douche froide #1 [fanzine]

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FESTIVAL ARTOOZ (Gira, P.Orridge, Coil…) LES S NOUVELLES LECTURES COSMOPOLITES ETANT DONNÉS NO SÉ KITSHETTE DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES POISSON SEC SAM 1KA-THAR-SIX FLORIAN LE MOINE PIERRE BASTIEN #1 parution aléatoire-automne 2002-7e-CD inclus ROIDE DOUCH EXPRESSION GRAPHIQUE ONORE Nouvelles lectures cosmopolites Macrocoma GVK Le syndicat électronique 1-ka-thar-six Vox Le singe blanc Nature morte Déficit des années antérieures TITRES RARES OU INÉDITS

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"Douche Froide" fanzine n°1, about graphism & sound. 2002. Pierre Bastien / Artooz Festival / DDAA / Etant donné / Nouvelles Lectures Cosmopolites…

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Page 1: Douche Froide #1 [Fanzine]

FESTIVAL ARTOOZ(Gira, P.Orridge, Coil…)

LES S

NOUVELLES LECTURESCOSMOPOLITES

ETANT DONNÉS

NO SÉ

KITSHETTE

DEFICIT DES ANNEESANTERIEURES

POISSON SEC

SAM

1KA-THAR-SIX

FLORIAN LE MOINE

PIERRE BASTIEN

#1parution aléatoire-automne 2002-7e-CD inclus

ROIDEDOUCHEXPRESSION GRAPHIQUE ONORE

Nouvelles lectures cosmopolitesMacrocoma

GVKLe syndicat électronique

1-ka-thar-six

VoxLe singe blancNature morte

Déficit des années antérieuresTITRESRARESOUINÉDITS

Page 2: Douche Froide #1 [Fanzine]

Na-Da : “Dur d'oreille” (2002)

Page 3: Douche Froide #1 [Fanzine]

Cela faisait longtemps que nous

l’attendions… Nous pestions en

silence de voir le fanzinat dans sa

lente agonie se borner à n’être que

musique, que graphisme, que

sectarisme. C’est ainsi qu’il y a

maintenant plus d’un an a germé

l’idée de " douche froide ", l’idée

d’un " fanzine non limitatif " (nous

utilisons le terme " fanzine " faute

de trouver mieux) qui ferait se

rencontrer musique, écriture,

photographie, dessin, et toutes les

formes d’expressions artistiques.

Mais " douche froide " représente

aussi une dimension concrète des

applications de Phosphen, toute

nouvelle association qui a pour but

de créer un lien entre graphistes,

musiciens et bidouilleurs en tout

genre. Phosphen, c’est aussi un

label qui a sorti une compilation,

" Tribalités Urbaines ", le 4 mai

dernier, et qui organise des

soirées-événements.

Le lieu dans lequel Phosphen a

vu le jour, Mix’Art, est lui aussi

Directeur de la publication : Piff Linger

Rédacteur en chef : Max Lachaud

Rédacteur : Marjory Salles

Direction artistique : Hervé Duhem [email protected]

Ouverts à toute collaboration, n'hésitez pas à nous contacter :" Douche Froide " 33, rue de Metz - Ancienne Préfecture31000 Toulouse (France)[email protected]

" Douche Froide " est édité par l’association Phosphen

Merci à tous les artistes qui nous ont fait confiance pour cette aventure !

un lieu de rencontre artistique

pluridisciplinaire, occupé illégalement

et légitimement, offrant une culture

accessible à tous afin de fournir

des possibilités à des artistes en

situation de précarité.

Centralisé sur Toulouse, un des buts

premiers de Mix’Art est de créer des

connections. Ce premier numéro de

" douche froide ", graphiquement

parlant, propose des travaux (trop

peu hélas) de quelques uns des

artistes de ce lieu. Le but étant, à

l’avenir, de s’élargir sur d’autres

endroits, d’autres villes.

" Douche froide " cherche à

développer dans chaque numéro

un fil conducteur au graphisme.

Chaque artiste illustre ici

ses propres angoisses. Corps

grotesques, phobies abjectes,

formes inquiétantes, chacun y va de

sa propre vision et de sa propre

subjectivité.

Musicalement, nous avons aussi

cherché à mettre au sommaire des

artistes dont nous apprécions la

démarche et qui se situent tout à

fait dans l’optique de " douche

froide " : les plasticiens sonores de

Déficit des Années Antérieures, le

mécanoïde mélancolieux de Pierre

Bastien, le théâtre de la cruauté

d’Etant Donnés ou les bidouillages

mystiques des Nouvelles Lectures

Cosmopolites.

Il ne s’agissait pas non plus de

s’arrêter là. Ainsi est venue l’envie

d’un accompagnement sonore au

fanzine qui se proposerait de

faire, encore une fois, se rencontrer

de nombreux artistes, certains

plus connus que d’autres, sur un

même support, et de donner ainsi

une dimension supplémentaire à

" douche froide ".

Le résultat est là, entre vos mains et

vos oreilles. Nous espérons que

vous apprécierez et y trouverez

votre propre chemin.

Max et Piff

Illustration couverture : Kitshette : “Amiel” (2002) - [email protected]

Page 4: Douche Froide #1 [Fanzine]

Dans le cadre des soirées thématiques musique et cinéma organisées par Scratch Projection

(organisation diffusant des films expérimentaux), Pierre Bastien accompagné par le cinéaste

Karel Doing, nous a régalé, ce mardi 28 mai, d’une performance intitulée " Four Eyes ".

Mais comment rendre compte de l’univers de Pierre Bastien sur ce papier sans perdre l’émotion

et la magie de l’instant ? Chose ardue, voire impossible... Racontons tout de même ce que nous,

spectateurs transcendés, avons vu et écouté ce fameux soir.

Ambiance feutrée, un éclat de lumière : la machinerie colorée de mécano s’ébranle et crée le

rythme. Les images de Karel Doing défilent, en noir et blanc, répondant à cette cadence

entrecoupée. Sons répétitifs et incantatoires , rituel sonore et visuel, ces alchimistes nous font

entrer sans plus de façon dans une dimension fascinante...

Sortis de cette transe, détaillons maintenant cette rencontre du lendemain, où Pierre Bastien a

accepté avec pudeur de mettre en mots ses passions instrumentales et machinales.

pie

rr bastie

interview

Page 5: Douche Froide #1 [Fanzine]

Nous avons assisté hier soir à une

prestation avec Karel Doing… cinéaste avec

lequel vous travaillez depuis déjà longtemps.

Comment vous répartissez-vous les tâches :

Karel aux images, Pierre aux sons ?

P.B. En fait, Karel réalise une partie des

images : il projette ses films réalisés en super

8 sur de petits écrans installés sur sa table,

eux même filmés par des caméras de

surveillance qui retransmettent l’image sur

grand écran. J’utilise le même système où ces

mêmes caméras filment mes machines en gros

plans, donc je diffuse aussi des images... Dans

mes concerts solo, il y a uniquement des

images filmées en direct.

Toute image de passants, de voitures,

d’immeubles... tout ce qui est imaginé et qui

sort de la salle de concert, tout cela est la

partie de Karel. Moi je suis responsable des

images qui sont là, en train d’être travaillées

sur scène.

Comment conciliez-vous vos deux univers ?

Karel introduit des images extérieures…

quel est votre point de départ ? Les images ?

La musique ?

Pour un concert seul, j’ai trois projections :

le tourne-disque, le petit clavier sur lequel

tourne le cylindre au milieu et sur le coté

une machine rectangulaire en mécano qui fait

des rythmiques.

Karel est venu voir un concert et a beaucoup

aimé. A voir ces images, sans travelling, sans

aucun effet de cinéma, uniquement des plans

fixes, donc cela bouge mais à l’intérieur d’un

plan fixe (et c’est un plan fixe d’une heure),

il a eu envie de donner le mouvement de

travelling, du cinéma… Il est venu ici même,

pour filmer des vues de Paris car je lui parle

souvent de Paris parce que je suis, comme

tous les exilés, nostalgique de ma ville natale

(Pierre Bastien vit à Rotterdam)... alors il est

venu filmer Paris avec l’œil d’un étranger…

mais cela ne se voit pas forcément…

Si, on reconnaît bien l’architecture, les

stations de métro…

Oui, mais c’est tout de même une vue un peu

abstraite... J’aime travailler avec lui parce qu’il

crée d’une façon rythmique : il utilise des

projecteurs super 8 qui peuvent aller jusqu’à

3 images par seconde. Il intervient sur la

vitesse, normalement le cinéma fonctionne

avec 18 ou 24 images par seconde, alors avec

3 images, cela crée un battement… et c’est

très beau, cela ressemble beaucoup à ma

technique musicale.

