dossier jeunes - usj

24
Samedi 9 Août 2008 - No 3 - 48 Pages صفحة48 - ��ال��ث ال��ثد ال���ع���د2008 آب9 ال��س��ب��ت- Dossier Jeunes La complainte d’une jeunesse en désarroi Société Servitudes du handicap au Liban Environnement Le compostage rapide La biodiversité libanaise La pollution visuelle

Upload: others

Post on 24-Jun-2022

6 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008 - No 3 - 48 Pages صفحة 48 - ال���ث���ال���ث ال���ع���دد – 2008 آب 9 -ال��س��ب��ت

Dossier JeunesLa complainte d’unejeunesse en désarroi

SociétéServitudes du handicap au Liban

EnvironnementLe compostage rapideLa biodiversité libanaiseLa pollution visuelle

Page 2: Dossier Jeunes - USJ

P2

Page 3: Dossier Jeunes - USJ

3

Samedi 9 Août 2008

P 4-8 Dossier JeunesLa complainte d’une jeunesse en désarroiPartir parce qu’il faut bien vivre

P 9 SantéAloès Arborescens,

La «plante miracle» du père Romano ZagoP 10 -11 SociétéTechnologieLes «digital natives» libanaisDesigner de jeux vidéo à 13 ansSacré Marc!

P 12-19 Dossier EnvironnementLe compostage rapide

Une technique avant-gardisteRéchauffement climatique

Menace sur la biodiversité libanaisePollution visuelle

Ce mal sournois qui nous entoureP 20-23 SociétéPréjugés sociaux, infrastructure inadéquate… Servitudes du handicap

SommAire

Revue des étudiants du Master Information et Communication de l’Université saint Joseph

Directeur de la publication:Prof. Pascal Monin

rédacteur en chef:Michel Touma

Directeur Artistique:Ziad Kassis

Secrétaire de rédaction:Christophe Varin

Caricatures:Armand Homsi

La rédaction:Nada AklJoanne AounClaude AssafLama BadranNadine BitarSaid HannaRana HatemSandy IssaDaad S.NaafahRita RahméJacqueline SaadehRita SassineCarole WakimM. Th. Zouein Tabet

remerciements:Kalam remercie la direction, la rédactionet toute l’équipe du quotidien An-Nahar pour le soutien apporté à la réalisation et à la distribution de ce numéro pour la troisième année consécutive; Et le quotidienL’Orient-Le Jour qui se joint à cette aventure.

Un désir de «7ème jour»

«Tiens quelque chose a changé, l’air soudain semble plus léger….» chante la poétesse. et l’on serait tenté de reprendre en chœur cet aveu de bonheur imperceptible mais bien réel. Certes, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des Liban. Mais l’air venu de Doha permet l’espoir que l’Exécutif enfin recou-vré réussisse à dépasser la stagnation des querelles politiciennes pour retrouver le goût de construire un avenir plus serein, où les problèmes ne seront pas d’abord la faute des autres mais la responsabilité de tous et de chacun afin de trouver ensemble la meilleure des solutions possibles. Voilà l’état d’esprit qui a prévalu à la rédaction de ce numéro de Kalam. Adieu politique politicienne, bienvenue à la politique dans son acception première et noble à savoir: «service de la Cité, sens du bien commun, attention à la collectivité….». Qu’on évoque les errements d’une jeunesse tiraillée entre son attachement indéfectible à sa terre et son désir de réussir une vie professionnelle ici ou ailleurs; qu’on découvre les goûts de ces «digital natives» et leurs aspirations; qu’on ouvre grand les yeux sur la richesse et la diversité d’une nature libanaise généreuse soumise aux aléas des concupiscences en tout genre; qu’on souligne que le handicap n’est pas un moindre état de l’humanité… on ne fait rien d’autre que de la Politique (oui, oui, avec un grand p), avec la volonté d’accorder une plus grande attention aux enjeux fondamentaux d’un vivre ensemble toujours à renforcer, à consolider, à repenser, à reconsidérer... Les auteurs de ces articles participent d’une même ambition: redonner à l’altruisme toute sa valeur sociale et politique. Qu’importe que certains sujets puissent donner le sentiment d’un «déjà vu» car ce rappel souligne l’urgence d’entendre et d’agir, de ne plus se contenter de déplorer encore et toujours les dégradations qui nous agressent et de s’en contenter. Alors, oui, le respect des attentes de toute une jeu-nesse est un problème d’abord politique, le respect de la biodiversité tout autant, le déplacement plus aisé des personnes handicapées dans nos villes évidemment. Celles et ceux qui ont participé à cette édition de Kalam ont donc retiré leur «habit» d’étudiant pour endosser celui de «citoyen» sans leçon de morale mais avec le désir de conscientiser sur des enjeux vitaux pour le Liban. Un désir de «7ème jour» qui fait écho à cette volonté de l’USJ dans l’opération du même nom de faire de ses étudiants des acteurs à part entière de la Cité.

Kalam

Sommaire

Page 4: Dossier Jeunes - USJ

4

Samedi 9 Août 2008 DoSSier JeUneS

La complainte d’une jeunesse en désarroiPartir parce qu’il faut bien vivre

Trois ans se sont déjà écoulés depuis le 14 Mars 2005 et la Révolution des Cèdres... cette époque où l’impossible semblait soudain réalisable. Mais ces horizons enchanteurs se font encore attendre et les difficultés à surmonter restent nombreuses. Pas facile donc d’être jeune dans ce pays en pleine

confusion identitaire. Alors que font-ils? Dégoûtés, désabusés, ils partent, on ne le sait que trop bien.

Qu’on pense que cette ré-volution des Cèdres ait échoué ou pas, peu importe

d’une certaine façon car la situation présente a des effets négatifs sur les jeunes. Ces derniers lorsqu’ils sont happés par le dégoût, le pessi-misme et la déception, tournent leur regard vers dehors, vers ailleurs, un ailleurs parfois pour ne pas dire souvent mythifié, mais désiré, at-tirant parce qu’une partie consé-quente de ces jeunes sent qu’elle a été manipulée, parfois trompée par des hommes politiques faisant pas-ser leurs intérêts personnels bien avant les attentes de la jeunesse de leur pays. il en résulte que quitter le Liban pour n’importe quelle autre destination leur semble la seule al-ternative viable.on le sait, certains essayent de poursuivre leurs études à l’étranger quand d’autres ont la chance d’être embauchés avec de bons salaires. D’aucuns n’hésiteront pas à accep-ter n’importe quel travail pour vivre en paix et fuir les soucis d’une vie libanaise trépidante mais inquiétan-te. rares sont ceux qui choisissent

délibérément cette option tant on sait la difficulté de s’intégrer dans une autre contrée et combien la cherté de vie dans ces pays d’immi-gration peut rendre précaire la vie au quotidien. mais inéluctablement, la situation instable et déprimante finit par balayer toutes les craintes ou inquiétudes, et partir vaut mieux que rester. Dans presque chaque famille liba-naise, on trouve un ou plusieurs membres vivant à l’étranger. Voyez ces listes d’amis qui s’égrènent sur le Web, que ce soit sur mSn, Face-book ou autres sites internet: tous ces jeunes libanais qui gardent ainsi un lien entre eux ont certes déserté le sol national, mais tous mettent fièrement sur leur page qu’ils sont libanais et que le Liban, le «plus beau pays du monde», leur man-que énormément. La mélancolie qui se dégage de ces textes prouve également combien est grande leur inquiétude de ne pas pouvoir ren-trer vivre au pays et y fonder une famille. Les propos qui suivent en sont un exemple. Il suffit de lire attentivement ces quelques témoi-

gnages pour entendre cette tristes-se, si proche et si lointaine, tristesse qu’au fond chaque Libanais partage avec eux.

Jad, 26 ans, coiffeur à Bahreïn

«Je n’ai jamais pensé que je quit-terais un jour le Liban, et ce pour rien au monde. même durant les années de guerre, je suis resté avec ma famille au Liban, passant d’un abri à un autre, d’une région à une autre. non seulement j’adore mon pays, mais je restais convaincu que les choses allaient s’améliorer, que nous ne recommencerions pas les erreurs du passé. récemment, j’ai senti que rester dans ce pays pour-rait être la plus grave erreur et que je le regretterais amèrement. Cela fait trois ans qu’on n’avance plus, qu’on est dans un cercle vicieux, voire au fond d’un gouffre duquel on ne sortira jamais. Du coup, je me suis senti obligé de penser à aller faire ma vie ailleurs. J’ai tout quit-té pour que mon avenir ou ma vie soient au moins protégés. Au Li-ban, non seulement on n’est pas sûr

de survivre en raison de la cherté de la vie, mais surtout on n’est plus sûr de survivre tout court.»

Mayya, 24 ans, journaliste en France

«Honnêtement, toute ma vie, j’ai pensé quitter le Liban. malheureu-sement, je suis restée durant toutes les guerres avec mes parents et cela m’a traumatisée. Je voulais faire mes études et ma vie en France mais je n’en avais pas les moyens. en 2005, bizarrement, je me suis intéressée à la politique et là je ne voulais plus quitter mon pays. Je sentais que je pouvais participer à cette construction d’une réelle in-dépendance. mais les attentats ont repris, la guerre de 2006 puis les af-frontements de nahr al Bared n’ont fait qu’envenimer la situation, sans parler de la situation économique qui se dégradait et de l’ambiance délétère entre les factions politi-ques, la coupe était pleine. Persua-dée que nous ne pourrons jamais obtenir cette paix tant désirée, com-me si des forces externes et internes avaient décidé que nous n’en étions

Page 5: Dossier Jeunes - USJ

5

Samedi 9 Août 2008DoSSier JeUneS

pas dignes, j’ai pris le premier avion pour la France. Je n’ai toujours pas de travail, j’habite chez mon amie, mais j’espère bientôt pouvoir re-commencer ma vie paisiblement.»

Michel, 42 ans, directeur «Personnellement, je ne penserai jamais quitter le Liban sauf en cas de guerre (…) Je ne peux pas nier le fait que la majorité de mes amis ne sont plus au Liban et cela me rend triste car je perds de vrais amis. Je ne peux pas non plus les blâmer ou les convaincre de revenir parce que personne n’est sûr d’être en sécurité dans ce pays. J’espère que la situa-tion ne va pas empirer parce que je sais que la vie ailleurs n’est pas du tout facile.»

Pierre, 33 ans, Dj«Par qui je dois commencer? ma soeur vit à Paris et mon frère à Berlin depuis deux ans. mes trois meilleurs amis viennent de partir à Dubaï sans même avoir trouvé un travail. ma copine, qui est Al-lemande, adore le Liban et a vécu avec moi pendant cinq ans. Dans un mois, elle rentre en Allemagne, mal-gré elle, et espère que je la rejoigne cet été. Je ne sais pas si nous nous trouvons face à une stratégie visant à appauvrir le Liban et à lui arra-cher ses jeunes, ses intellectuels, sa classe active et ses touristes, mais je ne sais pas non plus comment convaincre les jeunes de rester sans un avenir plus sûr pour le Liban.»Que comprendre? Voilà un pays qui plaît tant aux étrangers qui y séjour-nent, quand il semble rebuter ceux qui y sont nés. Voilà un pays où la douceur de vivre est unanimement reconnue alors que dans le même temps, y faire carrière ou fonder une famille semble pour des impé-ratifs économiques voire politiques de plus en plus difficiles quand ce n’est pas clairement ressenti com-me impossible. Ce tiraillement est suffoquant surtout pour les jeunes qui ne savent plus s’ils doivent res-ter ou partir, s’ils doivent défendre ce pays et le soutenir en résistant, ou le quitter pour d’autres cieux plus sécurisants.

Joanne Aoun

Michel Hajji Georgiou, Prix Gebran Tuéni 2007«Il est temps de parler de citoyenneté»

michel Hajji Georgiou, analyste politique au quo-tidien «L’orient-Le Jour», n’a pas encore atteint la trentaine. il écrit régulièrement des articles sur la liberté d’expression. A ce titre, il a reçu en dé-cembre dernier le Prix international Gebran Tuéni 2007, décerné chaque année à un rédacteur en chef ou un éminent journaliste du monde arabe – pour son action en faveur des libertés – par l’Association mondiale des Journaux, organisation internationale fondée en 1948, basée à Paris, qui représente 18 000 journaux dans 102 pays. Le jeune journaliste a dédié ce prix à ses collègues de «L’orient-Le Jour», aux journalistes détenus pour délit d’opinion, en parti-culier michel Kilo, détenu dans une geôle syrienne pour avoir signé une pétition condamnant les assas-sinats politiques.

