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3ème année
Sommaire p. 1 : Guerre médiatique et devoir d’irritation – p. 4 : Lybie écartelée p. 6 : Lorgnette : Trump et le tumulte
▪ p. 4 Chine, entre stratégie terrestre et stratégie maritime ▪
15 février 2017
N°62
Paraît tous les deux mercredis
Le paysage médiatique français est envahi
par une autre guerre qui ne dit pas son
nom. Elle est à rapprocher de « la guerre de
la nation contre l’État » (cf. édito).
Une voiture de RTL a été brûlée l’autre
jour. Cet incident symbolise l’humeur du
temps qui est à la vindicte contre les
journalistes. Les sondages montrent à quel
point la profession a mauvaise presse : 67
% des Français jugent les journalistes
incapables de résister aux pressions
politiques, 58% mettent en doute leur
indépendance face à celles « de l’argent »
(ici). Défiance et hostilité d’un côté (jusqu’à
l’attaque meurtrière contre Charlie Hebdo),
liberté de la presse et devoir démocratique
d’informer de l’autre, la presse est au cœur
d’un débat qui intéresse aussi le stratégiste.
À distinguer de la guerre de l’information
Depuis des décennies, beaucoup ont
compris que l’information était le pouvoir
ou du moins y contribuait. Sans remonter à
Gustave Le Bon ou Gramsci, souvenons-
nous des campagnes et affrontements
idéologiques violents de la Guerre Froide.
D’un côté, les « compagnons de route »
constituaient d’évidents auxiliaires
intellectuels du communisme, ce qui
favorisait directement les intérêts de
l’URSS. Le marxisme servait alors de
prisme d’analyse commun qui donnait une
« lecture du monde » le plus souvent
biaisée. De l’autre côté, « le monde libre »
prônait son modèle pluraliste, libéral,
démocratique, loin de l’asservissement des
régimes communistes (au risque de
soutenir toutes les dictatures si elles étaient
anti-communistes). C’était l’Humanité
contre Radio Libre Europe. Les choses étaient
colorées et manichéennes.
La chute de l’URSS a mis fin à cette polarité
idéologique. Dans la « postmodernité » qui
advint alors, nous connurent un monde
« enfin » débarrassé d’idéologie. Mais en
apparence seulement car les théoriciens ont
alors proposé de nouvelles manœuvres
tactiques vers le pouvoir. La « guerre de
l’information » en fut une. Derrière la
neutralité apparente, elle permettait aux
puissances de continuer à faire prévaloir
leurs intérêts par des présentations de
l’information subtilement biaisées. Les
travaux de Régis Debray ou de François-
Bernard Huyghe illustrent cette approche.
Guerre médiatique et devoir d’irritation
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Une autre version eut beaucoup de succès,
celle du soft power, développée par Joseph
Nye : appliquer au monde la puissance
douce américaine qu’il théorisait. Il n’est à
ce propos pas anodin de constater que ces
théories se développèrent parallèlement à
la mondialisation. Au fond, elles
expliquaient comment l’accroissement
gigantesque des flux d’information était
aussi un moteur de la puissance préservée.
Un quatrième pouvoir possédé ?
Dans ce grand mouvement, médias et
journalistes parurent dépossédés de leur
autorité. En fait, ils ont perdu au cours des
deux dernières décennies le monopole
qu’ils avaient eu, celui de l’intermédiation
de l’information. Désormais, les « mass-
médias » ne sont plus seuls à « produire »
et commenter l’information. La cause en
tient aux technologies de l’information,
autrement dit au cyberespace dont nous
avons décrit ailleurs les liens profonds et
consubstantiels avec le développement de
la mondialisation.
Si la première révolution cybernétique des
années 1990 (l’informatisation de la société)
parut pouvoir être maîtrisée, la deuxième
révolution des années 2000 (celle de la mise
en réseau, du web 2.0, des réseaux sociaux)
atteignit en profondeur l’écosystème
médiatique. Désormais et de plus en plus,
les individus maniaient l’information : non
seulement ils la sélectionnaient comme bon
leur semblait mais plus encore, ils la
produisaient et dans des facteurs sans cesse
multipliés au point de submerger les
médias traditionnels. Comme toutes les
institutions, ceux-ci ont flanché. Ces
entreprises qui avaient une marque, un
logo, des journalistes, des fonctions de
soutien, des canaux de diffusion, toutes
virent leur équilibre économique
soudainement rompu. Elles basculèrent sur
l’Internet mais cela ne suffisait pas. Aussi
doivent-elles survivre aujourd’hui sous le
triple flux de subventions publiques, de la
publicité et des subventions privées.
