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1 D OSSIER PEDAGOGIQUE E LISABETH II Texte Thomas Bernhard Mise en scène Aurore Fattier Mardi 12 et mercredi 13 janvier 2016 à 20h / Théâtre Jean-Claude Carrière NOTE D’INTENTION du SERVICE EDUCATIF Ce dossier pédagogique est décliné en deux parties complémentaires. La première partie consiste en une approche non exhaustive du spectacle Elisabeth II. Les pistes proposées doivent permettre à l’enseignant de construire des séquences qui lui soient personnelles ou d’apporter des informations supplémentaires dans le cadre de recherches (TPE, exposés…). La seconde partie met en lumière le lien entre spectacle vivant et site patrimonial : le domaine d’O offre au spectateur-visiteur un parcours singulier qui le conduit de l’ancienne métairie du XVIIe siècle au lieu artistique dédié au spectacle vivant du XXIe siècle. Il nous semble enrichissant pour les élèves de « faire parler » le lieu d’accueil autant que les artistes, de présenter l’écrin au sein duquel le spectacle se livre, pour les sensibiliser à la nécessité de l’espace théâtral comme lieu privilégié et partagé, lieu de divertissement décliné au passé, au présent et au futur qui accueille les patrimoines que constituent les textes, les musiques, les arts graphiques et visuels… Le domaine d’O représente plus qu’un lieu de spectacle vivant : son parc et ses jardins appartiennent au domaine public, et leur libre accès s’inscrit dans la politique culturelle de l’équipe du domaine d’O, dont une des missions est de valoriser ce patrimoine architectural et naturel d’exception. Domaine d’O / Contacts Service Educatif Marion Blanchaud , enseignante missionnée Théâtre et Patrimoine [email protected] Jessica Ramassamy, enseignante missionnée Spectacle Vivant [email protected] Valérie Picq, responsable des relations publiques [email protected] 06 74 63 44 32 / 04 67 67 31 22

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D O S S I E R P E D A G O G I Q U E

ELISABETH II Texte Thomas Bernhard

Mise en scène Aurore Fattier

Mardi 12 et mercredi 13 janvier 2016 à 20h / Théâtre Jean-Claude Carrière

NOTE D’INTENTION du SERVICE EDUCATIF

Ce dossier pédagogique est décliné en deux parties complémentaires. La première partie consiste en une approche non exhaustive du spectacle Elisabeth II. Les pistes proposées doivent permettre à l’enseignant de construire des séquences qui lui soient personnelles ou d’apporter des informations supplémentaires dans le cadre de recherches (TPE, exposés…).

La seconde partie met en lumière le lien entre spectacle vivant et site patrimonial : le domaine d’O offre au spectateur-visiteur un parcours singulier qui le conduit de l’ancienne métairie du XVIIe siècle au lieu artistique dédié au spectacle vivant du XXIe siècle.

Il nous semble enrichissant pour les élèves de « faire parler » le lieu d’accueil autant que les artistes, de présenter l’écrin au sein duquel le spectacle se livre, pour les sensibiliser à la nécessité de l’espace théâtral comme lieu privilégié et partagé, lieu de divertissement décliné au passé, au présent et au futur qui accueille les patrimoines que constituent les textes, les musiques, les arts graphiques et visuels…

Le domaine d’O représente plus qu’un lieu de spectacle vivant : son parc et ses jardins appartiennent au domaine public, et leur libre accès s’inscrit dans la politique culturelle de l’équipe du domaine d’O, dont une des missions est de valoriser ce patrimoine architectural et naturel d’exception.

Domaine d’O / Contacts Service Educatif Marion Blanchaud , enseignante missionnée Théâtre et Patrimoine [email protected] Jessica Ramassamy, enseignante missionnée Spectacle Vivant [email protected] Valérie Picq, responsable des relations publiques [email protected] 06 74 63 44 32 / 04 67 67 31 22

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I / Le Spectacle : Elisabeth II

Mardi 12 et Mercredi 13 janvier à 20h Théâtre Jean-Claude Carrière / Entrée nord – Tram L1, arrêt Malbosc

Durée 1h45 A partir de 14 ans

Texte Thomas Bernhard Mise en scène Aurore Fattier Dramaturgie, collaboration artistique Sébastien Monfè Interprétation Denis Lavant, AlexandreTrocki, Delphine Bibet, Véronique Dumont, Jean Pierre Baudson, François Sikivie, Michel Jurowicz.

