discriminations et violences sexistes au … · violences sexistes et sexuelles sur le lieu de...

119
ET VIOLENCES DISCRIMINATIONS AU TRAVAIL Quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis SEXISTES Bobigny > lundi 6 mars 2006 Bourse départementale du travail

Upload: ngoduong

Post on 12-Sep-2018

218 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

ET VIOLENCESDISCRIMINATIONS

AU TRAVAILQuatrième rencontre

de l’Observatoire

des violences envers les femmes

du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

SEXISTES

Bobigny > lundi 6 mars 2006

Bourse départementale du travail

PAGE 6

PAGE 10

PAGE 14

PAGE 14PAGE 14

PAGE 15

PAGE 18

PAGE 22

PAGE 24

PAGE 26

PAGE 30

PAGE 32

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

Président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

INTRODUCTION

En dépit de l’aggravation des conditions de vie de la population et de celles des femmes en particulier, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis persiste dans son engagement à leurs côtés pour relever le défi majeur de leur complète émancipation et de la mise en pratique de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines.

Ouverture de la RencontreHervé Bramy

Bilan : l’Observatoire a tenu ses cinq engagementsErnestine Ronai La dynamique enclenchée par la forte démarche partenariale au sein du département

a permis de mettre en œuvre ou de renforcer les actions prioritaires promises lors de la dernière Rencontre en mars 2005. Bilan.

L’Observatoire s’implique au niveau international La solidarité internationale est une composante de la lutte contre les violences.

Dans un département où se retrouvent des populations venues du monde entier, elle est indispensable.

• Solidarité avec les femmes victimes de la chariaAwa IbrahimCatherine Mabille

• Contre le « mégabordel » à BerlinMalka Marcovich

Ne vous résignez jamais !Gisèle Halimi Du droit à l’IVG sans les moyens suffisants au non-respect de la loi sur la parité, la violence

contre les femmes se décline dans tous les domaines de la vie privée et sociale.

TOUTES CHOSES INÉGALES :

LES DISCRIMINATIONS HOMMES / FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL

Égalité professionnelle : les bonnes pratiques recensées ici et là cachent la forêt des mauvaises. Les entreprises qui contreviennent aux lois doivent être sanctionnéeset les syndicats veiller au respect de ces lois.

À propos du film Femmes précaires réalisé par Marcel TrillatMarcel Trillat Hommage aux travailleuses précaires invisibles, et pourtant stigmatisées !

Femmes et hommes sur le marché du travail : des inégalités persistantesIsabelle Puech L’entrée massive des femmes dans le salariat depuis les années soixante n’a pas fait

disparaître les discriminations touchant à la nature des emplois, aux statuts professionnels et aux rémunérations. La situation de celles qui sont contraintes au travail partiel et précaire est particulièrement préoccupante.

Point de vue d’une syndicalisteIsabelle Massard Les entreprises ont l’obligation d’appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.

Échanges et témoignages

Réalisateur

Sociologue

Avocate nigériane

Membre d’Avocats sans frontières et de Femmes solidaires

Historienne, directrice pour l’Europe de la Coalition internationale

contre la traite des femmes et la prostitution

Avocate, présidente de l’association Choisir la cause des femmes

Syndicaliste CGT en Seine-Saint-Denis

PAGE 4

CG93_Observatoire_Violences.indd1 1CG93_Observatoire_Violences.indd1 1 19/12/06 15:57:0819/12/06 15:57:08

VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SUR LE LIEU DE TRAVAIL

Loi inadaptée, subjectivité des magistrats, défaut d’assistance de l’entourage à la femme victime : rien ne va. Le harcèlement sexiste et sexuel au travail est une entité qui peine à être reconnue.

Témoignages de femmes victimesPrésentés par l’AVFT et lus par la Compagnie Désamorce

• Joëlle, 43 ans, secrétaire Un harcèlement sexuel de plusieurs années aboutit à une ordonnance de non-lieu.

• Catherine, 35 ans, déléguée médicale Un combat de neuf ans débouche enfin ! sur une condamnation.

Les réalités du phénomène Sylviane Le Clerc Les violences sexistes et sexuelles au travail sont difficilement quantifiables et parfois

considérées comme « normales », y compris par des femmes. Analyse des lois et de la jurisprudenceGisèle Amoussou Appliquée de manière aléatoire, à l’appréciation des juridictions, la loi qui réprime

les violences sexuelles et sexistes au travail est insuffisante et doit être améliorée.

Djamila Mansour Bien que rarement sollicité, le conseil de prud’hommes est compétent pour traiter ces

types de violences. Il peut aussi ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Harcèlement sexuel, une violence méconnue, une loi en sursis Sylvie Cromer La société préfère ignorer le harcèlement sexuel au risque de nier la spécificité

de cette violence au profit de la notion « fourre-tout » de harcèlement moral.

Échanges et témoignages

RÉFLEXIONS

Comment les femmes construisent et mobilisent leurs droits ?

Michel Miné Des femmes luttent contre leur employeur pour faire appliquer les lois sur l’égalité

entre les sexes au travail. Les affaires qu’elles gagnent en justice font jurisprudence en France et dans l’Europe communautaire.

PAGE 38

PAGE 46

PAGE 48

PAGE 52

PAGE 56

PAGE 59

PAGE 62

PAGE 64

Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail

Juriste, responsable de l’AVFT en Seine-Saint-Denis

Juriste et professeur associé du droit privé à l’université

de Cergy-Pontoise, membre du comité consultatif de la Halde

page 2 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité

de la Seine-Saint-Denis

Présidente du tribunal de prud’hommes de Bobigny

Sociologue, Université de Lille 2

PAGE 36

CG93_Observatoire_Violences.indd2 2CG93_Observatoire_Violences.indd2 2 19/12/06 15:57:2419/12/06 15:57:24

Comédienne de la Compagnie Désamorce

Anthropologue

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 3

de la CCAS d’EDF

Médecin du travail

Inspectrice du travail

Procureure adjointe au tribunal de Bobigny

Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

COMMENT S’IMPLIQUER DANS DES ACTIONS DE PRÉVENTION ?

COMMENT AGIR ?

Les victimes de harcèlement sexuel sont isolées et elles ont honte. La nécessaire sensibilisation d’un entourage qui a tendance à fuir le problème en est à ses débuts. Le théâtre-forum s’avère être un outil efficace.

Deux théâtres-forums pour la préventionUne réalisation de l’AVFT et de la Compagnie DésamorceThissa d’Avila Bensalah Ces représentations permettent de repérer les résistances à la reconnaissance

du harcèlement sexuel dans l’entreprise.

• « Blague à part » Important : repérer le harcèlement sexuel dès qu’il se manifeste.

• « Ni vu, ni connu » Difficile de mobiliser les collègues.

Analyse des propos recueillis en entreprises, lycées d’enseignement professionnel et services du RmiMaria Mailat Le huis clos du travail est générateur de la loi du silence. Le théâtre-forum change la donne.

Des expériences de prévention des violences sexistes et du harcèlement au travail

Mireille Haccart En quelques heures, faire prendre conscience du phénomène des violences sexuelles

et sexistes.

Docteur Sterdyniak En Île-de-France, des médecins élaborent un document de prévention.

Delphine Brilland Sortir de l’isolement est une priorité.

Solange Moracchini La justice ne donne pas forcément suite à la plainte. Les associations d’aide

aux victimes ont un grand rôle à jouer.

Échanges avec la salle

CONCLUSION

Gilles Garnier

ANNEXES

PAGE 70

PAGE 72

PAGE 78

PAGE 80

PAGE 82

PAGE 83

PAGE 85

PAGE 86

PAGE 89

PAGE 94

PAGE 96

PAGE 98

PAGE 68

CG93_Observatoire_Violences.indd3 3CG93_Observatoire_Violences.indd3 3 19/12/06 15:57:2519/12/06 15:57:25

CG93_Observatoire_Violences.indd4 4CG93_Observatoire_Violences.indd4 4 19/12/06 15:57:2619/12/06 15:57:26

INTRODUCTION

CG93_Observatoire_Violences.indd5 5CG93_Observatoire_Violences.indd5 5 19/12/06 15:57:2719/12/06 15:57:27

HERVÉ BRAMY

33 Madame la ministre 1, Monsieur le maire de Bobigny, Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs, je suis très honoré d’ouvrir avec vous les travaux de la quatrième

Rencontre de l’Observatoire contre les violences envers les femmes, placée sous l’égide de la

Journée internationale des femmes.

Permettez-moi, avant toute chose, une pensée pour Ingrid Betancourt. L’assemblée

départementale vient de voter, à l’unanimité, un vœu pour sa libération et celle

de tous les otages. J’ai, de plus, demandé que les enveloppes du Département

portent cette exigence.

Cette année, c’est sur le sujet sensible des discriminations et des violences sexistes

au travail que Gilles Garnier, vice-président, avec Ernestine Ronai et toute l’équipe

de l’Observatoire ont souhaité nous réunir. Je les en félicite vivement car en tant

que président d’une collectivité territoriale, d’un grand service public qui compte

près de 6 000 salariés dont une grande majorité de femmes, je partage totalement

les objectifs de cette journée.

Nous le savons, les femmes représentent aujourd’hui plus de 59 % des effectifs de

la fonction publique territoriale. Or le secteur public territorial n’échappe pas au

constat d’inégalité en leur défaveur. Je me félicite donc de la politique volontariste

mise en place depuis des années par notre conseil général et suis très fier d’être le président

d’une collectivité dirigée par une directrice générale des services, Madame Carmen Bourvic. Il

me semble néanmoins nécessaire d’agir encore plus pour la promotion des actions en faveur

de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Je propose, à ce titre, que nous réfléchissions à de nouvelles démarches

volontaristes afin d’asseoir l’apport des femmes dans nos administrations

locales. Et cela, tout autant dans les domaines de l’orientation des jeunes,

de l’accès à la formation, que des conditions de travail, de la promotion et

la rémunération, de l’accès aux emplois d’encadrement et, bien entendu,

de la lutte contre le harcèlement, du droit à la santé ou des droits à la retraite. Il faut imaginer

un cadre législatif ambitieux qui contraindrait les partenaires sociaux à négocier sérieusement

Président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

OUVERTURE DE LA RENCONTRE

page 6 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Porter ensemble l’idée que les atteintes à l’égalité salariale

puissent être considérées comme une discrimination

punissable pénalement.

ALORS QUE LA LIBÉRALISATION ÉCONOMIQUE ET LA PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS AGGRAVENT LES CONDITIONS DE VIE DE LA POPULATION ET TOUT PARTICULIÈREMENT CELLES DES FEMMES, LE CONSEIL GÉNÉRAL PERSISTE DANS SON ENGAGEMENT À LEURS CÔTÉS POUR RELEVER LE DÉFI MAJEUR DE LEUR COMPLÈTE ÉMANCIPATION.

1. Marie-Georges Buffet, députée

de la Seine-Saint-Denis, ministre

de la Jeunesse et des Sports

de 1997 à 2001.

CG93_Observatoire_Violences.indd6 6CG93_Observatoire_Violences.indd6 6 19/12/06 15:57:2719/12/06 15:57:27

INTRODUCTION

avec obligation de résultats et ce, après évaluation des lois existantes. Et pourquoi ne pas

porter ensemble l’idée que les atteintes à l’égalité salariale puissent être considérées comme

une discrimination punissable pénalement ?

33 Je le redis ici, l’ambition du conseil général est de parvenir à l’égalité effective entre les

hommes et les femmes. Il s’agit pour moi d’une véritable exigence. En effet, la question

féminine est une question centrale de société qui doit imprimer sa marque sur l’ensemble de

l’organisation sociale. Plus encore qu’ailleurs, nous devons montrer l’exemple et porter, dans

l’ensemble de nos politiques, l’exigence de l’égalité des droits.

C’est ainsi qu’ici même, l’an passé, j’avais pris l’engagement que l’Appel des 93 serait

constitué à parité. L’engagement est tenu. Naturellement, il ne s’agit pas de nous en tenir

à la seule administration locale car aujourd’hui, encore plus qu’hier, nous devons faire face à la

multiplication des situations de détresse sociale que provoque la destruction

progressive de nos acquis sociaux. La progression du chômage et de la

précarité, le démantèlement des droits, du code du travail relancent, c’est

un fait, l’organisation patriarcale de la société.

Si des années de combat, de luttes des femmes, d’engagements permanents

pour l’égalité des droits réels ont conduit peu à peu les pouvoirs publics à légiférer en leur

faveur, la libéralisation et la privatisation des services publics ont des conséquences sévères

pour les populations, et tout particulièrement pour la population féminine. Les contrats

précaires, les temps partiels les rendent de plus en plus dépendantes de leur environnement,

entravant gravement leur autonomie. Les inégalités sociales grandissantes s’ajoutent aux

inégalités entre les hommes et les femmes.

33 C’est la raison qui nous a conduits à créer l’Observatoire contre les violences envers les

femmes. L’Observatoire nous permet de mieux repérer et évaluer ces situations, d’anticiper

les nouvelles formes de violences, de dresser les constats utiles à la mobilisation de

l’opinion publique, afin d’agir pour l’élaboration d’une loi-cadre nationale, voire européenne,

pour la prévention et la sanction. Ainsi, nous sommes convaincus que l’ampleur du travail

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 7

Les contrats précaires, les temps partiels rendent les femmes

de plus en plus dépendantes de leur environnement, entravant

gravement leur autonomie.

CG93_Observatoire_Violences.indd7 7CG93_Observatoire_Violences.indd7 7 19/12/06 15:57:2819/12/06 15:57:28

réalisé a contribué à faire prendre la mesure, au plan local comme au plan national, de

l’urgence à légiférer en faveur des femmes victimes de violences conjugales, comme l’a fait

le gouvernement le mois dernier.

33 Nous pouvons être fiers de l’apport de la Seine-Saint-Denis à l’amélioration de la condition

des femmes. Pourtant, je sais aussi que nous pourrions être encore plus ambitieux, plus

innovants, plus performants si les finances départementales n’étaient pas entravées

dangereusement par les 140 millions d’euros que l’État nous doit. Comment

accepter le processus d’abandon par le gouvernement de la solidarité

nationale, comment accepter que les politiques sociales comme celles du

RMI, de l’aide personnalisée à l’autonomie, aux personnes handicapées,

dont les femmes sont bien entendu bénéficiaires, comment accepter que ces politiques soient

désormais à la charge des départements sans que soit assuré le financement à hauteur du coût

réel ! Et ne devons-nous pas nous interroger sur la légitimité de ces transferts ? C’est ainsi que,

pour ma part, je porte l’exigence de la renationalisation du RMI.

33 Pour conclure, je remercie Ernestine Ronai, qui ne ménage pas ses efforts et l’énergie qu’elle

consacre quotidiennement à l’amélioration de la condition de vie des femmes, les personnels

des services départementaux, les partenaires associatifs, institutionnels, les organisations

de femmes, les syndicats avec lesquels nous entamons une nouvelle collaboration si utile,

ainsi que les services déconcentrés de l’État dont la délégation départementale aux droits des

femmes et à l’égalité représentée par Sylviane Le Clerc. Je remercie également les intervenants

chercheurs de cette journée qui, par leurs apports, enrichiront nos réflexions. Je tiens tout

particulièrement à saluer Gisèle Halimi pour l’honneur qu’elle nous fait d’être parmi nous.

OUVERTURE DE LA RENCONTRE

page 8 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Je me réjouis de voir de plus en plus nombreuses les villes qui s’associent

aux différentes campagnes que nous avons initiées.

CG93_Observatoire_Violences.indd8 8CG93_Observatoire_Violences.indd8 8 19/12/06 15:57:3019/12/06 15:57:30

33 Je me réjouis également de voir de plus en plus nombreuses les villes qui s’associent aux

différentes campagnes que nous avons initiées. Lors des « Rencontres internationales des

femmes du monde en Seine-Saint-Denis », organisées avec le concours du Mouvement français

pour le planning familial, 14 villes du département ont accueilli des troupes de théâtre-forum

venues du Mali, d’Inde, du Brésil et de France pour que nous puissions aborder ensemble, par

la culture, la question des violences.

Parce qu’il ne s’agit pas là d’un enjeu pour les femmes seulement, mais

pour la société tout entière, je veux vous assurer de mon soutien le plus

total et de celui de mon ami, Gilles Garnier, vice-président chargé de la

lutte contre toutes les discriminations, dont je salue le travail considérable.

Je veux avec vous toutes et tous, relever un des défis majeurs de notre siècle, celui de

l’émancipation de toutes les femmes en France, comme ailleurs dans le monde. Je veux vous

dire ma conviction que l’émancipation des femmes est celle de toute l’humanité et donc,

y compris, celle des hommes.

Je vous remercie.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 9

J’ai la conviction que l’émancipation des femmes est celle de toute l’humanité et donc, y compris,

celle des hommes.

INTRODUCTION

CG93_Observatoire_Violences.indd9 9CG93_Observatoire_Violences.indd9 9 19/12/06 15:57:3119/12/06 15:57:31

ERNESTINE RONAI

33 L’an dernier, la rencontre que nous avions organisée portait sur le thème « Agir et s’engager

contre les violences dans le couple ». À cette occasion, le président avait pris cinq

engagements.

33 Le premier était de créer une consultation de victimologie, ce qui a été fait

puisque nous avons installé une consultation d’une demi-journée, à Aubervilliers,

dans les locaux du Conseil général. Cette expérience nous a permis de constater

que les besoins étaient grands dans ce domaine.