En fait, je joue exactement de la même

manière, j’ai des petits moteurs qui travaillent

en bas voltage et avec des boutons, je peux

alimenter en 3 volts, en 6 volts… je change de

vitesse de cette manière là.pie

rr

n

w

je suis,

comme tous les exilés,

nostalgique de ma ville natale

Page 6: Douche Froide #1 [Fanzine]

Donc tous deux vous fragmentez le réel et

vous composez une cadence. Cela fonctionne

automatiquement ?

Je l’espère !

La présence d’êtres humains dans les films

m’ont intriguée : …Nous voyons les machines,

nous " voyons " donc les figures de la

répétition, et dans cette ambiance mécanique

et implacablement cadencée, des passants,

des marcheurs… un gros plan de jeune

femme…

Ah, cela relève de la partie de Karel, c’est à lui

qu’il faut poser la question… Pour ma part,

je ne suis pas très sensible à tout ça, je préfère

l’univers géométrique.

J’ai l’envie et la tentation lorsque j’entre

en scène de me présenter un peu comme

Charlie Chaplin dans " les temps modernes ",

dans une machine, dans une mécanique qui le

broie et qui le dépasse. C’est un petit peu

cette image là qui me rentre en mémoire

lorsque je présente une grande image de

machinerie avec moi, petit, là dessus,

assommé par cette machine…

Donc quand Karel superpose les images

iconographiques et les machines, cela me

rappelle un peu tout ça. De moi même, j’irai

plus vers des choses abstraites.

Effectivement, cela correspond à votre

présentation, vous êtes tous deux habillés

en noir, vous disparaissez presque dans la

pénombre et les images en noir et blanc. Un

seul jet de lumière sur la machine de mécano,

seule touche de couleur vive d’ailleurs !

Pour la couleur je ne suis pas responsable,

c’est la couleur du mécano ! Le premier

mécano, qui date de 1910, était noir et blanc.

J’en ai collectionné des kilos et c’est rare à

trouver… J’en ai vu une seule fois… j’ai fait une

machine que j’ai donné à un collectionneur…

Vous jouez avec ces machines que vous avez

vous même programmées. Il y a-t-il de la

place pour l’improvisation, pour une liberté

de notes ? Ou vous soumettez-vous au régime

qu’elles vous imposent ?

Oui, je me soumet à leur rythme mais en

même temps, j’ai beaucoup de liberté car je

n’en utilise pas qu’une à la fois. Parfois, je me

laisse emporter par le visuel, l’image du

tourne disque me plaît. Logiquement, il y a

trois sources sonores qui jouent à une

certaine vitesse donc sur des plans différents

avec leur propre tempo.

Je ne me sens pas enfermé dans un carcan, j’ai

mes boutons à porté de mains : si je me sens

en prison, je m’en libérerai très facilement. Au

contraire, je vois cela comme un tremplin pour

ma mélodie. Souvent la mélodie est aussi un

prétexte pour laisser travailler les machines

longtemps.

“Mécanoïd” 2001

Page 7: Douche Froide #1 [Fanzine]

tout ce que je fabrique c’est une blague avec

la musique, avec les sons… je peux faire des

rythmiques que les autres font à grand renfort

de batterie et d’appareils électroniques

sophistiqués. Moi je fais ça avec des mécanos,

des petits moteurs de radio cassettes,

des élastiques. Cela a ce côté dérisoire mais

je parviens presque au même résultat, enfin,

un résultat voisin…

Le fait d’utiliser des objets du quotidien

apporte une touche de fantaisie : les gens

ne réalisent pas toujours que leurs appareils

électroménagers peuvent faire un joli son !

Je suis un musicien pratiquement

autodidacte… je ne suis pas un spécialiste de

la musique. Quand je dois parler à un public,

je ne me sens pas enfermé

dans un carcan, j’ai mes

boutons à porté de mains

Alors tout est manigancé au départ, pas de

place à l’aléatoire ?

Exactement. Quand j’enregistre une première

prise avec une nouvelle orchestration,

j’improvise. Puis je reprends cette

improvisation. Quand j’ai trouvé la bonne,

je la rejoue sur scène. Ce n’est pas improvisé

sur scène, elle date déjà de 6 mois !

Le fait de répéter cette impro lui donne plus

de caractère, plus de force. Souvent je

réenregistre un morceau 6 mois plus tard car

il est plus intensif, la première fois on n’est

pas tout à fait conscient de tout ce qu’on

pourrait y mettre. Quand je joue quelque

chose de triste, en le réecoutant plus tard,

je m’aperçois que c’est plus poignant.

Il demeure chez vous un côté

mélancolique, mais aussi ludique…

Raymond Quéneau disait

" mélancolieux " …

J’aime le triste plutôt dramatique et

j’aime m’amuser dans la vie, donc

Page 8: Douche Froide #1 [Fanzine]

je lui parle avec ce qu’il connaît, sur un même

plan. Je ne cherche pas des techniques ou des

technologies compliquées dans la musique.

Est-ce une façon de désacraliser la musique

et ses virtuoses ?

Non, j’ignore ces choses là, je n’aime pas la

musique quand elle est jouée de cette façon

là. J’aime la musique quand elle est jouée

simplement avec des choses simples.

Je ne veux pas de mystère, on voit mes trucs

qui tournent avec mes caméras… on comprend

mieux ce qui se passe. Tout est fait avec du

carton, de l’alu, des punaises… pas de choses

rares et compliquées.

Il y a tout de même un instrument :

la trompette.

Oui, c’est la chose la plus froide.

Je me souviens, il y a toujours eu une

trompette chez moi… quand j’étais enfant,

je voyais cette petite usine et cela me faisait

un petit peu peur.

Vous détournez les objets en tant que

musicien et vous avez réussi à trouver un

poète qui a détourné le langage en la

personne de Luis d’Antin Van Rooten…

Celui-ci a écrit des poèmes en français qui,

lut à haute voix correspondent à de l’anglais.

Oui, comment le savez-vous ?...

Cela fait l’objet de mon dernier Cd " Mots

d’Heures : Gousses, Rames " que j’ai

composé avec Lukas Simonis, guitariste.

Il a été édité chez In-Poly-Sons, label

spécialisé dans les musiques réalisées sur

une thématique.

Luis d’Antin Van Rooten a écrit ça pour

s’amuser, dans un français très bizarre avec

des notes très farfelues en anglais. On a

invité des amis de diverses nationalités et on

leur a fait lire ce livre et c’est plus ou moins

bien selon l’accent, parfois on arrive à de

l’anglais, parfois pas du tout ! Le résultat

a toute fois été très musical et très comique.

Votre musique est très visuelle, par le fait de

toute sa machinerie, lorsque vous produisez

un Cd, vous prenez en compte cette nouvelle

dimension ?

Quand je suis sur scène, je ne peux utiliser

tous les instruments que j’ai à la maison, donc

je m’amuse autant d’un coté que de l’autre !

(Pierre Bastien collectionne les instruments ethniques)

J’ai mon propre studio chez moi et cela me

permet de travailler sans avoir à construire

réellement une machine, je la recrée

manuellement par différents procédés et

je fais en sorte que cela joue comme une

machine… des sons humains qui sonnent

comme une machine.

Quand vous jouez d’un instrument, est-ce que

vous considérez que vous apportez une part

d’humanité à votre symphonie machinale ?

A force de jouer avec ces machines, elles

s’humanisent… j’ai construit la première en 1977.

Page 9: Douche Froide #1 [Fanzine]

Ce sont mes enfants ! Il faut s’en occuper,

les remettre en état…

J’ai une relation amicale avec ces robots et

à certains moments j’ai l’impression d’être

devenu un robot, je peux jouer très

mécaniquement…

Je ne suis pas aussi fort que certains à ce jeu

là. Il y a en a de très bon, je pense notamment

au batteur de Can qui, une fois, en studio,

jouait aussi carré que la programmation de la

boite à rythme.

Mes machines ne sont pas aussi implacables !

Comme elles sont fabriquées avec des

élastiques, il y a toujours des petits

flottements, qui sont d’ailleurs très agréables

et presque humains ! Elles m’ont donné un

style très particulier…

je ne veux pas de mystère,

on voit mes trucs qui

tournent avec mes caméras

Pierre Bastien sera en concert au Printemps de

Septembre à Toulouse, les 27 et 28 Septembre

avec Pierrick Sorin et à Albi en février avec Jean

François Laporte (dates à préciser).

A ne rater sous aucun prétexte ! ! !

DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE■ Mécanium (ADN) LP 1988■ Musiques Machinales (In Poly Sons) CD 1993■ Mécanisme de l'Arcane 17 (G3G) single 1994■ Eggs Air Sister Steel (In Poly Sons) CD 1995■ Boîte n°3 (Ed. Cactus) mini CD 1996■ Musiques Paralloïdres (Lowlands) CD 1998■ Mécanoïd (Rephlex) CD 2001

Propos recueillis par Marjory

Page 10: Douche Froide #1 [Fanzine]

les S

Page 11: Douche Froide #1 [Fanzine]
Page 12: Douche Froide #1 [Fanzine]

festival artooz chronique

michael gira

concert au charme fusionnel et incantatoire.

