1/2,j+1/2 − vi+1/2,j1/2

k

+ui+1/2,j+1/2 − ui−1/2,j+1/2

h+ui+1/2,j−1/2 − ui−1/2,j−1/2

h

).

Comme vh est nulle au bord, on peut regrouper les termes dans la somme et obtenir

b(vh, ph) = −∑

i,j

hkvi−1/2,j−1/2(δyph)i−1/2,j−1/2 −∑

i,j

hkui−1/2,j−1/2(δxph)i−1/2,j−1/2,

(δxph)i−1/2,j−1/2 =12

(pi,j − pi−1,j

h+pi,j−1 − pi−1,j−1

h

),

(δyph)i−1/2,j−1/2 =12

(pi,j − pi,j−1

k+pi−1,j − pi−1,j−1

k

).

On ed déduit que b(vh, ph) = 0 pour tout vh ∈ Xh si et seulement si δxp = δy = 0 identiquement.On voit bien que ceci est vrai si et seulement si

pi,j = pi−1,j−1, ∀i, j,

pi−1,j = pi,j−1, ∀i, j.

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3. Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-sup stables 61

Comme il faut que ph ∈Mh, cela impose que la moyenne de ph soit nulle et on voit donc que cela implique aussique

pi,j = −pi−1,j .

On obtient donc un mode parasite très fortement oscillant, que l’on appelle le mode en damier. Ce mode engendreexactement le noyau de B′h. Il s’écrit

ψh =∑

i

j

1Ki,j (−1)i+j .

Si on note ψh un générateur du noyau de B′h, on peut alors envisager de remplacer l’espace Mh par l’espaceMh obtenu à partir de Mh en retirant l’espace engendré par ψh plus exactement en prenant le complémentaireorthogonal de ψh dans Mh.

Les espaces ainsi obtenus vérifient la condition inf-sup discrète mais malheureusement, elle n’est pas uniforme.

Théorème II.45

Pour tout h on a

βhdef= inf

ph∈Mh

supvh∈Xh

b(vh, ph)‖vh‖H1‖ph‖L2

> 0.

De plus, il existe deux constantes c1 et c2 telles que

c1h ≤ βh ≤ c2h.

Preuve :Le fait que βh > 0 vient du fait qu’on a justement choisi Mh pour que l’opérateur B′h soit injectif, ce qui, en

dimension finie, assure que βh > 0.On va maintenant seulement démontrer la partie vraiment intéressante de l’inégalité : βh ≤ c2h, qui montre

que la constante inf-sup tend vers 0 quand h→ 0.Pour cela, on va construire une fonction qh qui va vérifier les bonnes propriétés. Plus précisément, on pose

qh =2n∑

i=1

2m∑

j=1

1Ki,j (−1)i+j(E((i− 1)/2)− (n− 1)/2).

On voit immédiatement que qh est à moyenne nulle par construction. De plus, on a

Ω

qhψh dx = hk∑

i,j

(E((i− 1)/2)− (n− 1)/2)

= hkM

2n∑

i=1

(E((i− 1)/2)− (n− 1)/2) = 2hkMn−1∑p=0

(p− (n− 1)/2) = 0.

Donc, qh est bien dans Mh.

• On calcule la norme L2 de qh :

‖qh‖2L2 = hk∑

i,j

(E((i− 1)/2)− (n− 1)/2

)2

= 2hkMn−1∑p=0

(p− (n− 1)/2)2 ∼ Chn3 ∼ C ′/h2.

Donc ‖qh‖L2 est de l’ordre de 1/h.

• Il faut maintenant évaluer le terme b(vh, qh). Pour cela, on reprend les notations précédentes et on calculeδxqh et δyqh. On observe tout d’abord que δxqh = 0. Ensuite, on a

(δyqh)i−1/2,j−1/2 = 0, si i est pair,

(δyqh)i−1/2,j−1/2 = 2(−1)j+1

k, si i = 2p+ 1 est impair.

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62 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Il vient

b(vh, qh) = 2n−1∑p=0

2m∑

j=1

h(−1)j+1v2p+1/2,j−1/2 = 2n−1∑p=0

m∑r=1

h(v2p+1/2,2r−3/2 − v2p+1/2,2r−1/2).

D’où

|b(vh, qh)| ≤ 2hn−1∑p=0

∫ 1

0

∣∣∣∣∂vh

∂y((2p+ 1)h, y)

∣∣∣∣ dy ≤ 2h

∫ 1

0

(n−1∑p=0

∣∣∣∣∂vh

∂y((2p+ 1)h, y)

∣∣∣∣)2

dy

12

≤ 2h√n

(∫ 1

0

n−1∑p=0

∣∣∣∣∂vh

∂y((2p+ 1)h, y)

∣∣∣∣2

dy

) 12

.

Comme vh est Q1, x 7→ ∂v∂y (x, y) est continue et affine par morceaux pour presque tout y. On utilise alors

l’inégalité suivante

a2 + b2 ≤ 6∫ 1

0

|ax+ b(1− x)|2 dx,

qui se transpose de la façon suivante sur un intervalle de longueur h

a2 + b2 ≤ 6h

∫ h

0

∣∣∣axh

+ b(1− x

h

)∣∣∣2

dx.

On a alors dans ces conditions :

n−1∑p=0

∣∣∣∣∂vh

∂y((2p+ 1)h, y)

∣∣∣∣2

≤ 6h

∫ 1

0

∣∣∣∣∂vh

∂y(x, y)

∣∣∣∣2

dx,

et donc on a, en intégrant par rapport à y,

|b(vh, qh)| ≤ 2√h√n‖∇vh‖L2 .

Ainsi, on a obtenu|b(vh, qh)|‖vh‖H1

≤ C.

Comme on a vu plus haut que la norme de qh est en C/h, on a bien montré que βh ≤ C ′h.

3.2.2 Discrétisation P1/P0

On reprend le maillage précédent mais en découpant les rectangles en deux triangles. On considère alors ladiscrétisation P1 de la vitesse et P0 pour la pression.

Xh = v ∈ (H10 (Ω))2, ∀K ∈ T , v TK ∈ (P1)2.

Mh = q ∈ L20(Ω), ∀K ∈ T , q TK ∈ P0.

Quelques remarques :

• Il y a 2NM éléments et donc 2NM − 1 degrés de liberté en pression.

• Il y a (N + 1)(M + 1) sommets et (N − 1)(M − 1) sommets intérieurs et donc 2(N − 1)(M − 1) degrésde liberté en vitesse.

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3. Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-sup stables 63

Ainsi, le noyau de B′h : Mh 7→ X ′h a ainsi une dimension au moins égale à

2NM − 1− 2(N − 1)(M − 1) = 2(N +M)− 3.

Ainsi, le noyau de cet opérateur est très gros !En fait, on peut même montrer que le noyau de Bh (qui contient les fonctions approchées à divergence discrète

nulle) est réduit à 0 ! Autrement dit, la seule vitesse vh ∈ Xh susceptible d’être solution du système est la fonctionnulle.

Pour cela, on constate que vh ∈ Ker Bh si∫Ω(div vh)qh dx = 0 pour tout qh ∈ Mh. En réalité, comme vh est

nul au bord, cette condition sera aussi vérifiée par les pressions P0 sont la moyenne est non nulle. En pratique, ona donc une condition par élément qui s’écrit

∀K ∈ T ,∫

K

(div vh) dx = 0.

Mais comme vh est P1 sur K, div vh est une constante et donc, on obtient que vh ∈ Ker Bh si et seulement sidiv vh = 0 au sens classique (ceci n’est pas vrai pour n’importe quelle discrétisation de la pression !).