Nous avons engagé un travail avec la caisse primaire d’assurance maladie de

Seine-Saint-Denis et la direction départementale de l’action sanitaire et sociale

pour permettre le remboursement et l’élargissement de ces consultations. Deux

nouvelles consultations seront ainsi ouvertes dans le département au cours de

l’année 2006. En outre, nous allons proposer que le diplôme universitaire de

victimologie qui existait en Seine-Saint-Denis soit à nouveau enseigné à la faculté

de médecine de Bobigny. Enfin, nous avons prévu d’organiser une journée de

formation à l’attention des médecins généralistes avec le conseil de l’ordre des

médecins et le réseau de victimologie.

Le deuxième engagement consistait à continuer et à intensifier la formation. Nous avons

poursuivi notre travail dans ce domaine et nous l’intensifierons en 2006. Nous développerons

notamment les formations pluri-professionnelles sur site qui permettent aux professionnels

de créer un réseau. Nous prévoyons également des sessions à l’attention des services

départementaux : service social, crèches et PMI.

Le troisième engagement, baptisé par la suite « un toit pour elles », reposait sur un constat :

les structures d’hébergement destinées aux femmes victimes de violences

conjugales sont saturées parce que les personnes accueillies éprouvent

des difficultés pour accéder au logement social. Nous avons donc proposé

que chaque ville de notre département réserve un logement social pour

désengorger l’hébergement d’urgence et l’ouvrir à d’autres femmes. Quatre villes s’étaient

engagées à l’époque : Bobigny, Saint-Ouen, Saint-Denis et La Courneuve. Montreuil s’est

ensuite associé à cette démarche. D’autres villes, comme Le Blanc-Mesnil, devraient

prochainement rejoindre cette initiative.

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

Six villes réservent un logement social pour désengorger

l’hébergement d’urgence et l’ouvrir à d’autres femmes.

L’OBSERVATOIRE A TENU SES CINQ ENGAGEMENTS

page 10 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

D’ANNÉE EN ANNÉE, LA DÉMARCHE PARTENARIALE INITIÉE PAR L’OBSERVATOIRE MOBILISE DE PLUS EN PLUS DE PROFESSIONNELS ET D’ÉLUS. GRÂCE À EUX, LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION À LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES VA CROISSANT.

CG93_Observatoire_Violences.indd10 10CG93_Observatoire_Violences.indd10 10 19/12/06 15:57:3119/12/06 15:57:31

33 Nous avions également évoqué la possibilité de mener un travail avec les services sociaux

pour réserver des chambres d’hôtel à l’attention des victimes. Plusieurs villes du département

se sont engagées sur le sujet. Enfin, La Courneuve a mis trois logements sociaux à la

disposition des femmes victimes de violences conjugales. Elles bénéficient également d’un

accompagnement social et d’un suivi de la part de SOS Femmes.

Le quatrième engagement portait sur la lutte contre les mariages forcés. Un groupe de travail

des services départementaux a été mis en place pour définir les formes d’aide et

d’accompagnement qui peuvent être offertes à ces femmes. Le résultat de cette réflexion

devrait être rendu public le 16 novembre, à l’occasion de la prochaine Journée internationale

de lutte contre les violences faites aux femmes.

Le dernier engagement concernait l’ouverture d’une permanence en direction des personnels

du conseil général, ce qui a été fait avec le centre d’information sur le droit des femmes et de

la famille de Seine-Saint-Denis.

33 Par ailleurs, l’Observatoire a également participé, l’an dernier, à une campagne d’affichage

qui est le fruit d’un travail de partenariat entre 14 villes, 11 institutions et 7 associations.

Quatre nouvelles villes se joignent à nous cette année. Nous espérons que, bientôt, la moitié

des villes de Seine-Saint-Denis sera associée à cette initiative.

Il faut souligner que ces démarches existent grâce à la forte démarche partenariale qui a été

mise en place dans le département, notamment avec les services de l’État qui y sont implantés.

Je salue à ce titre l’engagement de Sylviane Le Clerc, déléguée aux droits des

femmes. Nous travaillons également en collaboration avec les services du

département, comme en témoigne la présence de la directrice de la direction

de la prévention et de l’action sociale dont dépend l’Observatoire, et celle

d’Emmanuelle Piet qui est responsable à la planification familiale dans le service PMI du

Conseil général et préside également le Collectif féministe contre le viol. Enfin, les associations

jouent un rôle important dans cette démarche, ainsi que les villes avec lesquelles nous

concluons également un partenariat.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 11

INTRODUCTION

Il faut souligner que ces démarches existent grâce à la forte démarche

partenariale qui a été mise en place dans le département.

CG93_Observatoire_Violences.indd11 11CG93_Observatoire_Violences.indd11 11 19/12/06 15:57:3319/12/06 15:57:33

33 La mission de l’Observatoire présente par ailleurs une dimension internationale. Nous

pensons en effet que la progression des droits des femmes dans une région du monde permet

de faire avancer les droits de toutes les femmes. Inversement, lorsque les droits des femmes

régressent quelque part, ce sont les droits de toutes les femmes qui

reculent. Au mois de novembre, nous avons organisé « Les Rencontres des

femmes du monde » à l’initiative de Muriel Naessens, animatrice du

Théâtre de l’Opprimé et du Planning familial de la Seine-Saint-Denis. Cette

action a permis de réunir plus de 3 000 personnes, dans 14 villes du

département, autour de quatre troupes de théâtre, française, brésilienne,

indienne et malienne. Cette expérience a montré que la domination masculine existe partout,

même si elle s’habille différemment selon les cultures. Il est important de le rappeler pour ne

pas stigmatiser les populations immigrées. En outre, la présence d’un large public montre que

la question des violences concerne la population. Les jeunes qui ont assisté à ces

manifestations ont eux-mêmes indiqué combien ils souffraient de la violence dans le couple

de leurs parents.

En novembre 2006, « Les Rencontres des femmes

du monde en Seine-Saint-Denis » ont permis de réunir plus de 3 000 personnes, dans 14 villes du département.

L’OBSERVATOIRE A TENU SES CINQ ENGAGEMENTS

page 12 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd12 12CG93_Observatoire_Violences.indd12 12 19/12/06 15:57:3419/12/06 15:57:34

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 13

CG93_Observatoire_Violences.indd13 13CG93_Observatoire_Violences.indd13 13 19/12/06 15:57:3419/12/06 15:57:34

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

L’OBSERVATOIRE S’IMPLIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL

page 14 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

SOLIDARITÉ AVEC LES FEMMES VICTIMES DE LA CHARIA

ERNESTINE RONAI

33 Nous sommes très heureuses et heureux d’accueillir Awa Ibrahim, l’avocate qui a défendu

Amina Lawal, cette femme qui était menacée de mort par lapidation au Nigeria. Je voudrais

également saluer Catherine Mabille, membre d’Avocats sans frontières et de Femmes

solidaires.

AWA IBRAHIM

33 Bonjour, je suis très heureuse d’être parmi vous ce matin et de nous voir accueillies si

chaleureusement. Notre combat concerne non seulement les femmes, mais aussi chacun de

nous, hommes y compris. Lorsque nous célébrons les femmes, nous célébrons

l’humanité. C’est grâce à des femmes comme vous que notre combat avance et

que des avocats le soutiennent. C’est parce que vous nous avez soutenues que

nous avons réussi à défendre la cause des femmes dans notre pays. Après l’affaire

d’Amina, nous avons été saisies de nouveaux cas, mais la situation n’a pas évolué.

Nous devons toujours composer avec la charia, la loi islamique, pour obtenir

justice.

CATHERINE MABILLE

33 Après le cas d’Amina Lawal, qui a fait l’objet d’une forte médiatisation, le combat doit

continuer. Avec Awa Ibrahim, Avocats sans frontières essaie de constituer un groupe d’avocats

au Nigeria afin de défendre des femmes qui sont toujours condamnées à

mort en raison de la charia. Notre vigilance ne doit donc pas faiblir. La loi

islamique est présente dans douze des trente-six États, au Nord du

Nigeria. Même si la presse ne rend plus compte de cas emblématiques, notre travail doit se

poursuivre car ces femmes ont besoin de notre aide pour que cessent les traitements

inhumains et dégradants.

LES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES SONT DE TOUS LES PAYS ET DE TOUTES LES CULTURES. LA SOLIDARITÉ EST NÉCESSAIREMENT INTERNATIONALE.

Avocate nigériane

Membre d’Avocats sans frontières et de Femmes solidaires

Au Nigeria, des femmes sont toujours condamnées à mort

au nom de la charia.

CG93_Observatoire_Violences.indd14 14CG93_Observatoire_Violences.indd14 14 19/12/06 15:57:3519/12/06 15:57:35

Historienne et directrice pour l’Europe de la Coalition internationale contre la traite

des femmes et la prostitution (CATWE)

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

AWA IBRAHIM

33 Je pense que nous devrions continuer à exercer une pression internationale. Cependant, il

convient de faire très attention aux mots que nous employons car nous avons affaire à la

religion et aux sentiments. La loi de la charia est très différente du droit commun. Nous devons

donc comprendre son fonctionnement pour exercer une pression efficace. Il faut en effet

travailler le système de l’intérieur pour pouvoir le combattre.

ERNESTINE RONAI

33 Je voudrais remercier Awa et Catherine. Nous avions reçu Awa au moment où la vie d’Amina

Lawal était encore en danger et nous continuerons à vous soutenir pour qu’il ne soit plus

question de lapidation des femmes au XXIe siècle.

CONTRE LE « MÉGABORDEL » À BERLIN

ERNESTINE RONAI

33 Face à l’ignoble marché du sexe qui s’organise à Berlin en prévision de la Coupe du monde

de football, nous avons le plaisir d’accueillir Malka Markovich, historienne et directrice pour

l’Europe de la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATWE).

MALKA MARCOVICH

33 La CATWE a lancé une pétition internationale intitulée « Acheter du sexe n’est pas un sport »

pour s’opposer à ce qui se prépare à l’occasion de la Coupe internationale de football, du

9 juin au 9 juillet 2006. Le lien entre événement sportif et prostitution n’est pas nouveau. Nous

l’avons déjà constaté lors des Jeux olympiques de Sydney et d’Athènes. Les industries du sexe

ont en effet tendance à se développer en présence d’une forte concentration

masculine pour organiser la traite des femmes. Dans le cas de la Coupe du

monde de football, il est particulièrement scandaleux d’assister à l’installation

de mégastructures : nous avons en effet affaire à un mégabordel de

3 000 mètres carrés. Sur des espaces de la taille d’un terrain de foot, on a

édifié des « cabines de prestations » en bois, ou « des boxes de performances »

où la transaction sexuelle se fait dans la voiture, avec le souci premier de

préserver l’anonymat du client qui paiera en liquide.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 15

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

Avocate nigériane

INTRODUCTION

DEPUIS 2000, DE NOUVELLES NORMES INTERNATIONALES ET LOCALES RECONNAISSENT QUE LA « DEMANDE » DES HOMMES EST À L’ORIGINE DE LA TRAITE ET DE L’EXPLOITATION SEXUELLE DES FEMMES.

CG93_Observatoire_Violences.indd15 15CG93_Observatoire_Violences.indd15 15 19/12/06 15:57:3619/12/06 15:57:36

L’OBSERVATOIRE S’IMPLIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL

page 16 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Notre pétition a déjà recueilli environ 15 000 signatures provenant de 103 pays.

Le proxénétisme a été légalisé depuis 2002 en Allemagne. Un proxénète enregistré à la

chambre de commerce est donc considéré comme un entrepreneur légal. Cette situation est

particulièrement scandaleuse car un certain nombre de traités et de codes de conduite

internationaux reconnaissent que la demande, c’est-à-dire la présence masculine, favorise

la traite et l’exploitation sexuelle des femmes. En effet, depuis 2000, la communauté

internationale a reconnu par le Protocole de Palerme que

la demande favorisait la traite et enjoint les pays à la décourager. Or,

la majorité des pays qui participent à la Coupe du monde ont ratifié cette

convention. En 2005, lors de la commission sur le statut de la femme,

la communauté internationale a adopté une résolution pour exiger

l’élimination de la demande. Enfin, depuis mai 2004, il est interdit au personnel de l’ONU

d’avoir recours à des services sexuels, y compris pour les pays qui ont légalisé la prostitution.

Il en est de même pour le personnel de l’OTAN et de l’OTAN élargi, à savoir 46 pays. Dans

un tel contexte, il est totalement anormal que le tourisme sexuel soit organisé et accepté

à l’attention des sportifs. Nous demandons donc que, par respect pour les normes

internationales, l’industrie du sexe soit fermée en Allemagne pendant cette période, et

qu’une partie de l’argent engrangé dans le cadre de la Coupe du monde soit reversée aux

femmes enregistrées pour compenser leur manque à gagner.

BRUNO MOREL

33 Au sein de notre service d’urgence, nous accueillons un nombre important de femmes

victimes de violences dans le cadre de la prostitution. À ce titre, nous sommes stupéfaits que

40 000 femmes soient ainsi acheminées sur le site de la Coupe du monde. Nous ne pouvons

donc que relayer et soutenir activement cette pétition.

Président de l’Amicale du nid 93

Parmi les 100 000 signatures recueillies dans le monde par la

pétition « Acheter du sexe n’est pas un sport », 2 800 proviennent des

habitants de la Seine-Saint-Denis.

CG93_Observatoire_Violences.indd16 16CG93_Observatoire_Violences.indd16 16 19/12/06 15:57:3719/12/06 15:57:37

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 17

GILLES GARNIER

33 Le dernier match amical de l’équipe de France se déroulera au Stade de France, le

27 mai. À cette occasion, nous pourrions proposer à l’ensemble des signataires de la Seine-

Saint-Denis de se réunir au Stade de France afin de soutenir cette action. Les campagnes de

sensibilisation menées au moment des Jeux olympiques d’Athènes ont marqué les esprits.

Nous pouvons donc espérer qu’un jour, la législation européenne permettra de mettre fin

à cette marchandisation des corps. Nous devons surtout obtenir que l’opinion publique

pèse pour affirmer que sport et prostitution ne sont pas compatibles.

Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

INTRODUCTION

CG93_Observatoire_Violences.indd17 17CG93_Observatoire_Violences.indd17 17 19/12/06 15:57:3819/12/06 15:57:38

GISÈLE HALIMI

33 Je voudrais vous remercier de m’avoir conviée à vos travaux et vous féliciter pour la création

de cet Observatoire, qui constitue une réponse à ceux qui demandent aujourd’hui, au moment

où nous nous apprêtons à fêter à nouveau la Journée internationale des femmes :

« Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ? ».

33 Les violences contre les femmes sont tout d’abord caractérisées par l’invisibilité.

Une sociologue cubaine, Isabel Arabia, remarquait ainsi que la violence contre les

femmes, comme le travail domestique des femmes, apparaissait aux hommes

comme une caractéristique sexuelle secondaire des femmes. Cette invisibilité se

poursuit par l’occultation, à ce jour, de l’Histoire des femmes. Les traditions, les

religions, la place des femmes dans le couple et dans la société sont ainsi faites qu’il n’y a

rien à dire sur elles. Michelle Perrot a mis ce non-dit en évidence dans un livre où elle explique

à la fois ce que font les femmes et le silence qui les entoure.

En outre, une série d’alibis ont été fabriqués pour que les femmes acceptent leur carcan

et qu’elles oublient de se révolter. Pourtant, les violences faites contre les femmes se

déclinent dans tous les domaines. J’accorde pour ma part une importance

particulière à la violence dans le couple parce que l’intimité intensifie les

mécanismes de culpabilisation et de honte chez les femmes victimes.

Il s’agit véritablement d’un huis clos de l’enfer. Nous avons appris

récemment qu’une femme mourait tous les quatre jours des violences de

son conjoint. À cette époque, je m’étais fait cette réflexion : si un chien

mourrait tous les quatre jours des violences de son maître cela ferait peut-être la « une » des

journaux ; en revanche, la mort d’une femme des violences de son conjoint donne tout juste

lieu à une brève.

33 Lorsque les médecins, les psychiatres ou les avocats écoutent les femmes dans le secret d’un

cabinet, ils apprennent que deux femmes sur dix ont été à un moment de leur vie humiliées,

frappées, violées par leur conjoint. Il est souvent difficile d’établir la chaîne de la violence

dans le couple. J’ai toutefois tendance à penser que les insultes d’une femme sous le coup

du mépris qui pèse sur elle ne sont pas comparables aux violences verbales exercées par un

Avocate, présidente de l’association Choisir la cause des femmes

« NE VOUS RÉSIGNEZ JAMAIS ! »

page 18 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

J’accorde pour ma part une importance particulière à la violence

dans le couple parce que l’intimité intensifie les mécanismes

de culpabilisation et de honte chez les femmes victimes.

DU DROIT À L’IVG SANS LES MOYENS SUFFISANTS AU NON-RESPECT DE LA LOI SUR LA PARITÉ, LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES SE DÉCLINE DANS TOUS LES DOMAINES DE LA VIE PRIVÉE ET SOCIALE.

CG93_Observatoire_Violences.indd18 18CG93_Observatoire_Violences.indd18 18 19/12/06 15:57:3819/12/06 15:57:38

homme. En effet, l’injure de l’homme à l’égard de la femme véhicule toujours un mépris sexiste.

