dix neuf sami mokaddem [extraits]

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Extraits du roman ''Dix-Neuf'' par Sami Mokaddem. Pop Libris Editions, 2014.

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Sami Mokaddem

Dix-neuf [Extraits du roman]

Pop Libris Editions 2014

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À Carthage, la cité légendaire, pour son 2828ème anniversaire.

Puisse ce modeste roman contribuer à honorer ta mémoire…

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Il existe un lieu où le monde de la lumière rencontre celui des ténèbres. C’est là que tout se produit : dans la terre des ombres, où tout est rare, confus, incertain. Nous sommes les gardiens de cette frontière. Mais parfois, quelque chose réussit à passer. Et moi, je dois le renvoyer dans l’obscurité.

Donato Carrisi, Le Tribunal des âmes

« Telle est la raison pour laquelle j’existe dans ce monde. Ou, à rebours : telle est l’unique raison pour laquelle ce monde existe en moi.

C’est une sorte de paradoxe, comme une image reflétée à l’infini dans des miroirs qui se font face. Je suis une part de ce monde, ce monde est une part de moi. »

Haruki Murakami, 1Q84

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AVERTISSEMENT

Ce roman est une fiction. Toutefois, les références historiques, mythologiques, scientifiques, littéraires et

artistiques, ici présentées, sont authentiques et appuyées par des notes, détaillées dans une section spécifique qui leur a été réservée, à la fin du livre.

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Compte à rebours… 50

*

Lilith

Adam – Village Labyar, à Tunis… Au-dessus, le ciel nocturne ; en-dessous, l’enfer. Adam alluma une cigarette, et inspira

profondément une bouffée en regardant le village qui s’étendait devant lui. Un vent léger se leva, remuant ses cheveux, pendant qu’il se tenait immobile, contemplant la route, illuminée par la pâle lueur de la lune. Il rassembla dans sa tête les informations dont il disposait et qui l’avaient amené jusqu’ici. Des volutes de fumée se formèrent au-dessus de lui, avant de se dissiper dans l’obscurité.

Labyar était un petit village perdu situé près de Tunis, le plus ancien où cohabitaient des Tunisiens de différentes confessions.

Adam écrasa le mégot sous sa chaussure, mit les mains dans les poches et avança tranquillement vers le village.

Il entra dans la première auberge qu’il croisa. Le propriétaire était un homme trapu qui l’accueillit avec un regard méfiant.

-Quel bon vent vous amène ici, Étranger ?

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-Je voyage. Je me suis arrêté pour une nuit ou deux.

Le propriétaire ne sembla pas convaincu. Il nota sur un grand registre la date d’arrivée : le 23 juin 1972. Il examina le passeport qu’Adam lui tendait :

-Vous avez une double nationalité ? -Je travaille à Londres. L’homme lui rendit le passeport en disant : -Ne vous aventurez pas dehors ce soir. Lilith est en

train de rôder. -Lilith ? -Le démon qui s’attaque aux bébés. Les habitants

de confession musulmane n’y croient pas, mais nous, nous savons parfaitement que ce démon a choisi cet endroit pour poursuivre ses sinistres desseins.

Adam l’écoutait attentivement. Manifestement, il était arrivé un peu tard. Quelque chose se passait déjà au village. Il demanda d’un ton faussement détaché :

-Qu’est-il arrivé au juste ? Le propriétaire répondit d’une voix basse, comme

s’il murmurait un secret : -Deux femmes ont été trouvées sauvagement

assassinées. On leur a enlevé leurs fœtus. Qui d’autre serait capable d’une abomination pareille ?

Adam hocha lentement la tête, sans commenter. Le propriétaire lui demanda :

-Cette histoire ne vous trouble pas ?

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-Si, mais je ne pense pas que ce soit l’œuvre d’un démon. Ceci dit, je respecte votre croyance.

L’homme le dévisagea, puis lui tendit la clé de la chambre:

-En tout cas, soyez prudent. Des jours sombres attendent ce village. Que Dieu ait pitié de nous tous.

Adam prit la clé, salua l’homme d’un signe de la tête et gagna sa chambre. Une fois à l’intérieur, il rangea ses maigres affaires et s’étendit sur le lit, heureux de pouvoir enfin se reposer un peu après son voyage.

