doc 6 - greve air france note

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Le 22 septembre 2014 Les grévistes à Air France ont raison de lutter Aujourd’hui, malgré la contrainte de l’obligation de se déclarer 48 h avant, 75 % des pilotes (95 % en excluant les cadres asservis) sont en grève pour défendre certes leurs emplois, mais aussi toutes les catégories professionnelles de l’aérien. Il s’agit de s’opposer à la création de filiales bas-coûts utilisant davantage la sous- traitance, véritable Cheval de Troie pour dégrader les salaires, les conditions de travail, pour accélérer la perte d’emplois au sein d’Air France, pour transférer les emplois vers des salarié-es plus précaires et plus généralement pour contourner davantage les législations du travail. Le gouvernement et les médias se déchaînent, hier contre la grève inutile des cheminots pénalisant les usagers et empêchant de passer le Bac, aujourd’hui contre les « privilèges » des pilotes d’Air France qui refusent de faire des efforts. Jamais ils ne mettent en cause les Directions qui avancent au pas de charge, sans négocier, qui annoncent les restructurations par voie de presse. Enjeux et motivations des grèves cachés, dialogue social piétiné, il s’agit d’imposer par la force la mise en concurrence des salarié-es pour tirer vers le bas tous les acquis et les salaires. Le dumping social mondial arrive dans les entreprises européennes et française, et bientôt entre Régions et métropoles par la décentralisation. Cette grève des pilotes vient après l’application de 27 ans de « libéralisation » imposée par la Direction d’Air France. La stratégie de grignotage des acquis En 1997, Air France instaurait déjà « B-scale » avec une deuxième échelle des salaires. Les pilotes y ont mis fin après une grève de 10 jours à la veille du Mondial, mais hôtesses et stewards, pourtant en grève à 80 %, la subissent toujours avec un salaire d'embauche inférieur de 25 %, moins de repos et de plus mauvaises conditions de travail. En 2007, Air France crée Transavia France, une soi-disant compagnie charter concurrençant les tour- opérateurs et les compagnies charter « exotiques », mais vite transformée en compagnie à bas-coûts. Elle n'a pas de personnel au sol car elle sous-traite toute l'activité au sol. Dans chaque pays, elle a embauché directement les hôtesses et stewards aux conditions locales. Dire que les lignes d’Air France ne sont pas menacées est contredit par les faits, Orly-Rome, Orly-Casablanca, Orly-Istanbul sont les dernières lignes transférées. En 2008, Air France crée avec Royal Air Maroc à Casablanca, l’entreprise AéroTechnics Industries de maintenance des avions qui a, petit à petit, grignoté puis récupéré en 2012 une bonne partie de l’entretien de la flotte A320. De novembre 2011 à juin 2014 : l’accord Transform 2015, signé par FO, CFDT, CGC et UNSA cédant au chantage de la Direction annonçant la disparition de la compagnie, s’attaque à toutes les catégories de personnel pour dégager plus de marge financière, liquider des acquis sociaux (grilles d’ancienneté et de carrière, qualifications, augmentation des charges de travail à bord, accords RTT et jours de congés, la moitié des jours d’hiver...), bloquer les salaires et supprimer 17 % des emplois (7 500 par départs volontaires)… augmenter la sous-traitance et réduire les activités les moins rentables, notamment abandon du fret d’Orly et de la moitié des cargos. L’objectif est atteint, la masse salariale a baissé de 1 milliard d’euros, le chiffre d’affaires du Groupe progresse… ce qui permet de récompenser le PDG d’Air France en augmentant son salaire de 300 000 , le portant probablement à 1,2 million d’euros. En juillet 2014, Perform 2020 est présenté comme un moyen de concurrencer les compagnies bas-coûts en développant Transavia (en passant de 44 à 115 avions dès 2017) : croissance de Transavia France (en passant de 14 à 35 avions) et surtout création de Transavia Europe, directement sous la houlette de la Holding avec les premières Bases à Porto, Lisbonne et Munich, dotées de contrats de travail bas-coûts pour les navigants et l'ensemble des personnels concernés. Bien sûr, Transavia a réduit la place d’Air France et de ses emplois à statut. Il a créé des lignes, mais sur les crénaux de vol détenus par Air France, il a récupéré notamment une série de destination Europe à partir d’Orly et des Bases, ce qui a diminué aussi les emplois d’assistance au sol et de maintenance Air France, peut-être transférés à Transavia mais plus probablement sous-traités. La Direction table sur 5 % de croissance du trafic par an, mais en dehors d’Air France, elle espère que les reculs sociaux d’aujourd’hui assureront les profits financiers de demain pour les investisseurs et les actionnaires. Note sur la grève des pilotes à Air France

