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DOSSIER DE PRESSE 2013 N°1 L’ENVOYÉ DES MONARCHIES DE L’OMBRE Olivier Lusetti (illustration : Coralie Ruiz)

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Dossier De Presse 2013 n°1L’envoyé Des Monarchies De L’oMbre

Olivier Lusetti

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L’envoyé des Monarchies de l’OmbreOlivier Lusetti

Broché ◆ 18.95 € ◆ 272 pages ◆ Automne 2013ISBN : 979-10-92557-09-1

Epub ◆ 5.99€ ◆ Disponible

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Auteursfrancophones

La collection Fantasy Historique publie des œuvres porteuses d’une âme, des romans d’aventures singuliers ayant en commun : réflexion, divertissement, fantasy, richesse d’écriture et où la magie côtoie un monde réaliste.

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En Chine — un demi-siècle après Confucius —, l’empire se morcelle. Les princes annexent les états comme le ver

à soie dévore les feuilles du murier. Dans le monde des esprits, les Monarchies de

l’Ombre voient en la naissance d’un enfant le moyen de fouler et régner une fois encore sur la terre des hommes.

La Mort qui tremble quand toute vie est menacée dépêche son envoyé. L’entité envahit l’âme d’un jeune prêtre. Partageant sa conscience, elle le force à rechercher une incroyable magie curative.

Dans un royaume voisin, un souverain agonise. Son décès

obligera sa fille guerrière au mariage. Révoltée, elle fait enlever le religieux.

Des liens se tissent, des destins se nouent. Mais

entraveront-ils la terrible venue de la nuit du monde ?

L’envoyé Des Monarchies De L’oMbre

L’avis de l’éditeur

Dans ce récit romanesque se côtoient philosophies chinoise et bouddhiste, l’Art de la guerre de Sun Tzu et combats épiques. L’auteur fait revivre par la couleur de son style cette Chine mythique et emporte le lecteur dans un voyage exotique où les rebondis-sements ne manquent pas.

Ce livre a été plébiscité par le comité et les membres d’un des premiers forums francophones d’écriture pour la fantasy.

L’auteur, Olivier Lusetti est le fondateur d’une as-sociation sur les littératures de l’imaginaire.

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« Mon avis global est totalement positif »

« Je suis très sensible aux intrigues qui se tiennent et aux personnages à psychologie fouillée. J’ai particulièrement aimé la cohérence

de l’ensemble, le soin apporté à la progression de l’histoire, et la qualité des portraits. Les trois Yingfû (le guerrier, l’humaniste-philosophe et le croyant) m’ont particulièrement charmée. Il rend au « héros » bon que notre génération affadit et maltraite ses lettres de noblesse.

J’ai également été sensible à sa juxtaposition avec Vivpière. Nous avons un homme qui ose se montrer tendre et sensible (exprimer sa « féminité ») et une femme qui sait démontrer ses compétences martiales, au moment où elle porte une arme comme à celui où elle doit convaincre ces femmes inexpérimentées de se conduire en guerrier (exprimer sa « masculinité ») sans qu’aucun des deux ne soit équivoque, car Yingfû est bien un homme et Vivpière éminemment féminine, nul ne saurait en douter. Ils expriment tous deux le yin et le yang de leur personnalité. »

« La naissance d’une légende »

« C’est une quête spirituelle. Tous les ingrédients y sont : l’appel, les épreuves et la finalité. Rien à dire ce de ce côté-là. Le

lecteur est spectateur de cette quête d’initiation à la magie. Sous forme d’ésotérisme, le récit nous dévoile toutes les affres que le novice se doit d’accomplir pour être ainsi reconnu dans son milieu. L’auteur emploie à tour de rôle un champ lexical riche comme celui de la religion : prêtres, adeptes, monastères, Prêtresse, Sainte mère… et rien n’est laissé au hasard. À travers le récit, — en l’occurrence cette quête — l’auteur par un savant procédé narratif nous conduit au-delà d’une histoire ; à bâtons rompus, il nous propose la naissance d’une légende. »

VIS

LECTEURS

Des

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« Un personnage très intéressant et original [...] j’ai aimé, non, adoré »

