diversions alsace mai 2010

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Ce mois-ci il y aura des berceuses africaines du cirque et du cabaret, des chanteurs en herbe un opéra sanglant avec le couple Macbeth Hawksley Workman, des histoires de couples des vies sur le fil, une cerisaie russe des orgues en Alsace, le jeune théâtre international Danse/Performance - Festival Nouvelles l’art comme un jeu mai 2010 culture - sorties - société - tendances mensuel gratuit #24

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Journal culturel

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Page 1: Diversions Alsace mai 2010

Ce mois-ci il y aura des berceuses africainesdu cirque et du cabaret, des chanteurs en herbe

un opéra sanglant avec le couple MacbethHawksley Workman, des histoires de couples

des vies sur le fil, une cerisaie russedes orgues en Alsace, le jeune théâtre international

Danse/Performance - Festival Nouvellesl’art comme un jeumai 2010 culture - sorties - société - tendances

mensuel gratuit

#24

Page 2: Diversions Alsace mai 2010
Page 3: Diversions Alsace mai 2010

REPÉRAGES 4Berceuses KitokoL’Histoire du soldatDu cirque et du cabaret à l’Illiade

BIENNALE DE LA MÉTROPOLERHÔNE 6Montbéliard : Le voyageDole : La Cavalcade du futur

MUSIQUES 8Chansons en HerbeJournées de l’Orgue en AlsaceMai au Noumatrouff Macbeth

THÉÂTRES 10Une laborieuse entrepriseSur le filLa Cerisaie

Voisins du zéro Festival Premières

DANSES 13Danse/Performance - Festival Nouvelles

OUVREZ LES YEUX 14L’art est un jeu. Tant pis pour celui

s’en fait un devoir !What doesn’t kill you makes you stronger

CHRONIQUES CD 15Nouvelle : Nom de dieu, Holden !(deuxième partie) par Baptiste Balezeau

Diversions Journal d’information culturelle gratuit 12, rue des Vieilles Perrières25000 Besançon03 81 57 58 92 - 06 34 12 01 [email protected] : SARL DiversionsRCS : 508 184 934

Directeur de la publication : Boban Stanojevic03 81 57 58 92 - 06 34 12 01 [email protected]

Rédacteur en chef : Dominique [email protected]

Rédaction : Aurélie Bessard, Gilles Bloin, Frédéric Dassonville, Dominique Demangeot, Caroline Dreux, Manu Gilles, Amandine Mannier, Hector Mann, Sébastien MaraisPaul Sobrin, Marc Vincent

Comité de relecture : Dominique Demangeot, Caroline Vo Minh

Régie publicitaire : Boban Stanojevic - 03 81 57 58 92 - 06 34 12 01 [email protected]

Dépôt légal : mai 2010© Diversions 2010Imprimé en EspagneISSN : en cours valeur : 1,15 euros offertDiversions est diffusé gratuitement sur l’Alsace, la Bourgogne et la Franche-ComtéProchaine parution : 1er juin 2010

Les photographies de N’Krumah Lawson Daku nous racontent des histoires. Histoires brèves certes, sans chapitres ni paroles, mais c’est bien une narration qui est à l’oeuvre dans ces courtes suites en noir et blanc de la série Transfert. Pour le photographe les portraits sont comme des paysages, les paysages comme des portraits. Les plans reserrés nous donnent à voir les plis et les bosses de la peau, minus-cules cratères, ombres et reliefs. Chut... Faites silence. Laissez parler la nuit...N’Krumah Lawson Daku croise le naturel et l’urbain, les natures mortes et les visages. Et de l’ombre jaillit la lumière. Ses polyptiques fonctionnent d’abord par l’opposition du mobile et de l’immobile, scènes au grand angle et perspectives fuyant au loin, traces de la civilisation et lieux sauvages, laissés à l’abandon, ruines et édi-fices.

L’impression de fixité n’est qu’apparente, et résiste mal à la tension instaurée dans l’image par le photographe, trouées de lu-mière s’échappant de l’ombre, angle large sur les grands ensembles et focus sur les dé-tails d’un mur en gros plan. Grain du ciment et de la peau confrontés. Traquer la matière dans le moindre recoin.

- Hector Mann -

N’Krumah Lawson Daku, du 1er avril au 23 mai 2010, Galerie Stimultania, Strasbourg - 33 rue Kage-neck - 03 88 23 63 11 - www.stimultania.org

L’image du moisExposition Transfert, photographies de N’Krumah Lawson Daku

culturessortiessociété

tendances

#24

© N

’Krumah Law

son Daku

mai 2010

diversions-magazine.com

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Repérages 4

Pour son dernier spectacle de la saison, le TJP nous transporte en Afrique, au doux son des berceuses Kitoko. En lingala, Kitoko signifie beauté. Comptines portées par Marie-Claire Mahela qui mettent en lumière la tradition orale, ces berceuses disent en effet toute la beauté de la culture africaine. Un spectacle pour les tout petits à découvrir en mai au TJP.

Dans ce spectacle ‘’chanté et manipulé’’, mis en scène par Hélène Hamon, avec la participation d’Hubert Mahela, Marie-Claire Mahela joue et chante. La scénographie s’adapte à l’artiste qui souffre de polyo-myélite évolutive. Son ‘’trône à roulette’’ l’accompagne donc sur les planches. Ma-rie-Claire Mahela puise dans le patrimoine africain, comptes, berceuses et autres chan-sons, pour nous parler de l’enfance. Plusieurs langues sont convoquées ici, lingala, swahili, bambara, d’autres dialectes africains et le français qui vient comme un trait d’union entre toutes ces langues.

Hélène Hamon, comédienne lors de créa-tions du TJP et assistante de Gregoire Callies sur la plupart de ses mises en scène, avait déjà travaillé sur l’Afrique avec Ça va ! en 2007. Ce précédent spectacle s’inspirait des témoignages d’habitants de Kinshasa, montrant comment ces derniers continuent à vivre en dépit des conditions difficiles (Kins-hasa a vécu la colonisation puis la dictature). Berceuses Kitoko se basera sur la tradition orale africaine et fera cette fois appel aux contes et autres récits transmis de généra-tions en générations.Le décor consiste en un unique arbre en cuivre, figurant un arbre aux calebasses, arbre à palabres. En Afrique, c’est le lieu où se rassemblent les villageois pour discuter de politique, de la vie de la communauté et autres sujets. Une importance de la tradition orale qui sera illustrée dans ces Berceuses Ki-toko.

Nous avons rencontré Christine Kolmer, qui a créé les marionnettes qui interviendront dans Berceuses Kitoko.

Vous êtes-vous inspirée de la tradition afri-caine pour créer les marionnettes/objets ? Effectivement, j’ai utilisé des éléments natu-rels (calebasses, cordes...) et des instruments de musique détournés pour les marionnettes. Le décor se compose d’un arbre très coloré, arbre à palabre dont les calebasses contien-nent différents objets. Une structure en cuivre rappelant cet arbre englobe la chaise rou-lante de la comédienne, la transformant en une sorte de trône.

Y aura-t-il hybridation entre l’objet et la ma-rionnette ? Les marionnettes sont construites à vue par l’assemblage de différents objets : de petites percussions, des morceaux de calebasses, des cordes.

La marionnette existe-t-elle dans la tradition africaine ? Non, pas en tant que tel.

Quel sera le rôle de ces marionnettes/objets dans le spectacle ? Au départ la comédienne est seule, voudrait que quelqu’un lui tienne compagnie... Elle regarde les objets accrochés autour d’elle et tente différentes combinaisons qui abou-tissent à la création de petits personnages. Chacun émet un son spécifique que la co-médienne accompagne par son chant.

- Propos recueillis par Dominique Demangeot -

Berceuses Kitoko, Théâtre Jeune Public, Strasbourg, Tout public dès 18 mois - Du 19 au 29 mai www.theatre-jeune-public.com

Nous avions évoqué le mois dernier quelques actions éducatives menées par l’Orchestre philharmonique de Strasbourg auprès du grand public. Les enfants sont des spectateurs privilégié pour l’OPS qui a l’occasion de faire découvrir aux plus jeunes le fonctionnement d’un orchestre, de manière ludique et décom-plexée. Nous avons rencontré Jonas Marmy, élève à l’école du Théâtre national de Stras-bourg, qui collabore avec l’Orchestre phil-harmonique sur des spectacles dont Darius, qui sera proposé en mai au Palais de la Mu-sique et des Congrès.

Comment êtes-vous venu au projet de L’His-toire du soldat ? Sept musiciens de l’OPS avaient pour am-bition de monter ce spectacle avec un ré-citant et le désir de tisser un lien entre l’Or-chestre philharmonique et le TNS. Ayant d’assez bonnes notions de musique puisque je pratique le piano jazz depuis plusieurs an-nées, on m’a proposé de me lancer dans cette aventure. La forme complète du spec-tacle a été représentée pour la première fois en janvier 2009 à la Cité de la Musique et de la Danse. J’ai ensuite été amené à écrire une forme pédagogique dans laquelle le Diable débarque sur terre pour prévenir les enfants du terrible sort qu’ils subiraient s’ils s’avisaient

de suivre l’exemple de Joseph, le soldat in-soumis. Le récit est ponctué d’extraits de la musique originale de Stravinsky. Durant son aventure, le Diable cherche à vendre au soldat des instruments de musique qu’il trans-porte avec lui.

C’est d’abord un spectacle pédagogique...Oui c’est l’occasion pour les enfants de dé-couvrir les sept instruments composant l’or-chestre (à savoir la clarinette, la contrebasse,

le violon, le basson, le cornet, le trombone et les percussions), de comprendre leur fonc-tionnement, d’entendre des extraits musi-caux dans des styles très variés, du classique au funk, en passant par le swing, la salsa ou le tango, et de rire du Diable se déhan-chant allègrement dans une danse ridicule ou s’époumonant en vain dans un trombone dépourvu d’embouchure...Cette forme pédagogique nommée ‘‘Une Autre Histoire du Soldat’’ a déjà été repré-

sentée dans plus d’une dizaine d’établisse-ments alsaciens et a continué sa tournée le 23 avril à Schiltigheim, le 26 avril à l’école de musique d’Obernai puis le 30 avril à Bis-chwiller. Les deux formes du spectacle seront représentées en juin 2011 à Orange.

Avez-vous d’autres projets avec l’OPS ? Toujours en tant que récitant et avec l’Or-chestre Philharmonique de Strasbourg, j’au-rai la chance de jouer dans Darius, un conte musical composé par Marc Schaefer et écrit par Emmanuel Hirsch. Ce spectacle sera re-présenté les 6, 7, 9 et 10 mai 2010 au Palais de la Musique et des Congrès. La représentation du 9 mai est un concert familial public.Le 7 septembre 2010, je réciterai la nouvelle d’Edgar Allan Poe Le Masque de La Mort Rouge, au côté du Quatuor Ebène, de Ra-phaël Sévère, Isabelle Moretti et Mélanie Pa-nel qui interprèteront le conte fantastique de Caplet au festival international de musique de Wissembourg.