Essayons maintenant de comprendre ce que cela signifie pour vh. Soit K un triangle dont les sommets sontnumérotés 1, 2 et 3 et v une fonction (P1)2 sur K. Par la formule de Stokes, la condition de divergence nulle surce triangle, s’écrit ∑

σ

σ

(v · νσ) = 0.

Comme v est affine, l’intégrale sur l’arête est égale à la valeur de la fonction au milieu de l’arête qui est elle-mêmeégale à la demi-somme des degrés de liberté aux sommets correspondants. Si on note mi et νi la mesure et lanormale sortante à l’arête opposée au sommet i, ceci s’écrit

m3v1 + v2

2· ν3 +m2

v1 + v32

· ν2 +m1v2 + v3

2· ν1 = 0,

ou encorev1 · (m2ν2 +m3ν3) + v2 · (m1ν1 +m3ν3) + v3 · (m1ν1 +m2ν2) = 0.

Or, on peut vérifier que dans un triangle la relation suivante est vérifiée

m1ν1 +m2ν2 +m3ν3 = 0,

ce qui ramène la condition de divergence nulle sur K à

m1v1 · ν1 +m2v2 · ν2 +m2v3 · ν3 = 0.

Ceci nous dit en particulier que si v1 et v2 sont nuls, alors v3 est orthogonal à ν3. Ainsi si K est un triangle dubord dont l’un seulement de ces degrés de liberté est à l’intérieur, on obtient que la valeur de ce degré de liberté estorientée parallèlement au bord. Si ce même degré de liberté appartient à un autre triangle du bord, on obtient unedouble condition d’orthogonalité qui prouve qu’en réalité la vitesse v est nulle en ce point.

Ce raisonnement fonctionne en particulier sur le maillage triangle obtenu en découpant des rectangles en deux,ce qui prouve l’effet dit de locking.

3.2.3 Discrétisation P2/P1 (ou élément de Taylor-Hood)

On considère maintenant un maillage simplicial T de Ω et la discrétisation P2 − P1 de ce problème.

Xh = v ∈ (H10 (Ω))2, ∀K ∈ T , v TK ∈ (P2)2.

Mh = q ∈ L20(Ω), ∀K ∈ T , q TK ∈ P1.

Pour simplifier l’analyse, on va se placer en 2D.

Théorème II.46Si on suppose que tout élément K ∈ T a au plus une seule arête sur le bord de Ω.Les espaces Xh et Mh ainsi définis vérifient la condition inf-sup uniforme, avec une constante quidépend de la constante de régularité du maillage.

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64 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

Remarque : l’hypothèse géométrique sur le maillage n’est pas très restrictive, vu qu’on peut toujours s’yramener quitte à découper en trois certains triangles.Preuve :

Soit qh ∈Mh non nul. Comme qh est à moyenne nulle, on a vu qu’il existe v ∈ (H10 (Ω))2 tel que

div v = qh, ‖v‖H1 ≤ C‖qh‖L2 .

On prend maintenant vh = ISZh v l’interpolé de Scott-Zhang de cette fonction v. On va estimer le quotient suivant

b(vh, qh)‖vh‖H1

=

∫Ω(div ISZ

h v)qh dx‖ISZ

h v‖H1≥ C

∫Ω(div ISZ

h v)qh dx‖v‖H1

≥ C ′‖qh‖L2 + C

∫Ω(div ISZ

h v − div v)qh dx‖v‖H1

.

Etudions ce dernier terme en intégrant par parties (on utilise que l’interpolé de Scott-Zhang préserve les conditionsaux limites !)

∫Ω(div ISZ

h v − div v)qh dx‖v‖H1

= −∫Ω(ISZ

h v − v)∇qh dx‖v‖H1

≤ ‖ISZh v − v‖L2

‖v‖H1‖∇qh‖L2 ≤ C

(∑

K

h2K |qh|2H1(K)

) 12

,

d’après les propriétés d’interpolation de l’opérateur de Scott-Zhang.Pour chaque arête σ dans le maillage, on note τσ un vecteur unité de cette arête et |σ| sa longueur. On construit

alors l’unique élément vh ∈ Xh par ses valeurs dans les noeuds définies comme suit :

• vh(a) = 0 si a est un sommet du maillage.

• vh(a) = −|σ|2τσ(∇qh) · τσ, si a est le milieu d’une arête interne σ.

• vh(a) = 0 si a est le milieu d’une arête du bord.

Quelques remarques s’imposent :

• Par construction, vh est bien nulle au bord.

• La définition de vh(a), si a est le milieu d’une arête interne est cohérente. En effet, a priori le gradient deqh est constant par maille et donc n’a pas de trace bien définie sur les arêtes. Or, comme qh est bien continuà travers l’arête, le gradient tangentiel de qh est, lui, défini de manière unique sur l’arête.

Nous utilisons maintenant la formule de quadature suivante, valable pour les éléments de P2 :

∀π ∈ P2, ∀K ∈ T , 1|K|

K

π(x) dx =∑

a milieu de l’arête

π(a)5

−∑

a sommet de K

π(a)20

.

Celle-ci se démontre sur l’élément de référence puis par changement de variable sur n’importe quel élément.On trouve ainsi

b(vh, qh) = −∫

Ω

vh∇qh dx = −∑

K

(∫

K

vh∇qh dx)

=15

K

|K|

σ∈∂Kσ 6⊂∂Ω

|σ|2(∇qh · τσ)2

Soit un triangle K et une fonction affine sur K, on note u1, u2 et u3 les trois valeurs de u aux sommets M1,M2 et M3 de K. On souhaite obtenir un contrôle du gradient de u en fonction des ui − uj . Pour cela, on constateque le vecteur ρK

∇u|∇u| est de longueur ρK . Il existe donc deux points X et Y de K tels que

X − Y = ρK∇u|∇u| .

On note xi et yi les coordonées barycentriques (positives !) deX et Y dans le triangleK et on observe que, commeu est affine, on a

u(X)− u(Y ) = (∇u) · (X − Y ) = ρK |∇u|,

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3. Problèmes de type point-selle. Couples d’élements inf-sup stables 65

mais aussiu(X)− u(Y ) =

i,j

xiyj(u(Mi)− u(Mj)) =∑

i,j

xiyj(ui − uj).

Ainsi, par Jensen,

ρ2K |∇u|2 ≤

i,j

xiyj |ui − uj |2 ≤ |u1 − u2|2 + |u1 − u3|2 + |u2 − u3|2,

Comme on a par ailleurs

|u1 − u2|2 ≤ (|u1 − u3|+ |u2 − u3|)2 ≤ 2|u1 − u3|2 + 2|u2 − u3|2,on voit que l’estimation persiste (avec la constante 2 au lieu de 1) si l’on ne dispose que de deux des trois termes.

Si on revient à nos moutons, nous sommes exactement dans cette situation puisqu’on a supposé qu’au bord lestriangles ne pouvaient avoir qu’une seule arête dans ∂Ω.

On a donc obtenu l’estimation :

b(vh, qh) ≥ C∑

K

|K|ρ2K |∇qh|2 =

K

ρ2K |qh|2H1(K) ≥ Cσ

K

h2K |qh|2H1(K),

dès lors que la triangulation est régulière de constante de régularité σ.Il reste à estimer la norme de vh dans H1. Pour cela, on choisit K ∈ T et ϕi une fonction de forme dont le

support intersecte K. D’après le Théorème II.21, on a

|ϕi|H1(K) ≤ C|K| 12ρK

,

ainsi en revenant à la définition de vh, on a

|vh|2H1(K) ≤∑

a milieu d’arete

C|K|ρ2

K

|σ|4|∇qh|2 ≤ C|K|h2K

ρ2K

h2K |∇qh|2,

de sorte que si σ est la constante de régularité du maillage

|vh|2H1(K) ≤ Cσh2K |qh|2H1(K),

et donc|vh|2H1(Ω) ≤ Cσ

K

h2K |qh|2H1(K).