Yingfû est un personnage très intéressant et original, il diffère énormément du héros habituel de fantasy mais on s’attache à

lui avec facilité car, comme il le dit si bien, il « n’est qu’un homme ». D’habitude Yingfû n’est pas du tout le genre de personnage que j’apprécie, mais… c’est aussi la première fois que je découvre un protagoniste comme lui et j’ai aimé, non, adoré. Le personnage, empreint d’humanité, nous emporte à travers son univers, ses pensées et souffrances. Son but est louable et passionnant, il est doté de pouvoirs que l’on brûle de découvrir, son destin est rempli de dangers … comment ne pas s’y attacher ? De plus j’apprécie particulièrement ses paroles de sagesse qui forcent le respect … Maître Yingfû, Sage Yingfû, Maître des Ombres …

Ah,Vivpière ! Je crois que je l’apprécie encore plus qu’Yingfû ! Quelle femme … Bouillante d’énergie, colérique mais disciplinée, elle a l’âme d’une chef et une guerrière, ce qui ne l’empêche pas, accablée de malheurs (mort de son amant et demi-frère, père mourant) d’être très humaine. Mais quelle volonté de fer ! Son courage et sa volonté m’impressionnent énormément, je me suis tout de suite attachée à ce personnage (mon côté féministe sans doute, de plus mon «petit caractère fait que je me suis tout de suite identifiée au personnage).

Les personnages mineurs sont également très intéressants car l’auteur accorde une grande importance à la psychologie de ses protagonistes, ce qui est un très bon point. Pour n’en citer que quelques-uns, Armaiti, le Vieux Chaman et Asha qui sont ceux que j’ai le plus appréciés.»

L’Envoyé des Monarchies de l’Ombre

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chaPitre 1

La Possession

Un goût de mors dans la bouche, l’homme titubait, guidé par sa souffrance. Une douleur étrange l’éperonnait, le

chevauchait, le poussait à avancer dans une direction bien précise. Si par malheur il renâclait, elle redoublait d’un coup d’intensité, zébrait son torse et son dos de plaies d’où le sang coulait, le laissait brusquement incapable de remuer. Puis l’obligeait à poursuivre à quatre pattes.

Depuis des semaines, le fouet du supplice éternellement levé sur ses épaules, il vivait en bête.

Au sortir de terres très boisées traversées de canaux d’irrigation, l’homme comprit que ses pas le poussaient vers l’imposant monastère, l’un des rares construit sur une plaine et non au sommet d’une colline ou dans une montagne. L’édifice était identifiable de loin avec sa très haute tour en son milieu, perchoir aux idées des dieux, lieu habité par la communauté de l’ordre ancestral de l’Air et du Feu.

La nuit tombante obombrait les champs.Lorsqu’il arriva enfin aux portes de sa délivrance, il n’était

que l’ombre de lui-même. Les moines le trouvèrent recroquevillé sur une marche. Il

pleurait. Ils reconnurent à peine en cette forme gémissante Lang-zi, le trappeur ermite avec qui ils commerçaient. Ils lui apportèrent immédiatement leur aide.

EXTRAIT

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Ils savaient peu de choses sur son passé, en dehors de son bannissement du peuple des Fils de la Montagne remontant à plusieurs années.

Lang-zi souffrait de blessures sous la forme de griffures au dos ainsi qu’au torse. Son visage ressemblait à un masque de douleur.

Il délirait. Il parlait de ruines anciennes protégées par des puissances invisibles. Il suppliait une libération de la damnation dont il se disait condamné. Il maudissait le jour où sa chasse l’avait amené à poursuivre les traces d’un cerf tacheté de blanc aux larges bois, dont le brame rappelait les intonations humaines. Il ne se souvenait plus de rien sauf de sa traque qui l’avait conduit à fouler un sol silencieux où, d’une végétation enténébrée, s’exhalaient des odeurs chaudes, mielleuses ; où les arbres parsemés de chenilles rouges ressemblaient à des colonnes sanglantes.

Il crut reconnaître en ces terres celles de « L’Œil du Cyclone », ce site magique que l’on disait introuvable à moins qu’il ne le voulût, le cœur de toutes les légendes, abandonné de presque toute vie animale. Il se situait quelque part dans l’immense forêt qui s’étendait au nord de la cité des Fils de la Montagne.