Ainsi, presque tous les grands titres de la
presse « papier » française sont désormais
« possédés » (au sens de la détention du
capital) par des milliardaires. Qui croirait
que cette détention est désintéressée ? Les
médias assujettis à des pouvoirs financiers
en sont prisonniers. Voici des titres proches
de la puissance publique et des puissances
privées : leur réputation d’indépendance
en pâtit forcément.
Stratégie et communication
La fin apparente des idéologies a permis
dans le même temps un autre phénomène,
celui de l’invasion du champ public par la
médiasphère.
Jadis, la stratégie militaire ignorait la
communication. Peu à peu vit-on des
officiers de presse répondre aux reporters
de guerre, une fois tirées les leçons de la
guerre du Viêtnam. Au cours des années
1990, à l’issue de la Guerre du Golfe, les
stratèges développèrent les PsyOps et
autres opérations d’information. On
pratique aujourd’hui la « communication
stratégique », StratCom en anglais. La
communication est devenue une ligne
d’opération comme une autre, dans le
cadre des approches globales.
Heureusement toutefois, les stratèges la
subordonnent-ils à leurs buts stratégiques.
Il n’en est malheureusement pas de même
de la sphère publique où la confusion
règne entre objectifs et moyens. On est
ainsi passé insensiblement de la
« communication sur la stratégie » à la
« stratégie de communication », puis à « la
stratégie, c’est la communication », enfin à
« la communication tient lieu de stratégie ».
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La fin des idéologies a entraîné la fin des
clivages politiques, avec deux
conséquences : la promotion de
l’inéluctabilité des choix du système (TINA,
« Il n’y a pas d’autre solution ») et par suite
de cette impasse, la fusion en un même
monde des élites politiques et des élites
médiatiques, un monde qui forme système.
Le 4ème pouvoir avait acquis un prestige
certain et une réelle utilité dans la mesure
justement où il équilibrait les autres. Il était
alors signe de bonne santé démocratique.
Au point qu’on pouvait même s’inquiéter
de l’absence de contre-pouvoir à ce 4ème
pouvoir. Désormais, les choses ont changé
puisque ce 4ème pouvoir s’est amalgamé aux
deux premiers (sans parler de sa
subordination aux puissances de l’argent).
Mais dès lors il souffre du même discrédit.
Systémiers et refuzniks
Nous avions noté dans ces colonnes la mise
en place d’une nouvelle bipolarité entre un
« système » et les refuzniks de ce système.
Comment ne pas être gêné par le
traitement médiatique des différentes
campagnes électorales de ces derniers
mois, au Royaume-Uni ou en Amérique ?
Dans un cas, les tabloïds déformèrent
incroyablement le débat ; dans l’autre,
l’ensemble des médias se coalisa contre un
candidat qui allait de provocation en
provocation, le tout dans un cercle vicieux
et malsain qui n’a convaincu personne.
Aujourd’hui, comment ne pas être gêné
devant le traitement médiatique différencié
réservé aux candidats à l’élection
présidentielle française ? Comment ne pas
être outré par le panurgisme de toute la
communauté médiatique, aux indignations
et enthousiasmes si sélectifs et si factices ?
Le dire ne revient pas à rejoindre un
complotisme qui fait florès, notamment sur
les réseaux sociaux. Il faut en effet observer
que ceux-ci favorisent l’entre-soi et non
l’ouverture, malgré la démultiplication de
l’information, ou peut-être à cause d’elle.
Mais justement, il faut être irréprochable
pour précisément faire la différence et
montrer ce qui distingue un journaliste
réellement professionnel de relayeurs et
commentateurs indifférenciés et captifs.