In fine, on a obtenu (∑

K

h2K |qh|2H1(K)

) 12

≤ Cb(vh, qh)‖vh‖H1

.

Tout ceci mis bout à bout fournit l’inégalité inf-sup attendue.Comme on connait les résultats d’interpolation pour les espaces Xh et Mh, on déduit de ce qui précède, le

résultat suivant d’estimation d’erreur.

Théorème II.47 (Estimation d’erreur pour Stokes pour l’élément de Taylor-Hood)

Soit une famille régulière (Tk)k de maillages vérifiant l’hypothèse géométrique sur les arêtes du borddonnée précédemment et Xhk

×Mhkles couples d’espaces éléments finis définis ci-dessus. On suppose

que la solution (u, p) du problème de Stokes est dans (Hm+1(Ω))d ×Hm(Ω) avec m = 1 ou m = 2,alors on a l’estimation d’erreur suivante

‖u− uhk‖H1(Ω) + ‖p− phk

‖L2(Ω) ≤ Chmk (‖u‖Hm+1(Ω) + ‖p‖Hm(Ω)).

Si de plus, le problème adjoint (qui est aussi le problème de Stokes dans ce cas) possède la propriété derégularité elliptique dans Ω, alors, on a l’estimation

‖u− uhk‖L2(Ω) ≤ Chm+1

k (‖u‖Hm+1(Ω) + ‖p‖Hm(Ω)).

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66 Chapitre II. Approximations de Galerkin. Méthode des éléments finis

3.2.4 Discrétisation P1-iso P2/P1

L’inconvénient de la discrétisation P2/P1 (ou Taylor-Hood) est qu’elle amène à inverser des matrices avec desprofils assez larges, ce qui peut présenter certaines difficultés (notamment en 3D).

L’idée est de considérer une discrétisation moins couteuse ayant exactement les mêmes degrés de liberté que ladiscétisation P2/P1. Ainsi, chaque triangle K (idem en 3D), est divisé en quatre triangles en utilisant les milieuxdes côtés de K. On obtient ainsi un nouveau maillage T ′ raffiné une fois par rapport au précédent. On prend alorspour Xh l’ensemble des champs de vecteurs continus, P1 par morceaux sur le maillage fin T ′ et nuls au bord etpour Mh l’ensemble des fonctions continues, P1 par morceaux sur le maillage plus grossier T et à moyenne nulle.

On peut alors démontrer par une preuve semblable à la précédente, que cette discrétisation, appelée P1-isoP2/P2, est inf-sup stable.

Bien entendu, si la solution attendue est très régulière, on ne peut pas profiter de l’ordre élevé de la discrétisationP2 de la vitesse. On peut également reprocher à cette méthode de ne pas être optimale pour la pression.

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67

Chapitre III

DISCRÉTISATION VOLUMES FINIS DEPROBLÈMES ELLIPTIQUES

Remarque préliminaire. Ce chapitre est très incomplet. Le lecteur peut se référer au livre [EGH00] ou à la trèsabondante littérature pour compléter ses connaissances.

On pourra également consulter les documents suivants qui sont les transparents utilisés lors d’un mini-cours de6h donné en Août 2009 dans une écolé d’été :

http://www.cmi.univ-mrs.fr/~fboyer/exposes/Frejus09_part1.pdfhttp://www.cmi.univ-mrs.fr/~fboyer/exposes/Frejus09_part2.pdfhttp://www.cmi.univ-mrs.fr/~fboyer/exposes/Frejus09_part3.pdf

Contrairement à la méthode des éléments finis qui consiste à “discrétiser” la formulation variationnelle d’unproblème elliptique comme on l’a vu précédemment, la méthode des volumes finis a pour point de départ, lesnotions de flux et de bilan de flux.

Ainsi, de façon très générale, supposons que l’on recherche une fonction u (suffisament régulière pour l’instant)qui satisfait une équation aux dérivées partielles sous forme divergence

−div(ϕ(x, u,∇u)) = f(x), dans Ω,

où ϕ est une application de Ω× R× Rd dans Rd suffisament régulière.Si K est un sous-domaine ouvert borné et Lipschitzien de Ω, on peut intégrer l’équation ci-dessus sur K et

utiliser la formule de Stokes. Il vient∫

Kf(x) dx = −

Kdiv(ϕ(x, u,∇u)) dx = −

∂Kϕ(x, u,∇u) · νK dx.

La quantité ϕ(x, u,∇u) ·νK est appelé le flux sortant deK au point x. On peut même montrer que l’EDP de départest, en un certain sens, équivalente à ce bilan des flux sur tout K ⊂ Ω.

Supposons maintenant que K soit un ouvert polygonal (en 2D) ou polyhédral (en 3D). L’intégrale de bord sur∂K s’écrit alors comme une somme d’intégrales sur chaque arête (resp. face) de K. L’équation s’écrit alors

Kf(x) dx = −

σ∈EK

σ

ϕ(x, u,∇u) · νK dx,

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68 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

ou encore, en notant FK,σ l’intégrale −∫

σ

ϕ(x, u,∇u) · νK dx et fK la moyenne de f sur K, on obtient

|K|fK =∑

σ∈EKFK,σ.

Supposons maintenant que l’on dispose d’une partition de Ω par un ensemble de telles mailles K, le principede la méthode des volumes finis consiste alors à écrire une approximation du flux FK,σ en fonction d’un certainnombre d’inconnues (i.e. de degrés de liberté) du système.

Le choix de base pour ces inconnues est d’en prendre une pour chaque maille K. Pour ce faire, on va se donnerun point xK dans chaque maille K (pour l’instant où l’on veut) et on va considérer une inconnue uK correspondantà ce point xK. Ainsi, si u est suffisament régulière, on espère que uK ∼ u(xK). A partir de ces inconnues à notredisposition, on essaira de construire une approximation FK,σ de chacun des flux.

Une propriété essentielle des flux du problème continu est la propriété de conservativité (locale) : si K et Lsont deux mailles qui partagent une arête σ = K|L en commun, alors le flux sortant de K à travers σ, i.e. FK,σ , estl’exact opposé du flux sortant de L à travers σ, i.e. FL,σ . Ceci s’écrit donc

FK,σ = −FL,σ, si σ = K|L.En demandant à ces flux approchés de vérifier le même bilan de flux que les vrais flux du problème continu

mais aussi de vérifier la propriété de conservativité locale, on va obtenir un système deN équations àN inconnuesque l’on pourra résoudre puis analyser.

1 Le problème de Laplace sur maillages orthogonauxadmissibles

On s’intéresse dans cette première partie au cas de l’équation de Laplace avec conditions de Dirichlet homogènesur le bord du domaine. Dans ces conditions la fonction ϕ qui apparaît dans le cadre général esquissé plus tôt n’estrien d’autre que ϕ(x, u,∇u) = ∇u. Les flux exacts sont alors donnés par

FK,σ = −∫

σ

(∇u) · νK dx.

1.1 Maillages orthogonaux admissiblesDéfinition III.1

Soit Ω un ouvert borné polygonal connexe de Rd. On se donne un maillage T de Ω constitué d’une fa-mille de sous-domaines compacts, polygonaux, convexes, non vides (resp. polyhédraux)K de Ω, appelésvolumes de contrôle tels que

• Si K 6= L, on aK ∩

L = ∅.

• Ω =⋃K∈T K.

