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6 DOSSIER Histoire d’une pensée en évolution Histoire d’une pensée en évolution Bien avant Darwin, philosophes et scientifiques ont cherché à expliquer l’origine de la diversité du vivant. Entre fixité et évolution des espèces, des théories variées se sont succédé. L’œuvre de Darwin est un tournant de ce périple historique. Mais l’histoire ne s’arrête pas là… Frédérique Théry Doctorante en histoire et philosophie des sciences, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Paris Géospizes – Darwin – Le Beagle (© Bibliothèque centrale du M En 1831, Darwin effectue un voyage à bord du voilier Beagle en tant que naturaliste. Durant cinq ans, de 1831 à 1836, il effectue un périple autour du monde qu’il qualifiera dans son autobiographie d’« événement de loin le plus important » de sa vie. Mettant à profit ses qualités d’observation, il récolte une foule de données sur la faune et la flore actuelles et fossiles des régions qu’il visite, s’intéresse à la répartition des espèces et réalise des études géologiques. Dans l’archipel des Galápagos, il accorde une attention particulière aux variations que présentent des oiseaux ressemblant à des pinsons, les Géospizes, d’une DC Professeur HISTOIRE D’UNE PENSÉE EN ÉVOLUTION 2-LivreDSn°12-bat_HD-30-64:Mise en page 1 10/09/10 12:36 Page40

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Histoire d’une pensée en évolution

Histoired’une penséeen évolutionBien avant Darwin, philosophes etscientifiques ont cherché à expliquerl’origine de la diversité du vivant.Entre fixité et évolution desespèces, des théories variées se sontsuccédé. L’œuvre de Darwin est untournant de ce périple historique.Mais l’histoire ne s’arrête pas là…

Frédérique ThéryDoctorante en histoire et philosophie des sciences, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Paris

Géospizes – Darwin – Le Beagle (© Bibliothèque centrale du M

En 1831, Darwin effectue un voyage à bord du voilier Beagle en tantque naturaliste. Durant cinq ans, de 1831 à 1836, il effectue un péripleautour du monde qu’il qualifiera dans son autobiographie d’« événementde loin le plus important » de sa vie. Mettant à profit ses qualitésd’observation, il récolte une foule de données sur la faune et la floreactuelles et fossiles des régions qu’il visite, s’intéresse à la répartitiondes espèces et réalise des études géologiques. Dans l’archipel desGalápagos, il accorde une attention particulière aux variations queprésentent des oiseaux ressemblant à des pinsons, les Géospizes, d’une

D CProfesseurHISTOIRE D’UNE PENSÉE EN ÉVOLUTION

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Maquette du Beagle(provenance : Institut Charles Darwin International) visible au Muséum.

ale du MNHN, Paris 2010)

île à l’autre : il interprète les différences de forme et detaille du bec comme le résultat de l’isolement de cesoiseaux sur des îles distinctes par rapport à une espècesouche originaire du continent, et les met en relationavec des différences dans les habitudes alimentaires. C’estau cours de ce voyage qu’il commence à mûrir l’idée d’unetransformation des espèces au cours du temps, idée qui se matérialisera par l’écriture de carnets sur la « trans -mutation des espèces », dès 1837 n ee

D CÉlèveAu XIXe siècle, Darwin constateque la taille et la forme du bec des Géospizes diffèrent selon l’endroit où vivent ces oiseaux. Il comprend alors que lesespèces se transforment au cours du temps n

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état actuel des connaissances ensciences de l’évolution est le résultatd’une succession de pensées qui

ont émergé depuis l’Antiquité, et ne peutdonc se comprendre qu’en l’intégrant dansune pers pective historique.

