dossier : alimentation, on nous fait gober n’importe quoi

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Dossier : Alimentation, on nous fait gober n’importe quoi ! Qu’elles soient savamment entretenues par la publicité pour nous faire acheter tel ou tel produit «préparé dans le respect de la tradition» ou transmises par nos grands-mères pour nous faire terminer notre assiette de brocolis, les idées reçues sur l’alimentation ont la vie dure. Dans ce dossier, nous faisons le point sur une dizaine d’entre elles, parmi les plus répandues : le fer dans les épinards et le poisson qui rend intelligent, bien sûr mais aussi les oméga-3, les sucres lents, etc. Un dossier mitonné par Laura Matthys, animatrice scientifique aux JSB Première parution : Ébullisciences n°356, février-mars 2015 Mange tes épinards, tu seras fort comme Popeye ! FAUX Ta grand-mère et la croyance populaire sont bien d’accord là-dessus : les épinards, c’est plein de fer et le fer donne des forces, donc tu dois finir ton assiette ! Bon alors, c’est vrai qu’il y a du fer dans les épinards et que le fer est nécessaire à notre organisme. Mais il y a un « mais ». Même plusieurs « mais ». Tout d’abord, s’il y a effectivement du fer dans les épinards (2,7 mg/100 g), il y en a beaucoup plus dans le persil (6,2 mg/100 g) ou les lentilles (8 mg/100 g). En outre, le fer d’origine végétale est beaucoup moins facilement assimilable par l’organisme que le fer d’origine animale : quand tu manges 100 g d’épinards, tu assimiles 1 à 5% des 2,7 mg de fer qu’il contient, quand tu manges 100 g de foie de porc, tu assimiles 10 à 30% des 18 mg de fer qu’il contient. (Tiens, du coup, tu préfères manger tes épinards ? :-D) Ensuite, si le fer est indispensable à notre organisme, c’est parce qu’il est un constituant indispensable de l’hémoglobine des globules rouges. Il joue donc un rôle dans le transport de l’oxygène vers les organes et les muscles. Mais il ne donne pas à proprement parler de force musculaire.

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Page 1: Dossier : Alimentation, on nous fait gober n’importe quoi

Dossier : Alimentation, on nous fait gober n’importe quoi ! Qu’elles soient savamment entretenues par la publicité pour nous faire acheter tel ou tel produit «préparé dans le respect de la tradition» ou transmises par nos grands-mères pour nous faire terminer notre assiette de brocolis, les idées reçues sur l’alimentation ont la vie dure. Dans ce dossier, nous faisons le point sur une dizaine d’entre elles, parmi les plus répandues : le fer dans les épinards et le poisson qui rend intelligent, bien sûr mais aussi les oméga-3, les sucres lents, etc.

Un dossier mitonné par Laura Matthys, animatrice scientifique aux JSB Première parution : Ébullisciences n°356, février-mars 2015

Mange tes épinards, tu seras fort comme Popeye !

FAUX Ta grand-mère et la croyance populaire sont bien d’accord là-dessus : les épinards, c’est plein de fer et le fer donne des forces, donc tu dois finir ton assiette ! Bon alors, c’est vrai qu’il y a du fer dans les épinards et que le fer est nécessaire à notre organisme. Mais il y a un « mais ». Même plusieurs « mais ». Tout d’abord, s’il y a effectivement du fer dans les épinards (2,7 mg/100 g), il y en a beaucoup plus dans le persil (6,2 mg/100 g) ou les lentilles (8 mg/100 g). En outre, le fer d’origine végétale est beaucoup moins facilement assimilable par l’organisme que le fer d’origine animale : quand tu manges 100 g d’épinards, tu assimiles 1 à 5% des 2,7 mg de fer qu’il contient, quand tu manges 100 g de foie de porc, tu assimiles 10 à 30% des 18 mg de fer qu’il contient. (Tiens, du coup, tu préfères manger tes épinards ? :-D) Ensuite, si le fer est indispensable à notre

organisme, c’est parce qu’il est un constituant indispensable de l’hémoglobine des globules rouges. Il joue donc un rôle dans le transport de l’oxygène vers les organes et les muscles. Mais il ne donne pas à proprement parler de force musculaire.

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Alors d’où vient cette idée reçue ?