Effeminé, perruqué, maquillé, cuir et T-shirt,

d'une voix vibrante, Genesis nous livre ses

textes. Ironie, sourire métallique et vibrations

industrielles, nous reconnaissons là sans

aucun doute l'héritage de Throbbing Gristle,

dans une transe transie, un bonheur

magnifié...

Puis, les frères Hurtado entrent en scène

pour une performance concise et puissante.

Un quart d'heure équivoque et cohérent où

Etant Donnés exprime une vision de l'homme

et ses rapports au monde, entre lumières

aveuglantes, cris, psalmodies, combats,

baisers. Un spectacle corporel où la mise en

abîme par le biais de la lumière correspond à

la philosophie du groupe : unité du corps et

de l'esprit avec l'amour comme seule source

vitale, dans un rapport à l'art sacré et son

caractère divin.

Nous ressortons de cette première soirée

dans un état second, dans une sorte d'ivresse

euphorique pour aborder le programme du

Tout a commencé le jeudi 28 mars, dans les

caves de la galerie d'art Res Rei en centre ville.

En guise d'ouverture, installation et

performance électromagnétique de Kelektrik

Expérimental… dans un dédale de couloirs,

la perception de l'espace se structurait selon

les larsens et la luminosité des néons en

résultant. Une mise en scène qui annonçait

les réjouissances à venir !

Après cet accueil sombre et bruiteux, nous

partons pour la salle C.C.S.M. John Lennon, où

nous attendaient Michael Gira et sa guitare

sèche. Malgré quelques trouble-fêtes postés

au bar, cet ex-membre du mythique groupe

Swans instaura une ambiance intimiste et

introvertie avec une énergie maîtrisée,

laissant entrevoir une forte personnalité.

Une voix grave et virile, une guitare maltraitée

pour une bonne cause, nous ne pouvons que

tomber sous le charme.

Fait son entrée Genesis P. Orridge,

accompagné de deux acolytes, sous le nom de

formation Thee Majesty, nous gratifiant d'un

ah cama-sotz

Pour tout amoureux de

musique électronique

industrielle, ce week-

end de Pâques devait

forcément se dérouler

à Limoges, siège du

festival annuel Artooz.

Page 13: Douche Froide #1 [Fanzine]

artooz

genesis p.orridge

xabec

vendredi, tout aussi riche en palpitations

passionnelles.

C'est à Wild Shores de poser les premiers

sons, avec un spectacle multimédia intitulé

"ZOOM X". Sur trois écrans défilent des

images humaines, au rythme d'une musique

électronique hypnotique. Une très bonne

programmation pour notre plus grande

appréciation.

Suivent la compagnie Swan Ei, jfx et

le caca sectaire pour leur prestation

"Icônes". Projection de mots, de corps en

croix, superposés à l'architecture d'église

catholique, sur une musique ambiante

bruitiste. Une chorégraphie pour deux

danseuses, une blanche aux gestes coulés,

un noire aux élans saccadés, inspirée du

Buto japonais. Toutefois, malgré un visuel

agréable, les liens entre les images, le

discours et les mouvements ne sont pas

pertinents...

La compagnie Le Chiendent, accompagnée

par Phil Von, présentent un spectacle pour

trois corps suspendus nommé "Le Trou".

Une chorégraphie enlevée sur une musique

électronique enivrante. Pour avoir déjà

assistée à une présentation en un autre

lieu, je relève que, bien évidemment, la

programmation musicale et les étapes ont été

coil

Page 14: Douche Froide #1 [Fanzine]

Enfin, Coil introduit une atmosphère

solennelle et intimiste, mélodique et belle,

accompagnée par l'odeur de la somptueuse

myrrhe. John Balance recueilli et concentré,

ritualise un concert enjôleur et froid. Nous

sommes en transe muette et extatique,

profondément sous le charme. Enfin pas tous,

car cette sublime prestation n'a pas été

comprise par quelques uns, ne comprenant

pas ce parti pris, d'une douceur apparente.

Pour finir, DJ Octor aux commandes des

platines nous offrit un live ludique dans la

mouvance années 80 très apprécié par les

derniers rescapés de ce festival.

Après toutes ces émotions nous attendons

donc avec impatience l'édition 2003 du

festival Artooz où les groupes Laibach et

Einstürzende Neubauten pourraient bien être

de la partie !

adaptées au lieu, au détriment d'une montée

en puissance plus radicale. Et de quel trou

s'agissait-il ? Nous avons vainement cherché.

"Bleu" et "Royaume" sont les deux films

d'Etant Donnés dont les images superposées,

superbement orchestrées sur des murmures,

instaurent une ambiance de calme et de

volupté. Malheureusement, la longueur de ces

projections a raison de la patience du public

qui en cette heure avancée est plus que

sensible à la fatigue et aux rêves.

Samedi, dernière soirée dont le public a

considérablement grossi. L'ambiance change

et la programmation contribue à donner un

autre climat à ce festival. Xabec amorce la

première partie de soirée. Le son se veut plus

synthétique que ce que nous avons écouté ces

deux derniers jours.

Ah Cama-Sotz produit des sons plus

puissants et plus agressifs, dans une tonalité

techno-industrielle, mais nous nous lassons

vite devant les projections stéréotypées et

faciles d'extraits de films expressionistes,

de chats et autres imageries morbides.

Pan Sonic instaure une ambiance personnelle

plus dépouillée, dont le visuel se limite à un

aplat de lumière mettant en scène une sorte

d'électrocardiogramme du son, qui plus

est, totalement analogique. Efficacité de la

programmation dans la vaine électronica-

bruitiste, nous entrons avec délectation dans

ce monde attirant, un bijou du genre.

Ammo amorce un show breakbeat techno.

Malgré un succès dansant, nous nous

interrogeons sur la pertinence de cette

programmation à ce festival, pas du tout

dans l'esprit de ces deux premiers jours !

La transition avec Coil promet d'être dure...

caca sectaire

ammo

compagnie le chiendent

Chroniqué par Marjory

Crédits photo :

• Liliane meynard

• N. Pingnelain www.obskure.com

• Christel Arnoult www.kyronn.free.fr

• Mimetichttp://membres.lycos.fr/mimetic

• Maité Hemptinne

• Max Lachaud

Page 15: Douche Froide #1 [Fanzine]

judi KLau

rore

“Créature”

Page 16: Douche Froide #1 [Fanzine]

macro

com

a

laetitia

vin ent chab

aud

Page 17: Douche Froide #1 [Fanzine]

florian le moine

Page 18: Douche Froide #1 [Fanzine]

NLC

A la base de la formation étaient Julien

Ash et Augustère. En 1991 ce dernier, n’ayant

ni le temps ni l’énergie nécessaire pour

continuer, quitte la formation. Julien Ash sort

alors un album solo, " Incandescent " aux

ambiances sombres, mélancoliques et

intimistes. Il retrouve ensuite son comparse,

sortent une cassette sous le nom de

Maelstrom, puis un autre enregistrement

crédité Triste Nuit Pour, pour reprendre en fin

de compte le nom de Nouvelles Lectures

Cosmopolites. Mais Augustère ne deviendra

plus que participant. NLC devient le projet

d’un seul homme : Julien Ash.

C’est surtout à ce moment-là que NLC

s’éloigne d’un heritage industriel, certes de

qualité, pour explorer des contrées plus

vastes.

NLC est un des rares " groupes " qui, depuis sa formation en

1989, a su nous surprendre à chaque nouveau disque. Intrépides,

touche-à-tout, les explorations sonores de NLC vont du dark

ambient à du néo-classique, en passant par le minimalisme,

la new age, le trip hop, l’électro, le noise industriel, le médiéval,

l’ethnique, la pop et toutes sortes de collages où toutes formes

d’atmosphères s’heurtent et s’entrecroisent.

interview J.Ash Mon père était professeur de piano,

ainsi que mon grand-père. J'ai commencé à

composer vers 8 ans, certains morceaux de

NLC reprennent des thèmes de cette époque.

J'étais, avant NLC, fasciné par la culture

fantastique, gothique, horrifique, et la

marginalité. Mes goûts musicaux s'étendaient

de Schubert, Bach, Pachelbel à Nurse With

Wound, Thomas Köner, Current 93, Coil, en

passant par Thiéfaine, Pink Floyd, la musique

traditionelle russe, andalouse et tibétaine…

Sur le plan purement littéraire, je vouais une

grande admiration à Kafka, Desproges et Dac.

