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59 EVOLUTIONS psychomotrices - Vol. 9 - n° 36 - 1997 e syndrome de Down fait l’objet de multiples recherches dans des sec- teurs aussi variés que l’immunologie, la génétique, la neurophysiologie, la neuropsychologie et les mécanismes d’apprentissages moteur et linguisti- que. On peut concevoir que le syn- drome de Down bénéficie d’un tel intérêt en raison de son facteur étiologique bien connu (mis en évi- dence par Lejeune, Gautier et Turpin en 1959) et de la proportion de la trisomie 21 au sein des anomalies génétiques. Il faut rappeler que l’inci- dence de la trisomie 21 est de 1 nais- sance sur 600 et que le risque aug- mente avec l’âge de la mère lors de la conception de l’enfant. Toutefois, le risque présent dans d’autres tran- ches d’âge, explique l’intérêt actuel pour de nouvelles techniques, telles que l’utilisation des marqueurs bio- logiques, participant au diagnostic anténatal. A ce jour, différents profession- nels de la santé sont amenés à pren- dre en charge des enfants porteurs d’une trisomie 21 dès leur plus jeune âge, et bien souvent au long cours, soit pour un suivi médical spécifique, soit pour un accompagnement du dé- veloppement de l’enfant dans des directions aussi diverses que les com- pétences psychomotrices, langagiè- res et sociales, et pour offrir une aide à la famille, bouleversée par l’annonce du diagnostic. La tâche est complexe car les données qui concernent l’en- fant, les problèmes qu’il rencontre, les ajustements familiaux, la recon- RÉSUMÉ Cet article traite de certains signes caractéristiques dans le développement des sujets trisomiques. J’ai essayé de présenter les données les plus pertinentes pour les praticiens, issues des diffé- rentes recherches sur le contrôle moteur et le développement psychomoteur chez les sujets trisomiques 21. Cependant, il n’est pas possible de prendre en considération l’ensemble des facteurs impliqués dans ces domaines. Je donnerai donc quelques généra- lités sur la déficience mentale et le développement cognitif dans une première partie, certains aspects du développement psycho- moteur seront discutés dans une deuxième partie, et les principaux troubles psychomoteurs et les implications thérapeutiques géné- rales dans la dernière partie. MOTS CLÉS : trisomie 21, approche développementale, approche neuropsychologique, troubles psychomoteurs. SUMMARY This paper talks about some characteristical signs in the development of Down’s Syndrome individuals. I’ve tried to give the more relevant datas for practitioners, which comes from different researchs in Down Syndrome motor control and psychomotor development. However, it is impossible to take into account all the factors involved in these areas. In the first part, I’ll give generalities of the mental deficiency and cognitive development with Down Syndrome. In a second part, some aspects of psychomotor development are discussed and, in the last part, leading psychomotor disabilities and general therapeutical implications. KEY WORDS : Down's Syndrome, developmental perspective, neuropsychological perspective, psychomotor disabilities * G.E.I.S.T., appt 280, 5B, rue E. Satie, 31100 Toulouse Chargée de cours en Psychomotricité, Université Paul Sabatier, 133 route de Narbonne, 31400 Toulouse Éléments de réflexion sur le développement Éléments de réflexion sur le développement Éléments de réflexion sur le développement Éléments de réflexion sur le développement Éléments de réflexion sur le développement et les caractéristiques psychomotrices et les caractéristiques psychomotrices et les caractéristiques psychomotrices et les caractéristiques psychomotrices et les caractéristiques psychomotrices du sujet porteur d’une trisomie 21 du sujet porteur d’une trisomie 21 du sujet porteur d’une trisomie 21 du sujet porteur d’une trisomie 21 du sujet porteur d’une trisomie 21 L L L L L Comments upon psychomotor development Comments upon psychomotor development Comments upon psychomotor development Comments upon psychomotor development Comments upon psychomotor development and characteristics in Down's Syndrome and characteristics in Down's Syndrome and characteristics in Down's Syndrome and characteristics in Down's Syndrome and characteristics in Down's Syndrome Nathalie NOACK, Psychomotricienne* Dossier Dossier Dossier Dossier Dossier T T T risomie 21 risomie 21 risomie 21 risomie 21 risomie 21

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59EVOLUTIONS psychomotr ices - Vol. 9 - n° 36 - 1997

e syndrome de Down fait l’objet demultiples recherches dans des sec-teurs aussi variés que l’immunologie,la génétique, la neurophysiologie, laneuropsychologie et les mécanismesd’apprentissages moteur et linguisti-que. On peut concevoir que le syn-drome de Down bénéficie d’un telintérêt en raison de son facteurétiologique bien connu (mis en évi-dence par Lejeune, Gautier et Turpinen 1959) et de la proportion de latrisomie 21 au sein des anomaliesgénétiques. Il faut rappeler que l’inci-dence de la trisomie 21 est de 1 nais-sance sur 600 et que le risque aug-mente avec l’âge de la mère lors de laconception de l’enfant. Toutefois, lerisque présent dans d’autres tran-ches d’âge, explique l’intérêt actuel

pour de nouvelles techniques, tellesque l’utilisation des marqueurs bio-logiques, participant au diagnosticanténatal.

A ce jour, différents profession-nels de la santé sont amenés à pren-dre en charge des enfants porteursd’une trisomie 21 dès leur plus jeuneâge, et bien souvent au long cours,soit pour un suivi médical spécifique,soit pour un accompagnement du dé-veloppement de l’enfant dans desdirections aussi diverses que les com-pétences psychomotrices, langagiè-res et sociales, et pour offrir une aideà la famille, bouleversée par l’annoncedu diagnostic. La tâche est complexecar les données qui concernent l’en-fant, les problèmes qu’il rencontre,les ajustements familiaux, la recon-

RÉSUMÉ

Cet article traite de certains signes caractéristiques dans ledéveloppement des sujets trisomiques. J’ai essayé de présenter lesdonnées les plus pertinentes pour les praticiens, issues des diffé-rentes recherches sur le contrôle moteur et le développementpsychomoteur chez les sujets trisomiques 21. Cependant, il n’estpas possible de prendre en considération l’ensemble des facteursimpliqués dans ces domaines. Je donnerai donc quelques généra-lités sur la déficience mentale et le développement cognitif dansune première partie, certains aspects du développement psycho-moteur seront discutés dans une deuxième partie, et les principauxtroubles psychomoteurs et les implications thérapeutiques géné-rales dans la dernière partie.

MOTS CLÉS : trisomie 21, approche développementale,approche neuropsychologique,troubles psychomoteurs.

SUMMARY

This paper talks about some characteristical signs in thedevelopment of Down’s Syndrome individuals. I’ve tried to givethe more relevant datas for practitioners, which comes fromdifferent researchs in Down Syndrome motor control andpsychomotor development. However, it is impossible to takeinto account all the factors involved in these areas. In the firstpart, I’ll give generalities of the mental deficiency and cognitivedevelopment with Down Syndrome. In a second part, someaspects of psychomotor development are discussed and, in thelast part, leading psychomotor disabilities and general therapeuticalimplications.

KEY WORDS : Down's Syndrome, developmentalperspective, neuropsychologicalperspective, psychomotor disabilities

* G.E.I.S.T., appt 280,5B, rue E. Satie, 31100 ToulouseChargée de cours enPsychomotricité, Université PaulSabatier, 133 route de Narbonne,31400 Toulouse

Éléments de réflexion sur le développementÉléments de réflexion sur le développementÉléments de réflexion sur le développementÉléments de réflexion sur le développementÉléments de réflexion sur le développementet les caractéristiques psychomotriceset les caractéristiques psychomotriceset les caractéristiques psychomotriceset les caractéristiques psychomotriceset les caractéristiques psychomotricesdu sujet porteur d’une trisomie 21du sujet porteur d’une trisomie 21du sujet porteur d’une trisomie 21du sujet porteur d’une trisomie 21du sujet porteur d’une trisomie 21

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Nathalie NOACK,Psychomotricienne*

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naissance du handicap et les exigen-ces extérieures lors de la scolarisa-tion ou de l’intégration sociale évo-luent dans le temps et forment dessituations-problème variées auxquel-les il faut répondre au mieux avec unregard toujours nouveau.

Aussi, en réduisant à l’extrêmeles questions soulevées par la priseen charge de l’enfant à quelques as-pects psychomoteurs, j’ai souhaitéretranscrire un certain nombre de tra-vaux qui m’ont servi dans ma prati-que psychomotrice à décrypter lessituations cliniques et à orienter lesactions thérapeutiques. Avant de lesprésenter, il faut savoir que ces re-cherches sont caractérisées par dif-férents modes d’approche théoriquesque l’on peut classer selon trois caté-gories essentielles :• une tendance développementalequi recherche des lois, une structuredans le développement et les com-pare à celles du développement ordi-naire ;• une tendance sémiologique qui dé-crit les symptômes, notamment psy-chomoteurs, dans le cadre du syn-drome de Down ;• une tendance neuropsychologiquequi tente de décrire les aspects cogni-tifs et les problèmes relatifs au con-trôle moteur.

D’autre part, la lecture, non ex-haustive bien sûr, de quelques tra-vaux fait apparaître d’emblée une pré-occupation dominante concernant lelangage et certains aspects cognitifs,ainsi qu’un délaissement relatif con-cernant les troubles psychomoteurs.

J’ai donc essayé de retenir lespoints importants issus de ces diffé-rentes sources de connaissance ensachant, comme on peut s’y attendre,qu’elles reposent sur des niveauxd’analyse distincts et qu’elles res-tent relativement clivées. Il m’a sem-blé aussi intéressant de dépasser lechamp strict de la psychomotricitépour décrire quelques caractéristi-ques auxquelles tout clinicien est con-fronté : le temps de réaction, les mo-

des de communication, la régulationdu comportement par exemple.

Trois parties seront présentéescomme suit : la déficience mentale etdes généralités sur le développementcognitif ; des généralités sur le déve-loppement psychomoteur ; la sémio-logie psychomotrice et les facteursexplicatifs

La déficience mentale etLa déficience mentale etLa déficience mentale etLa déficience mentale etLa déficience mentale etles généralités sur leles généralités sur leles généralités sur leles généralités sur leles généralités sur ledéveloppement cognitifdéveloppement cognitifdéveloppement cognitifdéveloppement cognitifdéveloppement cognitif

La déficience mentaleLa déficience mentaleLa déficience mentaleLa déficience mentaleLa déficience mentale

La présence d’une trisomie 21va engendrer une déficience mentaleplus ou moins importante. En prin-cipe la moyenne de l’efficience intel-lectuelle pour cette population se si-tue aux alentours d’un QI de 40-45. LeQI maximum est compris entre 65 et79. On a pu mentionner que les en-fants porteurs d’une trisomie en mo-saïque étaient avantagés dans lescompétences intellectuelles. Fishleret Koch (1991) ont cependant retrouvéun large recouvrement des QI chezdes sujets porteurs de trisomie libreet chez des sujets porteurs d’une tri-somie en mosaïque (16% du premiergroupe étudié et 36% du deuxièmeont un QI supérieur ou égal à 70), bienque la moyenne du second groupe desujets soit plus élevée. Il sembleraitqu’il existe aussi une relation entreles caractéristiques somatiques et lamesure du QI. Plus un sujet présentede caractéristiques morphotypiquesde la trisomie et plus son QI tend àêtre élevé. Il s’agit d’une tendance etnon d’une corrélation significative.

La croissance mentale est pluslente, particulièrement à partir de 15ans, et peut se prolonger jusqu’à l’âgede 30-35 ans. Cependant il n’existepas d’études longitudinales qui pren-nent en compte les variations dansl’efficience mentale selon les sujetspour établir de telles courbes évolu-

tives. D’autre part, certaines précau-tions doivent être prises quand lestests habituels de mesure de l’effi-cience mentale sont utilisés. En effet,les troubles spécifiques de l’acquisi-tion du langage compromettent l’éva-luation objective du fonctionnementmental réel. Dans l’idéal, ces mesuresdevraient être couplées avec une es-timation de l’adaptation sociale ettenir compte de l’environnement dusujet. Il existe à ce jour un certainnombre d’instruments disponiblescomme le PAC (Progress AssessmentChart) et l’ABS (Adaptative BehaviorScale) traduits par Magerotte (1972,1977).

Caractéristiques duCaractéristiques duCaractéristiques duCaractéristiques duCaractéristiques dudéveloppement cognit i fdéveloppement cognit i fdéveloppement cognit i fdéveloppement cognit i fdéveloppement cognit i f

Hodapp et Zigler (1993) ont ap-porté de précieuses remarques surles caractéristiques du développe-ment cognitif de la petite enfance quiconcernent :• la notion de développement hété-rogène. L’hétérogénéité provient dudéveloppement de certains secteursà des vitesses différentes. Notam-ment, on observe un retard dans ledomaine linguistique (compréhen-sion et expression) et dans celui de lapensée abstraite. Ceci semble expli-quer une covaration moins grandechez les sujets trisomiques entre ledéveloppement cognitif et l’âge chro-nologique ou l’âge mental.• la notion de structure de dévelop-pement identique à celle de enfantsordinaires. On pourrait en effet re-trouver chez le sujet trisomique lesmêmes séquences de développement,malgré les différences de traitementcognitif. Les auteurs montrent qu’ilexiste des patterns de corrélationsentre les différents habiletés cogniti-ves évaluées par l’échelle de Uzgiris-Hunt analogues à ceux établis chezl’enfant ordinaire.• la notion de trajectoire de dévelop-pement. Les enfants porteurs d’une

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trisomie 21 semblent avoir des trajec-toires de développement moins cons-tantes que les enfants ordinaires. Laprogression devient plus lente avecle temps. Le décrochage avec lacourbe classique apparaît à partir de1 an et il est particulièrement sensibleentre 15 et 18 mois. Pour certainsauteurs, cette décélération du déve-loppement marquerait les difficultésdes enfants à franchir certaines éta-pes qui correspondraient à des chan-gements ou à l’adaptabilité et l’enri-chissement des compétences“sensori-motrices”. A ce moment-là,les enfants continueraient à utiliserdes formes immatures de comporte-ment plutôt que des patterns plusélaborés. McCall et Kopp (1982) mon-trent pratiquement qu’un enfant avecun QD de 75 à 8 mois peut en avoir unde 52 à 21 mois. Le déficit lié au lan-gage pourrait être un facteur de dé-crochage, mais ce n’est pas le seul. Ilexiste aussi une divergence progres-sive dans le temps entre les aptitudesintellectuelles et les habiletés socia-les.

