Perspectives et identités
• « La didactique n’existe qu’en
dialogue avec divers partenaires »
(Narcy Combes 2010)
• Regard du linguiste (énonciation,
cognition, pragmatique, études
gestuelles)
Objectifs
• Pour être véritablement « certifiante » une certification en langues se doit d’être un jeu.
• Ce jeu respecte l’organisation dramatique interne et le fonctionnement social externe du langage.
• Ce jeu est « scénarisé » (en amont) par des concepteurs et « joué » (le jour venu) par des candidats-acteurs.
• Les épreuves sont autant « d’actes » qui mènent à une « scène de résolution finale » incarnée.
Nous jouons la langue autant
qu’elle nous fait jouer
• « Ça joue dans / par la langue »
① Structure argumentale des verbes (argumentstructure): distribution de « rôles (thématiques) » à des « actants »; structuration dramatique de l’expérience (décompression > réanalyse > construction de scènes). Ex. ‘poursuivre’, ‘écrire’
② Mimiques facio-gestuelles: (1) jeux de mains mettant en scène la pensée (McNeill 1992, 2005) (2) « Body motion communication » , « Postural habits » (Birdwhistell 1970), « Body idiom » (Goffman 1963)
« Acteurs sociaux »
• « Ça joue avec la langue »
① Interaction : communication = conduite sociale codée et scriptée, avec ses rites (« interaction rituals »), ses jeux d’apparence et de contrôle (de soi, des autres), sa discipline corporelle (« limb discipline ») ses niveaux d’engagement(« involvement ») (Goffman 1963, 1967, 1970, 1987; Labov 1973; Hymes 1974; Sankoff 1980)
Cf. Collection « Conduct and Communication »
Cf. Saussure (1919): parole = exécution individuelle de la langue (définie comme un « produit social »).
« Pédagogues et apprenants »
• « Ça fait jouer la langue »
① Approches communicatives (« communicative language
teaching ») : « playing at talk » (Corder 1977). Recours
aux jeux de rôles (« role-play activities ») : « The teacher
can be ‘producer’ or ‘referee’ and the learner ‘actor’ or
‘player’ » (Ellis 2007). Le but est de développer un savoir-
faire (« functional language ability ») et non seulement un
savoir (teacher as ‘knower / informer’, learner as
‘information seeker’).
② Approches actionnelles: « scénario d’apprentissage-
action » (Bourguignon 2007, 2010), « scénario
d’évaluation »
Le contexte
• L’enseignement des langues son évaluation
certificative (CLES, DCL) se situent aujourd’hui
dans une perspective « post-communicative » (Narcy
Combes 2010)
• Cette perspective est dite « actionnelle »
• « Post- » ne signifie pas ‘qui oublie’, ‘qui renie’ mais
qui englobe et dépasse.
• « Passage de l’interaction communicative à la co-
action » (Puren 2010), d’un parler / écrire du contact,
de l’expression et de l’échange à un parler de l’agir et
du créer ensemble.
CECR
« La perspective privilégiée ici est de type actionnel en
ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant
d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à
accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement
langagières) dans des circonstances et un
environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine
d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent
dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-
mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui
seules leur donnent leur pleine signification. » (15)
2 remarques importantes
• L’adoption d’une ‘perspective’ ou d’une ‘approche’
n’est pas un simple ‘choix pédagogique’, encore
moins une ‘phénomène de mode’. Il y a des enjeux
méthodologiques, théoriques, docimologiques,
épistémologiques, économiques et politiques
fondamentaux qui s’inscrivent dans une
temporalité.
• Le CLES est à la fois le produit et le moteur de ce
changement de paradigme:
Certifier autrement parce qu’on enseigne/apprend autrement
Enseigner/apprendre autrement parce qu’on certifie autrement
Pour le candidat
• Je ne vais pas « passer un test » et « obtenir unscore » à partir d’un qcm.
• Du début à la fin des épreuves, je vais « jouer unrôle » dans le cadre d’une « mission » fictive maiscrédible et inscrite dans un contexte social.
• Pour y parvenir, je vais accomplir un ensemble detâches guidées, à partir de textes (oraux, écrits)rattachés à un même thème.
• Idéalement, le « faire comme si » de la missionfictive respectera le « faire comme ça » de « l’agird’usage » (cf. Purren 20009, « De la simulation à laconvention »)
• Stimulant, exigeant… et intelligent.
Comment en est-on arrivé là?
• « Paradigme indirect » (traduction) > « Paradigme
direct » (penser et parler en LVE) (Puren 2009)
• Méthode audio-orale (MAO): oraliste (bande,
labo), imitative, répétitive (modèles, patterns) pour
créer automatismes, behavioriste (conduites-
réponses), structuraliste et distributionnaliste
(patterns), équivalent didactique du taylorisme dans
l’industrie (Puren 2010). Evaluation en conséquence.
Construction remarquable malgré aspects
contestables.
Approches communicatives
• « Gérer des situations de prise de contact avec un
locuteur de la langue-cible » (Catroux 2006). En
Europe, dimension politique forte (circulation
individus).