Ne pas mésestimer la gravité de la situationen l’interrogant sur la question de la crise identitaire des jeunes Libanais, d’emblée, michel Georgiou dé-nonce une «politisation» de l’identité libanaise: on essaie de «politiser» le problème identitaire à cause de la peur de l’autre. il nous donne un exemple sur ce plan: certains rejettent l’identité arabe car ils la lient à l’islam en tant que système politique. mais quand les concepts des droits de l’homme et de la démocratie sont intégrés à l’identité arabe, le pro-blème n’existe plus! Selon lui, au Liban, le principe d’identité est un prin-cipe complexe: pas d’identité pure au Liban puisque cette dernière est multiculturelle. Le problème rési-de dans le déclin de cette identité en faveur du retour à des identités plus petites, telles que les identités communautaires. Le conflit devient plus profond en l’absence d’espaces publics de rencontres ou de dé-bats. «il faut savoir que chaque individu est un être unique, d’ailleurs c’est le fondement de la citoyen-neté. Tout Libanais doit revendiquer son identité plurielle pour contrer l’identité politisée», souligne michel Georgiou qui met l’accent sur l’importance de l’individu comme vecteur de citoyenneté, par op-position à la tyrannie exercée souvent par le groupe ou la communauté monolithique. retournons à la «genèse» de toute vie sociale: la liberté d’expression. Pour michel Georgiou, cette liberté est «l’âme d’un système démocratique, la valeur ajoutée du Liban dans un monde arabe sou-vent fait de tyrannie et abandonné à un désert in-tellectuel». Comment peut-on évaluer cette liberté? Le Liban serait-il devenu un corps sans âme, ou ce pays demeure-t-il toujours attaché à cette valeur ajoutée qui fait sa spécificité? «Il n’y a pas de li-berté d’expression au Liban, mais des personnes qui

la défendent. il n’y a pas au Liban d’institutions qui défendent la liberté comme un droit. il y a quelques personnes qui font que la liberté d’expression existe toujours», souligne-t-il. Pour lui, il est impossible qu’existe une liberté d’expression dans un pays où la censure empêche l’émancipation de la citoyen-neté. «Quand il n’y a pas d’échanges, il n’y a pas de pluralisme, et donc pas de démocratie, déclare Hajji Georgiou. Quand la censure prévaut en raison de la peur de l’autre ou par égard pour l’autre, le citoyen renie alors son droit à s’exprimer librement. Le Liban se targue d’être un pays spécial, mais il avance à grands pas vers la «tyrannie» qui caracté-rise les pays arabes», déplore-t-il. Le pluralisme au Liban ne lui garantira pas toujours sa liberté; il faut institutionnaliser cette liberté, c’est cela la vocation du Liban. S’attaquant au problème du désengagement des jeunes, michel Georgiou dénonce ce renoncement à toute action ou engagement dans la cité. Ce dé-sengagement est le contraire de la citoyenneté, un glissement vers une annihilation de la démocratie. Frustrés, les jeunes s’expriment à travers leur secta-risme politique, leur confession, leur chef politique: «Cette montée en puissance des extrêmes est un sui-cide. Un Liban qui n’est plus fondé sur le dialogue, le partage et la reconnaissance de l’autre est un Li-ban qui court à sa fin...». Mais une lueur d’espoir pa-raît dans ses yeux pour conclure ses propos: «il est temps de parler de citoyenneté... nous devons être en phase avec le monde moderne qui a dépassé ces stades d’appartenance idéologique pour aller dans le sens de l’homme humaniste!»

Rita sassine

Page 6: Dossier Jeunes - USJ

6

Samedi 9 Août 2008

Parce qu’il fait si bon vivre au LibanCes jeunes qui refusent l’exil

A un moment où l’instabilité politique prévaut au Liban, poussant les uns et les autres à se demander si la guerre recommence à chaque fois qu’un bruit d’hélicoptère se fait entendre au dessus de leurs têtes; alors que les Libanais font la queue devant les ambassades étrangères pour obtenir cette planche de salut qu’on appelle «visa», ce tapis d’Aladin capable de les transporter vers un monde meilleur; alors que tout pousse vers un seul échappatoire, celui de faire ses valises… il existe quand même des jeunes libanais qui restent au Liban!

Cette catégorie de jeunes li-banais a fait son choix. elle n’a pas été soumise au fait

accompli ou au manque de moyens pour acheter un billet d’avion, elle n’a pas baissé les bras devant les premiers entretiens de travail sans lendemain. il s’agit là d’une catégo-rie de jeunes poussés par la convic-tion de rester au Liban, de refuser toute expatriation. Ces jeunes n’ont jamais caressé le rêve de travailler outre-mer, et ont fait la sourde oreille à la question souvent posée «ne penses-tu pas voyager pour ga-gner ta vie?». Leur vie, eux, ils la gagnent au Liban et se considèrent plus chanceux que leurs compatrio-tes exilés. Il suffit de les écouter…

La joie de vivre au LibanC’est le cas de nadine, 26 ans, qui travaille dans une agence de publi-cité à Beyrouth depuis cinq ans, avant même de décrocher son di-plôme en art. Fille unique, son frère a choisi de s’installer en France. «Je n’ai jamais pensé rejoindre mon frère, souligne-t-elle. J’ai horreur de me sentir éloignée de mon pays, où je me sens entourée de mes deux parents, de ma famille, et de mes amis. De plus, je suis bien payée pour exécuter un travail que j’ado-re! J’admets que mes collègues à l’université n’ont pas été tous aussi

chanceux que moi, puisque vivre simplement de l’art est difficile au Liban. nous ne travaillons pas tous dans le domaine». La qualité de vie est ce qui retient cette jeune femme pétillante, pour qui vivre au Liban est un art en tant que tel: «Goûter la cuisine libanaise, sortir en ville ou découvrir le Liban et sa nature, flâ-ner de jour comme de nuit, s’agiter en musique ou simplement partager un narguilé… Le Liban transmet la joie de vivre, autour de plaisirs variés et contrastés sans doute inou-bliables».

Solide résignationrichard (30 ans) travaille dur pour gagner sa vie mais n’y voit aucun inconvénient. employé en tant que comptable dans une entreprise du-rant la journée, il donne des cours de comptabilité l’après midi dans une école technique. «il m’arrive des fois d’aider mon cousin dans son restaurant, surtout durant les week-end et cela donne un petit plus à mes épargnes mensuelles», déclare-t-il. Les désillusions l’em-portent peut-être au pays du Cèdre, mais il suffit d’entendre une person-ne optimiste comme richard pour se dire que tout n’est pas perdu. «Je ne me fais pas de soucis pour les difficultés économiques au Liban, c’est dur je sais, mais je suis opti-

miste de nature. ne jamais baisser les bras, c’est ma devise». richard et sa fiancée viennent d’acheter un appartement dans la région de Haz-mieh, dont les frais sont échelonnés sur 30 ans! interrogé sur son em-ploi de temps surchargé, ce jeune homme actif ne s’en plaint pas: «Je n’ai que 30 ans, c’est maintenant que je dois m’acharner au travail. J’occupe deux postes actuellement, et si la journée était plus longue,

j’aurai certainement décroché un troisième», ajoute-t-il non sans une pointe d’humour.

La vie sociale et amicale revêt une importance primordiale

roula n’a que 23 ans. Benjamine de la famille, sa sœur est partie travailler au Qatar et son frère aux emirats Arabes Unis. Suivre les pas de ses aînés? Ce n’est même pas une option pour cette jeune fille

La qualité de vie: un argument pour rester vivre au Liban.

DoSSier JeUneS

Page 7: Dossier Jeunes - USJ

7

Samedi 9 Août 2008

persuadée que le pays du Cèdre est son petit paradis. employée dans une banque, roula avoue qu’elle n’a jamais présenté de CV à l’étran-ger, partant de sa propre philoso-phie: «Tant qu’il y a des banques au Liban, il y a des opportunités pour les jeunes comme moi». elle a pas-sé une année entière en quête d’un travail sans jamais perdre l’espoir. «Tout me poussait à quitter, surtout que la guerre de juillet a éclaté une semaine après l’obtention de mon diplôme. Je voyais noir, la dépres-sion pointait du nez, mais pour moi ce n’était pas une décision facile». roula savoure sa vie au Liban: «Bien que mon salaire ne soit pas une fortune, je suis bien, et le fait de me retrouver parmi les miens et de sortir avec mes copains pour prendre un café après le boulot, m’est amplement suffisant. Mon frère et ma soeur travaillent dur et souffrent de solitude et de nostal-gie. Je le vois dans leurs regards à chaque fois qu’ils rentrent au pays pour profiter de ces quelques jours de vacances qu’ils méritent bien. Le Liban pour eux c’est le paradis, et ils m’envient parce que moi, je m’y réveille chaque matin», relève-t-elle avec fierté.

La cellule familiale Une des raisons qui empêchent les jeunes Libanais de quitter le Liban ce sont les enfants. Ce sujet consti-tue un argument fort pour les jeunes couples qui vivent au Liban, car ils désirent élever leurs enfants au Li-ban afin de leur inculquer les «va-leurs» du pays et pour qu’ils gar-dent une «mentalité orientale». m. Ghassan Antoun, 35 ans, vit avec sa femme et ses deux filles à Ashra-fieh, où il a ouvert un supermarché avec son cousin depuis quatre ans. «ma femme, à l’époque, n’était pas contente de ma décision, et voulait que je tente ma chance au Canada au lieu d’investir au Liban», explique Ghassan qui renchérit: «De plus, la situation économique du pays était rien moins que rassurante». mais l’une des principales raisons qui l’a poussé à rester dans son pays natal est l’éducation de ses enfants. ne voulant pas que leurs deux filles

grandissent dans un environnement qui n’est pas le leur, Ghassan et sa femme ont préféré les élever dans un milieu où la cellule familiale et les valeurs traditionnelles restent, malgré tout, en vigueur.

Pas si facile de vivre ailleursmême si les facilités à l’étranger sont incomparables (pension de re-traite assurée, prise en charge mé-dicale de qualité et frais de scola-rité modérés), cela ne veut pas dire pour autant que le mode de vie est aisé. «A les voir se démener pour plier bagages et partir, on dirait que l’exil est l’idéal du bonheur pour ces jeunes enthousiastes à quitter le Liban», s’exclame naji Haddad, 34 ans, chirurgien dentiste. marié de-puis seulement cinq mois, naji par-le d’un volet très rarement abordé, qui est le problème du logement et des tarifs des transports à l’étran-ger. Selon lui, il ne peut se faire à l’idée de vivre «dans une boîte de conserve» alors qu’il est habitué à son appartement spacieux, ou payer 20 à 30 euros à chaque fois qu’il prend un taxi. «Au Liban, je me sens chez moi. J’ai une voiture et deux maisons, une en ville pour l’hiver, l’autre à la montagne pour l’été. Je sors dans les boîtes de nuits les plus en vogue à Beyrouth, je dîne dans les meilleurs restaurants… C’est un luxe que je ne peux pas me permet-tre en France, par exemple, et c’est mon travail ici qui me permet de vi-vre aussi bien». naji avoue que lorsqu’il est en voyage, il a le mal du pays et il ne se repose qu’à son retour à sa mai-son. «Dans la rue, je salue tout le monde et tous les locataires dans mon immeuble me connaissent et connaissent ma femme, et je ne de-mande rien de plus», affirme-t-il.

La conclusion? Cette douceur et cette joie de vivre existent bel et bien au Liban. Les Libanais ont développé un pouvoir d’adaptation surprenant, malgré – ou à cause – des crises persistantes. même main-tenant, alors que la tension persiste, les jeunes continuent de vivre avec un certain optimisme très touchant. L’autodérision leur permet de rela-

tiviser, et ils ont appris à vivre au jour le jour, sans rien planifier, ce qui est à la fois un charme et un dé-faut.Les jeunes au Liban ne sont pas tous déprimés, comme on le répète très souvent. ils ne se sentent pas tous forcés de rester dans leur pays à défaut d’un autre passeport ou par obligation familiale. ils ne vivent pas leur vie au Liban comme une

punition. ils ont fait un choix dont ils sont convaincus, et ce choix re-flète une étonnante douceur de vi-vre, loin de l’image qu’on peut s’en faire: il fait si bon vivre au Liban!Une jolie phrase de nadine illustre parfaitement ce sentiment: «Je crois que si l’art au Liban ne fait pas vi-vre, en tout cas, vivre au Liban est tout un art…»

Jacqueline saadeh

Libanais au Liban ou étranger à l’étranger?Le courage de revenir

on parle souvent des jeunes qui partent pour un avenir meilleur, des jeunes qui veulent quitter le pays mais ne le peuvent pas, des jeunes qui décident de rester etc. Qu’en est-il des jeunes qui reviennent?