Très vite, l’idée que Lang-zi se mourait d’empoisonnement s’installa dans l’esprit des moines médecins du monastère du Premier Ciel du royaume de Kan-Sou, à quelques jours de cheval de la ville de Lan-T.

On lui pratiqua un lavage d’estomac, sans amélioration notable. On lui rasa les cheveux, on le nettoya jusque sous les ongles, et on le fit transpirer. On brûla ses vêtements loqueteux de crainte qu’une maladie les imprégnât. Il respira des herbes et de l’encens et but des tisanes. Sans relâche, on le surveillait et le soignait.

Par moment, les marques sur son corps paraissaient moins importantes, comme si elles s’estompaient sous l’emprise d’une force mystérieuse. L’absence de traces quelconques d’un rituel sur son anatomie, sous la forme de scarifications ou de tatouages,

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rejeta, aussitôt émise, l’hypothèse improbable d’un sortilège de possession.

Certainement, Lang-zi demeurait entre les mains les plus expertes de l’époque.

Il n’existait que trois temples de l’ordre de l’Air et du Feu à travers tout le Pays du Milieu.

Cet empire, appelé aussi Pays du Printemps et de l’Automne et depuis un demi-siècle Royaumes combattants pour ses guerres continuelles, porterait un jour ce nom plus connu de Chine.

Ces trois monastères remontaient aux temps anciens où l’Empereur jaune Huáng Dì en imposa la création afin que perdurât sa vision d’unité, après avoir unifié ses terres et édifié un seul royaume, aujourd’hui morcelé comme une tasse de thé brisée. Fidèle à l’esprit civilisateur de Huáng Dì, l’ordre religieux de l’Air et du Feu abandonna la foi proclamée dans les divers Dieux — libre à chacun de croire en eux — pour enseigner le Tao-Te, ou la Voie de la Vertu. Celle-ci consistait en une recherche de la longue vie pour tous, appuyée par des disciplines mentales et corporelles, en réalisant que la sagesse s’acquiert en parfaite entente avec la nature.

En toute chose, la communauté aspirait au « Gongfu », du terme « gong » signifiant littéralement maîtrise et perfectionne-ment et « fu », techniques et savoir-faire. Bien qu’ils crûssent en une puissance divine — d’une intelligence mille fois supérieure à l’homme — qu’ils désignaient par le mot Ciel ou Dieu, les adeptes de l’Air et du Feu pensaient que chacun demeurait responsable de son chemin.

Pour eux, toutes les sciences et toutes les religions œuvrant pour la paix et la vérité devaient se voir telles les deux ailes qui permettent l’élévation de l’âme. Ils disaient :

« Plusieurs sentiers mènent à la Montagne, le temps perdu à les définir par un nom importe moins que celui gagné à les parcourir. »

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Ces moines, connus pour leur érudition, l’ouverture de leur esprit et leur savoir en médecine, l’étaient paradoxalement aussi pour leur adresse aux combats. Personne n’ignorait ce que la tradition contenait : elle apprenait que l’Empereur jaune Huáng Dì, pour vaincre ses adversaires qui possédaient un meilleur armement, dut développer un ensemble de mouvements offensifs et dissuasifs qu’il enseigna à ses forces militaires. Ce système de lutte incluait notamment des techniques de frappe à mains nues, des projections corporelles, des manipulations articulaires et l’attaque des points vitaux. Il élargissait ses objectifs de la seule autodéfense à des buts d’entretien physique pour finalement devenir une méthode d’éducation personnelle. Cet art martial, d’un très haut degré d’efficacité — que l’on disait perdu pour tous à l’exception des initiés de l’Air et du Feu — donnerait beaucoup plus tard entre autres, naissance au kung-fu.

L’état de Lang-zi s’aggrava brusquement au troisième jour. Les moines décrétèrent que la cause de l’agonie du trappeur restait une énigme, sans possibilité de guérison. Ses plaies s’ouvrirent grandement. Ils considérèrent son cas comme désespéré. Ils décidèrent, pensant que l’homme vivait ses derniers moments, d’aller requérir le talent si particulier de Frère Compatissant.

