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Document de travail n °48 Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiques de la transition énergétique mai 2014

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Documentde travail n°48

Une grille d’analyse des évaluationsdes impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

mai 2014

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Pascale Scapecchi est docteur en économie del’Université de la Méditerranée (Aix-MarseilleII).Avant de rejoindre Coe-Rexecode en 2012,elle a été économiste à la Direction de l’envi-ronnement de l’OCDE puis à la Direction géné-

rale du Trésor du Ministère de l’économie, desfinances et de l’industrie. Spécialisée en écono-mie publique, ses travaux récents portent sur lesaspects économiques du changement climatique.Au sein du pôle Etudes de Coe-Rexecode, PascaleScapecchi est chargée de travaux de politiqueéconomique et plus précisément des questionsrelatives à l’énergie et à l’environnement.

PascaleSCaPECCHi

avecJean-François

OUVRaRD

Directeur des études au sein Coe-Rexecode, il est en

charge des travaux portant notamment sur la poli-

tique économique, la compétitivité, l’emploi et la

croissance. Il a rejoint Coe-Rexecode en 2013.

Il était auparavant en charge du diagnostic conjonc-

turel à l’Insee après avoir occupé différents postes d’éco-

nomistes au sein de la Direction Générale du Trésor. Il est

diplômé de l'Ecole Polytechnique, de l’ENSAE et titulaire

d'un DEA de macroéconomie de l’Université Paris 1 Pan-

théon-Sorbonne.

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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Quels sont les outils utilisés pour évaluer les impacts économiques

de la transition énergétique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Une grande diversité d’évaluations des impacts macroéconomiques . . . . . . . . . . . 5Les modèles technico-économiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Les modèles macroéconométriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8Les modèles d’équilibre général calculable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Les modèles hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Grille de lecture des modélisations de la transition énergétique :

quelques principes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Premier canal : les instruments de prix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Canaux de transmission d’une taxe carbone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Les possibilités de substitution technologique jouent un rôle essentiel . . . . . . . . 14

La possibilité du « double dividende » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Deuxième canal : les soutiens de la demande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16Le rôle de l’investissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17Prendre en compte le financement de l’investissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Le progrès technique est un facteur-clé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Le rôle du progrès technique sur la croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Progrès technique exogène vs. endogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Le bouclage macroéconomique conditionne l’équilibre atteint . . . . . . . . . . . 21La compréhension des mécanismes de bouclage des modèles est essentielle . . . 21

L’analyse du scénario de référence doit être faite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

La grille de lecture appliquée aux scénarios de la transition énergétique :

pourquoi les études donnent ces résultats ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Forces et faiblesses des différentes familles de modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24Lecture critique des scénarios récents de transition énergétique . . . . . . . . . . . . . 24

Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Une grille d’analyse des évaluationsdes impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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La politique de transition énergétique vise à infléchir la trajectoire de l’économie française afin de di-minuer les émissions de gaz à effet de serre par rapport à son évolution spontanée.

Cette politique peut mettre en œuvre plusieurs instruments : une taxation des émissions de carboneafin d’internaliser dans le prix de revient le coût social des émissions, des quotas d’émissions pour li-miter directement les quantités émises (accompagnés d’un marché d’échange), des incitations bud-gétaires par des subventions ou des crédits d’impôt...

Quel que soit le scénario privilégié, les mesures de politique retenues auront pour conséquence (re-cherchée) de modifier les équilibres macroéconomiques futurs. Les études de transition énergétiquesont donc souvent accompagnées d’une évaluation des conséquences macroéconomiques, c’est-à-dire sur le niveau du PIB, l’emploi, le pouvoir d’achat, à plusieurs horizons afin de pouvoir comparerles impacts (environnementaux notamment) et les coûts économiques éventuels des scénarios. Lesévaluations sont présentées en différence par rapport à un « compte central » censé représenté l’avenirsans la politique envisagée.

L’estimation des conséquences des politiques (c’est-à-dire des écarts avec le compte central) reposesur différentes méthodes qui s’efforcent de prendre en compte les relations entre l’ensemble des va-riables économiques. Compte tenu de la complexité de l’économie, les projections font appel à desmodèles macroéconomiques.

L’objet de notre étude est de comparer les principaux modèles macroéconomiques disponibles et depréciser autant que possible leurs domaines et leurs limites de validité pour éclairer les effets des po-litiques de transition énergétique. Cette analyse est d’autant plus nécessaire que, dans les études pu-bliques actuelles, les effets économiques censés accompagnés des scénarios similaires en matière depolitique de transition énergétique sont très différents, voire contradictoires. Ainsi par exemple, dansles travaux du Comité Trajectoires, un scénario visant une réduction des émissions de gaz à effet deserre de 30% en 2030 par rapport à 1990 qui mettrait en place une taxe carbone pour atteindre cetobjectif et recyclerait les recettes de la taxe sous forme de baisse des cotisations sociales patronalesconduirait en 2030 à une hausse du PIB de 0,6% (par rapport à son niveau dans le compte central)selon le modèle macroéconométrique « néo-keynésien » Mesange mais à une baisse du PIB de 4,5%selon le modèle d’ « équilibre général hybride » Imaclim-R. Ces différences ne tiennent pas tant auxscénarios de transition énergétique proposés qu’aux outils d’analyse mobilisés.

Notre travail ne porte aucun jugement sur les politiques de transition énergétique. Il est centré sur lanature, les références théoriques et les propriétés des différents modèles macroéconomiques.

On distingue traditionnellement les modèles d’équilibre partiel et les modèles d’équilibre général.Les premiers s’intéressent en détail à un secteur économique, par exemple le secteur de la productiond’électricité, toutes choses égales par ailleurs. Ils peuvent apporter un éclairage très utile sur unebranche, une activité économique mais par sur l’équilibre global. C’est pourquoi nous ne les exami-nerons pas dans ce document de travail.

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Une grille d’analyse des évaluations des impactsmacroéconomiques de la transition énergétique

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Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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Les modèles macroéconomiques sont censés prendre en compte l’ensemble des relations qui condui-sent à la formation des équilibres successifs qui créent la dynamique économique. Leur structure seréfère à deux grands courants théoriques de pensée : la théorie keynésienne et la théorie néo-clas-sique. Notre étude porte plus particulièrement sur 5 modèles de ce genre utilisés en France dans ledomaine de l’énergie et du climat, et sur 4 exercices récents menés en France qui proposent des scé-narios de transition énergétique : 1) l’étude du Trésor publiée en décembre 2010 ; 2) le scénario deGreenpeace publié en janvier 2013 ; 3) les scénarios de l’ADEME publiés en avril 2013 ; 4) les travauxdu Comité « Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone » publiés en 2012 par leCentre d’analyse stratégique.

Notre travail examine l’impact de deux catégories d’instruments de politique (les instruments visantà modifier les prix et les instruments d’incitation budgétaire), ainsi que le rôle de la modélisation re-tenue du progrès technique et du bouclage macroéconomique du modèle dans les évaluations. Ceconstat conduit à 8 recommandations aux utilisateurs des études d’impact macroéconomique de latransition énergétique :

1. Evaluer les effets nets des scénarios de transition énergétique sur l’économie à partir de mo-dèles présentant un bouclage macroéconomique, pour prendre en compte l’ensemble des in-teractions entre les variables affectant l’équilibre économique.

2. Expliciter le scénario de référence (i.e. le compte central) du modèle puisque les impacts ma-croéconomiques sont estimés en écart à ce scénario.

3. Rendre publiques des variantes stylisées du scénario central pour comprendre les mécanismesdu modèle à paramètres énergétiques inchangés.

4. Expliciter le financement des mesure envisagées, afin d’assurer la vraisemblance de la politiquede transition énergétique.

5. Considérer la chronique des impacts sur une période aussi longue que possible au lieu de sefocaliser sur les effets à une date précise (e.g. à 2030, à 2050) pour apprécier les effets transi-toires et les délais d’ajustement.

6. Evaluer les effets de la transition énergétique sur l’ensemble des canaux de la compétitivité,en les intégrant dans le scénario de référence.

7. Ne pas ignorer les interactions entre économie et environnement.8. Mobiliser des modèles de natures différentes pour distinguer les effets économiques liés au

modèle et ceux qui sont liés à la politique de transition énergétique.

Aucune des études considérées dans ce travail et dans le débat national sur la transition énergétiquene satisfait ces 8 recommandations. Par exemple, le scénario de Greenpeace propose une évaluationdes emplois directs créés dans les secteurs de l’électricité et de la chaleur uniquement sans évaluerl’effet net sur l’économie. L’étude de l’Ademe ne présente pas la chronique des impacts pour apprécierles effets de transition et ceux de long terme. D’une manière générale, dans toutes les études, le scé-nario de référence est peu explicité et les mécanismes macroéconomiques des modèles peu rensei-gnés (à l’exception du modèle Mesange dont certaines variantes sont publiques). Enfin, seuls lestravaux du Comité « Trajectoires » parmi les 4 études examinées ici reposent sur des modèles de na-tures différentes.

Les évaluations des impacts macroéconomiques actuellement avancées pour justifier la mise en œuvred’une politique de transition énergétique présentent des limites évidentes qu’il convient de comblerafin de maximiser les bénéfices (environnementaux et économiques) de cette politique tout en en li-mitant le coût économique et social.

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Introduction

La transition énergétique est de nouveau àl’agenda politique cette année avec une loi deprogrammation qui devrait être présentée d’icil’été. Il sera question notamment de déterminer lefutur mix énergétique, de fixer des objectifs deproduction d’électricité décarbonée, d’identifier lesinstruments à mettre en œuvre pour financer latransition de notre économie vers un fonctionne-ment plus sobre en énergie et en carbone. Cette loide programmation de la transition énergétique estdécisive et il parait nécessaire qu’elle soit fondéesur la plus large connaissance possible, en particu-lier sur les impacts économiques que les mesuresqu’elle va introduire pourraient avoir à court,moyen et long termes.

Dans cette perspective, des études d’impacts descénarios de transition énergétique précisant lesinstruments de politique à mobiliser sont régulière-ment publiés par divers organismes, publics ouprivés. Ces évaluations couvrent un large spectred’objectifs, d’instruments, de scénarios et s’ap-puient sur des « modèles » de nature souvent trèsdifférente. Elles sont difficilement comparables.Leurs résultats sont cependant souvent mis enavant sans être analysés en profondeur au risqued’être mal interprétés et utilisés.

L’objet de notre étude est de proposer un cadred’analyse des scénarios de transition énergétiquefondé sur une grille de lecture commune des diffé-rents modèles utilisés. Plus précisément, la trans-mission du choc propagé par la transition énergé-tique sur l’économie est examinée afin d’identifierles canaux de diffusion propres à chaque catégoriede modèles.

Dans une première partie, nous rappelons les diffé-rents types de modèles économiques employéspour évaluer les effets macroéconomiques de latransition énergétique. Les mécanismes écono-miques sous-jacents qui expliquent les divergencesde résultats entre études et entre modèles sont

ensuite examinés. Au regard des poli-tiques mises en œuvre pour la transitionénergétique, quatre éléments doivent fairel’objet d’un examen attentif :

– Les instruments prix ;– Les dispositifs de soutien à la demande ; – Le progrès technique ;– Le bouclage macroéconomique.

Notre travail montre ensuite que la connaissancedes mécanismes de modélisation aide àcomprendre les estimations émanant des scénariosde transition énergétique les plus récents. Enfin,des recommandations relatives à l’utilisation de lamodélisation macroéconomique pour l’évaluationde la transition énergétique sont proposées enconclusion de l’étude.