L’observation du développe-ment sensori-moteur de 0 à 3 ans àl’aide de l’échelle de Uzgiris-Huntmontre un écart progressif entre l’âgechronologique et le développementdans tous les domaines (“permanencede l’objet”, “résolution de problè-mes : moyens et fins”, “imitation ges-tuelle”, “opération de causalité”, “re-lations spatiales”, “schèmes”) et spé-cialement dans “l’imitation vocale”.Cette dernière donnée semble diffé-rencier les enfants trisomiques 21 desautres sujets présentant une défi-cience mentale (Dunst, 1993).

Il semblerait donc que les en-fants trisomiques 21 prennent plusde temps pour passer d’un stade àl’autre de développement, car la sta-bilisation et l’assimilation des com-pétences cognitives sont plus lon-gues. Nous allons voir maintenantquelles sont les sources d’influencepossible sur le développement co-gnitif.

Les sources d’influenceLes sources d’influenceLes sources d’influenceLes sources d’influenceLes sources d’influence

Influence de l’environnementInfluence de l’environnementInfluence de l’environnementInfluence de l’environnementInfluence de l’environnement

Un ensemble de sources d’in-fluence sur le développement cogni-tif a été mesuré, comprenant le faitd’être élevé au domicile ou en institu-tion, de bénéficier ou non d’un pro-gramme de stimulation, le statut socio-économique de la famille, le type dedéficience mentale. Malheureuse-ment, les études concernées ne mani-pulent pas toutes les mêmes varia-bles, diminuant ainsi les possibilitésd’une vue d’ensemble. Voici quelssont les résultats principaux.

Les enfants trisomiques élevésà la maison, même avec un programmede stimulation, atteignent toujoursmoins vite les repères de développe-ment que les enfants ordinaires, àl’exception de la catégorie “imitationgestuelle”. Ces mêmes enfants pour-ront avoir une vitesse de développe-ment égale à celle des enfants neprésentant aucune pathologie avé-rée mais pour lesquels les conditionsenvironnementales sont défavorables(institutionnalisation et statut éco-nomique défavorisé). Le délai d’ac-quisition du dernier stade de l’échellede Uzgiris-Hunt peut être de 10 moisen fonction des conditionsenvironnementales chez les sujetstrisomiques.

Le développement est meilleurà tous les âges étudiés (2 ans, 5 ans,6 ans et 8 ans) pour les enfants élevésau domicile dans les domaines de lamotricité, des compétences socialeset cognitives. L’écart s’estompe avecles enfants institutionnalisés si cesderniers peuvent bénéficier d’un pro-gramme intensif avant l’âge de 6 ans.

Il semble donc que certains fac-teurs aient un impact péjoratif sur ledéveloppement des enfantstrisomiques, tels que l’institutionna-lisation dans la petite enfance. Onpeut considérer que des facteurs spé-cifiques, en dehors des conditionsd’élevage proprement dites, comme

le comportement de l’adulte (parentou substitut) chargé de l’éducationet des soins de l’enfant et l’organisa-tion du milieu soient susceptiblesd’expliquer certaines variations.

Inf luence de l’entraînementInfluence de l’entraînementInfluence de l’entraînementInfluence de l’entraînementInfluence de l’entraînementspécif iquespécif iquespécif iquespécif iquespécif ique

Le bénéfice d’un programmespécifique dans les deux premièresannées de la vie a été observé aumoins pour le langage, la permanencede l’objet et la résolution de problè-mes. Il faut noter que toutes les autreshabiletés n’ont pas réuni le mêmeintérêt dans les études, expliquant lesrésultats restreints aux trois domai-nes précédemment cités.

L’effet de l’entraînement s’ob-jective sur une habileté cible qui peutse démarquer des autres lors de l’éva-luation sur une période de 18 mois.On peut d’ailleurs se poser la ques-tion du sens de l’hétérogénéité dansle développement dans le cadre d’uneprise en charge qui met en œuvre desaxes spécifiques de travail auprès del’enfant. Cela suppose donc que l’in-tervention auprès des enfantstrisomiques soient rythmées par desévaluations régulières afin d’ajusterau mieux les actions à venir en fonc-tion des décalages de compétencesobservés, liés aux caractéristiquespersonnelles et/ou aux effets théra-peutiques.

Influence des affectsInfluence des affectsInfluence des affectsInfluence des affectsInfluence des affects

Il existe de nombreuses étudessur la question. Je me contenterai dedonner quelques éléments concer-nant la petite enfance, et utilisablesdans l’observation des comporte-ments de l’enfant dans le cadre d’uneprise en charge précoce.

Ciccheti et Beegly (1993) mon-trent que les expressions émotion-nelles à la présentation de stimuliincongrus chez des enfants de 4 à 24mois sont plus pauvres et distordues(notamment concernant le rire) et qu’il

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existe des temps de latence plus longsque chez les enfants ordinaires dansl’expression du sourire, du rire et desémotions négatives telles que la dé-tresse ou les pleurs. De plus, les émo-tions telles que la peur et la surprisesont rarement exprimées et, lorsqu’el-les le sont, le bébé est très difficile àcalmer, preuve pour les auteurs deproblèmes de modulation du niveaud’éveil. Ils montrent également queles enfants qui rient le plus tôt, et quisourient et rient le plus à la présenta-tion de stimuli visuels et sociaux ontaussi les scores les plus élevés àl’échelle de développement cognitif.Les enfants qui rient avant 10 moissont ceux qui ont un meilleur score àl’échelle de Bayley à 2 ans, ainsi queceux qui manifestent des émotionsnégatives à l’approche de la falaisevisuelle et des ombres mobiles selonune trajectoire de télescopage. Larelation entre les réponses affectiveset le développement cognitif a étéretrouvée à plusieurs reprises.

Ciccheti et coll. ont pu retrou-ver une corrélation entre tous cesindices cognitifs et affectifs relevésdurant la première et le deuxième an-née et la maturité des jeux symboli-ques et des comportements affectifsdans le jeu entre la troisième et lacinquième année.

Il existe donc des composantescognitives dans l’expression des émo-tions, mais aussi physiologique (ré-gulation du niveau d’éveil) et toni-que (l’hypotonie peut rendre comptede l’indifférenciation et de la plusfaible quantité des mimiques). Il pa-raît encore difficile de déterminer quel-les sont les relations entre le déve-loppement cognitif et affectif et leurmode d’interaction.

Le rôle des parentsLe rôle des parentsLe rôle des parentsLe rôle des parentsLe rôle des parents

L’implication des parents dansle développement de leur enfant sem-ble dans la majorité des cas un facteurpositif. Il semble aussi que la qualitéde l’intervention parentale soit en

relation avec les progrès dévelop-pementaux de l’enfant (Cullen, 1981)et qu’elle soit plus ou moins aisée enfonction de sa capacité à exprimer sesémotions, de son degré d’activitémotrice, et des problèmes médicauxassociés.

L’association des parents as-sez courante dans la prise en chargede leur enfant suppose de prendrequelques précautions :• il faut s’assurer que leur interven-tion soit possible en fonction du con-texte relationnel avec l’enfant et deleurs ajustements émotionnels per-sonnels ;• il faut donner les moyens aux pa-rents de produire certaines stimula-tions et ne pas s’en tenir à de simplessuggestions ;• il faut tenir compte des difficultésdes parents à opérationnaliser cer-tains conseils, et éviter de focaliserl’attention uniquement sur l’enfant,au risque de favoriser chez les pa-rents la perte de confiance dans l’ef-ficacité parentale ;• il faut anticiper les effets à longterme, en tenant compte de l’évolu-tion probable de l’enfant. Schell (1981)a suggéré que les parents d’enfantstrisomiques pourraient expérimenterun sentiment d’usure avec une perted’énergie, du sens et de l’utilité deleurs actions auprès de l’enfant. Laprogression de l’enfant peut en effetparaître maigre eu égard à l’impor-tance de l’investissement parental etdonc ne pas correspondre aux atten-tes initiales.

Si l’apport de la famille produitdes effets incontestablement positifssur le développement de l’enfant, lesvariations personnelles doivent êtreprises en considération et l’implica-tion doit rester une affaire indivi-duelle.

Quelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarquessur le langagesur le langagesur le langagesur le langagesur le langage

Je ne présenterai qu’un résumédes difficultés d’apprentissage lan-

gagier parce qu’il est important de lesconnaître et parce qu’elles représen-tent un obstacle à la diversité de lacommunication auquel tout théra-peute est confronté, l’obligeant à unelecture des signes et des communica-tions non verbales plus fines.

Les difficultés d’apprentissagedu langage oral que rencontrent lessujets trisomiques sont de degré va-riable, avec de rares cas de langagequasi normal. Lorsqu’elles existent,elles touchent spécifiquement, chezle sujet trisomique, toutes les compo-santes du langage : phonétique, lexi-cal, sémantique, morphosyntaxique,pragmatique et discursive (Rondal,1994).

Il existe chez le sujet trisomiquedes troubles de la mémoire de travailqui vont pénaliser l’apprentissage dulangage en l’occurrence :• une réduction de l’empan auditivo-vocal (2 à 3 unités jusqu’à l’âge de 7-8 ans) ;• une absence ou une diminution desprocessus articulatoires de contrôle(parole interne) ;• une faiblesse et une labilité du con-trôle exécutif central.

Rondal montre que le dévelop-pement de l’empan est lié entre autreà la rapidité du débit verbal qui estralenti chez le sujet trisomique. Or cedébit de parole est un bon indice desopérations de rafraîchissement de l’in-formation en mémoire. Il existe doncune inertie dans la parole interne et laboucle articulatoire, en sachant quele langage interne fait souvent défautchez le sujet trisomique.

Les problèmes de mémoireauditivo-vocale vont toucher le dé-veloppement lexical et la compréhen-sion des énoncés. Les programmesd’entraînement mnésique semblentdonner des résultats encourageants.Il reste que la parole interne est peuabordée. Il me semble là que lepsychomotricien puisse jouer un rôledans la mise en place de l’auto-ins-truction qui peut passer par la cou-verture vocale sur des actes moteurs,par la combinaison d’un son avec un

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mouvement, par la synchronisationentre un rythme et un mouvement etl’utilisation progressive de mots dansla mémorisation de séquences motri-ces.

Pour des informations complé-mentaires on peut se rapporter à tousles ouvrages de Rondal et à l’excel-lent ouvrage de revue de Cicchetti etBeeghly (1993).

Il faut savoir qu’il existe destroubles associés à ce tableau de typeaphasique accompagnés ou non d’unsyndrome pseudobulbaire (Gelbert,1994). Ils sont rares mais doivent êtresuspectés chaque fois qu’un mutismeperdure ou que l’enfant présente defaibles productions caractérisées pardes problèmes parétiques (flouarticulatoire, sons émis par des coupsde glotte, nasonnement. . .) etprosodiques. Dans ces cas, une con-sultation neurologique est recom-mandée ainsi qu’une prise en chargeappropriée à ces troubles.

Le développementLe développementLe développementLe développementLe développementpsychomoteurpsychomoteurpsychomoteurpsychomoteurpsychomoteur

Général i tésGénéral i tésGénéral i tésGénéral i tésGénéral i tés

La plupart des travaux tententde chercher une cohérence dans lessymptômes présentés par les sujetsporteurs d’une trisomie 21, en raisonde la “communauté génétique” dusyndrome. Toutefois, si certainescaractéristiques sont observablessystématiquement, il existe bien desvariations interindividuelles, commel’atteste la fourchette correspondantà la tranche d’âge pendant laquelles’acquièrent les compétences motri-ces. Ces variations posent la ques-tion de la dépendance de certainssymptômes entre eux et de leur rela-tion avec des facteurs de rang diffé-rent. On pourra citer le niveau d’effi-cience mentale, des facteurs généti-ques (la localisation distale ou proxi-male de certains gènes dans le chro-mosome 21 induit la présence et lasévérité des troubles psychomoteurs,

Sinet 1993), et des facteurs hormo-naux (l’hypothyroïdie fruste peut êtreassociée à une stagnation psycho-motrice, bien que les effets thérapeu-tiques soient un peu décevants dansce domaine, Garandeau, 1994).D’autre part la relation encore hypo-thétique entre certains symptômesn’exclut pas une analyse nuancée deleur influence respective dans le dé-veloppement d’un enfant particulier.

Les connaissances sur le déve-loppement psychomoteur du sujettrisomique sont limitées, et ce pourplusieurs raisons :• l’absence d’études longitudinales.Les observations sont relatives àcertaines tranches d’âge précises.• les moyens d’évaluation sont dis-parates.• une connaissance embryonnaire del’évolution de certains symptômesdans le temps, de leur sévérité et deleur poids dans l’allure de la courbede développement.

Malgré ces obstacles, il est pos-sible de dégager les caractéristiquesdéveloppementales communémentadmises.

Les constatations généralesLes constatations généralesLes constatations généralesLes constatations généralesLes constatations générales

D’après les travaux deHenderson (1986), 5 constatations serépètent dans les différentes études.1. A tous les âges, les enfantstrisomiques 21 ont des compétencesmotrices plus faibles que les enfantsordinaires. Ce délai ne semble pasêtre compensé dans le temps.2. Au contraire, bien que les enfantsprogressent dans leur développe-ment et acquièrent un répertoire mo-teur de base et fonctionnel, l’écart decompétences entre les sujets des deuxpopulations augmente.3. Dans certaines tâches motrices,les enfants trisomiques semblentmoins compétents que des sujetsdéficients intellectuels du même âgechronologique et mental.4. L’analyse des performances faitapparaître des différences quantitati-

ves et qualitatives entre les sujetstrisomiques et les sujets ordinaires(type de profil, caractéristiques clini-ques du mouvement...).5. La progression développementaleest différente de celle des sujets ordi-naires comme de celle des déficientsmentaux. Des plateaux dans le déve-loppement apparaissent à des mo-ments différents et durent plus long-temps (Cunningham, 1979).

Quelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarquesQuelques remarques

Concernant l’augmentation duretard, il ne semble pas que l’on puisseincriminer les facteurs verbaux pré-sents dans les échelles de dévelop-pement de la petite enfance (0-24 mois)et ceci pour 4 raisons. D’abord, ceretard se manifeste singulièremententre 6 mois et 10 mois (Carr, 1975) etperdure au-delà si on diminue l’in-fluence des items verbaux dans lecalcul des quotients de développe-ment. La deuxième raison est qu’ilexiste une corrélation possible entreles anomalies neurologiques (examendes réflexes archaïques) et les résul-tats obtenus à l’échelle de Bayley à 6mois et à 10 mois (Cowie, 1970). Latroisième raison concerne l’existenced’anomalies de certaines structurescérébrales connues pour jouer un rôledans le contrôle moteur (Echenne,1994). On pourra citer une hypoplasiecérébelleuse. Les anomalies cérébra-les tendent à augmenter avec le tempset à s’aggraver. On observe un arrêtdu développement dendritique dèsl’âge de 4 mois et un retard de lamyélinisation, pour ne citer que desexemples. La quatrième raison con-cerne la mise en évidence de difficul-tés d’intégration perceptivomotrice,dont on parlera plus tard, pouvantrendre compte de la lenteur de déve-loppement et de la distance progres-sive entre le développement de l’en-fant trisomique 21 et le développe-ment ordinaire. Au total, le dévelop-pement psychomoteur de l’enfanttrisomique donne l’impression d’un

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décrochage progressif qui peut êtremis en relation avec la maturationcérébrale, maturation qui sous-tendl’émergence de certaines compéten-ces. De ce fait, les anomalies ne peu-vent être manifestes et appréciéesqu’en fonction des stades pertinentsde développement acquis. On pour-rait alors bénéficier d’une illusion dedéclin et de détérioration.

Une deuxième remarque con-cerne l’importance des signes quali-tatifs qui pourraient bien rendrecompte de la différence entre les su-jets ordinaires et les sujetstrisomiques dans les plateaux obser-vés, et qui ont d’ailleurs alimenté lesétudes sur la neuropsychologie dumouvement dans le cadre du syn-drome de Down.

Il est donc assez difficile de con-tinuer à parler dans ce contexte deretard de développement psychomo-teur chez le sujet trisomique car :• le développement de l’enfanttrisomique ne se réduit pas à celuid’un enfant ordinaire selon unecourbe plus lente,• les écarts augmentent avec le tempset ne peuvent être que rarement com-pensés,• la fourchette d’acquisition des ha-biletés motrices s’accroît avec letemps, témoignant des variations in-terindividuelles mais aussi d’un ra-lentissement des acquisitions enfonction de leur complexité.

De ces observations se déga-gent des implications thérapeutiques.La présence de manifestations préco-ces justifie la prise en charge du trèsjeune enfant selon des modalités va-riées comme la surveillance régulièredans les premiers mois de la vie dudéveloppement de l’enfant associéeà l’accompagnement des parents dansla stimulation de leur enfant jusqu’àl’apparition de phénomènes justifiantune prise en charge plus systémati-que, ou une prise en charge précocesystématique visant à prévenir l’ap-parition des problèmes et à accompa-gner le développement. Dans les deuxcas, cela suppose que la famille ait été

informée de l’évolution possible dudéveloppement, des actions bénéfi-ques d’une prise en charge et qu’ellesoit orientée en temps voulu vers unservice de soins ou des profession-nels compétents. On peut considérerque le début idéal d’une interventioncorrespond au 6ème mois de la vie etplus généralement à la première an-née. On peut espérer ainsi éviter leseffets relatifs à l’accumulation du “re-tard”, à l’inquiétude des parents etaux questions restant sans réponseface à un discours qui a plutôt ten-dance à surestimer les facteurs per-sonnels dans l’acquisition motrice(désir, volonté de l’enfant) qu’à trans-mettre des connaissances sur la tri-somie 21 et les moyens d’aide dispo-nibles à ce jour pour l’accompagne-ment des parents et de leur enfant.

Une prise en charge ou une sur-veillance régulière peuvent être envi-sagées au long cours pour évaluer lesproblèmes psychomoteurs, leur im-pact sur le développement, les sec-teurs d’activités et d’apprentissagesoumis à différentes exigences exter-nes afin de mettre en œuvre lesmoyens d’aide nécessaires au mo-ment opportun.

Une autre implication concerneles méthodes d’évaluation des com-pétences de l’enfant et des effetsthérapeutiques. En effet, bien quel’utilisation de tests psychomoteursne soit plus à remettre en questionpour motiver une prise en charge oul’évaluer, ces derniers ont de plusgrandes chances de retransmettre ledécalage dans le temps des compé-tences de l’enfant trisomique que sonévolution personnelle. Un quotientde développement peut être stable etsignifier soit une progression cons-tante soit une hétérogénéisation descompétences. Un QD en baisse signi-fie un ralentissement du développe-ment (la recherche des causes endehors de la trisomie n’est pas ex-clue), mais pas systématiquement unenon évolution. Enfin la stabilisationdes performances ou l’évolution fai-ble des aptitudes motrices ne

préjudicient en rien de l’acquisitionde nouvelles organisations motricesou de l’amélioration qualitative desanciennes.

Aussi le psychomotricien doit-il s’armer d’outils d’évaluation clini-que qui permettent d’enregistrer en-tre autres les dimensions qualitativesdes productions de l’enfant, les élé-ments facilitateurs dans l’apprentis-sage et le niveau d’autonomie dansl’exercice de ses fonctions motrices.Sur ces dimensions, le thérapeutepourra décrire l’évolution du sujetlorsque celui-ci ne peut remplir lescritères de réussite d’une épreuve,l’apport éventuel de sa prise encharge et les orientations à prendredans le futur.

Nous allons examiner mainte-nant les principaux troubles psy-chomoteurs rencontrés dans la tri-somie 21.

SémiologieSémiologieSémiologieSémiologieSémiologie

Les éléments de baseLes éléments de baseLes éléments de baseLes éléments de baseLes éléments de baseliés au mouvementliés au mouvementliés au mouvementliés au mouvementliés au mouvement

Le tonus musculaireLe tonus musculaireLe tonus musculaireLe tonus musculaireLe tonus musculaire

L’hypotonie a été au centre dessymptômes caractérisant les troublespsychomoteurs de l’enfant triso-mique. Elle fait souvent partie destermes descriptifs précédant l’an-nonce du diagnostic auprès des pa-rents, alimentant des représentationspas toujours souhaitables (le bébémou est associé à l’idée d’un déve-loppement péjoratif, voire de l’ab-sence de développement). Générale-ment l’hypotonie de fond est pré-sente chez le nouveau-né, d’inten-sité variable, et diminue avec le tempsmême si elle est détectable chez lessujets plus âgés. Elle est associée àl’hyperlaxité ligamentaire. Dans les 2premières semaines de la vie, Cowie(1970) repère parmi 67 sujets, 44 %présentant une hypotonie extrême,58 % une hypotonie marquée et 3 %une hypotonie modérée. A la fin de la

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première année les proportions ontchangé, mais aucun enfant ne pré-sente un tonus de fond normal. Il fautremarquer que ces caractéristiquestoniques sont évaluées par des mé-thodes diverses selon les auteurs etque leurs variations dans le tempsn’ont pas été mises en relation avecd’autres facteurs neuromoteurs.

Pour Cowie (1970), l’hypotoniepourrait rendre compte des perturba-tions dans l’apparition et la dissolu-tion des réflexes archaïques chez lesenfants âgés de 6 semaines, 6 mois, et10 mois. Il note l’absence initiale degrasping, du réflexe de Moro et duréflexe patellaire, et la mise en placetardive des réponses à la traction et àla suspension ventrale. Par contre leréflexe plantaire, le grasping et lamarche automatique persistent dansle temps. L’hypothèse de l’hypoto-nie comme facteur de délai d’appari-tion des comportements archaïquesest intuitivement acceptable, mais peucompréhensible dans l’explicationdes phénomènes de persistance. Onconçoit aujourd’hui que le ralentis-sement de la maturation cérébralepostnatale limite le développementdes fibres inhibitrices qui jouent unrôle important dans le contrôle mo-teur (Ganiban et al, 1993). On pres-sent que l’hypotonie n’est pas la seulecause des troubles psychomoteurs,et que son rôle a peut-être été sures-timé à défaut d’explications alternati-ves disponibles.

Le tonus d’actionLe tonus d’actionLe tonus d’actionLe tonus d’actionLe tonus d’action

Il existe des anomalies de basedans le tonus d’action. Les sujetstrisomiques présentent des difficul-tés plus importantes à augmentervolontairement leur degré de con-traction musculaire lors d’un mou-vement que les sujets ordinaires etdéficients mentaux, alors que lespropriétés biomécaniques du sys-tème musculoarticulaire sont analo-gues (Davis et Kelso, 1982 ; Davis etShinning, 1987). Cela se traduirait

par une lenteur à mobiliser les diffé-rentes parties du corps. D’autre partle déploiement de la force s’accom-pagnerait d’oscillations dans le con-trôle de la position finale. Les sujetsdéficients mentaux et les sujetstrisomiques ont des difficultés com-munes dans le maintien constant deleur force musculaire, témoignantd’un déficit central. Pour les auteurs,on ne peut retenir l’idée de l’hypoto-nie de fond comme la cause majeuredes troubles moteurs observés.D’autre part, il existerait peu de rela-tion entre la mesure du tonus de fondpar les mobilisations passives et letonus d’action lors des mouvementsactifs.

Ces études permettent de pen-ser que les anomalies de base dutonus d’action auront des répercus-sions sur la persistance motrice, lavitesse des mouvements, sur le con-trôle de la posture et les mécanismesd’équilibration et sur la précision dela position d’une partie du corps dansl’espace, pré-requis de toute actionprécise et fine. On verra que d’autresfacteurs associés au tonus de fondrendent compte des difficultés motri-ces observées.

A un autre niveau d’analyse, iln’est pas rare de constater des ano-malies toniques à type de syncinésieset de paratonies lors de l’exécutiond’un mouvement. Les syncinésiestonico-cinétiques et toniques persis-tent chez le sujets trisomiques au delàde l’âge normal. Leur présence a puêtre expliqué au moins de 3 manières :• le retard de maturation• la difficulté d’inhibition motrice. Lestravaux de Karrer (1989) sur les po-tentiels évoqués montrent que ceux-ci sont liés aux processus nécessai-res à la préparation et à l’exécutiondu mouvement (Kujas et Donchin,1980). Il semble que le profil desondes et notamment leur taille soitlié à la mesure du contrôle moteur.Or, chez le sujet trisomique, le profilest différent et la positivité des on-des durant toute la phase de prépa-ration suggère des différences dans

la structure neuronale. L’apparitionde syncinésies ou de mouvementsassociés rendrait compte de la diffi-culté à inhiber le mouvement de cer-taines parties du corps non perti-nentes dans l’action prévue et dufaible contrôle moteur. Ces ondespositives sont en général présentesquand le mouvement est faiblementcontrôlé (chez le jeune enfant, chezles sujets déficients mentaux et lessujets trisomiques) ou lorsqu’il y anécessité d’un contrôle supplémen-taire lors d’un apprentissage moteurnouveau.• la difficulté chez le sujet trisomiqueà mettre en place des postures d’an-ticipation préalables à tout mouve-ment. Woolacott et Shumway-Cook(1986) montrent que l’activité postu-rale anticipatrice se manifeste seule-ment dans 50 % des essais successifsdans une tâche motrice alors qu’elleest systématique chez les sujets ordi-naires d’âge préscolaire. Lessyncinésies correspondraient, dansce cadre, à un défaut d’activité pos-turale anticipatrice qui, normalement,permet de réduire à l’avance les effetsparasites liés au mouvement et dedéterminer les points corporels deréférence.

Enfin la présence desyncinésies et de paratonies aug-mente à l’exigence de vitesse ou àl’effort de précision ou de contrôle.On verra qu’il y a probablement unerelation entre, d’une part, les mani-festations toniques et, d’autre part,les modes de contrôle du mouve-ment et l’anticipation des séquen-ces motrices.

La posture et l’équilibreLa posture et l’équilibreLa posture et l’équilibreLa posture et l’équilibreLa posture et l’équilibre

Au niveau de la statique, l’évo-lution spontanée chez l’enfanttrisomique se caractérise fréquemmentpar :• une lordose lombaire exagérée etune cyphose dorsale avec enroule-ment des épaules aggravant les pro-blèmes respiratoires ;

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• une bascule vers l’arrière de la tête ;• un genu valgum ;• une déformation des hanches ;• des pieds plats et une modificationdes appuis plantaires par hypotoniedes muscles de la plante.

L’adoption progressive de cesattitudes, majorées par la fatigue, peutcontribuer à modifier la position duregard et redéfinir de manière distor-due la valeur de référence de la posi-tion de la tête et des yeux dans l’es-pace. Etant donné que la vue imposeune régulation du système posturalqui lui-même influence la position dela tête et des yeux (Lashley, 1951, inCorraze, 1987), on peut penser que lesdistorsions posturales chez l’enfanttrisomique vont accentuer les difficul-tés d’équilibration, modifier les rap-ports qui existent entre le corps et lemilieu et la perception de la positiondes parties du corps dans l’espace.

Les troubles de l’équilibre sontconstants et durables dans le temps.C’est à partir de 6 mois que le délai desréactions posturales se manifeste(Haley, 1986 ; Shumway-Cook etWoolacott, 1985). L’apparition desréponses de parachute et d’équili-bration à la suspension ventrale sontretardées. Cliniquement le parachuteantérieur semble plus facile à obtenirque le parachute latéral. Lors de lapremière année, toutes les étapes decontrôle postural sont différées etleur stabilisation est plus longue. Parexemple, alors qu’il faut 3 mois d’ex-périence au bébé normal pour assurersa position verticale, il faut 7 à 12 moisau bébé trisomique pour parvenir aumême résultat. L’évaluation du sujetplus âgé (7 à 14 ans, Henderson, 1981)montre que la réduction des appuis etdu polygone de sustentation, ainsique la suppression des référencesvisuelles ont un effet dramatique surle contrôle postural. Seulement 2 en-fants sur les 18 observés parviennentà rester sur un pied les yeux fermés et1 seul dans les mêmes circonstancesles bras croisés.