Ceux-là qu’on traite de fous, d’inconscients, d’imbéciles pour être rentrés vivre au Liban, à l’ombre d’une situation économique mé-diocre, d’un milieu politique corrompu et un milieu professionnel transformé en héritages familiaux.non, ces jeunes qui rentrent après avoir suivi des études à l’étranger n’ont pas perdu la raison. maya, à titre d’exemple, dit être partie dans l’optique de rentrer. elle n’a jamais pu imaginer sa vie ailleurs qu’au Liban. elle ne s’est pas limitée à son imagination: pendant ses sept années de vie en France, elle a appris à vivre avec et comme les Français. Cette vie-là s’est avérée être loin de celle vers laquelle elle aspirait! Celle qu’elle préfère mener auprès de sa famille, de ses amis, dans sa maison. Cela peut sembler ridicule, mais la vie loin des montagnes du Liban, du soleil du Liban et de la côte libanaise a accentué son désir de retourner. et puis, nombreux sont ceux qui quittent. il faut bien que quelqu’un rentre!roger, lui, n’a pas choisi de rentrer. il s’est trouvé dans l’obligation de rejoindre les siens au Liban suite au décès de son père, ne pou-vant laisser sa mère et sa sœur vivre toutes seules. Habib, quant à lui, est également rentré vivre auprès de sa mère et de sa sœur. mais lui avait le choix. Vivant dans une famille relativement «aisée» du point de vue économique et ayant achevé ses études supérieures en europe, il est revenu. omar a essayé de résister au désir de rentrer, mais c’était plus fort que lui. Son attachement à sa famille, ses amis et surtout ses racines l’ont poussé à rentrer. C’est surtout le besoin de se sentir «chez lui» qui l’a ramené au pays, lui qui était un «étran-ger» à l’étranger!

on a beau essayé de chercher à faire carrière à l’étranger, à y faire fortune, à y suivre les règles, à en respecter les lois, il n’en demeure pas moins que dès que la première occasion se présente, on s’achar-ne à réserver un billet d’avion, à saisir la moindre chance de revenir auprès des proches, que ce soit pour des semaines de vacances ou même pour un court passage au Liban. L’importance de la vie de famille, des amis, du «chez soi» ne peut être ignoré comme une cer-taine soif d’un retour aux sources.

Carole Wakim

DoSSier JeUneS

Page 8: Dossier Jeunes - USJ

8

Samedi 9 Août 2008

Jeunes et chefs d’entreprisesRelever le pari d’innover malgré tout

A entendre certains, les jeunes libanais vivant au Liban seraient une espèce en voie de disparition, menacée sans cesse par le chômage et l’émigration. Pourtant, il y en a qui ne se laissent pas abattre

par la morosité ambiante, qui ne sont pas séduits par les sirènes du Golfe et qui ont choisit de réaliser ici leurs rêves de succès et de fortune.

Le proverbial esprit d’initiative des Liba-nais fait encore ses preuves. ils sont jeu-nes, dynamiques, pleins d’idées et n’ont

pas peur de prendre des risques. Certains ont derrière eux quelques années d’expérience mais il y a aussi ceux qui se jettent à l’eau dès la sortie de l’université. il faut dire que la position d’em-ployé ne séduit plus beaucoup: peu de satisfac-tion personnelle, la précarité est courante et sur-tout, les salaires sont bas. Une grande partie des jeunes chefs d’entreprises interrogés estiment qu’être employé ne vaut tout simplement pas la peine. même travailler au Koweït ou à Dubaï perd de l’attrait maintenant que la vie y devient très chère.

Comment réussir son pari?Pourtant, réussir au Liban est un pari qui fait peur et que tous n’osent pas relever. Jihad Bitar (33 ans) considère que l’émigration est une so-lution de facilité. Lui ne s’est pas laissé décou-rager. «Tout le monde m’a conseillé d’accepter l’une des nombreuses propositions que j’avais reçues pour l’étranger mais j’ai choisi de rester au Liban», précise-t-il. il y a ouvert en 2004 une société d’analyse des medias. Comment réussir son pari? Pour Cynthia raffoul (26 ans), créatrice de bijoux, la question ne se pose pas: «C’est dans ma nature, je ne pouvais pas rester employée. J’ai besoin de prouver que je peux réaliser des choses, il faut avoir confian-ce en soi». «Pour réussir, il faut surtout des contacts» ajoute Georges mohasseb (35 ans), qui a fondé un bu-reau d’architecture, «et bien sûr les ressources financières aident énormément». Ceux qui veu-lent réussir trouveront toujours un moyen de réa-liser leurs ambitions. elie Chaaya, co-fondateur d’edulab, une société spécialisée dans le déve-loppement de logiciels éducatifs, n’a pas hésité à mettre les bouchées doubles. A 28 ans, alors qu’il était encore employé, il travaillait en paral-lèle sur son propre projet. Il a ensuite bénéficié du soutien de Berytech pour lancer son entre-prise mais ce n’est que deux ans plus tard qu’il a quitté son emploi, après que edulab a remporté

le premier prix de la miT Business Plan Com-petition 2007. Les débuts sont souvent difficiles mais l’audace et la persévérance portent leurs fruits. Le principal investissement de ces jeunes entrepreneurs, c’est leur matière grise, mise à profit, entre autres, dans l’informatique et tous les domaines de la création. Des secteurs privi-légiés au Liban.

Peu d’encouragements publics et tout se joue hors des frontières

Choisir de travailler ici a ses inconvénients: l’ins-tabilité politique et sécuritaire bien évidemment, ainsi que les tarifs des télécommunications qui restent relativement élevés. Jihad ajoute qu’il faudrait que le gouvernement encourage plus l’entreprenariat. monter une société coûte cher et le processus administratif est assez long. mais il y a aussi des avantages: plusieurs des person-nes interrogées mettent en évidence la qualité de vie, bien plus agréable que dans le Golfe ou en europe. et puis, bien sûr, les frais de location des bureaux et les salaires des employés sont en général beaucoup plus bas qu’ailleurs et on y trouve des professionnels tout aussi qualifiés.

mais même pour les sociétés basées au Liban, et quel que soit le secteur concerné, le gros du mar-ché est dans le Golfe ou l’Afrique du nord. mal-gré la distance géographique, les déplacements fréquents entre Beyrouth et les pays arabes ne sont plus un problème maintenant que de plus en plus de compagnies aériennes proposent des vols quotidiens à bas prix. La portée de ces jeunes sociétés libanaises dépasse donc les frontières du pays. Tous les clients de Georges, par exem-ple, sont à l’étranger. Pour pouvoir exporter, les chefs d’entreprises font fonctionner les réseaux de la diaspora libanaise. Ainsi, ils arrivent quand même à profiter de la manne des pays arabes.

Paradoxalement, c’est au Liban que les produits locaux sont moins appréciés. «il faut faire ses preuves à l’extérieur avant de pouvoir conquérir le marché libanais», relève Cynthia. Georges est du même avis: «Les gens oublient la fierté na-tionale, heureusement ça commence à changer». Pourtant le Liban gagnerait vraiment à reconnaî-tre ses talents car ces jeunes sont les leaders de demain.

Nada Akl

G. Mohasseb: «Pour réussir, il faut surtout des contacts». Jihad Bitar: «L’emigration est une solution de facilité».

DoSSier JeUneS

Page 9: Dossier Jeunes - USJ

9

Samedi 9 Août 2008

Aloès Arborescens La «plante miracle» du père Romano Zago

A l’heure où une équipe de chercheurs américains vient de mettre au point un traitement à base de plantes capable de créer des réactions immunitaires dans certains cas de cancers (sans pour autant affirmer à ce stade la garantie d’une totale guérison), les plantes et leurs vertus thérapeutiques nous rappellent que Dame nature n’est pas absente dans le combat contre le cancer.

Le père Zago, lui, croit fermement dans les ca-pacités curatrices de

l’Aloès Arborescens. espoir infondé émis par quelque ho-méopathe, herboriste ou thau-maturge? eléments de réponse. il était une fois au Brésil un jeu-ne homme répondant au nom de romano Zago qui, dès sa plus tendre enfance, entendait parler d’une plante, l’aloès, qui guérit la maladie du siècle. Après être entré dans les ordres, il devint père Franciscain et par la suite professeur de Philosophie au couvent Saint Sauveur de Jé-rusalem. il initia aussitôt des recherches sur la plante mys-térieuse qui existe abondam-ment à Jérusalem. L’Aloès est une plante des contrées chaudes, de la famille des succulen-tes. Le genre aloès comporte 400 espèces, dont l’Aloès Arborescens proche cousine de l’Aloès Vera, vedette de l’industrie du bien être. Les feuilles de cette plante magique contiennent un suc gélatineux, riche en vitamines, enzymes, sels minéraux et d’infinies molécules mystérieuses.

La reine des plantes médicinales Depuis l’origine des civilisations, l’Aloès Arbo-rescens est connue pour ses propriétés curatives. Les contes mythiques, les témoignages, et la ru-meur publique ont valu à cette plante son patro-nyme: la reine des plantes médicinales.Aloès, nom d’origine hébreu «Allal» ou arabe «alloch», signifie amer. Les premières traces de son utilisation figurent sur des plaques sumé-riennes en mésopotamie. Le premier document louant sa valeur thérapeutique figure dans un papyrus égyptien datant de 1500 ans avant J-C.Jusqu’à présent, l’Aloès Arborescens, ou «plan-

te de l’immortalité» chez les anciens pharaons, entoure les pyramides et orne les bords des routes conduisant à la val-lée des rois. La civilisation grecque en a bien pressenti les effets puisque Hippocrate et Théophraste en parlent. Le christianisme accorde à l’Aloès une grande considération. myr-rhe et Aloès furent ainsi utili-sés pour soustraire le corps du Christ des miasmes de la désin-tégration. Dans le chapitre 19 de l’evangile selon Saint Jean on peut lire: «nicodème – celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus – vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, d’envi-ron cent livres» Connu sous le nom de guérisseur silencieux,

l’Aloès est utilisé dans la médecine ayurvédique indienne. Chez les indiens d’Amérique, l’Aloès est connu sous le nom de «médecin céleste».C’est Christophe Colomb qui l’a nommé «le mé-decin en pot» après avoir soigné les marins de la «Santa maria». Pendant son voyage vers le nou-veau monde, il écrit dans son journal: «Todo est à bien, hay aloe a bordo» («Tout va bien, il y a de l’Aloès à bord»).Les pères jésuites portugais et espagnols l’ont cultivé dans les colonies en Amérique, en Afri-que et en extrême orient, en l’appelant «l’arbre de Jésus». Au Japon, l’Aloès Arborescens est connu sous le nom de «la plante qui guérit tout». Actuellement, on nomme cette plante «le docteur vert». en italie, on la désigne par «farmacia» ou la pharmacie.

Le miracle du père Zago et de l’AloèsPour en revenir au père romano Zago, ses re-cherches sur la plante aloès lui permirent de

prendre en charge des malades. Ses premiers pa-tients furent des cancéreux en phase finale, tous congédiés de l’hôpital vers leur lit de mort.Son premier cas, en 1994, fut un septuagénaire souffrant d’un cancer de la prostate en phase ultime. Le père Zago est alors appelé pour lui administrer les derniers sacrements. Après quoi, Zago, armé d’une bonne dose de sa potion, pro-pose au mourant le traitement. Six ans plus tard, le mourant est devenu octogénaire!C’était le début de la notoriété du père Fran-ciscain. Quatre ans plus tard, en 1998, le père Zago expose son expérience auprès de 14 000 patients, éditant son fameux livre «Du cancer, on peut guérir» (édition Adle-Padoue, italie). A sa 25éme édition, ce livre riche en témoigna-ges, décrit le processus miraculeux du père et affirme que l’échec est inférieur à 20 %, unique-ment si la cure est abandonnée avant la dispari-tion totale de la tumeur.Le père Zago relate des guérisons de différents types de cancer: prostate, utérus, intestin, foie, cerveau, peau, rein, poumon, leucémie … mais le père Zago n’incite personne à croire sans ré-fléchir et souhaite que personne ne réfute les faits sans argumenter. n’oublions pas Aristote qui a dit un jour: «L’ignorant affirme, le sage doute, le savant se tait».

saïd Hanna

L’Aloès, une plante des contrées chaudes, de la famille des succulentes.

La recette miracle: Aloès, miel, alcool.

SAnTé

Page 10: Dossier Jeunes - USJ

10

Samedi 9 Août 2008

TechnologieLes «digital natives» libanais

Différentes études consta-tent en effet que les en-fants commencent de plus

en plus jeunes à s’accoutumer aux produits technologiques. Si la té-lévision et les ordinateurs sont les premiers produits auxquels les jeunes s’intéressent, les radios et les lecteurs portables viennent en deuxième position. Les enfants sont alors attirés par les gadgets les plus récents et les plus puissants, comme le sont leurs parents, bien qu’ils préfèrent les gadgets qui leur sont desti-nés, tels que les appareils photos numériques pour enfants. Deux attitudes pourraient être ob-servées chez les enfants vis-à-vis de la technolo-gie: une attitude positive qui se manifesterait par un éveil précoce, une culture générale de plus en plus approfondie et l’évolution de l’enfant avec son siècle; ou une forme de jalousie entre les en-fants du fait de l’acquisition des dernières tech-nologies par les uns et le manque de moyens fi-nanciers chez les autres. Les deux attitudes types vis-à-vis de la technologie et l’accès rapide des enfants à la technologie font désormais contro-verse et implique psychologues, sociologues, as-sistantes sociales ainsi que les parents, les mères en particulier. illustrations.