Il semblerait que l’origine de cette légende incombe à un nutritionniste allemand, E. von Wolf qui, en 1870, évaluait la composition nutritionnelle des aliments. Au lieu d’écrire que les épinards contenaient 2,7 mg de fer pour 100 g, il a écrit 27. Quelques années plus tard, un chercheur, Gustav von Bunge, aggrava encore les choses en attribuant le taux de fer dans les épinards séchés à des épinards frais. Or, comme les épinards contiennent énormément d’eau, les séchés sont bien plus riches en fer que les frais. La secrétaire du scientifique écrivit 40 mg/100 g au lieu de 4 et induisit ainsi le monde entier en erreur. La vérité sur la teneur en fer de ce légume vert fut rétablie par d’autres chimistes allemands en 1937 mais en vain, la légende était déjà en route, relayée notamment par Popeye, jusqu’en 1981 lorsque T.J. Hamblin a fait part de cette «supercherie» dans le British Medical Journal. Mais à bien des égards, ce mythe de l’épinard comme le légume riche en fer par excellence est encore vivace aujourd’hui. à noter que l’épinard n’est pas à délaisser pour autant. Il contient en effet d’autres nutriments précieux, comme la vitamine B9, la lutéine et la zéaxanthine. (Source : «Tribune du droguiste» Auteure et rédaction : Marie-Noëlle Hofmann)

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Mange ton poisson, ça rend intelligent !

OUI & NON

Après les épinards, le poisson ? (Oui, ce dossier nous a été commandé par tes parents !)

Le poisson contient du phosphore et on a longtemps cru que le phosphore jouait un rôle dans la mémoire. Cette idée vient d’anciennes théories liées à la découverte de l’ADN. Dans les années 1970, certains chercheurs ont supposé qu’une molécule voisine, l’ARN, pouvait être à la base des souvenirs. Or l’ARN contient beaucoup de phosphore. Aujourd’hui, on sait que ce sont les connexions entre les neurones qui sont le véritable support de la mémoire et des capacités cérébrales. Les neurones et les connexions neuronales nécessitent des substances variées mais pas spécifiquement du phosphore.

Crétin des Alpes !

Cette idée reçue vient peut-être aussi du fait que les poissons de mer contiennent de l’iode. Or, par le passé, les populations montagnardes, comme elles ne mangeaient pas de produits de la mer, manquaient d’iode. Cette carence affectait la croissance et le développement intellectuel. Un retard que l’on nommait « crétinisme », d’où peut-être l’expression « crétin des Alpes » et la croyance selon laquelle le poisson rend intelligent.

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Boire un jus d’orange, c’est pareil que manger une orange

FAUX

Mange des fruits, c’est plein de vitamines ! Oui, ok, sauf qu’on n’a pas toujours envie de se balader avec une banane dans son cartable, que peler une orange, c’est tout de même un peu une corvée. Alors, un berlingot de jus d’orange, ça fera bien l’affaire ! Pourtant, le principal argument des fruits, la vitamine C, ne tient pas la grande forme dans ton berlingot : même dans un jus fraîchement pressé, la vitamine C se dégrade rapidement à l’air et à la chaleur, alors dans ton berlingot de jus d’orange qui vient du Brésil… Pasteurisé, concentré, éventuellement surgelé avant d’être à nouveau dilué et conservé plusieurs semaines, la vitamine C d’origine a quasiment disparu. Celle qu’on y trouve a été rajoutée artificiellement en fin de processus. Autre intérêt nutritionnel des fruits : leur teneur en fibres. Or, dans les jus, même fraîchement pressés, il n’y en a pas puisque les fibres sont dans la pulpe. Et même si, dans certains jus industriels, on rajoute de la pulpe, il y en a

évidemment toujours moins que dans un fruit frais.

En revanche, ton berlingot de jus d’orange contient autant de sucre qu’un coca (càd 7 morceaux de sucre, soit 35 g pour 33 cl).

C’est quoi «les fibres» ?