L’HÉRITAGE DES PHILOSOPHES DE L’ANTIQUITÉ

Les théories des philosophes de l’Antiquité ontlongtemps influencé les sciences du vivant.Deux figures majeures de cette période ontlaissé un héritage fort. D’une part, Platon (-427, -347) est à l’origine de l’essen tialisme,philosophie selon laquelle deux mondesexistent : un monde réel, éternel et idéal, etun monde illusoire et imparfait, celui que lesêtres humains perçoivent grâce à leurs sens.Les variations observées chez les organismesd’une même espèce ne sont alors que desreprésentations imparfaites, dans le mondeillusoire, de formes idéales et parfaites, lesessences, inscrites dans le monde réel. Cesessences étant immuables, toute transformationdes êtres vivants au cours du temps est exclue.D’autre part, Aristote (-384, -322) proposel’idée d’une « échelle de la nature » : les êtresvivants sont hiérarchisés selon leur degré decomplexité structurale et fonc tionnelle, des plussimples aux plus perfectionnés. Il développeaussi l’idée de « cause finale », qui correspondà la raison d’être des choses et est à l’origine dufinalisme.Au Moyen Âge, entre les XIIe et XIVe siècles, laquerelle des Universaux vient prolonger lesdébats des philosophes grecs. Les Universauxsont des types ou des propriétés, invariablesdans l’espace et le temps, qui s’opposent auxparticuliers. Par exemple, l’abeille ou le cerclesont des Universaux, alors que telle abeille outel cercle bien précis sont des particuliers. Laquestion est de savoir si les Universaux sont desimples conceptions de l’esprit sans réalitéobjective, ce que prônent les nominalistes, ous’ils ont une existence réelle en dehors de notre

esprit, comme le pensent les réalistes. AuXIVe siècle, Guillaume d’Ockham (1285-1347)contribue à faire prévaloir le nominalisme.L’opposition entre fixisme et évolutionnismepeut être perçue comme une transpositiondans la biologie de l’opposition entre réalismeet nominalisme. En effet, en considérant lesespèces comme des entités réelles, les fixistesnégligent les variations existant entre individusd’une même espèce. Au contraire, la mise enplace d’une théorie évolutionniste nécessitede délaisser les espèces en tant que telles pours’intéresser de plus près aux individus eux-mêmes et aux variations interindividuelles.

BIEN AVANT DARWIN : DES IDÉES EN ABONDANCE

Au XVIIIe siècle, Carl von Linné (1707-1778)établit une classification des êtres vivants : lesespèces sont intégrées dans une hiérarchie degroupes classificatoires incluant espèces, genres,ordres, classes et règnes. En mettant de l’ordredans la diversité du vivant, Linné cherche àdévoiler le dessein de Dieu et à en montrer lagrandeur. Selon lui, les espèces, créées parDieu, sont immuables ; sa conception duvivant est donc profondément fixiste. La classification proposée par Linné estcritiquée par Georges-Louis Leclerc de Buffon(1707-1788). Buffon est en effet favorable àl’idée d’une gradation continue entre les êtresvivants, rendant toute classification arbitraire.Selon lui, la seule catégorie non arbitraire estl’espèce, dont il rend compte par la théoriede la dégénération, souvent qualifiée detransformisme restreint : les espèces actuellesseraient issues d’un ensemble d’espècesinitiales, et en auraient divergé à la suite d’uneinfluence de l’environnement (climat ounourriture, par exemple). L’âne est ainsi uncheval dégénéré. Cette théorie ne sera pasretenue, mais Buffon aura permis de faire unebelle avancée, en écartant les dogmes religieuxde son activité scientifique, et en fondant sa théorie sur une analyse raisonnée d’obser - vations. Il incarne ainsi les changementsdécoulant de l’épanouissement de la philo -sophie des Lumières.Un peu plus tard, Georges Cuvier (1769-1832)montre par l’étude des fossiles que des espècesse sont éteintes dans le passé, et que des faunes

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Linné, naturaliste suédois du XVIIIe siècle, proposedans son ouvrage Systema naturae puis dans SpeciesPlantarum une classification hiérar chique des vé -gétaux et des animaux, en utilisant la nomenclature

binomiale par laquelle tout individu est désigné par son nom de genre etson nom d’espèce. Pour lui, le fait de nommer et classer un être vivantrevient à connaître sa place dans l’ordre de la nature, ordre qui relève d’unplan de création divin. Il utilise les expressions « économie de la nature »et « police de la nature » pour désigner respectivement l’ordre du plandivin par lequel se manifeste toute la grandeur du Créateur, et ce quimaintient cet ordre. Selon cette vision du monde, tous les organismes sontdonc parfaitement à leur place, et les espèces sont immuables. Bien quela classification de Linné soit obsolète, la nomenclature binomiale, quipermet une identification précise de chaque être vivant, est toujoursutilisée aujourd’hui et a fait de Linné le père de la taxinomie moderne n