Production Théâtre de Namur

Q U E L Q U E S E L E M E N T S D E B I O G R A P H I E : T H O M A S B E R N H A R D ( 1 9 3 1 - 1 9 8 9 ) Thomas Bernhard est autrichien, d'une famille de la petite bourgeoisie. Elevé par ses grands-parents dans la région de Salzbourg, il est influencé par son grand-père, l'écrivain Johannes Freumbichler. Il part en Bavière vivre avec sa mère mais s'insurge très tôt contre l'école. Après un séjour dans un centre d'éducation national-socialiste (1942) et deux passages dans un internat nazi (1943 puis 1945), il "prend la direction opposée" en 1947 et devient apprenti dans une épicerie. Il contracte alors une grave maladie pulmonaire dont il souffrira toute sa vie.

Lors de ses nombreux séjours hospitaliers, Thomas Bernhard écrit de la poésie. En 1950, il rencontre au sanatorium Hedwig Stavianicek, de 35 ans son aînée, qui devient sa compagne et amie, et son soutien.

De 1952 à 1954, Bernhard travaille comme collaborateur indépendant au journal Demokratisches Volksblatt, y écrivant surtout des chroniques judiciaires et culturelles. Il y publie ses premiers poèmes. Parallèlement, il étudie au Conservatoire de musique et d'art dramatique de Vienne ainsi qu'au Mozarteum de Salzbourg et se lie à la société intellectuelle de Vienne, dont il fera plus tard un portrait féroce dans Des arbres à abattre.

En 1963, il publie Gel, son premier roman. En 1965, il achète, grâce en partie au succès de son livre, une ferme à Ohlsdorf en Haute-Autriche. Jusque dans les années 1980, il partage son temps entre Ohlsdorf, Vienne, et des voyages - avec une prédilection pour les pays méditerranéens.

La première grande pièce de Bernhard, Une fête pour Boris, est créée à Hambourg en 1970.

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Bernhard sera toute sa vie un personnage exigeant, presque maniaque. L'écrivain n'a jamais eu de mots trop durs envers son pays, tout en enracinant une partie de sa vie dans la campagne autrichienne la plus profonde.

Thomas Bernhard meurt des suites de sa maladie pulmonaire.

Œuvres

1962 Gel, récompensé par de nombreux prix. 1964 Amras 1967 Perturbation 1975 Corrections 1975 à 1982 Cinq courts volumes autobiographiques : L'Origine, La Cave, Le Souffle, Le Froid (sur sa rupture avec le lycée et la maladie), L'Enfant. 1978 Oui 1982 Le Neveu de Wittgenstein 1983 Le Naufragé 1984 Des arbres à abattre 1985 Maîtres anciens 1986 Extinction

Thomas Bernhard poursuit parallèlement une riche carrière de dramaturge. La plupart de ses textes sont mis en scène par Claus Peymann, et joués par Bernhard Minetti, un acteur qui semble destiné à incarner le théâtre de Bernhard sur scène, au point qu'une œuvre portant son nom, Minetti, est créée en 1976. Comme sa prose, le théâtre de Bernhard est composé de monologues et répétitions, avec un minimum de dramaturgie et de personnages. 1970 Ein Fest für Boris 1972 L'Ignorant et le fou (Le texte prévoit, à la toute fin de la pièce, l'extinction complète des lumières, y compris celles signalant les sorties de secours. L'administration du théâtre refuse. La critique de la pièce — dont seule la première a pu être jouée — est excellente, mais Bernhard interdit toute représentation additionnelle.) 1975 Le Président 1979 Avant la retraite 1980 Le Réformateur 1988 Place des Héros (Pièce conçue pour les 50 ans de l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, qui provoque une véritable bataille politique. On y entend qu'il « y a aujourd'hui plus de nazis à Vienne qu'en 1938. »)

Thomas Bernhard développe graduellement un style de prose fondé sur la juxtaposition de longues phrases répétitives et obsédantes. La scène typique de Bernhard est un monologue ininterrompu livré par un personnage solitaire et misanthrope, critiquant souvent l'Autriche et les Autrichiens. A partir de 1970, Les récits perdent graduellement leurs paragraphes pour n'être plus qu'un seul bloc de prose.