Il avait quarante-trois ans et il était journaliste indépendant. Il avait voyagé un peu partout dans le monde. Son ex-femme, Nora, n’était pas parvenue à accepter ce mode de vie et ils avaient divorcé il y a à peine un an.

Ses anciennes enquêtes lui avaient appris que rien n’était exclu, même un démon venu du monde des Enfers, choisissant Labyar pour répandre sa terreur. Sa dernière enquête portait sur une secte secrète britannique, que tout le monde croyait dissoute et dont l’objectif était d’entrer en contact avec des entités démoniaques.

Adam avait frôlé la mort en enquêtant sur cette organisation. Il referma les yeux et laissa libre cours à ses pensées.

Des jours sombres attendent ce village.

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Les mots résonnaient dans sa tête comme un mauvais présage.

***

[Découvrez la suite de ce chapitre dans le roman Dix-Neuf]

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Compte à rebours… 49 *

Rayan et Renée

Rayan – Tunis…

Douleur. Elle se propageait le long de son crâne, sourde et

impitoyable, lui arrachant un gémissement. « Rayan » Un murmure. « Rayan, réveille-toi ! » Un léger parfum éveillait ses sens. Des doigts lui

touchaient le visage. Il ouvrit difficilement les yeux. Il vit une ombre se pencher sur lui. Une jeune femme le regardait avec une inquiétude mêlée d’impatience.

Cette douleur… « Rayan, où sont mes parents ? » Une inconnue dans son appartement. Il la regarda

avec méfiance et murmura difficilement : -Qui es-tu ? Sa vue s’améliorait. Il distingua les traits de la

jeune femme. Elle avait la vingtaine, estima-t-il. Des boucles noires entouraient son beau visage, contrastant avec la blancheur de sa peau.

Il répéta sa question, plus durement cette fois. La jeune femme recula et demanda :

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-Tu ne te souviens plus de moi ? Il ne l’avait jamais vue de sa vie. Il secoua

lentement la tête. La femme s’impatienta : -Voyons Rayan, nous ne nous sommes peut-être

rencontrés que deux fois, mais tu ne peux pas oublier qui je suis. Où sont mes parents ? répéta-t-elle.

Il essaya de remettre de l’ordre dans ses idées, puis répondit :

-Je ne sais pas ce qui se passe, je me sens un peu perdu. Comment es-tu entrée ici ?

Elle lui montra une clé: -Le double. Tu le gardes toujours chez mon père.

J’ai longtemps frappé à la porte, mais tu ne répondais pas.

-Et qui est ton père ? Elle recula, surprise, puis le considéra longuement.

Rayan se rendit compte qu’il avait posé la mauvaise question. Elle finit par constater :

-Quelque chose de grave t’est arrivé. Tu as des hématomes sur le visage. Peut-être que tu souffres d’une amnésie. Et mes parents ont disparu après t’avoir raccompagné, hier soir. Quelle est la dernière chose dont tu te souviennes ?

Rayan essaya de se rappeler. Rien. Un blanc total. -Je ne me souviens de rien, dit-il en essayant de se

lever. Qui es-tu ? Qui sont tes parents ?

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-Renée. Je m’appelle Renée. Mon père, Antoine Goya, est ton encadreur de thèse, et vous êtes devenus très proches.

Rayan l’écoutait attentivement. Il ne se souvenait de rien de ce qu’elle lui racontait. De quelle thèse parlait-elle ?

Renée poursuivit : -Vous êtes sortis ensemble, mon père, ma mère et

toi hier. Ils ne sont pas revenus. Cela fait presque vingt-quatre heures. Tu es dans cet état, et eux ont complètement disparu. Je voudrais comprendre ce qui s’est passé.

-Et je suis dans l’impossibilité de te répondre, dit Rayan, du moins maintenant. Peut-être que cela me reviendra.

-Écoute-moi bien, Rayan, je voudrais bien te croire, mais, là, il s’agit de mes propres parents. Tu es la dernière personne à les avoir vus. Je suis désolée, mais c’est à toi de m’expliquer.