J'adorais également Dali, Magritte, l'école

d'Ingres, le baroque et l'art nouveau. Mes

goûts n'ont jamais changé, je n'ai jamais renié

ce que j'ai admiré. Je suis quelqu'un de très

constant…

Au-delà de la dimension purement musicale

s’ajoute une dimension esthétique : des

objets en édition très limitée, comme le " Lost

Sand Divinities " accompagné de cartes

postales sublimes édité à 98 exemplaires

ou le coffret " Le Lieu Noir ", cinq disques

numérotés jusqu’à 200 dont le dernier sur

vinyle blanc, la cassette " Dieu est gros "

dans un boîtier en bois, etc. Dans certains des

premiers enregistrements, on trouve même

des peintures réalisées par Ash lui-même.

Je faisais de la peinture, je fais encore pas mal

de photo, mais d'autres sont plus doués que

moi pour cela, je n'utilise donc ce que je fais

que lorsque cela en vaut la peine, et surtout

lorsque je ne peux pas le faire faire par

“Allegro vivace” 1993

Page 19: Douche Froide #1 [Fanzine]

quelqu'un de plus doué… Heureusement, cela

se produit de plus enplus rarement. Ceci dit,

j'aime bien tout surveiller du début à la fin…

Je suis néanmoins passionné par tout ce qui

est arts plastiques.

Les œuvres de NLC sont donc toutes des

objets et des pièces rares dépassant

rarement les 500 ou 1000 exemplaires,

malgré une réputation planétaire les

rangeant aux côtés de Coil ou Legendary Pink

Dots. La plupart de ces productions sont

sorties sur leur propre label EDT, ancienne

Encyclopédie des Ténèbres (1990-96)

devenue Empreinte du Tyranosaure

(1996-2002), aujourd’hui Essence de

Térébenthine. Le design des pochettes, quant

à lui, peut surprendre par ses décalages entre

contenu et contenant, entre pochette et titre.

Je ne suis pas contre le décalage, bien au

contraire, mais l'important à une certaine

époque était le coté "exclusif" de la

pochette : il fallait un visuel inédit, quelque

chose de fort, pas forcément toujours en

rapport avec la musique. Depuis que l'Agent

MS réalise les pochettes de NLC, je pense qu'il

y une adéquation bien plus grande entre

le contenant et le contenu…

Au fur et à mesure des années, la musique est

devenue plus acoustique, intégrant des

violons, guitares, instruments à vent dans

un univers auparavant dominé par les

machines. Ash n’en délaisse pas pour autant

l’électronique.

mes goûts n'ont jamais changé,

je n'ai jamais renié

ce que j'ai admiré

Je pense que NLC peut encore faire beaucoup

de choses nouvelles avec des machines.

L'ouverture vers les sonorités acoustiques

s'est faite grâce aux possibilités des

ordinateurs, et la démocratisation des

techniques d'enregistrement, qui a permis de

faire des prises de son correctes chez soi.

Je suis un artisan, un amateur, et revendique

ce statut, je n'ai donc fait plus d'acoustique

que quand cela a été possible simplement,

spontanément. La variété de mon univers

vient de la variété des collaborateurs de NLC,

Page 20: Douche Froide #1 [Fanzine]

et de la variété de mes goûts musicaux.

En fait, je touche à tout parce que je ne suis

qu'un amateur, donc pas capable d'être assez

bon dans un domaine bien précis.

Dès le milieu des années 90, Ash commence

à s’intéresser au monde de l’enfance,

au spectre de Peau d’Ane (" Clean "),

aux ambiances oniriques, à Lewis Carroll

(" Allegro Vivace ") et intègre dans sa

musique des sons plus minimalistes

rappelant des percussions enfantines

(" Le Sanctuaire d’Is ", " Le Sang de La

licorne "). Les derniers enregistrements

amorcent une dimension plus adoucie et

sereine avec des sonorités trip hop, pop,

voire même rock (la guitare blues sur

" Les Grands Saules ").

Je suis tout à fait conscient de ces

changements, mais je ne maîtrise pas tout à

fait… Simplement, je travaille sur des choses

qui me font plaisir, sans me soucier du regard

des autres. J'essaie toutefois de respecter

mes auditeurs, mais je garde toute liberté…

Les invités, quant à eux, se font de plus en

plus nombreux. On compte, entre autres,

Christoph Heemann (HNAS), Frédéric Bailly

(KOD), Olga Zimovets (diva russe), Un Amour

de Gibax, Philippe Joncquel, etc. La liste est

longue mais on peut noter la collaboration

depuis dix ans maintenant avec Frédéric

Truong de Leitmotiv.

Je suis très proche de Leitmotiv (aucun

rapport avec le groupe cold des années 80)

puisque je participe régulièrement à ses

enregistrements, et vice-versa, depuis 10 ans.

Un collaborative Cd est d'ailleurs prévu pour

2003 pour fêter cet anniversaire. EDT a

également signé ZAMA l'an dernier, un groupe

ethno-expérimental très créatif. Il pourrait

y avoir d'autres signatures prochainement…

Le dernier CD de NLC " Les Grands Saules "

est, quant à lui, un véritable film sonore avec

ses personnages, son scénario, ses lieux, etc.

Mais ce goût pour les progressions narratives

n’était-il pas déjà perceptible dans

" Le Domaine " ou d’autres disques

conceptuels ? D’ailleurs il y a souvent une

idée de suite dans les titres des morceaux

(partie 1, 2, 3, …)

Effectivement, il y a un concept global, et

souvent des concept-albums, mais tout

cela est plus instinctif que prémédité…

Par exemple, un album part souvent de

quelques sons, et le concept grandit en

même temps que l'album. Et il est finalisé

tout à la fin, comme les titres des morceaux,

qui sont d'abord provisoires, puis modelés

et changés selon l'avancée des travaux.

Tous les éléments qui composent un album

sont assemblés par mes soins, selon leurs

possibilités de cohabitation, et le résultat

global dicte le concept, en accord avec

les matières premières. C'est proche de

l'impressionnisme, du patchwork.

L’atmosphère de " Les Grands Saules "

rappelle fortement Le Grand Meaulnes

d’Alain-Fournier… Aurait-il été influencé ?

je garde

toute liberté

“Incandescent” 1991

“Lost sand divinities” 1990

“Le domaine” 1997

Page 21: Douche Froide #1 [Fanzine]

Oui, mais cela fait plus de 25 ans que

je l'ai lu, alors je m'en souviens à peine… Je

me souviens, à la même époque, avoir été très

impressionné par " la tuile à loups " de

quelqu'un qui devait si ma mémoire est

bonne, s'appeler Jean-Marc Soyez.

Si la musique de NLC est avant tout

instrumentale, la voix devient un élément de

plus en plus présent.

C'est une volonté, je trouve que la

voix apporte souvent quelque chose

à la musique, mais je m'en méfie aussi

beaucoup, et je ne peux malheureusement

pas souvent travailler avec des personnes qui

ont des voix intéressantes, j'utilise donc ces

voix dès que je le peux. Je compose tant de

musique que les accompagnements vocaux

ne suivent pas !

A savoir que le futur CD de NLC " The Book of

Laments ", qui sortira en 2003, comprendra

la voix troublante de la néerlandaise

Liesbeth Houdijk du groupe Hide and Seek.

Un disque tendre et mélancolique, d’une

densité émotionnelle qui en fera pâlir plus

d’un. Parmi la trentaine de disques sortis par

NLC, il est évident que le choix ne sera pas

facile pour ceux qui ne connaissent pas

encore. Les amateurs d’ambiances lugubres,

torturées et industrielles préfèreront

" Vestiges " ou " Fragments taôistes ", les

amateurs de néo-classique auront un faible

pour " Angels of Oikema " ou " Allegro

Vivace ". J’ai donc demandé à Julien Ash

quels étaient ses albums préférés :

The Book of Laments, Moon, Le Domaine,

ASD 002 et The Link Cutters. Je ne renie rien

pour autant, mais il y a beaucoup de choses

que je referais autrement s'il fallait les refaire.

Mais mes oeuvres sont plus à considérer

comme des témoignages d'expériences,

des récits d'ambiances, que comme des

objets définitifs, figés et voulus comme tels.

Une étrangeté demeure. C’est le langage

de NLC, son vocabulaire, des termes

étranges comme " Oïkema, " Korihor ",

" Gynogéodésie ", " Deuteronome ", etc.

Ces mots signifient généralement quelque

chose, mais j'aime énormément jouer avec les

mots. Korihor est l'antéchrist du livre de

Mormon, Oïkema est une maison de plaisir

imaginée par l'architecte francais Claude

Nicolas Ledoux, précurseur de l'architecture

fonctionelle, le deutéronome est un manuscrit

ancien, et la gynogéodésie est un barbarisme

sculptural que ne renierait pas Dali. Mais

contrairement aux surréalistes et à leurs

cadavres exquis, les barbarismes que

j'emploie sont éthymologiquement parlants

et réfléchis.