Ce sont des substances résiduelles provenant de la paroi cellulaire des végétaux. […] Résistant à la digestion dans l’intestin, les fibres alimentaires n’ont pas de valeur nutritionnelle apparente. En fait, le rôle des fibres est important dans le transit intestinal […]. Elles stimulent le développement et l’activité des bactéries indispensables au bon fonctionnement de l’intestin. Elles ont un effet positif d’accélération de la satiété, retardent la sensation de faim, et limitent ainsi le risque de suralimentation, ce qui aide à prévenir l’obésité. (Source : wikipédia)

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Il faut manger 5 fruits et légumes par jour

VRAI

Ah bon ? Mais après 3 pastèques et 2 choux-fleurs, je cale un peu : faudra pas se plaindre si je ne termine pas mon poisson ! 5 fruits et légumes par jour, c’est bien sûr un slogan. Mais c’est aussi un vrai bon conseil alimentaire. Les fruits et les légumes apportent à notre organisme presque tout ce dont il a besoin pour fonctionner convenablement : fibres, vitamines, sels minéraux. Même les protéines sont présentes en quantité suffisante dans les légumineuses (pois, haricots, lentilles, …) et les fruits secs (noix, amandes, cacahuètes, …). En fait, il faut comprendre « 5 portions de fruits et légumes ». Une portion, dans ce cas, c’est la quantité que tu peux tenir dans une main. Un portion d’abricots, c’est 2 abricots ; une portion de haricots, c’est 100 g. Les fruits et légumes sont également une source importante d’antioxydants. Les antioxydants ont un rôle avéré dans la prévention de maladies cancéreuses ou neuro-dégénératives.

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—Une soupe en boîte n’aura évidemment pas les mêmes qualités nutrionnelles qu’une quantité équivalente de fruits et légumes frais : d’une part, par rapport à une quantité équivalente de crudités, la cuisson altère fortement les vitamines ; d’autre part, les modes de production industrielle amènent des teneurs en sucres et en sel considérables par rapport à nos besoins journaliers.—

Un bon petit déj’ : de l’énergie pour toute la matinée !

FAUT VOIR

Un grand bol de Kellog’s et une tartine de pain blanc : tu crois que te voilà paré, tu as avalé plein de sucres lents qui vont te donner de l’énergie longtemps. Au moins jusqu’à midi. Enfin, peut-être jusqu’à la récré de 10h…

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Cette ancienne classification sucres lents / sucres rapides vient de ce que les sucres ont des chaînes moléculaires de longueurs très différentes. Une idée reçue tenace est que les sucres comme l’amidon, présent dans le pain, qui ont des structures moléculaires longues sont lents à être assimilés par l’organisme et donc « libèrent leur énergie » petit à petit. Au contraire, le glucose ou le saccharose ont une structure moléculaire simple qui leur permet d’être rapidement assimilés. Aujourd’hui, on classe plutôt les aliments en fonction de leur indice glycémique (IG)*, c’est-à-dire de la vitesse à laquelle ils font monter la glycémie (le taux de sucre dans le sang). La référence est le glucose, le sucre pur, dont l’indice a été fixé à 100. Et là, surprise : le pain blanc, bien que contenant de l’amidon, un sucre long, a un indice glycémique de 85 ! Ce qui veut dire qu’il est vite assimilé par ton corps et donc vite stocké sous forme de graisse.

Bref, alors que tu crois avoir pris un bon petit déjeuner à 7h30 en mangeant deux tartines de pain blanc à la confiture, tu as déjà faim en milieu de matinée… Donc, pour avoir un petit déjeuner qui te « tienne au corps » toute la matinée, compose-le plutôt de pain intégral (IG 40) avec une tranche de fromage.

* l’indice glycémique n’est pas une indication de la quantité de sucre contenue dans un aliment. À quantité de sucre égale, il indique l’augmentation de la glycémie par rapport à la normale.

L’indice glycémique d’un aliment, c’est donc l’augmentation, dans le temps, de la quantité de sucre dans le sang, par rapport à un taux de sucre normal (± 1g/L). Sur le graphique ci-dessus, cette augmentation est représentée par la surface S sous la courbe de glycémie. Un aliment avec un indice glycémique élevé amènera une réponse adaptée de l’organisme : un forte production d’insuline pour assimiler cette glycémie

et donc une baisse rapide du taux de glucose dans le sang, allant jusqu’à l’hypoglycémie.

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Le papier alu, c’est toxique. Et c’est pire quand on le

chauffe !

VRAI

L’aluminium, c’est le métal le plus abondant dans la croûte terrestre (8% de l’ensemble des matériaux solides de la croûte terrestre !). Il est donc très présent dans la nature et on en ingère des quantités importantes par l’eau qu’on boit ou l’air qu’on respire.

Pour notre organisme, l’aluminium a des effets neurotoxiques avérés : épilepsie, troubles de la mémoire… On le soupçonne d’être un facteur, sinon déclenchant, au moins aggravant dans la maladie d’Alzheimer.