Le couvercle du silence est d’autant plus fort concernant la violence dans le couple, que cette

violence se déroule dans une sphère intime, opaque. Il y a une trentaine d’années, les femmes

se sont pourtant rendu compte que ce qu’elles croyaient être seules à subir dans leur couple

était finalement général. Cette prise de conscience leur a permis de s’unir et de comprendre

que la lutte de l’une les concernait toutes. Nous l’avons résumé dans la formule « le privé est

politique » car selon moi, rien n’est plus politique que la lutte des femmes.

33 Pour une avocate, les violences dans le travail sont les plus difficiles à prouver. Il faut

pourtant voir comment l’état de santé d’une femme se détériore à mesure qu’elle subit le

harcèlement. De plus, il lui est souvent difficile de trouver autour d’elle les

appuis nécessaires. En effet, comment ses collègues de travail peuvent-ils

témoigner compte tenu de la menace très forte de sanctions et, même, de

licenciements qui pèse sur eux ?

Le harcèlement moral est plus difficile à établir que le harcèlement sexuel.

Car, le harcèlement sexuel poursuit un but précis, alors que le harcèlement

moral est plus diffus : non seulement, on vous met au placard, mais on vous fait sentir

que vous ne serez bonne toute la vie que pour cela. Les femmes qui viennent me voir à la

suite d’un harcèlement moral se trouvent toutes dans un état déplorable. Le processus du

harcèlement est en effet toujours le même : elles se plaignent, elles se battent, elles partent en

arrêt de travail, elles tombent en dépression, et les arrêts se succèdent. Or le code du travail

permet de licencier une personne qui accumule les arrêts de travail parce qu’elle porte atteinte

à la marche de l’entreprise. Ces femmes se trouvent donc totalement écartées du seul fait de

la volonté d’établir le préjudice subi.

33 À la veille de la projection de presse du film sur le procès de Bobigny, il convient de

souligner à quel point ce procès constitue un moment historique de la vie des femmes.

Il faut également rappeler que la publication des minutes du procès par Gallimard constitue

un délit car la loi sur la presse interdit la publication des débats d’avortement. Comme le

montre le film, le clivage socio-économique est fondamental en matière de violences faites à

notre corps, qu’il s’agisse d’IVG ou de prostitution. Michèle Chevalier a vécu ce qu’elle a vécu

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 19

Pour une avocate, les violences dans le travail sont les plus difficiles

à prouver. Il faut pourtant voir comment l’état de santé d’une

femme se détériore à mesure qu’elle subit le harcèlement.

INTRODUCTION

CG93_Observatoire_Violences.indd19 19CG93_Observatoire_Violences.indd19 19 19/12/06 15:57:3919/12/06 15:57:39

parce qu’elle n’était qu’employée de métro. À l’inverse, aucune femme de PDG, aucune

épouse de magistrat, aucune femme célèbre n’a fait l’objet de poursuite judiciaire.

Ce procès reste d’actualité car, même si nous avons acquis une liberté

à travers l’autorisation de l’IVG, nous n’avons pas obtenu réellement les

moyens de l’exercer. En effet, il n’y a pas suffisamment de médecins,

de centres ni d’argent mis au service de ce droit fondamental pour les

femmes, qui consiste à s’appartenir et à choisir ses maternités. Ces acquis restent donc

théoriques. Un droit ne vaut que par les moyens donnés pour sa mise en pratique.

33 La mise en place d’un mégabordel à Berlin achève de me convaincre que nous avons eu

raison de dire non à l’Europe qu’on nous proposait. Je pense également à cette malheureuse

Polonaise, qui élevait seule deux enfants et a perdu la vue à la naissance du troisième parce

que ses médecins, qui étaient pourtant conscients du risque qu’elle courait, ont refusé de

signer un certificat pour lui permettre d’avorter. Se trouvant ainsi confrontée à un déni de

justice total puisqu’il n’existe pas en Pologne de juridiction compétente pour traiter son cas,

cette femme a décidé de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Comment pouvions-

nous vouloir une Europe qui accepte que des femmes puissent subir de tels traitements, de

tels non-droits ?

33 Sur le sujet des violences, il faut en France une loi-cadre, comme il en existe en Espagne,

qui instaure une peine deux fois plus lourde lorsqu’une femme est victime de violences. Cette

mesure peut paraître injuste à certains, mais elle va au contraire dans le sens d’une plus

grande justice dans la mesure où elle permet de compenser le rapport de force qui existe dans

tout phénomène de violence à l’égard des femmes, qu’il soit physique, moral, économique,

social ou psychologique.

Par ailleurs, n’est-ce pas une violence démocratique que de voir la loi sur la parité pervertie et

tournée en ridicule ? En effet, il suffit aujourd’hui d’être un parti riche pour rejeter les femmes

et s’acheter des candidats masculins alors qu’à l’origine, la loi sur la parité devait amener un

changement radical, une révolution démocratique.

Pour finir, je souhaiterais transmettre aux jeunes et aux femmes le message suivant : ne vous

résignez jamais !

« NE VOUS RÉSIGNEZ JAMAIS ! »

page 20 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Le clivage socio-économique est fondamental en matière de violences

faites à notre corps, qu’il s’agisse d’IVG ou de prostitution.

CG93_Observatoire_Violences.indd20 20CG93_Observatoire_Violences.indd20 20 19/12/06 15:57:4019/12/06 15:57:40

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 21

NOTES

CG93_Observatoire_Violences.indd21 21CG93_Observatoire_Violences.indd21 21 19/12/06 15:57:4119/12/06 15:57:41

en 2000, en France, l’État et les instances statistiques ont

reconnu que la violence envers les femmes était un sujet

CG93_Observatoire_Violences.indd22 22CG93_Observatoire_Violences.indd22 22 19/12/06 15:57:4219/12/06 15:57:42

TOUTES CHOSES INÉGALES :

LES DISCRIMINATIONS HOMMES / FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL

CG93_Observatoire_Violences.indd23 23CG93_Observatoire_Violences.indd23 23 19/12/06 15:57:4219/12/06 15:57:42

page 24 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

À PROPOS DU FILM « FEMMES PRÉCAIRES » RÉALISÉ PAR MARCEL TRILLAT

Réalisateur

Réalisateur

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

MARCEL TRILLAT

L’extrait que l’on va voir fait partie du troisième volet d’une trilogie sur le monde du travail.

Le premier, 300 jours de colère, portait sur la lutte de salariés à la suite de la liquidation de

leur entreprise. Le second, Les Prolos, est un voyage dans le monde industriel. Nous avons

ensuite souhaité aborder la question des femmes car, en échangeant avec des sociologues,

nous nous sommes aperçus qu’une frange importante du salariat, 3,5 millions de salariés,

gagnait moins que le SMIC. Il s’agit de personnes qui travaillent à temps partiel imposé et qui

sont à 80 % des femmes. Nous avons donc décidé de traiter de la précarité et de l’exploitation

spécifique des femmes. Le film se compose de cinq portraits de femmes. J’ai choisi un extrait

de l’un de ces portraits.

MARCEL TRILLAT

Nous avons affaire à une armée des ombres. Même si nous savons qu’elles existent, il s’agit

de personnes que nous ne voyons pas, que nous ne croisons même pas puisque souvent leurs

horaires sont décalés. Nous souhaitions donc leur rendre le droit à la parole et montrer leur

courage.

ERNESTINE RONAI

Lors des émeutes urbaines de novembre, les femmes seules avec enfants ont été fortement

stigmatisées. Ce film permet de leur rendre hommage et de montrer qu’elles ne ménagent pas

leurs efforts pour réussir à garder la tête hors de l’eau. C’est la raison pour laquelle je voulais

le projeter.

MARCEL TRILLAT

La première projection s’est très mal passée parce qu’un responsable de France 2 trouvait que

ces femmes étaient « trop clean ». Les femmes pauvres devaient nécessairement être

délinquantes ou avoir des enfants délinquants. Je lui ai répondu qu’effectivement la télévision

aime montrer ce type de situations marginales. Pour une fois, on allait montrer toutes les

autres, celles dont on ne parle jamais et qui représentent l’immense majorité.

Réalisateur

CG93_Observatoire_Violences.indd24 24CG93_Observatoire_Violences.indd24 24 19/12/06 15:57:4219/12/06 15:57:42

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 25

Je m’appelle Fabienne Vitejot. J’ai 34 ans, je suis séparée,

j’ai 3 enfants. Je travaille en tant qu’agent d’entretien à

temps partiel dans une société de nettoyage et je gagne

770 euros par mois.

EN IMAGES

J’ai eu des chantiers où j’embauchais le matin à 5 h et où je débauchais à 20 h-21 h.

Vous savez, ramasser – pardonnez-moi l’expression – la merde des gens, c'est pas

forcément très plaisant mais bon j’aime bien venir travailler ici parce qu’il y a une

bonne ambiance avec tout le monde, faut se faire respecter, d’abord on est des

femmes donc y en a qui se croient tout permis, des bonshommes... et puis... c’est

pas parce qu’on est femme de ménage que forcément on est plus bête... c’est pas

marqué sur notre front.

Y a des matins où je m’en vais à 6 heures moins le quart travailler, y a des matins où

comme ce matin je pars à 7 heures et demi, tout dépend des horaires que j’ai. Donc

généralement quand je me lève à 6 moins le quart, c'est le grand qui s’occupe avant de

partir au collège de réveiller les petits, tout ça... bon le petit déj est prêt tout ça. Puis moi

je les appelle avant d’embaucher à 8 heures moins 5, pour savoir si tout va bien, s’ils sont

prêts voilà pour qu’ils partent à l’école. Généralement ils ne sont jamais en retard

à l’école. Donc ils sont toujours à l’heure. Quand je m’en vais à 7 heures et demi ça me

permet de les voir quand même un petit peu le matin, de m’occuper du petit tout ça.

EXTRAIT DU FILM

CG93_Observatoire_Violences.indd25 25CG93_Observatoire_Violences.indd25 25 19/12/06 15:57:4319/12/06 15:57:43

ISABELLE PUECH

33 On observe aujourd’hui, en France, une relative parité entre les hommes et les femmes

sur le marché du travail, mais qui ne va cependant pas de pair avec une réelle mixité, ni avec

une réelle égalité. Il y a parité puisque sur 12 millions de personnes sur le marché du travail,

46 % sont des femmes. Leur participation au marché du travail n’est d’ailleurs pas

un phénomène nouveau : les femmes ont toujours travaillé comme l’ont montré

les historiennes. Mais, depuis les années 1960, cette participation a connu des

évolutions considérables.

33 L’activité féminine s’est en effet très fortement accélérée, beaucoup plus

rapidement que celle des hommes : 6 millions de femmes au début des années

1960, plus de 12 millions aujourd’hui. En 40 ans, la part de femmes présentes sur

le marché du travail a doublé, et cela malgré la crise économique qui a fait son

apparition au début des années 1980.

33 Autre évolution : les femmes travaillent, y compris aux âges de la maternité.

C’est un autre trait marquant : les courbes d’activité des femmes sont de plus en

plus continues, le modèle dominant n’est plus celui du choix : travailler ou avoir

des enfants, ni celui de l’alternative : travailler, s’arrêter pour élever ses enfants, puis

reprendre une activité. Non, la norme sociale dominante, c’est le cumul : travailler, y compris

lorsqu’elles ont des enfants 1.

33 Malgré ces évolutions, de nombreuses inégalités entre les sexes demeurent ou se

déplacent. En matière de taux de chômage 2, notamment, les écarts entre les hommes et les

femmes, depuis une dizaine d’années, tendent à se réduire. Mais les femmes sont toujours

davantage touchées, avec un taux de 11,2 %, contre 8,9 % pour les

hommes. Et cet écart est encore plus grand parmi les jeunes. Un quart des

femmes de moins de 25 ans sont au chômage, contre 20 % des jeunes

hommes. Il y a en outre, chez les femmes, un effet de cumul des inégalités

particulièrement marqué qui aboutit à un taux de chômage très fort chez les jeunes femmes

étrangères de moins de 25 ans. Le tiers d’entre elles est au chômage, contre 27 % des hommes

étrangers de moins de 25 ans (enquête emploi, Insee).

Sociologue

L’ENTRÉE MASSIVE DES FEMMES DANS LE SALARIAT DEPUIS LES ANNÉES SOIXANTE N’A PAS FAIT DISPARAÎTRE LES DISCRIMINATIONS TOUCHANT À LA NATURE DES EMPLOIS, AUX STATUTS PROFESSIONNELS ET AUX RÉMUNÉRATIONS.LA SITUATION DE CELLES QUI SONT CONTRAINTES AU TRAVAIL PARTIEL ET PRÉCAIRE EST PARTICULIÈREMENT PRÉOCCUPANTE.

Malgré les évolutions réelles, de nombreuses inégalités

entre les sexes demeurent ou se déplacent.

FEMMES ET HOMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : DES INÉGALITÉS PERSISTANTES

page 26 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

1. M. Maruani, Travail et emploi

des femmes, La Découverte,

coll. Repères, 2003.

2. Taux de chômage global en 2003 :

9,9 %.

CG93_Observatoire_Violences.indd26 26CG93_Observatoire_Violences.indd26 26 19/12/06 15:57:4419/12/06 15:57:44

33 Autre inégalité : les écarts de salaire. Ils se sont eux aussi globalement réduits au cours du

temps, mais les femmes continuent à être moins bien payées que les hommes. Dans le secteur

privé et pour les salariés à temps complets, les salaires nets annuels moyens des femmes

représentent 80 % de ceux des hommes (Meurs, Ponthieux, 2005). Ces écarts peuvent

s’expliquer en partie par le fait qu’hommes et femmes n’occupent pas les

mêmes types d’emplois, je vais y revenir. Cela dit, même lorsque l’on

raisonne toutes choses égales par ailleurs, il y a toujours un résidu de

l’ordre de 11 à 13 %, qui ne s’explique que par de la discrimination pure à

l’égard des femmes. Ces écarts de salaire sont présents à tous les niveaux

de la hiérarchie sociale, y compris aux niveaux les plus élevés. Les femmes, de plus en plus

diplômées, y sont de plus en plus nombreuses, ce qui constitue une avancée certes

considérable, mais en demi-teinte.

33 Depuis les années 1970 (moment où la mixité a été généralisée à presque tous les

établissements), il y a en France plus de bachelières que de bacheliers et plus d’étudiantes

que d’étudiants. Non seulement les filles sont plus nombreuses que les garçons, à l’école et

dans l’enseignement supérieur, mais aussi elles réussissent mieux. Les

progrès d’éducation des filles leur ont permis d’accéder à des emplois de

cadres et de techniciens (emplois qui se sont le plus rapidement

développés ces dernières années), à des professions intellectuelles

supérieures prestigieuses, autrefois réservées aux hommes, dans le

domaine du droit (46 % de femmes parmi les professionnels du droit

en 2002, contre 28 % en 1982), ou de la médecine par exemple (la part

des femmes parmi les médecins est passée de 36 à 43 % entre 1982 et 2002).

33 Mais dans ces emplois, les femmes occupent les fonctions et les postes les moins prestigieux

et les moins bien rémunérés. Ce sont des emplois qui font appel à des qualités qui seraient

« naturellement féminines » (capacité d’écoute, qualités relationnelles, minutie, patience,

dextérité), des qualités qui ne sont pas reconnues comme de véritables qualifications

professionnelles, qui ne sont donc pas rémunérées à leur juste valeur, contrairement aux qualités

que l’on va attribuer au sexe masculin : capacité à commander, habileté technique, créativité.

Dans le secteur privé et pour les salariés à temps complets,

les salaires nets annuels moyens des femmes représentent 80 %

de ceux des hommes.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 27

Les progrès d’éducation des filles leur ont permis d’accéder à des

emplois de cadres et de techniciens, et à des professions intellectuelles

supérieures… Mais elles y occupent les postes les moins prestigieux et

les moins bien rémunérés.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd27 27CG93_Observatoire_Violences.indd27 27 19/12/06 15:57:4519/12/06 15:57:45

33 Au bas de la hiérarchie sociale, le phénomène de déni de qualification à l’égard des femmes

est encore plus marqué. Il contribue fortement à confiner les plus vulnérables dans des

emplois socialement dévalorisés et sous-payés : femme de ménage, caissière, vendeuse.

Ce sont des emplois précaires, parce qu’ils sont à temps partiel (30 %

des femmes présentes sur le marché du travail sont à temps partiel, contre

5 % seulement des hommes), et/ou parce qu’il s’agit de CDD, de stages

ou de contrats aidés. Aujourd’hui, 60 % de ces contrats temporaires et

plus de 80 % des emplois à temps partiel sont occupés des femmes.

Ces femmes sont surreprésentées parmi les emplois non qualifiés : 61 %

des salariés non qualifiés sont des femmes alors que 69 % des emplois qualifiés le sont par

des hommes. Leur nombre alimente ce que l’on appelle aux États-Unis la classe des working

poors, les travailleurs pauvres.