La carrière de Thomas Bernhard est émaillée de scandales, certains délibérément provoqués par l'auteur, et parfois liés aux nombreux prix littéraires que l'Allemagne et l'Autriche s'acharnaient à lui remettre. Les critiques s'indignent en général de la vision que donne l'auteur de Salzbourg.

En 1968, lors de la remise d'un prix d'État autrichien pour la littérature, le ministre de l'Éducation et tous les responsables quittent la salle lorsque Thomas Bernhard tient un court discours attaquant l'État, la culture autrichienne et les Autrichiens. Le texte, qui est semble-t-il involontairement provocateur, dit notamment : « Nous Autrichiens sommes apathiques ; nous

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sommes la vie en tant que désintérêt général pour la vie. » Le ministre quitte la salle en lui lançant : « Nous sommes fiers d'être Autrichiens. »

La réponse qu'il donne à l'Assemblée des auteurs de Graz, qui lui propose de la rejoindre en 1986, est typique du ton de Bernhard : « Depuis plus de dix ans, je n'accepte ni prix, ni titres, et surtout pas, bien entendu, votre grotesque titre de professeur. L'Assemblée des auteurs de Graz est une assemblée de connards sans talents. »

Il publie plusieurs lettres ouvertes ouvertement agressives et provocatrices (en 1976 dans Die Zeit au sujet de Canetti, en 1979 pour annoncer son retrait de l'académie des lettres allemandes, en 1979 encore au Chancelier autrichien Bruno Kreisky, en 1985 s'adressant au ministre des Finances, etc.)

Thomas Bernhard fait une ultime provocation dans son testament. Comme une « émigration littéraire posthume », il interdit dans des termes d'une extrême agressivité la diffusion et la représentation de ses œuvres en Autriche. Ses héritiers ne respecteront pas cette clause testamentaire, et lèveront cette interdiction à la fin des années 1990.

Quelques œuvres de Thomas Bernhard

Gel (Frost) - 1962 Amras - 1964 - Paris, Gallimard, 1987 Perturbation (Verstörung), 1967 La Plâtrière (Das Kalkwerk), 1970 L'Origine (Die Ursache), 1975 / Paris, Gallimard, 1981, La Cave (Der Keller), 1976 / Paris, Gallimard, 1982, Le Souffle (Der Atem), 1978 / Paris, Gallimard, 1983, Un enfant (Ein Kind), 1982 Oui (Ja), 1978 / Paris, Gallimard, 1980 Béton (Beton), 1982 / Paris, Gallimard, 1985 Le Neveu de Wittgenstein (Wittgensteins Neffe), 1982 / Paris, Gallimard, 1992, coll. "Folio" n° 2323 Des arbres à abattre : Une irritation (Holzfällen), 1984 Déjeuner chez Wittgenstein (Ritter, Dene, Voss, théâtre), 1984 Maîtres anciens (Alte Meister), 1985 / Paris, Gallimard, 1988 Extinction (Auslöschung), 1986 Place des Héros (Heldenplatz, théâtre), 1988 / Paris, L'Arche, 1990 Mes prix littéraires (Meine Preise) - Paris, Gallimard, 2010, coll. "Du monde entier"

NOTES "AUTOBIOGRAPHIQUES" DE THOMAS BERNHARD (extraits de Ténèbres) André Müller, entretien avec Thomas Bernhard (in Ténèbres, Lettres Nouvelles/Maurice Nadeau, 1986) "(...) Je prends un plaisir immense à écrire. la semaine dernière j'étais à Stuttgart et j'y ai vu un Tchékov, les Trois soeurs, et je me suis dit, ça, ça pourrait être de moi, mais je le ferais beaucoup mieux, beaucoup plus condensé, et tout de suite l'envie m'a repris d'écrire." (p. 93) "(...) Il n'y a que des évidences, simplement elles sont les choses les moins accessibles, parce que les gens s'en défendent toujours et croient toujours qu'il doit y avoir de l'original. Il n'y a rien d'original, et il n'y a rien d'extravagant et en fait rien de fondamentalement intéressant pour la collectivité. Il n'y a que pour votre propre personne que vous puissiez donner à la vie des impulsions toujours différentes, et il y en a toujours quelques-uns qui affirment que ça les intéresse aux aussi, mais naturellement c'est idiot. Les hommes s'accrochent à quelque chose parce qu'ils sont faibles, à des règles, à des lois quelconques. mais qui vous dit que ces règles sont bonnes ? (...)" (p. 97)