Sur le plan clinique, on observe :• une persistance de l’utilisation du

mode quadrupédique dans le pas-sage de la station assise à la stationdebout ;• une faible fréquence de l’organisa-tion asymétrique de la posture, laposition droite dans le plan frontalétant préférée, ce qui a une incidencesur l’équilibre à l’arrêt du déplace-ment, sur l’impulsion dans le lancer,sur l’ascension et la descente d’esca-liers ou d’obstacles divers ;• un contrôle difficile de la positiondu bassin et une limitation des trans-ferts du poids du corps dans tous lesplans qui retarde l’acquisition de cer-taines coordinations motrices géné-rales ;• un contrôle visuel étroit des mem-bres inférieurs qui, en soi, augmentele risque de déséquilibre, le tempsnécessaire à la correction posturaleet gène l’anticipation ;• des positions inversées dans lemaintien de l’équilibre ;• une difficulté à réduire le polygonede sustentation correspondant à ce-lui de la station debout et qui entraîneune réorganisation des mouvementsen fonction de cette exigence de sta-bilité ;• une adaptation difficile sur dessurfaces mobiles et de consistancesdiverses.

Au niveau de l’équilibre dyna-mique, on retrouve des perturbationsà la marche et lors des déplacementseffectués sur une surface réduite(banc, ligne au sol, poutre). L’examende la marche effectué auprès d’en-fants trisomiques de 5 ans par Parkeret coll. (1986) objective les caractéris-tiques suivantes :• une variation interindividuelle im-portante ;• un retard dans les composantestemporelles de la marche qui se tra-duit par une longueur du pas réduite,conséquence de la petite taille desmembres mais aussi de l’augmenta-tion de la flexion des genoux au con-tact du pied avec le sol ;• une réduction de la durée du sup-port unipodal et une augmentation dela phase de support bipodal qui indi-

quent un degré d’instabilité et contri-buent à limiter la modulation de l’am-plitude du pas ;• une faiblesse de propulsion et desarticulations en flexion (genou,dorsiflexion de la cheville) qui indi-quent le faible recours à un méca-nisme de déroulement plantaire.

Ces données sont majorées chezles sujets trisomiques présentant lesplus grandes anomalies de la marche.On peut alors voir un contrôle labiledu placement du pied ou même unechute de celui-ci (pied à plat) après laphase d’impulsion.

Il semble que l’attitude en flexionsoit une stratégie de diminution desfluctuations du centre de gravité du-rant la période de support unipodal,compensant ainsi le déséquilibrequ’elle entraîne.

On peut concevoir alors que lescontraintes de réduction de polygonelors du déplacement sur une surfaceétroite vont exiger un déroulementplantaire plus important, une stabilitéunipodale et un contrôle du place-ment du pied précis, qui sont juste-ment les points faibles des sujetstrisomiques. Dans ces conditions dedéplacement on devrait observer unemajoration des troubles cités lors dela marche libre.

Nous allons voir maintenantquelles sont les hypothèses explica-tives des troubles de l’équilibre.

Il faut signaler que le maintiende l’équilibre suppose le contrôle dela projection du centre de gravité àl’intérieur des limites du polygone desustentation. Cette position de réfé-rence est réglée par trois systèmesvisuel, vestibulaire et somato-sensoriel qui enregistrent les pertur-bations. Ces dernières seront com-pensées par le SNC selon 2 modes : unqui est continu lors des changementslents de position, l’autre qui est dis-continu mobilisant le répertoire dessynergies neuromusculaires par lesréajustements rapides (Massion etVialet, 1990 ; Nashner et Mc Collum,1985). L’organisation des informa-tions sensorielles fournies par les

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différents systèmes semble obéir àune loi hiérarchique selon laquelle lacongruence entre les informationsvisuelles et haptiques est comparée àune référence gravitationnelle four-nie par les afférences vestibulaires.En cas de conflit, les informationsincongruentes avec le systèmevestibulaire sont écartées et les autresrendues plus saillantes (Nashner etcoll., 1982).

Chez le sujet trisomique, le ta-bleau avait été dressé par Butterworthet Cicchetti (1978) alors que les trou-bles de l’équilibre avaient été décritspar Cratty 10 ans plus tôt (1969). Cesauteurs ont étudié les effets de ladiscordance entre les informationsvisuelles et proprioceptives dans lemaintien de la position assise et de lastation debout. Deux groupes d’en-fants ordinaires et trisomiques sontappariés selon la durée d’expériencedu maintien postural de la stationassise et de la station debout. L’expé-rience consiste à rendre le fond visuelmobile alors que la phase de supportest stable. Les résultats montrent queles enfants trisomiques sont plus in-fluencés que les autres par l’informa-tion discordante. L’oscillation ducorps est plus importante et la chuteplus fréquente. Par contre, en posi-tion assise les sujets trisomiques ontde meilleures performances que lessujets normaux, mais ont une pro-gression plus lente dans le temps.D’après les auteurs, les formes deposition influenceraient le maniementdes informations sensorielles. Il sem-ble toutefois que le maintien de laposition assise chez le sujettrisomique soit peu en relation avecles informations visuelles périphéri-ques. On peut se demander d’ailleurss’il n’y a pas une relation à faire avecla fréquence avec laquelle le sujettrisomique adopte la position assise,facilitant ainsi son contrôle moteur etse soustrayant aux contraintes pos-turales de la station debout. De ma-nière générale, l’expérience montreque le calibrage du système proprio-ceptif/vestibulaire sur la vision pren-

drait plus de temps chez le sujettrisomique. Les auteurs montrent queplus la posture est contrôlée et moinselle devient dépendante des informa-tions visuelles. Les réactions émo-tionnelles sont aussi en conséquence.Chez le sujet ordinaire, le temps d’ex-périence de la station debout se tra-duit par des différences émotionnel-les allant des cris au départ, à des rirescar l’enfant interprète le mouvementde la pièce comme étant incongru etrelativement indépendant de sa pro-pre stabilité posturale. Chez l’enfanttrisomique, bien que les manifesta-tions soient analogues, la fréquencedes réponses n’est que de 15 %.

Woolacott et Shumway-Cook(1986) ont étudié les réajustementsposturaux et les mécanismes d’inté-gration sensorielle chez les enfantstrisomiques âgés de 15 mois à 6 ans.Les performances motrices à l’échellede Bayley sont en retrait de 18 à 24mois pour les enfants les plus âgés.L’hypotonie est modérée. Ils utili-sent plusieurs conditions qui mani-pulent les informations sensorielles :1) où il y a congruence entre les infor-mations ; 2) congruence avec les yeuxfermés ; 3) incongruence entre lesinformations visuelles/ vestibulaireset les informations proprioceptives ;4) incongruence avec les yeux fer-més. Les résultats montrent qu’auniveau des ajustements posturaux,les enfants trisomiques présententdes réponses posturales appropriéesselon la direction de la plate-forme. Sila structure des réponses est conser-vée, c’est l’organisation temporellequi fait la différence entre les deuxgroupes ainsi que les synergies cou-plées entre les muscles proximaux etdistaux. La plus grande différenceapparaît chez les sujets jeunes, pou-vant rendre compte de mécanismesdissemblables dans le contrôle de laposture chez le sujet ordinaire et chezle sujet trisomique.

Un élément important concernela latence des réponses posturalesqui est plus importante chez le sujettrisomique. Tout se passe comme si,

en dehors des différences d’âge, lessujets oscillaient jusqu’à atteindreles limites du polygone de sustenta-tion avant que les réponses postura-les ne remplissent leur fonction. Lesauteurs expliquent cela par une ré-duction du couplage temporel dessynergies proximales et distales. Lesmuscles proximaux sont activés troptard pour que l’inertie de la masse dutronc et des cuisses soit minimiséeeffectivement. L’absence de compen-sation au fil des essais peut laisserpenser que la posture n’est pas modi-fiée de manière anticipée. On peutaussi se poser la question de la vi-tesse de perception du déplacementdu corps en rapport avec les référen-ces visuelles stables du milieu.

En ce qui concerne l’adaptationposturale selon les contingences sen-sorielles, les sujets trisomiques éprou-vent des difficultés à supprimer laredondance visuelle, comme l’avaitdéjà signalé Henderson (1986). Il yaurait donc une grande dépendance àl’égard du champ visuel. Dans lessituations conflictuelles, l’adaptationne se fait pas pour le sujet trisomiquealors qu’elle a lieu chez le sujet ordi-naire, malgré le nombre de chute équi-valent au départ.

Quelles sont les implicationsthérapeutiques ?• La prise en charge doit être précoceet durable dans le temps. Les actionssur les troubles de l’équilibre doiventdépendre aussi de la gêne qu’ils oc-casionnent et de leur interaction avecles acquisitions motrices. Il m’est ar-rivé de constater chez des sujetstrisomiques des périodes d’abandondes réponses d’équilibration et unrecours à la chute comme seule ré-ponse au déséquilibre. Il n’est pasbesoin de disserter sur les consé-quences émotionnelles de ce typed’attitude.• Une recherche de l’amélioration dela coordination motrice en guidant lesujet dans le développement et l’or-ganisation des synergies posturales.Par exemple en faisant varier les posi-tions, les surfaces tant dans la taille

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que la consistance, les modes conti-nus et discontinus des réajustements.•· Une recherche de l’organisationdes informations sensorielles quipeut se réaliser très tôt dans le déve-loppement par des moyens de renfor-cement et de saillance de certainsindices : visuels liés à la perceptionde la profondeur et de la distance, à laperception de la nature des surfaces,à l’utilisation du champ visuel péri-phérique ; proprioceptifs liés à la sti-mulation plantaire et l’organisationmotrice, à l’adaptation à des différen-tes surfaces permettant l’ancrage depoints corporels divers ; vestibulo-oculaires liés à la mise en place demouvements coordonnés qui peuventêtre sollicités par l’association pré-cise de mouvement de poursuite ocu-laire lors des changements postu-raux.• Une récurrence de ces axes de tra-vail chaque fois que le sujet abordedes situations plus complexes. Il fautaccompagner les enfants dans laréassimilation des composantes déjàvécues et acquises lors de la cons-truction de nouvelles habiletés.• L’utilisation de la médiation ver-bale peut être intéressante dans l’ana-lyse d’une situation, l’anticipationdes effets à venir ou la mise en placede processus de maîtrise par imita-tion, mais ne peut faciliter les ajuste-ments posturaux qui ne sont pas sousle contrôle volontaire du sujet.• Le problème majeur reste le main-tien et la généralisation des compé-tences.

Les coordinations motricesLes coordinations motricesLes coordinations motricesLes coordinations motricesLes coordinations motrices

La motricité globale

Un groupe de 3 symptômes ca-ractérise les compétences perceptivo-motrices du sujet trisomique 21 : lamaladresse, la lenteur de réaction etd’exécution, l’extrême variabilité(Sugden et Keogh, 1990). Je commen-cerai par les problèmes de coordina-tions motrices, la lenteur et la variabi-

lité ayant bénéficié d’explicationsneuropsychologiques qui seronténoncées secondairement.

La maladresse est un conceptassez flou, et on lui préfère le termed’incoordination motrice qui se défi-nit par :• des aspects développementaux etd’adaptation (axe 1 du DSM IV) :présence de perturbations du déve-loppement des coordinations motri-ces, de perturbations dans la réussitescolaire ou dans les activités de la viequotidienne, de difficultés, en cas dedéficit mental associé, supérieures àcelles généralement observées dansce contexte.• une analyse des systèmes en pré-sence : les buts spécifiques de l’ac-tion, les événements critiques d’unetâche à savoir des éléments propresau sujet (aptitudes, statut musculo-articulaire et neurologique, capaci-tés sensorielles, éléments posturauxprécédant l’acte) et des élémentsenvironnementaux (type d’indicessensoriels, leur nombre, les aspectstemporels, la localisation spatialeet les feed-back) et la descriptiondes actions coordonnées en fonc-tion du contexte. Cette analyse étayeà peu près l’ensemble des travauxsur la neuropsychologie du mouve-ment.

Du point de vue dévelop-pemental, on remarque une différenceentre les sujets trisomiques et lessujets présentant un déficit mentalsur les tâches d’agilité motrice et lo-comotrice (Henderson et Morris,1981) qui concernent pour les premiè-res des changements de position etpour les secondes des organisationsde déplacement allant du quatre pat-tes au saut et au saut cloche-pied.Dans ces secteurs, lorsqu’on de-mande aux sujets d’accélérer leursmouvements, on observe une dété-rioration de la performance. En prin-cipe, la coordination simultanée desmembres inférieurs dans le saut etl’impulsion est partielle et instable.Toutes les organisations motricesglobales de base, course, pas chas-

sés, saut pieds joints, saut clochepied, apprentissage du pédalage sontretardées (Rondal, 1979). Rondaldonne quelques repères de dévelop-pement : à 4 ans et demi 50 % dessujets trisomiques sautent sur place(90 % à 5 ans) et pédalent sur untricycle, à 7 ans 25 % sautent à clochepied.

Cliniquement, il est difficile defaire le tour de l’ensemble des aptitu-des motrices globales, tant il y a defacteurs. Toutefois, il me semble quetoutes les coordinations membressupérieur/inférieur, contrôlées aussibien en boucle ouverte que fermée etqui supposent une coordination si-multanée ou alternée, sont altérées.

Une composante non envisa-gée est l’intégration des mouvementsdans l’espace, aussi bien dans laposition du corps à l’égard du milieupour faciliter l’organisation du mou-vement et sa réussite, que dans lesactivités qui nécessitent une sur-veillance constante du milieu. Il existebien des manifestations qui relèventd’une rupture entre le corps et l’envi-ronnement, donnant l’impression del’exécution d’un mouvement à vide,et d’autres qui sont à mettre en rap-port avec une “négligence” de l’es-pace car l’attention est toute dirigéevers la réalisation du mouvement. Ilexiste pour cette dernière dimensionune raison qui tient au mécanisme decontrôle du mouvement (feed-backvisuel), et une autre relative à desdifficultés probables de traitementsparallèles, rendues cruciales par lafaible automatisation motrice. J’ai biensouvent observé également un co-dage du mouvement selon un réfé-rentiel égocentrique, qui favorise ladépendance contextuelle des appren-tissages et qui limite donc l’intégra-tion du mouvement à l’espace exté-rieur.