33 En France, parmi les 3,4 millions de travailleurs pauvres, c’est-à-dire de personnes qui

touchent moins que le Smic, 80 % sont des femmes qui travaillent, le plus souvent, à temps

partiel. Je voudrais insister sur ce point car, aujourd’hui encore dans les médias, les discours

des politiques, les représentations sociales intériorisées par les hommes et aussi par certaines

femmes, le temps partiel serait un aménagement du temps de travail, choisi par les femmes

pour mieux concilier travail et famille. Le temps partiel choisi est un mythe : aujourd’hui, en

France, 1 400 000 personnes sont en situation de sous-emploi. Et c’est

cette forme-là de temps partiel qui a le plus fortement augmenté au cours

des vingt dernières années. Or qui dit sous-emploi, dit horaires décalés,

fragmentés, imprévisibles, des horaires qui complexifient, plus qu’ils ne

facilitent, la gestion des charges familiales. Et puis, qui dit temps partiel

dit salaire partiel, c’est-à-dire pauvreté. Le temps partiel est, depuis 20 ans, l’un des moteurs

de la dynamique de l’emploi en France. Si cette forme d’emploi est autant féminisée, c’est

avant tout parce que les employeurs y ont massivement recours dans les entreprises du

secteur tertiaire où l’activité féminine se concentre. Ils ont besoin d’adapter les horaires de

leurs salariés au plus près des flux de clientèle plus ou moins importants selon les moments

de la journée ou de la semaine. Le développement du temps partiel a été très fortement

encouragé par les pouvoirs publics à partir du début des années 1980, c’est-à-dire lorsque la

crise économique est apparue comme une crise durable de l’emploi. Dès lors, ils ont multiplié,

Au bas de la hiérarchie sociale, le phénomène de déni de qualification

à l’égard des femmes est encore plus marqué. Il contribue fortement à confiner

les plus vulnérables dans des emplois socialement dévalorisés.

FEMMES ET HOMMES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL : DES INÉGALITÉS PERSISTANTES

page 28 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Le temps partiel choisi est un mythe. Parmi les 3,4 millions de personnes

qui touchent moins que le Smic, 80 % sont des femmes qui travaillent,

le plus souvent, à temps partiel.

CG93_Observatoire_Violences.indd28 28CG93_Observatoire_Violences.indd28 28 19/12/06 15:57:4619/12/06 15:57:46

pendant deux décennies, des dispositifs incitatifs qui ont rendu, pour les employeurs, le

temps partiel très attrayant, tant du point de vue de son coût (allègement de charges octroyé

en cas d’embauches à temps partiel) que de son organisation (souplesse des horaires…).

La création d’emplois à temps partiels répond donc avant tout à une volonté des pouvoirs

publics et des employeurs. Aujourd’hui, dans 52 % des cas, le temps partiel est un temps

partiel d’embauche. Lorsque des salariés déclarent ne pas souhaiter travailler plus, on

constate que ce sont des femmes qui ont de très lourdes charges familiales. On ne peut donc

pas dire que cette forme de temps partiel soit librement choisie. C’est davantage une solution

de contrainte car elles assument 80 % du noyau dur des tâches domestiques et familiales.

33 Qu’elle prenne la forme du sous-emploi ou d’un contrat de travail temporaire, la précarité

est acceptée par les femmes faute de mieux, et par nécessité financière. On est loin ici de

l’idée selon laquelle le salaire des femmes serait un simple « salaire d’appoint ». C’est au

contraire un salaire vital pour la famille qui est souvent monoparentale ou dans laquelle les

deux conjoints sont frappés par la précarité. Cette précarité est protéiforme, elle dépasse

souvent la sphère du travail, pour toucher au problème du logement, du mode d’accueil des

enfants. Elle a aussi des incidences au-delà de la période de la vie active. On est en droit de

se demander ce qu’il va advenir de ces milliers de travailleuses à temps partiel au moment de

prendre leur retraite. Des femmes vont certainement être amenées à

travailler plus longtemps que les hommes pour valider suffisamment de

trimestres et pour percevoir un montant de retraite qui risque d’être

dérisoire.

Même si les disparités sexuées en matière de retraite diminuent avec les

générations et devraient encore se réduire avec l’augmentation du taux

d’activité féminine et le resserrement des écarts sexués en matière de

durée de vie professionnelle, tout porte à penser que la précarité croissante de l’emploi des

femmes risque de maintenir les écarts entre les sexes au moment de la retraite 3.

On est en droit de se demander de ce qu’il va advenir de ces milliers

de travailleuses à temps partiel au moment de prendre leur retraite.

Des femmes vont certainement être amenées à travailler plus

longtemps que les hommes.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 29

3. P. Concialdi, « Les retraites :

quel avenir pour les femmes ? »,

Travail, genre et sociétés, n°9,

avril 2003, p.240-245.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd29 29CG93_Observatoire_Violences.indd29 29 19/12/06 15:57:4719/12/06 15:57:47

ISABELLE MASSARD

33 Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de nombreux textes sur l’égalité

professionnelle sont parus, mais ils restent peu ou mal appliqués.

Dès le 27 octobre 1946, la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux de

l’homme dans tous les domaines. En 1975, elle interdit les discriminations

sexuelles à l’embauche. Par la suite, la loi Roudy, parue le 13 juillet 1983, a été

complétée par la loi Génisson, le 9 mai 2001.

33 Cependant, malgré l’existence d’un certain nombre d’outils, l’égalité

professionnelle ne progresse pas. Un changement de mentalités doit s’opérer

partout, et notamment dans les organisations syndicales. Même si la CGT milite

pour l’égalité entre hommes et femmes, ce dossier est peut-être moins porté que

d’autres. Il faut que des femmes s’en emparent pour le faire avancer. Cette

situation est regrettable car l’avancée de l’égalité entre hommes et femmes

constitue également un progrès pour les hommes. Toutefois, la CGT a profité des

négociations de l’accord national interprofessionnel pour faire avancer cette question.

33 Signé par l’ensemble des organisations syndicales et le MEDEF, le 1er mars 2004, cet accord

contraint les entreprises à traiter l’égalité professionnelle à travers plusieurs chapitres :

l’évolution des mentalités, l’orientation, le recrutement, la formation professionnelle continue

et l’égalité salariale. Cet accord a également introduit un certain nombre

d’outils pour permettre aux entreprises de mettre en œuvre la loi Génisson

et la loi Roudy. Il donne aux délégués du personnel, au comité d’entreprise

et au CHSCT la possibilité d’intervenir sur ces questions. Il oblige

également le chef d’entreprise à produire un rapport écrit sur la situation

comparée des conditions générales de l’emploi et de la formation des femmes et des hommes

dans l’entreprise, ceci afin de proposer des avancées. Enfin, la direction doit également

s’engager sur des questions précises.

Syndicaliste CGT en Seine-Saint-Denis

LE 1ER MARS 2004, UN ACCORD SIGNÉ PAR L’ENSEMBLE DES ORGANISATIONS SYNDICALES ET LE MEDEF ENGAGE LES ENTREPRISES À APPLIQUER LES LOIS SUR L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE. IL DONNE AUX DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL,AU COMITÉ D’ENTREPRISE, ET AU CHSCT, LA POSSIBILITÉ D’INTERVENIR SUR CES QUESTIONS.

Dans leur ensemble, les syndicats ne se sont pas appropriés les lois

votées en faveur de l’égalité des sexes au travail. Ils y viennent,

… mais lentement.

POINT DE VUE D’UNE SYNDICALISTE

page 30 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd30 30CG93_Observatoire_Violences.indd30 30 19/12/06 15:57:4819/12/06 15:57:48

33 On relève des exemples de bonnes pratiques dans certaines entreprises. Par exemple,

Renault a décidé de verser aux hommes 100 % de leur salaire dans le cadre du congé paternité,

alors que la loi ne prévoit qu’une rémunération à 80 %. EDF et Gaz de France ont choisi

de réaliser des augmentations individuelles supplémentaires afin que

les salariés à temps partiels choisis et à temps partiels imposés ne soient

pas pénalisés.

33 Chez Thalès, la salariée dont le contrat de travail est suspendu dans le cadre d’un congé

maternité ou d’adoption bénéficie d’une augmentation au moins égale à la moyenne de sa

catégorie à la même date d’effet que ses collègues. Enfin, dans le cadre de l’accord national

interprofessionnel, la RATP a décidé d’attribuer aux hommes les aides financières liées à la

garde d’enfant qui étaient auparavant réservées aux femmes.

33 Ces exemples restent relativement marginaux au regard de l’ensemble des entreprises en

France. Néanmoins, nous constatons une amélioration depuis la loi de mai 2001 et l’accord

national interprofessionnel car l’intervention des représentants du personnel permet de faire

évoluer les choses. En outre, un label égalité a été créé à la suite de cet accord pour

récompenser une entreprise qui met en place des bonnes pratiques en matière d’égalité

professionnelle. Cette initiative incite certaines entreprises à se mobiliser sur le sujet.

33 À la Cgt, nous avons mis au point, en interne, une formation à la surveillance des pratiques

des entreprises adressée aux militants, aux représentants du personnel, aux représentants

syndicaux et aux dirigeants.

Les exemples de bonnes pratiques dans les entreprises restent

relativement marginaux.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 31

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd31 31CG93_Observatoire_Violences.indd31 31 19/12/06 15:57:4919/12/06 15:57:49

Syndicaliste Cgt

Association Africa

Collectif national des droits des femmes

GILLES GARNIER

33 Les entreprises citées par Isabelle Massard se caractérisent par un taux de syndicalisation

plus important que la moyenne. Ceci montre la nécessité de la présence syndicale sur le

terrain pour favoriser la mise en place des bonnes pratiques.

MAYA SURDUTS

33 Tant que la loi ne prévoira pas de pénalisations, nous n’avancerons pas sur le thème de

l’égalité professionnelle. Il est cependant possible de lutter. Ainsi, le Collectif national des

droits des femmes, qui avait mené une campagne dans les années 1997-1998 contre le temps

partiel imposé, a finalement obtenu la suppression des exonérations de charges pour le travail

à temps partiel dans la loi Aubry 2. Le Collectif a également décidé de se focaliser sur l’emploi

des femmes à l’occasion du 8 mars. À la veille de la manifestation contre le CPE et le CNE, nous

souhaitons nous mobiliser sur la question.

NADJA

33 Comme Maya Surduts, je milite également pour que soient prises des sanctions fermes

à l’égard du patronat sur le sujet de l’égalité salariale. La signature d’un accord national et

la mise en place de négociations dans les entreprises constituent une avancée. Néanmoins,

depuis 20 ans, les lois se succèdent sans que nous réussissions à obtenir l’égalité

professionnelle. Nous devons donc nous demander pourquoi nous n’avons pas réussi à

obtenir de résultats, au moins sur le plan de l’égalité salariale. En effet, nous avons réussi

à faire condamner des patrons parce qu’ils refusaient de recruter des salariés de couleur,

ainsi que des agents immobiliers qui refusaient de louer des appartements à des étrangers.

Tant que nous n’aurons pas réussi à faire condamner des entreprises, en particulier du secteur

privé, nous n’arriverons pas à progresser. Dans cette perspective, je propose aux syndicats, et

en particulier à la CGT qui constitue la première organisation dans le pays, de lancer une grève

pour faire condamner les entreprises.

ISABELLE MASSARD

33 Je partage cette préoccupation. Néanmoins, il faut avant tout que les salariés concernés

dénoncent la situation afin que nous puissions engager une procédure.

ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES

Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

page 32 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd32 32CG93_Observatoire_Violences.indd32 32 19/12/06 15:57:4919/12/06 15:57:49

Députée de la Seine-Saint-Denis

Syndicaliste CFTC et membre de l’Observatoire

Directrice de la prévention et de l’action sociale au Conseil général

de Seine-Saint-Denis

Sociologue ISABELLE PUECH

33 Il convient de rappeler que les syndicats sont peu présents dans les secteurs les plus

dérégulés où les femmes sont surreprésentées. La précarisation étant un obstacle à la

syndicalisation, nous devons réfléchir à la manière dont il est possible d’identifier la

délinquance de certaines entreprises en vue de la combattre.

MATHILDE SACUTO

33 Les femmes se sont toujours battues sur le plan syndical pour leurs droits et leurs salaires,

même si leurs actions n’ont pas été identifiées comme des actions féministes. La date de la

journée internationale des femmes a été choisie en référence à des luttes d’ouvrières

notamment pour leurs droits et leurs salaires. Il s’agit donc d’une journée de lutte. Il convient

de le rappeler car tout ce qui peut être obtenu du patronat ne pourra l’être que par la lutte.

DANIÈLE COUSSOT

33 Dans les entreprises, nous sommes peu de femmes syndiquées à nous battre pour l’égalité.

Nous avons souvent du mal à mobiliser les personnes, à les faire témoigner et nous n’arrivons

pas toujours à faire ce que nous voulons lorsque les élus et représentants du personnel

sont majoritairement des hommes. Il faudrait que d’autres femmes viennent nous rejoindre

pour que nous parvenions à les faire agir davantage. Croyez-moi, nous luttons de toutes

nos forces.

MUGUETTE JACQUAINT

33 S’il est important de veiller à ce que la représentation paritaire dans les organisations

syndicales corresponde à la réalité actuelle du monde du travail, il faut également que

l’ensemble des femmes et des hommes qui composent les organisations syndicales se

saisisse de la question de l’égalité professionnelle. Très longtemps, cette question était

reléguée au second plan, en l’absence de femmes dans les syndicats ou dans certaines

entreprises. Il est vrai que l’accord national interprofessionnel a permis de faire évoluer les

choses en 2004. Néanmoins, des efforts importants sont encore nécessaires. Des exemples

de bonnes pratiques ont été cités dans de grandes entreprises comme la RATP. Cependant,

le tissu économique actuel, en particulier en Seine-Saint-Denis, est principalement composé

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 33

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd33 33CG93_Observatoire_Violences.indd33 33 19/12/06 15:57:5019/12/06 15:57:50

Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

Responsable de l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes

de PME où il est souvent difficile d’organiser le syndicalisme. Au magasin Leader Price de

La Courneuve, les salariés ont réussi à mettre en place une section syndicale, alors que la

direction fait tout pour empêcher cette organisation.

Par ailleurs, plutôt que de créer de nouveaux textes de lois, il importe de faire respecter ceux

qui existent. Nul n’étant censé ignorer la loi, les employeurs qui ne la respectent pas doivent

donc être condamnés.

ERNESTINE RONAI

33 Les lois qui concernent les femmes ne sont pas assez contraignantes pour pouvoir instaurer

l’égalité salariale, même dans les entreprises qui ont été citées. Ce constat concerne

également les lois récentes qui viennent d’être votées sur les violences dans le couple et se

caractérisent par l’absence de moyens associés (police, justice, hébergement). En effet, en

l’absence de moyens et de contraintes fortes, les lois ne sont pas appliquées. Cette situation

explique en partie la difficulté des salariés à se mobiliser. Nous devons donc continuer à

dénoncer les discriminations sexistes et rappeler que la domination des hommes sur les

femmes dans la société constitue le socle des inégalités et que cela favorise les violences

sexistes.

GILLES GARNIER

33 Comme le montre le film de Marcel Trillat, l’organisation du travail est telle que certaines

salariées ont peu l’occasion de retrouver leurs collègues ou d’accéder aux représentants

syndicaux. Il faut donc rompre l’isolement de ces femmes. De plus, les entreprises font de plus

en plus souvent appel à la sous-traitance et ne sont pas directement en contact avec les

salariés. Dans ce cas, il faut que le donneur d’ordre soit très ferme sur les conditions de travail

que ces entreprises garantissent à leurs salariés. Les collectivités, qui sont également

concernées, doivent prévoir des clauses contraignantes en matière sociale dans leurs appels

d’offres.

ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES

page 34 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd34 34CG93_Observatoire_Violences.indd34 34 19/12/06 15:57:5119/12/06 15:57:51

Sociologue

Syndicaliste Cgt à EDF-GDF MARTINE MARCHAND

33 Les femmes représentent 47 % du salariat, mais seulement 20 % des syndiqués à la CGT. En

tant que syndicaliste à EDF-GDF, depuis près de vingt ans, je constate que le travail est très

difficile. Dans ce domaine, il ne faut pas opposer public et privé. Il convient au contraire de

rappeler que le statut de certaines structures comme EDF est privilégié parce qu’il a été acquis

au travers de luttes en 1946-1947, et qu’il est mis à mal à l’heure actuelle.

Associations, syndicats, partis politiques, nous devons tous être mobilisés sur cette question.

Mère de quatre enfants, je suis choquée de savoir qu’une femme meurt en France tous les

quatre jours. Lorsqu’une femme se fait battre par son mari et qu’elle se rend au commissariat,

elle doit parfois essuyer des remarques déplacées. De plus, peu de structures d’accueil sont

prévues pour la protéger et la séparer de son compagnon. Très souvent, ces femmes sont

obligées de rentrer au domicile conjugal au péril de leur vie. Cette journée est extrêmement

importante parce qu’elle nous permet de nous réunir sur ces questions. Il faudrait cependant

que nous puissions nous retrouver plus d’une fois par an.

ISABELLE PUECH

33 Nous avons parlé des violences faites aux femmes dans la sphère privée et les discriminations

dont elles sont victimes sur le marché du travail, mais nous n’avons pas fait le lien entre ces

deux questions. Or ceci me paraît fondamental. En effet, ces femmes qui sont victimes de

violences n’ont souvent pas les moyens de quitter le domicile conjugal. En ce sens,

l’indépendance économique et une rémunération décente constituent des conditions

essentielles pour combattre les violences dans la sphère privée.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 35

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd35 35CG93_Observatoire_Violences.indd35 35 19/12/06 15:57:5219/12/06 15:57:52

en 2000, en France, l’État et les instances statistiques ont

reconnu que la violence envers les femmes était un sujet

CG93_Observatoire_Violences.indd36 36CG93_Observatoire_Violences.indd36 36 19/12/06 15:57:5319/12/06 15:57:53

VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SUR LE LIEU DE TRAVAIL

CG93_Observatoire_Violences.indd37 37CG93_Observatoire_Violences.indd37 37 19/12/06 15:57:5419/12/06 15:57:54

TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL

Pour que nous puissions nous

représenter en quoi consistent les

violences sexistes au travail et le vécu

des femmes qui en sont victimes, nous

avons demandé à l’Association

européenne des violences faites aux

femmes au travail de nous présenter

des témoignages.