Socialisation ralentie mais intelligence plus vive

Selon la sociologue randa Hajj, la technologie a mené les enfants sur la voie de la solitude parce qu’il ne s’agit plus de jouer avec d’autres enfants mais de s’asseoir figé devant l’ordinateur ou la ’play station’. «La socialisation de l’enfant est ralentie, précise-t-elle. mais nous nous trouvons plutôt face à une communication entre l’enfant et une machine inerte». La communication ver-bale s’estompe de la vie de l’enfant.Cependant, la psychologue Mirna Awad affirme

que l’accès des enfants à la technologie a per-mis à ces derniers d’accroître leur intelligence et leur perception des choses. «Les enfants, dès leur jeune âge, s’exposent à la technologie grâce au développement des jouets électroniques, sou-ligne-t-elle. Aujourd’hui, il s’agit des ’play sta-tion’ avec des CDs de football ou de karaoké, le ’game boy’, l’ipod, le PSP (’play station’ porta-ble,…. D’où leur intelligence supérieure à celle des autres enfants de leur âge qui ne sont pas intégrés dans cette révolution technologique». «On ne peut plus contrôler les enfants, affirme de son côté maya Khalil, assistante sociale. Au fur et à mesure qu’ils s’exposent à la technolo-gie, ils ne deviennent plus innocents. Je travaille comme institutrice dans une école privée, je lis des histoires aux enfants, et je sens, à travers leurs réponses, une certaine autonomie chez eux. Les enfants ne vivent plus leur âge. D’où la théo-rie de l’enfant-adulte».

Et les mères se démènent…Les mamans sont elles aussi concernées par ce débat. marcel najjar (5 ans) passe son temps de-vant l’ordinateur à jouer à «Thomas and Friends». Sa mère, Grâce, raconte: «marcel ne peut pas me voir assise devant l’écran d’un ordinateur sans qu’il ne vienne près de moi demander comment utiliser chaque document. il adore rentrer sur le

site de ’Thomas and Friends’: il s’agit d’un site web où l’enfant peut manipuler les mouvements de Thomas afin de conquérir la fo-rêt». Son professeur en classe res-sent une supériorité au niveau de son degré d’intelligence par rap-port aux autres élèves. «il perçoit les choses différemment avec plus de spontanéité», déclare Grâce. Doris mina se plaint, elle, de la technologie car le fait que sa fille Laura (13 ans) soit installée devant

l’ordinateur engendre chez elle une faiblesse physique. «Le sport ne l’intéresse pas, précise-t-elle. Jouer dans le jardin, jamais. Courir et jouer à cache-cache, elle déteste. Dès que Laura rentre de l’école, elle s’installe devant son ordinateur pour consulter ses courriers électroniques et ren-trer sur ’Facebook’. Quand ses amies viennent chez elle, elles ferment la porte de la chambre et commencent à chanter Karaoké ou encore à écouter de la musique sur leur ’ipod’». il y a deux ans, Laura a demandé comme cadeau un téléphone portable parce que des filles de sa classe ont déjà le leur. Doris estime que c’est une bonne idée car cela lui permet de joindre sa fille et d’être ainsi au courant de ses déplacements. mais Doris se plaint aussi de cette révolution technologique chez les enfants car sa fille aimait lire. L’internet a bouleversé la donne. elle ne sait plus faire ses devoirs sans avoir recours à inter-net. C’est son monde préféré. nos enfants sont happés par ce monde technolo-gique. Si les enfants ont perdu de leur innocence d’antan, faut-il pour autant les laisser sans crier gare se métamorphoser en robots? Que seront nos sociétés demain si la seule ambition sociale et ludique de ces enfants, leur unique plaisir, est d’appuyer sur des boutons et de regarder un écran?

sandy Issa

Une nouvelle génération entre en scène. Les «digital natives» délaissent les jeux de l’enfance pour la fascination du numérique. Faut-il s’en inquiéter? Kalam fait le point.

SoCiéTé

Page 11: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

Pas facile de faire parler ce jeune féru d’in-formatique. Pourquoi est-il si réticent à parler de lui? «mes amis vont penser que

je frime», répond-il modestement. Enfin à l’aise, marc Zaynoun nous explique qu’il est accro d’in-formatique depuis juillet 2006. «J’avais 11 ans quand la guerre avec israël a éclaté, précise-t-il. Je ne pouvais sortir de la maison et je m’en-nuyais. J’ai alors demandé à mon père de m’offrir un laptop et l’ADSL». et voilà le garçon qui se branche à un monde numérique bien plus atti-rant. Le grand voyage s’amorce et s’entrecoupe de plusieurs escales: le chat, les jeux vidéos, les films, le programme C++ à travers lequel se fait la création de programmes etc. Aucun rouage d’internet n’échappe à notre jeune surfeur. mais sans plus tarder, destination ’’Graphic Design’’, son domaine de prédilection. Un peu avec honte, marc nous apprend qu’il a «cracké», un program-me d’art graphique, il l’a piraté. «Ce programme coûtait trop cher: 5000$», indique-t-il pour se justifier. Le voyage risque de durer bien long-temps et les parents de marc veulent réguler son parcours. en vain. Cet été-là, «mr Geek» voguait toutes les nuits de 23h à 6h en créant des modèles de paysages et des personnages en 3D.

Le Web changea sa vie«Un jour, en faisant des recherches, j’apprends qu’une grande société américaine de jeux vidéos offrait des cours à travers le Web aux plus talen-tueux, à ceux qui lui présenteraient des projets les plus valables», souligne marc. Le tout jeune garçon n’allait pas louper une si bonne occasion, et à sa grande joie, il figure quelque temps plus tard parmi les 10 personnes sélectionnées. «mes neuf ’camarades de classe’ étaient tous adultes et habitaient chacun aux etats-Unis. nous commu-niquions avec notre prof et entre nous grâce à la webcam», précise-t-il. Combien de temps a duré cette formation? «Deux mois à raison de deux heures par jour», à l’issue desquels le petit marc a cru que la société allait vite acquiescer à sa de-mande d’embauche. manque de chance, l’entre-prise apprend que le requérant a tout juste 11 ans et estime qu’il n’est pas qualifié pour lui créer un design de jeux vidéos.C’était sans compter avec la détermination du pe-tit marc. «Je me tourne alors, sans révéler cette

fois mon âge, vers Sony USA, le publisher de la société», indique-t-il. Celui-ci contacte l’entre-prise de jeux vidéos et notre designer en herbe se voit décrocher un contrat pour trois ans, venant à expiration en 2009! il nous révèle qu’il a déjà réalisé huit projets. est-il bien payé? «Je ne peux pas le dire», rougit-il. Le jeune designer avoue qu’au tout début, il avait refusé d’encaisser parce qu’il considérait ses activités comme un divertis-

sement. mais ladite société l’a récompensé en lui envoyant un iPhone, un XBox et un 360. Actuellement, voyant que la réalisation d’une explosion simulée ou d’un background ou d’un animal exige beaucoup d’efforts, il reçoit avec plaisir un traitement réglé à travers Paypal. «mais le compte est ’online’, et la banque ne peut me le transférer du moment que je n’ai pas un compte dans une banque américaine» regrette marc qui peut, en revanche, avec ces montants acheter des marchandises en ligne.

Plaisir ou cyberdépendance?Combien de temps nécessite chaque projet de de-sign? «environ quatre mois à raison de 3 h de travail journalier», indique-t-il. Cela laisse-t-il du temps à un élève de 4ème pour faire ses devoirs? «Absolument pas, c’est pour cela que je pense parfois arrêter tout cela, mais je n’y arrive pas. Ce qui est génial dans mon occupation, c’est que je m’amuse et en en même temps je gagne beaucoup d’argent. A l’école, je m’ennuie et je ne gagne pas un rond!», relève-t-il avec perspicacité. marc est pourtant conscient qu’il ne lui faut plus bâcler ses cours, car la société pour laquelle il travaille s’est engagée à lui payer les frais de ses études à la «School of Graphic design of Boston» à condi-tion qu’il obtienne son baccalauréat.Coté amis, marc n’en voit plus aucun. Quant au sport «il ne me manque pas puisque je n’en ai jamais fait». mais, il s’est mis dernièrement à la guitare et son professeur se demande comment coordonner sa méthode d’enseignement avec cel-le d’internet à laquelle a recours le jeune homme tant féru de technologie.Cette cyberdépendance n’occasionne-t-elle pas des rencontres qui peuvent être dangereuses? «Si, parfois, mais je suis assez éveillé pour arrêter net des mauvaises interférences.» en parle t-il à ses parents? «il y a un mois, j’ai fait une rencontre de drogue sur le réseau. J’y ai coupé court et j’en ai tout de suite informé mes parents qui m’ont féli-cité de ne pas leur avoir caché cela», déclare-t-il. Ses parents ne préfèrent-ils pas qu’il sorte de ce monde fictif? «Certainement. A chaque fois qu’ils me le demandent, je range mon laptop et le rou-vre dès qu’ils sont sortis», souligne en riant marc, décidément irréductible.

Claude Assaf

Designer de jeux vidéo à 13 ansSacré Marc!

Ce garçon a tout d’un «geek», sauf son apparence. Son regard timide, mais aussi espiègle et farfouilleur, est pétillant. A chaque trouvaille qu’il réalise à travers la Toile, ses yeux s’allument encore davantage.

Chaque projet nécessite 4 mois de travail à raison de 3 heures par jour.

Marc Zaynoun, un jeune designer plein d’avenir.

SoCiéTé

11

Page 12: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

Réchauffement climatique Menace sur la biodiversité libanaise

Défenseurs de la nature et organisations internationales tirent la sonnette d’alarme: l’équilibre de la bio-diversité libanaise et la situation démographique sont menacés. Est-il déjà trop tard?

Le déboisement sauvage des montagnes et l’absence de végétations côtières cè-dent la place au béton anarchique. Les

côtes désertées par les cultures se transforment en centres balnéaires ou en marinas. Les incen-dies dévastent des régions, les eaux usées sont déversées dans la mer, les ordures sont enfouies dans la terre, d’autres amoncelées à l’air libre, les usines industrielles déversent dans la nature leur gaz ou leurs produits chimiques. et l’éro-sion se met de la partie pour emporter le reste de terre dévêtue. A la merci des rares pluies et des vents, le sol se trouve dénudé. La lente montée des eaux qui en résulte menace d’immersion cer-taines régions côtières.

Notre patrimoine naturel est menacéCes changements mettent en péril l’écosystème au Liban, menacent de disparition certaines de ses espèces, et augmentent la pollution de l’eau potable. Le fléau «atmosphérique» atteint certai-nes régions du pays et en perturbe l’équilibre. L’île des Palmiers, au large de Tripoli, est sou-vent engloutie sous les flots, et les marécages de Ammik, dans la Békaa, sont desséchés. il s’agit là de l’une des richesses de notre patrimoine qui en péril. en outre, les oiseaux migrateurs perdent parfois leur chemin du fait qu’ils se trouvent sans aires de repos ou repères d’eau pendant leur traversée des continents. Les «Waters Lilies» de l’île des Palmiers, fleurs endémiques menacées par la marée noire de la guerre de juillet 2006, sont menacées de disparition par le phénomène de réchauffement. idem pour les tortues de l’île et les dunes de Tyr.La surface côtière au Liban s’étale sur plus de 210 km et représente 8% de la superficie gé-nérale. Elle comprend 33% de l’espace bâti et abrite 55% de la population du pays, selon une étude exécutée en 2004 par la SDATL (schéma Directeur d’Aménagement du Territoire Liba-nais). L’aire côtière, où se concentrent le plus de richesses, s’avère la plus sensible du pays. Cette région regroupe une forte concentration indus-trielle et commerciale, ainsi que de nombreuses villes.Tout au long de la côte se succèdent, à moins de 500 mètres d’intervalle, des activités urbai-

nes qui occupent plus de 40% du bord de mer. L’agriculture couvre 41% de la côte, et le reste, soit 19 % uniquement, comprend la nature, les dunes, les plages etc., selon un rapport du minis-tère de l’environnement, datant de 2003.Des centaines d’espèces de phytoplanctons mé-diterranéens, d’algues, de lichens, de champi-gnons, de phanérogames, de zooplanctons et de benthos, auxquels s’ajoutent les 357 variétés de poissons, les 21 de céphalopodes et les 4 genres de tortues ainsi que les 6 mammaires marines répertoriées, toujours par le ministère de l’en-vironnement en 2002, sont menacés de dispari-tion. Bon nombre, de ses multiples êtres rares trouvent leur origine dans la mer morte ou dans l’océan Pacifico- Indien. Parmi ces familles, le Stypopodium, algue endémique de couleur mar-ron dont la zone a été identifiée au Liban. S’il venait à disparaître, cela constituerait une réelle menace pour la biodiversité marine.La perturbation de la zone côtière du fait de la construction de marinas et d’immenses comple-xes touristiques, du déversement des eaux usées

non traitées et des effets néfastes de l’agriculture pratiquée en dehors du protocole de «l’environ-nemental impact Assessment» (eiA), multiplie les menaces de disparition de ces espèces uni-ques.