Quels sont les outils utiliséspour évaluer les impacts économiquesde la transition énergétique ?

L’analyse économique est évidemment indispen-sable pour estimer les coûts de politiques visant àréduire ou à limiter les impacts du changementclimatique, afin d’éclairer la prise de décision.

Une grande diversité d’évaluationsdes impacts macroéconomiques

Ce document s’intéresse aux évaluations « macroé-conomiques » de la transition énergétique, c’est-à-dire aux travaux qui se donnent pour objectif d’in-tégrer l’ensemble des politiques et objectifs asso-ciés à la transition énergétique dans un cadreunique, pour en déterminer les conséquences surl’économie (croissance, chômage, etc.). Pour laFrance, quatre exercices récents proposent desscénarios de transition énergétique avec uneévaluation des impacts macroéconomiques(exprimés en termes d’effets sur le PIB et/ou surl’emploi)1 :

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– l’étude de la Direction générale du Trésorpubliée en décembre 20102 ;

– le scénario de Greenpeace publié en janvier20133 ;

– les scénarios de l’ADEME publiés en octobre20134 ;

– les travaux du Comité « Trajectoires 2020-2050vers une économie sobre en carbone » publiésen 2012 par le Centre d’analyse stratégique5.

Le tableau ci-contre résume les principaux résul-tats de ces quatre études. Pour donner une mesuredes coûts ou des bénéfices de la transition énergé-tique, les effets sont évalués en écart à un scénariode référence n’incluant pas de mesures de transi-tion énergétique6. Il apparait une dispersion et unehétérogénéité très marquée des effets macroécono-miques attendus. Ces différences ne tiennent pastant aux objectifs de réduction des émissions deCO2 poursuivis qu’aux outils d’analyse mobilisés.Cela s’observe directement à partir des résultats duComité Trajectoires qui soulignent bien le fait que,pour un même scénario de réduction des émissionsde CO2, les évaluations des impacts macroécono-miques sont assez différentes selon le modèleutilisé.

L’étude de Greenpeace se distingue des autres carc’est la seule à ne pas évaluer les effets nets de sonscénario de transition énergétique sur l’emploi (etsur la croissance du PIB). Elle se limite à évaluerles emplois bruts, c’est-à-dire les emplois quiseraient créés dans la filière par le scénario, sansprendre en compte les emplois qui seraient perdusdans les autres secteurs de l’économie. Cetteapproche est clairement limitée et ne parait pasappropriée pour éclairer la prise de décision. Il fautautant que possible privilégier les évaluations deseffets nets que peuvent effectuer les modèlesmacroéconométriques et les modèles d’équilibregénéral.

Les modèles utilisés pour produire ces scénarioss’inscrivent dans quatre grandes « familles » demodèles de la littérature économique :

– les modèles technico-économiques :construits en équilibre partiel, ilspermettent une analyse détaillée desopportunités technologiques (e.g. Poles) ;

– les modèles macroéconométriques (e.g.

Mésange, Nemesis, Threeme) : généralementde type néo-keynésiens, ils reposent sur desestimations économétriques des comporte-ments des agents économiques, notammentleurs anticipations ;

– les modèles d’équilibre général (e.g. Gemini-E3) : fondés sur la théorie économique del’équilibre général, ils décrivent, pour chaquefacteur de production et chaque produit,l’équilibre de l’offre et de la demande obtenupar l’ajustement du système de prix ;

– les modèles hybrides (e.g. Imaclim-R) : ilscombinent un module macroéconomique (detype équilibre général pour Imaclim-R) à unmodule technologique très détaillé construitsur une approche « microéconomique » desopportunités technologiques.

Les modèles technico-économiques

Les modèles technico-économiques (dits bottom-

up) sont des modèles d’équilibre partiel qui forma-lisent les contraintes et opportunités technolo-giques. Ils cherchent ainsi à identifier les compor-tements sectoriels portant sur l’offre et la demandedétaillées de certains facteurs de production, cecidans le but d’estimer les coûts totaux et marginauxd’abattement7, les prix des facteurs et les possibi-lités de mesures sans regret8. Ils s’appuient pourcela sur une description technologique détailléedes filières de chaque industrie, des passerellestechnologiques entre elles et des attributs des équi-pements (rendement, capacités, structures decoûts, impacts) et de la concurrence entre secteursau stade des besoins (Rapport Finon, 2003)9. Lecadre de ces modèles est généralement national(e.g. Markal)10, même si certains fournissent desanalyses internationales (e.g. Poles)11.

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Sachant qu’il existe différents modes de produc-tions concurrentiels faisant appel à des technolo-gies différentes, ces modèles permettent d’identi-fier les technologies les plus efficaces à partir descoûts de production, des prix des énergies, destaux de pénétration des technologies sur le marché,etc. L’approche s’inscrit clairement dans une pers-pective de coût-efficacité. Ces modèles sontemployés pour identifier les combinaisons techno-logiques les moins coûteuses pour atteindre uncertain niveau de demande finale. Ils ont ainsipermis d’identifier l’existence de possibilités d’in-vestissement rentables et non-exploitées, qualifiéesde potentiels de réduction des émissions à coûtnégatif.

Les modèles bottom-up permettent de construire,entre autres, des trajectoires d’offre et de demanded’énergie, de prix des énergies, ou de coûts deréduction des émissions de gaz à effet de serre.Cependant, ils ne comportent pas de modulepermettant une rétroaction macroéconomique. Lesrésultats obtenus par ces modèles sont doncsouvent utilisés comme inputs aux modèles top

down (modèles macroéconométriques, modèlesd’équilibre général calculable – cf. infra) qui dispo-sent d’un bouclage macroéconomique. C’étaitnotamment la démarche retenue pour les travauxdu Comité Trajectoires en 2012 avec le modèlePoles.

Ces modèles ne font pas l’objet d’un examenapprofondi dans cette étude qui se concentre surles modèles proposant un bouclage macroécono-mique.

Les modèles macroéconométriques

Les modèles macroéconométriques ont été initiale-ment conçus pour évaluer les impacts macroécono-miques et sectoriels des politiques économiques etsont largement utilisés comme outil d’aide à ladécision politique. Ils sont généralement utiliséspour simuler et évaluer les effets de chocs écono-miques ou pour faire des prévisions macroécono-miques à court ou moyen terme.

Ces modèles reposent sur un jeu d’équations décri-vant l’ensemble de l’économie, les comportementsdes agents et des marchés. Ils peuvent contenir descentaines voire des milliers d’équations décrivantl’évolution des principaux agrégats économiques.Ces modèles s’appuient sur un cadre théoriquedécrivant les équilibres macroéconomiques(chômage d’équilibre, boucle prix-salaire, etc.). Apartir de ce cadre théorique, l’approche est ensuitetrès empirique, avec des estimations économé-triques d’équations de comportement. Ces modèlessont par nature dynamiques et permettent d’intro-duire des imperfections des marchés, ou encore descoûts d’ajustement de court terme suite à des chan-gements de politique publique.

Le recours à l’économétrie confère à ces modèlesune assise empirique importante : toutes les fonc-tions de comportement sont, en principe, validéesen fonction des comportements historiques. Cetteforce constitue également une faiblesse car elleentretient une dépendance entre comportementsprésents et passés et, par définition, ces modèlessont inopérants pour détecter des ruptures detendance. En outre, le recours à l’économétrienécessite une quantité importante de données, cequi a pour contrepartie un degré de désagrégationsectorielle souvent plus faible que dans lesmodèles d’équilibre général calculable.

Trois modèles macroéconométriques ont été utili-sées pour évaluer les impacts macroéconomiquesdes scénarios envisagés par le Comité Trajectoires :Nemesis12, Threeme13 et Mesange14. Le modèleThreeme est également utilisé pour modéliser l’im-pact macroéconomique des scénarios de transitionénergétique proposés par l’ADEME que nousexaminerons également ultérieurement.

D’autres modèles macroéconométriques ont étéappliqués au domaine des changements clima-tiques. On peut citer par exemple le GMM (Global

Macroeconometric Model) développé par OxfordEconomics Forecasting. Ce modèle a été notammentemployé pour explorer l’impact d’une variation desprix de l’énergie sur l’économie britannique15.

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Les modèles d’équilibre généralcalculable

Les modèles d’équilibre général calculable (MEGC)reposent sur la théorie macroéconomique del’équilibre général, fondée sur les comportementsmicroéconomiques du consommateur et duproducteur. Ils décrivent explicitement les préfé-rences des consommateurs et les possibilités tech-niques de substitution à travers des agents repré-sentatifs. Ainsi, les consommateurs et les produc-teurs allouent leurs ressources de manière à maxi-miser respectivement leur bien-être (utilité) etleurs profits. L’équilibre est atteint au traversd’ajustements dans les prix relatifs qui sont déter-minés par le modèle.

En décrivant les interactions entre les différentssecteurs de l’économie, ces modèles reconnaissentnon seulement les effets directs d’une politiquedonnée sur les entreprises et les ménages, maiségalement les effets indirects d’équilibre général.Ils peuvent donc reproduire une économie à l’équi-libre sur la base d’ajustements par les prix et lesquantités. Ces modèles sont plutôt destinés à l’ana-lyse structurelle afin d’évaluer les effets tendan-ciels en termes de bien-être de politiques agissantpar le canal des marchés (politiques jouant parexemple sur les prix, sur la fiscalité ou sur leséchanges).

Un des principaux avantages de ces modèles estqu’ils sont capables de représenter l’ensemble desinteractions (action et rétroaction) entre les varia-bles économiques, et peuvent évaluer la propaga-tion des effets de certaines politiques sur l’en-semble de l’économie.

Contrairement aux modèles macroéconométriquesqui considèrent les comportements passés commepreuve de réalisme, les MEGC se fondent rigoureu-sement sur la théorie économique pour anticiperles comportements futurs. La plupart des MEGCutilisent cependant l’économétrie pour asseoir lesfondements empiriques de certaines relations théo-riques comportementales.

Les paramètres et coefficients des MEGCsont généralement déterminés par cali-brage. Le calibrage est une procédure mathé-matique qui permet d’identifier les paramètresstructurels du modèle à partir de fonctions dedemande de facteurs, d’offre de travail, ou dedemande de biens et services. Le calibrage permetune désagrégation très importante du modèle,contrairement aux modèles macroéconométriques.

De nombreux modèles d’équilibre général calcu-lable ont été développés afin de rendre compte desrelations complexes entre économie, énergie etenvironnement. On pourra citer par exemple lemodèle Gem-E3 (General Equilibrium Model for

Energy-Economy-Environment interactions) utilisépour évaluer l’impact macroéconomique du paquetclimat-énergie au niveau de l’UE16. Au niveau fran-çais, on peut citer le modèle Gemini-E3 utilisé parl’école Polytechnique fédérale de Lausanne (équipemenée par Alain Bernard et Marc Vielle)17.Conjointement développé par le Ministère françaisde l’équipement et l’agence française d’énergieatomique, ce modèle a été utilisé notamment pourl’élaboration de la valeur tutélaire du carbone18.Bien que ce modèle n’ait pas été utilisé récemmentpour modéliser les impacts macroéconomiques descénarios de transition énergétique, il demeure leseul et unique MEGC français utilisé dans ledomaine de l’énergie et du climat.

On notera qu’au niveau international, la modélisa-tion des interactions entre la sphère économique etla sphère environnementale a été largementdominée par les modèles d’équilibre général. EnFrance, les modèles macroéconométriques destructure néo-keynésienne sont majoritairementplus présents.