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Page 1: Doc 6 - Greve Air France Note

Le 22 septembre 2014

Les grévistes à Air France ont raison de lutter Aujourd’hui, malgré la contrainte de l’obligation de se déclarer 48 h avant, 75 % des pilotes (95 % en excluant les cadres asservis) sont en grève pour défendre certes leurs emplois, mais aussi toutes les catégories professionnelles de l’aérien. Il s’agit de s’opposer à la création de filiales bas-coûts utilisant davantage la sous-traitance, véritable Cheval de Troie pour dégrader les salaires, les conditions de travail, pour accélérer la perte d’emplois au sein d’Air France, pour transférer les emplois vers des salarié-es plus précaires et plus généralement pour contourner davantage les législations du travail.

Le gouvernement et les médias se déchaînent, hier contre la grève inutile des cheminots pénalisant les usagers et empêchant de passer le Bac, aujourd’hui contre les « privilèges » des pilotes d’Air France qui refusent de faire des efforts. Jamais ils ne mettent en cause les Directions qui avancent au pas de charge, sans négocier, qui annoncent les restructurations par voie de presse. Enjeux et motivations des grèves cachés, dialogue social piétiné, il s’agit d’imposer par la force la mise en concurrence des salarié-es pour tirer vers le bas tous les acquis et les salaires. Le dumping social mondial arrive dans les entreprises européennes et française, et bientôt entre Régions et métropoles par la décentralisation. Cette grève des pilotes vient après l’application de 27 ans de « libéralisation » imposée par la Direction d’Air France.

La stratégie de grignotage des acquis En 1997, Air France instaurait déjà « B-scale » avec une deuxième échelle des salaires. Les pilotes y ont mis fin après une grève de 10 jours à la veille du Mondial, mais hôtesses et stewards, pourtant en grève à 80 %, la subissent toujours avec un salaire d'embauche inférieur de 25 %, moins de repos et de plus mauvaises conditions de travail. En 2007, Air France crée Transavia France, une soi-disant compagnie charter concurrençant les tour-opérateurs et les compagnies charter « exotiques », mais vite transformée en compagnie à bas-coûts. Elle n'a pas de personnel au sol car elle sous-traite toute l'activité au sol. Dans chaque pays, elle a embauché directement les hôtesses et stewards aux conditions locales. Dire que les lignes d’Air France ne sont pas menacées est contredit par les faits, Orly-Rome, Orly-Casablanca, Orly-Istanbul sont les dernières lignes transférées. En 2008, Air France crée avec Royal Air Maroc à Casablanca, l’entreprise AéroTechnics Industries de maintenance des avions qui a, petit à petit, grignoté puis récupéré en 2012 une bonne partie de l’entretien de la flotte A320.

De novembre 2011 à juin 2014 : l’accord Transform 2015, signé par FO, CFDT, CGC et UNSA cédant au chantage de la Direction annonçant la disparition de la compagnie, s’attaque à toutes les catégories de personnel pour dégager plus de marge financière, liquider des acquis sociaux (grilles d’ancienneté et de carrière, qualifications, augmentation des charges de travail à bord, accords RTT et jours de congés, la moitié des jours d’hiver...), bloquer les salaires et supprimer 17 % des emplois (7 500 par départs volontaires)… augmenter la sous-traitance et réduire les activités les moins rentables, notamment abandon du fret d’Orly et de la moitié des cargos. L’objectif est atteint, la masse salariale a baissé de 1 milliard d’euros, le chiffre d’affaires du Groupe progresse… ce qui permet de récompenser le PDG d’Air France en augmentant son salaire de 300 000 €, le portant probablement à 1,2 million d’euros. En juillet 2014, Perform 2020 est présenté comme un moyen de concurrencer les compagnies bas-coûts en développant Transavia (en passant de 44 à 115 avions dès 2017) : croissance de Transavia France (en passant de 14 à 35 avions) et surtout création de Transavia Europe, directement sous la houlette de la Holding avec les premières Bases à Porto, Lisbonne et Munich, dotées de contrats de travail bas-coûts pour les navigants et l'ensemble des personnels concernés. Bien sûr, Transavia a réduit la place d’Air France et de ses emplois à statut. Il a créé des lignes, mais sur les crénaux de vol détenus par Air France, il a récupéré notamment une série de destination Europe à partir d’Orly et des Bases, ce qui a diminué aussi les emplois d’assistance au sol et de maintenance Air France, peut-être transférés à Transavia mais plus probablement sous-traités. La Direction table sur 5 % de croissance du trafic par an, mais en dehors d’Air France, elle espère que les reculs sociaux d’aujourd’hui assureront les profits financiers de demain pour les investisseurs et les actionnaires.