On dit que ce maillage est admissible au sens des volumes finis s’il existe de plus, une famille de points(xK)K∈T associés à tous les volumes de contrôle (qu’on appellera centres) tels que

• Pour tout K ∈ T , xK ∈K.

• Pour tout K,L ∈ T , K 6= L, si K ∩ L est de dimension d − 1, alors c’est une face de K et de L,notée K|L et qui de plus, vérifie la condition d’orthogonalité

[xK, xL] ⊥ σ. (III.1)

Notons que l’ensemble des centres (xK)K fait partie de la donnée du maillage même si par abus de notation onécrit souvent T = (K)K∈T .

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 69

Etant donné un maillage quelconque de Ω, l’existence de la famille de points (xK)K qui convienne n’est pas dutout assurée. Prenons quelques exemples :

• Si T est un maillage conforme (au sens EF du terme) constitué de rectangles (ce qui restreint beaucoup lagéométrie de Ω), alors on peut prendre pour xK le centre de gravité de K.

• Si T est un maillage conforme de triangles, alors on peut prendre pour xK le centre du cercle circonscrit àK. Il faut quand même faire attention car dans ce cas, il est possible que xK ne soit pas dans K (ce qui n’estpas si grave) mais il se peut surtout que les centres de deux mailles voisines K et L ne soient pas rangésdans le bon ordre : on peut par exemple avoir xK ∈ L et xL ∈ K ce qui pose de nombreux problèmes !

• Une façon de construire un maillage admissible à partir des points xK est la construction de Voronoï : Soit(xi)1≤i≤N est une famille de points deux à deux distincts dans Ω. Pour tout 1 ≤ i ≤ N , on note

Ki = x ∈ Ω, |x− xi| ≤ |x− xj |, ∀j 6= i.Alors la famille (Ki)1≤i≤N munie des centres (xi)i associés, constitue un maillage admissible de Ω.

• Il est possible de généraliser une partie des résultats au cas de mailles non convexes mais nous ne traiteronspas ce problème ici.

Il faut maintenant introduire un certain nombre de notations :

• On note Eext l’ensemble des arêtes extérieures (celles incluses dans le bord de Ω) et Eint l’ensemble desarêtes intérieures.

• On note dKL la distance entre xK et xL, et dKσ la distance entre xK et l’arête σ.

• On note νKL la normale unitaire à l’arête K|L orientée de K vers L.

1.2 Construction du schéma numériqueOn va donc chercher une solution approchée sous la forme d’un ensemble fini de valeurs réelles notées uT =

(uK)K∈T ∈ RT . Pour déterminer cette solution uT , il faut y associer des valeurs des flux approchés FK,σ pour toutK et toute arête σ de K. Pour ce faire, il nous faut une approximation de la dérivée normale ∇u · νK de la solutionsur l’arête σ. Deux cas sont à considérer :

• Si σ ∈ Eext, alors, on sait que la solution exacte recherchée est nulle sur le bord de Ω, elle est donc nulle surle projeté orthogonal xσ de xK sur (la droite qui contient) σ. Comme on dispose par ailleurs d’une valeurapprochée de u en xK, on en déduit qu’une approximation raisonnable de ∇u · νK sur σ est donnée par

(∇u) · νK ∼ u(xσ)− u(xK)dKσ

=−u(xK)dKσ

,

de sorte que l’on a envie de considérer la définition suivante du flux approché

FK,σ(uT ) = −|σ|0− uKdKσ

. (III.2)

• Si σ ∈ Eint, alors il existe un volume de contrôle L tel que σ = K|L. Dans ces conditions, on a, pardéfinition, l’orthogonalité du segment [xKxL] avec l’arête σ, de sorte que

xL − xK = dKLνKL,

ainsi, si u est suffisament régulière, on a sur l’arête σ

(∇u) · νKL ∼ u(xL)− u(xK)dKL

.

On s’inspire de cette formule pour définir un flux numérique

FK,σ(uT ) = −|σ|uL − uKdKL

. (III.3)

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70 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

Remarquons que cette construction assure automatiquement la conservativité locale du flux numérique :

∀uT ∈ RT , FK,σ(uT ) = −FL,σ(uT ), (III.4)

cette valeur commune sera d’ailleurs notée FK,L(uT ) qui est donc aussi égale à FL,K(uT ).

On peut maintenant construire le schéma volumes finis correspondant aux définitions ci-dessus : on chercheuT ∈ RT tel que

∀K ∈ T , |K|fK =∑

σ∈EKFK,σ(uT ), (III.5)

où les flux numériques sont donnés par (III.2) et (III.3).On obtient donc une famille de N équations linéaires (car les flux numériques sont linéaires en uT ) à N

inconnues, où N est le nombre de volumes de contrôle dans le maillage.Ce schéma est parfois appelé : TPFA (pour Two Point Flux Approximation) ou VF4 (car la largeur du stencil

du schéma est 4 sur les maillages triangles en 2D).

1.3 Premières propriétés : existence et unicité de la solution - stabilitéToute l’analyse des méthodes volumes finis reposent sur un calcul assez simple qui revient essentiellement à ef-

fectuer une intégration par parties discrète dans le schéma. On obtient ainsi une sorte de formulation variationnellenon conforme du schéma.

Notations :

• Pour toute arête σ ∈ E , on note Fσ(uT ) l’un quelconque des (au plus deux) flux numériques définis à traversσ. Autrement dit :

– Si σ ∈ Eext, on pose :Fσ = FK,σ,

où K ∈ T est l’unique volume de contrôle dans T dont σ est une arête.

– Si σ ∈ Eint, on pose :Fσ = FK,σ,

où K ∈ T est l’un des deux volumes de contrôle dans T dont σ une arête. Ce choix est fait de façonarbitraite une bonne fois pour toute et ne changera plus dans toute la suite. Tous les résultats énoncéssont bien entendu indépendants de ce choix, à cause de la propriété de conservativité locale.

• Pour tout couple de volumes de contrôle voisins K,L, on notera

DKL(uT ) =uL − uKdKL

,

le quotient différentiel qui intervient dans la définition du flux numérique. On utilise les notations formelle-ment semblables pour DKσ(uT ) et Dσ(uT ), etc ...

Lemme III.2

Soit uT ∈ RT , une solution (si elle existe !) du schéma VF4 (i.e. vérifiant (III.5), (III.2) et (III.3)). Alorspour tout vT ∈ RT , on a

σ∈EdKL|σ|Dσ(uT )Dσ(vT ) =

K∈T|K|vKfK,

ce qui s’écrit encore

[uT , vT ]1,Tdef=

σ=K|L∈Eint

dKL|σ|uL − uKdKL

vL − vKdKL

+∑

σ∈Eext

dKσ|σ|uK − 0dKσ

vK − 0dKσ

=∑

K∈T|K|vKfK.

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 71

Preuve :On multiplie l’équation du schéma correspondant au volume de contrôle K par vK, puis on somme sur tous les

volumes de contrôle et on trouve

Tdef=

K∈T|K|fKvK =

K∈TvK

( ∑

σ∈EKFK,σ(uT )

)=

K∈T

σ∈EKvKFK,σ(uT ).

Dans cette dernière somme, les arêtes du bord apparaissent une fois et une seule, tandis que les arêtes intérieuresapparaissent exactement deux fois (une fois pour chaque volume de contrôle qui la contient). On trouve donc :

T =∑

σ∈Eext

vK|σ| uKdKσ

+∑

σ=K|L∈Eint

(vKFK,σ(uT ) + vLFL,σ(uT )

).

