dossier : Łódź, tour de babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers...

12
Dossier : Łódź, tour de Babel du textile Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 1 roel Rabon compose en 1928 et qui est a Łódź de Reymont et de Rabon est une ville multiculturelle, mais elle se veut la Manchester polon ’ouvrage de Reymont prend pour cadre cette Łódź de la fin du XIXème siècle, centre de l'industrie textile u XIXe siècle trois étudiants nourrissent des rêves d'argent et de spéculation. De re énieur et rêve de fonder sa propre usine de même cette marchandise : après l'avoir vendue, ils auront le capital nécessaire pour monter leur propre usine. (1820-1939) Deux livres décrivent avec précision la Łódź d’avant la Seconde guerre mondiale. D’abord l’ouvrage au titre évocateur de W. Reymont, La Terre de la grande promesse, écrit en 1899 (et adapté au cinéma par A. Wajda en 1974). Ensuite La Rue qu’Is l’histoire de l’errance d’un soldat démobilisé dans les rues lugubres et boueuses de la Łódź des misérables. Une étude des historiens Wiesław Pusi et Stanisław Liszewski (Dzieje Żydów w Łodzi 1820-1944 : Wybrane Problemy, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 1991) permet de préciser la proportion des différentes nations qui composent alors la métropole. Enfin, ce dossier peut être illustré grâce aux superbes photographies prises par Bronisław Wilkoszewski en 1896 (publiées en 1995). On notera que des clichés très intéressants sont aussi pris vers 1935 par W. Pfeiffer. L aise. Choisie en 1820 pour devenir un centre économique (elle n’a alors que 800 habitants et 106 maisons en bois !), Łódź compte avant la Première Guerre mondiale 500 000 habitants, 584 usines employant 103 000 ouvriers dont 94 % pour la seule industrie textile. Elle réunit des populations hétéroclites faites d’industriels visionnaires, de bourgeois cossus, d’un prolétariat miséreux, d’Allemands expatriés (jusqu’à 20 %), d’intermédiaires ou de façonneurs juifs (plus de 34%), et de Polonais (46%), plus quelques Russes implantés entre 1820 et 1914 par les administrations tsaristes (2%). Dans ces conditions, on ne peut parler à Łódź et dans l’Europe centrale en général que d’une « histoire partagée », on ne peut que refuser de réduire les individus à une identité nationale univoque. C’est ce que fera Rabon, en écrivant en yiddish un roman où les personnages parlent polonais, yiddish, allemand, tchèque, russe, alternativement ou en les mélangeant tous. Ainsi, l’usage littéraire que Rabon fait de la réalité linguistique complexe de Łódź, qu’il suggère à travers de nombreuses indications sur le multilinguisme des personnages, ou le recours à des interférences lexicales, exprime sa volonté de se distancier de tous les stéréotypes nationaux, et de se placer dans la différence et le décalage. On retrouve moins cet aspect dans le roman écrit en yiddish en 1936 par Isaac Joshua Singer (Les frères Aszkenazi) qui est essentiellement une vaste fresque de familles juives de Łódź. L polonaise naissante. Dans le dernier quart d tour de Riga, les trois arrivistes décident de mener à bien leurs projets en s'installant à Lodz, cité de la laine et du coton, et symbole d'un monde industriel capitaliste en pleine expansion. Karol Borowiecki, représentant la vieille noblesse campagnarde polonaise, le Juif Moryc Welt et l'Allemand Maks Baum, fils d'un misérable entrepreneur hostile à la modernisation de son entreprise, entament leur apprentissage à la dure et inhumaine école des industriels en place. Une école que leur fait découvrir le patron Bucholc, que Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du rejet des suppliques et savourant les lettres d'insultes. Accidents du travail, suicides d'hommes d'affaires ruinés, meurtres d'industriels, paysans contraints à l'exode rural, prêts à se livrer au prêteur sur gages ou se transformer en hommes de main, ouvrières forcées à se prostituer, tout cela forge la mentalité des trois associés... Karol Borowiecki travaille chez Bucholc comme chef ing que ses amis – Moryc Welt, négociant et Maks Baum, fils du propriétaire d'un tissage sur le point de faire faillite. Karol réussit à obtenir une information confidentielle de Lucy Zucker, la belle épouse d'un riche fabricant, rencontrée au théâtre : bientôt les taxes douanières sur le coton augmenteront. Les trois amis rassemblent leurs capitaux et Moryc part pour Hambourg afin d'acheter la plus grande quantité de