L’arrière-pays renferme des trésors dont la disparition semble inéluctable

Les conifères, arbres endémiques au Liban, me-nacés de disparition par le réchauffement de la terre ne sont pas les seuls menacés mais avec eux toute une chaîne alimentaire, faune et flore qui en dépendent. Ainsi, la hyène, un animal de plus en plus rare, risque de disparaître et de sui-vre l’ours des régions forestières montagneuses qui a déjà disparu.Les terres de l’arrière pays renferment aussi des espèces végétales endémiques dont la disparition se répercute sur la vie d’autres espèces, vitales dans la chaîne alimentaire globale de la bios-phère. Des papillons, des insectes, des oiseaux qu’abrite notre terroir, déjà rares, s’avèrent menacés par les effets du réchauffement. Les

Les marécages de Ammiq et de Anjar dans la Békaa, un important écosystème pour les oiseaux migrateurs renfermant arbres et plantes spécifiques à ces marécages.

enVironnemenT

12

Page 13: Dossier Jeunes - USJ

13

Samedi 9 Août 2008

oiseaux migrateurs, qui se posent annuellement, risquent de périr en l’absence de quoi se nourrir et se désaltérer.De Tyr à Tripoli, toutes nos villes principales sont menacées, sans parler des îles de Palmiers avec toutes les plantes endémiques qu’elles compor-tent et les mammifères qu’elles protègent. Avec les exceptionnelles tortues qui pondent leurs œufs sur les dunes de sable fin, de Tyr ou de Tri-poli. Les «Waters Lilies» protégées de justesse après la marée noire de la guerre de juillet 2006, se trouvent menacées par le réchauffement.

Protéger la nature pour protéger la vieLe respect de la nature est une priorité pour la conservation de la vie humaine, végétale et ani-male. Au Liban, l’etat, la société civile et les in-dividus prennent peu à peu conscience du phé-nomène et commencent à mettre en œuvre des mesures efficaces pour la protection de la nature. Des réserves naturelles protégées s’étendent. Certaines d’entre elles comportent des riches-ses formées d’un mixage de différentes forêts de chênes et de pins endémiques, un cachet spéci-fique de l’écosystème méditerranéen. Ces réser-ves constituent cependant des efforts minimes, compte tenu de l’ampleur du problème. il est de-venu vital de stimuler une prise de conscience au niveau de la population, sensibiliser la jeunesse, créer un réflexe de protection de la nature. Prô-ner le respect de l’environnement dans les ma-nuels scolaires d’éducation civique constitue une nécessité. «il vaut mieux prévenir que guérir», souligne le dicton populaire. A plus forte raison lorsque guérir s’avère impossible, car avec la na-ture les erreurs s’avèrent fatales.

M.Th. Zouein Tabet

Le combat d’Elsa SattoutUn engagement exemplaire

Dimanche après-midi, Elsa s’engouffre dans la forêt pour veiller sur les travaux de nettoyage des sous-bois de Aïn Joya,

sur les hauteurs du Ftouh-Kesrouan.

Diplômée en agronomie de l’université de Kaslik, après deux ans de travaux en pépi-nière, elsa Sattout se décou-vre un penchant pour l’en-vironnement. elle quitte le Liban et poursuit ses études en Crête, où elle se spécialise dans les produits naturels, la conservation et la gestion du-rable de la biodiversité. ori-ginaire de Tripoli, elle traite son sujet de mémoire au Li-ban. elsa prospecte la forêt d’ehden, sous l’œil vigilant de son directeur de recher-che en Grèce, un Anglais, fin connaisseur de la biodiversité régionale, en collaboration avec son co-directeur, cher-cheur à l’Université amé-ricaine de Beyrouth. Partie pour Angleterre, elle effectue des études pour identifier les différentes plantes collectées dans la forêt et rédiger leur nomenclature.De retour au Liban, elsa s’implique dans le projet du Fond Global pour l’envi-ronnement. Avec le GeFF (Global environment Faci-lity Fund) qui finance le pro-jet des réserves naturelles, à travers un des programmes des nations Unis responsable de la biodiversité au Liban, elle s’acharne à la protec-tion de l’environnement. Cet organisme dévoile que des espèces indispensables au maintien de la biodiversité, nécessaires à la protection de la faune et de la flore, es-sentielles à la vie humaine, sont en voie de disparition au Liban. le Liban renferme un

trésor caractéristique, végétal et animal, qui est menacé par le réchauffement climatique de la planète, ce qui risque de perturber l’écosystème, avec des conséquences dépassant les frontières. Les conifères, endémiques au pays, ne pous-sent pas au-delà de nos monts, dernier abri au sud de la terre où ils prolifèrent. La chaleur risque de les voir périr, pro-voquant une modification de l’atmosphère.De plus en plus, nous assistons à la désertification des flancs, transformés en zones ari-des, exposés à l’érosion, à la merci des vents et des pluies, déjà rares. Avec une roche à découvert, aucune agriculture n’est possible. La population rurale déserte les villages et vient accroître le chômage et la densité de population dans les zones urbaines. en contact continu avec la na-ture, à l’école déjà, elsa intè-gre le groupe des amis de la

nature. «Je ne dis pas que je travaille pour la nature, mais je sers la nature» confie Elsa. «C’est quelque chose qui me relie à Dieu, si je veux penser philosophiquement. malgré toutes les contraintes aux-quelles je fais face au travail, je me bats pour la protection du milieu et je recherche des jeunes vraiment engagés pour m’aider à soutenir notre ac-tion». elle ajoute avec ferveur et humilité: «Prendre soin de ce que ’Le Père’ à créer, telle est ma croyance». et elsa de préciser qu’elle a refusé «sans regrets» une of-fre reçue pour l’Angleterre. «Je suis engagée dans la bio-diversité de mon pays», sou-ligne-t-elle avec un sourire authentique. Le reboisement, l’arrêt de constructions sau-vages et la protection de la nature aident à éviter le dan-ger qui guette au quotidien, affirme-t-elle.

M.Th. Zouein Tabet

Elsa Sattout confie son engagement pour la défense de l’environnement à notre collaboratrice M.Th. Z.Tabet

Les «Waters Lilies» espèce en voie de disparition au large de l’île des palmiers et de Tyr

enVironnemenT

Page 14: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

Le compostage rapideUne technique avant-gardiste

Face à l’accroissement des déchets domestiques et industriels, une technologie innovante,le traitement des ordures par compostage rapide «from waste to bread», a été mis au point

par un ingénieur libanais, Ziad Abi Chaker.

L’adoption dans certaines régions libanaises de cet-te technique fondée sur le

concept de «zero waste» tend à éviter le dégagement d’odeurs mal-saines, à empêcher la propagation des épidémies et à faire usage de nos déchets organiques en un temps record, dans un espace restreint et à la portée de tous. Ce procédé commence à s’étendre aux zones rurales et mêmes urbaines. en ef-fet, Ziad Abi Chaker indique que «très prochainement, Byblos dispo-sera de dix machines pour absorber les détritus quotidiens de la ville. Cette installation représentera le plus grand site de recyclage sur les bords de la méditerranée avec ses quatre-vingt tonnes de déchets par jour». Avec le système de compost rapide, 1000 m2 suffisent à traiter six à douze tonnes de déchets à rai-son de 8 heures par jour. «Au ni-veau du coût, il faut compter 3200 dollars par mois pour recycler les déchets d’une communauté de 12 000 personnes, ce qui revient à 400 livres libanaises par personne et par mois de frais d’installation et de fonctionnement d’une usine», in-dique Abi Chaker qui précise que 4000 tonnes d’ordures sont produi-tes quotidiennement au Liban.

Quand science et impératif écologique se rejoignent

C’est en 1993 qu’une équipe de qua-tre chercheurs de l’Université ru-tgers, dans le new Jersey, conduite par m. Abi Chaker met au point une technique de traitement des déchets ménagers appelée «Compostage rapide». Les études montrent que les déchets ménagers sont consti-tués à 80% de matières organiques, donc d’eau. La technique en ques-

tion met en œuvre des enzymes qui transforment naturellement les dé-tritus en compost hautement fertile (Voir encadré). m. Abi Chaker ne tarde pas à obtenir un brevet d’in-vention au Liban. en 1999, il fonde l’association «Cedar environmen-tal» et inaugure sa première usine de compostage rapide à nabatyeh, au Liban sud. Ces machines à com-post, produites dans la région de Abou mizan dans le Kesrouan, Abi Chaker réussit à en installer dans onze régions libanaises. Garantie à vie, ces machines sont exportées en Turquie, en Arabie Saoudite, en attendant de s’étendre à l’ensemble du moyen-orient.

Entre ciel et terre, l’usine de compostage rapide

Ziad Abi Chaker, l’inventeur de cette technologie

enVironnemenT

14

Page 15: Dossier Jeunes - USJ

15

Samedi 9 Août 2008

Pour mieux comprendre le mécanis-me mis en place, une visite sur les lieux de l’installation d’une usine s’impose. Direction donc Aïtaroun, village du casa de Bint Jbeïl.

L’exemple de la municipalité de Aïtaroun

Ce village situé dans le creux d’une cuvette, niché à plus de 700 mètres dans la montagne, compte en prin-cipe plus de 18 000 habitants (chif-fre avancé par la municipalité) mais en réalité seules 8000 personnes vi-vent dans la localité. inquiète de la présence d’un dé-potoir d’ordures dont émanait une odeur suffocante et des nuisances y afférentes comme les piqûres d’in-sectes ou l’irruption de parasites, la municipalité s’est donc lancée dans ce projet de traitement des ordu-res. «La municipalité de Aïtaroun élue en 2000, appuyée par la com-munauté locale, a prôné, en 2004, le programme de traitement des déchets», indique m. Khalil mou-rad, le président de la municipalité. Apprenant l’existence du procédé de compostage rapide, les respon-sables municipaux se sont hâtés de l’adopter. Selon un plan étudié en collabora-tion avec le CDr et avec l’assistan-ce de l’Union européenne, l’usine de compostage a été mise en place, avec l’aide d’une onG italienne (UCoDeP). mais, douze jours après son inauguration, les bombar-dements de juillet 2006 détruisaient

l’installation. rebâtie par les fonds de la communauté locale avec le soutien de l’onG italienne, l’usine rénovée est aussi agrandie.

Un défi économiqueProtégés par des gants et des bottes en caoutchouc, cinq ouvriers s’em-ploient à trier les ordures déposées le matin même. Aucun masque ne protège les ouvriers; ils semblent «familiarisés» à l’odeur nauséa-bonde qui se dégage des déchets domestiques mais qui est certifiée inoffensive par le maître des lieux.Au premier niveau de l’usine, les ouvriers répartissent séparément en monticules le plastique, d’une part, l’aluminium de l’autre et le nylon de par ailleurs, pour ne laisser que les déchets domestiques organiques. Ces derniers sont déversés à ce stade dans une ouverture située sur le flanc supérieur d’un énorme cy-lindre en fer appelé «Composting Drum». A l’intérieur de ce silo en rotation continue, les déchets, ma-tières organiques mêlées aux en-zymes, fermentent en l’espace de 3 jours à une température de 75°, tuant toutes les bactéries. Au bout de trois jours de fermenta-tion, au niveau inférieur du silo, une trappe s’ouvre pour laisser tomber les détritus en vrac, matures à 80%. Directement récupérés sur un tapis métallique roulant, ils avancent de quelques mètres et remontent vers un tamis à deux tailles. La première filtre un compost poudreux et

La technique de «Compost Rapide»Un engrais de qualité exceptionnelle

La transformation de nos déchets alimentaires quotidiens en engrais illustre l’importance de la technique du ’Compost rapide’ mise au point par l’équipe de m. Ziad Abi Chaker. Le principe de triage, sous l’action d’enzymes, a nécessité cinq ans de recherche. en trois jours, sur une surface de 1000 mètres carrés, douze tonnes de déchets ménagers, quotidiennement récupérés, fer-mentent. Par rotation continue dans une «machine à compostage ra-pide», fruit de sept années de travaux, ils se transforment en engrais de «qualité exceptionnelle», prêts à la consommation agricole. Cette même opération nécessitait auparavant quatre vingt dix jours! Provenant de nos déchets alimentaires dits organiques, le compost est «un procédé biologique de conversion et de valorisation des matières organiques, approuvé et reconnu sain, semblable à un terreau, riche en composés végétaux» selon la définition de l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Utilisé comme engrais, son usage améliore la structure des sols et son apport en éléments nutritifs en augmente la biodi-versité. La réaction s’effectue à l’intérieur d’un cylindre en rotation, conçu spécialement pour mixer quotidiennement douze tonnes de dé-chets ménagers. Le mélange déversé à l’intérieur de ce réservoir, sous l’action réunie des trois ingrédients de base, le nitrogène, l’oxygène et l’humidité, favorise l’activité microbienne et permet sa dégradation. Le mécanisme réussit à contrôler et à créer, sous l’action des enzymes nécessaires l’environnement idéal à une fermentation rapide.D’autre part, les déchets solides (plastique, aluminium, métaux, caoutchouc…) récupérés lors du triage se revendent aux usines de recyclage. De plus, la mise en œuvre de toutes les phases de cette technique requiert uniquement un espace de quelque 1000 mètres carrés. De surcroît, l’échantillon examiné en laboratoire à l’Univer-sité Américaine de Beyrouth montre l’absence de bactéries nuisibles, comme la Salmonelle et les métaux durs. Ces résultats concluants certifient la «qualité exceptionnelle» du compost obtenu, conforme aux régulations fédérales américaines de la protection de l’environne-ment. Ce label en permet l’usage extensif dans l’agriculture ou dans le jardinage. La législation libanaise prévoit le respect de l’environnement, mais en attendant des textes plus clairs en ce sens, la technique du ’Com-post rapide’ s’en tient aux principes édictés par la loi approuvée aux etats-Unis en conformité avec le Code Fédéral des régulations de l’environnement (ePA 503).