- Propos recueillis par Dominique Demangeot -

www.philharmonique-strasbourg.com

L’histoire du soldat

L’Espace Masolo

L’Espace Masolo assure un encadre-ment artistique, artisanal et social des enfants et des jeunes défavorisés de Kinshasa (République démocratique du Congo). Il s’attache également à pro-mouvoir la marionnette et possède de nombreux partenaires, dont le TJP qu’il a accompagné dans la création du spec-tacle Berceuses Kitoko. En accompagnant les jeunes dans des

projets à teneur culturelle, l’Espace Ma-solo leur offre l’opportunité de se réinsé-rer socialement. Divers ateliers sont mis en place (réalisation de cartes de vœux, fabrication de masques, couture, etc.).

‘‘Le travail de recherche de berceuses a été effectué à l’espace Masolo. Les calebasses et une partie des instruments de musiques utilisés durant le spectacle ont été fournis également par cette structure’’, explique Christine Kolmer.

Entretien avec Jonas Marmy

Toujours en tant que récitant et avec l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, j’aurai la chance de jouer dans Darius, un conte musical composé par Marc Schae-fer et écrit par Emmanuel Hirsch.

© G

raigue

Entretien avec Christine Kolmer

Berceuses Kitoko au TJP

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Repérages 5

Les bals populairesCôté CoursMardi 12 mai 2010 à 20h30L’Illiade convie en mai un jongleur qui mêle humour et poésie. Ce dernier a créé le per-sonnage de Gorky, un vagabond qui vient nous conter son histoire. Frédéric Pradal, s’il est jongleur autodidacte, s’est aussi formé à la comédie et apprend actuellement l’art du clown. Dans sa langue étrange, ce français en dé-calage distillé par un accent des pays de l’est à couper au couteau, Frédéric Pradal-Gorki nous invite à ses bals populaires. ‘’Des fois je dis des choses c’est pour te faire rigo-ler, et des fois c’est un peu triste aussi, c’est un peu comme la vie je crois’’ nous dit le jongleur-comédien dans ce bal populaire, art de la rue qui mêle le geste à la parole. Un spectacle qui nous parle aussi d’immigration, et de la manière dont nous percevons l’autre qui vient d’un autre pays : ‘’Des fois tu sais c’est l’étranger, le manouche, le voleur, ou lui, ou l’autre’’. Une belle leçon de tolérance également.

Cirque équestre PagnozooForum de l’IllTempêtesJeudi 20 mai 2010 à 20h30 Vendredi 21 mai 2010 à 20h30 Samedi 22 mai 2010 à 20h30 Dimanche 23 mai 2010 à 17h Le cirque équestre Pagnozoo vient présenter son spectacle Tempêtes qui met en avant 9 chevaux accompagnés d’acrobates, trapézistes et musiciens écuyers, entre autres personnages circassiens. Un exercice à la fois physique et poétique, impressionnant et envoûtant. La troupe originaire de Franche-Comté se produira au forum de l’Ill. Leurs chevaux s’appellent Tango, Kala Django, Hakrobate Jazzy, Krobate Vicky Kala, Tango Charleston, French Cancan Nina… et ne font qu’un avec leurs compagnons sur la piste.

- Sébastien Marais -

L’Illiade, Strasbourg - www.illiade.com

Le cirque Pagnozoo

Du cirque et du cabaret à l’Illiade

Page 6: Diversions Alsace mai 2010

Cahier Biennale de la Métropole Rhin-Rhône n°4 - mai 2010 - Dole, Pentecôte 2010 6

C o m é d i e D e l ’ E s t6 r o u t e d ’ I n g e r s h e i m

C e n t r e d r a m a t i q u e r é g i o n a l d ’ A l s a c e

D i r e c t i o n G u y P i e r r e C o u l e a u

M i s e e n s c è n e C a r o l i n a P e c h e n y

6 8 0 2 7 C o l m a r0 3 8 9 2 4 3 1 7 8

w w w. c o m e d i e - e s t . c o mi n f o @ c o m e d i e - e s t . c o m

T i t r e

A d r .

C D E W e b

M a i l

V i l l e

T e l .

U n e L a b o r i e u s e e n t r e p r i s e d e H a n o k h L e v i n

C’est dans le cadre des traditionnelles fêtes de la Pentecôte qu’aura lieu le volet dolois de la Biennale Rhin-Rhône. Mais Dole et son ag-glomération ont choisi de placer également cette biennale Rhin-Rhône sous le signe de l’innovation au service du développement durable. C’est la raison pour laquelle éner-gies, technologies et nouveaux modes de dé-placements seront envisagés lors du week end des 22 et 23 mai 2010.

Géographiquement situés au coeur de la Métropole Rhin-Rhône, Dole et le Grand Dole ont choisi les Fêtes de Pentecôte pour marquer cette volonté culturelle et festive.

La Pentecôte, fête traditionnelle et populaire à Dole, affichera encore cette année spec-tacles de rue, théâtre, concerts, fanfares, feux d’artifices et défi lés. Samedi 22 mai, la fête débutera par l’inauguration Place Nationale de la statue de l’homme du futur pour se poursuivre sur l’île des utopies autour

de la Médiathèque, du jardin Philippe, des rues piétonnes et de la Place Nationale. Cet espace restera ouvert gratuitement à tous ceux qui souhaitent partager cette vision de l’utopie, de l’innovation et du futur. Des dizaines d’artistes amateurs et profes-sionnels investiront la ville pour ce grand ren-dez-vous festif.

Dole Pentecôte 2010, Grandes Fêtes Utopies et Inno-vations, Spectacles de rue et Cavalcade du FuturAu programme : samedi 22 mai à partir de 14 h sur l’île des utopies : spectacles de rue, théâtre, nouvelles technologies… Le soir à 20 h, grand défi lé suivi d’un bal populaire et d’un concert rock dimanche 23 mai à 15 h : défi lé au centre ville suivi, sur l’île des utopies : spectacles de rue, théâtre, nou-velles technologies…22 h 30 : feux d’artifices et bal populaire.

Plus d’informations sur le nouveau site de la Ville de Dole : www.doledujura.frVoir également le site officiel de la Métropole Rhin-Rhône : www.utopinov.net

La Pentecôte 2010 à Dole

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Cahier Biennale de la Métropole Rhin-Rhône n°4 - mai 2010 - Montbéliard, Le Voyage 7

Le Voyage des naturalistesCharles Contejean - 1824-1907Premier conservateur du Musée du Château, ce naturaliste mettra au point l’Herbier des Plantes du Pays de Montbéliard. Il étudiera également le patois local. Charles Conte-jean est l’exemple même du scientifique po-lyvalent, pour qui l’observation méticuleuse de son environnement est essentielle.

Jean Bauhin - 1541-1612Ce médecin est l’auteur d’une vaste ency-clopédie botanique. Les gourmands seront heureux d’apprendre qu’il a également in-troduit la pomme de terre à Montbéliard...

George Cuvier - 1769-1832Le célèbre anatomiste qui a donné son nom à la galerie du Château de Montbéliard, a développé l’anatomie comparée (fondée par le britannique Edward Tyson dans la se-conde moitié du XVIIe siècle). Le but de cette discipline est de comparer l’anatomie de différentes espèces animales ou végétales pour étudier leur mode d’évolution. Cuvier a par ailleurs fondé la paléontologie française qui étudie les fossiles.

Le Voyage mathématiqueRené Thom - 1923-2002Ce mathématicien est à l’origine de la théo-rie des catastrophes dont les applications sont multiples : mécanique appliquée, phy-siologie, biologie, économie, linguistique... Ici le scientifique rejoint l’artistique puisque Sal-vador Dali avoue avoir été fortement inspiré par la théorie des catastrophes.René Thom a également écrit le texte Songe-ries ferroviaires en 1979 où il parle de la fasci-nation des trains sur les hommes à travers ses souvenirs d’enfance à Montbéliard.

Le Voyage industrielArmand Peugeot - 1849-1915On ne présente plus Armand Peugeot qui conçoit les premières automobiles à quatre vitesses en 1890. On a tendance à l’oublier mais l’entreprise Peugeot fabriquait égale-ment des moulins à poivre, à café, de l’élec-troménager...

Frédéric Japy - 1749-1812 Japy est considéré comme le créateur de l’industrie moderne, participant au dévelop-pement économique du pays de Montbé-liard. Il a mis au point la mécanisation de la fabrication horlogère par des machines, ce qui lui a permis de concentrer toute la fabri-cation dans un seul lieu.

Ceci eut des implications sociales impor-tantes puisque Japy est également à l’ori-gine des cités ouvrières. Il décide de garder ses employés à proximité en leur assurant des conditions d’habitat décentes mais en leur permettant également de mener de nom-breuses activités. Charles Fourier (1772-1837), dans sa Théorie de l’unité universelle, a ima-giné le phalanstère où les ouvriers se regrou-pent en coopérative, pour y travailler mais aussi y vivre avec leurs familles. Si la création de logements pour ouvriers à proximité du lieu de travail n’est pas nouvelle, le phéno-mène va véritablement se développer au XIXe siècle avec les cités ouvrières. .

Le Voyage musicalAuguste L’Epée - 1798-1875.Rachetant en 1833 une usine à Sainte-Su-zanne, Auguste l’Epée y installe une fabrique de boîtes à musique. En 1857, il invente un type de boîte à musique avec cylindre et manivelle qui connait un grand succès.

Le Voyage vers l’autreHenri Mouhot - 1826-1861. Passionné de voyage et de daguerréotype (ancêtre de la photographie), il pratique aus-si l’ornithologie et la conchyliologie (étude des coquillages). Henri Mouhot s’inscrit ainsi dans cette tradition des humanistes du XIXe siècle qui s’intéressaient à plusieurs disci-plines sans être spécialisés dans un domaine en particulier. Embarquant de Londres sur un navire de commerce en 1858, il arrive à Ban-gkok quatre mois plus tard, fréquente les rois du Cambodge et explore le site d’Angkor, ancienne capitale du royaume Khmer, qu’il fait véritablement redécouvrir à l’Occident. Un photographe-journaliste partira sur les traces d’Henri Mouhot en Chine pour un re-portage aux différents stades du voyage re-

transmis par mail sur internet, photographies et notes de route.Exposition à la Médiathèque de Montbéliard : Grandes peintures de Carolus des temples d’Angkor et un spectacle de contes du Cambodge.

Le Voyage d’artisteJean Messagier - 1920-1999Cet artiste complet, peintre, sculpteur et gra-veur, s’est vu attribuer une salle permanente au Musée de Montbéliard en 1971. Au musée Beurnier-Rossel, l’exposition ‘‘Art Postal – Art Posté : collection exceptionnelle d’enveloppes peintes’’ (collection Michel Bohbot), donnera un aperçu de l’oeuvre de Messagier, artiste très investi dans sa commu-nauté. Il exposera notamment à la MALS de Sochaux et prendra part aux carnavals de Montbéliard.