L’inquiétude qui se dessinait sur le visage de Rayan avait fini par dissiper tous les doutes de Renée. Elle posa sur lui un long regard, puis se leva, passa nerveusement la main dans sa chevelure sombre et dit :

-Peut-être que tu as raison, je devrais te laisser te reposer. Mais je suis morte d’inquiétude.

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Rayan la considéra, hésita quelques secondes puis posa la main sur son épaule et dit en essayant de sourire sans succès :

-Je suis sûr que tout ira bien. Ils ont peut-être eu une urgence. Ils sont peut-être déjà chez eux, maintenant.

La jeune femme lui tendit la clé : -Je dois rentrer maintenant. Appelle chez nous si

tu te souviens de quoi que ce soit, s’il te plaît, d’accord ?

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se glissa hors de l’appartement et disparut.

*** [Découvrez la suite de ce chapitre dans

le roman Dix-Neuf]

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Compte à rebours… 24

*

Les souvenirs du guerrier

Date : Septembre 216 avant J-C Lieu : Carthage J’étais finalement rentré au pays. Nous l’avions

quitté deux années auparavant, avions traversé les côtes de la Méditerranée, les Pyrénées puis les Alpes, en compagnie de notre commandant suprême, le général Hannibal Barca.

Beaucoup d’hommes avaient péri, mais nous avions réussi à écraser l’armée romaine. De bataille en bataille : Trasimène il y a un an, puis Cannes, il y a à peine un mois, les éléphants du général traçaient le chemin de la gloire.

Nous étions cinquante mille. Les romains quatre-vingt-mille. Mais le général Hannibal avait développé une tactique qui permit de remporter une victoire foudroyante, en encerclant l’armée romaine, qui se retrouva piégée de tous les côtés. Une idée de génie consistant à former un véritable étau humain autour de l’armée ennemie, de pousser et de comprimer, de façon à ce que la majorité des romains soient

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incapables de combattre, entassés ainsi, les uns contre les autres. Seuls les soldats de l’extérieur étaient en face des Carthaginois, qui les attaquaient de toutes parts.

Après cette victoire, le général autorisa certains d’entre nous à rentrer.

C’est un véritable miracle que je sois encore en vie. Que je puisse revoir de nouveau ma femme. Elle était enceinte, lorsque j’étais parti. À mon retour, elle avait un bébé dans les bras. Un bébé qui portait mes traits.

Je levai mon fils de deux ans vers le ciel en remerciant les dieux de m’avoir épargné et de ne pas en avoir fait un orphelin. Je serrai ma femme dans mes bras. Elle pleura longtemps sur mon épaule.

Le soir, je me réveillais souvent en sursaut. Mon esprit était resté sur le champ de bataille. Le bruit des glaives qui s’entrechoquaient, les cris des hommes, le sang qui giclait à flots de leurs blessures et l’odeur de la terre qui recueillait ses enfants, me hantaient.

N’arrivant pas à me débarrasser de ces cauchemars, ma femme m’emmena voir une guérisseuse. Elle disait que cette dame faisait des miracles, alors je me pliai à sa volonté.

Au moment où mes yeux tombèrent sur la jeune femme, je sus que cette rencontre allait évoluer d’une manière spectaculaire. La dame était d’une beauté à

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couper le souffle. Sa peau, d’une extrême blancheur faisait naître le désir chez les hommes. Ses yeux étaient immenses, dorés, et son regard hypnotique. Une bouche ressemblant à un fruit mûr se dessinait sur son visage éclatant de beauté. Sa voix était chantante, douce, et comme ses yeux, elle donnait envie de se perdre et de se laisser emporter vers un territoire inconnu, dont elle seule détenait le secret.

La deuxième fois, je visitai la guérisseuse seul. La troisième fois je tombai amoureux d’elle. Je ne suis pas sûr que mon cœur de guerrier ait connu l’amour, mais cette femme m’avait réduit à un état que je ne pouvais décrire. Une fascination aveugle.

Cette femme était inaccessible. Aucun homme ne pouvait l’atteindre. En revanche, tous se seraient donnés à elle sans conditions. Elle n’était pas dans le rang des femmes mais dans celui des déesses, ou bien au-dessus.

L’envie de la posséder se transformait, par un sombre mécanisme de l’esprit, en une envie de lui appartenir. Et seulement lui appartenir.