Le président de Aïtaroun et son adjoint nous expliquent pourquoi ils ont choisi cette technologie

enVironnemenT

Le compost, devenu engrais, au service d’une agriculture bio respectueuse de l’environnement

Page 16: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

l’autre le granuleux. Une va-peur se dégage du résidu ainsi ob-tenu. Le produit poudreux, après repos, placé sous vide, se prête à la commercialisation. Cet engrais vé-gétal se revend dans les pépinières locales. exporté, il concurrence les produits européens devenus hors de prix avec la hausse de l’euro et celle du pétrole. Pour un produit équiva-lent, la somme varie de 100 dollars la tonne, valeur du compost local, à 500 dollars pour le compost im-porté.Le compost brut, rejeté dans le silo, fermente. revenu à l’écran, il se sé-pare à nouveau en deux parties. Le granuleux sert, à ce stade, à couvrir les déchets d’abattoirs récupérés et entassés dans un coin de l’enclos de l’usine, et en accélère leur fermen-tation. Deux mois plus tard, une machine qui fait le circuit d’usine en usine, broie ces déchets fermentés. Ces composts animaliers, engrais ferti-lisants organiques, très recherchés, se vendent chers. Ce traitement re-présente le premier procédé de fer-mentation de déchets d’abattoirs au Liban. Développée aux etats Unis cette méthode qui ne dégage plus d’odeurs à une distance de 50 mè-tres de l’usine, est reconnue par la loi américaine comme «technique inodore». «Le but ultime de toute l’installa-tion n’est pas uniquement de s’oc-cuper du «waste management»’, mais de prendre un polluant, dans ce cas les ordures, pour le valoriser, en constituer un compost, puis fer-tiliser le sol afin d’obtenir une agri-culture organique», affirme M. Abi Chaker qui souligne que «transfor-mer toute l’agriculture chimique au Liban en une agriculture organique représente une solution à nos petites étendues en compétition avec les vastes espaces agricoles des pays voisins, comme la Syrie, la Jorda-nie ou l’egypte… notre agriculture doit être une agriculture de qualité et non de quantité». il projette de concrétiser son idée par un projet qui consiste à planter du blé à partir de nos ordures. Ce projet est désigné «from garbage to wheet», de la poubelle au blé…

Cette technologie qui diminue les infections et fertilise les sols, à moindres frais, possède l’avantage d’augmenter les profits. Les pro-duits bios se vendent 30 à 40% plus

chers que les produits non biologi-ques. Le kilo de tomates organiques est acheté deux fois plus cher que celui planté chimiquement.

Un choix volontariste mais pas encore rentable

La vente du compost et des déchets solides ainsi que la participation d’une commune voisine traitant ses déchets à Aïtaroun couvrent en partie les frais. Mais ces bénéfices ne cou-vrent toutefois que 40% des dépen-ses. en effet, cette méthode revient quand même à 3200$ par mois pour le traitement des 6 tonnes d’ordures par jour. Les responsables locaux, ne possédant que des revenus limités, craignent de ne pouvoir continuer sur cette voie par manque de moyens, d’autant que le silo n’exploite que la moitié de sa capacité, pour les mêmes dépenses. il n’absorbe en fait que les déchets de la population réduite de Aïtaroun, Pour diminuer le coût, la municipalité a proposé de louer ses services au village voisin pour un montant de 600$/mois. «L’une des solutions envisagées est de se pro-curer une deuxième machine pour augmenter la capacité de stockage et par là même la production de l’usi-ne», rapporte m. mourad. mais un tel objectif nécessite des ressources que la municipalité de Aïntaroun ne possède pas. Pourtant, un décret favorise les so-lutions envisagées par les munici-palités pour régler le problème des déchets. «mais hélas rien de tangi-ble ne nous parvient», déplore m. mourad. Jusqu’à présent, aucune municipalité ne profite de ce décret. Le revenu annuel alloué à la Caisse autonome des municipalités par le ministère s’élève depuis deux ans à 592 millions de livres libanaises. Cette somme, supposée couvrir des frais municipaux, dont ceux du ser-vice des ordures, est actuellement réduite à 392 millions.Généraliser de tels procédés repré-sente une percée au niveau de la protection de notre patrimoine na-turel. Léguer un héritage sain aux générations futures, un Liban vert et propre, ne dépend que de chacun d’entre nous. Le Liban produit 4000 tonnes de déchets par jour: en trai-tant mieux nos poubelles, c’est notre nature que l’on protège.

Rita Rahmé & M. Th. Zouein Tabet

Première étape: les ouvriers procèdent au tri manuel des déchets

Seconde étape: les matières organiques basculent à l’intérieur du silo

Troisième étape: le compost déversé par la machine après fermentation

enVironnemenT

16

Page 17: Dossier Jeunes - USJ

17

Samedi 9 Août 2008

D’autres procédés de traitement des déchets

1 - L’incinérationL’incinération est une option controversée car la matière organique, combinée au chlore, produit des dioxines dangereuses et menace les êtres et le milieu ambiant. il en résulte des émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone) et une perte de matières premières utiles à la nature des sols. Ces effets néfastes il-lustrent l’importance de la nouvelle technique de ’Compostage rapide’, moins nocive pour la santé et protectrice de l’environnement. (Source: www.senat.fr/rap/o98-415/o98-41513.html)

2 - Le stockage en déchargeLe stockage en décharge provoque la pollution organique des nappes, des émissions d’odeurs désagréables et la formation de méthane qui contribue, lui aussi, à l’effet de serre, en plus de la perte de matières premières utiles à la santé des sols. L’enfouissement des déchets est une solution non envisageable pour l’environ-nement car il entraîne les mêmes effets que le stockage. Le recyclage apparaît donc pour pa-lier ces problèmes.

3 - Le reyclageLe recyclage s’inscrit dans la stratégie de trai-

tement des déchets dite des quatre r:-réduire, soit tout ce qui concerne la réduction de la production de déchets.-réparer, soit tous les procédés de préparation d’un objet usagé pour un nouvel usage.-réutiliser, soit les procédés permettant de donner à un produit usagé un nouvel usage-recycler, soit le procédé de traitement des dé-chets par recyclageLe recyclage est donc un procédé qui réutilise en partie ou en totalité les matériaux d’un pro-duit pour en fabriquer de nouveaux. il constitue un mode de valorisation des déchets. La réduc-tion du volume des déchets et la préservation de ressources naturelles, auxquelles contribue le recyclage, permettent de réaliser des écono-mies de matières premières et d’énergie. (Source: Wikipédia et cite-sciences.fr/lexique/: «définition de recyclage de déchets»)

4 - Le compostageLes feuilles d’arbres, d’arbustes et de plantes annuelles se décomposent sous l’action d’élé-ments, les micro et macro organismes: bacté-ries, champignons microscopiques, insectes, mollusques, vers de terre…Cette décomposi-tion se fait naturellement lorsque les conditions sont favorables, c’est-à-dire en présence d’oxy-

gène et d’humidité. C’est ce qu’on appelle la fermentation aérobie. Dans la nature, ce phé-nomène prend du temps et se répète continuel-lement au fil des saisons. Ce que l’on désigne par «compostage», c’est le même principe de dégradation naturelle, mais avec les matériaux spécifiques, selon un processus qui va en accé-lérer la fermentation. Le compostage améliore la structure des sols, donne une consistance aux terres légères permettant de mieux retenir l’eau, et allège les terres lourdes les rendant plus faciles à travailler. Par ailleurs, il apporte aux sols de l’humus, substance organique com-plexe riche en carbone, facteur de fertilité et siège d’une intense activité microbienne. Cet humus améliore l’aération et le drainage du sol, favorise son réchauffement au printemps grâce à sa couleur noire et augmente ses réserves en eau et en éléments nutritifs. D’autre part, il enrichit les végétaux en substances nutritives, évitant ainsi l’utilisation d’engrais minéraux chimiques, et participe ainsi à la réduction de la pollution. Enfin, il limite la formation de gaz à effet de serre. en effet, le compost verrouille une partie considérable du carbone organique initial sous forme de matière humidifiée et le libère de façon lente et retardée. C’est donc un outil efficace de lutte contre l’effet de serre.

Les usines de «Compost Rapide» au Liban

Région Quantité de déchets traités par jour Nombre d’habitants

Kfarsir - nabatieh Sud du Liban 5 tonnes 10 000 personnes

Chakra – Bint Jbeil Sud du Liban 10 tonnes 20 000 personnes

Qabrikha – marjayoun Sud du Liban 5 tonnes 10 000 personnes

Jbaa – nabatieh Sud du Liban 10 tonnes 20 000 personnes

Qleia – marjayoun Sud du Liban 10 tonnes 20 000 personnes

Aïtaroun – Bint Jbeil Sud 6 tonnes 12 000 personnes

Byblos- mont Liban 20 tonnes 40 000 personnes

Khirbit Silim – Bint Jbeil Sud du Liban 5 tonnes 10 000 personnes

«Cedar Environmental» affirme qu’une communauté de douze à vingt cinq mille habitants produit cinq à dix tonnes de déchets par jour.

enVironnemenT

Page 18: Dossier Jeunes - USJ

18

Samedi 9 Août 2008

Pollution visuelleCe mal sournois qui nous entoure

Il est une autre forme de pollution à laquelle on porte moins attention mais dont les maux sont tout aussi importants: la pollution visuelle. Que faire pour y remédier ?

nous nous sommes intéres-sés, tout particulièrement, à la pollution visuelle, thème

devenu incontournable. nous vivons avec, elle fait par-tie de notre quotidien, et quoique nous fassions, nous ne pouvons y échapper. Constructions en bé-ton, à la sauvage, empiétant sur la nature, les espaces verts, voitures débrayées, panneaux publicitaires à foisons, murs envahis d’affiches politiques, fils électriques suspen-dus au-dessus de nos têtes, déchets qui traînent, des antennes de satel-lite juchées sur les toits, des hautes tensions au beau milieu d’une mul-titude de maisons, des montagnes mordues, des rues sans trottoirs, autant de choses qui dérangent et pourtant, chacun semble y trouver son compte finalement. Et oui, en-tre finance et respect de l’environ-nement, le coeur balance souvent. Le débat est lancé.

Qui est responsable?L’etat? Le citoyen? Les ingénieurs civils? Les municipalités? Trois ac-teurs principaux exercent leur in-fluence sur l’aménagement du terri-toire: l’etat, les autorités municipa-les et les promoteurs. Chacun d’eux l’exercent d’une manière différente, selon ses propres avantages.

mais en fait, nous sommes tous res-ponsables de la défiguration et de la pollution de notre pays. Durant ces 15 dernières années, pendant la reconstruction du Li-ban, les libanais ont transformé une chance en or en une chance en bé-ton. Les propriétaires des terres ont extrêmement tiré profit de la situa-

tion dans le but de s’enrichir au dé-pend de la nature. Les constructions se sont faites sans accorder aucun intérêt à l’en-vironnement, ni à l’esthétique de la construction et à l’espace habita-ble. Chaque centimètre carré devait être rentabilisé, le béton remplit les caisses, la nature, elle, n’est qu’un

Help LebanonEnsemble repoussons la laideurLoin de la laideur et du laisser aller, des personnes ont à coeur de donner ou redonner à l’espace public, de la gaieté, de la beauté. C’est le cas de l’association à but non lucratif Help Lebanon. Fondée en 1980, elle a progressivement orientée ses activités socio-humanitaires vers l’embellissement urbain, et en a fait sa mis-sion depuis 1996. il s’agit de repeindre les façades des immeubles à l’aide de trompe l’oeil, d’intégrer de la couleur, du beau, au quotidien - souvent difficile - des riverains de quartiers défavorisés. Pour réaliser un tel objectif, partage et civisme sont de mise. il s’agit de faire aimer aux personnes leur quartier, de leur donner envie de l’entretenir, de leur faire prendre conscience qu’ils sont des citoyens de première catégorie et de leur montrer que prendre soin de leur espace de vie collectif, c’est aussi prendre soin d’eux.

Nous sommes tous responsables de la défiguration et de la pollution de notre pays.

enVironnemenT

Page 19: Dossier Jeunes - USJ

19

Samedi 9 Août 2008

manque à gagner. même les villa-ges, jadis bâtis en pierre et en tuile rouge, sont infectés par le béton et les fils électriques.

Redonner du sens au bien public, au bien commun

La pollution visuelle, outre les pro-blèmes environnementaux, peut être cause de danger et peut éga-lement faire perdre des rentrées au pays. en effet, si la nature n’est pas respectée, si tout n’est que grisaille, déna-turé... comment faire pour atti-rer les touristes? Quel paysage leur propose-rons-nous? no-tre souhait est de retrouver le Liban décrit par la plume de nos g rands -pè re s écrivains, poè-tes et chanteurs! Aujourd’hui, la terre de notre pays appelle au se-cours! L’atrocité se trouve devant nous et nul d’entre nous ne remue son petit doigt afin de changer cette laideur qui nous entoure! D’une cer-taine façon, chaque Libanais peut se faire complice du crime commis envers sa terre. D’ailleurs, un environnement ur-bain agréable favoriserait certaine-ment l’amélioration du quotidien

de tout un chacun. en effet, lorsque le beau nous entou-re, nous devenons forcément plus joyeux, plus gai, alors que lorsque nous sommes entourés de laideur, de tas d’immondices, que le béton impose sa loi et que les touches de verdure se font rares, la tendance de-vient alors au moral bas, à l’agressi-vité, à la laideur. L’environnement dans lequel nous évoluons est un facteur qui influe sur nos compor-

tements. on af-firme souvent que le Libanais est individua-liste, que le jour où il arrêtera de ne penser qu’à sa personne et qu’il pensera au collectif, alors les choses évolueront sû-rement vers un avenir meilleur. C o m m e n c e r par s’occuper de l’espace de

vie commun serait un pas de géant. en effet, le fait que le Libanais soit individualiste est confirmé par la pollution visuelle. Puisque chacun prend grand soin de son intérieur, le veut impeccable, propre, ac-cueillant, pourquoi ne pas en faire de même avec l’espace public?