Il est sûrement inutile à présent de dire que

NLC, c’est un univers fascinant. Triste certes,

mais beau. Définitivement beau.

“Seabirds” 2002

“The link cutters” 2001

“Spiritus rex” 1994

DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE ■ Lost sand divinities (ETCD01) CDsingle1990 ■ Incandescent (J. Ash) (ETCD05) CD 1991 ■ Vestiges (ETCD09) CD1992 ■ Allegro vivace (PER030) CD 1993 ■ Angel of oïkema (ETCD11)split CD 1993 ■ Spiritus rex (ETCD12) CD 1994 ■ Secret of oïkema(FF003) split CD 1994 ■ Clean (ETCD13) CD 1995 ■ Unclean (ETCD14) CD1995 ■ Unis (KAR07) CD 1996 ■ Le sang de la licorne (ETCD20) CD 1997■ Le sanctuaire d’ïs (ETCD21) CD 1997 ■ Le domaine (ETCD22) CD 1998■ Le langage des autres (BR012) CD 1998 ■ ASD 002 - The cereal killer(ETCD23) CD 1999 ■ Unis (+3 bonus tracks) (ETCD24) CD 1999 ■ Oïkema (ETCD25) CD 2000 ■ Hiding in time (ETCD28) CD-R 2000 ■ Moon (ETCD29) CD 2000 ■ La carpe miroir (ETCD30/32) 3 CD-R 1994■ Revocation 1989-2001 / A world of illusions 2 CD 2001 ■ The linkcutter CD 2001 ■ Les grands saules CD 2002PRÉVISIONS ■ Seabirds CDsingle 2002 ■ L'armée de marbre CD2002-2003 (La carpe miroir part 4) ■ The book of beliefs CD 2003 COLLABORATION 2003 : ASH/TRUONG (leitmotiv) pour fêter dix ansd'amitié et de collaboration musicale et NLC/Lecanora pour un superbeCD de musique rituelle et méditative.

Propos recueillis par Max

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pit

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samlaurence mas

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Page 26: Douche Froide #1 [Fanzine]

DDAA fait partie de ces groupes majeurs,

incontournables, qui ont réussi à se créer un propre

univers sonore et esthétique et qui s’y sont tenus

depuis leurs débuts à la fin des années 70.

Composée de chaos et d’expérimentations en tout

genre, leur musique demeure toujours aussi

fascinante, même si aujourd’hui ils se font très

discrets et ne sont connus que par quelques vieux

amateurs de musique industrielle. La sortie de

leur dernier double CD " 20 ans de vieille musique

nouvelle " est l’occasion de remettre les pendules

à l’heure et de faire le point sur ces peintres du son.

79C’est dès 1979 que JLA, JPF et SMH, tous trois

plasticiens issus de l’Ecole des Beaux-Arts de

Caen, commencent à peindre la musique du

Déficit des Années Antérieures. Auparavant,

JLA avait fait partie de groupes obscurs dont

un certain Arcane, mais le nom de D.D.A.A

lui trottait dans la tête depuis 1975.

Le premier concert du groupe a lieu à

Mixage international (Caen). Deux autres

performances ont lieu la même année à

Cherbourg et le premier volet d’" action et

démonstration japonaise " au Théâtre

d’Ostrelande (Hérouville). Cette année voit

aussi la création d’Illusion Production, leur

label. La cassette " Déficit des Années

Antérieures " l’inaugure, un enregistrement

de qualité moyenne au contenu sombrement

inspiré. Les morceaux sont répétitifs, d’une

agressivité punk et industrielle. Les guitares

sont fiévreuses, le chant saccadé et le

caractère lugubre de l’ensemble est peut-être

dû au fait que les instruments sont tous peints

en noir. Ce premier opus sort à 50 exemplaires

et sera suivi du premier 45 tours " miss

vandann ", peint selon la méthode du

" dripping " qu’utilisait le peintre américain

Jackson Pollock. En cette première année,

rétrospective

23 ANS DE DEFICIT D

Page 27: Douche Froide #1 [Fanzine]

80

82l’entreprise de déterioration dans le champ

de la création sonore menée par D.D.A.A.

est créée.

Illusion Production imprime vite son style :

des objets luxueux, tirés à très peu

d’exemplaires, ce qui fait d’eux de véritables

œuvres d’art. En 1980 sort le double 45 tours

culte " front de l’est " présenté sous quatre

pochettes différentes. Cette même année,

D.D.A.A. participe au 45 tours " épidémia " du

peintre-performer Joël Hubaut et c’est avec ce

même artiste qu’ils participent à la XIe

Biennale à Paris et à Nice. Dans la lignée,

le groupe enregistre le 45 tours " aventures

en Afrique " ainsi que trois titres initialement

prévus pour une compilation de Bain Total,

label de Die Form, mais qui sortiront en

fait sur la compilation allemande " Masse

Mensch " deux ans plus tard. L’année

suivante, le Déficit continue à faire des

apparitions scéniques au compte-goutte,

essentiellement dans la région de Caen,

et enregistre une double cassette dans leur

studio Le Souterrain Scientifique au nom

étrange de " Live in Acapulco ".

Le principal événement de l’année 1982,

mise à part la reprise du " boule (viens ici !) "

de Ptôse (repris aussi quelques années plus

tard par Renaldo and the Loaf ) pour une

compilation cassette, est la sortie tant

attendue du premier album, " action et

démonstration japonaise ". Avec sa pochette

peinte à la main, le vinyle s’ouvre comme un

livre et constitue le troisième volet d’une

action commencée en 1979 avec le concert

au Théâtre d’Ostrelande et la performance

sonore au cours de la soirée de la XIe Biennale

de Paris. Définitivement conceptuel, ce

triptyque se lance dans l’exploration du

champ historique fictionnel de la nébuleuse

japonaise par projections et déviations.

C’est ce que le groupe appelle

l’" anfractuositisme ". Le principe de

détérioration en marche de la reconstitution

sonore s’applique ici à la traduction d’un objet

historique identifiable : la musique des films

japonais. Le disque se fait description sonore

de la réalité japonaise occidentale. La

musique y est somnambulique, léthargique,

méditative, tellurique et les membres de

D.D.A.A. s’imposent en artisans du son.

Collages de bruits, mouvements lugubres,

voix douloureuses en contorsion perpétuelle,

ambiances tribales, basses hypnotiques,

ES ANNEES ANTERIEURES

Page 28: Douche Froide #1 [Fanzine]

8384

le style est bel et bien affirmé et le Déficit fait

de l’improvisation un dénuement sonore

d’une rare inventivité. Cet album, avec le

suivant " Les Ambulants " (1984), font de

D.D.A.A. une des formations majeures de la

scène cold-indus française de ces années-là,

aux côtés d’artistes comme Clair Obscur,

Ptôse, Complot Bronswick, Karl Biscuit,

Norma Loy ou Die Form. A signaler que des

noms prestigieux comme Bernard C. et Phil

Gaz/Marcel Kanche d’Un Département

apportent leur soutien au Déficit à cette

époque-là.

Le groupe continue sa recherche

anthropologique avec la cassette " Prehistoric

Reject " (1983), le vinyle " Les Ambulants "

(nom qu’on donnait à des peintres russes à la

fin du XIXe siècle qui présentaient leurs toiles

de village en village) et la cassette " Famille

86

de Saltimbanques " sortie sur le label

italien ADN, qui constituent un ensemble

submusical cohérent de traitement de la

Paléo-information.

En 1984 sort également le 45 tours

" 5e anniversaire ", sur lequel on trouve les

classiques " 25 pièces sont vides " et

" Geisha Girl ", courtes œuvres lancinantes

à souhait et d’une froideur angoissante.

Parallèlement à cela, le label Illusion

Production se propose de faire découvrir

d’autres talents, et dans les années 1982-84,

sort des enregistrements de Legendary Pink

Dots, Bene Gesserit, Un Département, Kevin

Harrison et Steven Parker entre autres.

En 1983, la revue " Sensationnel " est

inaugurée et les participations de D.D.A.A.

à des compilations sont innombrables.

On les trouve sur des compilations

anglaises, françaises, allemandes, italiennes,

belges, suisses, américaines, japonaises,

hollandaises, etc. Pascal Comelade fait même

appel au groupe pour le titre " Pluie

Japonaise " sur son album " Détail

Monochrome " (1984).