33 Il m’obligeait, me donnait ordre de nettoyer la cuisine, laver l’évier qui avait été sali par

le personnel et de faire les W.C. Il me rabaissait sans arrêt avec des expressions telles que :

« Tu n’es bonne à rien », « Pauvre Jo, pauvre fille », « Si je n’étais pas là, il y a longtemps que

tu aurais été virée », « Tu ne monteras jamais en grade, pauvre conne », « Tu ne vaux rien »,

« Tu ne sais pas lire, pas écrire ». Il m’obligeait également à lui servir à boire : « Jo, fais un Kir

à ton chef et tu serviras ta chef ».

33 Fin Octobre 2000, j’ai remplacé une collègue à son agence de Romainville, alors que j’aurai

dû être en repos hebdomadaire ce samedi-là. J’ai appelé monsieur H., en fin de journée, pour

lui demander ce que je devais faire de la clef de l’agence. Sa réponse : « Tu ramènes la clef

à Montreuil, tu me feras une pipe et tu suceras Noëlle, puis tu pourras rentrer chez toi ».

À mon retour de vacances, monsieur H. m’a donné l’ordre de fermer l’agence

dans laquelle je travaillais ce jour-là, d’aller déjeuner avec lui et ensuite

de l’accompagner dans un lieu à Saint-Maur, où il m’a dit y avoir des saunas

et groupes d’échangistes. J’ai refusé, j’ai tout refusé.

33 En représailles, depuis ce jour, monsieur H. s’est arrangé pour me

supprimer mon bureau, mon ordinateur ; je n’ai plus eu accès aux dossiers,

très peu accès au téléphone. Il m’obligeait à me soumettre aux volontés

de la responsable de l’agence de Montreuil. J’ai donc été parachutée sur

un coin de table, dans la cuisine pendant quatre mois.

JOËLLE, 43 ANS, 2 ENFANTS,

SECRÉTAIRE D’UNE SOCIÉTÉ DE POMPES FUNÈBRES

BASÉE À MONTREUIL, 2 JANVIER 2001

33 « Je viens vous faire part de harcèlement sexuel et moral

concernant ma personne du fait de mon chef de secteur,

monsieur H. et ce, depuis mon entrée dans la société, le

13 mars 1996. Ces faits se sont fortement aggravés depuis

septembre 2000.

page 38 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd38 38CG93_Observatoire_Violences.indd38 38 19/12/06 15:57:5419/12/06 15:57:54

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 39

TÉMOIGNAGES

33 Il a également attenté à la pudeur de mon fils qui était âgé de 11 ans. Pendant que j’étais occupée

avec une cliente, mon fils qui était venu à mon travail m’attendait dans mon bureau en présence de

monsieur H. J’ai entendu mon fils dire : « Non, non, arrête ! Laisse-moi ! ». Je suis donc allée rapidement

vers mon bureau et ai constaté que la lumière du plafond était éteinte, que mon fils était à terre et que

son pantalon était baissé. Monsieur H. lui tirait sur son pantalon, mon fils essayait de se protéger. Je me

demande ce qui serait advenu de mon fils sans mon intervention. Je me suis mise en colère. Je n’avais

jamais parlé de ces faits à quiconque, sauf à ma mère qui ne voulait plus que les enfants descendent

au travail.

33 J’ai dû subir toutes ces insultes sans rien dire. Depuis mon entrée

dans la société, à maintes reprises, j’ai dû subir des paroles, des

actes désobligeants. Pour ainsi dire journellement, il profitait de

passer près de moi pour se coller, me toucher, avoir des gestes

déplacés, des paroles grossières et pornographiques.

33 J’ai également eu des appels téléphoniques de ses amis qui me

disaient connaître mon aspect physique, alors que je ne les avais

jamais rencontrés. Par ailleurs, monsieur H. se permettait de me

téléphoner chez moi pendant mes jours de repos et me tenait des

propos obscènes le matin vers huit heures. J’ai fini par acheter un

répondeur. À plusieurs reprises, en arrivant au bureau, monsieur H.

me laissait un post-it avec les termes suivants : « Jo, tu suces ? »,

« Je vais te baiser. », « T’es-tu fait une caresse ce matin, en pensant

à moi ? ». À plusieurs reprises, il m’a également dit vouloir mettre

un poster de moi au plafond de sa chambre à coucher, afin de

pouvoir me regarder, pendant qu’il b.... sa femme. Tout ceci dure

depuis 1996.

33 Par ailleurs, je dois porter à votre connaissance qu’il a tenu des

propos déplacés à ma fille ainsi qu’à trois de ses amies, tels que : « Je

serai le premier. », « Ça ne fait pas mal. », « Une bite ne mord pas. »,

« J’ai un studio à Paris pour toi, tu verras tu gagneras beaucoup

d’argent ». Les enfants étaient alors âgés de 14 et 15 ans.

CG93_Observatoire_Violences.indd39 39CG93_Observatoire_Violences.indd39 39 19/12/06 15:57:5619/12/06 15:57:56

33 Vivant toute seule avec mes deux enfants, j’avais peur de perdre mon emploi

qui était vital pour nous. Je me suis décidée à parler car je ne peux plus

supporter tout cela et en ai fait part à notre Pdg lors de notre entretien du mardi

26 décembre 2000. Quand je suis à l’agence de Vincennes ou à l’agence de

Romainville, où je travaille seule, monsieur H. se fait un malin plaisir de venir

en début d’après-midi pour m’enfermer à clef

dans l’agence avec lui. Il retire sa veste,

commence à retirer sa cravate, puis quand je me

mets en colère en élevant la voix, il repart en me

disant : « Pauvre conne, tu fais chier ! ».

33 En ce moment, je suis en arrêt de travail

car j’ai craqué nerveusement. J’ai donc décidé

de déposer plainte et je demande votre

assistance. »

TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL

page 40 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

La condition d’abus d’autorité en matière de harcèlement sexuel a été supprimée du code

du travail par la réforme du 17 janvier 2002. Malheureusement les faits subis par madame D.

se situent avant cette réforme, ce qui explique qu’elle se voit appliquer cette condition absurde,

laissée à la libre appréciation des juges d’instructions et des magistrats. En effet, en quoi de tels

propos ne peuvent-ils pas être interprétés en l’espèce comme un abus d’autorité ? Trouve-t-on

normal de sortir du registre professionnel et d’user de tels propos discriminants et violents sans

abuser de son pouvoir ? Concernant les fins d’obtenir des faveurs sexuelles, un arrêt de la cour

d’appel de Bordeaux du 1er octobre 1997 a précisé que « la jurisprudence ne limite pas la notion

de faveurs sexuelles au coït proprement dit, mais l’étend aux simples contacts physiques

imposés et aux propos à connotation sexuelle dont l’objet est de provoquer la victime

afin d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ou de l’injurier en raison du refus ».

L’affaire n’a jamais pu être jugée, la juge d’instruction

ayant rendu une ordonnance de non-lieu en avril 2004,

cela a donné lieu à une poursuite de la victime

pour dénonciation calomnieuse. L’audience est prévue

dans quelques mois, au tribunal de grande instance

de Bobigny. L’ordonnance de non-lieu était rédigée

en ces termes :

« L’instruction permettait de mettre en évidence qu’en ce qui concerne les enfants de madame D., ceux-ci attestaient d’un

langage déplacé de monsieur H., de plaisanteries lourdes comme le « chahut » dont le fils avait fait l’objet, mais ils n’en

gardaient aucun trouble psychologique et avaient compris que ce comportement était dénué de toute dangerosité. »

« L’instruction permettait également de relativiser les faits de harcèlement sexuel dénoncés par madame D., monsieur H.

tenait en effet des propos grossiers, il en convenait, mais aucun élément matériel n’avait pu être recueilli afin d’établir

un abus d’autorité de monsieur H. à l’égard de madame D. aux fins d’obtenir de celle-ci des faveurs sexuelles. »

« En conséquence l’information n’a pas permis d’établir la véracité des faits dénoncés et un non-lieu sera requis. »

CG93_Observatoire_Violences.indd40 40CG93_Observatoire_Violences.indd40 40 19/12/06 15:57:5619/12/06 15:57:56

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 41

33 À plusieurs reprises, il m’a dit ses relations d’amitié avec monsieur R., directeur de la visite

médicale, qu’il avait tout le soutien de celui-ci et qu’il pouvait faire licencier les personnes qui

ne suivraient pas sa politique. La complexité du personnage et sa façon d’être odieux avec

certaines personnes m’ont fait peur. Il est vrai que j’ai changé mon comportement peut-être

par peur de perdre mon emploi. Un médecin me l’a fait remarquer et j’ai commencé à me

poser des questions, à sentir que j’étais sous une domination.

33 Il a commencé à me dire que nous formions un beau couple, que je devais être « un bon

coup » et ceci devant tout le monde. Mais personne ne réagissait. Il s’est mis à sous-entendre

qu’en devenant sa maîtresse, je pouvais avoir droit à des cadeaux, de l’argent. Je me suis

sentie très mal, mais tout cela ne restait que des paroles. Il a ensuite essayé de monter

des réunions scientifiques à deux, moi et lui. J’ai feint de ne pas comprendre, et j’ai retourné

la situation en lui demandant : « Pourquoi à deux ? », il est resté très évasif, j’ai senti un étau

se refermer sur moi. J’ai commencé à parler de mes inquiétudes, quant aux intentions de

ce personnage, à mon entourage, mais personne n’y a trop prêté d’intérêt en me répondant

que j’étais mignonne et qu’il tentait sa chance.

33 Je suis en psychothérapie, j’ai commencé à en parler avec ma psychiatre, qui m’a fait

comprendre que le jeu devenait dangereux et qu’il fallait que je mette des barrières. Mais la

peur était de plus en plus présente. En avril 1994, j’ai participé à un séminaire, quand je suis

arrivée monsieur B. m’a complimentée, il s’est montré prévenant. Après la réunion plénière,

lacunes et qu’il fallait changer mes méthodes de travail. Il m’a, dans un premier temps,

dévalorisée et en même temps m’a fait comprendre qu’au sein de l’équipe, j’avais

un potentiel différent des autres. Il s’est même montré dans ses propos très grossier

par rapport à mes collègues.

33 À chacune de mes réunions scientifiques, il était présent, me faisant de plus en plus

de compliments et s’arrangeant pour se mettre à table près de moi, racontant aux

médecins souvent sa vie privée et ses relations ambiguës avec ses déléguées

médicales. Je ne trouvais plus mes marques au sein de mon travail et je commençais

à me demander où voulait en venir monsieur B. avec ce type de management.

CATHERINE, 35 ANS, MARIÉE, RÉSIDANT AU BLANC-MESNIL, DÉLÉGUÉE

MÉDICALE DANS UN LABORATOIRE, FÉVRIER 1995

33 « Je suis déléguée médicale pour les laboratoires pharmaceutiques B.,

depuis le 1er juin 1992. Mes problèmes ont débuté avec la nomination

d’un nouveau directeur de zone en juin 1993. Ce monsieur a décrété me

montrer une façon de travailler bénéfique pour améliorer mes chiffres,

et donc mes primes et mon salaire. Il a jugé que j’avais de grosses

TÉMOIGNAGES

CG93_Observatoire_Violences.indd41 41CG93_Observatoire_Violences.indd41 41 19/12/06 15:57:5819/12/06 15:57:58

de suite, j’ai appelé mon mari qui voulait venir tout casser, je me sentais mal, salie, je n’avais

qu’une idée : ne plus penser à ce qui venait de se passer. Le soir je suis descendue dîner avec

mon équipe, j’étais incapable de parler. J’étais dans un état second, j’ai demandé à des

collègues de me raccompagner dans ma chambre, en leur disant que j’avais peur, ils l’ont fait

sans me poser de questions, je me suis lavée, puis mise dans mon lit. J’avais peur… Vers minuit

monsieur B. a appelé dans ma chambre pour savoir s’il pouvait monter, j’ai raccroché, je ne

savais pas ce qui m’arrivait.

33 Le lendemain, je suis allée parler avec un collègue qui n’est pas de ma région. J’avais besoin

de trouver un appui, je lui ai simplement dit que j’avais des problèmes avec monsieur B.,

ce qui ne l’a pas étonné. Le jour du départ, ce collègue m’a laissé ses coordonnées pour que

je l’appelle. Je suis rentrée chez moi mal, angoissée et culpabilisée, j’en ai parlé avec ma

psychiatre et nous avons travaillé sur la culpabilité car je me suis dit que ce qui m’était arrivé

ne pouvait être que de ma faute !

33 J’ai fait la démarche de rappeler ce collègue, il a cru en moi et m’a demandé d’appeler les

syndicats. J’ai mis longtemps à le faire car tout semblait tellement flou pour moi, j’ai enfin

contacté monsieur P., délégué syndical CFDT à qui j’ai exposé mon problème. Il m’a dit qu’il

allait se renseigner sur les démarches à suivre dans ce type d’affaire. On a, par la suite, engagé

une réunion avec le directeur des relations humaines et le directeur général de mon laboratoire,

en « squeezzant » bien sûr la hiérarchie du directeur de la visite médicale, ami avec monsieur

B. Le directeur général s’est montré très courtois, il m’était difficile de parler. Ils m’ont écoutée

et après m’ont demandé de ne plus avoir à faire à monsieur B., et le directeur général m’a

assuré qu’il allait s’occuper de cette affaire. Nous avons décidé de rester dans le consensuel

à 18 heures, il m’a appelé, alors que j’étais dans ma chambre, pour me demander

de venir chercher des enquêtes à remettre aux médecins. Les directeurs statuant

dans leurs chambres et ayant, moi-même, pour différents laboratoires, cherché

des documents dans les chambres, je ne me suis pas méfiée, pensant qu’il n’aurait

pas, malgré ses paroles, une attitude déplacée. Je suis descendue dans sa

chambre, il m’a fait asseoir, puis m’a demandé combien d’enquêtes je voulais, je

lui ai répondu que c’était lui qui décidait, il m’a rétorqué qu’il fallait que je négocie

ces enquêtes. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par négocier, il m’a répondu qu’il

fallait être gentille, qu’il était un grand timide et qu’il avait une attirance pour moi.

J’ai retourné la situation en lui reparlant des enquêtes, c’est alors qu’il m’a poussé

sur le lit, je l’ai violemment repoussé en lui disant qu’il se trompait et je suis partie.

Il m’a dit : « De toute façon, je t’aurai ». Je suis remontée dans ma chambre

complètement anéantie, j’ai appelé ma meilleure amie qui m’a dit d’en parler tout

TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL

page 42 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd42 42CG93_Observatoire_Violences.indd42 42 19/12/06 15:57:5919/12/06 15:57:59

TÉMOIGNAGES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 43

et de ne pas ébruiter l’affaire, pour des raisons, semble-t-il, stratégiques. Cette réunion

n’a pas fait l’objet d’une notification syndicale. À partir de ce jour, mon ancien directeur

régional a repris ses fonctions auprès de moi et il a été interdit à monsieur B. de me voir ou

de m’appeler.

33 Le 2 août a eu lieu une confrontation dans le bureau du directeur général, avec le directeur

des relations humaines, Monsieur B. (accompagné), le délégué syndical CFDT et moi-même.

J’ai de nouveau exposé les faits. Monsieur B. a nié certaines choses mais n’a pas tout nié.

Le texte de loi a été lu par le directeur des relations humaines et à la suite de cela le directeur

général a dit que par manque de

preuves, je ne rentrais pas sous le

coup de la loi. Monsieur B., à un

moment, a dit : « De toute

façon, je ne veux plus de

toi ». Le directeur général

a relevé qu’il tombait sous

le coup de la loi. Tout cela

a été notifié par le délégué

syndical. Le directeur

général nous a demandé, à

la fin de la réunion, de

rester dans le consensuel

car nous partions en

séminaire de lancement de

produit la semaine

suivante. Je suis partie en

séminaire, le directeur

général a pris soin de mon état moral mais ne m’a pas parlé de mesures. Je lui ai dit qu’il défendait

les intérêts de son entreprise et moi, ma dignité de femme. Il m’a dit, en tête-à-tête, qu’il était très

touché par cette affaire mais qu’il ne pouvait rien faire.

33 À mon retour de vacances d’été, j’ai repris mon travail sous la direction de mon directeur régional.

Pas de nouvelles de la direction générale, la CFDT a envoyé une lettre au directeur général pour lui

dire qu’il était inconcevable de laisser les choses comme cela. En octobre 1995, j’ai commencé à

recevoir des lettres concernant mon travail, signées par mon directeur régional. J’ai répondu à la

première, puis à la deuxième, ces lettres étaient non recommandées, mais parlaient d’une rupture

TÉMOIGNAGES

Guide pratique de l’AVFT : « Preuve par faisceau d’indices ».

« Quelles que soient les variantes, par exemple : « Il n’y a pas de témoin »,

cette affirmation repose sur une conception erronée et dépassée

de la constitution de la preuve. Votre parole est l’élément central de

la dénonciation. D’autres éléments de preuves la complèteront :

des témoignages, des confrontations, des attestations, des écrits.