Frère Compatissant avait rejoint la vie monacale, âgé de cinq ans, à la suite de la mort de ses parents, tragiquement disparus dans un incendie. Blessé aux yeux, il avait failli perdre la vue à jamais et avait dû vivre en aveugle toute une année. Une fois guéri, dès sa septième année, le Parfait — le supérieur de la communauté monastique — pressentit en lui des capacités peu communes. Le temps lui donna raison, elles se développèrent et elles confirmèrent ce que tous les moines d’alors ressentaient : il était différent.

Bien que tout le monde maintenant l’acceptât du fait de son bienveillant caractère qui rayonnait sur son visage de dix-neuf

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ans aux traits fins et harmonieux, ses réactions avaient pendant toute son adolescence déconcerté les moines en maintes occasions.

Parfois, son corps sec et musclé se raidissait comme sous l’effet d’un effort important et son sang s’écoulait du nez, alors que l’instant auparavant il parlait ou priait de sa voix mélodieuse.

Soudainement, un froid inexpliqué tombait autour de lui, après quoi il se levait et prenait congé. Une fois sa haute silhouette éloignée, la chaleur d’emblée revenait.

Brusquement, des migraines atroces éteignaient la beauté de ses yeux noirs en amande, au point que des veines couraient sur son front et se propageaient sur une partie de son crâne entièrement chauve.

Quelquefois, des colères noires, brèves, le possédaient. À leurs prémices — tremblement des lèvres —, il suppliait qu’on le laissât seul. La malveillance sourde il cherchait querelle. Sa violence disparue il pleurait son inconduite.

Souvent aussi des murmures plaintifs semblaient le talonner comme son ombre, et lorsqu’on s’approchait, tout cessait pour recommencer dès qu’on s’écartait.

Ces phénomènes qui l’entouraient le poussaient à rechercher le silence de sa cellule, troublé à chaque solstice par des bruits bizarres et des conversations étranges couverts par des orages au plus profond de la nuit. Mystère que des moines curieux ne purent lever : la porte de sa petite chambre n’ouvrait que sur la vision d’un frère endormi et du calme recouvré.

Certains matins enfin, on pouvait le croiser suant, les traits tirés, dissimulant avec sa main un vêtement déchiré. L’air hébété, il se dirigeait chez le Parfait qui le réconfortait.

Le Parfait l’ordonna à l’âge de dix-sept ans. Depuis sa prise d’habit, Frère Compatissant dormait peu et souffrait de cauchemars fréquents qui le faisaient hurler, mais dont il ne gardait aucun souvenir. On l’installa à sa demande en haut de l’unique tour du monastère, dans les étages où se situait la riche bibliothèque. On

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aménagea une petite pièce qui servait alors de débarras. Il passa pendant plusieurs mois toutes ses nuitées à consulter des manuscrits. Il obtint même l’autorisation du Parfait pour parcourir la section de la bibliothèque aux ouvrages interdits appelée l’enfer.

À la suite de ses lectures, Frère Compatissant cessa de déchirer la nuit de ses cris. Tous les phénomènes mystérieux qui l’entou-raient disparurent et un don à la capacité surprenante germa en lui.

Mais, en dehors de cette manifestation curative particulière, depuis deux ans, Frère Compatissant (âgé de dix-neuf ans), passait dans le monastère de son enfance — situé dans l’extrême nord-ouest des Royaumes combattants — des journées parfaitement normales.

Si Frère Compatissant aimait s’entraîner au combat à mains nues, au maniement des armes, s’il priait, étudiait et cultivait la terre, il adorait par-dessus tout prodiguer des soins et surtout réconforter les agonisants. Là, son plus grand talent se révélait. Il guérissait les angoisses et les blessures de l’âme avec la sagesse d’un Vénérable. Il apaisait en prenant les mains des mourants tout en formulant immuablement les mêmes paroles consolantes. À peine ce contact établi et les mots prononcés, la souffrance physique ou mentale s’arrêtait miraculeusement, remplacée pour un temps par une vigueur nouvelle. Elle irriguait le corps et l’esprit.