En contact avec des aliments (papier alu, barquettes des pizzas ou des lasagnes), des particules d’alu migrent vers la nourriture. C’est particulièrement vrai quand on le chauffe et quand il s’agit d’aliments acides (comme les sauces tomates). Une raison de plus pour éviter les pizzas surgelées et les barquettes de lasagnes !

Pourtant, l’alu est un additif alimentaire autorisé : c’est un colorant de surface utilisée en charcuterie et en confiserie (les petites boules argentées pour décorer les gâteaux). Tu peux le repérer sur les étiquettes : il y est mentionné sous le code E173. Mais il est également présent dans de nombreux autres additifs (régulateurs d’acidité, affermissant de synthèse, levain de synthèse, antiagglomérant, etc.) : E520, E521, E522, E523, E541, E554, E555, E556, E559, E1452.

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Il y a du bon et du mauvais cholestérol

FAUX

Le cholestérol est un composant essentiel des membranes de nos cellules. Entre autres choses, il permet aux cellules de produire certaines vitamines mais aussi de nombreuses hormones (des messagers chimiques qui permettent à l’organisme de réagir à un stimulus). La structure chimique du cholestérol est unique. Il ne peut donc pas y avoir de bon et de mauvais cholestérol. Cette idée de bon et de mauvais cholestérol vient de la façon dont il se comporte dans l’organisme. Comme le cholestérol est un lipide (un corps gras), il n’est pas soluble dans le sang. Il ne peut donc pas arriver tout seul à destination. Des protéines particulières s’associent au cholestérol pour le «solubiliser». Cette association forme alors les LDL (Low Density Lipoprotein) qui transportent le cholestérol vers les organes qui en ont besoin et les HDL (High Density Lipoprotein) qui, au contraire, ramènent le cholestérol excédentaire de l’organisme vers le foie où il est éliminé.

Quand on a trop de LDL et pas assez de HDL, le cholestérol a tendance a être stocké dans l’organisme plutôt que ramené vers le foie, ce qui augmente les risques de maladies cardio-vasculaires.

Quand on parle de bon et de mauvais cholestérol dans des analyses sanguines, on parle en fait de ces lipoprotéines qui assurent le transport du cholestérol soit dans un sens soit dans l’autre. Il faut donc prêter attention au rapport LDL/HDL pour une interprétation adéquate des résultats.

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Les huiles végétales sont plus saines que les graisses

animales

FAUX

La publicité n’arrête pas de nous le dire : d’un côté, les méditerranéens vieillissent bien, pètent la forme et jouent au foot entre les oliviers ; de l’autre, le beurre doit être allégé « parce que le cœur de votre mari compte pour vous ». Bref, l’huile d’olive est une fontaine de jouvence alors que le beurre encrasse irrémédiablement nos artères. Qu’en est-il vraiment ?

En fait, les choses sont plus compliquées. Elles ne se résument pas à « huiles végétales » contre « graisses animales » mais plutôt à « acides gras saturés » contre « acides gras insaturés »… (Ces acides sont un des composants des graisses de notre alimentation.)

Une trop grande consommation d’acides gras saturés entraîne une augmentation du taux de cholestérol dans le sang et donc augmente les risques de maladies cardio-vasculaires. Or, ces acides gras saturés, c’est surtout dans les graisses d’origine animale qu’on en trouve (beurre, viande, fromage, etc.) alors que les acides gras insaturés sont plutôt présents dans les huiles végétales.

Mais il y a des exceptions de taille

Certaines huiles végétales contiennent des acides gras saturés, par exemple l’huile de palme, massivement utilisée dans l’industrie agro-alimentaire. Les plats préparés, les pizzas surgelées, les lasagnes industrielles mais aussi les pâtisseries industrielles en contiennent énormément.

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Des graisses animales comme la graisse d’oie ou de canard ont des teneurs élevées en acides gras insaturés comparables à l’huile d’olive. Donc, le choix n’est pas huiles végétales contre graisses animales. Mais il ne faut pas non plus le résumer à acides gras saturés contre acides gras insaturés : en effet, certaines huiles végétales insaturées comme l’huile d’arachide ou de tournesol sont (trop) riches en oméga-6, ce qui peut également entraîner des problèmes de santé (voir ci-dessous).