En 1986, Phoque Editions sort la cassette

" Mutants du Kwantung " sur laquelle la

musique et les bruits de la région

préhistorique du bas Pâ-tat sont reconstitués,

le label Cause and Effect publie la cassette "

noise building nation/noise for the building

nation/building for the noise nation/nation

for the building noise " et le groupe

réenregistre des versions très minimalistes

de titres anciens dont le " Baltique " qui

figurait sur " Les Ambulants " pour la cassette

" Lernen 5 ". Cette même année, le Déficit fait

une série de concerts à Rennes, Bordeaux,

Caen, Nantes, Amsterdam entre autres pour

présenter notamment deux nouveaux

morceaux inspirés par les poèmes de

Page 29: Douche Froide #1 [Fanzine]

maxi qui contient là aussi des adaptations de

poèmes de Ronsard. Ces œuvres réunies

constitueront le premier CD du groupe.

Parallèlement, le Déficit continue ses

bouinages. Bouiner est un terme inventé par

le groupe qui signifie bricoler sans intention

de parvenir à un résultat. En ce sens, la

cassette " Nouvelles Constructions Sonores

sur Fondations Visuelles " réalisée pour une

installation vidéo en est un parfait exemple.

A la même époque, JPF commence à composer

tout seul et, aidé par SMH, ils enregistrent une

première cassette sur Illusion sous le nom de

Deux Pingouins : des sortes de pop songs

aseptisées et complètement déjantées.

88

87Ronsard : " Ronsard did celebrate me " et

" The Plant of Helen ". Ceux-ci figurent sur la

cassette " D.D.A.A. en concert " qui regroupe

des morceaux enregistrés à Rennes en 1983

et d’autres à Amsterdam en 1986.

L’année 1987 est placée sous le signe de la

rétrospective. En effet, Illusion publie

" Objet ", un LP édité à 250 exemplaires

présenté dans un sac poubelle, accompagné

d’un poster, d’un livre et de la première

cassette du groupe. Sur le disque figurent

divers titres enregistrés pour des

compilations. Le label anglais Dead Man’s

Curve, quant à lui, édite un autre 33 tours au

format 25 cm sur lequel on peut trouver divers

titres de la période 82-86 dont deux morceaux

d’ " action et démonstration japonaise " ainsi

que le sublime " exploration " aux accents

très Virgin Prunes ou le percussif " Kembou ".

Après de nombreux efforts et une longue

attente, l’album " Ronsard " sort enfin en 1988

sur le label belge KK Records, et avec lui un

Page 30: Douche Froide #1 [Fanzine]

90

91

93

96

2000. . .

Les Deux Pingouins sortiront aussi deux CD

en 1993 : " Karisma Ha ", des compositions

acoustiques dans la lignée de la première

cassette mais en moins réussies, et " Le Bruit

du Fond ", musique aux ambiances glacées

où des violons grinçants rencontrent des

chants de baleine, des craquements, des

nappes synthétiques et des sonorités

sourdes et aquatiques.

A la fin des années 80, la réputation de

D.D.A.A. n’est plus à faire et ils en viennent

à être considéré comme un des plus

grands groupes de musique nouvelle /

expérimentale / bizarre. Leur activité avec

Illusion Production et leur talent de

découvreurs (la STPO, Un Département,…)

sont également remarquables. En 1990,

le groupe sort un split single avec Hirsch 2

toujours sur Electrip, sous-label de KK

Records. Le titre " Le Corbusier’s Buildings "

est assez surprenant car on y trouve quelque

chose qui ressemble à une mélodie.

Le morceau sonne même assez médiéval.

L’année suivante, " Bruit Son Petit Son ",

limité à 560 exemplaires, inaugure le label

Kill your Idol. Le CD est présenté entre deux

plaques de bois que l’on peut relier par

un écrou et un boulon, " écrou et boulon "

constituant en fait un des quatre titres. On

peut découvrir sur ce disque une très bonne

reprise du " It’s a rainy day " du groupe

allemand Faust. A signaler que le Déficit a fait

très peu de reprises : on peut cependant noter

le " King Harris " de John Cale repris

majestueusement à la voix sur la compilation

cassette " sensationnel n°5 ". Musicalement,

D.D.A.A. reste toujours fidèle à lui-même.

Les guitares sont toujours aussi triturées

et le Déficit s’affirme encore une fois comme

le seul groupe ethnique des civilisations

industrielles. Dans la même lignée, le CD

" Nouveaux Bouinages Sonores " (1993),

édité à un peu plus de 600 exemplaires,

constitue un premier pas idéal si on veut

pénétrer dans cet univers sonore.

Après ce disque, un tournant s’opère.

Le groupe se sent une nouvelle mission de

déterritorialisation de l’activité musicale.

Cette mission se nomme " Maracayace ".

Cela sera à la base de plusieurs concerts

et de divers enregistrements. En 1996,

" Baggersee " est le premier disque produit

par l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg,

résultat d’un workshop animé en avril-mai

1995 par D.D.A.A. avec des étudiants. Il s’agît

à la fois d’un mini CD comprenant la musique

de D.D.A.A. et d’objets créés par les étudiants

qui intègrent chacun un mini CD édité. On

retrouve sur l’enregistrement un alternance de

passages mélancoliques et minimalistes sur

fond de piano accompagnés par des chants

ruraux de vaches et chèvres et des rengaines

absurdes telles " chanter sous la douche avec

des cailloux dans la bouche ", la caillasse

étant un élément récurrent chez D.D.A.A .

Vient ensuite " La conférence Maracayace ",

sortie en 2000, qui dans son packaging

rappelle beaucoup l’" action et démonstration

japonaise ". En effet, la pochette du CD

s’ouvre comme un livre dans lequel est intégré

un livret, et tout au long de l’enregistrement

on entend le vinyle qui craque. Ce CD se

développe comme la cassette " Lernen 5 ",

publiée quinze ans plus tôt, avec son

Page 31: Douche Froide #1 [Fanzine]

alternance de texte et de compostions

originales. Publiée en collaboration avec les

élégantes éditions cactus, " la conférence

Maracayace " constitue à la fois un bien bel

objet et un bien bel enregistrement.

Le nouveau CD du groupe, " 20 ans de vieille

musique nouvelle ", est, quant à lui, un simple

double ! Le premier CD propose des

compositions originales, fascinantes et

hypnotiques, et à ce disque est joint un bon de

commande pour le second qui est en fait un

concert intitulé " De Gaulle à Bayeux : un

opéra maracayace ", enregistré en 1994

à l’Université de Caen avec en prime les

improvisations à la guitare et au chant de

Jean-françois Pauvros (Catalogue). Un délice

qui prouve que D.D.A.A. demeure encore

après plus de vingt ans un groupe aux mille

ressources. Leurs disques méritent de figurer

dans toutes discographies aux côtés de ceux

de groupes tels les Residents, Tuxedomoon,

Nurse With Wound ou Legendary Pink Dots,

dans le sens où ils ont créé un univers sonore

absolument insolite et unique. Même si de

nombreux groupes tels Palo Alto ou le Tiger

Comics Group avouent avoir beaucoup écouté

leur musique, personne n’oserait les imiter.

Le Déficit s’est bel et bien transformé en

monument.

Contact D.D.A.A.:

Illusion Production

62, rue Morel de Than

14 780 Lion sur Mer

Rétrospecté par Max

Page 32: Douche Froide #1 [Fanzine]
Page 33: Douche Froide #1 [Fanzine]

1 K A - T H A R - S I XEXPERIMENTATION SONOREplaque méta l d i f fé rents a rchers z inc ac ie rinox micros-capteurs machines eclectroniques

L E S H A U T S P A R L E U R Snappes de basses dérangées par des machines industriellesdécentrement de l’espace temps vers un espace mental

C H A O T I Q U E

I N T E R I E U Rp r o - g é n é r a t i o nD I S C O U R SM I T R A I L L EL I T H I U ME X T E R I E U R

DAS KRIEGL E S N E W SE X P H O T OC O N V E N T I O N E L

C E R V E A U Xmaintenant abstrait ouvert comme un ordinateur ordonné

E L E C T R I Q U E A N T I D O T E

Page 34: Douche Froide #1 [Fanzine]

C’est en revenant aux bases de la musique

électronique que LSE a su en cinq années

devenir une figure incontournable de

l’esthétique et de la scène électro actuelle.

Sombre et minimal, son univers sonore

possède le glacial de la cold wave et la

capacité dance floor de la New Beat,

d’où l’invention du terme " Body Wave ".

Après avoir réalisé de nombreux disques

sur son label Invasion Planète dont les

désormais classiques " Defending Man ",

" Super Science ", " The Men who killed the

Beat " et " Dissidence ", après avoir tourné

aux Etats-Unis, en Allemagne, en Autriche,

en Belgique, en Espagne ou en Finlande,

et après avoir participé à plusieurs

compilations internationales et figuré sur

plusieurs labels étrangers (Kobayashi,

Mass Transit), LSE nous fait l’honneur

d’offrir à " Douche Froide " un morceau inédit.