- Paul Sobrin -

Biennale de la Métropole Rhin-Rhône, Montbéliard, Le Voyage, du 8 mai au 26 septembre 2010, Musées du château des Ducs de Wurtemberg et Musée d’Art et d’Histoire Hôtel Beurnier Rossel Les sept voyages auront lieu aux endroits suivants : Musée du château : rez de chaussée et premier étage (espace expositions temporaires), grande biblio-thèque du duc Frédéric, salle CuvierMusée d’art et d’histoire, Hôtel Beurnier-Rossel : salle André Malraux et salle des boites à musique.Esplanade du châteauLa salle des bustes : Georges Cuvier, Étienne Oehmi-chen, Frédéric Japy, Henri L’Épée, René Thom, Henri Mouhot et Jean Messagier.Chaque buste sera surmonté d’un kakémono repre-nant la biographie des personnages.Renvoi vers le Musée de l’Aventure Peugeot et le mu-sée Frédéric Japy à Beaucourtwww.montbeliard.com - www.utopinov.net

A l’occasion des manifestations Utopies et Innovations de la Métropole Rhin-Rhône, la Ville de Montbéliard nous emmène en voyage, un périple technique, mais aussi ar-tistique et social de mai à fin septembre. La Cité des Princes était le lieu tout indiqué pour évoquer le progrès et l’industrie, dans le Pays de Montbéliard où les usines Peugeot jouent un rôle si important. Inventeurs, ex-plorateurs, peintres, architectes issus pour la plupart du Pays de Montbéliard, prennent part à sept voyages se répartissant entre le musée du château de Montbéliard et le mu-sée d’art et d’histoire Hôtel Beurnier Rossel, entre passé et présent, local et global.

Le Voyage des inventeursEtienne Oehmichen - 1884-1955Des archives sur Etienne Oehmichen nous en diront plus sur le travail de l’ingénieur, pho-tographies, cours au Collège de France, do-cuments divers pour percer à jour le génial

inventeur dont certains objets ont été aussi déposés au musée de Valentigney. Oehmi-chen a effectué en 1924 le premier kilomètre en vol stationnaire en circuit fermé. ‘‘Pour parvenir à faire cela, il va étudier le vol des oiseaux. Il va mettre au point une caméra à 40 objectifs qui prend 2.000 vues à la se-conde pour voir comment se décompose le vol de l’oiseau’’, explique Bernard Goetz, conservateur du patrimoine à Montbéliard. Oehmichen mettra aussi au point une dy-namo et un char d’assaut durant la guerre 14-18. L’inventivité n’a pas de limites...

Adolphe Kégresse - 1879-1943.Responsable technique du premier garage impérial du tsar Nicolas II de 1906 à 1917, il invente pour ce dernier l’autochenille, véhi-cule hybride entre l’automobile et le char, d’un poids plus léger et à la direction plus stable, donc plus rapide. Ce type de véhi-cule fut notamment très utilisé durant la Se-conde guerre mondiale.

Machine volante inventée par Oehmichen

Cafetière confectionnée aux usines Japy

Le Voyage à montbéliard

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Musiques 8

Les Tanzmatten proposent une nouvelle fois leurs chanteurs en herbe, jeunes pousses ou artistes plus confirmés. Trois jours placés sous le signe de la découverte et des jeunes générations. Cette année Chansons en Herbe fait une place particulière à la gent féminine avec Clarika et Elodie Frégé, et se pare tou-jours d’un bel éclectisme.

Jeudi 20 mai à 20hClarika Avec un premier album produit par Francis Hadji-Lazaro en 1993, Clarika débutait la chanson sous de beaux hospices. Collabo-rant avec l’excellent Florent Marchet, elle li-vrait en 2009 un nouvel album (Moi en mieux) d’une fraîcheur réjouissante dans le monde de la pop française. Clarika nous parle de notre époque sur des textes décalés, situa-tions loufoques mais ton juste. Qu’il s’agisse d’aborder des thèmes d’une actualité brû-lante comme l’immigration, Clarika ne se départit jamais de cette distance qui lui est propre depuis ses débuts. Grande sœur de nos Anaïs et Jeanne Cherhal nationales, elle mériterait un poil plus de médiatisation et l’occasion est trop belle d’aller la rencontrer sur la scène des Tanzmatten.

Presque OuiThibaud perdait en 2006 sa moitié en la per-sonne de Marie-Hélène Picard. Presque Oui était en effet duo au départ. Le chanteur guitariste a donc repris seul la route, cette expérience dramatique nourrissant bien sûr les nouvelles chansons de Presque Oui. Ce deuxième album où la sensibilité est de mise, ne se départit cependant pas, certaines fois, d’une douce drôlerie.

Vendredi 21 mai à 20hLa CasaLa Casa propose une chanson-folk nourrie d’une trompette qui fleure bon les grands espaces. Le titre d’ouverture, 2 novembre, avec guitare acoustique, trompette mariachi et mandoline, dit les choses simplement. On pense à Mickey D, même si le chant s’ap-procherait plus de Gaëtan Roussel de Louise Attaque ou Cali (La lune). Go go go, man-doline à nouveau, guitare western, refrain ef-ficace et simple là encore, comme ce beat electro qui donne la couleur sur Les trucs abîmés. Un art de la concision qui rappelle parfois les chansons bricolées sur un quatre

pistes de Manu Chao (Qui veut nos peaux, Des anges), morceaux recherchant déses-pérément la liberté, naviguant ‘‘du terrain vague à la lune’’.

Roxanne KriefLa jeune femme le confesse elle-même. Elle n’aime pas chanter pour ne rien dire. Son premier album Sur les rails rend un bel hom-mage à une chanson française mélodique et populaire, nourrie de ses aînés tendance Souchon et Voulzy. Le timbre doucement acidulé possède un petit quelque chose de Vanessa Paradis pour nous parler de nos vies quotidiennes sur des arrangements clairs et concis. Pour faire référence à l’un de ses mor-ceaux, on traverserait bien la Manche à la rame avec elle…

Samedi 22 mai à 14h30 et 19hElodie FrégéLa jeune chanteuse viendra présenter son troisième album tout juste sorti en avril. Pour La fille de l’après-midi, Elodie Frégé est par-tie mixer ce nouvel opus aux Etats-Unis, 4 ans après Le Jeu des 7 Erreurs. Définitivement débarrassée de l’image Star Ac, collaborant notamment avec Benjamin Biolay, Elodie Frégé s’installe encore un peu plus conforta-blement dans un pop classieuse nourrie d’in-fluences anglo-saxonnes, tout en soignant les textes.

Manu GalureGalure, c’est pour galurin, terme familier pour désigner un chapeau. L’artiste porte sur scène le chapeau de son arrière grand-père et remet également au goût du jour toute une tradition de chanson française aux textes lumineux, des Frères Jacques à Bras-

sens, entre autres grands aînés. L’éclectisme de ses chansons, il faut en chercher l’origine dans les premiers groupes qu’il fonde, forma-tions où il explorait pêle-mêle le rock, le jazz et la musique latino-américaine. Un sacré mélange qui convient finalement bien à la filiation du cabaret dont se réclame l’artiste, consistant à ne voir dans la musique aucune frontière. Expressionniste, peintre réaliste de personnages évoluant dans des ambiances en clair-obscur comme dans les cabarets en-fumés, d’aucuns n’hésitent pas à comparer Manu Galure à Higelin pour le grain de folie qu’il apporte lors de ses prestations.

- Manu Gilles -

Chansons en Herbe, Les Tanzmatten, Sélestat, du 20 au 22 mai - www.tanzmatten. fr

Chansons en Herbe aux Tanzmatten

Un nouveau festival nait ce mois de mai en Alsace. Organisées par la fédération régio-nale Découverte des Orgues d’Alsace (DOA), les Journées de l’Orgue fêteront l’orgue sous toutes ses formes en mettant en lumière le riche patrimoine qu’il constitue. L’événement souhaite se tourner aussi bien vers les ama-teurs et les spécialistes de l’orgue que vers les néophytes, envisageant l’instrument sous dif-férents angles.

Œuvres du patrimoine, les orgues ont une longue histoire. Celle de la facture d’orgue alsacienne est particulièrement fournie, et l’attachement des collectivités à préserver ce patrimoine dénote son importance. Ces premières Journées de l’Orgue seront notam-ment l’occasion d’en savoir plus sur cette his-toire riche. Les journées mettront également en lu-mière ceux qui font vivre l’orgue en Alsace, qu’ils soient amateurs ou professionnels. Des concerts variés seront donc proposés : concert orgue et orchestre, ciné-concert, concert associant l’orgue à des instruments originaux.Les jeunes artistes ne seront pas oubliés puisqu’une Académie Internationale d’or-gue, organisée en partenariat avec l’Ecole d’Orgue Protestante d’Alsace et de Lorraine, mettra en valeur les jeunes pousses de la dis-cipline. La construction du futur Centre Euro-péen de l’Orgue à Marmoutier sera égale-ment abordée. Un grand concert par jour sera proposé en ‘‘point d’orgue’’ des journées. Ces concerts se dérouleront dans plusieurs lieux, et parallè-lement à d’autres temps de rencontre,

comme des manifestations culturelles et gas-tronomiques. Des visites commentées d’or-gues avec mini-concerts pour découvrir le patrimoine d’Alsace (musées, vignobles, sites classés), des apéritifs et des repas conviviaux seront aussi mis en place.

Les 5 grands concertsMercrediLe concert d’ouverture à Thann propose un ciné-concert qui verra l’organiste Thierry Es-caich improviser la bande sonore du film de 1927, L’Aurore de Murnau.Jeudi Olivier Vernet à l’orgue jouera en compa-gnie de Romain Leleu, jeune trompettiste ta-lentueux, à Ingersheim.

VendrediLe Parlement de Musique se produira à l’ab-batiale d’Ebersmunster.Samedi Les ‘‘Barbaroques’’ et le violoncelliste Henri Demarquette se produiront au Temple Neuf de Strasbourg.Dimanche Des percussions clôtureront le festival avec trois organistes à Saessolsheim.

Un esprit de découverteLes Journées de l’Orgue s’adressent aussi aux néophytes. La découverte est un maître mot de cette première édition avec des proposi-tions variées en entrée libre la journée (à l’ex-ception des repas).

Le public pourra également découvrir dif-férents types de factures d’orgue : l’orgue Rinckenbach à la collégiale de Thann, l’or-gue Roethinger-Aubertin de Zillisheim, etc. Les concerts du jour et du soir permettront de se rendre compte de la palette large des so-norités de l’instrument. En mai, l’orgue est en fête en Alsace.