Dans les comportements avecobjet, on constate des caractéristi-ques au niveau du lancer et de la viséeainsi qu’au niveau de l’anticipation.Pour le lancer, il existe une structureparticulière de mouvement chez l’en-

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fant trisomique (Henderson et Mor-ris, 1981), qui consiste en une posi-tion médiane et renversée des mains.Généralement le lancer est balistiqueet peu guidé par la vue. Lorsqu’il estcontrôlé, l’enfant ne possède que cetype d’organisation et parvient diffi-cilement à organiser spontanémentdes mouvements qui modifient la re-lation visuomanuelle. Pour l’antici-pation à l’égard d’un objet mobile, lesdifficultés rencontrées ont été expli-quées par Henderson par une mau-vaise estimation temporelle. Le sujetparviendrait à localiser l’objet et àprédire sa position future mais pas lemoment où il y arriverait. L’examenclinique montre que la préparation àla réception n’est pas toujours pré-sente et, quand elle l’est, la positiond’extension extrême des bras ne per-met pas une correction finale. On re-trouve toujours une phase degrasping défectueuse dans toutes lesétapes de développement. La ferme-ture des deux mains ou d’une seules’effectue souvent quand un premiercontact a eu lieu avec une partie ducorps (main, avant-bras, buste). Lafixation visuelle de la trajectoire atendance à être intermittente, parasi-tée par la fixation du visage du parte-naire, et prévalente sur la fin de celle-ci. Le temps d’anticipation est réduitet, le plus souvent, le sujet est obligéde fonctionner sur le temps de réac-tion. Les difficultés s’aggravent avecla vitesse et lorsqu’un déplacementdu corps en entier est sollicité. Onretrouve dans l’analyse des trajectoi-res une composante d’attraction pourla proximité. C’est pourquoi, les pré-dictions spatiales peuvent être amoin-dries par le faible temps de fixation,par une analyse grossière de la posi-tion du lanceur pour les sujets plusâgés et sa relation avec les effetsimprimés à l’objet et par une difficultéà résister à l’attraction pour la proxi-mité. Blais et Kerr (1986, 1988) ontd’ailleurs montré que les sujetstrisomiques ne présentaient pas demodification dans leur temps de réac-tion en fonction de la probabilité di-

rectionnelle d’un objet. Toutefois,lorsqu’on les aide à prédire la posi-tion future, les sujets améliorent leursperformances.

Les sujets trisomiques sont dé-crits comme étant plus lents que lessujets ordinaires et les sujets présen-tant une déficience mentale analo-gue. La lenteur doit être envisagéeselon les effets de la complexité dumouvement, à l’aide du temps de réac-tion pré-moteur TRPM (programma-tion), du temps de réaction moteurTRM (commande) et du temps moteurTM (exécution). Anson et Davis (1988)montrent que les sujets trisomiquesont un temps de réaction simple 2 foisplus long que les sujets ordinaires. Ledélai est distribué sur le TRPM et leTRM. Sur les temps de réaction com-plexes (choix), les sujets trisomiquessont plus rapides que les sujets ordi-naires et déficients mentaux. Le tempsmoteur est également 2 fois plus long.Pour ces auteurs, la lenteur est à lafois centrale et périphérique. Il nesemble pas que la rapidité des sujetsau temps de réaction complexe soitliée à l’impulsivité, mais il faudrait despreuves complémentaires. Lesauteurs notent aussi dans les situa-tions motrices une organisation disto-proximale et non proximo-distalecomme chez les autres sujets, suggé-rant l’impact d’un contrôle par feed-back visuel du mouvement associée àl’hypotonie qui diminue la vitesse demobilisation des parties proximales.D’autres auteurs n’ont pas toujoursretrouvé la lenteur motrice, alors quela lenteur décisionnelle semble com-munément admise. Henderson et coll.(1991) ont montré que les temps deréaction à un stimulus visuel selonque la réponse est motrice ou verbaleest plus lent et variable chez les su-jets trisomiques que chez les sujetsordinaires plus jeunes de même ni-veau intellectuel et les sujets défi-cients intellectuels de même âge chro-nologique et de même niveau intel-lectuel. Toutefois dans ces études, letemps proprement consacré à l’ana-lyse du stimulus ou de la situation n’a

pas été individualisé. On ne sait doncpas si les sujets prennent plus detemps pour traiter l’événement et/ouorganiser leur réponse. On peut ima-giner que la complexité de la situa-tion, les exigences de vitesse et lacomplexité de la réponse à organiservont considérablement faire varier lalenteur observée.

Pour Latash (1992), la lenteurpeut s’expliquer comme une stratégieadoptée par les sujets trisomiquespour pallier leur déficit de prise dedécision dans les mécanismesperceptivomoteurs élémentaires. Lessujets préféreraient augmenter la sé-curité que l’efficacité. En effet, toutse passe comme si les sujets savaientque la vitesse avec laquelle ils pour-raient prendre une décision ne com-penserait pas une erreur de départ etne corrigerait pas un mouvement ef-fectué trop vite. La lenteur serait doncun mécanisme de régulation pour faireface à des conditions environ-nementales et ce d’autant qu’ellessont moins prévisibles. Si on demandeà un sujet d’accélérer son mouve-ment, on a toute les chances d’aug-menter l’échec, la détérioration del’action et les conséquences négati-ves de cette expérience. Lorsque, parcontre, on augmente la prévisibilitéd’une situation et la qualité des expli-cations et démonstrations, la con-fiance du sujet en ses compétences,on peut alors améliorer considérable-ment les performances motrices.

Ces constatations ont des im-plications thérapeutiques.• Il est particulièrement nécessaired’apprendre au sujet les organisa-tions motrices fondamentales durantun certain nombre d’années (cf. réfé-rences développementales). Il mesemble que les attitudes qui consis-tent à penser que l’enfant peut rem-placer les séances de psychomotricitépar des activités sportives ne sontpas très proches de la réalité de l’en-fant trisomique.• Une fois les habiletés en place, ilfaut enrichir les effets contextuelsspatiaux, temporels et cognitifs.

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• Une collaboration avec les parentspermet de savoir si l’enfant réutiliseses acquisitions nouvelles et dansquelles circonstances. On peut éga-lement définir ensemble les situationsauxquelles l’enfant peut être con-fronté avec bienveillance.• Une exposition graduelle à l’incer-titude peut être envisagée en accom-pagnant l’enfant dans l’élaborationde processus de maîtrise.• L’exercice prolongé est nécessairepour favoriser une certaine confiance,une plus grande automatisation desactes moteurs appris. Le problème ré-side pour le thérapeute dans lesexpectations temporelles. Il est prati-quement sûr que nos attentes devan-ceront toujours le temps d’assimila-tion de l’enfant trisomique. Il est doncnécessaire de maintenir une certainepratique tout en se posant la questiondes facteurs psychomoteurs qu’il fau-drait introduire dans la prise en chargepour faciliter la tâche de l’enfant.• La lenteur reste un trait inhérent à lamotricité des sujets trisomiques, quoi-que variable. Les interruptions depratique ont tendance à réduire larichesse des stratégies, à toucherl’aspect temporel des séquences mo-trices nécessaire à l’atteinte du butet à augmenter l’anxiété. En effet, onpeut considérer qu’en dessous d’unecertain tempo dans l’enchaînementtemporel, certains actes deviennentimpossibles à réaliser ou font res-sortir d’autres difficultés telles que,par exemple, les troubles de l’équili-bre.• Il est souhaitable de développer uncertain nombre d’habiletésperceptivo-motrices, même lorsquel’évolution développementales’émousse, pour enrichir le répertoiredes sujets et faciliter ainsi leur inté-gration sociale dans les jeux degroupe.

On a pu penser que les sujetstrisomiques présentaient une trèsgrande variabilité dans leur perfor-mance parce qu’ils avaient du mal àactualiser leurs connaissances mo-

trices (ou programmes) principale-ment lorsqu’ils doivent agir vite. Ilest possible que l’appréciation de lasituation ne soit pas suffisante pouradapter au mieux les réponses, sur-tout quand elles sont multiples. Il sepourrait aussi que cela traduise undéfaut de spécification qui a normale-ment lieu dans le développement d’unsujet ordinaire. En effet, face à plu-sieurs réponses, un sujet apprendqu’elles sont celles qui sont les plusadaptées en fonction du contexte etqui assurent la meilleure chance deréussite ou d’atteinte du but. Il peutalors les perfectionner par l’usagerépété dans des situations diverseset les spécifier.

La motricité manuelle

Chez l’enfant trisomique, la mainest plus petite et les doigts sont pluscourts. Le squelette est relativementdifférent, constitué de 23 os au lieu de27 (Erhardt, 1982, in Edwards et coll.,1995). L’ossification est tardive etirrégulière. Le pouce est souventpositionné plus bas, le petit doigtincurvé à l’intérieur (raccourcisse-ment ou absence de la deuxième pha-lange). En général, les articulationsintrinsèques de la main sont trèsmobiles. Compte tenu de l’absence,de la petite taille ou de la croissancelente de certains os du carpe, on asupposer que cela pouvait modifierles arcs de la main qui sont fondamen-taux dans les fonctions de préhen-sion et de stabilité de la paume de lamain, conditionnant la liberté desdoigts. L’hypotonie des muscles in-trinsèques de la main peut limiter l’uti-lisation manuelle, diminution motricequi en retour affecte le système desarcs de la main.

Les prises utilisées par les en-fants trisomiques présentent certai-nes caractéristiques retrouvées parplusieurs auteurs.• Dans la tranche d’âge compriseentre 20 mois et 4 ans, on observe uneréduction ou une absence des prises

fines pouce/index ou en trépied quisont remplacées par des prisessubterminolatérales ou des prisesopposant le pouce et le majeur. L’auri-culaire et l’index sont souvent enextension (Lafrenière et coll., 1985, inEdwards et coll., 1995).• On constate la persistance de prisepalmaire transversale renversée. Ils’agit d’une prise cylindrique retour-née avec élévation du coude (Hogg etMoss, 1981, Lafrenière et coll., 1985).• En général, les compétences sontplus faibles dès qu’il faut utiliser desmouvements fins des doigts et dupoignet.• Thombs et Sugden (1981) retrou-vent une progression linéaire dans laprécision manuelle et un développe-ment peu prévisible chez les enfantsles plus jeunes. D’après Lafrenière etcoll. (1985), la progression des acqui-sitions motrices selon les étapes ha-bituelles est peu consistante chezl’enfant trisomique.

Au niveau de la manipulation, ilexiste des particularités et dans lecomportement de préhension visuel-lement guidée et de manière encoreplus flagrante dans la manipulationde l’objet lui-même. Les enfantstrisomiques, dès leur plus jeune âge,ont des mouvements dirigés vers l’ob-jet moins fréquent que les sujets or-dinaires et, quand ils existent, la tra-jectoire du bras est moins précise etpeu corrigée au fil des tentatives.Pour Cunningham (1979), devant cesdifficultés l’enfant peut transitoi-rement réduire ses comportementsd’approche et se livrer à des activitésautocentrées comme la manipulationdes mains, la succion des doigts. Nousne savons cependant pas si les fai-bles comportements d’explorationsont initiaux ou secondaires aux dif-ficultés perceptivo-motrices. Toute-fois, de nombreux auteurs citent lafaible fréquence des mouvementsd’exploration manuelle que l’on peutmettre sur le compte de déficits per-ceptifs et du temps d’habituation pluslong qui retardent d’autant l’initia-tion des comportements d’approche

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(Mac Turk et coll, 1985; Fantz et Mi-randa, 1973). Il n’est pas exclu quel’immaturité posturale qui ne garantitpas un maintien stable du corps pen-dant le transport du bras soit un fac-teur limitant. D’autre part, les mouve-ments de manipulation de l’objet dansla main sont rares et peu organisés, etl’enfant trisomique se livre moinsspontanément à une recherche desqualités de l’objet.

Concernant les mouvementsvisuellement guidés, on a pu décrirede faibles ajustements de la positiondes doigts et de la main en fonction dela taille et de la forme de l’objet à saisir(Cunnigham, 1979). A ce sujet, il estrecommandé de pratiquer un examenophtalmologique en raison de la fré-quence des désordres visuels chez lesujet trisomique et de leur impact surles coordinations oculomanuelles,pour ne citer que ce domaine. D’aprèsPueschel (1987), on retrouve 77 % desujets avec des anomalies de réfrac-tion. L’étude de Shapiro (1985) révèleune incidence de 27 % pour la myopieet de 25 % pour l’astigmatisme. Wa-gner (1990) retrouve 38 % d’hypermé-tropes dans la population étudiée.D’autre part, selon les auteurs, onretrouve une incidence de 21 à 44 %pour le strabisme, essentiellement detype convergent, et de 5 à 30 % pourun nystagmus associé ou non au stra-bisme. Bien que les anomalies visuel-les ne soient pas toujours signaléesdans les études sur la préhensionvisuellement guidée, on peut facile-ment imaginer que de tels troublesaccentuent le déficit de l’analyse desformes et limitent l’intégration desdonnées spatiales telles que la dis-tance et la profondeur qui sont direc-tement impliquées dans la préforma-tion des doigts et de la main lors de lasaisie.

Il existe aussi des anomalies ci-nétiques dans les phases “d’appro-che, de saisie, et de transport” d’ob-jets mises en évidence par Nativ etAbbs (1989). Ces auteurs utilisentune tasse et un cylindre, vides ouremplis d’eau. Les sujets trisomiques

mettent plus de temps à réaliser latâche que les sujets ordinaires, enraison de phénomènes qui se dérou-lent autour de la phase de préhen-sion. Les sujets ont du mal à ralentirleur mouvement avant la phase desaisie et à l’accélérer après le contactavec l’objet pour le diriger vers unendroit préétabli. Les ajustementssont plus fréquents. Il existe chez lesujet trisomique un laps de tempsentre la fin de la décélération et lecontact avec l’objet. Lorsque celui-ci est plein, les sujets ordinaires ra-lentissent de façon plus nette leurmouvement de transport que lessujets trisomiques. Ces derniers pré-sentent des différences de vitesseplus importantes en fonction desconditions contextuelles. Pour lesauteurs, il semblerait que ce résultatindique des difficultés d’intégrationsensori-motrice dans l’utilisation desinformations tactiles au contact del’objet et dans l’adaptation et l’orga-nisation temporelle du mouvementen fonction des informations senso-rielles.