Upload: tranbao

Post on 12-Oct-2018

216 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Dossier : Łódź, tour de Babel du textile

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 1

roel Rabon compose en 1928 et qui est

a Łódź de Reymont et de Rabon est une ville multiculturelle, mais elle se veut la Manchester polon

’ouvrage de Reymont prend pour cadre cette Łódź de la fin du XIXème siècle, centre de l'industrie textile

u XIXe siècle trois étudiants nourrissent des rêves d'argent et de spéculation. De re

énieur et rêve de fonder sa propre usine de même

cette marchandise : après l'avoir vendue, ils auront le capital nécessaire pour monter leur propre usine.

(1820-1939)

Deux livres décrivent avec précision la Łódź d’avant la

Seconde guerre mondiale. D’abord l’ouvrage au titre évocateur de W. Reymont, La Terre de la grande promesse, écrit en 1899 (et adapté au cinéma par A. Wajda en 1974). Ensuite La Rue qu’Isl’histoire de l’errance d’un soldat démobilisé dans les rues lugubres et boueuses de la Łódź des misérables. Une étude des historiens Wiesław Pusi et Stanisław Liszewski (Dzieje Żydów w Łodzi 1820-1944 : Wybrane Problemy, Łódź, Wydawnictwo Uniwersytetu Łódzkiego, 1991) permet de préciser la proportion des différentes nations qui composent alors la métropole. Enfin, ce dossier peut être illustré grâce aux superbes photographies prises par Bronisław Wilkoszewski en 1896 (publiées en 1995). On notera que des clichés très intéressants sont aussi pris vers 1935 par W. Pfeiffer.

Laise. Choisie en 1820 pour devenir un centre économique (elle n’a alors que 800 habitants et 106

maisons en bois !), Łódź compte avant la Première Guerre mondiale 500 000 habitants, 584 usines employant 103 000 ouvriers dont 94 % pour la seule industrie textile. Elle réunit des populations hétéroclites faites d’industriels visionnaires, de bourgeois cossus, d’un prolétariat miséreux, d’Allemands expatriés (jusqu’à 20 %), d’intermédiaires ou de façonneurs juifs (plus de 34%), et de Polonais (46%), plus quelques Russes implantés entre 1820 et 1914 par les administrations tsaristes (2%). Dans ces conditions, on ne peut parler à Łódź et dans l’Europe centrale en général que d’une « histoire partagée », on ne peut que refuser de réduire les individus à une identité nationale univoque. C’est ce que fera Rabon, en écrivant en yiddish un roman où les personnages parlent polonais, yiddish, allemand, tchèque, russe, alternativement ou en les mélangeant tous. Ainsi, l’usage littéraire que Rabon fait de la réalité linguistique complexe de Łódź, qu’il suggère à travers de nombreuses indications sur le multilinguisme des personnages, ou le recours à des interférences lexicales, exprime sa volonté de se distancier de tous les stéréotypes nationaux, et de se placer dans la différence et le décalage. On retrouve moins cet aspect dans le roman écrit en yiddish en 1936 par Isaac Joshua Singer (Les frères Aszkenazi) qui est essentiellement une vaste fresque de familles juives de Łódź.

L polonaise naissante. Dans le dernier quart d

tour de Riga, les trois arrivistes décident de mener à bien leurs projets en s'installant à Lodz, cité de la laine et du coton, et symbole d'un monde industriel capitaliste en pleine expansion. Karol Borowiecki, représentant la vieille noblesse campagnarde polonaise, le Juif Moryc Welt et l'Allemand Maks Baum, fils d'un misérable entrepreneur hostile à la modernisation de son entreprise, entament leur apprentissage à la dure et inhumaine école des industriels en place. Une école que leur fait découvrir le patron Bucholc, que Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du rejet des suppliques et savourant les lettres d'insultes. Accidents du travail, suicides d'hommes d'affaires ruinés, meurtres d'industriels, paysans contraints à l'exode rural, prêts à se livrer au prêteur sur gages ou se transformer en hommes de main, ouvrières forcées à se prostituer, tout cela forge la mentalité des trois associés...