- Bertrand Demornieux -

Les Journées de l’Orgue en Alsace, Festival musical et touristique, du 12 au 16 maiPour tous renseignements : Centre Européen de l’Orgue - 50 rue du Couvent - 67440 Marmoutier - 03 88 03 21 34www.doa-alsace.org

Les Journées de l’Orgue en Alsace

La découverte est un maître mot de cette première édition avec des propositions variées en entrée libre la journée .

Le Parlement de Musique

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Musiques 9

Le mois de mai au Noumatrouff s’annonce chargé. Que ce soit en matière de rock sixties, folk, pop baroque ou soul funk roots, la salle de Mulhouse a convié quelques pointures et des jeunes pousses qui devraient faire parler d’elles dans les années à venir. Tour d’horizon de ce dernier mois du trimestre au Nouma, avant les traditionnelles Bêtes de Scène début juillet. Mais ça, on vous en reparlera…

The Dodoz (6 mai)Trois garçons et une voix féminine pour un parti résolument rock. A l’image du titre d’ou-verture de l’album éponyme sorti en 2009, la musique des toulousains est survoltée, prise d’accès de pop jouissifs et d’éléments plus volatiles, son à la fois musclé et parfaitement rendu par Clive Martin (Les Wampas, Silma-rils). Les petits jeunes qui ont même fait parler d’eux dans la presse britannique seront les (jeunes) chaperons du tremplin ZIC organisé par le service culturel de l’UHA et Hiero.

Mayer Hawthorne (7 mai)Le cinquième soirée That’s All Funk ! fera une voie royale à Mayer Hawthorne. Ce jeune ar-tiste de Detroit est tombé dans un chaudron de soul quand il était petit. Résultat : un pre-mier album pétri de groove et hanté par les grands noms du rythm’n’blues et de l’écurie Motown. Curtis Mayfield, Isaac Hayes, Barry White, Smokey Robinson et autres papes de cette musique tout à la fois spirituelle et sen-suelle. A Strange Arrangement sorti en 2009 ne dit pas autre chose : sens aigü de la mé-lodie et des arrangements (les beaux cuivres anachroniques de Maybe So, Maybe No, et les chœurs en or), guitares claires et réson-nantes, voix flirtant avec les aigüs de belle manière, le tout mis en valeur par une prod

très ‘’d’époque’’. Des influences clairement identifiées donc mais rendues avec un talent certain.

Hawksley Workman (11 mai)Le nouvel album du baroque Hawksley Workman débarquait en avril dans les bacs. Meat/Milk, double album, ne déroge aux règles édictées par le baroque chanteur. Meat est un disque de rupture. Milk se veut plus enjoué. L’artiste navigue donc entre ces deux extrêmes, et il n’est pas exagéré de parler d’extrêmes à l’égard du canadien qui navigue dans un joyeux et surchargé foutoir pop, hip hop, country, hip-hop, rock. Une musique lunatique et bipolaire à l’image du bonhomme, passant par tous les spectres de l’émotion.

Melissa Laveaux (12 mai)Mélissa Laveaux nous offrait l’année dernière un premier album, onze titres très person-nels susurrés ou criés d’une voix tantôt ca-ressante, tantôt abrasive sur des paysages acoustiques. Mêlant ses origines haïtiennes, anglophones et francophones, Mélissa pos-sède déjà une couleur musicale très per-sonnelle. Son jeu de guitare, percussif, lui est propre, s’entrelaçant à une voix qui navigue entre soul, blues et folk. Une synthèse fidèle à l’esprit créole où s’incarnent dans une même personne Joni Mitchell, Lauryn Hill et Rokia Traoré.

- Sébastien Marais, Manu Gilles, Dominique De-mangeot -

Le Noumatrouff, Mulhouse - Programmation complète : www.noumatrouff.com

MacbethAprès le sanglant Richard III en septembre dernier, place aux tyrans sanguinaires Mac-beth et son épouse. La nouvelle production de l’Opéra national du Rhin propose en cette fin de saison l’oeuvre en quatre actes de Giu-seppe Verdi, sur un livret de Francesco Ma-ria Piave, d’après William Shakespeare. Avec Macbeth, Verdi trouvait l’occasion de renou-veler en profondeur sa composition.

Le compositeur italien adaptait pour la pre-mière fois le dramaturge anglais, s’attachant à transcrire en musique les personnages sombres et contaminés par le virus du pou-voir que sont Lady Macbeth et son époux. Le remord rattrape pourtant vite ces derniers. Verdi recentre l’action sur le couple maudit, réduisant le nombre de personnages.

Rupture esthétiqueVerdi a conçu deux versions de l’œuvre, dont la seconde, datant de 1865 et composée à Paris, est la plus jouée aujourd’hui. Revue sur le plan harmonique, l’œuvre est ainsi plus expressive selon les souhaits du compositeur. Verdi abandonne ici le bal canto qui a fait sa gloire, s’inscrivant à contre courant des us et coutumes musicales de l’époque. En cela, l’œuvre est fondatrice d’une nouvelle esthé-tique. Le romantique qu’est Verdi voit certes son imagination stimulée par Shakespeare le baroque, illusions, sorcières, grandeur et décadence, pleins et déliés… Mais pour une fois, l’opéra romantique ne nous parle pas d’une grande histoire d’amour. Macbeth bruit, fait jaillir le tonnerre et nous entretient d’abord de haine et de jalousie.

Drame psychologiqueSi ce n’est l’Aria du premier acte et la chan-son de Lady Macbeth à l’acte 2, Verdi met en musique une œuvre d’une noirceur d’encre. Dans ce monde d’amoralité et d’appa-rences, il nous dépeint un univers fantastique, où le surnaturel se mêle à la psychologie. Car l’œuvre nous fait aussi plonger dans les recoins les plus sombres de l’esprit humain, notre côté primitif et brutal, à l’image du dé-cor prenant l’aspect d’une mine où viennent se déverser les immondices. Shakespeare donnait à voir deux meurtriers qui n’hésitent pas à massacrer leurs rivaux pour gagner le trône d'Ecosse. Lady Macbeth, l’un des rôles les plus difficiles pour une soprano et qui ac-quiert dans la version opératique une impor-tance qu’elle n’avait pas dans la pièce d’ori-gine, intervenant aux moments clés, en vient

même à faire brûler le château d’un rival de son époux - et l’épouse et les enfants par la même occasion -. On comprend alors que la culpabilité (thème ô combien anglo-saxon) ronge l’esprit de Macbeth. Verdi appuie les chœurs et livre un opéra riche en tableaux. Macbeth symbolise une période féconde en inspiration pour Ver-di, avant ses chefs d’œuvres Rigoletto (1851) et La Traviata (1853).

Nouvel éclairage sur les personnagesLe metteur en scène Francisco Negrin a sou-haité retrouver la tonalité de la pièce de Shakespeare, retourner à la dimension méta-physique de l’oeuvre, pour mettre en lumière la noirceur psychologique des personnages. Pour Lady Macbeth, Verdi souhaitait rien

moins qu’une interprète ‘’laide et mons-trueuse’’, à la voix ‘’âpre, étouffée, sombre’’. La mise en scène doit confronter le spec-tateur avec le réel, trop réel de la situation, et propose un éclairage particulier de Lady Macbeth en essayant de comprendre les rai-sons profondes qui la motivent. Francisco Ne-grin tente de lui redonner la dimension d’une mère nourrissant les plus hautes aspirations pour sa descendance, quitte à en perdre son âme. Dès lors il y a lieu de redéfinir l’at-titude de Macbeth lui-même. Est-il le tyran que l’on décrit habituellement, ou simple jouet de sa femme et du destin ? Francisco Negrin a également souhaité donner plus d’importance à Fléance, d’ordinaire person-nage secondaire qui devient ici le regard ex-térieur de ce drame entrain de se jouer.

- Marc Vincent -

Macbeth, Opéra national du RhinStrasbourg – Opéra : dim 25 avril 15h, mar 27 avril 20h, jeu 29 avril 20h, dim 2 mai 15h, mar 4 mai 20h, jeu 6 mai 20hMulhouse - La Filature : dim 16 mai 15h, mar 18 mai 20h - www.operanationaldurhin.com

Mai au Noumatrouff

Le metteur en scène Francisco Negrin a souhaité retrouver la tonalité de la pièce de Shake-speare, retourner à la dimension métaphysique de l’oeuvre, pour mettre en lumière la noirceur psychologique des personnages.

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Théâtres 10

La dernière création de la saison à la Comé-die de l’Est est une adaptation d’une pièce d’ Hanokh Levin : Une laborieuse entreprise. Carolina Pecheny, comédienne au sein de la troupe mise en place à Colmar par Guy-Pierre Couleau cette saison, met en scène cette comédie satirique écrite en 1990.

L’action se déroule dans le lit conjugal. Après trente années de vie commune, Yona avoue à sa femme Leviva qu’il rêve d’une autre vie. Une scène de ménage s’en suit où chacun déverse ses peines et ses frustrations à l’autre. Un combat verbal qui se termine par la mort de l’un des adversaires… Combat verbal car la langue demeure l’unique moyen de s’en-fuir. Les mots de Yona envers sa femme sont forts, parfois même orduriers. Le couple a be-soin de parler, tirer un bilan de sa vie com-mune : ‘‘Il y a tellement de charognes entas-sées sur ce matelas, trente ans de merde’’, se plaint Yona. Le langage est en cela un exutoire.

Critique du coupleUne laborieuse entreprise est l’occasion de découvrir l’auteur israélien, disparu prématu-rément en 1999 et de plus en plus joué sur les planches. A la manière de Woody Allen, Le-vin propose une vision ironique du monde, où l’humour fin le dispute constamment à la dé-sespérance. Une vision aiguisée qui est por-tée par une écriture tout aussi acérée. Levin avait l’habitude d’analyser dans ses pièces la société et ses microcosmes, parallèlement à ses oeuvres politico-satiriques. Ici c’est le couple étriqué, le couple-prison qui est abor-dé. La survenue d’une tierce personne avec Gounkel en pleine nuit (élément comique majeur) ne change rien à l’affaire. Levin

n’assimile son couple à rien d’autre qu’une laborieuse entreprise en effet, dont la raison d’être s’avère peu glorieuse. ‘‘Ce n’est pas de l’amour, rien que la peur d’être seul dans la nuit’’, lance Yona à sa femme, de dépit.

La prison du quotidienLors de la présentation de saison de la Comé-die de l’Est en juin dernier, Carolina Pecheny qualifiait cette pièce de ‘‘barbare’’, un

terme qui n’est pas usurpé lorsque l’on consi-dère la violence avec laquelle ce couple s’affronte. ‘‘C’est une tragédie comique ou une comédie tragique’’ ajoute la metteure en scène qui met ici en lumière les allers-re-tours constants entre l’ironie et la noirceur. Une noirceur qui réside d’abord dans cette impossibilité des personnages à accomplir leurs rêves. Dans Une laborieuse entreprise, c’est le lit conjugal, métaphore du quotidien,

qui symbolise l’insatisfaction, et pousse Yona le mari à vouloir s’enfuir de ce lit cercueil.