En outre, la charge de la preuve ne repose pas exclusivement

sur la victime. Le rôle des officiers de police judiciaire, du procureur

de la République et du juge d’instruction est aussi d’établir la réalité

des agressions dénoncées. »

Par ailleurs, la jurisprudence a établi, à travers les arrêts de la cour

d’appel d’Angers du 12 octobre 1993 et de la cour d’appel de Paris du

18 septembre 1996, que l’employeur ne doit pas se borner à recueillir

d’un côté le témoignage de la victime, et de l’autre les dénégations

de l’agresseur pour en déduire qu’il n’y pas de preuve, mais

au contraire, procéder à une enquête sérieuse.

CG93_Observatoire_Violences.indd43 43CG93_Observatoire_Violences.indd43 43 19/12/06 15:58:0019/12/06 15:58:00

de collaboration si je ne suivais pas certaines directives. J’ai alerté mon délégué syndical

qui est intervenu car ces lettres étaient faites par mon directeur régional mais sous la pression

de monsieur B. Mon mari est horrifié par la situation, comme moi-même, car aucune sanction

n’a été prise et monsieur B. est encore mon supérieur hiérarchique.

33 À l’heure actuelle, la situation est au point mort, j’ai appelé votre association car je ne peux

travailler dans ces conditions. Mon état de santé se détériorant, je viens de faire des poussées

de zona. Je vous ai écrit les faits en vrac car c’est toujours difficile. »

DEUX ANS ET DEUX MOIS PLUS TARD, LE BLANC-MESNIL, LE 22 AVRIL 1997

33 « Actuellement, après avoir rédigé avec maître P. une plainte qui a été déposée au parquet de

Bobigny, j’ai eu beaucoup de pressions dans l’entreprise : lettres, convocations qui m’ont amenée

à me mettre en arrêt maladie, de janvier à mars 1997, la situation devenant insupportable.

La direction générale reste sur la position de parole contre parole entre les deux parties.

Mon directeur régional essaie de me protéger : il a vu l’inspecteur du travail qui a entrepris une

enquête au sein de mon entreprise pendant 8 mois, il a assisté au comité d’hygiène, de sécurité

et des conditions de travail, mais il a subi, lui aussi, beaucoup de pressions.

TÉMOIGNAGES DE FEMMES VICTIMES DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL

page 44 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

D’après la loi, l’employeur a un certain nombre de responsabilités légales :

• Obligation de réaction : les articles L 122-46, L 123-1 et L 152-1-1 du code du travail prévoient une double responsabilité,

civile et pénale, de l’employeur si, informé des faits, il ne prend aucune mesure pour les faire cesser, voire sanctionne

la victime ;

• Obligation de « garantir des conditions de travail exemptes d’atteintes à l’intégrité physique et / ou psychique » d’après

la jurisprudence issue de la cour d’appel de Paris (18e chambre) du 18 janvier 1996 ;

• Obligation de prévention : l’article L 122-46,-47,-48 du code du travail stipule qu’il « appartient au chef d’entreprise de

prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes (de harcèlement sexuel) » : formation du personnel,

identification de personnes ressources, mécanismes de recours…

D’après l’article L 122-46 du code du travail, « Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période

de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou

indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de

classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir

les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou

au profit d’un tiers (…). Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. »

CG93_Observatoire_Violences.indd44 44CG93_Observatoire_Violences.indd44 44 19/12/06 15:58:0119/12/06 15:58:01

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 45

33 Début avril, je suis allée en séminaire, mon harceleur fait profil bas, mais continue à

s’afficher avec sa maîtresse et commence à faire pression sur certaines de mes collègues

pour obtenir des lettres de bonne conduite. Mes collègues se confient beaucoup plus à

moi, mais il règne un climat de peur, et le pas pour témoigner est très dur. C’est très dur

de faire réagir les personnes. J’ai compris avec mon histoire l’importance de l’information

et de la prévention en matière de harcèlement sexuel, le tabou étant encore trop présent.

Même au niveau des délégués syndicaux, c’est très difficile car souvent ils ne sont pas

formés à ce problème et cela ne les intéresse que lorsque l’affaire devient intéressante,

l’individu est souvent laissé de côté. Entre syndicats, il y a aussi des batailles internes qui

peuvent desservir l’affaire.

33 Je dis souvent à mes délégués syndicaux que c’est l’AVFT qui m’a vraiment aidée dans les

débuts de cette affaire. Mais j’ai parfois l’impression de parler dans le vide et le parcours

du combattant passe aussi par s’imposer au niveau des ses délégués syndicaux ; ce qui,

avec le temps, me rend triste, car je pensais que la CFDT pouvait travailler main dans

la main avec l’AVFT, ce qui aurait permis une plus grande action.

33 Je suis déterminée à me battre jusqu’au bout sans accepter de compromis, car j’ai

vraiment pris conscience que cela ne devrait plus arriver. J’ai réussi, grâce à mes amis

et à ma psychiatre, à exorciser le mal que j’ai subi, bien que les séquelles soient là.

Mais maintenant mon objectif, c’est de faire partager

ce que j’ai pu apprendre avec d’autres femmes, leur

expliquer aussi les démarches. Le combat est difficile

car on se trouve souvent dans la position de la coupable

et c’est cela qu’il faut absolument combattre. Je crois

que de se battre rend plus forte et moins naïve, et

permet d’éviter les pièges machistes. »

L’affaire a abouti 9 ans plus tard par une

condamnation pour harcèlement sexuel assortie

de 4 mois d’emprisonnement avec sursis et

de 4 500 euros de dommages et intérêts pour

la victime. La condamnation a été prononcée

par la Cour d’appel de Paris, le 22 février 2002,

soit 6 ans après le premier dépôt de plainte.

TÉMOIGNAGES

CG93_Observatoire_Violences.indd45 45CG93_Observatoire_Violences.indd45 45 19/12/06 15:58:0219/12/06 15:58:02

LES RÉALITÉS DU PHÉNOMÈNE

SYLVIANE LE CLERC

33 Il est difficile, après ces témoignages, qui montrent la douleur, l’incompréhension et

l’insuffisance de soutien auxquelles ont affaire les victimes, de parler de réalité quantitative.

Néanmoins, le peu que nous connaissons de la réalité quantitative du harcèlement sexuel ne

peut qu’illustrer la difficulté que nous avons à l’accepter.

33 La lutte des femmes contre ce qui était désigné auparavant comme un « droit de cuissage »

sur le lieu de travail n’est pas récent. J’ai, en effet, trouvé mention d’une première grève à

Dijon, à la Manufacture des tabacs en 1895, puis à Marseille en 1897, à Angers en

1904, deux autres dans les Sucreries Lebaudy en 1902 et 1913, aux Fromagères de

Roquefort en 1907, ainsi qu’aux Porcelaines à Limoges en 1905. Cette dernière

grève avait permis le renvoi du contremaître qui usait du droit de cuissage. Dès le

19ème siècle, est apparue l’idée de mettre en place une législation sur le sujet à

partir du concept de « séduction dolosive ». La première proposition pour lutter

contre le droit de cuissage a été présentée, en novembre 1902, par le député

Maurice Colin. Ce projet n’a été ni discuté, ni voté.

33 Peu de données permettent de quantifier ce phénomène de violences sexuelles au travail.

Nous nous appuyons en la matière sur les enquêtes et les études réalisées sur les violences

au travail et sur les violences faites aux femmes. Le sondage le plus complet sur le sujet a été

réalisé par l’Institut Louis Harris en 1991, à la demande du service des Droits des femmes,

avant le vote des lois sur le harcèlement sexuel en 1992. Il a notamment révélé l’ampleur

du problème, puisque près de 20 % des femmes interrogées disaient avoir été victimes

de harcèlement sexuel, quel que soit le secteur professionnel occupé, ce qui représente

2 millions de femmes, en France, chaque année. Ce sondage a également

montré que, dans certains milieux, les femmes considèrent certaines

manifestations du harcèlement sexuel comme faisant partie du travail. L’AVFT

a d’ailleurs réalisé un film intitulé « Ça ne fait pas partie du travail » pour

permettre aux femmes d’identifier ces phénomènes. Cependant, dans certains

milieux, notamment les hôpitaux, la restauration, le secteur du nettoyage, où les horaires

décalés permettent peu d’échanger avec les collègues et d’obtenir du soutien, ces phénomènes

sont plus difficiles à repérer.

La première proposition pour lutter contre le droit de cuissage a été

présentée, en novembre 1902, par le député Maurice Colin.

Ce projet n’a été ni discuté, ni voté.

Déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité

de la Seine-Saint-Denis

LES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES AU TRAVAIL SONT DIFFICILEMENT QUANTIFIABLES ET PARFOIS CONSIDÉRÉES COMME « NORMALES », Y COMPRIS PAR DES FEMMES.

page 46 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd46 46CG93_Observatoire_Violences.indd46 46 19/12/06 15:58:0319/12/06 15:58:03

ÉTUDE

33 Au Canada, une enquête réalisée sur le sujet, en 1981, avait établi que 64 % des femmes

interrogées avaient été victimes de harcèlement. Des études menées dans les universités

ont montré que 50 % des étudiantes avaient également été exposées à ce type de violences.

Ces travaux montrent que les femmes dont les situations professionnelles sont les plus

précaires, notamment les jeunes en situation d’apprentissage ou les stagiaires dont l’accès

à la qualification passe obligatoirement par l’entreprise, sont plus fragilisées.

33 Il est difficile de savoir si ce phénomène est en augmentation, en l’absence d’éléments

fiables et de définitions partagées. Selon les études réalisées par la Communauté européenne,

la part des femmes concernées varie entre 25 % et 45 %. Cette forte variation s’explique par

les différences de législation d’un pays à l’autre. La difficulté de définir les faits ne permet pas

de réaliser des comparaisons fiables.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 47

ÉTUDE

CG93_Observatoire_Violences.indd47 47CG93_Observatoire_Violences.indd47 47 19/12/06 15:58:0419/12/06 15:58:04

ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE

GISÈLE AMOUSSOU

33 Le droit reconnaît plusieurs types de violences au travail : le harcèlement sexuel, les

agressions sexuelles, le viol, les exhibitions sexuelles, les agressions physiques, les

discriminations. Mon intervention portera essentiellement sur la prise en compte juridique

du harcèlement sexuel, en France, à travers l’analyse de l’évolution du dispositif législatif

et de la jurisprudence.

33 La loi du 22 juillet 1992 portant réforme du code pénal sur la répression des crimes et délits

contre les personnes, a créé le délit de harcèlement sexuel par l’article 222-33.

La définition a ensuite été modifiée deux fois : le 17 juin 1998, à la faveur d’une loi

relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles et à la protection

des mineurs, et le 17 janvier 2002 par la loi de modernisation sociale.

En dépit des différentes propositions de loi présentées par l’AVFT pour réclamer

une définition précise dans la loi réprimant le harcèlement sexuel, le texte de

article 222-33 du code pénal se contente d’énumérer, sans précision, les conditions

nécessaires à la constitution du délit, sans expliciter précisément ce que signifie

« le fait de harceler ».

Les lois des 22 juillet 1992 et 17 juin 199833 La loi du 22 juillet 1992 dispose que : « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces

ou de contraintes dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne

abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d’un an d’emprisonnement et

de 15 000 euros d’amende ».

Ainsi, « le fait de harceler » est défini uniquement par son mode opératoire. Si on compare

le délit de harcèlement sexuel avec le délit de vol, on constate une grande différence dans

la précision des termes. Ainsi, le vol est défini comme suit : « soustraction frauduleuse de la

chose d’autrui », ne laissant aucune marge de manœuvre aux magistrats pour interpréter.

Le premier élément constitutif de l’infraction de harcèlement sexuel est déjà sujet à caution.

Le législateur a prévu le « mode opératoire » de l’auteur du harcèlement qui doit user

« d’ordres, de menaces ou de contraintes » pour que le délit soit constitué.

Juriste, chargée de mission à l’Association européenne contre

les violences faites aux femmes au travail et responsable AVFT

en Seine-Saint-Denis

APPLIQUÉE DE MANIÈRE ALÉATOIRE, À L’APPRÉCIATION DES JURIDICTIONS, LA LOI QUI RÉPRIME LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES AU TRAVAIL EST INSUFFISANTE ET DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE.

page 48 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd48 48CG93_Observatoire_Violences.indd48 48 19/12/06 15:58:0419/12/06 15:58:04

ÉTUDE

Dans la réalité, les harceleurs usent rarement d’ordres ou de menaces. La situation la plus

courante est la contrainte, qui peut être morale ou économique.

La contrainte morale s’appréhende par la personnalité de la victime et celle

de l’auteur du harcèlement : le statut social du harceleur, son charisme, la

différence d’âge avec la victime, la connaissance de l’existence d’une situation

particulière de vulnérabilité chez la victime…

La contrainte économique est directement liée à l’existence du contrat de

travail, la victime étant sous la dépendance économique de l’auteur du harcèlement, qui le sait

et en profite. Malheureusement, les juges ont rarement interprété la notion de contrainte

de cette manière.

33 La loi du 17 juin 1998 a modifié la définition du harcèlement sexuel de façon

non-substantielle, le mode opératoire ayant été complété par la notion de « pressions graves ».

Cet élément prend plus largement en compte ce que vivent les victimes au quotidien.

Cependant, aucun jugement n’a eu recours à cette notion en vue de condamner un harceleur.

La notion de gravité est, par ailleurs, éminemment subjective et, encore une fois, dépendante

de l’interprétation du juge.

L’article 222-33 du code pénal issu de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002Cette réforme apporte deux modifications.

Désormais, le texte de loi n’exige plus que le harceleur soit investi d’une autorité, il s’applique,

désormais, aux collègues de travail comme à toute autre personne. Les

« modes opératoires » du harcèlement ne sont plus énumérés par le texte.

Enfin, si la loi du 17 janvier 2002 a maintenu l’acte incriminé et sa finalité,

le « fait de harceler » est resté indéfini. Il en va de même pour le but poursuivi

à savoir « les faveurs de nature sexuelle ».

33 Le terme « harceler » est impropre, il suppose en effet la répétition, d’où le risque de

non-prise en compte de la contrainte en cas d’acte unique, notamment en cas de chantage

sexuel à l’emploi.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 49

Dans la réalité, les harceleurs usent rarement d’ordres ou de

menaces. La situation la plus courante est la contrainte, qui

peut être morale ou économique.

Le texte de loi n’exige plus que le harceleur soit investi d’une

autorité, il s’applique, désormais, aux collègues de travail comme

à toute autre personne.

ÉTUDE

CG93_Observatoire_Violences.indd49 49CG93_Observatoire_Violences.indd49 49 19/12/06 15:58:0519/12/06 15:58:05

ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE

33 La recherche du but sexuel se place dans la perspective du harceleur qui pourra s’exonérer

de sa responsabilité en alléguant de l’absence d’une intention sexuelle.

33 Le texte n’indique pas quelle forme de comportement est incriminée. Or, la loi pénale étant

d’interprétation stricte, le juge pénal n’a pas le pouvoir de créer des chefs d’incrimination, pas

plus qu’il ne peut interpréter un texte qui n’est pas défini. On peut donc craindre une tendance

à la relaxe de l’agresseur.

33 Cette loi a un effet pernicieux : elle permet de détourner et d’amoindrir des infractions plus

sévèrement punissables. En effet, sur 109 décisions suivies à l’AVFT, 32 condamnations pour

harcèlement sexuel recouvraient en réalité des agissements d’agression sexuelle. Plus encore,

un viol a été correctionnalisé et jugé en tant que harcèlement sexuel. Pour 13 décisions

concernant des cas de harcèlement sexuel, au sens strict, 8 sont des décisions de relaxe et

nous relevons 4 condamnations : une peine d’amende avec sursis et 3 condamnations à des

peines d’emprisonnement avec sursis dans le cas de pluralité de victimes.

Le nombre de relaxes augmentant, le risque de poursuites en dénonciation calomnieuse est

croissant et les condamnations sont lourdes. La loi actuelle est inadaptée et doit être réformée,

car elle est appliquée de manière trop aléatoire, en fonction des interprétations

et perceptions personnelles, au sein des différentes juridictions. La rédaction

même de la loi est à l’origine de ces dysfonctionnements. Ainsi, d’après un

jugement du tribunal de grande instance de Dax, en date de 2003, « le but

sexuel ressort du fait qu’une seule chambre était retenue et qu’une situation de contrainte

était créée, Madame P. étant en déplacement ».

En revanche, un jugement du tribunal de grande instance de Paris a conclu, le 4 juin 2003,

à l’absence de but sexuel recherché par l’agresseur, au motif que : « le prévenu, abusant

de l’autorité que lui confèrent ses fonctions de chef de service, a bien multiplié les ordres

pour se rapprocher de son employée. Le prévenu se satisfaisait ainsi, sans qu’apparaissent

clairement des propositions émanant de celui-ci en vue d’obtenir des faveurs sexuelles. Le

fait de chercher à effleurer physiquement madame G. fait plutôt référence à une conduite

de type névrotique, tendant vraisemblablement à une satisfaction purement onaniste.

La moindre participation de la part de madame G. n’a été requise pour la satisfaction. »

page 50 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Le nombre de relaxes augmentant, le risque de

poursuites en dénonciation calomnieuse va croissant.