Oméga-3 et oméga-6 : la pub nous prend pour des cons

VRAI Les omégas-3 et -6 sont des acides gras dits « essentiels », c’est-à-dire qu’ils sont indispensables au fonctionnement de notre organisme mais que notre corps ne peut pas les produire lui-même. C’est donc dans notre alimentation que notre organisme va les puiser.

Chez les enfants, les oméga-3 (ω-3) sont nécessaires dans la construction des membranes cellulaires et des tissus cérébraux. Chez les adultes, ils ont un effet positif sur l’hypertension et la santé cardio-vasculaire. On les trouve dans certaines huiles végétales (huile de noix ou de colza) et surtout dans les poissons gras (saumon, sardines, anchois, …). Mais il n’y en a presque pas dans l’huile d’olive… Donc, quand une célèbre marque de margarine nous dit « contient 3 fois plus d’Oméga-3 que l’huile d’olive », on nous prend pour des truffes…

Les oméga-6 (ω-6), quant à eux, ont un effet positif sur l’excès de cholestérol et permettent à l’organisme de produire des substances qui interviennent dans les mécanismes immunitaires et inflammatoires (et donc de lutter contre les maladies et les blessures). On les trouve principalement dans les huiles de tournesol, de maïs, de soja. Ces huiles sont largement utilisées. Notre alimentation ne manque donc pas d’oméga-6. Au contraire. Donc, quand une pub nous vante un produit en nous disant qu’il est « riche en oméga-6 », on se fout de nous…

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En fait, ce qui est vraiment important, c’est la quantité des uns par rapport aux autres : idéalement, notre alimentation devrait contenir 5 parts d’ω-6 pour une part d’ω-3. En réalité, dans l’alimentation des pays occidentaux, ce rapport serait plutôt de 10/1 à 30/1 ! Donc, quand une publicité nous dit qu’un produit est « riche en oméga-3 et -6 » sans préciser le rapport entre les deux, on nous prend pour des cons…

Le naturel, c’est tout de même meilleur que le chimique…

FAUX Ah, les chicons ‘pleine terre’, les pommes qui viennent d’un vrai arbre, c’est quand même meilleur que tous ces trucs chimiques qui sortent des usines !

Oui, on voit bien l’idée mais bon, la pomme aussi, elle est chimique puisqu’elle est constituée de molécules !

Prenons le cas du monoxyde de dihydrogène : cet élément chimique est largement utilisé par l’industrie agro-alimentaire, il est présent dans presque tous les aliments, il est inodore et incolore. L’Organisation mondiale de la Santé, loin de s’en inquiéter, recommande au contraire d’en boire jusqu’à 2 litres par jour… Ce monoxyde de dihydrogène, ce produit chimique, c’est l’eau (H2O) !

—Le canular du monoxyde de dihydrogène consiste à attribuer à l’eau une dénomination complexe inconnue des non-initiés, et à tenir à son sujet un discours solennellement scientifique, de manière à créer chez l’auditeur une inquiétude injustifiée. (wikipédia) Cela dit, aucune des affirmations ci-contre n’est fausse. (NDLR)—

En fait, il serait plus juste de dire qu’en matière d’alimentation, le naturel est meilleur pour la santé que la bouffe industrielle : moins un produit est préparé, moins il contient d’additifs. Par ailleurs, des substances 100% naturelles et à l’allure parfaitement inoffensive peuvent pourtant s’avérer toxiques : c’est le cas par exemple de l’amygdaline, présente notamment dans les pépins de pommes, dont la digestion libère du cyanure ! Rassure-toi, pour que la dose soit mortelle, tu devrais manger plusieurs dizaines de kilos de pommes, trognons compris.

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—Quoi de plus naturel qu’une pomme ? Pourtant, les pépins de pommes (de même que les amandes amères, les noyaux de cerises, d’abricots, de prunes ou de pêches) contiennent de l’amygdaline dont la digestion libère du cyanure !—

Le bio, c’est quand même meilleur pour la santé !

OUI & NON Autant te dire que les discussions sur ce sujet ont été vives à la rédaction ! Voilà bien un sujet qui fait débat. Et pour cause : les études attestant des bénéfices santé de l’agriculture bio sont rares. À l’inverse, l’agriculture conventionnelle est défendue par quantité d’études… Rappelons quelques faits. L’agriculture et l’élevage bio ne visent pas, à proprement parler, à produire des denrées alimentaires meilleures pour la santé. Leur but est de produire en préservant l’environnement plutôt que de produire le plus possible. Ainsi, si l’agriculture bio fait appel à la lutte biologique ou aux cultures associées pour lutter contre les nuisibles plutôt qu’à l’utilisation de pesticides, c’est pour éviter l’extermination des insectes pollinisateurs et la diminution de la biodiversité.