Cette faveur que ce jeune prêtre possédait, il l’offrait sans réserve à chaque fois qu’elle se manifestait. Et pendant le temps si variable que durait cette grâce, il communiquait en toute quiétude avec les créatures du Ciel agonisantes — hommes, femmes, enfants — les soulageant du poids des peurs, des remords et des regrets. Plusieurs fois, à la suite de cette Communion des Âmes, il s’était retrouvé vidé de toute énergie. Épuisé, il s’évanouissait et on devait le porter. Inapte à fournir le moindre effort physique, il se reposait des jours entiers.

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Au lendemain du constat sur l’impuissance des moines à sauver Lang-zi, Frère Compatissant sentit se manifester la présence de son don. Il en fit part au supérieur de la communauté, un sage au front ridé, voûté par les ans, qui s’appuyait sur un bâton pour marcher. Le Parfait, séance tenante, proposa de lui emboîter le pas escorté des deux adeptes — l’un replet à la voix forte et l’autre petit et sec —, qui s’étaient occupés du mourant. Tous quatre se rendirent au chevet du trappeur, avides, pour ceux qui suivaient Frère Compatissant, d’étancher leur soif de connaissance sur les effets incroyables de sa grâce.

Le soleil au-dehors brillait à son zénith et ses rayons tombaient d’aplomb sur les terres cultivées des moines qui entouraient le monastère.

Pareil à son habitude, Frère Compatissant s’agenouilla seul près de l’agonisant, alité dans une chambre démeublée, éclairée de bougies et aux ouvertures fermées. Il lui prit les mains et le réconforta de ces paroles :

— Brève est la vie de l’homme, c’est un rien éphémère accompagné de beaucoup de maux, semblable à la trace du bâton dans l’eau. Elle s’évanouit aussitôt et ne dure pas. Et le moment qui précède la mort est une opportunité plus brillante que le soleil pour qui le comprend et le veut.

Un rictus malsain – au lieu d’un sourire apaisé — se dessina soudain sur les traits de Lang-zi. Il se déformait. L’agonisant planta des yeux profonds, assombris de rage, sur Frère Compatissant. Le jeune prêtre eut un mouvement de recul en les fixant. Le sentiment dérangeant que Lang-zi devenait autre l’oppressait. Ce fut alors que le trappeur siffla entre ses dents :

— Bras de la Mort ! Que vacille et s’éteigne la lumière de ton corps !

Les mains de Lang-zi broyaient maintenant celles du religieux. Frère Compatissant sentait refluer de sa chair son essence vitale. Une grande faiblesse, un froid et une détresse respiratoire

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l’envahirent instantanément, brouillant sa perception des choses. Le prêtre n’eut comme recours que de crier :

— Frères, rompez le lien ! Tout devint vite confus. La porte s’ouvrit. Les deux adeptes

entrèrent et tentèrent immédiatement de libérer Frère Compatissant — sans succès —, tout en psalmodiant des prières de protection. Le Parfait les suivait. Il frappa aussitôt de son bâton la tête du trappeur. Le coup ainsi porté fit que l’étreinte se relâcha juste assez pour que Frère Compatissant retrouvât l’usage de son esprit, mais pas suffisamment pour que les moines pussent briser l’étau démoniaque.

Maintenant, à la place de Lang-zi ne se distinguait plus qu’une masse difforme et sombre au milieu de laquelle une forme indé-finissable semblait prendre vie.

À cette vision, la pensée des adeptes chavira dans une peur incontrôlable. Ils hurlèrent, terrorisés. Ils se blottirent dans un coin de la chambre. La température de la pièce devint glaciale. La porte poussée par un bras invisible se ferma avec fracas. Une force heurta le Parfait. L’impact et la douleur le déséquilibrèrent ; il plia les genoux. Un pouvoir le bousculait. Le Parfait recula sur plusieurs coudées1. Mais il refusa de céder. Il fit appel à toute sa volonté. Il luttait à chacun de ses pas. Il avançait, malgré tout.

— Lang-zi, lâche-le ! commanda la voix autoritaire, puissante, du Parfait. Il utilisait les mots du langage de l’exorcisme. Après avoir prononcé ces paroles, il frappa vivement et violemment du bâton la tête du damné.

La victime possédée parut parfaitement insensible et à l’ordre et à l’attaque.