CG93_Observatoire_Violences.indd50 50CG93_Observatoire_Violences.indd50 50 19/12/06 15:58:0619/12/06 15:58:06

Députée de la Seine-Saint-Denis

ÉTUDE

Il convient de réformer le délit de harcèlement sexuel comme le préconise la directive

européenne. La transposition de cette directive et de sa définition du harcèlement sexuel dans

la législation française demeurent donc une nécessité.

S’inspirant de cette directive, l’AVFT a rédigé la proposition de loi suivante :

« Constitue un harcèlement sexuel, sexiste ou lesbo/homo-phobe, tout propos

ou comportement verbal ou non-verbal à connotation sexuelle, sexiste ou

lesbo / homo-phobe, ou tout autre comportement fondé sur le sexe ou l’orientation sexuelle,

ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne, ou de

créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Le harcèlement

est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

L’association propose également des circonstances aggravantes : « L’infraction définie à

l’article 222-33 est punie de 5 ans d’emprisonnement et ou de 75 000 euros d’amende :

33 lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport

à la personne harcelée : notamment chef / subordonné-e, médecin / patient-e, psychanalyste /

analysé-e, professeur / élève, propriétaire / locataire, fonctionnaire / usager-ère, police, syndicaliste /

salarié-e ;

33 lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de

complices ;

33 lorsqu’elle est commise sous la menace d’une arme ou d’un animal ; lorsque l’auteur ou

les auteurs profitent de l’état de vulnérabilité de la victime notamment économique, ou de

sa déficience physique ou psychique. »

Nous avons proposé ces circonstances aggravantes pour tenir compte des éléments relevés

dans les dossiers traités par l’association.

MUGUETTE JACQUAINT

33 Nous pouvons intervenir pour que l’association soit reçue par Madame Zimmermann,

présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. Si elle ne l’est

pas, nous reprendrons cette proposition qui a le mérite de bien définir le harcèlement sexuel.

Or, en l’absence de définition précise, la loi peut être détournée.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 51

ÉTUDE

Il convient de réformer le délit de harcèlement sexuel comme le

préconise la directive européenne.

CG93_Observatoire_Violences.indd51 51CG93_Observatoire_Violences.indd51 51 19/12/06 15:58:0719/12/06 15:58:07

Présidente de l’AVFT

Présidente du tribunal de prud’hommes de Bobigny

ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE

CATHERINE LE MAGUERESSE

33 L’AVFT a rédigé cette proposition de loi en s’inspirant d’une part de la directive qui devait

être transcrite avant octobre 2005 dans les législations nationales et d’autre part de la réalité

du suivi des dossiers de l’AVFT, environ 300 par an. Cette proposition a été envoyée à tous les

parlementaires, le 5 octobre 2005. Elle avait déjà été présentée en janvier 2005, lors d’un

colloque au Sénat intitulé « Harcèlement sexuel : améliorons la loi ». À ce jour, aucun

parlementaire ne l’a reprise.

Nous nous sommes par ailleurs battues pour faire passer un amendement sur la dénonciation

calomnieuse, déposé en deuxième lecture au Sénat par Madame Gautier, présidente de la

délégation aux droits des femmes qui nous avait rencontrées sur le thème des violences. Cet

amendement a malheureusement été retiré. Il a été à nouveau présenté, en seconde lecture,

à l’Assemblée nationale, mais n’a pas été adopté.

DJAMILA MANSOUR

33 Les cas de harcèlement sexuel présentés au conseil de prud’hommes sont extrêmement

rares. Je suis venue apporter mon soutien aux salariés harcelés, ainsi qu’aux professionnels

et aux organismes qui les accompagnent dans leur démarche et les inciter à saisir le conseil

de prud’hommes lorsque les faits sont établis. Les cas présentés sont peu nombreux

par rapport à la réalité du phénomène.

33 Le conseil de prud’hommes est compétent pour traiter de litiges individuels, nés

à l’occasion d’un contrat de travail de droit privé. Les conseillers de prud’hommes

sont chargés de la conciliation des parties et, à défaut, des jugements des affaires.

Dans certaines situations d’urgence, il existe une procédure de référé au conseil de

prud’hommes qui permet d’obtenir rapidement une décision. Nos jugements sont

pris à la majorité absolue. En cas de partage des voix, l’affaire est renvoyée devant

le même bureau, qui sera présidé par un juge professionnel du tribunal d’instance.

33 L’article L122-46 interdit toute sanction ou tout licenciement prononcé à l’encontre du salarié

victime ou témoin de harcèlement sexuel. Il prévoit la nullité de toute sanction, notamment

le licenciement, à leur encontre.

page 52 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

BIEN QUE RAREMENT SOLLICITÉ, LE CONSEIL DE PRUD’HOMMES EST COMPÉTENT POUR TRAITER CES TYPES DE VIOLENCES. IL PEUT AUSSI ORDONNER TOUTES LES MESURES D’INSTRUCTION QU’IL ESTIME UTILES POUR FORMER SA CONVICTION.

CG93_Observatoire_Violences.indd52 52CG93_Observatoire_Violences.indd52 52 19/12/06 15:58:0819/12/06 15:58:08

ÉTUDE

33 L’article L 122-47 prévoit que tout salarié, auteur de tels agissements, est passible d’une

sanction disciplinaire.

33 L’article L 122-48 oblige le chef d’entreprise à prendre toute disposition

nécessaire en vue de prévenir les actes visés aux deux articles précédents.

33 L’article L 122-52 indique que la charge de la preuve pèse en premier sur la

victime. Au vu de ces éléments, l’entreprise doit prouver que ses agissements

ne sont pas constitutifs d’un harcèlement ou que ses actes, par exemple, un licenciement, sont

justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.

33 L’article L 122-53 autorise les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise,

avec l’accord écrit du salarié, à engager à sa place une action devant le conseil de prud’hommes

et à se porter partie civile devant le juge pénal.

33 Le rôle principal du juge prud’homal dans le cadre d’un harcèlement sexuel est d’examiner

les preuves pour établir ou non l’existence des faits de harcèlement sexuel. La difficulté réside

principalement dans la production de preuves car, par principe, le harceleur

commet son délit en l’absence de témoins. Cependant, la plupart du temps,

il n’agit pas pour la première fois. Des attestations de personnes harcelées

peuvent, à cet égard, être essentielles. Les collègues auxquels la victime se

plaint doivent apporter leur témoignage. Dans certains cas, il subsiste des

écrits. Lorsque c’est possible, la salariée doit constituer un dossier retraçant la chronologie

des faits.

33 Le juge prud’homal, conscient de la difficulté de la preuve dans ces cas de harcèlement,

examine tous les éléments attentivement. En outre, la preuve des faits devant les prud’hommes

peut s’obtenir de plusieurs façons. Il peut par exemple s’agir d’une attestation du médecin

traitant ou du travail. La victime a également la possibilité de demander à l’inspecteur du travail

de mener une enquête. Enfin, les instances du personnel, en particulier le CHSCT, doivent être

alertées. Leurs comptes rendus de réunion sont très précieux à cet égard.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 53

Dans certaines situations d’urgence, il existe une procédure de référé au

conseil de prud’hommes qui permet d’obtenir rapidement une décision.

Le rôle principal du juge prud’homal dans le cadre d’un harcèlement

sexuel est d’examiner les preuves pour établir ou non l’existence des faits

de harcèlement sexuel.

ÉTUDE

CG93_Observatoire_Violences.indd53 53CG93_Observatoire_Violences.indd53 53 19/12/06 15:58:0919/12/06 15:58:09

ANALYSE DES LOIS ET DE LA JURISPRUDENCE

33 Le juge prud’homal peut, en outre, ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime

utiles pour former sa conviction. Les articles L 122-52 et R 516-21 du code du travail prévoient

qu’avant de mettre l’affaire en état d’être jugée, le bureau de conciliation

ou le bureau de jugement peut, par décision qui n’est pas susceptible de

recours, désigner un ou deux conseillers-rapporteurs, en vue de réunir des

éléments d’informations nécessaires au conseil de prud’hommes pour statuer.

Si la partie demanderesse considère qu’une mesure d’instruction pourrait

l’aider à établir le fait de harcèlement, elle ne doit pas hésiter à inciter le juge à nommer des

conseillers-rapporteurs qui se rendront au sein de l’entreprise pour mener une enquête. À ce

sujet, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a procédé, en novembre 1998, à la

désignation de conseillers-rapporteurs qui devaient se rendre chez l’employeur pour constater

les faits. L’employeur leur ayant refusé l’accès, et au vu d’autres éléments du dossier, le conseil

a fait droit à la demande de la salariée au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,

consécutif au fait de harcèlement.

33 La salariée qui se considère victime de harcèlement doit prendre conseil auprès des

organisations syndicales, des associations ou de l’inspection du travail, pour s’assurer de la

teneur du dossier et des éléments de preuve avant d’engager une procédure. Il convient, en effet,

d’être extrêmement rigoureux sur le sujet car un procès perdu peut, en effet,

avoir des conséquences dévastatrices pour une personne qui s’estime victime

de harcèlement.

Par ailleurs, le code du travail envisage le harcèlement sexuel dans des

termes beaucoup plus larges que le code pénal puisqu’il vise les pressions de

toutes natures. De plus, il considère nul tout contrat de travail, licenciement ou démission

qui résulterait d’un harcèlement moral ou sexuel. Cette nullité vaut également pour les

mesures affectant la carrière du salarié. En outre, le salarié auteur du harcèlement est

passible de sanctions disciplinaires. Par ailleurs, le harcèlement peut émaner d’un simple

collègue. Dans ce cas, la cour de Cassation considère qu’il n’y a pas nécessairement faute

grave. Enfin, lorsque l’employeur n’a pas fait le nécessaire, la résiliation est prononcée

aux torts de l’employeur, ce qui permet à la personne de percevoir une indemnité.

Pour conclure, je souhaite encourager les salariés et les professionnels à saisir le conseil

des prud’hommes en prenant le temps d’établir les preuves nécessaires.

page 54 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Le bureau de conciliation ou le bureau de jugement peut désigner un ou deux

conseillers-rapporteurs, en vue de réunir des éléments d’informations nécessaires au conseil de prud’hommes pour statuer.

La salariée qui se considère victime de harcèlement doit prendre conseil

pour s’assurer de la teneur du dossier et des éléments de preuve avant

d’engager une procédure.

CG93_Observatoire_Violences.indd54 54CG93_Observatoire_Violences.indd54 54 19/12/06 15:58:0919/12/06 15:58:09

NOTES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 55

NOTES

CG93_Observatoire_Violences.indd55 55CG93_Observatoire_Violences.indd55 55 19/12/06 15:58:1019/12/06 15:58:10

HARCÈLEMENT SEXUEL, UNE VIOLENCE MÉCONNUE, UNE LOI EN SURSIS

SYLVIE CROMER

33 Le harcèlement sexuel est une violence subversive car, comme le disait Ernestine Ronai,

il constitue le soubassement des violences sexistes. Les lois sur le harcèlement

sexuel ont été votées il y a dix ans, grâce au travail des associations féministes.

Des débats et des recherches sont menés sur le sujet depuis 20 ans. Pourtant,

cette violence demeure la moins connue et la plus contestée. Les études et les

publications sur le sujet sont très rares, alors qu’elles sont nombreuses sur le

harcèlement moral. Enfin, les médias prêtent aujourd’hui peu d’importance à ces

agressions, à l’exception de quelques procès. De fait, cette violence est

partiellement appréhendée : elle est le plus généralement associée aux relations

de travail et elle est inscrite dans le continuum de la séduction.

33 Bien qu’il s’agisse d’une violence taboue, les attaques qui visent à délégitimer cette violence

ne désarment pas. Dans les années 1990, on invoquait de prétendus excès américains.

De nouvelles contestations ont surgi au moment de l’élargissement par surprise de la loi

(à la faveur de la loi dite de modernisation sociale de 2002) et, en 2003, lors de la parution des

résultats de la première étude quantitative sur les violences faites aux femmes,

en France, de l’ENVEFF. Qu’il s’agisse de mutisme ou d’offensive, ces tentatives

visent à éviter que le phénomène n’apparaisse sur la scène scientifique et

sociale. Parallèlement, la société met en exergue les agissements les plus

brutaux (meurtres, viols collectifs…), qui sont difficilement discutables, mais

plus rares, et dont on peut marginaliser les auteurs.

33 En France, le harcèlement sexuel fut, sous l’impulsion des féministes, conceptualisé et

sanctionné pénalement comme une violence sexuelle, non spécifique à une sphère de vie.

L’article du code pénal s’énonce à l’heure actuelle comme « le fait de harceler autrui dans le but

d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Une avancée rarement mise en évidence est que le

harcèlement sexuel est constitué en dehors de la commission d’actes physiques ou sexuels.

En d’autres termes, pour qu’il y ait harcèlement sexuel, nul n’est besoin d’attouchements,

sexuels ou non, ou de violences physiques. Le harcèlement sexuel est caractérisé par des

manifestations verbales (telles que des invitations, confidences, propositions sexuelles), voire

Sociologue, université de Lille 2

CETTE VIOLENCE TABOUE, QUE DANS SON ENSEMBLE LA SOCIÉTÉ PRÉFÈRE IGNORER, INSTAURE POURTANT UN CONTRÔLE SOCIAL PERMANENT ET INSIDIEUX SUR LES FEMMES. ELLE RÉVÈLE LE SOUBASSEMENT DE LA DOMINATION MASCULINE.

page 56 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

La société met en exergue les agissements les plus brutaux

(meurtres, viols collectifs…), qui sont difficilement discutables,

mais plus rares, et dont on peut marginaliser les auteurs.

CG93_Observatoire_Violences.indd56 56CG93_Observatoire_Violences.indd56 56 19/12/06 15:58:1119/12/06 15:58:11

ÉTUDE

des manifestations non verbales visuelles (pornographie, exhibition sexuelle au sens large,

comme attirer l’attention sur ses organes génitaux sans les dénuder). Est ainsi pénalisée une

atteinte sexuelle verbale. Seconde avancée à souligner dans le code pénal : le harcèlement

sexuel est détaché de tout contexte professionnel. Si le code du travail contient

des dispositions spécifiques aux relations de travail, dans la loi pénale, le

harcèlement sexuel est une agression sexuelle, verbale, intervenant dans tous

les lieux de vie, en dehors de tout rapport d’autorité.

33 L’étude ENVEF a révélé que les jeunes femmes étaient les plus touchées, quel que soit

le type de violence. En outre, dans tous les espaces de la vie, que ce soit dans la rue, la vie

de couple ou au travail, arrivent en tête les insultes et les pressions psychologiques. Ainsi, de

nombreuses femmes sont menacées par la violence du harcèlement sexuel. En effet, la menace

indirecte des violences graves est relayée par la violence verbale et psychologique diffuse,

qui touche un nombre important de femmes dans toutes les sphères de la vie. Ceci démontre

que le harcèlement sexuel permet d’instaurer un contrôle social permanent et insidieux

sur les femmes, source de tensions et de déstabilisation. Ces pressions portent atteinte à

l’autonomie des femmes et maintiennent la domination masculine. Ce phénomène n’est pas

propre au harcèlement sexuel. Les féministes ont montré depuis trente ans que le rôle de la

violence masculine était de maintenir un contrôle sur les femmes. On comprend pourquoi le

harcèlement sexuel est contesté : c’est parce qu’il révèle le soubassement de la domination

masculine. Or, comme toutes les femmes sont concernées, on ne peut plus parler de problème

individuel, pathologique ou accidentel.

33 Toutefois, les avancées juridiques françaises sont à relativiser. En effet, la loi est peu

appliquée et, bien souvent, les agressions se cumulent. Il est vrai que le dispositif est très

complexe. De plus, pèse la menace de la dénonciation calomnieuse, à laquelle est condamnée

presque automatiquement toute personne dès lors que sa plainte en harcèlement sexuel est

frappée de non-lieu, ou que le présumé harceleur est relaxé ou acquitté, parfois au bénéfice du

doute. Or, dans les tribunaux comme ailleurs, il est difficile de se déprendre des imprégnations

culturelles pour prendre en compte la réalité des violences…

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 57

Le harcèlement sexuel est une agression sexuelle, verbale, intervenant dans tous

les lieux de vie, en dehors de tout rapport d’autorité.

ÉTUDE

CG93_Observatoire_Violences.indd57 57CG93_Observatoire_Violences.indd57 57 19/12/06 15:58:1219/12/06 15:58:12

De plus, la loi sur le harcèlement sexuel est aujourd’hui en sursis et risque d’être annihilée

par le dispositif relatif au harcèlement moral qui lui a été accolé. La loi sur le harcèlement

moral a été en effet calquée sur la loi du harcèlement sexuel. D’une part, personne n’a jamais

conceptualisé le harcèlement moral et il est souvent confondu avec le harcèlement sexuel. Sous

la pression de la société civile, la loi a été votée en 2002. Après que les mouvements féministes

ont levé le tabou sur les violences faites aux femmes en s’appuyant sur des témoignages,

s’agit-il de désexualiser la question de la violence, notamment au travail, en la généralisant

à l’ensemble de la population ?

33 Dans un premier temps, le harcèlement moral a pu avoir des effets positifs en élargissant la

loi du harcèlement sexuel. Néanmoins, aujourd’hui, les deux dispositifs sont concurrentiels.