Si l’agriculture bio préfère utiliser des engrais naturels (fumiers, compost, déchets verts, …), c’est pour éviter la pollution des sols et des eaux souterraines.

Si l’élevage bio s’interdit l’utilisation préventive d’antibiotiques, c’est pour éviter la création de souches multi-résistantes.

« La seule conclusion rigoureuse est que le bilan écologique des produits bio est clairement supérieur à celui des produits conventionnels. En achetant bio, vous serez en tout cas certain de faire quelque chose pour l’environnement, le climat, les nappes phréatiques et la biodiversité. Pour ce qui est de l’aspect purement lié à la santé, il n’y a en revanche pas de règle générale. Tout ce qui provient d’un champ ou d’une exploitation bio n’est pas forcément plus sain. C’est un autre débat. » (d’après Bio ou pas bio ? F. BOHLMANN, éd. Vigot, 2010)

L’agriculture bio ne vise pas spécifiquement à produire des aliments plus sains, soit. Mais, en évitant la pollution des sols, en protégeant les eaux souterraines, en préservant la biodiversité, les modes de production privilégiés ont bel et bien un effet indirect sur notre santé.

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Le recours à la lutte biologique plutôt qu’aux pesticides vise à protéger, entre autres, les insectes pollinisateurs, acteurs indispensables de la biodiversité.

Limiter l’exposition au risque

Il est quasiment impossible d’échapper à la pollution atmosphérique : les gaz d’échappement et les microparticules sont partout, il n’y a pas moyen de ne pas en respirer du tout. Mais on évite tout de même d’aller respirer au cul d’une voiture  ! On limite les risques. Choisir de manger bio, c’est un peu pareil : les pesticides, les nitrates, etc., il n’y a pas moyen d’y échapper complètement. Mais en mangeant bio, on limite déjà fort l’exposition au risque.

Le sucre, c’est pas bon mais l’aspartame, c’est encore pire !

À NUANCER Le sucre, issu de la betterave sucrière ou de la canne à sucre, consommé en excès, favorise l’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires. Or, on en consomme beaucoup ! Et même à l’insu de notre plein gré : sous forme de sirop de glucose-fructose, l’industrie agro-alimentaire en use à tort et à travers, même dans la composition de plats salés.

L’aspartame est un édulcorant, c’est-à-dire un produit qui donne un goût sucré mais qui, contrairement au sucre, n’apporte pas de calories. Il est donc largement utilisé dans les produits « light » (sodas, desserts allégés, etc. mais aussi de nombreux médicaments). Depuis sa découverte accidentelle en 1965, il compte parmi les additifs alimentaires qui ont le plus fait l’objet d’études.

Certaines de ces études démontrent que l’aspartame est cancérigène. Mais des détracteurs jugent ces études inexploitables parce que la méthodologie ne serait pas scientifique. D’autres prétendent que le doute est entretenu intentionnellement par les industriels qui utilisent massivement cet édulcorant.

Quoiqu’il en soit, ce qui est certain, c’est que, que ce soit du sucre ou de l’aspartame, nous consommons trop de produits sucrés (plus de 30 kg/an/personne, alors qu’à la fin du 19e s. on en était à 8 kg/an/personne).

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L’aspartame est largement utilisé dans les sodas «light» en remplacement du sucre. C’est l’un des additifs alimentaires les plus étudiés. —

Selon une étude américaine récente…

… l’artichaut fait maigrir ! … boire trop de café rend aveugle ! … manger bio ne rend pas sympa !

Nos magazines et le Net fourmillent d’articles qui affirment tout et son contraire en citant une étude scientifique. Si cette étude est récente et américaine, c’est encore plus vrai ! Et c’est vrai qu’en matière d’alimentation, il y a énormément d’études qui sont réalisées. Parfois avec des résultats totalement contradictoires. Comment expliquer cela et, surtout, que croire ?