Les modèles hybrides

Les approches macroéconomiques (MEGC oumacroéconométriques) butent assez largement surla description des modes de production et des tech-nologies disponibles. Or, c’est un enjeu essentielpour l’analyse de la transition énergétique.

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Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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Les problématiques technologiques sont enrevanche bien décrites dans les modèles « technico-économiques » (dits bottom-up). Cependant, cesderniers n’intègrent pas une vision globale de l’ac-tivité économique, généralement considéréecomme exogène, et ne permettent donc pas unbouclage macroéconomique. En conséquence, ilsignorent totalement les effets de retour associés àla mise en place de politiques publiques.

Pour concilier ces deux approches, des démarchesd’« hybridation » ont vu le jour. Ces modèles alter-natifs cherchent à allier la description fine destechnologies des modèles technico-économiquesavec une description de l’équilibre macroécono-mique d’où l’appellation de modèles « hybrides ».Ces modèles distinguent les différentes technolo-gies énergétiques et traitent explicitement les varia-tions de prix relatifs entre ces différentes technolo-gies. De par leur composante top down, cesmodèles supposent des réponses rationnelles auxvariations des prix relatifs.

De plus, certains de ces modèles intègrent desmécanismes de déséquilibre, comme l’incertitudeet les asymétries d’information. Cela est d’autantplus pertinent pour discuter les instruments depolitique publique et évaluer les coûts sociaux desrisques environnementaux, notamment ceux rela-tifs aux changements climatiques.

C’est dans cette famille que s’inscrit le quatrièmemodèle utilisé par le Comité « Trajectoires », lemodèle Imaclim. Développé par le Centre interna-tional de recherche sur l’environnement et le déve-loppement (CIRED), ce modèle intègre une analysesectorielle bottom-up à un module macroécono-mique de type MEGC. Il se décline en une versionde projection statique (Imaclim-S) et une versiondynamique récursive (Imaclim-R)19. Ce modèle aégalement été utilisé pour les travaux de laCommission Quinet pour l’élaboration de la valeurtutélaire du carbone.

Un autre exemple de modèle hybride est le modèleMerge (Model for Evaluating the Regional and

Global Effects) qui a été largement utilisé pour

évaluer les effets globaux et régionaux des poli-tiques climatiques (Manne et Richels, 200420). Ilcombine une représentation bottom-up du secteurde l’offre d’énergie avec une formulation de l’éco-nomie globale de type équilibre général. Le modèleE3MG (energy-environment-economy model of the

globe)21, développé par le centre d’économétrie del’université de Cambridge, est un modèle hybrideoriginal puisqu’il s’agit d’un modèle macroécono-métrique appliqué à l’énergie incorporant unereprésentation détaillée des technologies. Il est parexemple utilisé pour évaluer l’impact des engage-ments contraignants de réduction des émissions deGES annoncés par les pays de l’Annexe I duProtocole de Kyoto. Les modèles DICE (Dynamic

Integrated model of Climate and the Economy) etRICE (Regional Integrated model of Climate and the

Economy) développés par William Nordhaus sontdes modèles d’optimisation appliqués à la problé-matique des changements climatiques. DICE a éténotamment utilisé pour comparer l’efficacité dedifférentes politiques climatiques, ou pour analyserle rôle des taxes carbone. RICE, quant à lui, a étéemployé pour évaluer les impacts économiques dedifférents scénarios de réduction des émissions deCO2 dans douze régions du monde22.

Grille de lecture des modélisationsde la transition énergétique :quelques principes

Il n’est pas étonnant que la nature très diverse desmodèles conduise in fine à des évaluations trèshétérogènes. Il est important d’en comprendre lesmécanismes et c’est l’objet de la suite de cettenote. Il convient de commencer par l’identificationdes canaux de transmission de la transition énergé-tique.

La transition énergétique est le fruit de politiquesvolontaristes visant à orienter les comportementsde consommation et de production vers des modesplus respectueux de l’environnement et plus sobresen énergie. Elle s’appuie sur un certain nombred’instruments (taxes, contraintes réglementaires,

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subventions à la production, à l’investissement ouà la R&D, investissements publics dans les infra-structures, etc.) qui affectent les choix des agents etdonc l’équilibre économique.

C’est donc sur les mécanismes de propagation deces instruments qu’il faut se concentrer afin d’éla-borer une grille de lecture des modèles utiliséspour évaluer les effets économiques de la transitionénergétique.

Trois types de politiques sont généralement mobi-lisés pour mettre en œuvre la transition énergé-tique :

1) Les mesures modifiant les prix ou les coûts,comme par exemple la taxation et les marchésde quotas d’émissions ;

2) Les mesures affectant la demande23, commepar exemple les dépenses d’infrastructures oule soutien à l’investissement dans des biens oudes technologies spécifiques ;

3) Les mesures règlementaires affectant l’offre,visant à limiter les émissions polluantes,comme par exemple les normes d’émissions etles normes techniques.

Il faut également considérer un possible effet indi-rect de ces instruments sur l’innovation. Parexemple, l’introduction d’un signal-prix peut inciterles industries à investir dans la R&D pour améliorerleurs produits ou leurs procédés afin de limiter l’im-pact de l’instrument prix sur les coûts de produc-tion (cf. infra). En outre, l’innovation peut jouer unrôle crucial dans la transition énergétique au traversde l’efficacité énergétique ou de l’introduction detechnologies de rupture. Ainsi, des politiques desoutien à l’innovation ciblées sur l’énergie (modede production ou de consommation) peuvent aiderà l’accélération de la transition énergétique.

Ces mesures ne sont pas indépendantes et généra-lement la politique de transition énergétiqueévaluée dans les scénarios repose sur une combi-

naison de ces différents types demesures. Cependant, il est important deles distinguer car leur point d’applicationdans le circuit économique et leurs impactsmacroéconomiques ne sont pas identiques.

Dans cet ensemble de mesures, les normes règle-mentaires constituent une catégorie à part : iln’existe pas, à notre connaissance, d’étude ayantcherché à évaluer l’impact macroéconomiqued’une norme et celles-ci ne sont pas modéliséesdans les exercices que nous examinerons ultérieu-rement (Comité Trajectoires, scénarios Ademe etGreenpeace).

Les mesures règlementaires visent à contraindre lecomportement des installations polluantes. Ils’agit par exemple de normes d’émissions qui défi-nissent pour certains sites industriels, pour certainsobjets techniques de production et pour certainspolluants des intensités maximales d’émissions.Les normes peuvent également porter sur une tech-nologie spécifique de réduction des émissions ousur un produit précis. Elles relèvent aussi parfoisd’une obligation plus ou moins forte de conformité(e.g. obligation de travaux dans le secteur tertiaireou résidentiel).

La norme impose à chaque pollueur la mêmecontrainte quel que soit son coût marginal d’abat-tement. Elle a pour effet de distordre la structured’utilisation des facteurs de production par rapportà une utilisation optimale fondée sur le système deprix. Cette distorsion empêche l’installation d’uti-liser la combinaison de facteurs qui lui permet demaximiser son profit pour un coût donné. L’effetéconomique final dépend du degré de substituabi-lité entre les facteurs et du coût d’abattement del’installation. Ce raisonnement vaut égalementpour les ménages (e.g. obligation de mise auxnormes des logements). Les normes présentent ledésavantage d’être difficiles à calibrer et mènentpar conséquent à des résultats sous-optimaux ausens où le même résultat environnemental finalaurait pu être atteint à moindre coût via un instru-ment économique (taxe ou marché de permis).

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C’est pour cette raison que les politiques environ-nementales combinent autant que possible lesinstruments économiques (taxes, marchés depermis d’émissions) aux instruments règlemen-taires. En effet, les instruments économiques, endonnant à chaque acteur une marge de liberté pourchoisir de s’ajuster ou de payer, permettent deréaliser une répartition économiquement moinscoûteuse des efforts de dépollution entre pollueurset se révèlent finalement plus efficaces en matièrede lutte contre la pollution.

De surcroît, si elles sont bien calibrées, on peutsupposer que les normes sont modélisées implicite-ment comme un instrument modifiant le prix ou lecoût.

Au final, trois paramètres revêtent donc une impor-tance particulière dans les estimations des impactsobtenues par les modèles : le traitement des prixdes énergies, la modélisation du progrès technique,le rôle de l’investissement public ou privé. Ils sonttraités successivement dans les paragraphessuivants.

Premier canal : les instrumentsde prix

D’après la théorie économique, la mise en placed’un instrument économique (prix ou quantité)permettant de rendre explicite un « prix ducarbone » universel et unique est le moyen le plusefficace pour mettre en œuvre la transition énergé-tique. En effet, le signal-prix envoyé par l’instru-ment modifie les décisions des agents qui vont, defaçon rationnelle, mettre en œuvre les techniquesles plus efficaces de réduction de leurs émissions ets’orienter vers des choix plus sobres, sous réservedes autres contraintes (notamment de financement)qui s’imposent à eux. L’implémentation d’un instru-ment économique joue donc en général un rôleessentiel dans les scénarios de la transition énergé-tique, d’autant plus que, par sa simplicité, il se« substitue » à l’examen de mesures plus complexesde types réglementation ou incitations fiscales.

Il est clair qu’il s’agit là d’un optimum purementthéorique. En pratique, le processus effectif de latransition énergétique constitue un optimum de« second rang » car des difficultés d’implémenta-tion et des considérations non-économiques(sociales, environnementales) obligent à introduired’autres mesures en complément d’un instrumentde prix. A cela s’ajoutent également des difficultésinstitutionnelles liées à la mise en œuvre d’unsignal-prix unique qui mènent à l’adoption d’unpaquet de mesures combinant des instruments dedifférente nature.

A ce titre, certains scénarios considérés ici décri-vent des scénarios « théoriques ». D’autres étudesessaient de mieux prendre en compte la diversitédes instruments à la disposition des décideurspublics, comme nous le verrons par la suite.

Canaux de transmissiond’une taxe carbone

Concrètement, la mise en œuvre d’une taxecarbone va se traduire par un renchérissement duprix des énergies fossiles par rapport au scénariode référence et les effets de la diffusion de ceshausses de prix sont donc tout à fait déterminants. Trois canaux de transmission des prix des énergiesfossiles peuvent être identifiés.

L’introduction d’une taxe carbone entraine unehausse du prix des énergies fossiles. De fait, lamodification des prix des énergies fossiles génèredes effets revenus : les consommateurs (ménageset entreprises) vont voir leur facture énergétiqueaugmenter. Ces effets revenus entrainent à leurtour des effets de substitution : les agents vontsubstituer aux combustibles fossiles des produitsou des technologies plus sobres en carbone. L’effetmacroéconomique final dépendra de l’ordre degrandeur relatif des effets de substitutions (effetspositifs) par rapport aux effets revenus (effetsnégatifs).

Un second canal de transmission touche à lacompétitivité de l’économie. En effet, l’introduc-tion unilatérale d’une taxe carbone entraine une

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hausse des prix uniquement dans le pays concerné.Cela va de fait peser sur la compétitivité des entre-prises nationales : elles vont soit voir leurs parts demarché diminuer ou soit absorber dans leursmarges la hausse des prix des énergies.

La taxe portant sur des biens importés pour l’es-sentiel (le pétrole par exemple), elle diminue paral-lèlement la dépendance de l’économie françaisevis-à-vis du reste du monde, améliore la balancecommerciale et, via les effets de substitution, inciteles ménages à davantage consommer des produitsdomestiques, ce qui tempère ses effets négatifs surl’activité et l’emploi.