Or, disons le tout net, la classe
journalistique (oui, la classe) semble
aujourd’hui assujettie, sans qu’elle en ait
une vraie conscience. Là est d’ailleurs le
danger puisque beaucoup ne voient que
l’outil (les médias) sans voir ceux qui le
manipulent. Il est à craindre que le refus du
système n’entraîne le refus des journalistes,
alors que ceux-ci n’en sont que le reflet.
Curieusement, nous voici appelant à une
nouvelle idéologisation du monde. Nous
aurions alors des clivages politiques plus
marqués, donc des positions mieux
assumées, plutôt que cette apparente
neutralité qui n’est au fond que la marque
de la servilité. Mieux vaut une vraie repoli-
tisation des débats, un retour à la disputatio
rationnelle, plutôt que cette illusoire
objectivité qui n’est que l’esclave du
système et le masque d’intérêts partisans.
Les journalistes sont devenus les fantassins
d’une cause en apparence apolitique mais
qui défend en fait la vraie cause, celle des
élites dominantes. Ils desservent en fait la
démocratie dont ils se parent. Or, c’est en
étant sévères à leur endroit que nous
pensons le mieux les défendre, tant nous
sommes convaincus de l’utilité première
des journalistes. C’est pour éviter qu’on ne
brûle leur voiture que nous demandons
qu’ils reviennent à leur fonction première :
celle d’être irritante à l‘égard des
pouvoirs.
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Lybie écartelée
Face à nous, le Maghreb bouge avec ses
deux ailes battantes en Mauritanie et en
Libye. Maillon entre Machrek et Maghreb,
la Libye inquiète. Les Européens d’abord :
c’est de ses côtes que partent en flottilles
désespérées des milliers de migrants qui
viennent s’échouer sur les côtes italiennes.
Mais les Nord-africains, et d’abord
Égyptiens et Algériens, sont eux aussi
inquiets, tout comme les Sahéliens
(Tchadiens, Nigériens, Maliens). Tous les
proches le savent : la Libye ne retrouvera
pas de sitôt un système stable de partage
du territoire, de la rente pétrolière et de
l’autorité rappelant la jamahiria qu’imposa
pendant plus de 40 ans le raïs Kadhafi. Six
ans après son éviction musclée, la Libye
semble réduite en morceaux comme avant
lui ; une multitude d’acteurs, internes et
externes, tente de défendre qui son pré
carré, qui sa voie économique ou politique.
Tout cela concerne directement la France,
sa sécurité, ses intérêts, la stabilité de son
espace stratégique national dans un Sud
méditerranéo-sahélien qui lui importe tout
autant que les frictions ukrainiennes qui
minent l’Est européen fragile.
Réalités spécifiques et trajectoire récente
La Libye n’a pas de vrai centre politique,
encore moins d’État partagé et n’en a
jamais eu. Elle a moins d’unité que jamais.
Elle est, on le sait, divisée par nature en
confins spécifiques, Cyrénaïque à l’Est,
Tripolitaine à l’Ouest, Fezzan au Sud. Dans
ces trois régions, les tribus qui les
dominent entretiennent des accointances
multiples, égyptiennes à l’Est, maghrébines
à l’Ouest, et, dans le Sud, tchadiennes avec
la communauté toubou et sahéliennes avec
sa cousine touarègue.
Chacune de ces tribus ou communautés
possède ses milices « armées en guerre »,
composées de guerriers de métier, bien
armés, manœuvrant par des raids profonds
et capables aussi bien de se regrouper dans
des alliances de circonstance que de se
disperser dans l’immensité sahélienne.
Chacune a pu se ravitailler depuis cinq ans
dans l’arsenal d’armes légères laissé à ciel
ouvert par la déroute militaire de 2011.
Devenu terrain propice à l’extension de
l’EI, la Libye a alors été contaminée par un
jihadisme militant soutenu par les combats
du Levant et l’argent du Golfe : le désordre
s’est transformé en guerre civile.