Daad s. Naafah, Rita Rahmé, Rana Hatem

Protection du littoralUn système juridique obsolète

Le littoral libanais est devenu un désert de béton où surgissent des projets qui ignorent non seulement le droit mais aussi la notion d’utilité publi-que Face à ce constat, la question qui se pose est de savoir s’il existe dans notre pays un appareil législatif suffisant pour encadrer les interventions urbanistiques et faire aboutir un vrai projet urbain. Quelles sont ses failles qui apparaissent sur ce plan? Le système juridique lié à l’urbanisme est obsolète au Liban, et ceci depuis les années soixante. il existe beaucoup d’outils opérationnels assez valables dans d’autres pays mais qui ne sont malheureusement pas adaptables au contexte libanais. ici, les lois favorisent beaucoup la construction et engagent donc notre pays dans un modèle «années soixante». D’autre part, aucun agenda de planification n’est suivi. On se limite à effectuer du zonage et à contrôler des permis de construire.L’urbanisme est intimement lié au contexte politique et social et les modèles importés d’occident ne peuvent pas fonctionner dans notre système. Ils doivent plutôt être développés au niveau local. De même, l’urbanisme doit reposer sur le développement d’outils de flexibilité. L’avenir ne se trouve pas dans les lois, mais dans la stratégie adaptée à des situations particulières. en fait, une loi intéressante serait celle qui s’insèrerait dans la dynamique du marché et qui permettrait de trouver une solution urbanistique entre stratégie idéaliste et plan directeur réaliste…

Sur le vifPollution visuelle. Mes yeux en pleurent

embouteillage monstre … J’ouvre la fenêtre de ma voiture, en quête d’une bouffée d’oxygène, s’il en reste! La sympho-nie des klaxons bat son plein, la pollution aussi! mes yeux cherchent vainement à s’offrir un beau paysage. Vue bloquée! Par? La liste ne finit pas: des poteaux électriques inclinés, mais moins beaux que la Tour de Pise, où s’encombrent des fils électriques de toute tailles, entremêlés et noués. on se deman-de comment ce super génie de courant électrique arrive à s’y glisser! Sans oublier les ordures qui s’entassent ça et là... Pour fuir ce paysage, mes yeux cherchent ailleurs, je cherche le vert du Liban, et je ne trouve que le gris du béton, en plus armé contre l’ennemi! Un méli-mélo de bâtisses construites en dépit de toute loi urbaine, ou du moins de toute loi esthéti-que, ravageant les arbres, au grand désespoir des oiseaux!Pourquoi n’y a-t-il pas de fleurs pour garnir les balcons de ces immeubles? mais, bien sûr, le linge c’est plus esthétique. nos politiciens étalent leur linge sale à l’extérieur, nous étalons notre linge propre à l’intérieur. Dans mon rétroviseur, j’aperçois derrière moi une file de voi-tures soit luxueuses, soit antiques, un reflet de la technologie moderne et celle du moyen Age!Le policier s’agite, nous aussi, et enfin on démarre. Je fonce vers l’autoroute, espérant un dégagement d’horizon du côté de la mer, je la guette entre de géants panneaux publicitaires alignés, ou pas d’ailleurs, en mini gratte-ciel tout au long de la grande bleue! Des panneaux de toutes tailles, à perte de vue, des panneaux tout à fait en règle, puisque des permis sont dé-livrés par les municipalités. en règle vis-à-vis de la loi, mais vis-à-vis de l’esthétisme, de l’environnement, de l’éthique, le sont-ils réellement? Je rebrousse chemin, direction: mon ophtalmologue … «Consultation urgente pour PoLLUTion ViSUeLLe. Bon-jour Docteur, je vois roUGe».

enVironnemenT

«Dieu leur a donné un désert, ils en ont fait un paradis; il nous a

donné un paradis et nous l’avons

transformé en désert» (Mohamed Fawaz, ancien directeur de

l’Urbanisme)

Page 20: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

Préjugés sociaux, infrastructure inadéquate… Servitudes du handicap

Au Liban, les personnes atteintes d’invalidité ou d’altération substantielle d’une ou de plusieurs fonctions motrices sont moins négligées que par le passé et bénéficient d’une légère amélioration de leur situation.

Pourtant, tout le monde n’a pas l’usage de ses deux jambes. On l’oublie parfois. A titre d’exemple, essayer de se déplacer seule sur un fauteuil roulant dans un secteur commercial assez fréquenté et raisonnablement bien

aménagé de Beyrouth ou de sa proche banlieue n’est pas si simple. Nos reporters ont donc décidé de se glisser dans la peau d’une personne handicapée pour témoigner leur combat quotidien.

Les associations qui luttent pour leurs droits parviennent de plus en plus à les intégrer en

sensibilisant les acteurs de la vie so-cio-économique et politique. Quand bien même leurs besoins sont-ils dif-férents, ils doivent pouvoir, en étant productifs, jouer pleinement leur rôle au sein de la collectivité.

La douleur comme compagne quotidienne

Bachir, 25 ans, atteint de myopathie, vit au domicile familial. Quand il était enfant, sa maman demandait à ses frères et sœurs de choisir leurs jeux en fonction de sa situation. Aujourd’hui, à chaque hospitalisa-tion, c’est tout le clan qui se réunit pour lui apporter le soutien moral nécessaire. A la maison, il reçoit souvent des visites de proches. «Des fois, je sors en leur compagnie pour aller déjeuner au restaurant ou regar-der un film», raconte Bachir.mais dans certaines familles, l’affec-tion manque. Fady, 33 ans, victime il y a 8 ans d’un accident de la route en italie, s’est heurté au refus catégori-que de sa mère de le voir retourner vivre auprès d’elle. Heureusement, son frère le prend en charge: il lui loue un appartement et paye le sa-laire de son accompagnateur. mais Fady rappelle que «rien ne remplace l’amour d’une famille et la chaleur d’un foyer». Le besoin d’intégration des person-nes handicapées ne se limite pas uni-quement à la famille mais s’étend aussi à la société. or, souvent, à cause d’une déficience physique, les rela-tions sociales ne sont pas ordinaires.

nadine, la maman d’un enfant han-dicapé, raconte que plusieurs parents d’enfants dits «normaux» les ont retirés de l’école que fréquente son fils pour leur épargner une proximité avec des enfants dits «différents». Beaucoup de ces écoliers en situation d’handicap ont eux aussi quitté l’éta-blissement pour s’inscrire dans une institution spécialisée, ou ont défini-tivement abandonné l’école. nadine explique qu’auparavant, son fils «ne se rendait pas vraiment compte qu’il était différent. C’est le regard de ses camarades de classe qui le pousse à se déprécier».

Une discrimination silencieuse La discrimination se ressent égale-ment au niveau de l’université. Des aménagements inappropriés, rendant inaccessibles certains bâtiments ou certaines salles de cours, accentuent la mise à l’écart des jeunes handica-

pés. emilie, 25 ans, myopathe, rêvait de poursuivre des études en Art Gra-phique. Aucun des établissements qu’elle a contactés n’étant équipé d’un ascenseur, elle s’est résignée à poursuivre des études en manage-ment! Toutefois, certaines univer-sités tiennent compte à présent des besoins spécifiques des handicapés et aménagent leurs accès en consé-quence. mais cela reste encore de l’ordre de l’exception, partout ailleurs l’infras-tructure laisse à désirer, et les condi-tions dans lesquelles les personnes handicapées se déplacent sont lamen-tables. Un jour, alors qu’ils sortaient du service des urgences d’un hôpital de la capitale, Bachir et sa mère tré-buchent sur un regard d’égout ins-tallé devant l’entrée. résultat: visage ensanglanté et genoux écorchés. et dire que les hôpitaux devraient être les premiers à respecter le droit des

personnes handicapées à pouvoir ac-céder à tous les bâtiments!

Les amis sont si rares Bachir, emilie ou Fady n’ont pas beaucoup l’occasion de sortir, sa-chant que pour se divertir, il faut de la compagnie. A ce sujet, Bachir confie, amer: « Les amis qui m’of-frent sincèrement de sortir avec eux se comptent à peine sur les doigts de ma main, alors que les autres m’invi-tent uniquement par devoir».emilie, pour sa part, attribue le pro-blème de la solitude à celui des es-paces inadaptés. «mes amis ne me proposent plus de sortir, parce qu’ils savent que la majorité des restos et des cinés me sont inaccessibles, sou-ligne-t-elle. Dommage, parce que ce genre de sorties est à ma portée». Fady, lui, raconte qu’à son retour de rome, il a contacté d’anciens co-pains, « histoire d’aller prendre un pot», mais ceux-ci n’ont pu prolon-ger leurs efforts au-delà de quelques rencontres.

Le regard de l’autre ou la dépréciation de soi

Les conséquences ne s’arrêtent pas là. Le docteur robert rizk, psycho-logue clinicien, considère que l’atti-tude gênée et gênante de la société participe à la construction d’une mauvaise image de soi des person-nes handicapées. elle entraîne chez celles-ci une faible estime et une perte de confiance, traduites par un sentiment d’incapacité. «Ces trou-bles s’accompagnent souvent d’une dépression chronique», ajoute le spécialiste. Pour lui, cependant,

Les affiches de films lui semblent aussi inaccessibles que les pics de l’Himalaya..

SoCiéTé

20

Page 21: Dossier Jeunes - USJ

21

Samedi 9 Août 2008SoCiéTé

Arrivées au souk, ma collègue nada et moi en-tamons notre expédition: elle m’aide à m’ins-taller sur le fauteuil roulant et emprunte une ruelle qui mène droit au souk. Dès le premier abord, la circulation me semble difficile: il n’y a pas de trottoir, de gros cailloux sont épar-pillés sur tout le chemin où des travaux sont en cours. Je sens le besoin de foncer avec mon «véhicule» pour que d’autres voitures me cè-dent le passage. en route, un regard étendu en largeur m’inquiète: je crains que les roues de ma chaise n’y soient prises. Je suis alors obli-gée de passer au-dessus en diagonal et de gê-ner la circulation des voitures.

On est attentionné à mon égardUne fois dans le souk, la situation n’est pas meilleure. Les trottoirs existent, mais ils sont dépourvus de pente. nada est alors contrainte de soulever ma chaise pour que je puisse mon-ter. Le même cas se présente pour l’accès à plusieurs boutiques d’habits pourvues d’une marche à la porte d’entrée. ma visite ne peut se limiter à une vue externe. Je décide d’y rentrer et d’examiner de plus près les cabines d’essayage: elles s’avèrent étroites, les porte-vêtements sont très élevés et me sont inaccessibles. «L’essayage» fini, je décide de rentrer dans un centre commercial de l’autre côté de la rue. L’agent de circulation nous voit et arrête les voitures de part et d’autre de la route pour m’aider à traverser, affichant son plus beau sourire accompagné d’un «ahla w sahla bel sa-baya el helwin!» (Bienvenue aux jolies filles). Arrivées saines et sauves devant le centre commercial, le concierge nous indique la pen-te pour nous faciliter l’accès. Une fois sur le trottoir, j’aperçois un escalier avec des mar-ches élevées. Je m’apprête à abandonner, mais nada insiste pour que j’essaie malgré tout. Le concierge s’approche de nous. il me porte avec l’aide de nada ainsi qu’une vendeuse et me dé-pose au bout de l’escalier. Je rentre dans une boutique et réalise que la vis d’une des roues de ma chaise s’est détachée. Les vendeuses s’inquiètent à mon sujet et m’aident à la re-mettre en place, avant d’entamer un service de vente attentionné.