A ce stade, on utilise la conservativité du schéma, de sorte que les deux flux qui apparaissent dans les termes de ladeuxième somme sont exactement opposés. On peut donc écrire

T =∑

σ∈Eext

vK|σ| uKdKσ

+∑

σ=K|L∈Eint

(vK − vL)FK,σ(uT )

=∑

σ∈Eext

dKσ|σ| uKdKσ

vKdKσ

+∑

σ=K|L∈Eint

dKL|σ| FK,σ(vT )FK,σ(uT )

Proposition et Définition III.3La forme bilinéaire

(uT , vT ) ∈ RT × RT 7→ [uT , vT ]1,T ,

est symétrique définie positive. C’est donc un produit scalaire sur RT appelé le produit scalaire H10

discret.La norme associée à ce produit scalaire est notée ‖uT ‖1,T et appelée la norme H1

0 discrète.

Preuve :La seule chose à démontrer, c’est le caractère défini du produit scalaire. Pour cela, on constate que si uT ∈ RT

est tel que [uT , uT ]1,T = 0 alors cela signifie que uK est nul pour tout volume de contrôle K situé au bord dudomaine (c’est-à-dire qui a une arête entièrement incluse dans ∂Ω) et de plus pour tout couple de volumes K,Lqui partagent une arête, uK = uL.

Ceci montre bien (par exemple par récurrence sur le nombre de cellules intérieures, en enlevant couches parcouches les cellules du bord) que tous les uK sont nuls.

Théorème III.4

Pour toute donnée f ∈ L2(Ω), le schéma VF4 admet une unique solution uT et de plus, nous avons

‖u‖21,T ≤ ‖uT ‖L2‖fT ‖L2 ≤ ‖uT ‖L2‖f‖L2 .

Preuve :D’après le résultat précédent, en prenant vT = uT , et en utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwarz l’estimation

attendue. Celle-ci prouve que si fT = 0, alors uT = 0 est la seule solution du système linéaire étudié. Ce systèmeétant carré, on a bien montré l’existence et l’unicité de la solution pour toute donnée.

L’inégalité ‖fT ‖L2 ≤ ‖f‖L2 provient, elle, de l’inégalité de Jensen.A priori, il semble que le schéma numérique puisse nous fournir une information sur la norme H1

0 discrète dela solution (ce qui n’est pas très surprenant !). Pour ce faire, il faut quand même majorer la norme L2 par la normeH1

0 discrète. Toutes les normes étant équivalentes en dimension finie, ceci est bien sûr possible mais, pour que lerésultat soit exploitable, il faut pouvoir estimer la constante.

Pour cela, on a besoin d’une inégalité de Poincaré discrète qui permet justement de répondre à cette question.

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72 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

Théorème III.5 (Inégalité de Poincaré discrète)Pour tout maillage admissible T , on a

∀uT ∈ RT , ‖uT ‖L2 ≤ diam(Ω)‖uT ‖1,T .

Preuve :Pour toute arête σ ∈ E , on définit la fonction χσ(x, y) qui vaut 1 si [x, y] ∩ σ 6= ∅ et 0 sinon.Soit ξ un vecteur unitaire de Rd. Pour tout x ∈ K, on considère y(x) la “projection” de x sur ∂Ω dans la

direction ξ, c’est-à-dire le premier point de la demi-droite x+ R+ξ qui rencontre le bord.On considère maintenant l’ensemble Ω des x ∈ Ω, tels que [x, y(x)] ne rencontre aucun sommet du maillage

et ne contienne aucune arête du maillage. Comme il y a un nombre fini de sommets et d’arêtes, le complémentairede cet ensemble est une union finie d’ensembles de mesure nulle, c’est donc un ensemble de mesure nulle.

Soit maintenant K ∈ T et x ∈ K ∩ Ω. En suivant le segment [x, y(x)] en partant de x, on va successivementcroiser des volumes de contrôle noté (Ki)1≤i≤m avec K1 = K et Km est un volume de contrôle du bord tel quey(x) est dans une arête du bord de Ω. De plus, par construction de Ω, on croise ces volumes de contrôle de façonnon tangentielle. On écrit alors

uK = uK1 =m−1∑

i=1

(uKi− uKi+1) + uKm

.

Ainsi, on a

|uK| ≤m−1∑

i=1

|uKi − uKi+1 |+ |uKm − 0|.

Comme l’interface σ = Ki|Ki+1 intervient dans cette somme si et seulement si χσ(x, y(x)) = 1, on obtient

|uK| ≤∑

σ∈Edσ|Dσ(uT )|χσ(x, y(x)).

On note cσ le produit scalaire cσ = |ν · ξ|, où ν est la normale à l’arête σ. Comme x ∈ Ω, toute arête σ telle queχσ(x, y(x)) = 1 est telle que cσ > 0, on peut donc écrire

|uK| ≤∑

σ∈Edσ

1√cσ|Dσ(uT )|√cσχ2

σ(x, y(x)).

En utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwarz

|uK|2 ≤(∑

σ∈E

cσ|Dσ(uT )|2χσ(x, y(x))

)(∑

σ∈Edσcσχσ(x, y(x))

).

Evaluons le second terme pour tout x ∈ Ω. On note σ l’unique arête du bord qui contient y(x) et xσ son centre(i.e. la projection orthogonale du centre de la maille sur σ). Par construction, nous avons

xK − xσ =m−1∑

i=1

(xKi − xKi+1) + xKm − xσ,

de sorte que

(xK − xσ) · ξ =m−1∑

i=1

(xKi − xKi+1)︸ ︷︷ ︸=dKi,Ki+1νKi,Ki+1

·ξ + dKmσνKmσ · ξ,

et comme toutes les normales sont orientées dans le même sens, nous avons donc∑

σ∈Edσcσχσ(x, y(x)) = |(xK − xσ) · ξ| ≤ diam(Ω).

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 73

In fine, on a obtenu

|uK|2 ≤ diam(Ω)

(∑

σ∈E

cσ|Dσ(uT )|2χσ(x, y(x))

),

Si on intègre sur Ω, on trouve

∑K

|K||uK|2 ≤ diam(Ω)∑

σ∈E

cσ|Dσ(uT )|2

(∫

Ω

χσ(x, y(x)) dx).

Il reste à évaluer les intégrales des fonctions χσ. Pour cela on constate que si σ est fixée, χσ(x, y(x)) ne peut valoir1 que dans une bande de largeur |σ|cσ de sorte que

Ω

χσ(x, y(x)) dx ≤ diam(Ω)|σ|cσ.

Mettant tout cela bout à bout, on trouve

‖uT ‖2L2 ≤ diam(Ω)2∑

σ∈Edσ|σ||Dσ(uT )|2 = diam(Ω)2‖uT ‖21,T .

1.4 Compacité - Convergence

Pour tout maillage admissible T , on a donc une solution uT du schéma de volumes finis. De plus, la semi-norme H1

0 discrète de cette solution reste bornée quand on raffine le maillage.Etant donnée une famille (Tn)n de maillages dont le pas size(Tn) tend vers 0 quand n tend vers l’infini, on

peut donc se demander si la suite de fonctions (uT n)n converge, en un certain sens, vers la solution du problèmecontinu.

Pour cela, on va commencer par définir un gradient discret pour les fonctions (constantes par morceaux). Pourtout uT ∈ RT , on note ainsi ∇T uT la fonction vectorielle constante par diamant, dont la valeur sur tout diamantD est notée ∇TDuT et définie par

∇TDuT =

duL − uKdKL

νKL = dDσ(uT )νσ, si D est un diamant intérieur DKL,

d0− uKdKσ

νKσ = dDσ(uT )νσ, si D est un diamant du bord Dσ.