Karol Borowiecki travaille chez Bucholc comme chef ing que ses amis – Moryc Welt, négociant et Maks Baum, fils du propriétaire d'un tissage sur le point de

faire faillite. Karol réussit à obtenir une information confidentielle de Lucy Zucker, la belle épouse d'un riche fabricant, rencontrée au théâtre : bientôt les taxes douanières sur le coton augmenteront. Les trois amis rassemblent leurs capitaux et Moryc part pour Hambourg afin d'acheter la plus grande quantité de

Page 2: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 2

e le crédit

n. Karol lui tient secrètement compagnie. Dans le train,

es photographies montrent le mélange culturel visible en 896.

Les fabricants de Lodz, craignant la concurrence de l'entreprise de Borowiecki qui, en tant que Polonais, peut compter sur une meilleure vente de ses produits, s'organisent contre lui. On lui retir

et on refuse l'achat des machines. Karol vend son domaine familial à un ancien valet d'écurie enrichi grâce aux livraisons aux usines de Lodz. Le père de Karol, gentilhomme ne comprenant pas les temps modernes, s'installe à Lodz avec Anka, fiancée de Borowiecki, qui habitait avec lui dans le manoir. Borowiecki réussit à achever la construction de l’usine.

Le vieux Zucker apprend que sa femme le trompe avec Karol. Malgré les assurances sur la futilité de ces accusations, il la fait suivre lors d'un voyage à Berli

il reçoit un télégramme lui annonçant l'incendie de son usine. La même nuit, son père meurt. L'usine n'est pas assurée, les amis sont ruinés. La seule solution est de rompre les fiançailles avec Anka et d'épouser la fille d'un millionnaire allemand, Mada Mueller. Borowiecki atteint son but, il devient un grand industriel.

Wajda a adapté ce livre au cinéma en 1974 puis il a remanié son œuvre en 2000.

C1

Page 3: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 3

Cette « histoire partagée » peut se lire aussi à travers le destin croisé de certains personnages et de certains lieux. Le 19 octobre 2002, la Galerie des grands personnages originaires de Łódź, installée rue Piotrk

trois hommes illustrent la réussite pour chacune des grandes communautés de Łódź.

arl Scheibler

owska, s’est enrichie d’un nouvel élément : la sculpture des « Pères de la Łódź industrielle ». Il s’agit d’une quatrième pièce de la série, après « Le banc de Tuwim », « Le piano de Rubinstein » et la « Malle de Reymont ». Deux vieux hommes, Karol Scheibler et Izrael Kalmanowicz Poznański, sont assis à une grande table, sur des chaises d’époque. Le jeune Henryk Grohman est à côté d’eux debout, l’air inquiet. Trois chaises sont vides. Elles attendent les passants car, conformément à l’idée de la galerie des grands personnages de Łódź, on peut s’asseoir à côté d’eux pour les attraper par le nez ou par la main, écouter de la musique, prendre un rendez-vous... L’acteur et le metteur en scène Marcel Szytenchelm, qui est l’auteur du projet, rêve par ailleurs que des contrats commerciaux soient signés sur cette table dressée en face d’un Mc Donald’s. Robert Sobociński, sculpteur diplômé de l’Ecole de Beaux-Arts de Poznań et co-auteur du projet, âgé de 42 ans, explique que la réalisation tient du théâtre autant que de la sculpture. Par la raideur des habits et des gestes des « rois du coton », il a voulu souligner l’allure hautaine de Scheibler, l’air concentré de Poznański, la morgue juvénile de Grohman. « J’ai tâché de les montrer en train de prendre une décision stratégique. A Łódź, ils ont construit non seulement des palais et des usines, mais des hôpitaux, des quartiers ouvriers, des écoles », a dit Sobociński.

Karl Scheibler, Izrael Poznański, Henryk Grohman : ces

K (1820-1881) était arrivé à Łódź en 1854 venant d’Allemagne (région d’Eifel), comme

beaucoup d’autres industriels. La suppression des droits de douane entre le Royaume de Pologne et la Russie, en 1851, avait entraîné l’afflux de capitaux extérieurs (essentiellement allemands et juifs). De plus, l’abolition du servage en 1863-1864 avait accéléré fortement l’exode rural. Enfin, l’essor économique du Royaume avait accru son marché intérieur mais l’insatiable marché russe restait le débouché essentiel. Dans les années 1880, les établissements industriels Scheibler accueillaient 6000 ouvriers qui travaillaient sur 4000 métiers et habitaient dans les appartements à pièce unique de la cité ouvrière construite par l’entreprise.