Cole (1989) a d’ailleurs soutenucette idée en analysant la régulationdu tonus de la prise en fonction de latexture de l’objet (glissante ou ru-gueuse). En général, les sujetstrisomiques développent une forcede préhension aberrante, supérieureau sujet ordinaire. Cette force de pré-hension n’est pas simplement due àla qualité de la peau, plus sèche etglissante chez le sujet trisomique, carelle est peu régulée et adaptée auchangement de texture de l’objet lors-qu’il faut soulever celui-ci. Tout sepasse comme si les mécanismes d’in-tégration sensori-motrice étaient troplents pour permettre une adaptationsatisfaisante de la prise. Le sujettrisomique aurait recours à une stra-tégie compensatrice d’augmentationdu tonus afin d’assurer le transportde l’objet au détriment de la précisionet des ajustements fins.

Un autre aspect de l’intégrationsensori-motrice concerne les trans-ferts intermodaux. Lewis et Bryant

(1982) ont montré des difficultés d’ap-pariement haptique-visuel chez l’en-fant trisomique même si on ajoute uneinformation sonore. Les appariementsvisuels sont cependant corrects. Glo-balement, les auteurs montrent queles enfants passent moins de temps àmanipuler et qu’ils n’ont pas la mêmeobservation visuelle que les sujetsordinaires. On peut se demander siles enfants trisomiques possèdentdes connaissances suffisantes surles qualités formelles, de texture et deconsistance pour pouvoir les recon-naître par l’exploration manuelle ous’ils ne savent pas comment organi-ser leur mouvement pour les identi-fier. Anwar (1983) constate des amé-liorations dans la reconnaissance enpratiquant un guidage des mouve-ments d’exploration digitaux de l’en-fant. On peut également supposerque la plus faible fréquence de mani-pulation n’a pu permettre au sujet deconstruire des relations diversifiéesentre la manipulation et les effets vi-suels subséquents. Ces relations sontfondamentales dans la reconnais-sance des propriétés visuelles de l’ob-jet et dans la discrimination des infor-mations tactiles liées au mouvementde la main et doigts.

Pour apprécier la coordinationmanuelle, il est nécessaire d’évaluerles prises, l’adaptation de l’orienta-tion des différents segments du mem-bre supérieur dans l’approche d’unobjet, la capacité à manipuler en de-hors d’un contrôle visuel étroit, ledéliement digital, la coordinationoculomanuelle, la dextérité et la coor-dination bimanuelle. Malheureuse-ment, il existe peu de travaux sur cesdifférents aspects. Je citerai doncquelques éléments issus des recher-ches déjà citées associés à des ob-servations personnelles. On retrouvela fréquence de l’utilisation uni-manuelle. La coopération des deuxmains est rare spontanément mêmelorsqu’il s’agit de maintenir un sup-port pour assurer une base stable à lamanipulation de l’objet. On retrouveégalement des difficultés de transfert

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controlatéral lorsque les mouvementsvisuellement guidés ont été réalisésd’un côté et que l’on change l’objet etsa localisation spatiale. On peut for-muler l’hypothèse (en rapport avecles travaux sur le recalibrage) selonlaquelle le sujet pourrait recalibrer laposition de son bras par rapport à lavue et non la position de la tête et desyeux, deuxième stratégie qui facilitele transfert controlatéral. Cette hypo-thèse pourrait rendre compte desobservations faites antérieurementsur le contrôle de la position de la têteet des yeux dans l’espace et sur lesoscillations posturales du bras quidoivent être le premier impératif decorrection en vue de l’atteinte du but.On retrouve également des difficul-tés dans la coordination oculo-manuelle fine, comme insérer un bâ-tonnet dans un trou (Hogg et Moss,1983). Hormis la lenteur à prendre età introduire le bâtonnet, les sujetséprouvent des difficultés à sélection-ner la bonne réponse en fonction descontraintes spatiales et à réaliser defaçon adéquate le mouvement unefois déterminé. Il semblerait que l’en-chaînement des séquences motricessoit défectueux et marqué par desphénomènes de télescopage, pouvantfaire penser lors de l’observation àune dysrégulation tonique. Au coursde mon expérience auprès des en-fants trisomiques âgés de 0 à 14 ans,il m’a été permis d’observer :• une instabilité dans le temps desdifférentes prises qui nécessite uneattention de tous les instants et uneinstabilité de la prise au cours dutransport qui peut amener une chutede l’objet (essentiellement avant l’âgede 24 mois) ;• une difficulté à “sagittaliser” lesmouvements de préhension (les ges-tes restant longtemps globaux) quel’on retrouve au moment de l’utilisa-tion d’outils comme prolongement dela main ;• un déliement digital imparfait etdurable nettement visible à l’épreuved’imitation de gestes complexes etlors de la manipulation ou du façon-

nement de formes à partir de matièremalléable ;• une difficulté à contrôler les syner-gies rapides entre les mouvementsproximaux et distaux ;• une difficulté à intégrer les infor-mations tactiles à distance (extré-mité d’un objet ou d’un outil) néces-saires à toutes les opérations de cons-tructions, d’assemblage et graphi-ques pour lesquelles l’orientationde l’objet, la force de pression exer-cée sont primordiales. On pourra ci-ter toutes les activités d’empilement,encastrement, découpage vissage,enfilage... ;• des difficultés majeures mélo-kinétiques dans les mouvements al-ternatifs unilatéraux ou bilatérauxqui pénalisent les activités bi-manuelles dépassant le simple niveaude synchronisation temporelle degestes identiques effectués avec lesdeux mains ;• de ce fait, tous les mouvementsdissociés temporellement et/ouspatialement représentent une tâchecomplexe pour les sujets trisomiques ;• une altération des mouvementschaque fois que la tâche est saturéeen informations spatiales.

Les implications thérapeuti-ques sont nombreuses. Il est parti-culièrement important de mettre enplace toutes les formes de prises,sans contrainte de transport au dé-part, pour faciliter un modelage cor-rect des doigts et de la main. La taille,la forme et la texture des objets se-ront diversifiées. Le guidage desmouvements d’approche visuelle-ment guidés doit se réaliser enveillant à la position de l’enfant, àson contrôle postural et en augmen-tant le gradient de texture pour bali-ser la distance. Il est important dediminuer les contraintes posturalesdans la préhension chez le jeune en-fant afin de faciliter la mise en placedes coordinations visuomanuellesavant la stabilité posturale et de lesréintégrer ensuite dans une coordi-nation posture/mouvement. Une sti-mulation tactile de la main, mais aussi

de l’avant bras, peuvent être judi-cieuses pour faciliter le contrôle pos-tural. Les objets utilisés pourrontposséder des orifices afin d’orienterla position des doigts et de renforcerles arcs de la main. Il est souhaitablede favoriser le déliement digital par lamanipulation puis par des exercicesplus structurés, en renforçant le feed-back visuel. Il est possible par exem-ple de faire porter des gants qui nedécouvrent que certains doigts, fa-cilitant ainsi leur identification dansle mouvement présent. On peut éga-lement proposer des dissociationsde mouvements digitaux et manuelsqui lors de leur exécution efface unetrace sur le support de travail. Il estimportant de proposer des activitésde coordination oculomanuelle avecalternance de tâches unimanuelle etbimanuelle en fonction des étapesde développement. La prise en chargedes mouvements bimanuels doit êtreprécoce. Elle porte au début sur lesmouvements de saisie et sur les dif-férentes directions que l’on peut im-primer à l’objet (lâcher, pousser, ti-rer...), et sur toutes les coordina-tions supposant un rôle complémen-taire des mains, en veillant à adopterdes stratégies qui permettent de ré-duire les syncinésies et les mouve-ments symétriques. La manipulationet l’exploration d’un milieu de taillerestreinte sans contrôle visuel sontdes tâches à renouveler régulière-ment, dont la nature varie en fonc-tion des compétences de l’enfant.On doit veiller à l’accompagnementde toutes les étapes de développe-ment des coordinations manuellesavec ou sans outil. Dans les mouve-ments plus globaux, il est particuliè-rement important d’introduire unevariat ion dans les relat ionsoculomanuelles (positions des mainspar rapport au regard), qui pourrontdévelopper aussi des synergies né-cessaires à l’acquisition de coordi-nations motrices générales. Je pensepar exemple à toutes les formes delancer qui impliquent des mécanis-mes d’impulsion retrouvés dans le

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saut. Un travail perceptif doit accom-pagner la stimulation du développe-ment moteur comme la mise en placed’une fixation oculaire de qualité, dela poursuite visuelle, des constanceset invariants perceptifs, ainsi qu’uncertain nombre de caractéristiquesvisuospatiales. L’enrichissement per-ceptif peut à lui seul dans certainescirconstances améliorer la qualité etl’organisation des mouvements.

Le problème de la latéralisa-tion, déjà complexe dans le dévelop-pement ordinaire, est loin d’être ré-solu chez le sujet trisomique. Si lalatéralité peut constituer une préoc-cupation secondaire dans les pre-mières années au vu des nombreu-ses difficultés dejà citées, son im-portance croît avec le temps, avec lacomplexité des habiletés motrices,les exigences graphiques et les intri-cations au niveau de la perceptionspatiale. Elle a peut être aussi unerelation avec les phénomènes devariabilité de performances. Il sem-blerait que les sujets trisomiquessoient moins bien latéralisés que lessujets ordinaires au niveau de la main.Elliott et coll. (1987) montrent que,dans toutes les tâches censées met-tre en évidence un contrôle hémis-phérique latéralisé, aucune diffé-rence n’est observée entre les deuxmains chez les sujets trisomiques. Laspécialisation est absente pour lesmouvements séquentiels, tels que letapping (normalement supériorité dela main droite pour un droitier), pourles mouvements spatiaux, commedans le pegboard (normalement su-périorité de la main gauche pour undroitier) et pour la reconnaissancedes formes par le toucher (normale-ment supériorité de la main gauchepour le droitier). Toutefois, la pré-sence de transfert positif pour lesmouvements séquentiels dans le sensgauche-droite chez les sujets ordi-naires et trisomiques laisse penserque l’hémisphère gauche prend encharge ce type de mouvement chezles sujets trisomiques. La situationest complexe car il semblerait que la

perception du langage soit latéraliséeà droite et le contrôle des mouve-ments séquentiels à gauche. De cefait, les sujets trisomiques seraientparticulièrement pénalisés lorsqu’ilsdoivent utiliser un message verbalpour organiser et exécuter un mou-vement complexe de la main droite(Elliott et Weeks, 1990). Par contre,l’émission de mots perturbe l’exécu-tion motrice à droite et non à gauchecomme chez le sujet ordinaire. Toutcomme chez le sujet ordinaire, lespersonnes trisomiques de sexe fémi-nin sont moins bien latéralisées.L’approche développementale de lalatéralisation manuelle, en tous cas,n’existe pas à ma connaissance. Ils’agit bien là d’un manque car l’ob-servation clinique met en évidencedes difficultés dans l’installationd’une latéralisation usuelle.

Le graphisme et l’écritureLe graphisme et l’écritureLe graphisme et l’écritureLe graphisme et l’écritureLe graphisme et l’écriture

L’écriture suppose l’analyse deplusieurs domaines dont les rap-ports ne sont pas toujours claire-ment identifiés (Zeiger, 1995) : lagraphomotricité, le tracé des lettresou la calligraphie, l’écriture propre-ment dite et les rapports possiblesavec l’orthographe et les étapes del’acquisition du langage écrit.

Quelques points de repères surQuelques points de repères surQuelques points de repères surQuelques points de repères surQuelques points de repères surl’acquisition du langage écritl’acquisition du langage écritl’acquisition du langage écritl’acquisition du langage écritl’acquisition du langage écrit

Pour donner quelques repèressur les productions des enfantstrisomiques, je citerai deux étudescoordonnées par Vaginay (1995) etMoret (1995) qui portent sur l’écri-ture et la lecture, les représentationsdes sujets et leurs comportements àl’égard du langage écrit. Ces étudesconcernent respectivement 94 sujetsâgés de 6 à 14 ans, et 76 sujets âgésde 7 à 28 ans.

Dans l’étude de Moret (1995),on montre que 53 % des filles et 70 %des garçons ont un niveau de déve-

loppement concernant la lecture infé-rieur à 7 ans. 15 % des filles et 5 % desgarçons dépassent ce niveau. Après20 ans, il existe une homogénéisationdans les niveaux de lecture qui sestabilisent autour de l’âge de 7 ans.Pour la compréhension, la moitié dessujets atteignent un niveau corres-pondant à celui d’une classe de CE1.Les choix de lecture sont souventinfluencés par la télévision (pro-gramme TV, personnages représen-tés dans les séries filmées ou dans lesdessins animés) et par l’âge. Il existedes constations générales lors de lalecture : un faible stock lexical, unedifficulté dans les sons complexes,un oubli du contexte lors du déchif-frement d’un mot complexe, une diffi-culté à vérifier le sens du mot lu, uneintégration au cours de la lecture demots erronés sans correction, et ladifficulté à considérer la phrasecomme une unité fonctionnelle. Ilexiste aussi des difficultés de cons-cience phonologique et de décou-page phonémique.