Robotique et aseptisé à l’extrême.

Site : http://www.invasionplanete.com

© & p INVASION PLANETE 2002

" Nous fabriquons le son "

Page 35: Douche Froide #1 [Fanzine]

#1automne 2002c & P les auteurs

DOUCHE FROIDENOUVELLES LECTURESCOSMOPOLITES 1

Punishment forinfundibulum initiation

DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES 2

Un air moderne quifait mal (live mai 2002)

VOX 3No words

LE SINGE BLANC 4Broïd

GVK 6

LE SYNDICAT ELECTRONIQUE 7Nous fabriquons le son

NATURE MORTE 8Toussaint

NOUVELLES LECTURESCOSMOPOLITES 9

The skin of night

MACROCOMA 10OvermindVOX 11

Magnet

1-KA-THAR-SIX 5Electrique antidote

Page 36: Douche Froide #1 [Fanzine]

Etant Donnés a été un des premiers

groupes en France à faire de la musique

dite " industrielle " au début des années 80.

Les premiers disques sont particulièrement

bruitistes. Quels rapports entretenez-vous

avec cette scène ?

D’abord, le terme " industriel " est un terme

générique qui veut tout dire et qui veut

rien dire. " Industriel ", ça veut dire quoi ?

Le groupe qui a inventé ce concept c’est

Throbbing Gristle. Ils se servaient de

Depuis le début des années 80, les frères Hurtado d'Etant Donnés livrent des spectacles

mêlant théâtre, cinéma, poésie et expérimentations sonores. Parmi leurs albums les plus

connus, on peut citer "Le sens positif", "L'autre Rive", "Bleu", "Re-Up" avec la

collaboration de Lydia Lunch, Alan Vega et Genesis P. Orridge, et "Offenbarung und

Untergang", dans lequel participent Michael Gira, Saba Komossa et Mark Cunningham. Le

dernier festival Artooz de Limoges a été l'occasion de les rencontrer durant la projection

des films "Bleu" et "Royaume", voyages au sein de la nature et du mysticisme. La veille,

Etant Donnés nous avait livré une performance d'une rare violence : Des projecteurs

dirigés vers le public envoient par saccades des lumières aveuglantes et ardentes. La

musique est, elle aussi, très agressive. Des mots du langage courant sont hurlés, répétés,

psalmodiés. Un des deux frères se sent possédé et plonge dans la foule

pour la presser et la serrer. Il se jette à la pêche aux âmes. Les frères

se déshabillent, luttent, s'embrassent, combattent, s'étreignent.

Au-delà des contradictions de l'existence, un espace d'interprétation

se crée. Ce quart d'heure fascinant en a irrité plus d'un mais personne

n'est resté indifférent à ce spectacle corporel et magique.

interview

Page 37: Douche Froide #1 [Fanzine]

synthétiseurs, de machines, et il y avait un

rapport à la société de consommation, ce qui

fait que le terme " industriel " se justifie.

Depuis le départ, le travail d’Étant Donnés

est basé sur une relation avec la nature, une

intimité, une relation d’extase en fait,

c’est-à-dire de dilution de l’ego pour

entretenir un rapport êtrique, de l’être avec la

nature, qui se confondrait dans un unique.

De dire que ce qu’on fait, c’est de la musique

industrielle, je pense pas. Il est évident que le

public d’une certaine époque qui aimait les

musiques industrielles et les nouveaux sons

qui circulaient dans cette mouvance était plus

à même d’apprécier ce qu’on faisait, parce

qu’ils avaient une oreille qui était plus neuve.

J’aurais été tenté de parler personnellement

d’" avant-garde rurale ", par rapport à la

façon insolite dont vous utilisez les sons de la

nature. Quel est d’ailleurs votre rapport à la

nature ?

Nous essayons de travailler sur des éléments

qui seraient un peu plus éternels que fugitifs.

Je pense que les créations humaines, surtout

celles de la société industrielle et de

consommation, sont des produits fugitifs pour

permettre le commerce, donc faire du profit.

Le fait est que, justement, la ruralité dont tu

parles s’est transformée en agriculture.

L’agriculture, c’est l’exploitation. On dit un

" exploitant agricole ". Donc, de filmer un

champ actuellement c’est aussi faire un

constat. C’est plus un chou tous les vingt

mètres, c’est un chou tous les quatre

centimètres, alignés, pour permettre aux

machines de les récolter, pour nourrir des

hordes de travailleurs et pour renouveler leur

énergie. Nous, quand on filme un chou, c’est

l’être du chou qui nous intéresse, c’est-à-dire

sa forme, et en montrant sa forme, on essaie

de montrer notre âme. St Thomas d’Aquin

disait : " L’âme est la forme du corps ". Pour

nous, le plus important, c’est montrer l’unique

et indiquer le lieu de l’unique, aller au-delà de

cette dualité corps/esprit, basée sur une

dichotomie qui va bien au-delà de la dualité

cartésienne. Son origine remonte au

manichéisme, et avant le manichéisme, on

trouve déjà ses prémices chez Platon. Un

philosophe moderne comme Heidegger

pensait que la seule manière de dépasser ce

véritable effondrement de la pensée que l’on

vit actuellement, c’était de faire un grand bon

en avant. Mais quand tu veux sauter un

ruisseau, il faut que tu fasses quelques pas en

arrière. Et ces quelques pas en arrière vont te

mener jusqu’aux présocratiques, Héraclite ou

Parménide, qui étaient dans une optique

où la philosophie était une pensée unie à la

poésie, la poésie était pensée. Il y avait cette

unicité profonde entre l’esprit et la matière, et

le mouvement était de suivre la contradiction.

Il n’y avait rien de fixé. C’était une découverte

de l’être permanente, et nous nous inscrivons

dans cette lignée, en tenant compte des

éléments qui nous entourent, des éléments de

la nature car nous y trouvons une force.

Un élément comme le soleil par exemple…

Voilà. C’est un lieu d’ouverture. Si tu veux

percevoir quelque chose, il faut toujours faire

un demi-tour, pour voir l’inverse de cette

chose. C’est la contradiction entre cette chose

on essaie

de montrer

notre âme

Page 38: Douche Froide #1 [Fanzine]

et son inverse qui donnera un troisième terme,

comme un jeu de poupées russes éternel, de

contradictoire qui se résout par une forme

englobant la contradiction, ce qui fait qu’il y a

toujours quelque chose au-dessus qui va

au-delà de la contradiction. C’est le pur

mouvement dialectique. Je pense que le seul

mouvement artistique contemporain qui a pris

en compte ça, c’est le surréalisme tel que

Breton en a étiqueté les fondements.

Pourquoi le choix de textes de Georg Trakl

pour le dernier CD avec Michael Gira ?

C’est simplement un poète qui nous touchait

énormément. Les films que tu as vus ce soir

ont été faits bien avant la découverte de Trakl,

et en fait, le monde de Trakl tu le retrouves

dans ces films. C’est une pérennité. Trakl était

classé souvent comme expressionniste mais

en fait il ne l’était pas du tout. On retrouve

certaines images de mort qui font qu’on le

classe parmi les expressionnistes mais ça n’a

rien à voir avec ce qui se faisait dans

l’expressionnisme à l’époque. C’est un poète

bien plus fort et bien plus éternel, qui est

de la taille de Rimbaud je pense. Rimbaud

lui-même, c’est quelqu’un qu’on classe

comme symboliste. En fait, c’est une

sublimation du symbolique comme Trakl est

une sublimation de l’expressionnisme.

Comment se sont faites les rencontres pour

les derniers albums avec notamment Lydia

Lunch, Alan Vega, Genesis P. Orridge ou

Michael Gira ? Est-ce que ce sont des choix

personnels ?

C’est toujours à la fois des rencontres et des

choix personnels, des choix personnels bien

déterminés car ce sont les artistes qui nous

attiraient le plus. C’était pas forcément dans la

forme de leur musique qu’il y avait une

ressemblance mais c’est dans le

soubassement de cette forme, dans le lieu

d’énergie qu’un dialogue pouvait s’établir.

Avec Alan Vega, nous nous sommes retrouvés

à faire des festivals avec lui à l’étranger, donc

nous nous sommes connus comme ça.

A New York, on a aussi rencontré Martin Rev.

P. Orridge pareil. Lydia Lunch également.

Mark Cunningham, trompettiste, fondateur du

groupe Mars, à l’origine de toute la No Wave

new-yorkaise, qui figure dans le fameux

disque enregistré par Eno, " No New York ".

Et Saba Komossa, le chef des maîtres

musiciens de Jajoka, le groupe qui a tellement

influencé Gysin, qui a compté beaucoup pour

Bowles à l’époque, énormément compté pour

Burroughs. Leur premier disque avait été

enregistré par Brian Jones. Ils ont fait

plusieurs collaborations après, notamment

avec les Rolling Stones et d’autres musiciens

imminents comme Hornet Coleman.