Page 4: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Izrael Poznański (1834-1900)

appartenait à une des plus riches familles juives de la ville. Il rivalisa avec son prédécesseur en construisant entre 1872 et 1902 un site industriel très étendu. En 1878, il créa une usine avec une façade monumentale de 170 mètres et accueillant aussi 6000 ouvriers.

Henryk Grohman (1862-1939)

était, comme Scheibler, d’origine allemande mais était né à Łódź dans une famille d’industriels. D’abord rivales, les familles Scheibler et Grohman finirent par s’unir et étaient propriétaires, à partir de 1921, de la plus grande usine de coton d’Europe. Outre ses talents d’industriel, Grohman était un grand collectionneur d’art et offrit d’ailleurs les œuvres qu’il possédait au Cabinet de Gravures de l’Université de Varsovie.

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 4

Page 5: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Les ensembles architecturaux et urbanistiques qu’ont laissés ces barons de l’industrie font aujourd’hui partie du patrimoine culturel national. La ville s’est développée autour de la rue Piotrkowska, qui abrite, sur 4 km, la plupart des constructions du XIXè siècle et certains des « Palais de la Terre promise » (Pałace Ziemi Obiewanej). Le mélange des styles est notable : Eclectisme (coexistence dans un même édifice des styles Renaissance, Baroque, Rococo, Empire voire Gothique), Sécession et Art nouveau (le plus bel exemple étant la villa Kinderman), Néo-gothique, Néo-Renaissance.

Une description vivante de la rue Piotrkowska se trouve dans l’oeuvre de Władysław Reymont de 1899 :

" Les deux côtés de la rue Piotrkowska étaient bordés d'une masse compacte de maisons, de palais

ayant l'air de châteaux italiens où se trouvaient des entrepôts de coton ; cette rue continuait sa grande ligne jusqu'à Baluty. Il y avait d'ordinaires maisons de briques à trois étages à l'enduit tombant, des maisons de style tout à fait correct aux balcons baroques en fer doré et aux lignes courbes, plein de petits amours dans les frises surplombant les fenêtres à travers lesquelles on voyait des rangées de machines à tisser. De petites maisons en bois, branlantes, avec des toits verts moisis, derrière lesquelles, dans les cours, de puissantes cheminées et des corps de fabriques dominaient ; elles se serraient contre une côté du palais construit en style de Renaissance de Berlin un peu pesant, avec des briques rouges et ayant toutes les chambranles en pierre et avec un gros bas-relief représentant l'industrie sur son fronton ; à ce palais étaient joints deux pavillons latéraux avec des tours et séparés du bâtiment central par une admirable grille derrière laquelle, au fond, s'élevaient les murailles colossales de l'usine. Les maisons dont les dimensions et la magnificence les faisaient ressembler à des musées n'étaient que des entrepôts de produits finis. Quelques unes étaient surchargées d'ornements de différents styles : au rez-de-chaussée, les cariatides de la Renaissance soutenaient un balcon en brique fait dans le style allemand ancien, au dessus duquel le second étage, construit à la Louis XV, "charmait" avec des lignes ondulantes les encoignures des fenêtres ; plus haut encore se trouvaient des mansardes bombées, ressemblant aux ballots chargés... Bref, c'était un amas, un mélange de tous les styles connus des maçons, hérissé avec des tourelles, avec des décors en stuc collés qui tombaient sans cesse dessous, entrecoupé avec les milliers de fenêtres, plein de balcons en pierre, de portes cochère magnifiques où les laquais en livraison somnolaient dans des fauteuils de velours ".

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 5

Page 6: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Parmi les bâtiments les plus connus, citons au nord de la ville les trois palais de la famille Poznański : le premier au carrefour de la rue Zachodnia et Ogrodowa (la monumentale résidence d’Izrael Poznański), le deuxième, rue Więckowskiego (le palais de Maurycy Poznański, aujourd’hui Musée d’Art moderne) et le troisième, rue Gdańska (le palais de Karol Poznański bâti en 1904, devenu siège de l’Académie de Musique).