ATTENTION : Noter la présence du facteur d (la dimension de l’espace) dans la formule. On verra plus loinpourquoi ce facteur doit effectivement être présent.

On peut maintenant démontrer un résultat de compacité.

Théorème III.6 (Compacité)

Soit (Tn)n une suite de maillages admissibles dont le pas tend vers 0 et (uT n)n une famille de fonctionsdiscrètes définies sur chacun des maillages telle que

supn‖uT n‖1,Tn < +∞. (III.6)

Alors, on a les propriétés suivantes :

• Il existe une fonction u ∈ L2(Ω), et une sous-suite (uT ϕ(n))n qui converge fortement vers u dansL2(Ω).

• La fonction u est dans H10 (Ω).

• La suite des gradients discrets (∇Tϕ(n)uTϕ(n))n converge faiblement vers ∇u dans (L2(Ω))d.

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74 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

La preuve du théorème ci-dessus repose sur le critère de compacité de Kolmogorov (appelé aussi Riesz-Fréchet-Kolmogoroff)

Théorème III.7 (Kolmogorov)

Soit F une partie bornée de Lp(Ω), avec 1 ≤ p < +∞. On suppose que

1. Pour tout ε > 0, et pour tout ouvert ω borné, il existe δ > 0, tel que

∀f ∈ F , ∀η ∈ Rd, |η| ≤ δ =⇒ ‖τηf − f‖Lp(ω) ≤ ε.

2. Pour tout ε > 0, il existe un ouvert borné ω, tel que

∀f ∈ F , ‖f‖Lp(Rd\ω) ≤ ε.

Alors F est relativement compact dans Lp(Rd).

Dans ce théorème τηf désigne la fonction “translatée” définie par

τηf(x) = f(x+ η), ∀x ∈ Rd.

Ce résultat est essentiellement une conséquence, ou une généralisation, du théorème d’Ascoli. On admet doncce résultat classique et on passe à la démonstration du théorème de compacité pour les éléments de RT .Preuve (du théorème III.6):

• On va tout d’abord démontrer la convergence forte dans L2(Ω) à sous-suite près. Pour cela, pour tout n ≥ 0,on note un le prolongement par 0 de uT n à Rd tout entier.

D’après l’inégalité de Poincaré et la borne (III.6), la suite uT n est bornée dans L2(Ω) et donc la suite (un)n

est bornée dans L2(Rd). On va donc essayer de vérifier que F = un, n ∈ N vérifie les hypothèses duthéorème de Kolmogorov.

La seconde hypothèse est triviale car tous les un sont nuls en dehors de Ω qui est un ouvert borné. Il ne restedonc qu’à démontrer l’estimation sur les translations.

Soit donc η ∈ Rd et notons τηun la fonction translatée de un. On introduit à nouveau la fonction χσ(x, y)qui vaut 1 si et seulement si le segment [x, y] rencontre l’arête σ, puis on note cσ = |ν · η

|η| |.Par l’argument de sommes télescopiques, on trouve, pour presque tout x ∈ Rd :

|un(x+ η)− un(x)| ≤∑

σ∈Eint

χσ(x, x+ η)|unK − un

L|+∑

σ∈Eext

χσ(x, x+ η)|unK|

≤∑

σ∈Eχσ(x, x+ η)dσ|Dσ(uT n)|.

Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on trouve

|un(x+ η)− un(x)|2 ≤(∑

σ∈Eχσ(x, x+ η)

cσ|Dσ(uT n)|2

)(∑

σ∈Eχσ(x, x+ η)dσcσ

).

On montre maintenant que, pour presque tout x ∈ Ω, on a(∑

σ∈Eχσ(x, x+ η)dσcσ

)≤ C(|η|+ size(Tn)).

Si on suppose que Ω est convexe (sinon on peut généraliser la preuve), on voit tout d’abord qu’on peut seramener au cas où [x, x + η] ⊂ Ω en remplaçant le segment [x, x + η] en le plus grand segment [y, z] ⊂

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 75

[x, x + η] ∩ Ω. Ensuite, pour presque tout x, on peut trouver K et L dans le maillage tel que x ∈ K etx+ η ∈ L. Dans ces conditions on a(∑

σ∈Eχσ(x, x+ η)dσcσ

)= |(xL−xK)· η|η| | ≤ |xK−xL| ≤ |x−(x+η)|+|x−xK|+|x+η−xL| ≤ |η|+2size(Tn).

De plus, comme on l’a déjà vu on a∫

Rd

χσ(x, x+ η) dx ≤ |η||σ|cσ.

Ainsi, en intégrant la première inégalité obtenue, on a

‖τηun − un‖2L2 ≤ |η|(|η|+ 2size(Tn))

(∑

σ∈Edσ|σ||Dσ(uT n)|2

)≤ C|η|(|η|+ size(Tn))‖uT n‖21,Tn

.

On obtient bien une estimation sur les translatées de un qui permet de valider la première hypothèse duthéorème de Kolmogorov.

Ainsi, on peut trouver une sous-suite (que l’on notera encore (uT n)n) et une fonction u ∈ L2(Ω) telle queuT n converge vers u fortement dans L2. On peut par ailleurs supposer que (∇TnuT n)n converge faiblementvers un certain G dans (L2(Ω))d.

• Il faut maintenant démontrer que la fonction u obtenue ci-dessus est dans H10 (Ω) et que son gradient est

précisémentG. Pour cela on se donne un champ de vecteurs Φ de classe C∞ surRd tout entier et on considèrel’intégrale

In =∫

Ω

uT n(divΦ) dx.

Par convergence de uT n vers u dans L2, cette intégrale converge, quand n → ∞, vers∫Ωu(divΦ) dx.

Essayons maintenant de calculer cette intégrale d’une autre manière, en utilisant la définition de uT n :

In =∑

K∈Tn

unK

(∫

KdivΦ dx

)=

K∈Tn

unK

σ∈EK

(∫

σ

Φ · νKσdx

).

Pour une arête intérieure σ = K|L, on a νKσ = −νLσ et donc, on peut réécrire cette somme comme unesomme sur les arêtes.

In =∑

σ∈Eint

(unK − un

L)(∫

σ

Φ · νKL)

+∑

σ∈Eext

unK

(∫

σ

Φ · νKσ

)

=∑

σ∈Eint

(unK − un

L)νKL ·(∫

σ

Φ)

+∑

σ∈Eext

unKνKσ ·

(∫

σ

Φ)

= −∑

σ∈Eint

|σ|dKLd

(dunK − un

L

dKLνKL

)· 1|σ|

(∫

σ

Φ)

+∑

σ∈Eext

|σ|dKσ

d

(dunK

dKσνKσ

)· 1|σ|

(∫

σ

Φ)

= −∑

D∈D

|D|∇Tn

D uT n ·(

1|σ|

σ

Φ).

Or, comme Φ est de classe C∞, on a sur chaque diamant D et arête σ correspondante :∣∣∣∣

1|σ|

σ

Φ− 1|D|

∣∣∣∣ ≤ ‖∇Φ‖∞size(Tn).

Donc, comme la suite ∇TnuT n est bornée dans L2, on a

In = −∑

D∈D

|D|∇Tn

D uT n ·(

1|D|

)+O(size(Tn)),

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76 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

ce qui s’écrit aussi

In = −∑

D∈D

(∇Tn

D uT n) ·(∫

)+O(size(Tn)),

et donc

In = −∫

Ω

∇TnuT n · Φ dx+O(size(Tn)).

Par convergence faible de ∇TnuT n vers G, on en déduit que

In −−−−→n→∞

−∫

Ω

G · Φ dx.