Premièrement, si on décide de faire une étude sur les vertus amaigrissantes de l’artichaut, plusieurs disciplines scientifiques seront concernées : la médecine, la nutrition, la sociologie (qui, dans ce cas, étudie les habitudes de consommation d’une population donnée), l’épidémiologie (qui étudie les facteurs influençant la santé), la biologie ou la biochimie (qui étudieront le comportement de telle ou telle molécule au niveau des cellules de notre organisme). Deuxièmement, quand on réalise une étude épidémiologique, on le fait sur un échantillon de personnes qu’on essaye le plus représentatif de l’ensemble de la population. Sur cette base, on calcule des statistiques. Ainsi, on pourrait démontrer que 75% des personnes observées qui ont mangé de l’artichaut pendant 1 mois ont perdu entre 1 et 5 kg, contrairement à un groupe-témoin équivalent qui n’aurait pas mangé d’artichaut. On serait alors tenté d’étendre cette affirmation et de dire que l’artichaut fait maigrir… Ce serait oublier que cette perte de poids peut être due à plein d’autres facteurs : par exemple, ces gens n’aiment vraiment pas les artichauts et ont donc moins mangé

pendant l’étude 😉 Ou alors, cette perte de poids est due à la combinaison de la consommation d’artichaut avec d’autres facteurs que l’étude n’a pas pris en compte… Troisièmement, quand on publie les résultats d’une étude scientifique (dans une revue scientifique), c’est pour la confronter à la critique d’autres scientifiques. On va ainsi pouvoir affiner les protocoles expérimentaux (et se dire qu’il est important d’observer nos mangeurs d’artichaut sans changer le reste de leurs habitudes) ou croiser les résultats de cette étude avec une autre.

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Les médias (journaux, blogs, magazines) ont tendance à s’emparer des résultats d’une étude scientifique comme si c’était une vérité absolue. Et en tirer des conclusions hâtives. Et en faire des titres accrocheurs. Enfin, n’oublions pas que réaliser ces études, ça demande de l’argent. Beaucoup. Et que les résultats d’une étude peuvent « doper » les ventes d’un produit ou au contraire les faire considérablement baisser. Il y a donc des lobbies, dont le boulot consiste à faire pression sur les décideurs politiques pour que les lois, normes, etc. leur soient favorables (NDLR : au Parlement européen, il y avait en février 2015, 3790 lobbyistes enregistrés pour 751 eurodéputés ! source : ec.europa.eu). Imaginons qu’une étude démontre que l’aspartame est bel et bien cancérigène. Ce serait évidemment un gros problème pour les fabricants de soda light… Alors, soit ils font pression pour que l’État ne vote pas une loi interdisant l’utilisation de l’aspartame, soit ils financent une étude pour prouver que l’aspartame n’est pas dangereux (soit ils font les deux). On peut alors s’interroger sur l’objectivité d’une telle étude. Il faut donc regarder qui l’a commandée.

Bon, je fais comment alors pour savoir quoi manger ?

En conclusion, disons qu’en matière d’alimentation, il faut faire attention aux affirmations faciles et définitives. Les idées reçues sont nombreuses et elles ont la vie dure. Néanmoins, les conseils que nous pouvons te donner sont les suivants :

Ne te fie pas à la publicité !

N’oublie pas que le but d’une pub est de te convaincre d’acheter un produit, pas de t’informer sur ses qualités réelles. Et donc, contrairement à ce que prétend ta télé, les céréales au chocolat, ce n’est pas l’idéal comme petit-déjeuner…

Varie ton alimentation !

Oui bien sûr, une pizza ou un Big Mac, de temps en temps, ça ne va pas te tuer. Mais il faut alterner avec des jours où tu manges du poisson, des légumes, des fruits, du fromage. La pyramide alimentaire (cfr p.9) est une bonne référence.

Évite la bouffe industrielle !

C’est plein d’emballages inutiles mais surtout c’est plein d’additifs en tout genre : pour que ça passe mieux dans les tubes à l’usine, pour que ça ne fasse pas de grumeaux, pour que ça conserve plus longtemps, pour que ça ne change pas de couleur, pour que ça goûte meilleur, etc.

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Une dernière idée reçue : cuisiner, ça prend trop de temps. La prochaine fois que tu as envie d’une pizza avec tes potes, faites-la vous-mêmes, ensemble. Elle sera meilleure et vous vous serez amusé(e)s à la faire (d’ailleurs tu vas te faire frotter les oreilles parce qu’il y a de la farine partout dans la cuisine !)

Un dossier mitonné par Laura Matthys, animatrice scientifique aux JSB

Première parution : Ébullisciences n°356, février-mars 2015