Au niveau de l ’écr i ture(Vaginay, 1995), les refus de produc-tion sont importants et augmententavec la difficulté de la tâche (dansses aspects quantitatif et qualitatif).L’utilisation d’un symbole ou d’undessin est encore fréquente à 10-11ans. L’écriture a tendance à s’orga-niser selon une ligne horizontale etle sens conventionnel de progres-sion gauche-droite peut apparaîtreaux alentours de 9 ans. L’utilisationdes lettres apparaît à ce moment là(15 à 62 % selon les énoncés) alorsque les enfants ont encore recours àla production de guirlandes pour si-gnifier un mot, caractérisées parfoispar une proportionnalité de longueurentre la chaîne graphique et la chaînesonore. 42 % des enfants entre 7 et 9ans tentent d’écrire leur prénom, maisseuls 16 % réussissent. A 10-11 ans,ils y parviennent quasiment tous.Les productions sont majoritai-rement écrites avec des lettres ma-juscules. Il est possible que la per-sistance de cette forme de graphie

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révèle une difficulté à faire des équi-valences graphiques, dès lors qu’uncode a été intégré, une difficultégraphomotrice et une non maîtrisede l’écrit en général. L’écriture spon-tanée de mots isolés choisis par l’en-fant est réalisé par 16 % des 7-9 anset 66 % des 10-11 ans (seulement 50% ont des productions correctes).Pour des énoncés plus longs et com-plexes (groupe nominal et phrase), letaux de réussite chute (12 % à 10-11ans) avec réapparition des guir-landes, des tentatives multiples quipréservent ou non le nombre de mots(40 % pour le groupe nominal et 26 %pour la phrase) et sa forme. La re-transcription d’un son présent dansl’énoncé est possible dans 60 % descas mais sa position ordonnée peutêtre erronée en référence à la chaînesonore. A l’issue de cette étude,Vaginay (1995) montre que la seg-mentation est meilleure lorsque lesmots sont mieux écrits et que la maî-trise de l’écrit, quand elle existe, n’estpas exclusivement dépendante del’âge. L’acquisition de certaines di-mensions fondamentales de l’écrit,telles que la conscience phono-logique et la correspondance gra-phie/son est laborieuse et reste ins-table et fragile. Cette étude présentel’avantage de donner des points derepères développementaux sur l’éla-boration du langage écrit chez lesujet trisomique et de préciser seslimites et les obstacles rencontréspar les sujets.

On voit immédiatement des im-plications thérapeutiques :• dans la manipulation des pré-re-quis nécessaires à l’abord de l’écrit ;• dans la nécessaire modulation desattentes à l’égard de tels apprentis-sages, et notamment quand l’enfantbénéficie d’une intégration scolaire ;• dans les risques liés à la confron-tation prématurée à l’écrit lorsqued’autres compétences ne sont pasen place ;• dans les aspects prédictifs. En ef-fet, il paraît assez difficile de déter-miner avec certitude la capacité ou

non à accéder au langage écrit, touten tenant compte des aptitudes co-gnitives liées à la déficience men-tale, puisqu’il existe des apprentis-sages tardifs et corrects chez le jeuneadulte. Le rapprochement avec lecursus d’un enfant ordinaire, mêmes’il est riche et informatif sur lesprocessus sous-tendant l’accès àl’écrit, trouve ici ses limites.

Toutefois, il paraît nécessaireà ce jour de mettre en relation l’ac-quisition de l’écriture avec d’autrescomposantes cognitives et peut-êtremotivationnelles, ainsi que psycho-motrices.

Les composantes psychomotrices :Les composantes psychomotrices :Les composantes psychomotrices :Les composantes psychomotrices :Les composantes psychomotrices :quelques réf lexionsquelques réf lexionsquelques réf lexionsquelques réf lexionsquelques réf lexions

En l’absence de travaux à maconnaissance sur les aspectsgraphomoteurs dans le développe-ment de l’enfant trisomique, je mepropose de poser quelques problè-mes à partir de mes observationscliniques et en référence aux compo-santes habituellement décrites dansla littérature.

La motricité graphique

Concernant le contrôle postu-ral, le redressement spontané dutronc et de la tête au cours du déve-loppement est rarement observé chezl’enfant trisomique. Au contraire, laflexion est fréquente, exagérée, etaugmente à la fatigue ou l’exigencede précision. Par contre les appuisde l’avant-bras et du poignet sontrares et semblent suivre l’évolutioninverse de celle observée dans ledéveloppement ordinaire. Ces ob-servations peuvent être mises enrapport avec le type de préhensionde l’outil scripteur et des mouve-ments d’organisation proximale pré-férentielle. En effet, j’ai pu observerdes prises de tous types, le plussouvent hautes interdisant tout con-tact avec le support, mais rarement letrépied classique. La position de

l’avant-bras est en général en prona-tion, les contacts digitaux avec l’outilsont peu pulpaires et l’orientationdu stylo a tendance à être verticale.Ces formes de prises, une fois adop-tées, ont tendance à être stables dansle temps. Dans les différents tracésréalisés par l’enfant, on peut obser-ver une instabilité de la prise carac-térisée plutôt par l’alternance de lâ-chers et de tenues que par des modi-fications réelles de position. Cettealternance peut être aussi un indica-teur positif de la compréhension desvariations de pression à exercer lorsde certains mouvements (notammentle coloriage) et d’une élaboration encours d’une organisation distale.

Pour le contrôle moteur, il estpossible que les premières expérien-ces graphomotrices chez l’enfanttrisomique soient analogues à celledes enfants ordinaires. On passe biendu mouvement de balayage non déli-mité spatialement à des productionsprogressivement guidées par la vueet directionnelles. Toutefois, certainsaspects du contrôle moteur se met-tent en place difficilement comme :• le contrôle de la force et de la pres-sion, la tendance étant à l’exerciced’une pression exagérée sur le papier ;• la régulation du tonus de la mainqui assure le compromis entre la te-nue stable de l’outil et la liberté desmouvements ;• les diverses synergies et coordina-tions. En effet, les mouvements glo-baux tendent à persister dans le temps,les mouvements des doigts et dupoignet étant réduits voir inexistants.

On peut imaginer que la liaisonétablie entre le contrôle graphomoteuret le niveau de développement psy-chomoteur chez l’enfant ordinaire de4 à 6 ans par Van Galen (1980, inZesiger, 1995) soit applicable à l’en-fant trisomique ainsi que celle établieentre le maniement des informationskinesthésiques et la qualité graphi-que chez les enfants “maladroits”(Lord et Hume, 1987, in Zesiger, 1995).

Dans le contrôle visuo-moteur,il n’est pas rare de constater, en de-

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hors de l’évolution liée à l’âge, unepréférence pour le contrôle local (con-trôle exercé sur le tracé) par rapportau contrôle global (anticipation del’acte graphique, contrôle du but).Lorsque ce dernier existe c’est biensouvent au détriment du premier (dé-viation du tracé, difficulté à maintenirla position stable du stylo en l’ab-sence de contrôle visuel...), ce quipourrait constituer un argument enfaveur de la faible discrimination ki-nesthésique et ou du contrôle simul-tané de deux actions. Toutefois, mêmesi le contrôle local du tracé est préva-lent, il peut être discontinu et sans leseffets de précision attendus.

Les contraintes spatiales,comme la présence de deux lignesparallèles délimitant le tracé, présen-tes dans de nombreux tests destinésau jeune enfant (épreuves de Frostig,1973, de Wachs, 1988...) ont tendanceà provoquer l’augmentation de l’irré-gularité du tracé, des touches, dutemps d’exécution et des postures enflexion.

Les productions graphiqueset picturales

C’est par les productions spon-tanées de l’enfant que le retard gra-phique, variable en intensité maisconstant, sera rapidement identifié. Ilexiste au moins deux caractéristi-ques :• l’une concernant le niveau symbo-lique et représentationnel ; le pas-sage de l’exercice graphomoteur àl’intention de représentation d’unobjet normal vers 3 ans selon Lurçat(in Zesiger, 1995) s’opère tardive-ment et laborieusement et peut êtreen rapport avec d’autres activités co-gnitives (notion de similitudes et decodes notamment) ;• l’autre concernant le recours à l’éla-boration d’une procédure graphiquedans le dessin par guidage externequi est soumis à un apprentissagelong et répété et que l’enfant enrichitpeu spontanément ; on retrouve desdessins stéréotypés, de bonhommes

ou de maisons par exemple, pendantplusieurs années.

Deux facteurs psychomoteurs aumoins limitent les productions au ni-veau du dessin : la dyspraxievisuoconstructive et le maniementdéfectueux des données spatiales liéesau codage de l’espace graphique.

Les praxies visuoconstructivesrenvoient aux capacités à reproduireun modèle nécessaire à l’acquisitiondes formes de base qui sont ensuitecombinées dans un ensemble orga-nisé. L’acquisition chez l’enfanttrisomique des premiers tracés commeles traits orientés, les points, les rondset spirales est obtenue avec une rela-tive aisance à condition de procéderà un accompagnement précoce. Lesautres formes notamment géométri-ques, supposant l’utilisation et lecontrôle des références externes(bord de la feuille) ainsi qu’une stra-tégie séquentielle et planifiée à partirdes indices visuels, demandent unapprentissage plus complexe et pluslong. Les procédures acquises res-tent figées et soumises aux variationsdes processus de rappel. Il faut veillerà ce que l’enfant puisse disposer deplusieurs modes de réalisation pourfaciliter la redondance et l’accessibi-lité des connaissances stockées etsurtout pour éviter une désolidari-sation progressive ou un défaut deconstruction du lien entre l’objet réelet l’objet représenté. En effet, le re-production d’un schéma type et sté-réotypé, qui a été dépendant anté-rieurement d’une tutelle, n’est passouhaitable. Il paraît donc nécessaired’accompagner les enfants au delàdes premières réalisations graphi-ques, notamment en y associant ladiversité graphomotrice et l’attentionque l’on doit porter sur les objets dumonde extérieur nécessaire à tout actede représentation.

Les capacités visuoconstruc-tives sous-tendent également la per-ception et la reproduction des posi-tions et des rapports spatiaux quidéterminent les relations entre lesobjets ou les formes présentes. Il

semble bien que les enfants triso-miques élaborent et peaufinent pluslongtemps la réalisation de formesisolées, avant de s’intéresser aux rap-ports spatiaux. Les contraintes liéesau graphisme déjà citées peuventmême hypothéquer leur prise encompte.

Il existe aussi des éléments per-ceptifs responsables :• fragmentation de la perception• difficulté à constituer un tout à partird’éléments simples• difficulté à saisir les orientations etles indices visuels de position droite/gauche• difficulté à conserver des référen-ces visuelles stables• difficulté à réaliser une correspon-dance terme à terme, notamment entredeux dessins positionnés côte à côte.• difficulté à conserver en mémoireles étapes de construction en courslors de l’analyse visuelle du modèle.

Le codage de l’espace graphi-que suppose la compréhension de latransposition de l’espace réel à l’es-pace graphique. Cette transpositiondonne des coordonnées essentiellesà la compréhension des rapports spa-tiaux et à l’agencement interne desdifférents éléments dans l’espace, par-ticulièrement lors de l’activité pictu-rale. Cela suppose pour l’enfant unedécentration à l’égard du référentielégocentrique et des mécanismes deprojection de celui-ci, tout du moinspour l’organisation générale du des-sin. Le référentiel égocentrique peutêtre utilisé adéquatement pour certai-nes parties internes du dessin (per-sonnages par exemple). Pour l’obser-vateur, il ne s’agit pas de négliger cesopérations mentales, mais aussi deveiller aux choix des consignes ver-bales relatives à des repères spatiauxconnus de l’enfant et à la détermina-tion explicite du référentiel auquelelles se rapportent. Par expérience lesopérations de transformations sontloin d’être évidentes et expliquentl’organisation spontanée du dessincomme les difficultés de maniementdes supports proposés à l’école qui

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manipulent la symbolisation des rap-ports spatiaux.

Les problèmes présents à l’écri-ture et aux productions prégraphiques(guirlandes, cycloïdes...) ne peuventêtre décrits sur la seule base des dif-ficultés visuoconstructives. Il existeprobablement des composantes“dyspraxiques” dans l’écriture etl’élaboration de mouvementsprégraphiques précédant la forma-tion des lettres, qui expliquent audelà des méthodes pédagogiques lalongue acquisition des lettres majus-cules, leur maintien dans le temps, etl’accessibilité relative à l’écriturecursive. Lors des mouvementsprégraphiques, si on dépasse lesobstacles pénalisant la fidélité de re-production, on constate :• des difficultés de coordination en-tre les mouvements proximaux etdistaux, l’enfant ne déplaçant sonbras que lorsqu’il est parvenu à lacourse maximale de la pronation. Lecontrôle proximal préférentiel ad’ailleurs des incidences sur la repro-duction de certains tracés (vertical,courbe de haut en bas...) ;• une segmentation nécessaire dansla phase d’apprentissage pour les li-gnes courbes notamment et une diffi-culté d’automatisation, et de stabi-lité ;• un défaut d’isogonie qui lie la vi-tesse à la courbure du tracé ; la quasiabsence de ralentissement aux zonesd’inflexion rend préjudiciable pendantun certain temps la formation de tra-cés complexes ;• la guirlande ou l’écriture liée seréalisent partie par partie, ou lettrepar lettre, selon une vitesse uniformedonnant l’impression de l’absencede rythme ; généralement la longueurdu message s’accompagne d’unedétérioration graphique et du respectde l’orientation de la ligne horizon-tale (ligne dansante ou descen-dante...) ;• une discordance entre la qualité deperception de la forme finale et uneréalisation laborieuse et le plus sou-vent insatisfaisante ; on comprend

assez bien pourquoi l’enfant se re-fuse à passer à l’écrit, tant qu’il n’apas perçu lui-même les modulationsgraphiques qu’il pouvait produire.• une discordance entre les perfor-mances visuoconstructives selonqu’on utilise un support graphiqueou non ; à tous les âges, la reproduc-tion de modèle avec du matériel estmeilleure que la copie de dessins.

Sur le plan spatial, on retrouve :• une difficulté à reproduire des tra-cés complexes et non congruentsavec les coordonnées spatiales ex-ternes.• une production fréquente en mi-roir, alimentée par une discriminationimmature des orientations, et par, onpeut le supposer, un retard dans lalatéralisation manuelle et graphiqueen particulier. Hormis les change-ments de mains précédant l’installa-tion de la dominance manuelle défini-tive, on peut trouver des utilisationsbilatérales en fonction de la positiondu tracé dans le champ visuel.• des inversions de sens de progres-sion essentiellement en spontané, lacopie facilitant l’organisation direc-tionnelle de la lecture.• des inversions de lettres, phéno-mène d’ailleurs associé au précédent,qui témoignent d’un balayagevisuospatial non systématisé auquels’associent des difficultés attenan-tes aux aspects conceptuels et langa-giers de l’écrit.