- Paul Sobrin -

Une laborieuse entreprise, d’après Hanokh Levin, mise en scène : Carolina Pecheny - Comédie de l’Est, Colmar, du 18 au 29 mai - www.comedie-est.com

Une laborieuse entreprise

La création 2009-2010 de la compagnie Pan-dora basée à Colmar sera proposée fin mai aux Taps à Strasbourg. En coproduction avec la Communauté de Communes de la Vallée de Munster, la compagnie a monté cette pièce à partir d’un fonds documentaire basé sur des entretiens. Quand l’art dramatique et le so-cial se rencontrent…

Des vies sur le fil nous parle des travailleurs des usines textiles de la vallée de Munster. ‘‘Il était important d’aller recueillir les récits, les états d’âme de ces personnes qui pour certaines, de père en fils ou de mère en fille ont passé leur vie dans ces usines’’, explique Dominique Guibbert, comédienne, metteur en scène et fondatrice de la compagnie Pandora. C’est donc un travail de mémoire que la compagnie accomplit également. Cette dernière nous parle de la façon dont ont vécu les employés des usines textiles, fai-sant ressortir la dimension intime qui lie l’outil de production à ceux qui le font fonctionner.

Replacer l’individu au coeur du proposL’occasion de mieux mesurer pourquoi les délocalisations et les fermetures d’usines sont mal vécus par les employés qui, au-delà de la perte d’emploi, se voient aussi dépossédés d’un lieu de vie, d’un endroit où ils se sont fait des amis et des habitudes de vie. La compagnie Pandora, qui milite pour un théâtre citoyen en prise avec la cité, a no-tamment travaillé par le passé sur l’immigra-tion et le cancer. Ici elle aborde un autre douloureux problème : celui de la fermeture d’usines face à la concurrence des pays à bas coût de main d’œuvre. Une démarche

qui va de pair avec la mise en place d’ac-tions culturelles diverses.

L’occasion également de donner chair à ces récits d’usine qui font certes souvent les une des journaux ces derniers temps, sans prendre nécessairement en compte la di-mension personnelle de ces histoires. ‘’De fait, nous connaissons souvent les données conjoncturelles, matérielles de ce phéno-mène, l’histoire et le patrimoine, mais très peu l’histoire humaine qui s’est jouée au fil du temps dans les usines’’, ajoute Dominique Guibbert. Cette dernière a donc souhaité re-cueillir les témoignages des ouvriers, jeunes et anciens, matériau mis ensuite en scène pour décrire ces vies sur le fil.

- Bertrand Demornieux -

Des vies sur le fil, par la compagnie Pandora, Taps Gare à Strasbourg: mardi 25, mercredi 26, jeudi 27, vendredi 28 et samedi 29 mai à 20h30 , dimanche 30 mai à 17hSpectacle créé grâce au soutien de la Communauté de Communes de la vallée de Munster, du Département du Haut-Rhin, de la Région Alsace, de la Ville de Col-mar.

Sur le fil

‘‘Ne reste pas couché là comme dans ta tombe’’Leviva à son époux Yona, Acte I, scène I

La compagnie Pandora nous parle de la façon dont ont vécu les em-ployés des usines textiles, faisant ressortir la dimension intime qui lie l’outil de production à ceux qui le font fonctionner.

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Théâtres 11

Quelque part, on abat des arbres à la hache, bruit lointain, tout juste perceptible et pour-tant lourd de sens. Dans son ultime pièce, Tchekhov annonce la disparition d’un monde et l’avènement d’un nouveau. La directrice du TNS, Julie Brochen, a choisi pour sa pre-mière mise en scène cette pièce ambivalente. Tchekhov y tisse un fin canevas de détails, mettant aux prises une lignée d’aristocrates à la dérive face à des bolcheviks avides de pou-voir et de reconnaissance.

Quelques mois avant de mourir, Tchekhov nous dépeint les derniers instants de l’aristo-cratie russe. D’un côté le clan de Lioubov, enchaîné aux fantômes de son passé, de l’autre Lopakhine convoitant la Cerisaie. Si Lioubov diffère constamment l’action, inca-pable de prendre une décision, Lopakhine, lui, entreprend, construit. L’action se pré-sente à nous nimbée d’une douce torpeur, tenant beaucoup à l’attitude nonchalante de ces aristocrates comme abasourdis par le bouleversement social en train de survenir. La Cerisaie est comme un cocon à l’abri d’un chaos extérieur que plusieurs signes annon-cent pourtant : ‘’Quelque part loin d’ici, dans la mire une benne s’est détachée, quelque part très loin’’, fait remarquer Lopakhine, faisant référence aux travaux que l’on en-tend dans le lointain. Annonce de temps nouveaux. ‘‘Venez tous regarder comment Ermolaï Lopakhine attaque La Cerisaie avec la hache, comment les arbres tombent à terre ! Nous construirons les résidences d’été et nos petits enfants et arrières-petits-enfants connaîtront une vie nouvelle, ici’’ dit encore l’homme d’affaires. La Cerisaie doit mourir pour que naisse la nouvelle société promise par la révolution prolétarienne.Dans une pièce où ‘’tout est extrêmement écrit, même les silences’’, rappelle Julie Bro-chen, la mise en scène devrait donc exploiter

tout l’aspect symbolique de l’œuvre, les non-dits et l’implicite très importants dans l’intri-gue, tout comme les ruptures.

L’espace de la mémoireDans le troisième acte, un orchestre de mu-sique juive est constitué pour une dernière danse avant le départ définitif de la famille de Lioubov. Dernière danse avant le nau-frage. Pour la directrice du TNS, ce n’est pas un hasard : ‘’il y a quelque chose de tragique et de vivant’’. En effet, la pièce nous parle également d’un fort sentiment de dépossession, de la part de ces aristocrates prêts à embarquer pour une autre existence. Un sentiment d’exil qui résonne particulièrement dans l’histoire juive. La Cerisaie de Julie Brochen s’inspire égale-ment des gouaches de Charlotte Salomon que l’on peut contempler au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris. ‘’Le choc de

ces gouaches et le récit de la vie et de la déportation de cette jeune juive polonaise vivant en Allemagne a occasionné une ré-flexion qui nourrit La Cerisaie’’, explique Julie Brochen. Ou la mémoire comme un maté-riau clé dans cette adaptation de Tchekhov. ‘’Que fait-on de cette mémoire vivante : les maisons, les affaires des familles de dépor-tés’’, s’interroge Julie Brochen. ‘’Comment hériter et vendre un cimetière ? Pour vivre le présent, peut-on oublier ?’’.Tenter de s’affranchir du passé peut-être, comme Lioubov et les siens devant renon-cer à leurs privilèges, comme Lopakhine s’émancipant de sa condition de moujik. ‘‘J’ai acheté la propriété où mon père et mon grand-père étaient esclaves’’, dit-il. N’oublions pas qu’en russe, moujik signifie petit garçon. Lopakhine mais aussi Trofimov doivent briser la relation infantilisante qui les attachait à la famille de Lioubov.

L’espace du tragi-comiqueJulie Brochen a également souhaité rappro-cher la Cerisaie immaculée de la grandi-loquente Périchole d’Offenbach, œuvre a priori éloignée, que la directrice du TNS avait montée pour le festival d’Aix-en-Provence. ‘’Il s’agissait d’assombrir La Périchole de La Cerisaie déjà au travail en moi et aujourd’hui de retrouver ce que Tchekhov appelle « co-médie », l’humour et la lumière de La Ceri-saie dans le souvenir commun de notre Pé-richole’’. La Périchole agirait en quelque sorte comme un révélateur faisant ressortir la dimension presque comique du théâtre de Tchekhov. Lui-même refusait que ses pièces soient qualifiées de drame, préférant le terme de comédie (au sens de jeu théâ-tral). Bel hommage au dramaturge russe, en somme.

- Dominique Demangeot -

La Cerisaie, d’après Anton Tchekhov, Théâtre Na-tional de Strasbourg, du 27 avril au 30 mai, mise en scène : Julie Brochen - www.tns.fr

La Cerisaie

Voisins du Zéro Créée au Taps Scala à Strasbourg en 2007, la pièce écrite par Pierre-Etienne Vilbert est re-prise au PréO d’Oberhausbergen ce mois de mai. Les Compagnons de Daoloth y mettent en scène nos obsessions contemporaines et cette pression de la société qui s’exerce chaque jour. Etre riche. Etre beau. Plaire. Avec son titre tiré d’une expression employée dans le jeu de la roulette de casino, Voisins du Zéro nous parle de ces paris que nous faisons avec l’existence, quel qu’en soit le prix à payer.

Dans ce huis-clos, l’homme a perdu son emploi et revient sur sa vie, notamment son amour du jeu, l’attrait du gain et la mise en danger (économique et sociale) qui en ré-sulte. Voisins du Zéro traitera donc de nos obsessions, dans cette ‘’tragédie contempo-raine’’ qu’a souhaité monter Pierre-Etienne Vilbert. Des obsessions qui sont aussi des illusions et des faux semblants que l’on se construit soi-même ou que notre environne-ment nous impose sans que nous en ayons toujours conscience, à travers les médias no-tamment. Il faut dire que les conditions sont réunies pour composer un terreau fécond à ces ob-sessions : crise financière et sociale, crise de l’emploi et perte des repères... Femme vé-nale et fille cèdant aux diktats de la beauté, persuadée que cela constituera sa planche de salut. Le tableau n’est pas réjouissant. Sur un écran sont projetées des images de personnes qui ont réussi, du moins en appa-rence, affichant ces signes extérieurs de suc-cès, car la réussite est aujourd’hui ce qui

sanctionne l’image que nous donnons aux autres. Un langage à la fois proche de nous et poé-tique porte la pièce, disant toute la violence des situations aujourd’hui. Une pièce que le metteur en scène promet proche du public.

Responsabilité de la sociétéMême s’il dépeint des êtres emplis de noir-ceur, Pierre-Etienne Vilbert prend soin de mettre en lumière leur part d’humanité, car tout être humain porte en lui une dualité, le bon ange et le méchant démon. ‘’Je veille-rai à conserver la densité propre aux authen-tiques tragédies’’, fait remarquer Pierre-

Etienne Vilbert. ‘‘Les protagonistes ne sont pas les simples pantins d'un fait divers mais les héros d'une époque qui ne veut pas d'eux. Ils sont les monstres qui dépassent les limites d'une société dans laquelle ils ne se recon-naissent pas’’. Les Compagnons de Daoloth nous invitent donc à méditer sur notre prochain qui n’est que le produit de la communauté dans la-quelle il vit. ‘’La responsabilité de notre socié-té moderne apparaît clairement tout au long de cette histoire’’ ajoute d’ailleurs le metteur en scène. Dans notre monde marchand pro-grammé pour créer des dépendances, la so-ciété a donc plus que jamais son rôle à jouer dans le malheur ou le bonheur de ses

membres. Consommation, fascination pour les icônes et les apparences.