Toutefois, au total, l’introduction d’une taxe carbonepèserait sur la croissance économique et sur l’em-ploi car les effets revenus (négatifs) seraient supé-rieurs aux effets de substitution (positifs).

Ainsi, dans les modèles macroéconométriquescomme Mesange, Nemesis et Threeme, un instru-ment modifiant les prix, comme par exemple unetaxe carbone, pèse sur le pouvoir d’achat desménages qui diminuent leur consommation et sur

les entreprises qui réduisent égalementleur demande en consommations intermé-diaires énergétiques. Ce choc de demandeaffecte la production intérieure qui diminue.La baisse de la production entraine une diminu-tion du niveau de l’emploi et des salaires nets ; aufinal, le revenu disponible nominal diminue. Acourt et moyen terme, la taxe a de fait un effetrécessif et inflationniste.

Le dernier canal de transmission concerne l’utilisa-tion des recettes de la taxe carbone. L’effet macroé-conomique de cette taxe pourrait devenir positif sises recettes étaient utilisées pour compenser labaisse de prélèvements plus distorsifs comme, parexemple, les charges pesant sur le travail(cf. infra).

Dans les modèles d’équilibre général, l’introduc-tion d’une taxe carbone sans recyclage des recettesva affecter négativement l’économie tout commedans les modèles néokeynésiens. Toute variation deprix modifie directement la demande (ou l’offre) detous les agents qui sont directement concernés parla taxe carbone, et se répercute sur l’ensemble de

La modélisation des prix des énergies

Dans la plupart des modèles macroéconométriques comme Mesange, Threeme et Nemesis, le prix desénergies fossiles n’est pas modélisé : il est exogène. L’unique déterminant du prix des importations éner-gétiques est le prix du pétrole, qui constitue l’ancrage du prix modélisé à long terme et qui influe égale-ment sur la dynamique de court terme. Dans les modèles d’équilibre général ou hybrides, le prix des énergies fossiles est déterminé de manièreendogène : les prix résultent de la confrontation de l’offre et de la demande sur les différents marchés. Lesystème de prix global est fondé sur le prix d’un bien numéraire fixé arbitrairement. Ainsi, dans Gemini-E3, le système de prix global est défini à un facteur multiplicatif près. Les prix sont déterminés à partir duprix du bien numéraire (choisi à partir de l’utilisation explicite de taux d’intérêt et de taux de change pourchaque période et chaque pays*) auquel sont ajoutées les taxes indirectes, en combinant les différentsbiens à l’aide des coefficients structurels. Dans Imaclim, le prix du pétrole reflète le niveau de tension entre l’offre et la demande mondiales ; l’évo-lution du prix du gaz est indexée sur celle du pétrole via un coefficient d’indexation décroissant calibrésur les résultats du modèle de l’Agence international de l’énergie (World Energy Model). En ce qui concernele charbon, Imaclim détermine son prix et sa trajectoire de prix à partir des capacités de production régio-nales et de l’évolution des coûts de production.

* Le taux de change entre deux pays est le prix relatif des biens numéraires choisis dans chacun des pays et fondé sur un panierde biens représentatif du PIB du pays en question.

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l’économie via la variation de la demande (ou del’offre) de ces agents. Les effets revenus liés à lataxe carbone déclenchent de nouveaux comporte-ments (en termes de prix, salaires, profits) et affec-tent les variables déterminants l’équilibre macroé-conomique.

Bien que les MEGC soient qualifiés de « modèlesd’offre », ils sont très adaptés à la prise en comptedes effets liés à une variation des prix, que ce soitdu côté de l’offre ou de la demande.

Les possibilités de substitutiontechnologique jouent un rôle essentiel

Les effets revenus qui découlent de l’introductiond’une taxe carbone vont affecter les choix techno-logiques et les modes de production (y compris del’électricité) de l’ensemble des agents écono-miques. La manière dont sont représentées lespossibilités de substitution technologique dans lesdifférents modèles revêt donc une importancemajeure.

Les modèles macroéconomiques traditionnels nedisposent pas d’une représentation fine et détailléedes technologies et ont tendance à conclure que lesopportunités de substitution (entre énergies ouentre technologies) sont limitées. Tout changementde technologie a par conséquent un coût très élevépour l’économie.

La plupart des modèles adoptent une fonction deproduction à élasticité de substitution constante(CES). Ces fonctions de production CES sont géné-ralement emboîtées afin de bien prendre en comptel’impact d’une variation des prix, à travers les élas-ticités-prix directes et croisées, ainsi que les rela-tions de complémentarité et/ou de substituabilitéentre les facteurs de production. C’est le cas parexemple dans Mesange. Cependant, cette spécifica-tion ne permet pas d’évaluer les opportunités defutur progrès technique. Les substitutions entresources d’énergie et entre techniques de produc-tion sont en effet représentées par des élasticités

constantes qui sont calibrées à partir des donnéeshistoriques et qui n’évoluent pas dans le temps.

Des modélisations plus fines sont alors considéréesdans certains modèles. Par exemple, Threemeadopte une forme plus flexible de la fonction deproduction (generalised CES function) qui permetde différencier l’élasticité de substitution selon lefacteur de production. Autrement dit, dansThreeme, l’élasticité de substitution entre le capitalet le travail n’est pas la même que celle entre lecapital et l’énergie. Cette flexibilité est égalementemployée pour représenter la substituabilité entreles différentes sources d’énergie et les différentsbiens de consommation.

Nemesis utilise également des fonctions de produc-tion CES emboitées mais ajoute une spécificitépuisqu’il retient cinq facteurs de production : lecapital, le travail qualifié, le travail non qualifié,l’énergie, les matériaux. Les fonctions de produc-tion sont de type CES, emboîtées sur quatreniveaux et présentent des valeurs pour les élasti-cités de substitution différentes selon les secteursde production. Ce modèle présente en outre laparticularité de comprendre un module « énergie »très détaillé, avec une fonction de productionspécifique pour le secteur de l’électricité de typeLeontief qui inclut les coûts moyen de l’électricitépour chaque technologie.

Dans le modèle Nemesis, l’effet d’une taxe carbonepasse par les prix et les substitutions qu’elleengendre. Cependant, le modèle suppose que lestaux de marge des secteurs sont fixes, ce quisignifie que toute hausse du prix des énergies serépercute in fine dans les prix de production. DansMesange, cet enchainement se réalise égalementmais pas à court terme car Mesange supposequ’une hausse du prix des consommations inter-médiaires va d’abord se traduire par une baisse dutaux de marge. A long terme l’effet est identiquedans les deux modèles, mais les effets de moyenterme ne seront pas nécessairement identiquesdans les deux modèles.

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Le modèle Gemini-E3 adopte également des fonc-tions de production CES emboitées mais le niveaude désagrégation est très élevé. En particulier, unemodélisation très fine du marché de l’immobilier aété récemment développée afin de prendre encompte l’ensemble des mécanismes économiques,résultant soit de changements des conditions demarché, soit de politiques économiques (e.g.

normes thermiques), que ce soit à court, moyen oulong terme.

Imaclim abandonne cette formulation de fonctionde production agrégée au profit d’une reconstitu-tion bottom-up de la fonction de production.Aucune forme particulière de la fonction deproduction n’est spécifiée a priori. À chaque itéra-tion, le modèle définit la frontière des possibilitésde production à partir de l’information contenuedans les données technologiques du modèle. Ilprojette les évolutions des techniques et des capa-cités installées, en tenant compte des anticipationsdes agents concernant les signaux-prix futurs et lademande future, des capacités de financementdisponibles et du progrès technique incrémentald’une année sur l’autre. A chaque date, les agentspeuvent choisir de nouveaux équipements de façonflexible parmi un portefeuille de technologiesdisponibles ; ces choix induisent une modificationà la marge des coefficients input-output et de laproductivité globale, en tenant compte des techno-logies déjà incorporées dans les équipements exis-tants, qui résultent des choix techniques passés.Ceci revient à une fonction de production dite «putty – clay », qui permet de représenter l'inertiedes systèmes techniques : à court terme, il n’y apas de substitution possible des facteurs deproduction (les coefficients techniques sont fixes).Les nouveaux coefficients techniques actualiséssont ensuite utilisés pour la résolution de l’équi-libre statique suivant.

L’impact final de la taxe carbone dépend égalementde la manière dont sont modélisées les possibilitésde substitution pour les ménages. Ainsi, dansMesange, les effets revenus dominent parce que lespossibilités de substitution des ménages sont limi-tées : l’introduction d’une taxe carbone a un effet

très récessif à court terme (en l’absencede recyclage des recettes de la taxe).L’effet récessif est atténué dans Nemesis etThreeme parce que ces modèles intègrent despossibilités de substitution plus variées du côtédes ménages. En particulier, Threeme distingue leseffets de substitution des effets de sobriété et d’ef-ficacité, en modélisant de manière endogène etdétaillée les choix énergétiques des ménages.

Les possibilités de substitution des ménages sontégalement endogènes et très détaillées dansGemini-E3 et dans Imaclim. La fonction deconsommation des ménages distingue dans cesdeux modèles l’énergie des autres biens. Ensuite,ces deux modèles séparent l’énergie utilisée pourles transports de celle employée à des fins résiden-tielles (chauffage, éclairage, cuisine, etc.) enprenant en compte cinq types d’énergie (charbon,gaz, pétrole, produits pétroliers, électricité) etplusieurs modes de transport. Enfin, ces modèlesvont plus loin dans le détail en tenant explicite-ment compte de l’équipement en transport et enlogement des ménages.

Le lien entre les possibilités de substitution ethorizon temporel est évident : les comportementsde substitution sont plus faciles lorsque le tempsnécessaire à l’ajustement est long. Aussi, lesmodèles d’équilibre général et hybrides présentent-ils un avantage par rapport aux modèles macroéco-nométriques puisque leur horizon temporel estplus long que celui considéré généralement par cesderniers : la période d’ajustement technologiquepourra ainsi être intégralement prise en compte.

La possibilité du « double dividende »

Si l’on considère l’introduction d’une taxe carbonesans redistribution de ses recettes dans l’économie,tous les modèles, quelle que soit leur nature,concluront à un effet récessif de la taxe. Enrevanche, les résultats changent dès lors que l’as-pect redistributif entre en jeu. Selon le modèleconsidéré, le mode de redistribution des recettesaffectera positivement le PIB à plus ou moins longterme, plus ou moins fortement.

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Ainsi, dans un modèle macroéconomique tel queMesange, lorsque les recettes de la taxe carbone sontutilisées pour financer une baisse des prélèvementsles plus distorsifs, comme par exemple les cotisa-tions sociales pesant sur le travail en France, l’im-pact macroéconomique peut être positif dès le courtterme. La baisse du coût du travail stimule l'emploiet réduit l’inflation. La baisse des coûts de produc-tion permet de renforcer la compétitivité-prix desentreprises françaises et d’augmenter l’activité. Lamise en place de la taxe recyclée en une baisse descotisations sociales employeurs permet un surcroitd’activité et d’emploi à moyen et long termes.

C’est ce que l’on appelle le double dividende : l’in-troduction d’une taxe carbone avec redistributionde ses recettes entraine un bénéfice environne-mental (réduction des émissions de CO2 – premierdividende) et un bénéfice économique (augmenta-tion du PIB et de l’emploi – deuxième dividende). La plupart des scénarios de transition énergétiquecombinent l’introduction d’un signal-prix explicite(e.g. une taxe carbone) à une redistribution desrecettes. Mais l’effet net de cette combinaisondiffère selon le modèle utilisé. Il est généralementfortement positif dans les évaluations réalisées àpartir de modèles macroéconométriques (e.g.