On a donc montré que pour tout Φ ∈ (C∞(Rd))d, on a∫

Ω

u(divΦ) dx = −∫

Ω

G · Φ dx,

ce qui prouve bien que u ∈ H10 (Ω) et que G = ∇u est bien la limite faible des gradients discrets.

On peut maintenant énoncer et démontrer le théorème de convergence du schéma volumes finis VF4.

Théorème III.8 (Convergence du schéma VF4)

Soit f ∈ L2(Ω). Soit (Tn)n une famille de maillages dont le pas tend vers 0. Pour tout n, on noteuT n ∈ RTn l’unique solution du schéma sur le maillage Tn pour la donnée f . On note u la solutionexacte du problème sur Ω.On a :

• La suite (uT n)n converge fortement vers u dans L2(Ω).

• La suite (∇TnuT n)n converge faiblement vers ∇u dans (L2(Ω))d.

On va utiliser la définition suivante dans la preuve.

Définition III.9 (Projection de fonctions régulières)

Pour toute fonction v continue sur Ω et nulle au bord, on pose

PT v = (v(xK))K∈T .

Preuve :

• Déroulement de la preuve :

D’après le théorème de compacité et la borne a priori sur les solutions approchées, on peut considérer toutd’abord une sous-suite, toujours notée (uT n)n qui converge fortement dans L2(Ω) vers un v ∈ H1

0 (Ω) ettelle que ∇TnuT n converge faiblement vers ∇v. On va montrer que cette fonction v vérifie la formulationfaible du problème de Poisson, ce qui montrera, par unicité, que v = u.

La limite v obtenue étant unique (elle ne dépend pas de la sous-suite convergente choisie au départ), unrésultat classique de compacité fournit la convergence de la suite entière vers la solution u du problème dansle sens écrit dans l’énoncé du théorème.

• Soit donc ϕ ∈ C∞c (Ω) une fonction test. On va prendre PTnϕ ∈ RTn comme fonction-test discrète dans leschéma volumes finis, ce qui donne d’après le Lemme III.2.

σ∈Edσ|σ|Dσ(uT n)

ϕ(xL)− ϕ(xK)dKL

=∑

K∈T|K|fKϕ(xK).

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 77

En utilisant la définition du gradient discret, on trouve

σ∈E

dσ|σ|d

∇TD(uT n) ·(ϕ(xL)− ϕ(xK)

dKLνKL

)=

K∈T|K|fKϕ(xK).

D’après la condition d’orthogonalité, la mesure du diamant correspondant à σ est exactement égale à 1d |σ|dσ .

De plus, comme ∇TDuT est orienté selon la normale à l’arête σ, on peut rajouter au terme contenant ϕ,n’importe quel élément tangent à σ. Ainsi, en récrivant tous les termes comme des intégrales, on trouve

σ∈E

D∇TD(uT n) ·

∇ϕ(x) +

(ϕ(xL)− ϕ(xK)

dKLνKL − (∇ϕ(x) · νKL)νKL

)

︸ ︷︷ ︸=R∇ϕ(x)

dx

=∑

K∈T

Kf(x)

ϕ(x) + (ϕ(xK)− ϕ(x))︸ ︷︷ ︸

=Rϕ(x)

dx, (III.7)

avec les modification qui s’imposent pour les termes du bord. En particulier, on utilise ici le fait que ϕ estnulle au bord. On peut également éviter le problème du bord en disant que, si ϕ est fixée et à support compact,alors pour n assez grand, les termes de bord sont tous nuls car les volumes de contrôle correspondants sonten dehors du support de ϕ.

Quoi qu’il en soit, comme ϕ est régulière, on vérifie, par développement de Taylor très usuels, que l’on a

∀D ∈ D, ∀x ∈ D, |R∇ϕ(x)| ≤ ‖D2ϕ‖L∞dD ≤ 2‖D2ϕ‖L∞size(Tn),

∀K ∈ T , ∀x ∈ K, |Rϕ(x)| ≤ ‖∇ϕ‖L∞diam(K) ≤ ‖∇ϕ‖L∞size(Tn).

Comme ∇T (uT n) est bornée dans L2, on a donc obtenu finalement∫

Ω

∇TD(uT n) · ∇ϕ(x) dx =∫

Ω

f(x)ϕ(x) dx+O(size(Tn)).

Mais, par définition, ∇TD(uT n) converge faiblement vers ∇v dans (L2(Ω))d, on peut passer à la limite etobtenir ∫

Ω

∇v · ∇ϕdx =∫

Ω

f(x)ϕ(x) dx.

Ceci étant vrai pour toute fonction C2c (Ω), c’est encore vrai pour toute fonction ϕ ∈ H1

0 (Ω) par densité etdonc v est l’unique solution variationnelle du problème de Laplace, c’est-à-dire que v = u et le théorème deconvergence est démontré.

Il faut remarquer une certaine similitude de la démonstration avec la preuve de convergence de l’approximationde Galerkin, ou on utilisait le fait que d(v, Vh) → 0 quand h→ 0 pour toute fonction test v ∈ H1

0 (Ω).Dans ce même théorème, nous avions conclu à la convergence forte de la solution dans H1 en démontrant la

convergence de la norme du gradient. On va voir qu’ici la situation est très différente.

Théorème III.10 (Non convergence forte du gradient approché)Dans les conditions du théorème précédent, et si la dimension d est au moins égale à 2, la convergenceforte de la suite des gradients approchés (∇TnuT n)n vers ∇u n’a lieu que dans le cas où f = u = 0.

Remarquons qu’en dimension 1, on a bien la convergence forte du gradient discret.Preuve :

Supposons f non identiquement nulle, de sorte que u est également non nulle. Si on choisit vT = uT n commefonction test dans le schéma, on voit que le lemme III.2 donne

σ∈Edσ|σ|Dσ(uT n)2 =

K∈T|K|fKuK,

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78 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

où encore, d’après la définition du gradient discret :

1d‖∇T uT n‖2L2 =

1d

σ∈E|D||∇TDuT n |2 =

K∈T|K|fKuK.

Comme on a la convergence forte de (uT n)n vers u dans L2, on peut passer à la limite dans le second membre etainsi obtenir

limn→∞

‖∇T uT n‖2L2 = d

Ω

f(x)u(x) dx = d‖∇u‖2L2 .

Ainsi, comme u n’est pas constante, la norme L2 du gradient approché ne converge pas vers la norme L2 dugradient exact (qui est la limite faible des gradients approchés) et donc la convergence n’est certainement pas forte.

1.5 Estimation de l’erreur en dimendion 2

Pour estimer l’erreur d’approximation du schéma VF4, il faut bien évidemment supposer plus de régularitésur la solution u ∈ H1

0 (Ω) du problème étudié. Classiquement (comme dans le chapitre précédent), nous allonssupposer que u ∈ H2(Ω) (bien que l’on puisse considérer bien d’autres cadres fonctionnels, en particulier le casu ∈ C2(Ω) est beaucoup plus simple). Le résultat qui suit est présenté en dimension 2 pour simplifier, mais ilest vrai en toute dimension quitte à modifier légèrement la preuve et la définition de la constante de régularité dumaillage.

Dans ces conditions, u est une fonction continue et on peut donc considérer sa projection sur le maillagePT u = (u(xK))K. On peut alors définir l’erreur comme le vecteur eT = uT − PT u.

De plus, comme u ∈ H2(Ω), on peut réellement appliquer la formule de Stokes sur chaque volume de contrôle(avec des vraies intégrales sur le bord car ∇u · νK est dans H

12 (∂K)). Il vient

|K|fK =∫

Kf(x) dx =

σ∈EK

σ

−∇u · νKσ dx,

ce que l’on va écrire

|K|fK =∑

σ∈EK−|σ|u(xL)− u(xK)

dKL+

σ∈EK|σ|Rσ(u),

où Rσ(u) est l’erreur de consistance du flux numérique (normalisé) définie par

Rσ(u) =u(xL)− u(xK)

dKL− 1|σ|

σ

∇u · νKL dx.