• Substrat théorique: (i) modèle de la communication
de Shannon (Emetteur – Message / Canal –
Récepteur) (ii) actes de paroles (Austin, Searle) (iii)
Ecole de Palo Alto (interaction et co-construction du
sens) (iv) fonctionnalisme.
Approche communicative-
actionnelle
• Changement de contexte socio-politique en Europe:
contact, échange > étudier, travailler, agir ensemble.
« Il ne s’agit plus seulement de communiquer avec
l’autre mais d’agir avec l’autre en langue étrangère »
(Catroux 2006)
• « Logique d’action sociale, collaborative et durable »
(Puren 2009). « Faire ensemble », « co-agir »
• Pédagogies valorisant « projets », « missions »
Une synthèse possible
• « Scénario d’apprentissage-action » (Bourguignon
2007, 2010) – « Communic’action »
• « Simulation basée sur une série de tâches
communicatives, reliées les unes aux autres, visant
l’accomplissement d’une mission plus ou moins
complexe par rapport à un objectif. » (2007)
• Pour accomplir la mission, l’apprenant doit effectuer
des mico-tâches impliquant des activités de
communication langagière.
• « Donne du sens » à l’apprentissage et à l’évaluation.
Caractères généraux
• « Le scénario CLES est défini comme la simulation
d’une mission que les candidats effectuent par
étapes dans le cadre d’une situation réaliste »
• « Le scénario se compose de trois parties : (i) mise
en situation vraisemblable (ii) des micro-tâches
motivées par la logique du scénario (iii) deux
macro-tâches de production qui constituent
l’aboutissement de la mission »
• (CLES 2) PE = note de synthèse PO = négociation
> compromis + prise de décision. « Rôles à jouer »
Mise en situation
« Dans votre université, les enseignants
s’inquiètent de plus en plus des cas de plagiat
dans les travaux personnels remis par les
étudiants. Cette tendance remet en question
la validité des diplômes et le sens même que
l’on donne à la formation universitaire »
Tâches de communication
• Tâche écrite: « Votre université souhaite informer les
étudiants et les enseignants par le biais de sa lettre
mensuelle. Le comité de rédaction vous a commandé un
article sur ce sujet. Pour cela, vous reprendrez et
structurerez dans une synthèse les informations les plus
importantes que vous aurez lues ou entendues. »
• Tâche orale: « Vous participerez à une discussion
contradictoire avec une(e) autre candidat(e) sur le thème
décrit précédemment. Vous devrez présenter et défendre
la position qui vous sera attribuée par tirage au sort.
Dossier
Dans cet exemple :
• 2 vidéos + 1 podcast audio (total 5’).
•5 textes: Google Bans Internt Essay Adverts that
Help Students Cheat on Degrees – Plagiarism: What
Should a Teacher Do – Cut-and-paste is a Skill, Too
– The Great University Cheating Scandal –
Graduate : a Cut-and-past Affair
Etapes liminaires de
compréhension
• Apport d’éléments factuels (thématiques)
mais aussi formels (linguistiques) permettant
de réaliser les macro-tâches. Fournit le
matériau de construction.
• Pas de compréhension per se, même si
quelques questions semblent relever de la
pure discrimination / identification de
formes : énoncés à compléter.
Autre thématique (résumé)
• « Binge drinking » : tensions provoquées entre
étudiants et habitants dans la ville. Mairie et
associations (étudiantes, lutte contre l’alcoolisme)
cherchent solution.
• Tâche écrite : rédaction d’une note de synthèse
pour un groupe de réflexion mis en place par les
autorités.
• Tâche orale: représenter deux associations de lutte
contre l’alcoolisme (l’une plus répressive, l’autre plus
éducative).
CLES 3
• « Evaluer la capacité de l’étudiant à communiquer et
à prendre part à la vie scientifique en rapport avec
son domaine d’étude ou de recherche »
• Scénario: (i) une mise en situation (ii) dossier
documentaire géré de façon autonome (pas de
micro-tâches de compréhension guidée) (iii) PO
(exposé, diaporama 10’ devant jury incluant
spécialiste + entretien) (iv) PE compte-rendu du
dossier et de la présentation (note de synthèse,
abstract, article, 600 mots). 4h20
Conclusion
• « Evaluation » > scénario communicatif-actionnel.
• « Epreuve » > mission fictive, socialement crédible
• « Déroulement » > étapes graduées et guidées,
micro-tâches préparatoires à des macro-tâches (PE, PO)
• « Utiliser / manier » la langue > agir sur /avec
• « Passer » > jouer
• « Candidat » > acteur
Références
bibliographiques
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perspective actionnelle : didactique et pédagogie par l’action en interlangue. Communication
présentée au 3e forum des langues de l’ANEP, 8-10.10.2010, Montevideo. http://www.ph-
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BOURGUIGNON, Claire. 2007. « Apprendre et enseigner les langues dans la perspective
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PUREN, Christian. 2009. « Les implications de la perspective de l’agir
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scientifique publié sur le site de l’APLV, http://www.aplv-
languesmodernes.org/spip.php?article1841
PUREN, Christian. 2010. « Nouvelle perspective actionnelle et (nouvelles)
technologies éducatives : quelles convergences… et quelles divergences ? »
http://www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article2673