Nemesis, Mesange et Threeme), légèrement positifdans les évaluations réalisées à partir de modèlesd’équilibre général (e.g. Gemini-E3), voire négatifdans certains cas (e.g. Imaclim)24.

Cependant, il faut noter que l’apparition d’undouble dividende est liée à l’existence de rigiditéssur le marché du travail, comme c’est le cas dansles modèles macroéconométriques. En rendantpossible une relance de la demande par une baissedu coût du travail, les modèles keynésiens estimentque la transition énergétique aurait un effet positifélevé sur le PIB et sur l’emploi. Les effets récessifsd’une taxe carbone (i.e. hausse du coût del’énergie ; hausse de la fiscalité environnementale)sont compensées par les effets expansionnistes telsque la hausse de l’emploi liée à l’essor de nouvellesactivités, la baisse de la facture énergétique àmoyen terme (qui permet d’accroître la consomma-tion sur d’autres secteurs), la redistribution des

recettes de la fiscalité environnementale auxménages, ainsi qu’à l’amélioration de la balancecommerciale à moyen terme (baisse des importa-tions d’énergies fossiles du fait de la hausse desprix de ces énergies). Au total, l’effet net est positifpour l’économie.

En revanche, dans les modèles où le marché dutravail est parfaitement flexible, hypothèse clas-sique retenue dans les modèles d’équilibre général,le double dividende n’apparait que dans des condi-tions exceptionnelles. En effet, dans un modèled’équilibre général, l’introduction d’une taxecarbone introduit une distorsion des prix relatifsdes biens finaux, ce qui provoque une baisse d’uti-lité du revenu nominal, entrainant une baisse de lademande finale de biens et donc un recul de l’acti-vité économique. Les modèles d’équilibre généralobtiennent ainsi des effets macroéconomiquesmoins favorables et inférieurs à ceux donnés parles modèles keynésiens, comme le soulignent lestravaux du Comité Trajectoires. Dans le cadre deces travaux, les résultats du modèle Imaclim nesoutiennent pas l’hypothèse d’un double dividendetrès élevé : la redistribution des recettes de la taxene permet pas de compenser l’effet récessif de lataxe carbone ; des pertes de PIB subsistent mêmesi le recyclage des recettes de la taxe carbone lesatténue. Cela s’explique notamment par le faitqu’Imaclim prend en compte beaucoup plus derigidités technico-économiques que ne le font lesautres modèles.

Deuxième canal : les soutiensde la demande

La transition énergétique vise à modifier lescomportements des agents économiques demanière à être plus respectueux de l’environne-ment. Ainsi, il est possible de mettre en place dansce contexte des mécanismes incitant à consommerdes biens sobres en carbone spécifiques, ciblés parlesdits mécanismes (e.g. énergie renouvelable,mode de transport moins polluant). Ces méca-nismes de soutien de la demande (e.g. subvention,

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tarif de rachat) nécessitent des investissements quiconcerneront à la fois le secteur privé et le secteurpublic et conditionneront le succès des réformesimplémentées. Il est donc important decomprendre le rôle de l’investissement public ouprivé dans l’économie.

Cependant, ces investissements ne se feront pas àcoût nul pour l’agent concerné. Il faut donc égale-ment s’intéresser aux contraintes de financementque rencontrent les acteurs privés (principalementles ménages) comme publics.

Le rôle de l’investissement

Les mesures de dépenses d’infrastructures et d’in-vestissements sobres en énergie soutiennent lademande et ont à ce titre des effets de type keyné-siens (cf. l’effet multiplicateur). Dans les modèlesmacroéconométriques néo-keynésiens commeMesange, Threeme et Nemesis, la demande finalede biens est le principal déterminant du fonction-nement de l’économie au moins à court et moyenterme. L’effet de l’investissement sur la croissanceet sur l’emploi dépend de ce que l’on appelle l’effetmultiplicateur. Selon la relation keynésienne dumultiplicateur d'investissement, une hausse del'investissement public permet une hausse durevenu national (PIB), qui permet à son tour unehausse de la consommation ; cette hausse de laconsommation entraine quant à elle une augmen-tation de la production (donc du revenu national)et ainsi de suite. Ces allers-retours entre le revenunational et la consommation amplifient l’accroisse-ment du revenu national. Au total, une hausse del'investissement public permet de relancer la crois-sance économique à court terme avec un effetmultiplicateur. Celui-ci dépend de la nature de ladépense publique (e.g. dépense de consommation,d’investissement ou d’intervention – subventions,crédits d’impôts) ainsi que de son mode de finan-cement (un financement par la fiscalité ou par ladiminution d’autres dépenses publiques peut avoirun effet d’éviction ; l’effet multiplicateur est géné-ralement plus grand si le financement est réalisévia la dette ou la création monétaire).

Dans ces modèles, la hausse de lademande liée à la dépense publique a uneffet fortement positif sur le PIB et l’emploià court terme. Mais du fait de la naturea priori classique de ces modèles à long terme,cet effet favorable se résorbe rapidement et l’effetrésiduel est négatif puis quasi nul. La hausse de lademande induite par l’investissement provoquedes tensions sur les prix et les salaires qui limitentpuis annulent les effets positifs de l’investissementsur le PIB, conduisant à un impact négatif surl’économie quand l’investissement s’arrête. A longterme, l’économie est sur son sentier de croissanceet les mécanismes d’accélérateur et de multiplica-teur ne jouent plus.

L’étude de la Direction générale du Trésor quiévalue les impacts macroéconomiques du Grenellede l’environnement à partir du modèle Mesange enest une parfaite illustration : à court terme, la crois-sance et l’emploi sont fortement stimulés par lesdépenses d’investissement prévues dans le cadredu Grenelle du fait des effets multiplicateurs décritsci-dessus (qui dominent l’impact négatif du finan-cement de ces investissements sur l’économie) ; àlong terme, le ralentissement puis l’arrêt des inves-tissement associés à la hausse des prix et du niveaudes prélèvements obligatoires (nécessaires pourfinancer ces dépenses) annulent les effets positifssur l’économie du Grenelle après 2020 : l’impactsur le PIB est nul. Les impacts relatifs sur le PIB etl’emploi deviennent négatifs à partir de 2021 (seull’effet inflationniste demeure).

La finesse dans la modélisation des mesures desoutien de la demande va jouer un rôle important.Dans Mesange, il est possible de distinguer lesmesures s’appliquant aux ménages, celles visantles entreprises, et celles destinées à la sphèrepublique (cf. étude sur les impacts du Grenelle del’environnement). Dans Threeme, le degré de détailest plus important : les mécanismes de créditd’impôt sont introduits de manière explicite dansles équations de dépenses de l’Etat et dans leschoix d’investissement des ménages.

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Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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Dans les modèles d’équilibre général commeGemini-E3 et Imaclim, les effets des mesures enfaveur de la demande ne sont pas appréhendés dela même manière. En effet, dans la théorie clas-sique, l’investissement (qui crée le capitalphysique) est uniquement financé par l’épargnedisponible. Il est endogène et c’est lui qui s’ajuste(via les taux d’intérêt) pour assurer l’égalité ex post

entre ces deux variables. Le niveau d’épargne étantdonné, il n’est pas possible d’augmenter l’investis-sement d’un secteur sans diminuer celui d’unautre. Il peut se produire un effet d’éviction total siles dépenses additionnelles ne constituent pas unesource directe d’utilité ou de productivité.

De plus, la contrainte budgétaire intertemporellede l’Etat fait que les dépenses publiques engagéessont prélevées maintenant ou plus tard sur lesagents économiques. Comme ces modèles suppo-sent l’existence d’anticipations rationnelles ouparfaites des agents, cela signifie que ces derniersprennent en compte dès l’annonce des mesures dedépenses l’augmentation future des prélèvements.Ainsi, les consommateurs savent que leur richesseva baisser dans un futur proche et n’accroissentpas leur niveau de consommation. En consé-quence, dans les modèles d’équilibre général,l’augmentation des dépenses publiques n’entrainepas une hausse de la demande. La hausse de l’in-vestissement ne va pas se traduire par une haussede la productivité globale des facteurs susceptibled’entrainer une hausse durable du PIB. Ainsi, touterelance par l’investissement public est inopérante àlong terme.

Prendre en compte le financementde l’investissement

La question du financement de la transition éner-gétique doit faire l’objet d’une attention particu-lière. C’est un des aspects essentiels pour définirdes scénarios crédibles. Ce financement peut êtreréalisé de deux manières :

– Via le déficit public : on peut supposer que lesmesures de soutien de la demande provoquentune hausse des dépenses publiques. Cette

hausse des dépenses publiques peut être soitfinancée par une baisse d’autres dépenseset/ou une hausse équivalente des prélève-ments obligatoires (situation à financespubliques inchangées), soit financée par del’endettement (on laisse filer le déficit public) ;

– Via les contraintes sur les agents privés : lesinvestissements sont financés soit à partir desressources privées (désépargne ou endette-ment), soit en réduisant d’autres dépenses deconsommation ou d’investissement.

L’étude de la DG Trésor sur les impacts macroécono-miques du Grenelle de l’environnement évalués parMesange illustre bien l’importance du profil desinvestissements et des choix de financement. Ellefait l’hypothèse que les ménages lissent parfaite-ment leur consommation, réduisant leur épargnefinancière à court terme et l’augmentant à moyenterme. Le taux d’épargne des ménages resteinchangé sur la période. L’approche inter-temporelleretenue dans l’étude est particulièrement révéla-trice : les investissements provoqués par les méca-nismes de soutien (ici l’éco-PTZ) ont un effet trèspositif à court terme du fait de l’effet multiplicateurde l’investissement. L’arrêt des investissements àmoyen terme provoque un choc négatif de demandeet a un impact négatif sur le PIB (dans les annéesqui suivent). L’effet global sur l’activité ressort alorsnul sur le long terme.

Il apparait donc indispensable de bien comprendreles interactions entre sphère financière et sphèreéconomique. Dans les modèles néoclassiques, lamonnaie est neutre, c’est-à-dire qu’elle n’a aucunimpact sur les volumes et joue uniquement sur lesprix. Ainsi, dans les MEGC, la monnaie, endogène,est rendue facultative : la courbe LM (qui repré-sente l’équilibre entre l’offre et la demande demonnaie) est remplacée par une règle sur le tauxd’intérêt. Ces modèles ne comprennent donc nicrédit, ni secteur bancaire. L’ajustement se fait parle taux d’intérêt qui égalise l’offre et la demande decapital émanant des ménages et des entreprises.Dans Gemini-E3 et Imaclim, le taux d’intérêt estainsi endogène.

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Dans les modèles néo-keynésiens, le taux d’intérêtest exogène (Mesange et Nemesis) ou déterminépar des considérations sur le policy mix (règle deTaylor dans Threeme) qui ne sont pas liées auxmarchés financiers. Pour autant, le crédit, mêmes’il n’est pas explicité, peut jouer un rôle fonda-mental. Il est en effet supposé que l’Etat et lesagents privés trouvent en toutes circonstances lesmoyens de se financer. En général, ces modèlesnégligent les phénomènes de retour financier,comme par exemple une hausse des taux d’intérêtqui proviendrait d’une hausse excessive de l’en-dettement. Le risque est alors de mettre en œuvredes scénarios « non financés » et donc non crédi-bles.