Note sur la grève des

pilotes à Air France

Page 2: Doc 6 - Greve Air France Note

La grève s’oppose au développement de Transavia, au transfert des emplois à statut d’Air France sur des salariés « bas-coûts ». Le groupe Air France / KLM va vite. Alors que le conflit Transavia France perdure, le groupe annonce la création de Transavia Europe

(filiale de KLM) avec des salariés locaux aux statuts des pays d’embauche. La « loi du marché » et la concurrence permettront petit à petit à Transavia Europe de récupérer « naturellement » des lignes d’Air France.

Le combat des pilotes pour un contrat unique, quelque soit la compagnie, est le combat de tous les salarié-es.

Les grévistes ont raison de refuser le changement de statut qui permettrait de transférer progressivement les lignes Air France moyen courrier et la maintenance à des compagnies bas-coûts employant des personnels avec un statut inférieur, mis en concurrence avec d’autres dans une spirale régressive, afin de tirer en permanence vers le bas les salaires et les conditions de travail, par le chantage de conserver, voire de gagner des marchés en diminuant les coûts. Ils savent que les promesses d’Air France sur la préservation du statut et des salaires ne sont que des carottes provisoires pour démobiliser :

- seuls les volontaires iraient chez Transavia ? Chaque embauche et chaque passage commandant de bord passeront par la filiale au contrat B ;

- les conditions du contrat Air France appliquées chez Transavia ne seraient pas viables ? Les pilotes se voient proposer dans le même temps des primes incitatives qui garantissent le maintien de la rémunération Air France…

Tout le monde est concerné. Si les pilotes perdaient, Transavia France et le futur Transavia Europe grignoteraient le réseau d’Air France, récupéreraient des charges et des milliers d’emplois avec leurs cotisations sociales, les emplois induits (maintenance, enregistrement, assistance en escale...) suivraient, la sous-traitance se développerait massivement pour le personnel au sol et les navigants commerciaux, les conditions de travail se dégraderaient pour tout le monde. Le personnel ne serait plus en mesure d’assurer des règles de sécurité dignes de ce nom et serait en proie à une fatigue dangereuse et à une flexibilité accrue. Et lorsque le moyen-courrier sera laminé, le long-courrier suivra, avec les mêmes méthodes, les mêmes tentatives de mise en concurrence des pilotes entre eux, et les mêmes chantages à la délocalisation.

La grève est nécessaire, elle ne gagnera qu’en réussissant à s’étendre et à gagner l’appui de la population s’opposant au dumping social.

Aujourd’hui, la grève est très majoritaire car la Direction n’a pas respecté ses engagements auprès du syndicat majoritaire chez les pilotes, le SNPL qui tolérait le choix de la Direction de développer Transavia (et d’accepter les dégradations qui en découlent pour les hôtesses, stewards et les emplois au sol) mais exigeait un groupe unique de pilotes Air France pour tous les avions supérieurs à 110 places (les avions de Transavia et une partie des petits et moyens avions). Les syndicats membres de Solidaires, Alter pour les pilotes et SUD Aérien, ne défendent pas que les pilotes, ils les défendent mieux et de façon plus durable, en luttant pour l’amélioration de toutes les catégories de l’aérien et plus généralement tous les salarié-es, qui sont ou seront concernés par le dumping social. Air France a les moyens financiers de satisfaire les revendications, il suffit d’utiliser les milliards d’euros qu’elle a prévu pour développer Transavia !

Dans le conflit, Alter dénonce :

- la réduction de l’emploi à un niveau sans précédent,

- la diminution drastique de la flotte Moyen Courrier exploitée par une flotte aux couleurs d’Air France,

- le dépeçage jusqu’à sa disparition du cargo alors qu’Air France en était le leader mondial,

- l’externalisation dogmatique des lignes Moyen Courrier,

- la volonté constante de dévaloriser les salarié-es. Et il revendique un contrat unique Air France et les mêmes conditions de travail et rémunérations que celles d’Air France Paris pour tous les pilotes exerçant leur métier sur des avions de plus de 100/110 sièges.

Le meilleur soutien dont ils ont besoin, c’est d’expliquer partout que leur combat, c’est celui du refus du dumping social, qui joue sur la concurrence entre les salarié-es

en exerçant un chantage pour s’aligner sur les salaires et les conditions de travail les plus bas, dans une course sans fin vers la régression sociale.