"(...) On ne se connaît soi-même que par rapport aux autres, sinon on n'existerait pas du tout et on ne pourrait pas se regarder. Vous ne pouvez vous regarder vous-même que si vous avez absolument une image du monde qui vous entoure, et des autres, parce que tout repose sur la

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comparaison. Si vous ne voyez jamais rien en dehors de vous-même, vous ne pouvez ni vous juger vous-même, ni rien ressentir."

"(...) Au surplus, c'est encore seul avec moi-même que je me sens le mieux pendant longtemps. Il me suffit d'aller de temps à autre au café écouter parler les autres. Au moins je ne suis pas obligé de dire quoi que ce soit. (...)" (p. 105)

"(...) - Mais alors, qui reste-t-il que vous ne considériez pas comme un idiot ?

- Personne, c'est bien le problème. (...)" (p. 107)

"(...) - Mais est-ce qu'écrire, ce n'est pas toujours rechercher un contact ?

- Je ne veux pas le moindre contact. Quand est-ce que j'ai voulu le contact ? Au contraire, je l'ai toujours refusé quand quelqu'un le recherchait. (...)" (p. 111)

"(...) Je n'ai pas d'autre solution, vous comprenez ? Pour aller jusqu'à la fin de mes jours, de la façon que je veux, je n'ai pas d'autre solution que la solitude. C'est comme ça, la proximité me tue. mais il ne faut pas me plaindre pour autant. La faute de tout est à chacun. (...)" (p. 115)

A PROPOS DE ELISABETH II Écrite en 1987, Élisabeth II est l’avant-dernière pièce de Thomas Bernhard. Bien que sous-titrée “Pas une comédie”, elle est sans doute l’une des pièces les plus drôles et les plus cruelles qu’il ait produites. On y retrouve ses grandes thématiques : la haine des Autrichiens et de l’Autriche en général, activée notamment par le spectre du nazisme, que l’auteur ne cesse d’agiter aux regards de ses compatriotes ; la passion pour la littérature et la musique comme seuls remparts à la bêtise humaine ; les apparences et l’hypocrisie qui semblent prévaloir dans toute relation ; le désespoir et le cynisme érigés en véritable art de vivre, pour ne pas dire en véritable raison de vivre. Tout ceci n’est qu’une vaste farce semble nous dire Bernhard. Une farce macabre. Les personnages de la pièce viennent assister à un spectacle qui n’est rien d’autre qu’un événement “people”. Ils envahissent la place sans aucune considération pour le propriétaire des lieux. Si ce n’est pour éventuellement se faire bien voir de lui, voire profiter de lui, comme le fait son neveu. Pendant ce temps, Herrenstein geint, éructe et se laisse finalement exploiter. Lui-même étant l’exploiteur sans vergogne de sa gouvernante et surtout de son majordome, avec lequel il entretient une sorte de relation de dépendance trouble.

EXTRAITS DU DOSSIER DE PRESSE DU THEÂTRE DE NAMUR Dans un climat d'angoisse et de paranoïa grotesques, le vieil homme voit « cette smala perverse » se goinfrer à son buffet et venir rôder avec avidité autour de sa carcasse. Même infirme, même vieux, le puissant industriel est dans une forme verbale d'une insolence éblouissante: il entretient sa vitalité en cultivant l'expression de son angoisse existentielle, et une haine méthodique de cette « racaille » autrichienne. Violence des relations de pouvoir, interdépendance affective et monétaire des individus dans la sphère privée et publique, infirmité humaine face à la mort, appartenance conflictuelle de l'individu à la société, exploration d'un monde bourgeois hypocrite, intéressé, réactionnaire, dont la vulgarité se cache derrière le masque de la culture et de la tradition... Avec un sens inimitable du Jeu et de l'Absurde, Bernhard propose ici une de ses dernières «machines à jouer».