Si on soustrait, la définition du schéma à cette formule, on trouve que l’erreur eT vérifie∑

σ∈Edσ|σ|Dσ(eT )Dσ(vT ) =

σ∈Edσ|σ|Rσ(u)Dσ(vT ).

Ainsi, si on prend vT = eT dans cette formule, puis qu’on utilise l’inégalité de Cauchy-Schwarz on trouve

‖eT ‖21,T ≤∑

σ∈Edσ|σ||Rσ(u)|2. (III.8)

Ainsi, pour estimer l’erreur, il suffit de savoir estimer l’erreur de consistance Rσ(u) en fonction du pas demaillage et de la norme H2 de u. Pour cela, on a besoin d’une hypothèse de régularité sur le maillage. Celle-civa consister à demander que, dans chaque diamant D, les distances dKσ et dLσ soient de taille comparables à lalongueur de l’arête correspondante (on rappelle que dKL = dKσ + dLσ). Pour chaque maillage admissible, onintroduit donc une mesure de régularité

reg(T ) = supD∈D

( |σ|dKσ

+|σ|dLσ

).

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1. Le problème de Laplace sur maillages orthogonaux admissibles 79

Lemme III.11

Il existe C > 0 ne dépendant que de reg(T ) telle que

∀σ ∈ E , |Rσ(u)| ≤ CdD

(1|D|

D|D2u|2 dx

) 12

.

Preuve :Les quantités qui interviennent dans l’inégalité attendue sont continues par rapport à la normeH2 de u, il suffit

donc, par un argument de densité maintenant classique, que cette estimation est vraie pour toute fonction u trèsrégulière (par exemple u ∈ C2(Ω)).

Soit x ∈ σ. On effectue, un développement de Taylor de u au point x évalué en xK (resp. en xL). Il vient

u(xK) = u(x) +∇u(x) · (xK − x) +∫ 1

0

(1− t)D2u(x+ t(xK − x)).(xK − x)2 dt,

u(xL) = u(x) +∇u(x) · (xL − x) +∫ 1

0

(1− t)D2u(x+ t(xL − x)).(xL − x)2 dt.

On soustrait alors ces deux égalités et on utilise la condition d’orthogonalité qui dit exactement xL−xK = dKLνKLpour obtenir

u(xL)−u(xK) = dKL∇u(x)·νKL+∫ 1

0

(1−t)D2u(x+t(xL−x)).(xL−x)2 dt−∫ 1

0

(1−t)D2u(x+t(xK−x)).(xK−x)2 dt.

On divise ensuite par dKL et on prend la moyenne (en x) sur σ, ce qui donne

Rσ(u) =1

dKL|σ|∫

σ

∫ 1

0

(1− t)D2u(x+ t(xL − x)).(xL − x)2 dtdx︸ ︷︷ ︸

=T1

− 1dKL|σ|

σ

∫ 1

0

(1− t)D2u(x+ t(xK − x)).(xK − x)2 dt dx︸ ︷︷ ︸

=T2

.

On va maintenant traiter le terme T1, le second terme étant en tout point similaire.

|T1|2 ≤ 1d2KL|σ|

σ

∫ 1

0

|1− t|2|D2u(x+ t(xL − x))|2|xL − x|4 dtdx.On considère maintenant le changement de variable

(t, x) ∈ [0, 1]× σ 7→ y = x+ t(xL − x) ∈ DL,où DL est le demi-diamant du côté L. Il s’agit bien d’une transformation bijective dont le jacobien vaut (1 −t)(xL − x) · ν, on obtient donc

[T1|2 ≤ d4D

d2KLdL,σ|σ|

DL|D2u(y)|2 dy ≤ C(reg(T ))

d2D|D|

D|D2u(y)|2 dy.

Un calcul similaire pour T2 conclut la preuve.En mettant bout à bout l’inégalité (III.8) et le lemme précédent, on obtient le résultat suivant

‖eT ‖21,T ≤ C(reg(T ))∑

D∈D

d2D

(∫

D|D2u|2 dx

)C(reg(T )) size(T )2

Ω

|D2u|2 dx,

ce qui fournit une estimation d’erreur d’ordre 1 en norme H1 discrète

‖eT ‖1,T ≤ C(reg(T )) size(T )|u|H2(Ω).

Par l’inégalité de Poincaré discrète on déduit aussi une estimation d’erreur en norme L2

‖eT ‖L2 ≤ C(reg(T )) size(T )|u|H2(Ω).

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80 Chapitre III. Discrétisation Volumes Finis de problèmes elliptiques

2 Quelques problèmes plus généraux

Ce paragraphe est dans un état embryonnaire ... il a vocation a être détaillé dès que possible

2.1 Le problème de diffusion isotrope hétérogèneOn s’intéresse dans cette partie à l’extension du schéma VF4 au cas isotrope et hétérogène. C’est-à-dire que

l’on remplace le problème −∆u = f par le problème −div(k(x)∇u) = f avec k(x) une fonction scalairestrictement positive et bornée.

Dans ces conditions, les flux exacts que l’on doit approcher sont de la forme∫

σ

(k(x)∇u) · ν.

Il est tentant de les approcher par une formule à deux points du type

FKL = kσ|σ|uL − uKdKL

,

où kσ est un coefficient de diffusion “moyen” sur l’arête. La question est de savoir quelle valeur on va choisir pource coefficient.

1. Premier cas : la fonction k de départ est suffisament régulière (disons Lipschitzienne), alors la solution udu problème est régulière (au moins si le domaine est convexe) et dans ce cas tout choix raisonnable de kσ

convient, comme par exemple

kσ = k(xK), kσ = k(xL), kσ =12(k(xK) + k(xL)), kσ =

1|σ|

σ

k(x) dx, ...

On montre alors dans tous ces cas, l’existence et l’unicité de la solution approchée, la convergence de celle-civers la solution exacte du problème et enfin l’estimation d’erreur d’ordre 1 en norme H1 discrète.

2. Second cas : la fonction k n’est pas suffisament régulière (typiquement discontinue), alors d’une part, onne peut plus supposer que u est dans H2(Ω), car cela est grossièrement faux à la traversée des surfaces dediscontinuités de k.

Regardons le cas où k est constante sur chaque volume de contrôle par exemple. On notera kK la valeur surla maille K.

L’idée est de dire que, comme sur le problème continu on a k(x)∇u ∈ Hdiv(Ω), la quantité qui est “conti-nue” au travers des interfaces dans ce problème c’est le vrai flux (k∇u) · ν.

Pour calculer un bon flux numérique on va introduire momentanément une nouvelle inconnue “artificielle”notée uσ qui correspond à une approximation de la solution à l’interface, au point xσ .

De ce fait, on peut raisonnablement construire une approximation de ∇u · ν du côté K et une autre approxi-mation du côté L données respectivement par

uL − uσ

dLσ, et

uσ − uKdKσ

.

On demande ensuite la continuité du flux autrement dit, on écrit :

FL,σ = kLuL − uσ

dLσ= kK

uσ − uKdKσ

= FK,σ.

L’inégalité centrale permet de déterminer uσ en fonction de uK et uL, puis de déterminer enfin la valeur duflux numérique en fonction de uL et uK.

2.2 Le problème de convection-diffusion

2.3 Le problème anisotrope hétérogène

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BIBLIOGRAPHIE 81

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