Les ateliers de DaolothLes Compagnons de Daoloth se veulent un lieu d’expérimentation et cette recherche passe notamment par leur Atelier Théâtral qui accueille amateurs et comédiens expé-rimentés. Dirigé par Pierre-Etienne Vilbert, au-teur, comédien et metteur en scène, cet ate-lier traite chaque année d’un thème défini pour explorer différentes facettes du théâtre. Différentes facettes de nous-mêmes.

- Bertrand Demornieux -

Voisins du zéro, par Les Compagnons du Daoloth, texte et mise en scène : Pierre-Etienne Vilbert - Le PréO, Oberhausbergen, 14 et 15 mai à 20h30, 16 mai à 17h - www.le-preo.frhttp://www.compagnons-daoloth.com

‘‘Quelque part loin d’ici, dans la mire une benne s’est détachée, quelque part très loin’’ Lopakhine, La Cerisaie

‘‘Les protagonistes ne sont pas les simples pantins d'un fait divers mais les héros d'une époque qui ne veut pas d'eux’’ Pierre-Etienne Vilbert

Gildas Milin et Jeanne Balibar, photo de répétition

© Franck Beloncle

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Théâtres 12

Festival Premières à StrasbourgFestival portant sur le devant de la scène de jeunes metteurs en scène, Premières inau-gurera le 2 juin prochain la sixième édition d’un événement avant tout axé sur la décou-verte et la confrontation de jeunes artistes au regard du public. Plus que jamais européen, Premières réunit cette année des propositions artistiques venues de huit pays.

Premiers regardsLa jeune création théâtrale européenne est donc une nouvelle fois à l’honneur, dans ce festival porté par Le Maillon et le Théâtre Na-tional de Strasbourg. Tout juste sortis d’écoles ou dans leurs premières années de pra-tique professionnelle, les metteurs en scène conviés au festival dessinent ce que l’équipe de Premières aime à appeler ‘’un éclat, un instant présent où […] dix spectacles venus des quatre coins d’Europe fabriquent de-vant nos yeux une nouvelle perception du monde actuel, dans la diversité de chaque tradition’’.Perception. Terme clé puisque c’est bien le regard que ces jeunes metteurs en scène portent sur notre monde qui a valeur ici. Si les moyens de rendre ce regard dans un contexte scénique sont divers (scénogra-phies épurées ou installations vidéo), cette palette de choix esthétiques, d’angles de jeu et de mise en scène ne doit pas occulter l’apport majeur du regard d’un metteur en scène sur un sujet, quel qu’il soit. Et les thé-matiques traitées seront cette année encore particulièrement variées. Des concerts et DJs seront également convo-qués au festival Premières, histoire d’ouvrir bien grandes les portes des divers lieux stras-bourgeois qui accueilleront ces spectacles venus de toute l’Europe.

De l’intime à l’universelCertains metteurs en scène s’emparent de textes du répertoire pour le revisiter et chan-ger sa forme traditionnelle. De la pièce de boulevard de Labiche transposée dans un espace vide, au texte d’un poète flamand

des années 20 recadré à la sauce hip hop, certains n’hésitent pas à prendre des libertés et de la distance avec les textes, pour mieux en exprimer le fond. D’autres se sont lancés sur le chemin de l’écriture. C’est le cas de Fabrice Murgia qui nous parle de son monde d’images virtuels et de réseaux sociaux dans Le chagrin des ogres, ou encore de Jacques Albert dépeignant un monde moderne cha-peauté par les médias avec Sig Sauer Pro. Une écriture qui reflète souvent une expé-rience intime, voire même jusqu’à l’autobio-graphie à l’image de Dit is mijn vader (Voici mon père), relations père-fils sur fond de bouleversements historiques. Ilay Den Boer s’interroge sur l’identité juive dont les dimen-sions politiques et religieuses se sont souvent croisées au cours de l’histoire. Un théâtre per-sonnel donc, nourri de l’expérience intime du metteur en scène. Se dévoiler pour cepen-dant toucher à des questions plus univer-selles. A travers le monologue de Dea Loher, Lydia Ziemke nous parle de l’impuissance

qu’éprouve parfois l’artiste à dépeindre la pauvreté et la violence. A travers le jeu de Lucy Ellinson, performance très physique, la pièce interroge la nature de l’art, et cette position ambivalente de l’artiste, entre soli-tude et universalité.

Matthieu Cruciani se penche quant à lui sur le rapport amoureux en adaptant Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (1965-66), œuvre de jeunesse de Fassbinder traitant de l’ho-mosexualité. Franz, amateur de littérature et d’art en général, rencontre Léopold de 15 ans son aîné, plus versé dans la réalité et le monde des affaires. L’amour les rassemble même s’il est difficile de vivre ensemble. Mathieu Cruciani nous donne à voir l’amour sous les tourments de la société de consom-mation des années 70. Seul le conflit semble animer ce couple qui part à la dérive.

Le chagrin des ogres, texte de Fabrice MurgiaLe chagrin des ogres se base sur des faits réels. Un adolescent de 17 ans, Bastian Bosse, se suicide après avoir tiré sur plusieurs de ses camarades dans son lycée. Chronique de la violence ordinaire. Fabrice Murgia a travaillé à partir du blog de Bastian Bosse pour ten-ter de savoir pourquoi, à un moment donné, l’adolescent a commis l’acte irréparable. Il s’est également inspiré d’un autre fait divers, celui de Natascha Kampusch, kidnappée et séquestrée durant huit ans pendant son adolescence, et qui anime à présent des talk shows à la télévision autrichienne. Deux personnes ayant perdu un jour, de manière violente, leur innocence. Fabrice Murgia a souhaité fabriquer un théâtre des sens. Ce sont les images et les sons qui guident la pièce. Travaillant à partir du vécu, l’auteur metteur en scène nous fait retourner à cette part d’enfance qui est la nôtre, mais aussi à ce moment crucial où l’on abandonne ses idéaux d’enfant.

- Marc Vincent -

Festival Premières, du 2 au 6 juin 2010, au Théâtre National de Strasbourg et au Maillonwww.tns.fr - www.le-maillon.com

Théâtre et hip hopA Premières, une adaptation radicale du poète flamand Paul Van Ostaijen sera également proposée. Ce dernier nous parle de l’occupation d’Anvers durant la guerre. Ou comment faire résonner, à un siècle de distance, deux sentiments de révolte qui, s’ils traitent de deux histoires différentes, se nourrissent finalement de la même rage.

Paul van Ostaijen (1896-1928), fervent mi-litant du Mouvement Flamand jusqu’en 1918, quitte la Belgique après avoir in-sulté publiquement un cardinal. Installé à Berlin, le poète va développer un style très particulier, influencé par Apollinaire, nourri d’une forme résolument moder-niste, rompant avec la syntaxe et tra-vaillant autour de la typographie. On voit ici le lien évident avec le hip hop qui a lui aussi imposé une relecture profonde de la langue, portée en outre par le même élan revendicatif.

Poète de l’avant-garde européenne dans les années 20, Paul Van Ostaijen a mis au point un jeu visuel en manipulant la typographie. A Berlin l’artiste fréquente les groupes de gauche, Der Sturm et le Dada-club. Ville occupée convoque le cubisme, le dadaïsme et le futurisme, œuvre anticonformiste par excellence

qui mêle le fond et la forme.Conviant acteurs, chanteurs et rappeurs, Bezette Stad permettra de découvrir Paul Van Ostaijen. Si ce dernier est peu connu de par chez nous, en Belgique le poète est un classique que tout élève doit lire. Les sonorités rappellent ceux des rappeurs d’aujourd’hui, note le metteur en scène Ruud Gielens. Ce dernier aime d’ailleurs à dire que si Van Ostaijen vivait au-jourd’hui, il serait rappeur... Ruud Gielens nous donne à voir une version moderne de la ‘‘ville occupée’’. Aujourd’hui la ville occupée, c’est celle du système ca-pitaliste avec ses slogans publicitaires, ses images comme des déferlantes qui nous assaillent et cette obsession de la réus-site. Le rap lui-même, depuis longtemps récupéré par les maisons de disque, doit se refaire une crédibilité, pour asséner son message de revendication loin des clichés du rap US. Un spectacle comme celui de Ruud Gielens peut l’aider à se réapproprier sa crédibilité (et sa ville par la même occasion).

- Manu Gilles -

Die Affäre rue de Lourcine (L’Affaire de la rue de Lourcine)

On voit ici le lien évident avec le hip hop qui a lui aussi imposé une relecture profonde de la langue, portée en outre par le même élan revendicatif

Le chagrin des ogres

Bezette Stad (Ville occupée)

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Danses 13

Danse/Performance - Festival NouvellesDéjà la 20ème édition du festival Nouvelles qui proposera une fois encore d’aller à la rencontre d’artistes émergents de la scène chorégraphique contemporaine. Pôle Sud a souhaité également convier quelques grands noms de la chorégraphie, locomotives du fes-tival. Cette année la collaboration avec le Frac Alsace débutée en 2009 se renforce. C’est la raison pour laquelle la programmation laisse-ra une place non négligeable aux arts visuels et à la performance. Une nouvelle appellation apparait donc cette saison : Danse/perfor-mance – Festival Nouvelles.

Les têtes d’afficheComme dans toute discipline artistique, la danse contemporaine a ses figures de proue, ses précurseurs. Cette année, trois grands noms de la danse sont conviés. Maria Ribot tout d’abord, qui après des études de danse classique, devient danseuse/performeuse solo dans les années 80, proposant de courtes pièces vendues à des personnes devenant alors propriétaires de gestes. La notion d’ins-tant de la danse est centrale ici, réinstaurant le geste, l’action entrain de se faire, au cœur des préoccupations. Llámame mariachi réin-vente le mouvement à travers la vidéo qui nous donne une autre vision de l’acte de danser. Russel Maliphant sera aussi convié, le chorégraphe apportant un soin particulier à l’étude des relations entre lumière et mou-vement, la première influant sur la percep-tion du second, comme deux langages qui coexistent. Quant à Joanne Leighton, nou-velle directrice du Centre Chorégraphique National de Franche-Comté à Belfort, en rési-dence à Pôle Sud depuis janvier, elle propo-sera sa dernière création The End qui s’inspire de la fameuse lecture performance de John Cage à New York : Lecture on Nothing. Ce texte qui nous parle de création sera lu en di-rect sur la scène par Odile Duboc, ancienne directrice du CCN, comme un passage de témoin entre les deux artistes…

Artistes émergentsMais le festival Nouvelles s’attache d’abord à mettre en lumière les valeurs montantes de la danse contemporaine. Des chorégraphes qui n’hésitent pas à bousculer les cadres à l’image de Thomas Lebrun ouvrant le festi-val cette année, proposant un programme, Allone#4, spécialement conçu pour Nou-velles. Qu’il s’agisse de parler des sirènes du vedettariat, rendre hommage à Pina Bauch ou aborder la perte de l’être aimé, la danse de Thomas Lebrun donne en quelque sorte le ton d’une manifestation fleurtant avec les marges de la danse pour mieux la renouve-ler. Cette danse sera tour à tour sophistiquée, androgyne et décalée avec le collectif Del-gado Fuchs, à la croisée des arts, où la parti-cipation du public est requise parfois comme

avec Paloma Calle incitant les spectateurs à la suivre. Son spectacle quitte en effet à un moment donné le cadre – rassurant ? – de la salle pour aller se poursuivre en plein air dans la rue. Dans le même ordre d’idées, Gwendoline Robin, par ailleurs diplômée en arts plastiques, conçoit ses performances dansées comme des installations éphémères qui côtoient le feu et les explosions.