Il y a vraiment quelque chose qui se passe

dans vos spectacles et dans vos films au

niveau de l’interaction des sons et des corps.

On est toujours tenté par ce troisième niveau

de perceptions, le dévoilement intérieur,

l’image intérieure. Ce que tu vas voir va agir

comme une clé au niveau des sensations, de

la perception visuelle et auditive, qui va faire

qu’à un certain moment, il va y avoir ce

dévoilement intérieur, cette troisième image

qui va surgir et qui nous intéresse dans Étant

Donnés. Par exemple, l’abus de lumières

contre le public provoque un aveuglement,

créer

une distance

avec le public

Page 39: Douche Froide #1 [Fanzine]

c’est fait non pas pour repousser les gens,

je ne pense pas que ça passe comme un

éclairage agressif. C’est un éclairage violent

qui fait que le public est rendu aveugle par

moments mais ce qui m’intéresse, c’est le

moment où la lumière baisse et la vision

revient. Ce jeu avec la lumière permet de créer

une distance avec le public, une sorte

d’élévation, de flottement, d’irréalité. Montrer

en fait une apparence de quelque chose, pour

illustrer la parabole de St Jean de la Croix qui

dit que si Dieu n’est pas perceptible dans la

réalité courante, il n’est pas " comme serait

une étoile dans la nuit de la raison, de l’esprit

et de la foi ", il est plutôt trop lumineux par sa

présence, et ce trop de lumière nous rendrait

aveugle à sa propre présence, puisque nous

on serait dans la position du hibou qui est

rendu aveugle en plein jour. C’est pour ça que

cette lumière vient de derrière nous. C’est

comme une lumière divine qui est derrière

nous, qui est en fait une silhouette, et c’est un

peu ça qu’on vit. Notre présence au monde

n’est que l’" ombrabation " (comme disaient

les anciens) divine sur une essence et cette

essence se révélerait forme humaine. On n’est

que l’ombre de la lumière divine. La puissance

de la musique qui va avec est là pour créer

un espace vide qui est le contraire de la

communication parce qu’on ne peut

communiquer que sur un langage commun et

on ne peut communiquer que son ego. Alors

que nous, ce qu’on veut à travers Étant

Donnés, c’est l’inverse. On veut non pas

exprimer mais imprimer. Créer un lieu

d’ouverture qui permet à certaines forces de

venir. D’établir cet espace, cette distance avec

le public, c’est pour créer un lieu vide, pour

laisser la place à un certain esprit qui pourrait

venir s’installer là. Et s’il y en a un qui reste sur

scène et un autre qui va à la pêche, il va en fait

à la pêche aux âmes. On signifie dans

l’horizontalité, par rapport à celui qui reste sur

scène et celui qui va dans le public, une

verticalité qui est le mouvement mystique par

excellence, c’est-à-dire la percée vers le bas et

la montée vers le haut. La conjugaison de ces

deux mouvements forme une croix qui se

développerait dans l’espace.

C’est vrai que ces lumières sont comme du feu

que l’on nous envoie sur le visage.

Il faut apprendre à savoir détourner le regard.

Ce qui donne la vie sur terre c’est le soleil, et

on sait très bien qu’on ne peut pas regarder le

soleil en face, ça nous aveugle. Pourtant on vit

avec tous les jours et on connaît son

il faut apprendre

à savoir détourner

le regard

Page 40: Douche Froide #1 [Fanzine]

importance. Là, c’est pareil. C’est pas parce

que c’est un spectacle qu’on doit donner une

facilité d’appréhension. Le travail se fait

beaucoup plus en rapport avec l’alchimie liée

à la recréation sur terre de l’œuvre divine.

On recréerait une situation de génération

d’énergie solaire, et le rapport à la scène pour

le public doit être le même que celui d’un

homme face au soleil. La lumière est prise en

compte par le détournement et non par la

captation de cette lumière. Ce qui me gêne

dans l’art, c’est cet étalage de l’ego, ça me

dégoûte profondément. Je pense que, dans

l’art sacré, l’artiste savait s’effacer devant des

forces qui le dépassaient, et toutes les

grandes œuvres ont été faites comme ça, des

icônes jusqu’à Rimbaud, jusqu’à la poésie des

troubadours. Une sorte d’effacement de la

personnalité au service d’une noble cause.

Seulement, on vit dans un monde qui a perdu

tout critère de vérité, parce que la vérité était

liée à une perception du sacré. Du moment

que cette perception du sacré s’est effondrée,

son référent est en fait au-delà, tout peut se

justifier et rien ne se justifie. On tombe

dans la vacuité, l’effondrement et la

liquéfaction de la pensée.

Votre utilisation du regard du spectateur et de

l’artiste me fait forcément penser à l’œuvre de

Duchamp dont vous avez emprunté le nom.

C’est prendre à l’envers la manière dont

Duchamp a été perçu et expliqué. Duchamp

est réduit à une espèce d’artiste dadaïste et

néo-dadaïste, surtout en ready made,

l’utilisation d’objets industriels. C’est le

regardeur, le regard de l’artiste qui fait

l’œuvre, ce qui était la source de tout l’art

contemporain. Les gens se sont arrêtés à ça.

Duchamp s’est servi de ça à une époque de sa

vie et de son œuvre pour montrer ce fait,

que c’est le regardeur qui fait l’œuvre.

" Étant Donnés ", c’est une œuvre qui est

imminemment d’essence alchimique, qui est

le pendant de la " Joconde " de Léonard de

Vinci ou d’autres de la grande tradition. Une

continuité d’essence ésotérique qui n’a pas

pu être prise en compte car beaucoup trop

révolutionnaire pour notre société. Ce qui fait

que Duchamp a été réduit au ready made,

comme Dali a été réduit à être un clown alors

que c’est un énorme penseur, un très grand

écrivain et un très grand peintre, qui a

justement lui-même fait un dépassement de la

peinture à l’exemple de Duchamp, mais non

pas en arrêtant la peinture comme l’a pu faire

Page 41: Douche Froide #1 [Fanzine]

Duchamp, mais en la dépassant par la non

esthétique, c’est-à-dire en rejoignant la

peinture classique, en s’inscrivant au-delà de

l’évolution de l’art moderne, et ne plus placer

l’intérêt de sa peinture que dans le sens, dans

le concept pur, ce qu’a fait Duchamp. Le

troisième grand artiste qui a bataillé comme

ça pour en arriver au concept pur, c’est

Picasso, qui a utilisé la peinture dans son

évolution depuis Vélasquez en passant par

toutes les étapes, l’impressionnisme, etc.,

pour en arriver à ses œuvres qui sont

un dépassement de la peinture par son

auto-reniement, mais toujours en gardant la

matière picturale et cette lutte avec la matière.

Dali s’est attelé à la même chose mais en

travaillant cette peinture comme un magicien,

en s’en servant comme un support non pas

insignifiant mais a-signifiant.

Est-ce que vous composez votre musique

comme un peintre peut faire un tableau ?

Nous ne nous sommes jamais sentis

musiciens. Personnellement, je suis un grand

amateur de Debussy. Nous nous sentons,

au sein d’Étant Donnés, beaucoup plus proche

de Debussy par sa démarche créative et

perceptive que de la musique contemporaine

que je trouve infiniment plus rationnelle.

Ce qui compte c’est la magie, la poésie, c’est

quelque chose qui s’inscrit dans une certaine

éternité, parce que justement l’homme est un

être mortel et la seule manière de persister,

mais pas de persister comme une pierre

tombale ou une gravure rupestre, c’est de

persister en tant que vibrations magiques,

c’est ce dépassement dans la sphère de l’art

et de la poésie. C’est pour ça que quand tu

ouvres un livre de Rimbaud, tu revis l’instant

que lui-même a vécu. Ce sont quatre mots

mais ça va bien au-delà de quatre mots. C’est

pas lui qui écrit ces quatre mots, c’est quelque

chose d’autre. C’est lui qui est engrainé avec

d’autres forces.

Est-ce qu’on peut parler de théâtre ?

Pour nous, c’est du théâtre, même si les gens

du théâtre ne nous reconnaissent pas du tout

comme ça. Je pense que c’est eux qui sont

dans une erreur totale. Ils en sont encore à du

théâtre narratif. Il est évident qu’Artaud aurait

vu ça, ç’aurait été un peu ce qu’il aurait

ressenti.

Une sorte de théâtre de la cruauté…

Quand on dit " cruauté ", c’est pas la cruauté

sadique, c’est voir les choses d’une manière

cruelle, cru, c’est-à-dire une ouverture.

ce qui

compte

c’est la

magie,

la poésie

Propos recueillis par Max

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kitshette

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