Attent ion, percept ionAttent ion, percept ionAttent ion, percept ionAttent ion, percept ionAttent ion, percept ionet autorégulat ionet autorégulat ionet autorégulat ionet autorégulat ionet autorégulat ion

Il existe plusieurs notions qui ne sontpas toujours différenciées lorsqu’el-les sont décrites dans la littérature :• la différenciation entre l’attentionet la vigilance. On sait qu’il existe desproblèmes d’éveil chez le sujettrisomique qui vont affecter l’atten-tion, c’est-à-dire la sélection qui estconcomitante de toute activité per-ceptive.• le traitement perceptif lent qui peutfaire penser à des problèmes atten-

tionnels.• la différenciation, s’il y en a une,entre le défaut d’inhibition visuellequi se traduit par des comportementsd’attraction et l’impulsivité.• le défaut d’inhibition lors de l’acti-vité de tri qui autorise l’apparition dephénomènes de distraction.• le rapport qui existe entre le sys-tème d’attention et de supervisionqui contrôle et autorise la continuitéd’une activité, et les difficultés demémoire de travail chez le sujettrisomique.

Je me livrerai donc plus à unedescription qu’à une explication desproblèmes présentés.

L’éveil et les actes perceptifsL’éveil et les actes perceptifsL’éveil et les actes perceptifsL’éveil et les actes perceptifsL’éveil et les actes perceptifs

L’interprétation d’un événe-ment va modifier le niveau d’éveil.Ainsi, un objet ou une personne nou-veaux vont augmenter le niveaud’éveil. Les réactions émotionnelleset l’engagement dans l’explorationvont dépendre du degré de nouveautémais aussi du niveau d’éveil de dé-part. Pour l’observateur, un enfantqui décode et interprète lentement unévénement aura tendance à réagir len-tement et à peu s’engager dans lamanipulation et l’exploration des ob-jets qui l’entourent. Subjectivementcet enfant peut donner une impres-sion de désintérêt à l’égard de ce quiest présenté et modifier en retour lescomportements de l’adulte qui entreen communication avec lui. (retrait del’objet présenté, changement de ma-tériel, augmentation des communica-tions verbales...).

Chez l’enfant trisomique, c’estbien ces situations que l’on rencontre.Il existe une lenteur dans le traitementperceptif et dans la familiarisation àl’égard de la nouveauté. Miranda etFantz (1973) montrent que les bébéstrisomiques de 8 mois sont capablesde différencier des stimuli visuels maisde façon moins cohérente que les bé-bés ordinaires et utilisent moins large-ment leurs expériences visuelles pré-

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coces. Ces auteurs montrent que lebébé de 8 à 16 semaines a une préfé-rence pour la nouveauté (à conditionqu’elle soit modérée) alors que l’en-fant trisomique ne présentera ce com-portement visuel qu’entre 17 et 29 se-maines. A tous les âges jusqu’à 8mois, les bébés trisomiques prennentplus de temps pour se familiariser avecune stimulation visuelle présentée.Pour ces auteurs, les enfantstrisomiques ont besoin d’une périodede maturation nerveuse plus impor-tante pour enregistrer et donner unsens à une information visuelle. Cesrésultats semblent pouvoir être mis encorrespondance avec les études sur lamaturation du cortex visuel (Becker etcoll., 1986 ; Takashima, 1981). Plustard, la constatation, selon la quelleles jeunes enfants trisomiques pas-sent plus de temps à observer lesjouets mis à leur disposition qu’à lesmanipuler et les explorer activementpar le toucher (Vietze et coll., 1983) estsouvent faite par les parents dans leurobservation de la vie quotidienne.Cette caractéristique stable dans letemps, mais qui prend des formes deplus en plus sophistiquées, peut alorsêtre interprétée comme un trait de per-sonnalité.

Ces difficultés de traitement vi-suel apparaissent aussi dans les pro-cessus de régulation lors de l’interac-tion et de la relation avec la personned’attachement. A la fin de la premièreannée de la vie, les enfants sont enmesure lorsqu’ils sont devant unetâche nouvelle d’utiliser des indicesapportés par l’adulte pour modulerleur réponse et réguler le niveaud’éveil que suscite cette situation.Chez l’enfant trisomique, on constateun délai de plusieurs mois dans l’ap-parition de ces contacts visuels endirection de la mère. Tout se passecomme si les bébés trisomiquesavaient du mal à détecter et à interpré-ter les informations contenues dansl’objet mais aussi celles liées à l’ex-pression de la mère qui pourraient lesguider dans leur comportement(Sorce et coll, 1982).

Ces observations sont cohéren-tes avec celles d’autres auteurs quandon contrôle le niveau de développe-ment des enfants trisomiques et celuides enfants ordinaires. En général,les enfants trisomiques ont du mal àtenir compte en même temps des ob-jets et des personnes de l’environne-ment. Comparés à des enfants préma-turés et ordinaires, les enfantstrisomiques ont tendance à regarderle visage de leurs mères lorsqu’ellestentent d’attirer leur attention versun objet présenté. Les mères des en-fants trisomiques, toujours en com-paraison avec les mères des autresenfants, ont tendance alors à davan-tage orienter l’attention de leur en-fant physiquement et à introduire desobjets nouveaux. Les enfantstrisomiques sont globalement pluspassifs dans leur manipulation et leurinteraction.

Il existe donc un certain nombred’observations concernant l’enfanttrisomique qui demandent à être re-produites pour être considéréescomme étant caractéristiques de latrisomie et pour en déterminer lesmécanismes sous-jacents.

Ces comportements correspon-dent bien à ce que l’on peut observercliniquement et peuvent être entrete-nus par l’entourage qui tente d’ac-compagner l’enfant vers la connais-sance du monde environnant et des’adapter aux messages que le bébéou l’enfant émet. La lenteur du tempsde réaction, la faiblesse expressivedes communications du visage et lemoindre engagement dans les com-portements exploratoires peuventconduire les parents ainsi que lesthérapeutes à adopter des conduitesplus directives et modifier plus rapi-dement leur proposition sans s’assu-rer peut-être maladroitement de lacoopération de l’enfant.

L’attention et l’impulsivitéL’attention et l’impulsivitéL’attention et l’impulsivitéL’attention et l’impulsivitéL’attention et l’impulsivité

Dans la littérature, les proces-sus attentionnels sont souvent ratta-

chés aux processus perceptifs.D’autre part, on sait que l’attention,loin d’être un concept unitaire tantsur le plan neurophysiologique queneuropsychologique, peut revêtir plu-sieurs formes : sélection, attentionsoutenue, capacité à encoder et flexi-bilité (Mirsky, 1987 in Corraze etAlbaret, 1996). D’après les travaux ci-tés, on peut envisager que les sujetstrisomiques aient des difficultés à sé-lectionner, à encoder mais aussi àmodifier l’orientation de leur atten-tion.

La distractibilité pose un pro-blème de mise en évidence. Toutd’abord, le temps d’observation longnécessaire à l’intégration d’une in-formation n’exclut pas des phénomè-nes de distractibilité. La distractionpeut également apparaître dans lecadre d’une compétition entre l’ex-ploration du milieu et les signaux nonverbaux émis par l’interlocuteur. En-fin certaines sources de distractionhabituelles peuvent ne pas assurerleur pouvoir si on considère la fré-quence des troubles ORL. A l’inverse,on a aussi décrit des cas d’hypera-cousie, susceptible d’augmenter laréactivité à l’ambiance sonore, et auxbruits incongrus.

Pour terminer, mon expérienceauprès des enfants trisomiques m’apermis d’observer un comportementd’attraction visuelle qui dirige l’at-tention du sujet vers les objets pro-ches dans l’espace et qui peut le dé-tourner d’une intention de départ,notamment lors d’un déplacement.Ces comportements sont décrits dansd’autres organisations pathologi-ques et représentent une frontièrefloue entre les difficultés attentiveset l’impulsivité.

L’impulsivité est considéréecomme la difficulté à différer une ré-ponse inadaptée en fonction du con-texte, à attendre une récompense ouà contrôler ses comportements enrapport avec les exigences du milieu.L’ensemble de ces manifestations estsouvent regroupé sous le terme decomportements ou d’habiletés

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d’autorégulation ou autocontrôle(“self-monitoring”). Les parents d’en-fants trisomiques rapportent souventles problèmes sociaux et d’impulsi-vité. Kopp (1993, in Cicchetti, 1993)fait la revue des recherches sur l’ac-quisition des comportements d’auto-régulation par les sujets trisomiqueset le rôle et l’influence des attitudesparentales. Trois épreuves ont étéutilisées :• une tâche d’obéissance qui con-siste à obéir à l’ordre de la mère deranger les jouets avec lesquels l’en-fant a joué préalablement pendant 10minutes ; la mère peut utiliser la pro-cédure de son choix ;• deux tâches de délai ; une qui con-siste à présenter à l’enfant assis àcôté de sa mère un téléphone rougeattrayant et de lui demander d’atten-dre le retour de l’expérimentateur pourle manipuler, avec une promesse dejouets supplémentaires, le temps d’at-tente est mesuré ; l’autre tâche con-siste à placer un raisin sous une desdeux tasses et à demander à l’enfantd’attendre un signal sonore pour pren-dre le raisin.

Chez les sujets ordinaires de 18,24 et 30 mois, le temps de délai passede 10 s à 18 mois à 113 s à 30 mois. Lacohérence des comportements croîtavec l’âge, de sorte que l’enfant quiattend à la tâche du téléphone atten-dra à la tâche du raisin. La variableobéissance varie significativementavec l’âge. Le facteur non obéissance/évitement est le plus élevé à 24 mois.A 30 mois, il existe une homogénéitéet une stabilité du comportement :lorsque l’enfant est en mesure de dif-férer ses réponses, il est aussi plusenclin à obéir.

Chez les sujets trisomiques(sans problèmes associés, et appa-riés en fonction de l’âge de dévelop-pement selon l’échelle de Gesell, l’âgechronologique variant de 31 à 60mois), les réponses sont nettementplus rapides aux tâches de délai etplus rapides à la tâche du raisin qu’àcelle du téléphone (peut-être parcequ’elle implique un renforcement ali-

mentaire). Par contre l’accord trouvéentre les différentes situations pourles sujets ordinaires ne caractérisepas la population d’enfants triso-miques. De même, il n’existe pas destratégie de contrôle ou de détourne-ment de l’attention à l’égard du sti-mulus attractif. Peu de comporte-ments destinés à faire diversioncomme se tortiller sur la chaise, regar-der ses propres mains ou regarder auplafond sont employées par les su-jets trisomiques, à l’inverse des su-jets ordinaires. Toutefois, on enre-gistre un niveau général d’activitéplus élevé qui peut être assimilé soità une immaturité de développementsoit à des comportements répétés defaçon stéréotypée, largement obser-vés chez les enfants trisomiques 21(Krakow et Kopp, 1983).

D’autre part , les enfantstrisomiques se révèlent être moinsobéissants et ignoreraient davantageles instructions des mères (tendanceaffectée par l’âge chronologique maisnon par le quotient de développe-ment). Il existe en outre peu de rela-tion entre l’obéissance et le délai deréponse. Les mères d’enfantstrisomiques ont tendance à adopterdes stratégies d’organisation (sé-quences d’ordre) et de direction del’attention (attraction de l’attentionde l’enfant vers la mère) alors que lesmères d’enfants ordinaires adaptentavec l’âge des stratégies dites d’aide(modèle présenté par la mère, coopé-ration dans l’action...). Ces compor-tements déjà cités semblent être desstratégies d’adaptation des mères àl’égard de l’inattention de leur en-fant. Cette présentation n’exclut pasdes difficultés de communicationentre les partenaires (enfant/adulte)et les modes d’interprétation que fontchacun d’eux des signaux émis lorsde la communication.

En résumé, il existe tôt dans lavie des difficultés d’attention quipeuvent être alimentées par des pro-blèmes de niveau d’éveil et de traite-ment perceptif, des modes d’explora-tion peu intégrés socialement et un

retard d’apparition des comporte-ments d’autorégulation et des straté-gies de différemment de réponses.

La combinaison de ces caracté-ristiques selon leur intensité peut ren-dre l’action éducative et thérapeuti-que difficile. Il est donc nécessaire deles identifier correctement et de hiérar-chiser les interventions même si laplupart du temps les actions menéestiennent compte de l’ensemble de cesmanifestations. La prise en chargeprécoce de l’enfant doit envisager destâches perceptives et d’attention etl’analyse des signaux émis par l’en-fant souvent peu différenciés, permet-tant de moduler à tout moment l’inter-vention. On rappellera qu’il existe plu-sieurs techniques d’orientation de l’at-tention comme la mobilisation, le sou-tien et l’intrusion (Findji, Pêcheux, Rusl,1992, in Lécuyer et coll., 1994) quidoivent moduler les comportementsde sollicitation de l’adulte vers l’en-fant. On peut se rapporter aux travauxde ces auteurs pour comprendre le rôledu soutien de l’exploration dans l’at-tention continue chez l’enfant ordi-naire et les rôles respectifs de l’ajuste-ment et de la stimulation. La recherchedes modes d’intervention auprès del’enfant trisomique en collaborationavec les parents permet aussi de valo-riser leurs compétences parentalesdans l’aide au développement de leurenfant.

ConclusionConclusionConclusionConclusionConclusion

Il me semble que la pratiqueauprès des enfants trisomiques ap-portent des informations cliniquesriches, souvent complexes que cetteprésentation ne saurait retraduire.Leur confrontation à des donnéesthéoriques ou issues de recherchespermet cependant d’y voir plus clairet de relancer différemment les ques-tions qui préoccupent toutes les per-sonnes concernées par le développe-ment de l’enfant trisomique. En toutcas, il m’a semblé que la prise encharge provoque des va et vient en-

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tre la clinique et la littérature qui favo-risent l’assimilation et la compréhen-sion des situations empiriques et lacréation de nouvelles approches thé-rapeutiques. De nombreuses ques-tions restent bien évidemment ensuspens et trouveraient des répon-ses utiles avec la coopération desdifférents professionnels œuvrant

dans ce domaine.Ces recherches soulèvent la

question des modes d’approche thé-rapeutique qui, à mon sens, doiventtenir compte du développement del’enfant ordinaire et de l’enfanttrisomique, peuvent être modulairesen fonction des différents domainespsychomoteurs, et respecter un abord

intégratif des compétences de l’en-fant pour faciliter au mieux un déve-loppement harmonieux. Il me sembleaussi que certains aspects de la com-munication et des compétences so-ciales doivent être des préoccupa-tions constantes auxquelles chaquethérapeute spécialisé peut répondredans son champ de compétences. !

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