L’identitéLa danse parle aussi de nous-mêmes. L’iden-tité sera une notion forte de cette nouvelle édition, à en juger par la présence de spec-tacles tels que Call it… kissed by the sun… better still the revenge of geography, porté par la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin côtoyant ici la culture hip hop pour aborder le thème des banlieues. Les artistes abordent la mémoire, les relations entre petite et grande histoire, l’intime avec le new-yorkais Michel Gutierrez dessinant une carte de sa propre vie à travers la danse et le chant, l’identité féminine avec Aude Lachaise ou Bouchra Ouizguen qui fait revivre la tradition des Aïtas, chanteuses de cabaret marocaines.

Danse/PerformanceLe festival Nouvelles s’attache à inscrire la danse contemporaine dans son temps, en proposant un panorama de nouvelles formes – ou plutôt des hybridations entre plu-sieurs arts – qui enrichissent la discipline. Qu’il s’agisse de danser dans une médiathèque, pour tracer un lien étroit entre les gestes et les mots (Georges Appaix), ou de partir pour un parcours artistique dans différents lieux à Sélestat (performance présentée par Pôle Sud et le Franc Alsace), le festival Nouvelles investira plusieurs lieux dans la ville, publics ou privés, en intérieur ou en plein air, favorisant l’accès d’un public large à l’art chorégra-phique. C’est en ce sens qu’un nouveau ren-dez-vous est créé cette année : Les Avant-Propos incitent le public à prendre part à la création d’une œuvre. Cette année Virginia Heinen présentera de courts extraits dansés au public de son prochain spectacle Valse pour un amour, expliquant aux spectateurs ses pistes de travail. Une manière pour le pu-blic d’emboîter le pas des danseurs, et de faire pourquoi pas de belles découvertes...

- Amandine Mannier, Clélie Lebrun -

Danse/Performance, Festival Nouvelles, divers lieux à Strasbourg, du 20 au 29 mai - www.pole-sud.fr

Inscrire la danse contemporaine dans son temps, en proposant un panorama de nouvelles formes – ou plutôt des hybridations entre plusieurs arts – qui enrichissent la discipline.

Joanne Leighton

Echelle Territoire

© Ph Saad

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Ouvrez les yeux 14

C’est en tout cas ce qu’il devrait être le plus souvent. Un jeu. L’expression, tirée des Conseils à un jeune poète de Max Ja-cob (1945) a été choisie comme intitulé de la nouvelle exposition au Frac Alsace à voir jusqu’au 16 mai. Une œuvre peut revêtir des formes et des enjeux très divers, ‘’vocation, quête spirituelle, mode de vie ou business’’ nous dit Olivier Gasser, directeur du Frac Alsace. Au carrefour de l’artiste, du public et de nombreux partenaires qu’ils soient poli-tiques, sociaux ou économiques, l’exposition nous interroge donc sur le statut de l’œuvre d’art aujourd’hui.

L’une des misssions d’un Frac est de s’adres-ser à un public large. Dans cette optique, un nouveau dispositif de diffusion par ensembles thématiques, ‘’Expomobiles’’, a été mis en place, outils de lecture et de compréhen-sion des collections. Les œuvres que l’expo-sition présente proviennent essentiellement des ensembles ‘’J’ai toujours rêvé d’être un artiste’’ et ‘’C’est arrivé près de chez vous’’. Le premier traite de la liberté formelle chez l’artiste, le second réunit des œuvres interro-geant la réalité et l’actualité.

Au Frac à Sélestat, les artistes massacrent en bonne et due forme des fleurs (Pascal Ber-nier), nous posant d’entrée en voyeurs d’une violence devenue ordinaire dans les médias. Pourtant impossible de ne pas voir dans cette première oeuvre un certain décalage. L’art doit être une prise de conscience mais aussi, pourquoi pas, un divertissement. Les performances minimales de Marie Cool et Fabio Balducci interrogent l’acte de créa-tion. Des dessins sont réalisés avant d’être transformés par la photocopieuse. Esquisses

de personnages, morceaux de corps, l’art est un jeu parce qu’il est multiple.

S’inscrire dans le réelDans ses photographies, Didier Courbot veut laisser la trace d’une action effectuée. L’ar-tiste s’efface derrière le geste qui a produit l’œuvre. Ces interventions dans l’espace pu-blic appelées Needs sont diverses (plantage d’arbre, passage piéton repeint, construc-tion d’abris pour oiseaux). De cette manière l’artiste pointe du doigt ‘’l’objet très ingrat,

[…] l’élément qu’on ne voit pas, […] quelque chose équivalent à une bordure de trottoir. La bordure me plait dans son humilité, dans son invisibilité et dans le fait qu’elle structure le trottoir et nous permet de marcher, rêver, penser à autre chose’’. C’est donc aussi le rôle de l’artiste que d’attirer l’attention du spectateur, parfois simple passeur urbain, visiteur potentiel de performances sauvages pour l’emmener, pourquoi pas, sur des che-mains inhabituels, ne serait-ce qu’un instant.

Réorganiser le réelL’art est aussi recyclage du réel. Pascal Danz recourt à des images trouvées sur le grand foutoir mondial et polymorphe qu’est inter-net, images de qualité souvent médiocre, recadrées, pixellisées, images à la dérive, fantômes d’icones. A travers la peinture, il redonne à l’image un statut plus qu’une si-gnification. En recourant à la situation bien connue de paparazzi volant des images, l’artiste opère un focus sur le voyeurisme dans notre société. Peter Rösel ‘’recycle’’ des uniformes de policier allemand pour en faire une fleur. Didier Rittener avec Petite fille réalise un portrait en copiant et modifiant des motifs à partir de multiples sources, textes, photographies, documents divers. Zofia Li-pecka s’interroge elle aussi sur le statut de l’image et sa consommation. L’image dans ce qu’elle représente de simulacre, réfrac-tée à l’infini par des miroirs qui semblent se répondre. Grandes surfaces, salles de gym, l’artiste ausculte notre monde moderne et ses incontournables qui sont devenus notre mode de vie.

- Marc Vincent -

L’art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un de-voir ! Oeuvres de la collection du Frac Alsace, Sélestat, jusqu’au 16 mai - http://frac.culture-alsace.org

A l’occasion de cette carte blanche accor-dée au Fonds Régional d’Art Contemporain de Franche-Comté, le Pavé dans la Mare nous fait découvrir le travail de Mario Gar-cia Torres. En 2007 à Athènes, l’association Locus lui demande, avec d’autres artistes, de réfléchir à la notion de tourisme. Ne possé-dant pas de locaux, l’association propose aux artistes d’exposer dans divers lieux aux alentours d’Athènes. Mario Garcia Torres s’inspire alors d’un travail effectué en 1993 par l'artiste allemand Martin Kippenberger qui a créé un musée dans un ancien abattoir. Laissé à l'abandon à la mort de Kippenber-ger en 1997, le projet est relancé dix ans plus tard par Garcia Torres qui diffuse des œuvres à l’intérieur de ce qui est devenu une usine de traitement des eaux.

L’artiste mexicain exposera au Pavé un dia-porama composé de 53 diapositives sous-ti-trées qui retracent l’histoire de ce lieu, bap-tisé MOMAS. Mario Garcia Torres nous parle de la mémoire et de la transmission des mes-sages, des œuvres et des esthétiques à tra-vers le temps. Comme une idée rémanente qui se transmet d’artiste en artiste, comme un concept repris à travers les décennies.

L’artiste mexicain explore en effet le champ de l’art conceptuel, faisant œuvre d’archéo-logue en tentant de retracer le cheminement d’une œuvre depuis ses prémisses jusqu’à sa réalisation. Ce qui l’intéresse également, c’est la genèse d’une œuvre, préférant en cerner l’origine plutôt que sa réalisation ef-fective, en faire ressortir le concept originel

qui permettra de mieux l’appréhender... et l’apprécier. Mario Garcia Torres se met alors à la re-cherche des esquisses et autres documents

qui vont nous en dire plus sur les origines d’une oeuvre. Entre le documentaire et la fiction, l’artiste met au point, toujours avec ri-gueur dans la forme, une œuvre faisant écho

à d’autres œuvres, en opérant parfois une re-lecture. Ces interprétations a posteriori s’ac-compagnent souvent d’une fictionnalisation et d’un travail poétique.

Ainsi à la fondation Kadist, on pouvait en-tendre la gomme de Rauschenberg effacer un dessin du peintre de Kooning durant un mois. L’artiste nous donnait à entendre la trace sonore du résultat visible sous nos yeux : la feuille blanche, lavée du dessin de Koo-ning, légèrement froissée et noircie. Mario Garcia Torres nous entretient donc égale-ment de l’absence.

Dans l’exposition au Pavé dans la Mare, l’ar-tiste s’interroge sur la place du Museum Of Modern Art Syros dans l’île de Syros, sur ce statut si particulier de musée éphémère et, plus généralement, sur la place qu’occupe l’art contemporain dans la société.

- Paul Sobrin -

Mario Garcia Torres, What Doesn’t Kill You Makes You Stronger, Le Pavé dans la mare, Besançon, du 1er avril au 21 mai - www.pavedanslamare.org

Mario Garcia Torres : What Doesn’t Kill You Makes You Stronger

L’artiste mexicain explore le champ de l’art conceptuel, faisant œuvre d’archéologue en tentant de retracer le cheminement d’une œuvre depuis ses prémisses jusqu’à sa réalisation.

Mario Garcia Torres, What Doesn't Kill You Makes You Stronger, 2007Collection Frac Franche-Comté © Mario Garcia Torres

Didier Courbot, needs (Paris), 2001 - Photographie couleur - 94 x 120 cmTirage : 5/6 - Collection Frac Alsace, Sélestat © Droits réservés

C’est donc aussi le rôle de l’artiste que d’attirer l’attention du specta-teur, parfois simple passeur urbain, visiteur potentiel de performances sauvages pour l’emmener, pourquoi pas, sur des chemains inhabituels, ne serait-ce qu’un instant.

L’art est un jeu. Tant pis pour celui qui s’en fait un devoir !