Je la baptisai La Belle Dame sans merci. Nos rencontres se multiplièrent. D’abord à l’endroit où elle exerçait comme guérisseuse. Ensuite dans son château qui donnait sur la mer.

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Je remarquai qu’elle portait un étrange médaillon sur lequel on pouvait lire :

À Astarté-Pygmalion

Yadamalek, fils de Poddaï, Pygmalion délivre qui il lui plaît

Elle ne me laissait pas la toucher. Je me contentai

juste de rester près d’elle, et simplement la regarder. C’était la relation la plus étrange que j’avais

jamais eue avec une femme. Mais j’étais heureux. À maintes reprises, je voulais lui demander qui

était ce Pygmalion et pourquoi il était associé à notre déesse, Astarté, ou Ishtar, mais je ne le fis jamais.

Parfaitement consciente de l’effet qu’elle me faisait, un jour elle me dit :

-Je t’ai choisi. Je demandai, émerveillé, les yeux posés sur le

médaillon qui lui entourait le cou : -Tu m’as choisi pour quoi ? -Tu es l’élu, répondit-elle mystérieusement.

*** Seigneur de mes terres, guerrier au cœur de pierre

de l’armée carthaginoise, je n’avais jamais envisagé, ni même imaginé de devenir « élu ». Ce terme, utilisé

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par La Belle Dame sans merci, voulait en réalité désigner celui qui allait l’accompagner, la protéger, veiller sur elle mais, surtout, exaucer tous ses désirs.

C’était une relation complexe. Intrigante. Ma femme ne se doutait de rien. Je continuai à accompagner la Belle Dame, jusqu’au jour où elle me convoqua dans son château. Elle ordonna à sa servante de me dire de l’attendre dans l’une des immenses salles. Le temps passa. Je regardai, par la fenêtre, la mer qui s’étendait jusqu’à l’horizon, lorsque je l’entendis venir. Je me retournai, mais restai figé sur place.

Elle était vêtue d’une tunique blanche, laissant montrer, à travers deux longues fentes, des hanches d’une blancheur d’ivoire, qui apparaissaient et disparaissaient, au fur et à mesure qu’elle avançait vers moi. La tunique lui couvrait le corps, mais son ventre était découvert. Lentement, elle s’approcha de moi en soutenant mon regard de ses yeux.

En la voyant ainsi, les fragments de raison qui me restaient s’effondrèrent. J’étais frappé par la beauté de cette créature qui éveillait en moi une seule envie : me mettre à genoux et pleurer.

La Belle Dame sans merci me demanda de m’asseoir, parce qu’elle avait une mission pour moi. Si je la réussissais, elle me récompenserait à sa

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manière. J’écoutais les détails de la mission, en me concentrant sur les noms, les lieux, les chemins que je devais prendre.

« Je suis mourante » dit-elle. Mon cœur battait à tout rompre. J’étais même prêt à affronter le dieu de la mort en personne, pour qu’elle vive. « Pour survivre, il me faut un objet que tu dois m’apporter d’Égypte. »

La dame m’envoyait vers un prêtre égyptien, qui s’appelait Aïfass, pour lui rapporter un objet d’une valeur inestimable : celui qui assurerait sa survie. Selon elle, Aïfass devait également me dire où « les pierres sacrées » étaient cachées. « La réponse à cette question est extrêmement importante », précisa-t-elle.

Je me levai, prêt à partir pour ce long voyage. La Belle Dame me demanda :

-Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? -J’irai d’abord au temple, pour demander aux

dieux de m’accorder leur bénédiction. Elle sourit, puis rejeta sa tête en arrière et éclata de

rire. Ses cheveux lui tombaient magnifiquement dans le dos. Elle se redressa et murmura :

-À genoux, guerrier d’Hannibal Barca. Je me mis à genoux. Elle enleva son médaillon, me

le mit autour du cou, puis elle posa sa paume sur ma tête. Je tremblai de tout mon corps à ce contact. Elle dit :

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-Je te bénis, guerrier. Elle prit mon visage entre ses mains, et attira ma

tête contre son ventre. Le contact de sa peau nue était indescriptible. Je m’approchai dangereusement de la folie. Elle murmura en serrant ses paumes autour de ma tête :

-Le seul temple que tu vas vénérer, guerrier, c’est moi. Je serai ton temple. Tu feras tes prières ici même. Et j’ouvrirai les bras pour t’accueillir dans la lumière.