Elle n’avait plus rien d’humain. Sa peau était devenue aussi blanche que la neige. Des veines saillaient sur tout son corps. De sa bouche fétide et sans lèvres, une longue langue noire semblable au charbon s’activait tel un serpent, dans tous les sens.

1 Ancienne mesure de longueur égale à la distance séparant le coude de l’extrémité du majeur, environ 50 cm.

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« Seigneur, sauve-moi », cria en son âme Frère Compatissant, horrifié.

Il demeurait toujours prisonnier. La froide étreinte infernale suçait goulûment sa vie. Il atteignait la limite de ses forces.

— Non ! hurla Lang-zi, proie de la puissance diabolique, comme en réponse à la supplique muette du jeune prêtre.

« Il souhaite m’aider », pensa Frère Compatissant. Cette intime conviction l’envahit pleinement, l’apaisa un

court instant et sa peur décrut. Soudain, il se fit une connexion entre son esprit et un autre plan d’existence. Le temps s’arrêta. Tout se figea : le démon, le Parfait, les adeptes, tous à part lui. Sans chercher à comprendre ce nouveau phénomène, Frère Compatissant voulut se libérer. L’horreur le rattrapa lorsqu’il remarqua, consterné, que son corps ne lui obéissait pas. Il était inapte au moindre mouvement. Statufié dans sa chair, mais libre dans ses pensées, Frère Compatissant appréhenda aussitôt que la solution serait spirituelle. Il réfléchissait à une vitesse dont il ne se savait pas capable. Il craignait à tout instant de voir se finir le sursis dont il était gratifié.

« Cette négation, ce non crié par le possédé étaient une indication et non un refus. L’esprit de Lang-zi semble prendre part à cette lutte inégale », raisonna le jeune prêtre.

« Connaître une chose, c’est pouvoir la définir. » Cette idée le traversa, virulente. Il comprit. L’injonction ne pouvait suffire. Il fallait l’adresser à la victime

et l’appeler par son nom, agir tel le Parfait, mais aussi le retranscrire dans l’alphabet exorciste.

« Tulgada, voilà ton nom véritable dans le langage qui libère de la possession. Voilà le nom que je dois mentalement prononcer. Voilà pourquoi le Parfait avait échoué son désenvoû-tement. Il aurait dû formuler son ordre à Tulgada et non à Lang-zi », se dit le jeune prêtre.

À peine eut-il assimilé cela, déjà la sensation de rester hors du temps cessa.

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— Un mot ! tu es seul ! vociféra le déchaîné des enfers, tandis qu’une fumée verdâtre et nauséeuse s’échappait du gouffre de sa bouche.

À son contact, les deux adeptes s’écroulèrent, agités de terribles tremblements. Leurs mains griffaient la peau de leur cou. Le Parfait lui aussi tomba à terre, pris de violents vomissements. Cependant, il tendit son bras en direction de Frère Compatissant. Il lui lança une fiole en verre. Elle se brisa sur sa poitrine et libéra une piquante odeur alliacée qui le rendit insensible à la pestilence diabolique. Au même instant, des voix et des coups répétés contre la porte résonnèrent. Cette aide inattendue obligea le damné à diminuer son emprise sur Frère Compatissant. Il projeta vers l’entrée une onde de force et l’empêcha de céder.

Le jeune prêtre en profita. Il rassembla toute son énergie. Il ouvrit son esprit à la divinité qu’il servait pour qu’elle pût le traverser. En même temps, il se souvint de l’écrit de la Grande Prêtresse Armaiti. Il soutenait que l’exorcisme devait s’adresser à la victime possédée et l’adjuration tenir en un seul terme. Il décida de suivre cette vieille prescription qui allait à l’encontre de la coutume et de l’usage.

Il concentra toute sa résolution dans un mot unique. Pour être efficace l’ordre devait s’entendre clair et univoque. Il le choisit soigneusement et somma Tulgada :

— Reviens ! À cette énonciation, la porte s’ouvrit. Des moines terrifiés

entrèrent. Les vapeurs empoisonnées se dissipèrent. Le froid disparut. Le possédé reprit forme humaine. Le Parfait se redressa. La peur quitta le cœur des adeptes. Et Frère Compatissant s’écroula. Son visage, apaisé, contrastait avec les terribles soubresauts qui balayaient son corps.