Quatre ans de conflits et de désordres
Après les combats conduits en 2011 par la
France et la Grande Bretagne dans le cadre
otanien puis la fin du régime, on a assisté à
une succession de crises qui ont miné un
pouvoir central, le CGN, établi à Tripoli en
juillet 2013 en relève du CNT qui
regroupait les opposants au raïs. Les
tensions multiples opposaient les
fédéralistes de l’Est soucieux de la
Cyrénaïque, les islamistes radicaux du
centre exigeant un État islamiste, les
Amazighs du Djebel Nefoussa à l’Ouest et
les nomades touareg et toubou du Sud
s’affrontant autour d’Oubari. Commencée
en juillet 2013, la bataille des factions pour
le contrôle de l’appareil pétrolier a été
suivie de l’émergence du général Haftar en
2014 qui va livrer bataille aux islamistes.
Des élections législatives contestées en août
2014 créent une double légitimité
parlementaire : nationaliste à Tobrouk,
islamiste à Tripoli. Mais grâce aux bons
offices des voisins et de l’ONU, un
compromis est finalement signé en
décembre 2015 à Skhirat, établissant un
gouvernement d’union nationale début
2016, sous la direction de Fayaz Sarraj et
reconnu par la communauté internationale.
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Les Américains qui s’étaient retirés du jeu
dès 2012 reprirent des offensives ciblées en
2016 dans le cadre de la lutte contre l’EI : en
difficulté en Syrie, il avait exfiltré en 2015
du front syrien des combattants (souvent
tunisiens) qui s’étaient rendus maîtres de la
région de Syrte. Ils en furent délogés par
les milices de Misrata et se replient dans le
Sud. Le gouvernement Sarraj, contesté à
Tripoli même, doit partager son autorité
sur la Libye avec les Misratiens, le
parlement de Tobrouk et Khalifa Haftar,
qui a pris le contrôle par surprise mi-
septembre des terminaux pétroliers. 2
parlements, 3 exécutifs !
Asymétries régionales
Début 2017, les trois régions libyennes sont
dans des situations politiques, sécuritaires
et économiques très différentes.
La Cyrénaïque à l’Est est quasiment libérée
des terroristes (sauf la poche de Derra) et
pacifiée par l’ANL, l’armée nationale
libyenne, sous les ordres d’un maréchal
Haftar qui, après un exil aux États-Unis,
déjà soutenu par l’Égypte, le Tchad et les
ÉAU, a reçu récemment l’appui officiel
remarqué de la Russie et commencé à
consulter les voisins de la Libye sur leurs
intérêts face à ses projets. Comme il
contrôle 85% des réserves pétrolières, sa
viabilité économique est assurée.
En Tripolitaine, à l’Ouest le désordre se
prolonge dans une forme de « guerre de
tous contre tous ». Une multitude de
factions armées s’affronte dans des
combats aux racines parfois anciennes mais
dont les principaux enjeux sont liés aux
affiliations islamistes, celle des Frères
Musulmans à Misrata, celles d’Al Qaida à
Tripoli. Le gouvernement d’union
nationale qui ne dispose pas de force armée
régulière doit même composer aujourd’hui
avec une nouvelle Garde nationale
libyenne, sorte de force républicaine de
sécurité née à Misrata début février.
Au Fezzan au Sud, une médiation
tchadienne a mis fin au violent conflit
nomade entre touareg, ouled nails et
toubou, qui a laissé s’implanter des
groupes terroristes venus d’Algérie, du
Niger et du Mali. Chacun s’impatiente
devant le désordre du Nord qui fait perdre
à la région son caractère profitable de
plaque tournante de tous les trafics
sahéliens. La normalisation du territoire
sous la férule du Maréchal Haftar inquiète.
Des forces seraient disponibles pour mettre
fin aux tensions en Tripolitaine.
Comment sortir de la crise libyenne ?
Au vu de ces situations régionales
dissemblables trois scénarios sont
envisageables à court terme.
1) Une partition de fait réserverait à la
seule Cyrénaïque, épaulée par l’Égypte et
garantie par la Russie, le bénéfice des
ressources du pays. La Tripolitaine et le
Fezzan devraient alors gérer ensemble un
défi islamiste qui concernerait directement
les pays du Maghreb central, constituant
un danger direct pour la Tunisie et un
risque majeur pour la France.
2) une reconquête militaire de la totalité du
pays par l’ANL avec le concours des alliés
toubou au Sud et berbères de l’Ouest et
peut-être également l’assentiment discret
des puissances occidentales. Elle serait
coûteuse et longue mais rétablirait
l’intégrité de la Libye avec un pouvoir
autoritaire à la clé.