Le palais d’Izrael Poznański, conçu par H. Majewski en 1888 (style Eclectique et Sécession), est

actuellement le Musée d’Histoire de la Ville. Le palais, construit tout près de l’usine, qui à l’époque était la deuxième grande entreprise de Łódź, est la plus grande résidence de fabricant en Pologne. Les travaux de constructions et de reconstructions ont duré 15 ans (1888-1903). C’est dans les années 1901-1903 que le bâtiment reçoit son aspect monumental grâce à l’architecture néo-baroque. Les intérieurs richement décorés représentent divers styles historiques de la fin du 19ème siècle mais avant tout de l’Art nouveau. A l’origine, la fonction du palais était purement résidentielle. Au début du 20ème siècle, elle devient représentative et commerciale. Apres la Ière Guerre Mondiale, la famille Poznański a fait faillite, et le palais et l’usine ont été administrés par la Banca Commerciale Italiana. De 1927 jusqu’aux années 1970, le palais a été adapté aux besoins de la municipalité. Pendant l’Occupation la résidence sert de siège à l’administration allemande. En 1975, avec la création du Musée de l`histoire de la ville de Lodz, on a repris des travaux de reconstruction du palais permettant de redonner à la résidence son aspect authentique.

Dans la Galerie de Łódź, au rez-de-chaussée, sont présentées aussi bien des expositions des anciens

maîtres que celles de l`art contemporain. On y a déjà présenté des oeuvres de Salvador Dali, Max Ernst, Juan Miró, Andy Warhol, Pablo Picasso, Artur Grottger. La Galerie fait aussi la promotion des jeunes artistes de Łódź. Au sous-sol du palais on expose "la Triade de Łódź : Polonais, Allemands, Juifs à Łódź", une grande présentation concernant le développement économique, culturel et social de la ville de 1423 jusqu’à la IIème Guerre Mondiale.

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 6

Page 7: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

La partie sud de la ville est le royaume des fabricants d’origine allemande et flamande. Le palais de la famille Scheibler, construit au bord du parc municipal Żródliska, près de la filature de coton, est le plus ancien édifice de ce genre à Łódź. Le quartier du Moulin de l’Abbé (Księży Młyn), bâti par Scheibler au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, se compose de la villa néo-renaissance de l’industriel, d’un grand bâtiment de filature en brique et d’un pâté de 22 maisons d’ouvriers de 1875 à un étage et disposées en trois rangées de bâtiments avec école, hôpital, gare et caserne de pompiers. Le palais Scheibler se différencie des autres par sa taille modeste car l’industriel privilégia le confort plutôt que le luxe. Il abrite aujourd’hui le Musée du Cinéma.

Toute proche, la villa

Herbst (beau-fils de Scheibler), datant de 1875 et de style néo-Renaissance, abrite un musée unique en Pologne et en Europe qui présente les intérieurs de la riche bourgeoisie industrielle de la fin du XIXè siècle.

A proximité, il faut voir l’entreprise de Grohman avec la porte d’entrée gigantesque de style

néogothique appelée « tonneaux de Grohman » (Beczki Grohmanowskie).

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 7

Page 8: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Enfin, c’est sur le terrain de

l’Usine Blanche (Biała Fabryka) de Ludwik Geyer (la première où a été utilisée la machine à vapeur en 1838) que se trouve aujourd’hui le Musée Central de l’Industrie Textile (Centralne Museum Włókiennictwa). Nous pouvons voir des machines anciennes et actuelles utilisées par l’industrie textile, des tissus et autres objets qui témoignent du passé et du présent de la ville liés à l’industrie.

Les plus importants lieux de culte et nécropoles de Łódź sont également des symboles du passé multiculturel de la ville

- sur la place de la Liberté – Wolnośći – nous

voyons une ancienne église orthodoxe ; deux autres se trouvent près de la gare, l’église néo-byzantine St Alexandre Nevski (1884, par H. Majewski) et Ste Olga.

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 8

Page 9: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

- la monumentale cathédrale de Łódź de Saint

Stanislas Kostka a été bâtie dans les années 1901-1910 et la tour néogothique élancée a été érigée dans les années 1912-1916 selon le projet de l’architecte Zeuman de Berlin (ici photographiée en 1935).

- à côté se trouve l’église luthérienne St Matthieu de 1904. D’autres églises protestantes étaient

présentes en ville.

L’église luthérienne néo-romane St Jean

L’église protestante de la Sainte-Trinité

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 9

Page 10: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

- quant aux nombreuses synagogues, aucune n’a survécu aux destructions de la guerre

Synagogue des juifs réformés

Synagogue des Lituaniens

Synagogue mauresque des juifs orthodoxes - le nouveau cimetière juif est un des plus grands d’Europe (40 hectares, près de 68 000 tombes) et

fut fondé en 1892 sur le terrain offert dans sa majeure partie par Izrael Poznański. Il renferme des pierres tumulaires d’une grande valeur artistique. On y trouve notamment le mausolée Izrael Poznański. C’est un des seuls vestiges de la communauté juive, l’ancien cimetière ayant été rasé pendant la Seconde guerre mondiale.