L’esprit de Frère Compatissant flottait à présent au-dessus de son enveloppe physique. Il voyait son corps agité de convulsions.

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Le Parfait appliquait sur son front un onguent guérissant. Il saisit le remerciement muet de Lang-zi le trappeur, libéré de la possession, qui regardait dans sa direction. Il percevait le cœur des adeptes qui imploraient silencieusement la bénédiction des Dieux.

Soudain, une impression d’élévation, une force apaisante s’empara de lui. Il se sentit englouti.

Il se retrouva dans un univers de sensations et non de formes, où prédominaient l’équilibre et l’unité.

Il ressentait bien plus qu’il ne voyait. Des états de conscience voguaient autour de lui. Il se mêla à

eux, comme la goutte de pluie s’unit au ru. Son esprit se dilua. Le courant de la vie l’emportait, grossissait. La vitesse augmentait sans cesse. Il perçut que le ruisseau

accueillant ralliait un flot rayonnant. Le champ de sa conscience s’étendit. Il couvrait l’ensemble de

la rivière spirituelle. Il devenait elle, elle était lui. Maintenant, l’accélération atteignait le point culminant où il

se disloquait. Il s’apprêtait à disparaître en tant que psyché individuelle. Il venait grandir le tout.

Il s’unit à l’idée commune à tous les cours d’eau : se déverser dans la mer unique de lumière infinie et sans commencement.

Sa dernière pensée en tant que partie consciente et encore distincte du fleuve étincelant fut peut-être : « Mourir, c’est aussi nourrir… »

Cet ouvrage est déjà disponible sur les principaux points de vente numériques :

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Ce livre a été plébiscité par le comité et les membres d’un des premiers forums francophones d’écriture pour la fantasy.

L’auteur, Olivier Lusetti est le fondateur d’une association sur les littératures de l’imaginaire.

MAQUETTE DÉFINITIVE DU PRODUIT MAQUETTE DÉFINITIVE DU PRODUIT

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BON D’ACHAT DE 5.99 €Revendez ce livre, l’Envoyé des Monarchies de l’Ombre, si en parfait état (reliure impeccable, pages non cornées, ni griffonnées et complètes)

en le ramenant sur votre lieu de vente** [si celui-ci participe à l’opération des OPR] ou en le retournant à

l’adresse de l’éditeur*** dans le cas contraire :Fantasy-Editions.Rcl,16 rue Antoine Blain, 66 000 PerpignanValeur en bon d’achat de 5,99 €.****La date de rachat est limitée au 31-12-2014.

OPrL’Offre Promotionnelle de Rachat

(OPR) est une offre de rachat contrac-tuelle. Elle donne la possibilité à l’ache-teur d’un livre de l’éditeur Fantasy-Editions.Rcl, bénéficiant d’une OPR, de le lui

revendre pour un montant prédéfini et sous forme de bon d’achat limité dans le temps, valable sur le lieu de vente ou sur le site de l’éditeur, et sous condition de l’état parfait du produit.

Pour ce faire l’acheteur retourne le produit à l’éditeur en le renvoyant par la poste ou par le biais du point de vente* participant à l’OPR.

* les frais de transport sont à la charge de l’éditeur si le nombre de produit retournés est minimum de trois OPR.

** le point de vente vendeur se substitue à l’acheteur pour retourner le produit et pour percevoir le bon d’achat ; et à l’éditeur pour verser à l’acheteur la valeur dudit bon d’achat.

***l’acheteur doit être inscrit sur le site de l’éditeur pour qu’un code promo-tionnel du montant du bon d’achat puisse lui être donné, dès réception en parfait état du produit. Le transport de l’ [des] article [s] envoyé [s] s’effectue sous la responsabilité de l’acheteur.

**** Ce bon d’achat est limité aux livres de l’éditeur Fantasy-Editions.Rcl, mais peut être ouvert à d’autres, si accord avec ledit éditeur [voir, alors, la liste des produits concernés avec le point de vente participant à l’OPR].

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Contact presse : [email protected]

06.81.38.98.51.

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16 rue Antoine Blain66000 Perpignan

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