NOTES DE MISE EN SCENE PAR AURORE FARTTIER (extraits du dossier de presse) "Monter Thomas Bernhard, c’est se forcer à la discipline de l’art contre la culture: assumer que l’art doit quelques fois être monstrueux, indescriptible, méchant, sans concession. Ce qui n’exclut surtout pas la nécessité et l’intelligence d’en rire. (...) (...) Pourquoi cette part de moi qui a envie de violenter le public du théâtre, cette part de moi qui n’a pas envie de lui donner tout à fait ce qu’il souhaite, de lui administrer une bonne crème glacée

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tiède et apaisante, un bon suppositoire à prendre avant d’aller se coucher ? Pour moi, la représentation théâtrale doit être une décharge électrique. (...) (...) Quelque part en moi se cache un vieux misanthrope handicapé, desséché, asphyxié par ses propres pensées et se propres mots. Asphyxié par la fausseté de la masse des individus qui l’entourent. Mais il y a aussi une part de moi qui, comme le vieil Herrenstein, a un besoin vital des gens et du public de théâtre. Le rire, le ridicule, le grotesque, l’auto-dérision se trouvent dans la faille de ce paradoxe-là, dans ce « besoin-haine » pathétique des autres. A travers Herrenstein, Thomas Bernhard rend hommage à la faiblesse. (...) (...) Son humour face au processus de décomposition naturelle et de dégradation sociale auquel l’homme semble voué, insuffle malgré tout, contrairement à ce que nous percevons de la morosité ambiante au travail, dans la rue, une irrésistible pulsion de vie. " (...) Elisabeth II comporte deux grandes difficultés « techniques » majeures: la représentation de l’effondrement du balcon final qui plonge tous les invités dans l’abîme ainsi que la présence de ces invités eux-mêmes censés être au nombre de 90. J’ai souhaité allier la matérialité scénique et triviale de l’effondrement du balcon (qui se produira « en vrai ») à l’immatérialité inquiétante de la vidéo (les invités seront des sortes de fantômes projetés sur les murs du décor). La création vidéo occupera donc une très grande place dans la scénographie visuelle. Vincent Pinckaers (habitué à ce genre d’installations pour M. Noiret, C. Verdonck, R. Castelluci) va donner vie à des invités pré-filmés sous la forme d’un long plan séquence, et ceux-ci interagiront avec les vrais acteurs sur le plateau. Nous avons choisi de travailler l’effondrement du balcon de la manière suivante: le mur du fond sera « soufflé » vers la face et libérera des gravats poussiéreux tandis que la façade de l’immeuble d’Herrenstein apparaitra au lointain. Denis Lavant et Alexandre Trocki apparaitront alors à la fenêtre du balcon effondré pour l’image finale.

PISTES DE REFLEXION (PROPOSITIONS NON EXHAUSTIVES) • Philosophie : le mépris, la société, soi et les autres, la société du spectacle, l'exploitation, la

dépendance.

• Lettres : l'écriture théâtrale ; la mise en scène ; le personnage principal et les personnages secondaires ; le tragique. Thématiques : la société des hommes, la solitude, la violence, la mort.

• Théâtre : la mise en scène ; les lumières ; le jeu des acteurs ; le hors champ ; le son ; le décor.

• Allemand : Thomas Bernhard et l'Autriche ; la langue de Thomas Bernhard ; travailler sur le site allemand consacré à Thomas Bernhard http://www.thomasbernhard.at/index.php?id=107

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APRES LE SPECTACLE : SUJETS DE REFLEXION - Comment les choix esthétiques de la mise en scène contournent-ils les deux difficultés que sont la destruction matérielle du balcon et le nombre important de comédiens ? - Le choix des lumières répond à une démarche, à un point de vue. Proposez des interprétations. - Quel(s) passage(s) vous ont marqué/e ? Décrivez et expliquez votre choix.