D CProfesseur D CÉlèvePortrait de Linné (© Bibliothèque centrale du MNHN, Paris 2010)

Au XVIIIe siècle, Linnépropose de classer lesvégétaux et les animauxen leur donnant un double nom : un nom de genre suivi d’un nom d’espèce. Cette nomenclature est encoreutilisée, car elle permetune identification précisedes êtres vivants n

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différentes se succèdent dans les stratesgéologiques. La volonté de concilier cesdécouvertes avec les textes bibliques le conduità devenir partisan du catastrophisme, théoriefixiste selon laquelle les espèces s’éteignent enmasse à la suite d’épisodes de catastrophes ;les régions dévastées sont ensuite repeupléespar une faune et une flore venues d’ailleurs.De son vivant, Cuvier s’est farouchementopposé à son contemporain Lamarck, quis’inscrit dans le courant naissant des idées surla transformation des espèces.

Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) estcélèbre pour avoir énoncé très clairement sathéorie transformiste*, qui repose sur deux

principes : d’une part, une tendance linéaire à la complexification de l’organisation des êtres vivants, résultant d’une dynamique in terne des organismes ; d’autre part, unediver sification des espèces grâce à uneadaptation des organismes aux variations deleur environ nement. Selon ce second principe,les orga nismes, au cours de leur vie, s’adaptentà leur milieu par un usage plus ou moinsprononcé des organes : un organe qui, du faitdes besoins de l’organisme, est très utilisé, atendance à se renforcer ; inversement, unorgane pas ou peu utilisé tend à s’atrophier.Lamarck intègre à ce principe l’idéecommunément admise depuis l’Antiquitéd’une transmission des caractères acquis. Ilfaudra cependant attendre les travaux deCharles Darwin pour que l’idée d’unetransformation des êtres vivants soit largementacceptée.

LA RÉVOLUTION DARWINIENNE

En 1859, Charles Darwin (1809-1882) publieL’Origine des espèces, épuisé en une journée.Réunissant une quantité monumentale dedonnées, il y expose sa théorie de la « trans mutation » des espèces par la sélectionnaturelle. Darwin adopte une vision graduelle(lente et continue) des changements subis parles orga nismes vivants. La célébrité dont il abénéficié a fait de l’ombre à son contemporainAlfred Russel Wallace, qui émet au mêmemoment, et de manière indépendante, l’hy po thèse de la sélection naturelle. Fair-play,ce dernier concède la primeur de la découverteà Darwin.

zoom SUR

Dès 1837, au retour de son voyage à bord du Beagle, Darwin commence à rédiger un « carnet sur la transmutation des espèces », où il met en place ses idées sur la modification

des espèces par la sélection naturelle. Pourtant, il ne publie pas cette théorie immédiatement,préférant continuer d’accumuler des données en sa faveur. En 1855, le naturaliste AlfredRussel Wallace (1823-1913) publie un article montrant qu’il est sur le point d’aboutir auxmêmes conclusions que Darwin. Le géologue Charles Lyell, ami de Darwin, l’incite alors àpublier sa théorie. En 1858, Wallace envoie à Darwin un manuscrit qui lie l’évolution aumécanisme sélectif. À la suite d’une présentation conjointe devant la société linnéenne deLondres de ce manuscrit et du livre de Darwin en cours de rédaction, Wallace reconnaît lapriorité des idées de Darwin n

Darwin et Wallace

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Portrait de Lamarck © Bibliothèque centrale du MNHN, Paris 2010

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Cette image représente un « arbre généalogique del’homme », dessiné par Ernst Haeckel en 1877.Haeckel est un biologiste et philosophe allemand quiaida à divulguer les idées de Darwin dans son pays.