Ceci montre également l’intérêt de regarder l’en-semble des effets d’un scénario sur l’ensemble dela période, et non pas simplement à une date bienprécise (e.g. en 2020, en 2030, en 2050). La prise encompte de la chronique d’investissement dans saglobalité garantit l’évaluation des effets nets surl’économie de scénarios de long terme de transitionénergétique.

Il apparait donc tout à fait crucial d’analyser préci-sément les contraintes de financement associéesaux scénarios de transition énergétique, en particu-lier les trajectoires de taux d’épargne et de déficitpublic correspondantes pour évaluer la pertinenceet le réalisme du scénario de transition énergétiqueconsidéré.

Le progrès techniqueest un facteur-clé

Le progrès technique est un facteur-clé de la crois-sance économique. Les travaux de Romer, relayéspar le modèle d’Aghion et Howitt (1992)25, onttransformé la vision du rôle du progrès technique :la croissance économique est endogène, en ce sensqu’elle permet l’accumulation d’un ensemble deconnaissances et de savoir-faire qui permettentd’accroître la productivité.

Le rôle du progrès techniquesur la croissance

On peut donc, par des mesures structurellesappropriées, modifier le taux de croissance delong terme. Cela s’explique principalement par desexternalités positives liées à l’accumulation desconnaissances et du capital humain26 qui font quele rendement social du capital est supérieur à sonrendement privé.

Le modèle canonique de la croissance endogènes’appuie sur la décision de R&D qui peut conduireà des innovations de procédés ou de produits. Lesinnovations de procédés accroissent la productivitéglobale des facteurs, ce qui augmente la demandede produits, réduit le coût unitaire de production etdonc le prix. La baisse du prix induit une hausse dela demande qui dépend de l’élasticité prix de lademande. La baisse du prix permet également àl’entreprise d’être plus compétitive sur son marché.

Les innovations de produits sont considéréescomme des améliorations de qualité. Cela setraduit par une augmentation de l’efficacité parunité de volume, ce qui entraine une hausse de lademande.

Les effets de l’innovation sur le PIB dépendent eux-mêmes des effets de l’accroissement de la connais-sance sur la productivité globale des facteurs et surla qualité, donc sur la demande.

Dans le cadre de la transition énergétique, leprogrès technique présente un intérêt particulier,notamment les avancées réalisées en termes d’effi-cacité énergétique. En effet, une amélioration del’efficacité énergétique de la production signifiequ’il faut moins de combustibles pour produire lamême quantité de produit, ce qui peut se traduirepar une baisse des consommations énergétiques,entrainant à son tour une diminution du coût deproduction. Plus l’amélioration de l’efficacité éner-gétique est forte, plus la baisse du coût est impor-tante, et plus cela peut avoir des répercussionspositives sur l’économie. Ce raisonnement vaut

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également pour le progrès technique appliqué auxbiens de consommation finale : les ménagespeuvent disposer par exemple d’équipements élec-troménagers plus performants, qui vont réduireleur consommation d’énergie, ce qui leur permetd’augmenter potentiellement leur consommationd’autres biens. La manière de modéliser le progrèstechnique est donc cruciale.

Progrès technique exogènevs. endogène

Le progrès technique peut être modélisé de deuxmanières : soit on considère qu’il est exogène,c’est-à-dire que l’on suppose qu’il ne réagit pasaux variations des prix de l’énergie, aux politiquesénergétiques, etc., soit on suppose qu’il est endo-gène dans le cas inverse. Ce choix de modélisationn’est pas anodin car il joue un rôle important dansl’évaluation des impacts macroéconomiques desscénarios de transition énergétique.

Il est difficile d’intégrer le progrès technique demanière endogène du fait de l’absence d’indicateurde progrès technique directement observable.Aussi, le progrès technique est-il intégré demanière exogène dans la plupart des modèles sousforme d’une ou plusieurs tendances autonomes(i.e. indépendante des conditions économiques quiprévalent) qui affectent le sentier de croissance del’économie (national ou global). Cette modélisa-tion du progrès technique est retenue dansMesange, Threeme et dans Gemini-E3. Dans cedernier modèle, le progrès technique joue àplusieurs niveaux : des paramètres de progrès tech-nique sont intégrés via par exemple des prévisionssur l’évolution de l’efficacité énergétique (progrèstechnique négatif incorporé à l’énergie) ou sur lessurcoûts des équipements (progrès techniquenégatif incorporé au capital). Il n’en reste pasmoins que le progrès technique n’est influencé paraucune décision ou mesure politique et qu’il estatteint de manière un peu « mécanique ». Cettesituation contraint donc l’analyse des politiqueséconomiques, la seule réponse des agents écono-miques face à une augmentation du prix del’énergie reposant uniquement sur les possibilitésde substitutions.

Quelques modèles retiennent une spécificationendogène du progrès technique. On suppose alorsque celui-ci peut résulter de mesures gouverne-mentales ou d’investissements spécifiques visantpar exemple à améliorer l’efficacité énergétique.Cette approche permet d’élargir l’ensemble despossibilités de réponse des agents économiquesface à la mise en place de certaines mesurespubliques. Face à une modification des prix desfacteurs de production, les agents ne sont pluslimités aux choix de substitution et peuvent désor-mais réagir en termes de choix de progrès tech-nique (e.g. action de R&D pour conduire à desinnovations de procédés ou de produits, dévelop-pement du capital humain).

Dans Nemesis, le progrès technique est directe-ment lié aux dépenses de R&D qui se traduisentpar des innovations en termes de productivité et dequalité. La R&D effectuée par l’entreprise génèredes gains d’efficacité, ce qui permet d’accroitre laproductivité globale des facteurs. L’endo -généisation du progrès technique est intégrée à lafois via une variable de « connaissance » fondéesur le stock de R&D et des courbes d’apprentissage.Le modèle inclut également des délais entre lesefforts de R&D et la concrétisation par des innova-tions, de l’ordre de 3 à 6 ans. Le progrès techniqueen affectant la productivité du travail, influence àla fois le taux de chômage naturel et le niveau duPIB, accroissant ainsi le niveau de la croissancepotentielle.

Dans Imaclim, le progrès technique dépend égale-ment de l’apprentissage, et donc des interactionsentre les variations des prix relatifs et les investis-sements cumulés. L’effet d’apprentissage et lesmécanismes de R&D sont des facteurs qui contri-buent à la définition d’un progrès technique endo-gène.

A long terme, les modèles, qu’ils soient macroéco-nométriques, hybrides ou d’équilibre général, sontnéoclassiques (« à la Solow ») : l’économieconverge vers son sentier de référence et le PIB partête croît selon l’évolution du progrès technique.La manière d’envisager le progrès technique adonc des conséquences significatives sur l’analyse

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de l’efficacité d’une politique et sur ses impactsmacroéconomiques. Cela est d’autant plus vraidans le domaine de la transition énergétique où leprogrès technique est déterminant (au travers detechnologies existantes mais non encore matureséconomiquement, ou de technologies à découvriret potentiellement de rupture). Ainsi, si le progrèstechnique est considéré comme exogène, les résul-tats tendront à recommander d’attendre l’avène-ment de technologies futures plus efficaces avantde mettre en place la politique considérée afin delimiter son coût sur l’économie. A l’inverse, si leprogrès technique est considéré comme endogène,les estimations inciteront à la mise en place rapidede la politique afin de stimuler et diffuser les tech-nologies permettant d’atteindre l’objectif environ-nemental fixé, de créer de l’emploi et de favoriserla croissance économique.

Concrètement, on observe que les modèles quiintègrent le progrès technique de manière endo-gène obtiennent des effets macroéconomiques plusfavorables que les autres modèles, en particulierlorsque le produit de la contrainte carbone estredistribué sous forme de soutien de l’innovation.

Il ne faut cependant pas oublier que les effets posi-tifs sur la croissance et l’emploi observés dans lesétudes recourant à des modèles où le progrès tech-nique est endogène, s’expliquent souvent par le faitque le scénario évalué considère une action unila-térale d’un pays (i.e. un seul pays introduit desmesures visant à déclencher une transition énergé-tique), en supposant que les autres pays ne modi-fient pas leurs politiques. Cette hypothèse est parti-culièrement forte et peut paraitre discutable auregard de la réalité économique, plus particulière-ment dans le cas de l’innovation (e.g. externalitésde connaissance). Il apparait que la prise encompte d’actions similaires dans les autres paysatténuerait fortement les résultats obtenus.

Aussi convient-il d’évaluer les effets de la transi-tion énergétique sur la compétitivité de l’éco-nomie. Bien que certains déterminants de lacompétitivité soient pris en compte dans lesmodèles (notamment via les prix), les différents

canaux de la compétitivité doivent êtremieux documentés étant donné quecertaines mesures politiques peuvent signi-ficativement l’affecter (e.g. redistribution duproduit de la taxe sous forme de baisse descharges pesant sur le travail ou de soutien à l’in-novation).

En outre, si la modélisation endogène du progrèstechnique peut paraitre séduisante, elle est enréalité discutable lorsqu’elle provient de méca-nismes d’accumulation et non pas d’une descrip-tion fine des possibilités technologiques. Il ne vapas forcément de soi que, dans des variantes, l’aug-mentation des efforts de R&D permettent systéma-tiquement des gains de productivité. Ceci supposeen effet que dans le scénario central, certainespossibilités technologiques n’ont pas été exploréesfaute de financement.

Le bouclage macroéconomiqueconditionne l’équilibre atteint

Si l’on souhaite évaluer les impacts macroécono-miques de la transition énergétique, il faut recourirà des modèles qui adoptent une vision globale del’économie à partir de la représentation de l’en-semble des interactions économiques entre lesdifférents agents (ménages, entreprises et Etat).C’est ce que l’on appelle le « bouclage macroécono-mique ». Seules les études reposant sur cesmodèles permettent d’évaluer les effets nets surl’économie (i.e. le solde entre les effets positifs etles effets négatifs).

La compréhensiondes mécanismes de bouclagedes modèles est essentielle

La nature du bouclage macroéconomique desmodèles est essentielle pour comprendre le résultatdes simulations. Il existe deux grandes familles debouclage : les modèles d’inspiration « classique » etles modèles « néo-keynésiens ». Elles s’opposentpar leur conception de l’équilibre de long terme.

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Les modèles macroéconométriques s’inspirent àcourt terme du schéma keynésien traditionnel : lademande détermine le produit, puis les variablesde tension, les salaires et les prix. La dimensionsectorielle introduit ensuite le mécanisme d’accélé-rateur et la courbe de Phillips, interaction avec laformation des prix de production à l’origine de laboucle prix-salaires.

Le bouclage macroéconomique de chaque modèlejoue donc un rôle clé, en particulier le chômage.Dans les modèles néokeynésiens comme Mesange,Threeme et Nemesis, la boucle prix-salaires s’avèrefondamentale dans la dynamique du modèle. Celle-ci représente la relation entre les variables réelleset les variables nominales du modèle. Elle permetde passer des effets de court terme à l’équilibre delong terme via les forces de rappel.

Dans les trois modèles, les modélisations sontproches (courbe WS-PS ou courbe de Phillips), desorte que le taux de chômage d’équilibre dépendessentiellement des paramètres structurels dumarché du travail. Il peut augmenter durablementaprès un choc d’offre défavorable mais est enthéorie largement inchangé à long terme par unchoc de demande.

Le cadre d’analyse macroéconomique privilégie icile rôle de la demande. Une politique affectant lademande peut donc avoir des effets sur la crois-sance de l’emploi, au moins à court terme. Enrevanche, l’équilibre de long terme devientnéoclassique et est déterminé par les paramètresstructurels (chômage et progrès technique). Ainsi,à long terme, les effets des mesures de soutien dela demande sur l’activité et l’emploi sont limités(cf. étude de la DG Trésor) sauf si les forces derappel sont faibles.