Puis elle m’aida à me relever et dit : -Reviens avec l’objet. Et avec une réponse. Ainsi, je partis en Égypte, en quête du mystérieux

remède. ***

Mon voyage en Égypte fut une aventure. Je rencontrai des dangers sur la route. Je fis couler le sang de plusieurs hommes. Mais à chaque fois, je pensais à Ma Belle Dame sans merci, et je continuai, imperturbable, mon chemin.

Je revins au bout de deux mois, rapportant l’objet mystérieux qui était enveloppé dans un tissu en soie de couleur bleue. C’était une statuette sculptée dans un matériau étrange, de couleur argentée, que je n’avais jamais vu auparavant. Je le transportai avec toutes les précautions. La vie de la Belle Dame en dépendait.

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Sur la route, je fus attaqué par des loups, des hyènes et des voleurs. Le soir, je me réveillais en sursaut. Je rêvais que je trouvais la Belle Dame déjà morte à mon retour. Ces visions me torturaient, alors je chevauchais nuit et jour, de peur d’arriver trop tard.

Mais La Belle Dame sans merci n’était pas morte. Elle m’attendait dans son château. Ses yeux s’illuminèrent lorsqu’elle aperçut, dans ma main, la statuette qui brillait dans son étoffe de soie.

Elle s’enquit à propos des « pierres sacrées » et je lui remis un bout de parchemin que le prêtre m’avait donné. Il y était simplement écrit : « Jérémie, XLIII, 8,9 ». Serrant la statuette précieuse contre elle, elle me demanda si Aïfass m’avait dit autre chose. Je répondis :

-Il a dit de faire attention aux distances. Il a dit qu’il y a eu une erreur d’inversion. Il a dit qu’elle a causé la disparition de l’île derrière les colonnes d’Hercule. Les vagues se sont abattues sur elle et l’île a été engloutie en une seule nuit dans les profondeurs de l’océan.

La Belle Dame caressa la statuette comme si elle rêvassait :

-L’inversion. Je comprends. Elle me regarda dans les yeux et demanda :

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-As-tu vu la Bête de pierre ? -Oui, je l’ai vue. Elle gardait les pyramides au

milieu du désert. Aïfass me l’a montrée. -Raconte-moi comment elle était. -Magnifique. Le corps d’un lion et la tête d’un

homme. Elle caressa encore une fois la statuette et dit : -Quand le temps viendra, la Bête se montrera. Elle

sera identique à celle que tu as vue. Elle arrivera de loin. D’un autre monde. Quand elle entendra l’appel, elle viendra jusqu’à nous.

Je ne comprenais pas de quoi elle parlait, alors je lui posai la question qui me brûlait les lèvres depuis que je lui avais apporté la statuette :

-Avec ça, survivras-tu ? Dis-moi que tu survivras. Elle serra davantage la statuette contre elle et

murmura : -Avec ça, je survivrai des siècles.

*** J’accompagnai La Belle Dame sans merci à un

endroit sur la colline de Carthage où elle avait dit devoir enterrer la statuette. « C’est là qu’elle reposera, pour l’Éternité » avait-elle dit.

Elle s’était hissée sur la pointe des pieds, avait effleuré mes lèvres des siennes et, d’un geste rapide,

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m’avait ôté le médaillon pour le remettre de nouveau autour de son cou.

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Titre : Oblation

Auteurs : Moez Tabia, Abir Gasmi

Format : A5 (14,8 x 21)

Nombre de pages : 50

Prix : 7,8 Dt/ 7,8 Euros

ISBN : 978-9938-883-02-2

Quatrième de couverture :

Oblation est une bande dessinée illustrant une fillette s’aventurant au gré du hasard à la recherche de la tête de sa peluche disparue, à travers des univers hostiles, angoissants et truffés de dangers. Assistée par de mystérieux et bienveillants personnages, la fillette mènera sa quête avec un courage exceptionnel. Un livre destiné aux enfants qui peuvent admirer les dessins mais surtout aux adultes vu la symbolique de l’histoire, ».

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