POUR ALLER PLUS LOIN (pistes non exhaustives)

• Livres Thomas Bernhard, Ténèbres, Textes discours entretien, suivis d'un dossier A la rencontre de Thomas Bernhard sous la direction de Claude Porcell (Ed. Lettres Nouvelles/Maurice Nadeau, 1986) L'itinéraire de Thomas Bernhard, par Christophe Schwerin et rené Wintzen, Le Monde, 14 avril 1972 Thomas Bernhard, Quinzaine littéraire 354, 1-15 septembre 1981 Thomas Bernhard. Théâtre/Public, revue publiée par le théâtre de Genevilliers, 50, mars-avril 1983

• Sur le théâtre de Thomas Bernhard "Est-ce une comédie, est-ce une tragédie ?" , Schmidt-Dengler, Wendelin, Austriaca, 2, 1976 "Le théâtre de Thomas Bernhard", Michel-François Demet, Etudes germaniques, janvier-mars 1976

• Interviews "Je remplis le vide avec des mots", un entretien avec Thomas Bernhard. Propos recueillis par Nicole Casanova, Nouvelles Littéraires 2641, 22-29 juin 1978. "Aveux et paradoxes de Thomas Bernhard", Propos recueillis par jean-Louis de Rambures, Le Monde, 7 janvier 1983. "Doktor Bernhard", propos recueillis par Rita Cirio, trad. de Mario Fusco, le Magazine littéraire, avril 1983

• Radiodiffusion Diffusées dans le cadre du Nouveau répertoire dramatique de Lucien Attoun (france-Culture) : L'ignorant et le fou, 16 février 1975, réalisation Jean-Pierre Colas La Force de l'habitude, 15 fécrier 1979, réalisation Jean-Pierre Colas Le Président, 14 février 1980, réalisation Georges Peyrou Emmanuel Kant, 8 mars 1984, réalisation Jean-Pierre Colas Au But, 26 octobre 1985, réalisation Jean-Pierre Colas

• Sites http://www.thomasbernhard.at/index.php?id=107 (en allemand) http://thomasbernhard.free.fr/ (en français) http://www.thomasbernhard.org/ (en anglais) http://www.ombres-blanches.fr/dossiers-bibliographiques/portraits-litteraires/b/thomas-bernhard/sur-sa-vie-et-son-oeuvre.html http://www.franceculture.fr/emission-une-vie-une-oeuvre-thomas-bernhard-2015-07-12 (émission Une vie, une oeuvre du 20.06.2009, réalisée à partir d'archives, rediffusée le 12.07.2015) http://www.franceculture.fr/oeuvre-entretiens-avec-krista-fleischmann-trad-claude-porcell-de-thomas-bernhard-krista-fleischmann http://www.franceculture.fr/oeuvre-thomas-bernhard-et-les-siens-de-gemma-salem.html

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II / LE PATRIMOINE : LE PARC DU DOMAINE D'O

A la recherche du ....

... XVIIIème siècle

Photo Dominique Binet Photo Luc Jennepin Photo Marie Caroline Lucat

Plusieurs noms pour un site 1722 : Monsieur Charles-Gabriel Le Blanc, parisien d'origine et contrôleur général des gabelles* en Languedoc, acquiert la métairie* du XVIIe s de la famille Saporta, sur le site appelé Puech Villa. Il s’agit d’un ensemble de mas et des terres dépendantes - dont une oliveraie -, que Le Blanc va transformer en château ; on appelle couramment « folie» ce type de belle maison de campagne. Le château de Puech Villa, d‘une architecture sobre, est entouré de terres cultivées irriguées par deux sources, deux puits et le ruisseau des Molières, collecteur d’eaux pluviales.

*Gabelle : impôt sur le sel *Métairie : domaine agricole géré par un métayer ; les propriétaires délèguent au métayer l’exploitation et l’entretien du domaine, à charge pour eux d’en tirer des bénéfices.

Dans la première partie du XVIIIe s., Le Blanc procède à de grands travaux, qui concernent tant les bâtiments que les terres environnantes, plantées principalement de vignes.

La circulation de l'eau, essentielle aux cultures comme au jardin d''agrément, est au centre des premières préoccupations du nouveau maître des lieux, qui fait édifier un vaste réseau de canalisations et un grand bassin de rétention. Le projet est d'aménager un parc et un jardin d’agrément selon la mode de l'époque : arbres fruitiers, bosquets, bassins et fontaines, statues et bancs...