Aussi parait-il important de regarder la chroniquedes impacts macroéconomiques de la transitionénergétique sur une période aussi longue quepossible au lieu de se focaliser sur les impacts àdes dates précises (e.g. 2030, 2050). Cela limiteraitles risques de mauvaise interprétation des résultats(liés aux propriétés de convergence du modèle en

question) et permettrait également de mieuxprendre en compte les effets transitoires et lesdélais d’ajustement de l’économie à l’introductiond’un signal-prix.

Dans un modèle néoclassique, la dynamiqueéconomique résulte de la confrontation, via lesmécanismes de marché, des comportements d’op-timisation des agents microéconomiques (consom-mateurs, producteurs, Etat, reste du monde).L’ajustement entre l’offre et la demande sur l’en-semble des marchés détermine un vecteur de prixd’équilibre ainsi que l’allocation des ressources etla répartition des revenus entre les agents.L’équilibre de long terme est déterminé par lesparamètres structurels de l’économie, à savoir letaux de croissance de la population et le progrèstechnique. Les paramètres structurels du marchédu travail déterminent le chômage de long terme etle coût relatif des facteurs détermine le niveau deproduction.

La dynamique d’un MEGC est principalement liéeaux conditions d’offre de l’économie, au traversdes possibilités techniques représentées par lafonction de production de chaque secteur d’activitééconomique, d’une part, et des mécanismes d’ac-cumulation du capital, d’autre part. Toute impul-sion de demande se répercute sur les prix mais serasans impact sur l’activité à long terme.

Par exemple, Gemini-E3 est un modèle classique etsa dynamique est liée à l’offre : d’une part, lespossibilités techniques représentées par les fonc-tions de production de chaque secteur, et d’autrepart les mécanismes d’accumulation du capital. Demême, Imaclim présente une structure néoclas-sique à chaque période. Dans ces modèles, toutecontrainte a un effet négatif sur la croissance etdonc sur l’emploi.

L’analyse du scénario de référencedoit être faite

Une caractéristique commune à l’ensemble desétudes et des modélisations est qu’elles présententdes résultats en écart à un scénario dit de réfé-

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rence. Ce scénario donne une trajectoire potentiellede l’économie, à caractéristiques données, avantque les mesures de transition énergétique aient étéintroduites.

Ce scénario est fondé sur un certain nombre d’hy-pothèses qui vont déterminer l’évolution des prin-cipales variables du modèle, comme par exemplele PIB, les prix des énergies, la démographie, etc.

En particulier, la croissance du PIB de référence estgénéralement déterminée par des hypothèses faitessur le progrès technique, la croissance de la forcede travail et le taux d’épargne.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) sontaussi en grande partie déterminées par ces hypo-thèses puisqu’elles sont fortement liées à l’évolu-tion du PIB et de la population, à la disponibilitédes ressources énergétiques et à leur prix, et à ladisponibilité des technologies d’abattement et àleur coût. Donc, l’ambition des contraintes deréduction des émissions de GES est en fait déter-minée par les hypothèses sur la croissance écono-mique de référence. Plus les émissions du scénariode référence sont élevées, plus d’émissions de GESdevront être réduites pour atteindre l’objectif.

De même, la rentabilité des projets d’in-vestissement sobres en CO2 qui condi-tionne l’impact macroéconomique est déter-minée par le prix des énergies carbonéesretenu dans le scénario de référence. Les hypo-thèses cruciales du scénario central peuvent égale-ment être liées à la description de l’évolution descoûts des différentes technologies.

Le choix du scénario de référence apparait commecrucial et déterminera en partie les résultats. Il estdonc indispensable de bien expliciter le scénariode référence.

Enfin, on notera qu’une limite importante de l’en-semble des modèles macroéconomiques (macroéco-nométrique ou équilibre général calculable) est leurmauvaise prise en compte des dommages écono-miques du changement climatique. Cette boucle derétroaction est quasiment inexistante ou incomplète.De fait, les scénarios de référence auxquels sontcomparés les scénarios de politiques climatiques ouénergétiques représentent mal la réalité complexeliant l’environnement à l’économie.

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Eléments de comparaison des modèles

Modèled’équilibre

généralModèles macroéconométriques

Modèlehybride

GEMINI-E3 MESANGE NEMESIS THREEME IMACLIM-R

● Prix des énergies

Effets substitution + 0 + + +

Effets revenus + + + + +

Effets compétitivité 0 0 0 0 0

Double dividende + + + 0 +

● Progrès technique 0 0 + 0 +

● Investissement

Privé + 0 0 0 +

Public + 0 0 0 +

Lecture du tableau : le signe « 0 » indique que l’effet existe dans le modèle mais que le traitement est basique ; le signe « - »indique que l’effet n’existe pas dans le modèle ; le signe « + » indique que l’effet existe dans le modèle et que le traitement estsophistiqué.

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Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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La grille de lecture appliquéeaux scénarios de la transitionénergétique : pourquoi les étudesdonnent ces résultats ?

Trois paramètres revêtent une importance particu-lière dans l’estimation des impacts macroécono-miques de la transition énergétique : le traitementdes prix des énergies, la modélisation du progrèstechnique et le rôle de l’investissement public ouprivé.

Forces et faiblesses des différentesfamilles de modèles

A partir de cette grille de lecture, il est possible decomparer les modèles et d’identifier leurs forces etfaiblesses respectives dans la perspective d’évaluerles impacts macroéconomiques de la transitionénergétique. Le tableau 2 indique les effets quisont pris en compte dans chaque modèle pourchaque paramètre de la grille de lecture ainsi quela « qualité » du traitement qui en est fait.

La grille de lecture retenue dans cette étudesuggère qu’il parait plus pertinent de se fonder surun modèle d’équilibre général (de préférencehybride) si l’on souhaite évaluer les impactsmacroéconomiques de la transition énergétique.Leur vision agrégée de l’ensemble des activitéséconomiques, l’horizon de long terme qui lescaractérise, l’approche qui permet d’intégrer diffé-rents scénarios politiques et, pour les modèleshybrides, certaines imperfections du marché, ainsique la modélisation des différents paramètres clés(notamment la description fine des possibilitéstechnologiques) sont autant d’avantages quipermettent une modélisation satisfaisante desinteractions complexes entre économie, énergie etclimat, à horizon lointain.

Les modèles macroéconométriques, bien utilisés,peuvent être utiles pour montrer les effets de tran-sition. Par exemple, le travail de la DG Trésorillustre bien l’importance de la prise en compte des

contraintes de financement pour l’évaluation d’im-pacts à court et moyen terme. En revanche, leursestimations des effets de long terme paraissentmoins robustes que celles obtenues par les MEGCde par leurs fondements empiriques plutôt quethéoriques.

Lecture critique des scénarios récentsde transition énergétique

Nous considérons à présent les scénarios de transi-tion énergétique récents pour lesquels une évalua-tion des impacts macroéconomiques (exprimés entermes d’effets sur le PIB et sur l’emploi) de cesscénarios a été réalisée et analysée. Dans cetteperspective, quatre publications récentes parais-sent pertinentes : l’étude du Trésor publiée endécembre 2010 ; le scénario de Greenpeace publiéen janvier 2013 ; les scénarios de l’Ademe publiésen octobre 2013 ; et les travaux du Comité« Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobreen carbone » publié en 2012 par le Centre d’analysestratégique. Le tableau 1 (page 6) présente les prin-cipaux résultats de quatre études.

La majorité des études concluent à un effet positifdes politiques de transition énergétique sur lacroissance économique et sur l’emploi à moyen etlong terme. Cet effet est particulièrement élevédans les modèles macroéconométriques qui intè-grent le progrès technique de manière endogène.

En effet, comme nous l’avons déjà expliqué plushaut, l’impact macroéconomique de la transitionénergétique dépend fortement, d’une part, du typede mesures politiques envisagées et, d’autre part,de la manière dont est traité le progrès technique.Le tableau page 6 illustre ce propos puisque l’onvoit que les modèles macroéconométriques àprogrès technique endogène (Nemesis parexemple) obtiennent des effets macroéconomiquesplus élevés que les autres modèles, en particulierlorsque le produit de la contrainte carbone estredistribué sous forme de subvention à l’innova-tion. Le même scénario évalué avec un modèled’équilibre général hybride (Imaclim) donne des

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résultats nettement moins optimistes, car cemodèle prend en compte un plus grand nombre derigidités technico-économiques générant des effetsd’inertie pesant sur la croissance (frictions asso-ciées aux manques d’investissement, aux compor-tements myopes des acteurs et aux effets de lock-in technologiques à court terme). La redistributiondu produit de la taxe permet d’atténuer l’effetrécessif de la taxe mais ne le compense pascomplètement. L’effet final du scénario de transi-tion énergétique sur l’économie est négatif.

Les écarts entre les scénarios soulignent bien quela manière de modéliser le progrès techniqueinflue sur les estimations. Si le progrès techniqueest modélisé par le biais du stock de connais-sances (comme c’est le cas dans Nemesis), lesoutien de l’innovation qui accroit ce stock vaaffecter positivement le PIB, via un mécanismeéquivalent à l’effet multiplicateur de l’investisse-ment : plus on soutient l’innovation, plus onaccroit le stock et plus on augmente le PIB. Enrevanche, lorsque la modélisation est plus sophis-tiquée et liée à des effets d’apprentissage, commec’est le cas dans Imaclim, l’effet de l’innovationsur le PIB sera moins immédiat que dans lepremier type de traitement et dépendra égalementd’autres paramètres entrant dans la courbe d’ap-prentissage qui définissent la pénétration des tech-nologies innovantes27.

De même, les modèles macroéconométriquesobtiendront des effets positifs (au moins à courtterme) sur l’économie dès lors que l’instrumentchoisi entraine des dépenses publiques ou uneredistribution soutenant la demande. C’est le casnotamment des modèles Threeme, Nemesis ouMesange. La persistance à long terme d’effets forte-ment favorables avec le modèle Threeme vientprobablement d’une structure plus fortementkeynésienne, y compris à long terme.

La revue des exercices d’évaluation pointe égale-ment la place prépondérante accordée aux modèlesmacroéconométriques en France. Il s’agit là d’uneparticularité et la France se distingue clairement

des autres pays qui utilisent en généraldes MEGC pour évaluer les impactsmacroéconomiques de politiques clima-tiques et/ou énergétiques28. Leur capacité àdécrire de façon rigoureuse un long terme quin’est pas perturbé par une dynamique transitoireapparait en effet comme un avantage décisif dansce type d’exercice.

Recommandations

La modélisation économique constitue un outild’aide à la décision. Elle peut aider à évaluer l’im-pact de la mise en place d’une politique énergé-tique.

Les différentes évaluations des impacts macroéco-nomiques de la transition énergétique que nousavons examinées divergent énormément et nepermettent pas de conclure de manière définitivesur l’effet de la transition énergétique sur la crois-sance et l’emploi.

Différentes visions de la macroéconomie se retrou-vent dans les deux catégories de modèles qui sontutilisés pour évaluer ces impacts macroécono-miques : les modèles d’équilibre général qui adop-tent une vision classique de l’économie, et lesmodèles macroéconométriques, qui suivent lathéorie keynésienne.