Dans cet arbre, Haeckel montre l’évolution partant des organismesles plus simples pour aller vers les plus complexes, dans des relationsd’ordre généalogique (« qui descend de qui »), l’Homme étant placé àson sommet. À l’origine de tout le vivant se trouvent les organismesfaits d’une seule cellule (Protozoa), eux-mêmes à l’origine desorganismes pluricellulaires sans vertèbre (Metazoa evertebrata), puisdes vertébrés (Vertebrata), ensuite des mammifères (Mammalia) etenfin de l’Homme. Il faudra attendre la seconde moitié du XXe siècle,avec la systématique phylogénétique, pour que les arbres figurent desrelations de parenté (« qui est plus proche de qui ») et s’affranchissentde l’idée d’une progression évolutive vers plus de complexité n

D CProfesseur D CÉlèveArbre généalogique d'Haeckel (© Bibliothèque centrale du MNHN, Paris 2010)

Comme le montre cetarbre généalogique(1877), Haeckel considérait que les plussimples êtres vivants(constitués d’une seulecellule) étaient les plusanciens et que les pluscomplexes (les Hommes)étaient les derniers êtresapparus sur Terre n

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Aussi surprenant que celui puisse paraître,Darwin n’emploie pas le terme « évolution »dans les premières éditions de L’Origine desespèces. Ce terme a été popularisé par soncontemporain Herbert Spencer, philosophebritannique, et est associé à l’idée d’un progrès,dans le contexte d’une Angleterre victorienneoù tout changement est considéré comme unprogrès. Ce vocabulaire va de ce fait à l’encontredes conceptions de Darwin, pour qui latransformation des espèces présente un aspectaléatoire et n’est pas guidée par une marchevers le progrès. Deux doctrines exploitant cette idée de progrèsémergent à cette époque : d’une part ledarwinisme social*, fondé par Spencer ; d’autrepart l’eugénisme*, prôné par Francis Galton,cousin de Darwin. Ces deux doctrines, qui vontà l’encontre de l’idéologie morale de Darwin,constituent des détournements de la théoriedarwinienne.

GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION, MAIN DANS LA MAIN

L’hérédité est un aspect crucial de la théoriedarwinienne d’évolution des espèces.Cependant, les mécanismes de l’héréditérestèrent longtemps inconnus des biologistes,et Darwin lui-même reconnaissait que leurconnaissance manquait à son argumentation.Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le moine et botaniste morave Gregor Mendel(1822-1884) met au jour les modalités de latransmission héréditaire des caractères grâceà des expériences de croisement sur des plantsde pois. Ces modalités, redécouvertes en 1900 et baptisées lois de Mendel, mettent en évidence une hérédité particulaire descaractères. Les facteurs héréditaires parti cu -laires, hérités de chacun des parents, sont autout début du XXe siècle nommés gènes. Lanouvelle discipline qu’est la génétique se déve -loppe alors rapidement.La théorie proposée par Darwin ne fut pasimmédiatement acceptée par les pionniers dela génétique mendélienne : ceux-ci affirmaient

en effet que l’idée d’une transformationgraduelle des êtres vivants par l’accumulationde petites variations était en contradiction avecles changements discontinus qu’ils observaientdans leurs expériences. Ce paradoxe trouve sasolution dans les années 1920, grâce auxtravaux de généticiens représentés entre autrespar Ronald Fisher, John Haldane et SewallWright, qui montrent comment concilier lagénétique mendélienne et le principe desélection naturelle. L’approche développéepar ces généticiens les conduit alors à fonderune nouvelle discipline, la génétique despopulations, qui construit des modèlesmathématiques de l’évolution afin d’expliquercomment de nouvelles mutations génétiquespeuvent se répandre dans une population sousl’effet de la sélection naturelle.La génétique des populations offre alors denouvelles perspectives aux sciences del’évolution : par exemple la nécessité d’expli -quer, par des considérations génétiques, cequi caractérise les espèces et comment ellesapparaissent. Dans les années 1930, le géné -ticien russe Theodosius Dobzhansky sepenche sur cette question. Ses travaux incitentde nombreux biologistes à se joindre à luidans son effort pour développer une synthèseunifiée afin de rendre compte des mécanismesévolutifs. Dans les années 1940, la « synthèsemoderne », ou « théorie synthétique del’évolution », est élaborée et fournit un cadreconceptuel de référence pour aborder l’étudedes phénomènes évolutifs ; il s’agit d’uneextension de la théorie darwinienne, mêlantgénétique, paléontologie, systématique etbien d’autres disciplines. Julian Huxley, ErnstMayr et George Simpson en sont les prin -cipaux fondateurs.