Le poids des regardsUne fois sortie, je remarque une machine ATm et décide de retirer de l’argent. Je ne rencontre aucune difficulté. La hauteur de l’écran et des touches est convenable, de même pour le distributeur de monnaie et de ticket. Venu le moment de sortir du centre, je demande au concierge un autre moyen de sortie, voulant lui épargner ma charge, mais il rigole et me dit que c’est le seul moyen. Puis, tout plein d’énergie, il me demande de ne plus m’inquiéter et déclare que ça lui fait plaisir de pouvoir m’aider. nada s’apprête à me porter, lorsque j’entends une voix dire «khallineh» (laisse-moi faire). Je regarde vers le haut et là, je vois un jeune homme d’environ 16 ans me porter avec le concierge jusqu’au bas des escaliers. Je remarque le regard ébahi de ses amis et celui satisfait de nada!Prochaine destination, le café d’en face. À nouveau, je dois monter une marche pour accéder au trottoir. Je m’apprête à rentrer lorsque je remarque des échafaudages à l’in-térieur du café. ne voulant pas prendre le ris-que de voir un tas de métaux me tomber sur la tête, je m’installe sagement sur la terrasse en attendant nada (Heureusement j’avais ma veste sur moi!). Du coin où je suis, je peux apercevoir les passants et les clients. Une

petite fille de 5 ou 6 ans me pointe du doigt avec des yeux grand ouverts. Deux passan-tes me scrutent bizarrement. Leur regard me pose plein de questions que je n’arrive pas à déchiffrer. Plus tard, alors que je suis en pleine conver-sation avec nada, un collègue, venu rejoindre ses amis, vient à ma table et me demande ce que j’ai. De peur de l’inquiéter, je lui expli-que la situation! Au moment de partir, il vient me retrouver pour me raconter que les per-sonnes qui étaient à la même table que lui, et qui me sont inconnues, ont cherché à connaî-tre la cause de mon handicap. Serait-ce par curiosité? Par pitié? Je ne pourrai le savoir.me mettre dans la peau d’une personne han-dicapée durant quelques heures ne m’a mon-tré que quelques facettes des difficultés et avantages rencontrés au quotidien. normale-ment, un piéton a du mal à circuler en ville, que serait-ce pour une personne sur fauteuil roulant? Les voitures qui bloquent le passage sur les trottoirs, les grandes marches et les es-caliers interminables, l’absence de passages piétons, de feux de signalisation, etc., tous ces facteurs «handicapent» leur intégration et limitent leurs chances de mener une vie «nor-male» dans la société.

Carole Wakim

Tracas et aléas pour se déplacer en chaise roulante [1]Zalka: Que d’obstacles mais beaucoup d’entraides...

Vendredi, dans l’après-midi. Ma situation est nouvelle, différente: je suis sur chaise roulante. Mon but est d’étudier comment me déplacer dans un centre commercial en dehors de Beyrouth. J’opte pour Zalka. Récit.

Une bonne surprise, la machine ATM est à la bonne hauteur.

Page 22: Dossier Jeunes - USJ

22

Samedi 9 Août 2008 SoCiéTé

le tableau n’est pas aussi noir qu’il y a 20 ou 25 ans. «nous avons beaucoup avancé dans le domaine de la perception sociale des person-nes handicapées. il faut toutefois, concernant cette question, que les gens continuent à s’éduquer en vue d’adopter une attitude civique». Par quels moyens? «en participant par exemple à une journée nationale du-rant laquelle on se rapprocherait des personnes sur fauteuil à travers des rencontres, des discussions, et des activités interactives.»

L’emploi, la clef de l’insertionCette campagne, si elle se réalisait, réconforterait plus d’un, dont Fady

qui a vu à plusieurs reprises des por-tes d’entreprises lui claquer au nez. Pourquoi ne pas admettre qu’une personne sur fauteuil peut faire preu-ve d’autant d’aptitude et d’efficacité qu’une autre dans son travail? emilie relate l’expérience professionnelle pénible qu’elle a vécue il y a 2 ans et la discrimination dont elle a été vic-time. «Grâce à des connaissances, j’avais décroché un stage de mar-keting dans une banque où à aucun moment je me sentais vraiment à ma place. J’avais sans cesse l’impression de perturber le service dans lequel je travaillais. on me parlait comme à un bébé, ou pire on me prenait pour un objet», s’exclame la jeune fille en

racontant qu’un collègue s’adressait à un autre en parlant d’elle: «Pose-la ici, prends-la là». La jeune fille ne présentait pas sa démission, de peur qu’aucune autre entreprise ne l’embauche. «Un jour, je trouve sur internet une offre d’em-ploi dans une société de web design. Je tente ma chance en envoyant mon CV, sans dévoiler mon état. Ce n’est que lorsqu’on m’a contactée en vue d’une interview que j’ai fait part de mon problème», révèle-t-elle. L’en-tretien a quand même eu lieu, et de-puis 2 ans emilie travaille dans cette entreprise familiale. Bachir aussi est heureux à Arc en Ciel. «C’est une entreprise qui œuvre surtout pour

notre insertion professionnelle, sou-ligne-t-il. Je m’occupe des factures de travaux de recyclage des déchets hospitaliers. L’ambiance y est cool et agréable.»

Un chemin escarpé pour plus de solidarité

Toutefois, le chemin reste long pour parvenir à briser les préjugés et à reconnaître que les Libanais handi-capés ont des chances et des droits égaux à ceux de leurs concitoyens. il appartient à tous de déployer des efforts pour faire avancer les choses sur ce plan en dépassant ses peurs in-térieures et en acceptant sa fragilité.

Claude Assaf

* Quel est le nombre officiel des personnes porteuses d’un handicap moteur au Liban?il est de 38 101 personnes. Le recensement national est basé sur le nombre de personnes inscrites au ministère des Affaires Sociales et détenant une carte d’handicapé moteur.

* Comment obtient-on la carte de handicapé?elle est délivrée après qu’un médecin spécia-liste accrédité auprès de nous a examiné le re-quérant et diagnostiqué le handicap.

* A quels services donne-t-elle droit?L’etat paie les chaises roulantes, walkers, ma-telas à eau, chaussures médicales, couches, coussins… Par ailleurs, lors de l’achat d’un véhicule destiné à l’usage d’une personne han-dicapée, une dispense de frais d’enregistre-ment et de douanes est octroyée sous certaines conditions. en outre, la personne handicapée et son accompagnateur profitent d’une remise de 50% sur chaque ticket pour un voyage sur les lignes nationales aériennes et maritimes.

* Quelles autres aides l’Etat apporte-t-il? L’etat a conclu un accord avec 16 associations qui pourvoient à l’éducation d’enfants handi-capés moteurs en vue de leur faire obtenir des

diplômes et de les habiliter à travailler. L’etat participe, dans la mesure de ses moyens, aux frais quotidiens d’écolage dans ces institu-tions.

* Existe-t-il des centres publics de rééduca-tion?non, malheureusement. malgré la loi n° 220 de mai 2000 qui garantit le droit des person-nes handicapées aux services médicaux et à la réhabilitation, l’etat n’assure encore aucune dépense de soins, qu’ils soient médicaux, hos-pitaliers, ou physio-thérapeutiques.

* Pourquoi la loi n° 220 de mai 2000 n’est-elle pas appliquée?La crise que traverse notre pays depuis 2005 ralentit son application. Concernant le droit à l’emploi, par exemple, la loi impose aux entre-prises privées de 30 à 60 employés de comp-ter dans leurs effectifs au moins une personne handicapée. mais ces entreprises préfèrent s’acquitter d’un montant annuel équivalant au double du SmiC pour chaque employé handi-capé qu’elles ne recrutent pas. Cette pénalité n’est d’ailleurs même pas payée, un différend existant entre le ministère du Travail et le mi-nistère des Finances, chacun estimant que les

sommes devraient être payées auprès de ses caisses. -Sur un autre plan, mais toujours en rapport avec le droit à l’emploi, la loi prévoit une al-location de chômage à concurrence de 75% du SmiC pour la personne handicapée qui ne trouve pas de travail. Cette disposition n’est toujours pas appliquée 7 ans après!Le droit d’accéder à tous les espaces acces-sibles aux autres citoyens est expressément consacré par l’art.33 de la loi n° 220 qui pres-crit corollairement des règles concernant la construction et l’aménagement des bâtiments. Ainsi, l’article 36 impose aux institutions pu-bliques d’habiliter les édifices publics, mais malheureusement beaucoup ne satisfont tou-jours pas aux critères techniques. L’article 37 exige par ailleurs que les hôpitaux, dispensai-res, garderies, écoles, universités, centres com-merciaux, hôtels, restaurants, salles de cinéma et terrains sportifs se conforment aux normes de la construction. mais ici aussi la règle ne s’applique pas toujours.

Propos recueillis par Claude Assaf

Application de la loi N°220 sur les handicapés «La crise interne entrave son application»

Corinne Azar, chef du département des personnes handicapées au ministère des Affaires Sociales revient sur les actions de l’etat dans la gestion du dossier des handicapés.

Page 23: Dossier Jeunes - USJ

Samedi 9 Août 2008

Tout est différent, même l’air que je respire, trop proche des pots d’échappement. Par me-sure de précaution, je m’étais faite accompa-gner et j’ai été bien inspirée. il ne m’a fallu que quelques secondes pour comprendre que l’état des rues rend impossible tout déplace-ment autonome. Les trottoirs sont tellement hauts que je galère en permanence pour monter et descendre, du moins quand il y a un trottoir. Sinon, il faut se débrouiller sur la chaussée et là, je dois rouler parmi les voitures et slalomer entre les nids de poule en regardant bien par terre: un simple clou peut me faire crever un pneu. La promenade devient un épuisant et dé-primant parcours d’obstacles.

Aidée mais mal à l’aiseHeureusement que nous avons pu compter sur l’incroyable gentillesse des passants. A chaque difficulté, des gardiens de parking, des poli-ciers, des agents de sécurité et des passants viennent spontanément me proposer leur as-sistance: on me soulève pour me faire franchir une marche ou entrer dans un ascenseur. en fait, même quand je n’en ai pas besoin, on vient m’aider. Au restaurant, alors que je me dirige vers ma table, le serveur s’empresse de bousculer mon amie et saisit les poignées de mon fauteuil roulant pour me pousser jusqu’à ma place: «Voilà, vous êtes en tête de table, ça va comme ça?». J’apprécie le geste mais j’aime moins le ton un peu condescendant. Son attitude contribue à me rendre paranoïa-que: à tout moment, et sous prétexte de vou-loir m’aider, n’importe quel étranger peut em-poigner mon fauteuil et me faire rouler là où bon lui semble. J’épie discrètement les autres tables en me demandant si on me regarde. Pourtant, ma présence n’étonne personne. La seule différence entre les autres clients et moi, c’est que je n’ai droit qu’à la terrasse puisque l’intérieur ne m’est pas accessible… donc les WC non plus. Lorsque je m’en rends compte, je décommande mon coca. Je n’ai toujours pas réussi à me déplacer toute seule. Je me dirige vers le Centre Ville. Des rues piétonnes et des trottoirs accessibles par

des rampes, là ça va déjà beaucoup mieux. Tout sentiment de vulnérabilité disparaît et je peux me déplacer pratiquement sans pro-blème. enhardie par cette liberté retrouvée, je me sépare de ma copine pour faire du lèche-vitrine en solo. Je remarque immédiatement que seule, j’attire plus l’attention que lorsque je suis accompagnée. C’est quasiment toute la rue qui m’observe. Certains me font même des sourires comme s’ils me félicitaient de mon courage…. comme si la possibilité d’autono-mie sur fauteuil roulant était étrange.

Vous avez dit à «portée de mains»…mais même au Centre Ville, l’accès aux bou-tiques n’est pas toujours aisé. A la porte d’une grande boutique de luxe, j’en suis réduite à demander l’aide de l’agent de sécurité. Là en-core, le fait que je sois arrivée sans assistance marque une différence flagrante: on attend que je formule une requête pour ensuite venir m’aider. Dans un environnement qui permet un peu plus d’autonomie, je deviens une per-sonne à part entière, pas juste quelqu’un qui a systématiquement besoin d’assistance. J’entre donc dans le magasin avec espoir: il y a un ascenseur. mais j’ai beaucoup de mal

à y caser ma chaise. Une deuxième déception m’attend: chaque étage comprend plusieurs niveaux et je dois me contenter de regarder de loin. Désemparée mais pleine de bonne vo-lonté, la vendeuse propose de m’apporter les articles qui m’intéressent. mais de toute façon, les cabines d’essayage sont sur un autre niveau de l’étage et donc inaccessibles. Dans d’autres boutiques, je peux me déplacer partout, mais je n’ai pas accès aux vêtements accrochés en hauteur. De plus, les cabines ne sont presque jamais assez grandes pour être confortables. Plutôt déçue, je rentre chez moi où je peux en-fin me dégourdir les jambes en pensant à ceux qui ne peuvent pas le faire.Avant de tenter cette expérience, je croyais que se déplacer en fauteuil roulant était com-pliqué en soi. Je sais maintenant que ce mode de transport, dans des conditions adaptées, permet presque autant de mobilité que mes deux jambes. Le problème vient de l’inadé-quation des structures, pas de la personne. Sur un fauteuil roulant, l’indépendance dans les déplacements est possible, il suffit en fait de peu de choses.

Nada Akl

Tracas et aléas pour se déplacer en chaise roulante [2]Beyrouth: Quand «marcher», c’est être aussi assis...

Si les aménagements pour personnes handicapées ont toujours attiré mon attention, c’est parce qu’ils sont rares. On remarque toujours ce qui est rare. Pour une journée, j’ai voulu expérimenter ces installations (ou du moins tenter de les trouver).Témoignage.

Une simple chaîne peut sembler soudain un obstacle insurmontable…

SoCiéTé

23

Page 24: Dossier Jeunes - USJ

2008 آب 9 ال���س���ب���ت L’oeiL d’ArmAnd Homsi

24