Chaque type de modèle présente des avantagescertains. L’atout principal des modèles d’équilibregénéral calculable réside dans la solidité des fonde-ments théoriques assis sur la théorie macroécono-mique. Les comportements macroéconomiquesagrégés sont ainsi entièrement explicités par desmécanismes micro économiques, ce qui n’est pasle cas dans les modèles macroéconométriques.Cette assise théorique permet d’utiliser le modèlecomme explicatif des mécanismes en vigueur : lecadre macroéconomique permet ensuite de testerla validité d’une spécification théorique en analy-sant les résultats de simulation.

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Une grille d’analyse des évaluations des impacts macroéconomiquesde la transition énergétique

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Le réel avantage des modèles macroéconomé-triques sur les modèles d’équilibre général calcu-lable repose sur leur capacité à décrire les déséqui-libres à court et moyen termes.

Enfin, les modèles hybrides combinant les fonde-ments théoriques des modèles d’équilibre généralcalculable à une description très fine des secteurset des technologies permettent d’accroître la perti-nence des résultats en tenant compte des spécifi-cités de la réalité économique (imperfections desmarchés), omises par souci de simplicité dans lathéorie néo-classique sur laquelle repose lesmodèles d’équilibre général calculable.

Mais ces différentes approches présentent égale-ment des limites assez connues : les modèlesd’équilibre général calculable supposent que l’éco-nomie est constamment en équilibre de plein-emploi, grâce à la flexibilité des prix et des salaires.Les sources de déséquilibres (e.g. chômage, infla-tion, manque de compétitivité, manque de rentabi-lité des entreprises) sont insuffisamment ou malprises en compte. Les mécanismes sur lesquelsreposent les modèles d’équilibre général calculableparaissent abstraits de par le manque de vérifica-tion empirique et éloignés des mécanismes écono-miques « réels ». Les modèles macroéconomé-triques quant à eux reproduisent mal les méca-nismes économiques liés à l’offre, comme parexemple l’effet de la R&D sur la production29, etreposent plus sur l’empirisme que sur des fonde-ments théoriques robustes, au risque de maldécrire les réactions des agents à des politiques derupture et leurs anticipations sur les politiquesfutures (critique de Lucas).

Dans l’exercice d’évaluation des effets de scénariosde transition énergétique, les modèles présententdes limites quant à la description des possibilitéstechnologiques, et parfois des secteurs clés,comme l’énergie, le transport et le bâtiment. Leseffets macroéconomiques positifs alors obtenuss’expliquent principalement par la substitution quela transition énergétique entraîne entre les facteurs

de production (substitution entre le travail et lesautres facteurs) soit au sein de chaque branche,soit entre les branches.

Les évaluations actuelles des impacts macroécono-miques de la transition énergétique présententdonc des limites établies qui peuvent remettre encause leur crédibilité, voire leur utilisation. Ceconstat amène à formuler les huit recommanda-tions suivantes :

1. Il apparait nécessaire de réaliser uniquementdes évaluations des impacts macroécono-miques à partir de modèles présentant unbouclage macroéconomique. Seuls cesmodèles tiennent compte de l’ensemble desinteractions entre les différentes variables quiaffectent l’équilibre économique et permettentd’évaluer les effets nets sur l’emploi de la poli-tique en question. L’effet brut ou direct n’estpas pertinent lorsqu’on souhaite avoir uneidée de l’effet global de la politique sur l’em-ploi.

2. Il paraît indispensable que chaque étudeexplicite le scénario de référence du modèle.Notre analyse a souligné l’importance duscénario de référence qui conditionne enpartie les résultats de l’estimation. Celapermettra d’apprécier à sa juste valeur l’effetde la transition énergétique sur l’économie.

3. Il serait également souhaitable de renforcer lacompréhension des dynamiques macroécono-miques des modèles en réalisant des variantesstylisées du compte central pour comprendreles mécanismes qui opèrent, à paramètresénergétiques inchangés. Actuellement, lesscénarios énergétiques (qui constituent lavariante au scénario central) jouent sur denombreux paramètres et il est difficile dedistinguer l’effet lié aux mécanismes sous-jacents de la transition énergétique de celui liéaux mécanismes macroéconomiques dumodèle.

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4. Les contraintes de financement jouant un rôleclé dans l’appréciation des impacts macroéco-nomiques de la transition énergétique, il paraitessentiel de les expliciter clairement. Celapermettrait d’évaluer la vraisemblance de lapolitique de transition énergétique.

5. Afin de ne pas mal interpréter les résultats dufait des propriétés spécifiques de convergencedes modèles, il convient de regarder la chro-nique des impacts macroéconomiques sur unepériode aussi longue que possible au lieu dese focaliser sur les impacts à une date précise.Cela permettrait également de mieux prendreen compte les effets transitoires et les délaisd’ajustement de l’économie à l’introductiondu signal-prix.

6. Il convient d’évaluer les effets de la transitionénergétique sur la compétitivité de l’éco-nomie. Les différents canaux de la compétiti-vité doivent être mieux documentés, sachantque certaines mesures peuvent significative-ment l’affecter (e.g. soutien de l’innovation,

baisse des cotisations pesant sur letravail).

7. Les interactions entre économie et envi-ronnement ne devraient pas être totalementignorées. L’hypothèse usuelle de séparabilité,adoptée parce qu’elle facilite grandement laconstruction des modèles et la lecture desrésultats qu’ils fournissent, ne donne qu’unaperçu incomplet de l’ensemble des comporte-ments observés. En particulier, dans lescénario de référence, le laisser-faire pouvantprovoquer des dommages ou contraindre lescomportements et les coûts socio-écono-miques associés ne sont pas pris en compte.

8. Toute évaluation ex ante des impacts macroé-conomiques d’un scénario de transition éner-gétique (ou de toute autre politique écono-mique) devrait mobiliser des modèles denatures différentes afin de distinguer leseffets économiques liés au modèle et ceuxqui sont liés à la politique de transition éner-gétique. n

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Notes

1 L’étude de la DG Trésor évalue l’impact macroéconomique du Grenelle de l’environnement. Il existe par ailleursun certain nombre d’études qui s’appuient sur les modèles examinés ici, par exemple l’étude du Comité Energies2050 qui évalue l’impact macroéconomique d’une baisse de la production d’électricité d’origine nucléaire (passagede 75% à 50%). On notera également l’étude réalisée par P. Quirion (2013) qui évalue les effets sur l’emploi d’unscénario de transition énergétique.

2 P. Briard et al. (2010), « Impacts macroéconomiques du Grenelle de l’environnement », Document de travail de laDG Trésor n°2010/06.

3 « Scénario de transition énergétique », janvier 2013.

4 « Evaluaion macroéconomique des visions énergétiques 2030-2050 de l’Ademe », Document technique, octobre2013.

5 Centre d’analyse stratégique (2012), « Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone », Rapport n° 46.

6 On verra dans la suite que la définition de ce scénario de référence ne va pas de soi et qu’il s’avère crucial pour lesévaluations.

7 Le coût marginal se définit comme l’augmentation de coût associée à la production d’une unité supplémentaire.Ici, il s’agit du coût associé à la réduction d’une unité supplémentaire de pollution, soit la définition du terme « abat-tement ».

8 Les mesures sans regrets sont des mesures visant à réduire les émissions de GES dont les coûts nets (i.e. coûtsmoins bénéfices) sont négatifs.

9 Finon, D. (2003), « Prospective énergétique et modélisation - Identification de pistes de progression méthodolo-gique », Note au Conseil Scientifique de l’Institut Français de l’Energie.

10 Fishbone, L.G., G. A. Giesen, H. A. Goldstein, and H. A. Hymen (1983), User’s Guide to MARKAL (BNL/KFA version2.0), BNL-46319, Brookhaven National Laboratory, Upton, New York.

11 Kouvaritakis, N., A. Soria, and S. Isoard (2000). “Endogenous Learning in World Post-Kyoto Scenarios: Applicationof the POLES Model under Adaptive Expectations”, International Journal of Global Energy Issues, Vol. 14, No. 1-4, pp. 222-248.

12 Développé par le laboratoire ERASME de l’ECP. Voir P. Zagamé et al., « The Nemesis Reference Manual ».

13 Développé conjointement par l’ADEME et l’OFCE. Voir F. Reynes, Y. Yeddir-Tamsamani et G. Callonnec (2011), «Presentation of the Three-Me model: multi-sector macroeonomic model for the evaluation of environmental andenergy policy », Document de travail.

14 Élaboré par la Direction générale du Trésor, en collaboration avec l’INSEE, il s’agit du modèle de référence de l’ad-ministration lorsqu’il s’agit d’évaluer les impacts macroéconomiques d’une politique économique. Voir C. Allard-Prigent, C. Audenis, K. Berger, N. Carnot, S. Duchêne et F. Pesin (2002), « Présentation du modèle MESANGE -Modèle Économétrique de Simulation et d’Analyse Générale de l’Économie », Document de travail du Ministèrede l’économie, des finances et de l’industrie.

15 Oxford Economic Forecasting (2006), « DTI Energy price scenarios in the Oxford Models », mai 2006.

16 « Train de mesures pour la réalisation des objectifs fixés par l'Union européenne pour 2020 en matière de change-ment climatique et d'énergies renouvelables », Document de travail SEC(2008)85.

17 Voir A. Bernard et M. Vielle (1998), « La structure du modèle Gemini-E3 », Economie et Prévision, n° 136, pp. 19-32.

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18 Centre d’analyse stratégique (2009), « La valeur tutélaire du carbone – Rapport de la Commissionprésidée par Alain Quinet », La documentation française.

19 Voir R. Crassous, J.-C. Hourcade, O. Sassi, V. Gitz, S. Mathy et M. Hamdi-Cherif (2006), « Imaclim-R – amodeling framework for sustainable development issues », Document de travail du CIRED.

20 A.S. Manne et R.G. Richels (2004), « MERGE : An integrated assessment model for global climate change ».

21 Barker, T., H. Pan, J. Köhler, R. Warren, et S. Winne (2006), « Decarbonizing the Global Economy with Induced Tech-nological Change: Scenarios to 2100 using E3MG », The Energy Journal.

22 Etats-Unis, Union européenne, Japon, Russie, Eurasie, Chine, Inde, Moyen-Orient, Afrique, Amérique latine, Autrespays développés, Reste du monde. Voir William D. Nordhaus (2010), « Economic aspects of global warming in apost-Copenhagen environment », Proceedings of the National Academy of Sciences (Etats-Unis).

23 Ces mesures peuvent être déclenchées par des normes règlementaires.

24 Ces résultats seront commentés ultérieurement. Pour plus de détails, voir le rapport « Trajectoires 2020-2050 versune économie sobre en carbone » publié par le Centre d’analyse stratégique en 2012.

25 P. Aghion et P. Howitt (1992), « A model of growth through creative destruction », Econometrica, Vol. 60, n°2, pp.323-351.

26 Les externalités de connaissance se définissent comme des transferts de connaissance entre agents économiques.

27 Dans Imaclim, le processus d’apprentissage est endogène et dépend du coût en capital des technologies (qui dé-croit avec le temps) et des rendements qui augmentent avec l’investissement cumulé. Les courbes d’apprentissagesont propres à chaque technologie et sont issues de la littérature.

28 Voir par exemple les travaux de l’Energy Modeling Forum (EMF), forum international coordonné par l’Universitéde Stanford qui regroupe des chercheurs du monde entier pour partager et échanger sur la politique énergétiqueet le changement climatique. Site internet : http://emf.stanford.edu/

29 Cette critique vaut principalement pour les modèles macroéconométriques dans lesquels le progrès technique estintégré de manière exogène.

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