QUOI DE NEUF DEPUIS LA SYNTHÈSE MODERNE ?

En 1953, James Watson et Francis Crickdécouvrent la structure de la molécule d’ADN.Cette découverte constitue une avancée notablepour les sciences de l’évo lution, dans la mesureoù gènes et muta tions, étudiés depuis plusieursdécennies dans un cadre évolutif, deviennent compré hen sibles en termes moléculaires. Dansla seconde moitié du XXe siècle, l’essor de labiologie moléculaire permet également deséquencer et de comparer le matériel génétique

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HISTOIRE D’UNE PENSÉE EN ÉVOLUTION

L’histoire de la pensée évolutionniste ne peutse passer d’un détour par la philosophiegrecque antique et la querelle des Universauxau Moyen Âge, toutes deux ayant eu unegrande influence au cours des sièclessuivants. Aux XVIIIe et XIXe siècles, avantDarwin, les théories abondent : alors que

Linné et Cuvier prônent un fixisme intangible, en accord avec les dogmesreligieux, Buffon suggère un transformisme restreint et Lamarck un transformismetotal. Les travaux de Darwin marquent un tournant dans cette histoire, faisanttriompher l’idée d’une transformation des espèces. Cette théorie évolutionnisteest complétée au XXe siècle par les données issues de la génétique, puis parcelles de la biologie moléculaire n

l’essentiel SUR

Q LEXIQUE

Darwinisme social Doctrine prônant une extension du principe de sélection naturelle aux sociétés humaines. EugénismeEnsemble de théories et pratiques visant à l’amélioration de l’espèce humaine. TransformisteSe rapporte à une théorie selon laquelle lesespèces se transforment au cours du temps.

appar tenant à des organismes d’espècesdiverses : les données qui en sont issues sontfondamentales pour recons truire l’histoireévolutive des êtres vivants et établir des relationsde parenté entre eux.La synthèse moderne soutient, à l’instar deDarwin, que les changements évolutifs sontlents et graduels. Cette vision gradualiste estbousculée dans les années 1970 par la théoriedes équilibres ponctués développée par les paléontologues Stephen Jay Gould et Nils Eldredge, qui postulent que de longuespériodes de stases évolutives, au cours des -quelles les espèces n’évoluent pas ou peu,alternent avec de brefs épisodes de spéciation,pendant lesquels se concentrent les chan ge -ments évolutifs. Cette théorie suscite alors unecontroverse. Aujourd’hui, la plupart des scien -tifiques adoptent une position intermé diaire,acceptant la coexistence du gradualisme et deséquilibres ponctués.Les nombreux éclairages apportés aux sciencesde l’évolution depuis la synthèse moderneconduisent aujourd’hui certains scientifiquesà exiger la mise en place d’une nouvelle syn thèse évolutive, intégrant les nouvellesdonnées. Selon ces biologistes, la synthèsemoderne ne suffit plus, et doit être com plé -tée. Une révolution à venir pour les sciencesde l’évolution ? n

Article aimablement relu par Jean-Marc Drouin(professeur, MNHN).

LIVRES• David P., Samadi S., La Théorie de l’évolution : une logique pour la biologie,Flammarion, 2000.• Lecointre G., Guide critique de l'évolution, Belin, 2009.• Tort P., Darwin et la science de l'évolution, Gallimard, 2000.

SITES INTERNET• Sur l’histoire générale de la pensée évolutionnistehttp://www.ucmp.berkeley.edu/history/evothought.html• Charles Darwin : le voyage d’un naturaliste autour du monde http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosdarwin/darwin.html

en savoir PLUSHistoire d’une pensée en évolutionN

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