Le nom actuel domaine d’O reflète l’importance revêtue par la présence de l’eau ; en effet, lorsque l’intendant Guignard de Saint-Priest acquiert le domaine en 1762, il fait aménager une prise d’eau sur l’aqueduc - conduisant l’eau au Peyrou - qui traverse sa propriété. Le domaine de Puech Villa devient le Château d’Eau. Au XIXe s., la graphie fait apparaître l’appellation château d’O (faute d’orthographe ou premier texto ?), ou château d’Ô.

A l’origine, la folie de Puech Villa La métairie est en partie démolie et reconstruite selon la mode de l’époque, et ses accès réaménagés (pont, chemins, portail). Pour Claude-Gabriel Le Blanc, il s’agit d’afficher son train de vie luxueux, comme les autres riches Montpelliérains.

Le bâtiment lui-même est modifié au fil des ans : façade, fronton, fenêtres à l’italienne, toitures, rénovations intérieures, communs….

Simultanément, un premier réseau hydraulique est construit depuis la source de l’Euze et le ruisseau des Molières, dont les eaux sont réunies dans un réservoir recouvert. L’eau est ensuite distribuée par des canalisations en poterie ou en plomb, et arrive dans un bassin situé devant la métairie. Une fontaine couverte est bâtie pour fermer le jardin.

Charles-Gabriel Le Blanc fait alors planter l’oliveraie, le verger (abricotiers, poiriers, pêchers, pommiers),

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le potager (asperges, fraisiers, groseilliers) et le jardin d‘agrément (buis).

Devant le bâtiment principal deux grands axes Nord-Sud et Ouest-Est se croisent. Ces deux allées perpendiculaires permettent l'accès au domaine et se ramifient en de nombreuses allées plus modestes, qui quadrillent l'espace aménagé.

1735 : Charles-Gabriel Le Blanc acquiert la propriété des Jésuites, au sud, qu'il transforme en chais. C'est l'emplacement actuel du Théâtre d'O. L’achèvement de la restauration du château et l’extension du domaine lui permettent de réaménager le jardin et le parc : nouveau parterre face au château, plates-bandes et broderie de buis, bassin en pierre et deux fontaines à cascades, bosquets de mûriers et de noyers, cabinets de verdure avec bancs, allée de grenadiers, bassin décoré d’une coquille de marbre, grille encadrée par deux piliers surmontés de lions. Dans sa partie nord, le parc abrite des marronniers alternant avec des buis, des peupliers et se clôt par une haie de cyprès ; au sud, lauriers-tins et lauriers-cerise, carrés de luzerne, marronniers et buis. Des platanes ont remplacé les mûriers au XIXe s. Les essences actuelles ne correspondent pas nécessairement aux plantations d’origine, remplacées par des pins, des micocouliers et des troènes ; les cyprès et les platanes ne sont pas non plus les arbres plantés par Charles-Gabriel Le Blanc.

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LE JEU DE PISTE

1/ Sur l'ensemble du domaine : distinguez les jardins d'agrément, les bâtiments, les plantations et le parc (cf. plan). Repérez-vous par rapport aux axes Nord-Sud et Est-Ouest. 2/ Dans la partie sud du parc, retrouvez : - Sur l'axe Sud-Nord :

• "l'allée de sortie en droite ligne de la façade du château", avec deux piliers surmontés de lions en pierre. Ils marquent l'entrée du domaine d'O côté ville ;

• les fontaines, le bassin décoré d'une coquille ;

• les "broderies" de buis ; les plates-bandes garnies de plantes décoratives ;

• le puits ;

• les marches de pierre qui conduisent à une allée plantée ;

• les bosquets, qui forment des cabinets de verdure avec des bancs, de part et d'autre de l'axe Sud-Nord ;

• les statues dédiées à la musique : le faune Syrinx (la flûte), la joueuse de tambourin, la Muse, Bacchus ;

• le grand bassin ; le grand banc ;

• le mur d'enceinte qui clôture le parc et les jardins.

- Sur l'axe Est-Ouest :

• le petit pont qui enjambe le ruisseau des Molières, une des ressources en eau du domaine ; les statues des Sphinges ;

• les allées transversales ;

• les oliveraies ;

• le mur d'enceinte qui clôture le parc et les jardins.

Photo Luc Jennepin Photo Jean de Pena