3) une mise au pas politique progressive de
la Tripolitaine qui associerait le K. Haftar
au gouvernement d’union nationale de
Fayez Sarraj. Vice-Premier ministre ou
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Ministre de la Défense, le chef de l’ANL
renforcerait alors ce gouvernement fragile
et sans pouvoir réel et lui redonnerait son
autorité. Il est probable que Russes et Turcs
en ont déjà parlé avec les Égyptiens et que
le scénario jouable sortira de leur chapeau.
Implications extérieures multiples
Pourtant, c’est en Afrique que l’on a le plus
palabré récemment. Le 27 janvier, en
préalable au 28ème sommet de l’UA, le
président Sassou Ngesso a réuni à
Brazzaville les présidents du Tchad, du
Niger, A. Messahel, le ministre algérien des
affaires africaines, le PM Fayaz Sarraj chef
du GNA et le Haut représentant de l’ONU
pour examiner des pistes de sortie de crise.
Il est vrai que ce sommet de l’UA a d’abord
été celui de la réadmission sans condition
du Maroc, victoire incontestable d’une
diplomatie marocaine qui s’était engagée
fermement en abritant l’accord de Skhirat.
Auparavant de multiples navettes des
dignitaires libyens à Tunis et Alger
conduites à l’instigation des présidents
tunisien et algérien ont permis de préparer
le futur qui pourrait être prochainement un
« sommet des voisins de la Libye ». Il
consacrerait une forme de rééquilibrage
des pouvoirs et donnerait une place de
choix à l’homme clé du moment, le
maréchal Khalifa Haftar. Ainsi serait évitée
cette partition que chacun redoute car elle
déstabiliserait le puzzle littoral libyen,
favoriserait un émiettement du Sahel
libyen et pourrait avoir un effet de
contagion sur toute la région du Maghreb
et du grand Sahara.
De même pourrait se constituer une forte
diagonale nord-africaine reliant les
maréchaux Sissi et Haftar aux deux vieux
présidents Beiji Caid Esebsi et Abdelaziz
Bouteflika. Resterait, à la faveur du retour
du Maroc dans l’UA qui atténue de facto la
cause sahraouie, à solder les contentieux
hérités de la période coloniale et à
réinventer une forme de concertation
maghrébine moderne. Ainsi se constituerait
un front régional légitimiste capable de
contrer le salafisme radical et d’endiguer
les menées politiques des Frères
musulmans qui menacent le Maghreb.
Souhaitons que la France, trop soucieuse
d’ONU et d’UE, s’associe enfin à cet effort
en y faisant contribuer l’initiative 5+5 restée
en retrait de cette sortie de crise.
Vu avec La lorgnette : TRUMP et le tumulte
Donald Trump n’est pas un homme d’État,
chacun le constate. C’est son principal défaut
mais aussi son atout majeur. Certes, son
gouvernement met-il beaucoup de temps à
s’installer, les rôles des uns et des autres
paraissent peu établis, sans compter la présence
d’agitateurs plus enclins à défendre leur idéologie
qu’à servir le pays. La confusion règne donc, elle
est de plus fort visible.
Cela n’est pas sans danger car la base électorale
de Trump y verra sans doute la confirmation
d’un complot washingtonien contre son héraut.
Plus que jamais, la discorde civile s’installe aux
États-Unis et affaiblit le pays. Cela contredit le
slogan du 45e POTUS : renouer avec la grandeur,.
Pour autant, ses maladresses n’ont pas que des
effets négatifs. À force de tonner et de montrer la
brutalité qu’il a pratiquée dans l’impitoyable
monde immobilier new-yorkais, le tycoon arrive à
bousculer les positions acquises. Démontrant
qu’il est capable de tout, on en vient à craindre
qu’il soit capable de tout et on prend ses menaces
et imprécations à la lettre. Ainsi ses fulminations
contre les monnaies étrangères trop faibles, ainsi
ses remontrances contre les exportateurs trop
avides, ainsi ses accusations contre les entreprises
nationales promptes à délocaliser sont elles
suivies d’effet.
Face à Trump, le sang-froid est de mise. Gare aux
émotions : il faut y regarder à deux fois !
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