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Chroniques CD 15

POP ROCK

Sophie Hunger1983(Two Gentlemen/Universal)

Les douces harmonies vocales qui nous ac-cueillent à l’ouverture de l’album ne nous di-sent que du bien du second opus de Sophie Hunger, en droite ligne de l’album lumineux que la suissesse nous avait offert en 2009. On retrouve d’une part ces morceaux ryth-miquement tendus (Lovesong To Everyone, 1983 en langue allemande), et d’autres pépites plus intimistes à l’image du délicat Headlights avec cette voix comme surgis-sant du fond d’une cathédrale, ou Citylights Forever ménageant sa lente montée en puissance, suivant les pas d’une batterie lé-gère et déliée. Une pop rock helvétique en apesanteur, servie par une voix puissante et assurée, sachant pourtant susurrer quand il le faut, comme sur cette reprise lunaire de Le vent nous portera. On retrouve le talent d’arrangeuse de la suissesse sur Approxima-tely Gone qui avance comme un serpent et les ballades au piano (la très belle D’Red). L’artiste n’hésite pas non plus à s’aventurer sur des terrains plus expérimentaux comme avec Invisible et sa rythmique dans un esprit plus moderne, flirtant avec le hip hop. - Dominique Demangeot -

ROCK MÉTAL

SlashSlash(Warner)

Slash, guitariste mythique des Guns’n’Roses, est de retour. Evidemment certains fea-turings vont faire bondir les puristes mais trouver sur le même morceau Dave Grohl et Duff Mc Kagan laisse rêveur… La poitri-nesque Fergie donne de la voix sur l’effi-cace Beautiful Dangerous, et plus loin on s’approche du métalcore sur l’intenable Nothing To Say avec M Shadows d’Evenged Sevenfold qui va une fois encore faire sau-ter deux ou trois plombages aux puristes du rock mais que voulez-vous. Slash a prouvé avec ses diverses productions solo que sa Les Paul ne connaissait aucune frontières. Le gratteux nous présente ici ses nombreuses influences, comme le zeppelinien By The Sword avec Andrew Stockdale de Wolfmo-ther au chant, croisant plus loin le fer avec Cypress Hill en reprenant Paradise City… des Guns ‘n’Roses! Quelques titres dispensables également (les odieux Kid Rock et Adam Le-vin, le pape Ozzy sur une ballade poussive), mais il demeure que Slash reste un des plus gros guitaristes de la fin du vingtième siècle. Cet album est là pour nous le vriller bien pro-fond dans le crâne, à coup de riffs saignants et de solos titanesques, entre métal, hard fm et blues rock. - Brent -

POP / NEW WAVE

John & JehnTime For The Devil(Naïve)

Diversions les avait découverts en mai 2009 au festival C’est dans la vallée à Sainte-Marie-aux-Mines. Deux musiciens sur scène. Chantant tous deux. Electrisants tous deux. Morceaux sombres nourris d’orgue, couleurs new wave aux ambiances psychédéliques. John & Jehn ont bien fait de quitter leur Cha-rente natale pour partir vivre au milieu des brouillards de Londres. L’album est impré-gné de cette humidité toute britannique et post punk. Le timbre bas et sombre de John convient bien à la pop des eighties, tandis que celle de Jehn apporte une salutaire respiration aux morceaux. Des ambiances plus dansantes aussi comme le bien nommé And We Run et Love Is Not Enough, titres qui sentent bon le live, grâce à une production discrète faisant ressortir l’aspect brut de la musique. Pas étonnant lorsque l’on sait que c’est Dave Bascombe (Tears For Fears, De-peche Mode) qui s’est frotté à la prod… Le duo français ne se départit pas non plus d’une verve qui fait parfois penser à Arcade Fire (Down Our Streets), et couleurs plus six-ties avec la belle O’Dee. Une nuance de plus dans la palette déjà large de John & Jehn. - Dominique Demangeot -

CLASSIQUE

Philippe CassardBrahms, Klavierstücke(Accord/Universal)

Le pianiste, né à Besançon et qui a parti-cipé l’année dernière au Festival Interna-tional de Musique de la capitale bisontine, revient dans les bacs avec un hommage à Brahms, après le succès des Impromptus de Schubert. Les Klavierstücke, œuvre tardive de Brahms (1890), sont un recueil d’œuvres parfois violentes, parfois douces, parmi les-quelles Philippe Cassard navigue avec une grande sensibilité. Cette suite d’opus emplie des pénombres du romantisme tardif, ‘‘ber-ceuses de ma douleur’’ comme Brahms les surnommait lui-même, est servie ici par une large amplitude sonore dès les premières notes de l’Opus 116. Après les interpréta-tions de Serkin, Lupu ou Kempff, Cassard ne démérite pas, bien au contraire, et livre ici une interprétation heurtée Du Presto ener-gico, là un magnifique et introspectif Opus 117, répit bien mérité après ces moments de tension et de rage. Philippe Cassard nous invite à découvrir ou redécouvrir la beauté crépusculaire des derniers opus de Brahms, dans ce disque survolé par un jeu tout en reliefs et en aspérités. - Paul Sobrin -

Suite et fin de notre nouvelle du mois dernier, qui met en scène Holden Caulfield, le jeune héros du roman de J.D. Salinger, L’Attrape-coeurs.

Nom de Dieu, Holden par Baptiste Balezeau

Fictions

Si vous souhaitez vous aussi être publiés dans nos pages, vous pouvez nous envoyer vos manuscrits de nouvelles, poèmes, récits mais aussi travaux graphiques divers à l’adresse suivante : [email protected]

Et voilà, j’étais rassuré, on a commencé à discuter et lui n’arrêtait pas une se-conde. Le mec je sais bien -en tout cas je me doutais bien- qu’il voulait pas faire son autobiographie ni rien mais il y avait quand même un truc qui le poussait à me raconter tout ça, franchement sur le coup je savais pas trop bien. On s’est installés, il s’est allumé une tige et a commencé par le commencement. C’était franchement le bordel dans son histoire mais dans sa tête, ça avait l’air tellement clair. Je sa-vais pas quoi penser de tout ça. Il a tout raconté, tout ce qu’il avait envie de dire, la môme Phoebe, les gars Stradlater et Ackley, New York et puis ce foutu lac et ses canards dont on ne comprenait pas où ils pouvaient aller l’hiver quand le point d‘eau était gelé.

J’avais le sentiment d’avoir déjà enten-du toutes ces conneries mais j’étais pas tellement en état de le certifier, c’était comme si pour une fois ça me faisait plai-sir d’écouter un truc déjà entendu au moins dix fois ; pourtant je vous jure que ce genre de situation, ça me gonfle vite en général. J’avais l’impression de réen-tendre le narrateur de l’Attrape-cœurs, vous savez c’est ce foutu roman que j’ai lu au moins sept ou huit fois. On se marrait bien et tout mais j’ai eu comme un éclair

de lucidité et lui ai dit : «Tu serais pas un peu timbré mon gars ?- Nan, toi tu es cinglé…-Bon, on arrête les blagues, tu t’es échappé de quel établissement ?

Quand je lui ai sorti ça, il s’est mis à rire, d’un coup, comme ça, en se payant ma tronche... Et là, le type il me scotche en me sortant : «Abruti, c’est moi, Holden, Hol-den Caulfield!». Et moi plié en deux : «Je me disais bien que ta saloperie d’histoire me disait un truc».

En fait, si vous voulez tout savoir, je me suis relevé assez rapidement, fallait pas pousser non plus, je voulais garder ma superbe. J’ai essayé de me dire que j’étais pas un de ces putains de cinglé, que j’avais peut-être juste un peu trop bu. Qu‘est-ce que j’en savais moi ? Alors je me répétais « Je suis pas dingue, je suis pas dingue, je suis pas…». J’ai fermé plusieurs fois les yeux pendant dix secondes en me disant que le mec Holden allait bien finir par se casser et que je faisais juste un foutu cau-chemar. Quand j’y repense, je me dis que je devais avoir perdu mes superpouvoirs, parce qu’il avait pas franchement l’air dé-cidé à dégager. Y avait vraiment de quoi devenir timbré. Mettez-vous à ma place bordel, imaginez qu’un de ces soirs le fou-tu héros de votre roman préféré vienne

vous rendre visite pour vous raconter son histoire. Flippant comme situation nan ? Je déconne pas, je vous jure qu’en vrai ça fait pas du tout le même effet.

Il avait fini par des phrases un peu bi-zarres que j’avais même pour ainsi dire jamais lues dans l’Attrape-cœurs. Bon le gars Holden il me raconte des trucs du genre qu’il était orphelin maintenant, en-fin que son père venait de mourir et qu’il fallait que je le sache. La compassion, ça va bien cinq minutes, évidemment j’étais triste pour lui, c’est jamais bien marrant de perdre un proche -enfin je crois- mais franchement que son père soit mort, je voyais pas trop l’intérêt de venir me l’ap-prendre comme ça en se pointant chez moi en pleine nuit et tout. Surtout que son père j’avais pas l’impression de le connaitre plus que ça. Je ne sais plus très bien de quoi on a fini par parler mais au fi-nal je me suis endormi comme raide mort au bout de la table.

Quand j’ai ouvert les yeux, le type était plus là. Le premier truc que j’ai fait de la matinée c’était prendre trois grammes d’Efferalgan et deux de vitamine C, un truc dans ces eaux là, enfin je m'en souviens plus de toute façon... Après j’ai regardé ce que le mec il avait bien pu braquer dans ce taudis qui me sert de chambre. Mais

rien, il avait rien pris, ma porte était fer-mée, les clés dans la serrure, à l’intérieur en plus. Rien n’avait disparu sauf lui. J’ai passé la matinée tant bien que mal à relire l’Attrape-cœurs.

Vers treize heures j’avais presque trouvé une hypothèse rationnelle à ce qui avait pu m’arriver. J’avais tellement lu et relu ce bouquin que c’était évident qu’un jour ou l’autre j’allais bien finir par rêver d’Hol-den Caulfield. J’ai fini par sortir prendre l’air, chercher les journaux. Je ne sais plus tellement qui ou quoi faisait la une mais comme d’habitude j’ai dû passer en vitesse sur les pages bourse et économie en me disant que c‘était pour les mecs pro-mis à une sorte d’avenir chiant et promet-teur -comme celui promis à la plupart de mes amis. Dans le peu de pages culturelles que j’ai pu trouver je suis tombé sur un truc qui m’a encore plus frappé que mon foutu rêve de la veille. Je ne savais même plus si je pouvais qualifier ça de rêve en fait. J’ai revu toute la soirée défiler devant mes yeux. Holden Caulfield était bien or-phelin. Ça faisait dix lignes dans le jour-nal du 28 janvier, triste nouvelle, son créa-teur, J.D. Salinger venait de mourir...

© Baptiste Balezeau - 2010 - Toute reproduction, même partielle, interdite sans l’accord explicite de l’auteur

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