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 10

Page 11: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

- le cimetière Ancien (Stary), rue Ogrodowa,

était le lieu d’enterrement des catholiques, protestants et orthodoxes. Il est dominé par l’extraordinaire mausolée néogothique de la famille de Karol Scheibler.

L’histoire du Musée d’Art moderne de Lodz est singulière et montre elle aussi le lien avec la Russie

et l’Allemagne, même après la Première guerre mondiale. En 1924, quelques artistes, regroupés autour du plasticien Władisław Strzeminski et de sa compagne Katarzyna Kobro, fondent l’Association des constructivistes polonais, plus connue sous le nom de BLOK. Les peintres, sculpteurs, photographes, photomonteurs... qui font partie de l’aventure sont fortement influencés par le constructivisme russe qui leur est antérieur de quelques années. Ils sont également attentifs à ce qui se passe en Allemagne, où l’abstraction a fait son apparition deux décennies auparavant. En 1930, Strzeminski fonde le Musée de Łódź. Tout en négociant avec les autorités locales, Strzeminski invite les artistes adhérant au projet à participer par leurs dons à la constitution de la collection. Inspiré par les avant-gardes artistiques en Union soviétique, il entend rendre l’art populaire. A l’ouverture du musée en 1931, la collection réunit cinquante-neuf œuvres, représentant les différentes avants-gardes de l’époque. Œuvres figuratives, abstraites, surréalistes, etc. Les artistes du groupe A.R. (« artistes révolutionnaires » puis « avant-garde réelle ») côtoient Fernand Léger ou Max Ernst. Au fil des décennies, cette aventure se poursuit. Le musée, qui a enrichi sa collection grâce à la générosité des artistes, compte aujourd’hui quatorze mille œuvres.

Enfin depuis 2002, le « Festival du Dialogue des Quatre Cultures » a lieu à Łódź pendant une

dizaine de jours, fin septembre et début octobre. Pour illustrer les apports respectifs de chaque nation dans la culture européenne, des concerts, expositions, spectacles, revues et débats sont prévus. Il s’agit d’un événement à la fois culturel, économique et politique. « Quatre éléments culturels ont bâti Łódź. Grâce aux Juifs, Allemands et Russes, la culture polonaise a pu faire preuve d’une grande vivacité », a dit Witold Knychalski, président du Conseil de surveillance de Telewizja Polska S.A., un des organisateurs du festival. Reste à ne pas oublier comment des hommes ont pu extirper durant les deux guerres mondiales ces cultures et ces êtres humains à leur terre d’origine ou d’adoption… Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 11

Page 12: Dossier : Łódź, tour de Babel du textile (1820-1939)polonia.histegeo.org/dossiers pedagogiques/dossier Lodz terre... · Karol voit procéder au tri du courrier en jouissant du

Lycée Français de Varsovie. Sortie pédagogique à Łódź des élèves de Première. 14 avril 2005. A. Léonard. 12

Sources : Mairie de la ville de Łódź, La ville des palais et d’une seule rue, Varsovie, 1991. Album photographique de Bronisław Wilkoszewski (1896), Łódź, 1995. Isroel Rabon, La Rue (1928), Julliard, 1992. W. Reymont, La Terre de la grande promesse (1899), Revue Cultures d'Europe centrale, Hors-série : " Terre promise et partis pris, La Terre de la grande promesse (1898) de W. St. Reymont (1868-1925) ", Edition bilingue commentée, coédition Université de Varsovie / CIRCE - Paris IV - Sorbonne, dir. Danuta Knysz-Tomaszewska et Malgorzata Smorag -Goldberg, 2004. Isaac Joshua Singer, Les frères Aszkenazi (1936), Paris, Denoël, 1993. http://www.uml.lodz.pl http://www.poznanskipalace.muzeum-lodz.pl http://www.turystyka.lodz.pl http://members.lycos.co.uk/miastolodz/ http://www.toya.net.pl/~lukmail/index.htm http://www.ulicapiotrkowska.pl http://www.4kultury.pl/ http://www.ziemiaprzyszlosci.pl/news.php http://www.ghetto.lodz.pl/ http://www.lodzjews.com