La définition du harcèlement moral est beaucoup plus large que celle du

harcèlement sexuel et tient compte du point de vue de la victime. Les femmes

risquent donc d’être incitées à faire appel à la loi sur le harcèlement moral plutôt

qu’à celle sur le harcèlement sexuel, qui est plus stigmatisante et peu appliquée.

Le harcèlement moral reste néanmoins un terme « fourre-tout » qui n’a pas fait l’objet d’une

véritable définition. Enfin, cette juxtaposition juridique induit un risque de « contamination »

et des risques de reculs très graves puisque le harcèlement moral ne s’applique qu’au travail

et implique des agissements répétés alors qu’à l’inverse, le harcèlement sexuel dans la loi

peut être constitué par un seul fait.

33 Il faut donc s’interroger sur la raison de la mise en circulation de cette notion de harcèlement

moral. Il s’agit d’une construction sociale révélatrice de la transformation des rapports

sociaux, du délitement du lien social dans un contexte de mutations profondes. Nous vivons

en effet dans une société qui individualise et psychologise les rapports sociaux, alors que le

harcèlement sexuel est posé comme un rapport de domination, qu’il produit

une critique du pouvoir et de la violence. Il est grave de brouiller les violences

car cela contribue à en rendre certaines invisibles. Or comprendre constitue la

première étape du cheminement pour ne plus être victime et ouvrir la porte à

l’action. Sur le plan collectif et social, nous sommes face à des tentatives pour renvoyer dans

l’ombre le continuum de la violence liée au sexe et à des refus de dévoiler la persistance du

sexisme, ce rapport de domination entre hommes et femmes.

Loi sur le harcèlement moral, loi sur le harcèlement sexuel,

aujourd’hui, les deux dispositifs sont concurrentiels.

HARCÈLEMENT SEXUEL, UNE VIOLENCE MÉCONNUE, UNE LOI EN SURSIS

page 58 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Posé comme un rapport de domination, le harcèlement sexuel produit une critique

du pouvoir et de la violence.

CG93_Observatoire_Violences.indd58 58CG93_Observatoire_Violences.indd58 58 19/12/06 15:58:1319/12/06 15:58:13

Membre du Conseil national et présidente départementale

de Femmes solidaires

Juriste, responsable de l’AVFT en Seine-Saint-Denis

Députée de la Seine-Saint-Denis

ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES

MUGUETTE JACQUAINT

33 Les lois existent, mais il est difficile de les appliquer en l’absence de moyens. Il faut donc

engager des actions pour que les pouvoirs publics se mobilisent davantage sur le sujet.

UNE INTERVENANTE DE LA SALLE

33 J’ai noté que le cas d’une des femmes dont le témoignage a été lu devait être examiné par

le tribunal. Il faudrait donc lancer un appel pour soutenir cette femme qui se bat pour préserver

sa dignité. Les témoignages montrent que la loi ne favorise pas la reconnaissance du préjudice.

Or parfois, les coups de force permettent de faire avancer les choses.

UNE SYNDICALISTE

33 J’aimerais connaître les structures auxquelles les fonctionnaires victimes de harcèlement

peuvent s’adresser. En outre, il faudrait mener une action syndicale, le 8 mars, avec un mot

d’ordre de grève générale sur la transformation de la loi pour que ce soit désormais le

harceleur qui apporte la preuve de son innocence.

GISÈLE AMOUSSOU

33 Les personnes victimes de violences sexuelles et sexistes au travail peuvent s’adresser à

l’association AVFT qui les accompagne dans leur démarche pour faire valoir leurs droits devant

la justice. Nous avons une permanence téléphonique du lundi au vendredi, de 9h30 à 15h,

et les jeudis, de 18h30 à 20h30. (voir adresse dans les annexes)

SIMONE BERNIER

33 Femmes solidaires vient de fêter ses soixante ans. Or, à l’époque de sa création, les femmes

portaient déjà la revendication « À travail égal, salaire égal ». Je dis souvent que je suis

« Madame trois-quarts », puisque je gagne 25 % de moins qu’un homme !

Depuis 1985, notre association dénonce l’ampleur du chantage à l’emploi et de l’atteinte à la

dignité que représente le harcèlement sexuel. En 1991, l’Union des femmes françaises, dont

est issue l’association Femmes solidaires, a rédigé une proposition de loi contre le

harcèlement. Cette mesure, intégrée à la proposition de loi anti-sexiste, a largement inspiré

la loi adoptée par le Parlement en 1992, comblant ainsi un vide juridique. Femmes solidaires

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 59

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd59 59CG93_Observatoire_Violences.indd59 59 19/12/06 15:58:1419/12/06 15:58:14

à BNP Paribas

Éducateur spécialisé à l’Institut médico-éducatif d’Aulnay-sous-Bois

et délégué syndical

a porté ce combat. Je remercie, à ce titre, celles qui ont travaillé sur le sujet car ces faits ont

de graves conséquences sur la santé physique et psychique des femmes.

Un certain nombre d’associations et de syndicats mènent des actions pour lutter contre ces

phénomènes. Nous avons également lancé la campagne « Violences : elles disent non. ». Nous

nous rendons dans les collèges et les lycées pour parler de harcèlement sexuel au travail,

notamment dans les lycées professionnels. Nous nous portons également partie civile avec

des avocates solidaires. Néanmoins, il est toujours difficile pour les femmes de parler car

la plupart pensent qu’elles sont coupables. Je remercie donc les femmes qui osent dénoncer

le harcèlement, ainsi que les collègues et les syndicalistes qui les aident. Un syndicaliste est

venu nous trouver pour aider deux femmes victimes de harcèlement sexuel. Je souhaite lui

passer la parole pour qu’il vous fasse part de ses difficultés.

NASSER CHERCHAU

33 Dans le cadre de mon mandat de délégué syndical, j’ai été amené à assister deux personnes

qui vivaient l’horreur dans un centre de soins et d’éducation, dont le président est le député

d’Aulnay-sous-Bois. Ces deux personnes ont osé raconter le harcèlement dont elles ont fait

l’objet. Nous avons reçu le soutien de l’union locale CGT et de Femmes solidaires, ce qui nous

a permis de tenir car il est très difficile de mener ce combat. Actuellement en arrêt maladie, je

risque d’être licencié par le ministère, le 8 mars.

UNE SYNDICALISTE CGT

33 J’ai effectivement rencontré des collègues victimes de harcèlement moral ou sexuel,

complètement anéanties. Il est important que les syndicats procèdent à des dénonciations par

écrit, en vue de neutraliser les harceleurs, qu’ils soient des supérieurs hiérarchiques ou des

collègues. Il faut pour cela recueillir des témoignages anonymes, par écrit, afin de dépasser

le tabou qui existe sur le sujet. Malheureusement, des femmes qui subissent des violences

à connotation sexuelle ont parfois affaire à d’autres femmes qui ne veulent pas témoigner,

ou qui sous-estiment la gravité de ces faits.

ÉCHANGES ET TÉMOIGNAGES

page 60 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd60 60CG93_Observatoire_Violences.indd60 60 19/12/06 15:58:1419/12/06 15:58:14

ÉTUDE

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 61

NOTES

CG93_Observatoire_Violences.indd61 61CG93_Observatoire_Violences.indd61 61 19/12/06 15:58:1519/12/06 15:58:15

CG93_Observatoire_Violences.indd62 62CG93_Observatoire_Violences.indd62 62 19/12/06 15:58:1619/12/06 15:58:16

RÉFLEXIONS

CG93_Observatoire_Violences.indd63 63CG93_Observatoire_Violences.indd63 63 19/12/06 15:58:1719/12/06 15:58:17

page 64 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

“Il est nécessaire d’élargir la réflexion sur le harcèlement moral, sexiste et sexuel à des

formes de violences liées à la discrimination sexuelle. Il existe une continuité entre ces

différents actes. Je voudrais notamment vous inviter à réfléchir à l’organisation du travail qui

constitue un terreau favorable au développement de la violence sexuelle. En effet, certaines

personnes, en particulier des femmes, ne voient pas leur travail reconnu à leur juste valeur,

n’obtiennent pas le salaire dont elles devraient bénéficier au regard du travail qu’elles

réalisent, se voient refuser l’accès à la formation ou à des promotions, ce qui constitue une

violence au regard du droit (l’article 1112 du code civil indique qu’il y a violence lorsqu’elle

est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, à lui inspirer la crainte

d’exposer sa personne à un mal). La discrimination constitue donc une forme de violence

au regard du droit.

Le droit communautaire européen demande aux entreprises d’adapter le travail à la personne

humaine. Ce principe juridique est, bien entendu, à conjuguer aussi au féminin (organisation

du travail, contenu des tâches, relations…). Les femmes ne sont pas seulement objets de

droits, destinataires passives de règles destinées à les protéger. Elles sont aussi, et d’abord,

sujets de droit, titulaires de droits individuels qu’elles peuvent mettre en œuvre.

J’aimerais à présent évoquer le cas de quelques affaires dans lesquelles des femmes ont mis

en œuvre le droit et, grâce à leur détermination, ont permis un progrès du droit.

La mobilisation du droit devant les tribunaux est intéressante parce qu’elle révèle une

évolution des consciences et les résultats en justice favorisent ensuite une évolution des

mentalités. En effet, une personne saisit le tribunal lorsqu’elle a pris conscience de ses

droits, de sa situation anormale et qu’elle fait confiance à cette institution pour valider sa

parole, réparer le préjudice et sanctionner les responsables. La décision de justice rend

crédible la parole, dit l’interdit et rétablit la légalité.

Dans les années soixante-dix, madame Defrenne est la première à utiliser le droit

européen sur le sujet. Dans un arrêt de 1976, le juge communautaire indique que l’égalité

de rémunération entre les femmes et les hommes constitue un fondement de la construction

européenne. Trente ans plus tard, nous mesurons le chemin qu’il nous reste à parcourir.

Or, il ne suffit pas d’acquérir un droit, il est nécessaire de le mobiliser pour qu’il soit effectif.

Madame Jenkins est une ouvrière anglaise. Elle travaille dans une usine de confection en

COMMENT LES FEMMES CONSTRUISENT ET MOBILISENT LEURS DROITS ? PAR MICHEL MINÉ

MICHEL MINÉ

Juriste et professeur associé

du droit privé à l’université

de Cergy-Pontoise, membre

du comité consultatif

de la Haute autorité de lutte

contre les discriminations

et pour l’égalité

Des femmes luttent contre leur employeur pour faire appliquer les lois sur l’égalité entre les sexes au travail. Les affaires qu’elles gagnent en justice font jurisprudence en France et dans l’Europe communautaire.

CG93_Observatoire_Violences.indd64 64CG93_Observatoire_Violences.indd64 64 19/12/06 15:58:1719/12/06 15:58:17

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 65

Angleterre où le taux horaire des salariés à temps partiel est inférieur à celui des salariés

à temps complets. Elle se considère victime d’une discrimination sexuelle et porte l’affaire

devant les tribunaux. Le juge estime que la différence de rémunération n’est pas en relation

avec le sexe et n’est pas injustifiée. Madame Jenkins saisit alors, par le biais de la Cour d’appel,

le juge communautaire. Le juge demande à l’employeur de justifier pourquoi les salariés

à temps partiels sont moins bien traités. L’employeur souligne que la majorité des salariés

à temps complet – les mieux payés – sont des femmes. Cependant, les femmes constituent la

quasi-totalité des salariés à temps partiel qui sont les moins bien traités. L’employeur répond

qu’elles ont une moindre efficacité professionnelle car elles travaillent moins longtemps,

mais il est incapable de le démontrer objectivement. Le juge considère donc qu’il s’agit

d’une discrimination sexuelle indirecte (Cour de justice européenne, 1981). Ce principe de

discrimination indirecte est inscrit dans le code du travail depuis 2001, mais n’a pas encore

été mis en œuvre en droit français, notamment en matière de discrimination sexuelle.

À la suite d’un congé maternité et de congés maladie, Madame Thibault n’est pas notée

par son entreprise en fin d’année, la convention collective prévoyant que les salariés qui ne

peuvent pas justifier de six mois de présence effective à leur poste de travail ne sont pas

évalués. La salariée considère qu’elle est victime de discrimination sexuelle. L’affaire

remonte jusqu’à la Cour de cassation, qui demande son avis au juge communautaire.

L’employeur souligne qu’il applique la règle de la convention collective à l’ensemble des

salariés, quel que soit le motif de leur absence. Le juge communautaire observe néanmoins

que seules les femmes peuvent être enceintes. Par conséquent, seules les femmes peuvent

prendre des congés maternité. Traiter le congé maternité comme les autres absences revient

à ne pas prendre en compte la différence et constitue donc une pratique discriminatoire.

La salariée obtient réparation.

Cet arrêt de 1998 montre que l’égalité abstraite, qui consiste à appliquer la même règle

à tous de la même manière, peut produire de la discrimination. Peu importe de savoir si

la discrimination est produite volontairement ou pas. Désormais, le droit considère que

la discrimination consiste, non seulement à ne pas appliquer la règle de la même manière

à des personnes qui sont dans des situations comparables, mais également à appliquer

la règle de la même manière à des personnes qui sont dans des situations différentes. Pour

parvenir à l’égalité réelle, en droit et en fait, il est donc nécessaire de tenir compte de la

situation de travail concrète dans laquelle se trouvent les personnes.

RÉFLEXIONS

CG93_Observatoire_Violences.indd65 65CG93_Observatoire_Violences.indd65 65 19/12/06 15:58:1819/12/06 15:58:18

Madame Harba constatant qu’elle ne perçoit pas le même niveau de primes que certains

de ses collègues masculins, demande à obtenir le niveau de primes de ses collègues les

mieux rémunérés. L’employeur refuse. Elle saisit le conseil de prud’hommes. Quelques mois

plus tard, l’employeur la licencie pour insuffisance professionnelle caractérisée. Alors que la

demande de la première affaire n’a encore été jugée, la salariée demande au juge prud’homal

la nullité de son licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.

Le juge demande à l’employeur de démontrer l’insuffisance professionnelle caractérisée de

la salariée. L’employeur en étant incapable, le juge estime qu’il s’agit donc d’un licenciement

de représailles et déclare sa nullité, conformément à la directive de 1976, transposée en

droit français en 1983 (loi Roudy) et mise en œuvre en France, pour la première fois, en

novembre 2000, grâce à cette décision. En outre, l’employeur est incapable d’expliquer

pourquoi le niveau de primes de la salariée est moins élevé que celui de certains de ses

collègues. Le juge conclut ainsi que l’existence de disparités entre les hommes ne peut pas

justifier une discrimination à l’égard d’une femme.

Jusqu’à présent, lorsque les femmes saisissaient les tribunaux pour discrimination sexuelle,

elles obtenaient pour l’essentiel des dommages-intérêts. Or, désormais, depuis l’affaire de

Madame Cassou, salariée dans un laboratoire photographique à Tarbes (Cour de cassation,

2000), ainsi que dans celle de Madame Buscail, salariée de IBM à Montpellier (cour d’appel

de Montpellier, 2003), le juge condamne à une réparation en nature et permet aux personnes

d’obtenir la remise en l’état (accès au niveau auquel elles peuvent prétendre, coefficient,

intitulé de postes, augmentation de la rémunération, attributions professionnelles, formation

professionnelle, etc.).

Dans ces différents cas, le droit se diffuse de manière originale, par le biais de décisions

de justice (la jurisprudence), alors que dans les pays latins, il se diffuse habituellement

essentiellement par la loi. Ces affaires gagnées font ainsi jurisprudence en France, mais aussi

au niveau européen communautaire. Ainsi, un congé maternité ne doit plus peser de manière

négative sur un déroulement de carrière. Dans les faits, la discrimination existe encore :

les faits doivent être mis en conformité avec le droit.

Certains droits sont peu mobilisés, comme le droit fondamental à la sauvegarde de la santé.

La dégradation des conditions de travail, par son intensification, les pressions de la

hiérarchie et de la clientèle, l’individualisation et l’évaluation individuelle des performances,

etc. est désormais constatée. Or, le juge en France considère désormais que l’obligation

de sécurité n’est plus une obligation de moyens, mais une obligation de résultat (Cour de

page 66 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

RÉFLEXIONS

CG93_Observatoire_Violences.indd66 66CG93_Observatoire_Violences.indd66 66 19/12/06 15:58:1919/12/06 15:58:19

cassation, 2005). En cas de dégradation de la santé des salariés, liée au travail, la faute

de l’employeur est présumée, l’employeur est donc responsable, sauf cas de force majeure.

Il s’agit là d’un moyen essentiel pour défendre la santé, définie comme un état complet

de bien-être physique, moral et social.

Pour être davantage mobilisé, le droit a besoin de s’appuyer sur des réseaux d’acteurs

(syndicaux, associatifs). J’insisterai à ce titre sur deux institutions extrêmement importantes.

Le délégué du personnel dispose d’un droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des

personnes, aux libertés individuelles ou à la santé, notamment en cas de discrimination.

S’il constate une situation contraire aux droits des personnes, il saisit l’employeur qui, selon

le code du travail, est tenu de mener immédiatement une enquête avec le délégué. À l’issue

de cette enquête, l’employeur doit prendre les mesures pour faire cesser la situation

anormale. Dans le cas contraire, le délégué, ainsi que la salariée, a la possibilité de saisir

directement le conseil des prud’hommes selon une procédure accélérée. Ce dernier peut

alors ordonner à l’employeur de prendre toute mesure pour faire cesser le trouble, la

situation discriminatoire.

Cet outil est encore trop rarement utilisé, alors qu’il s’avère particulièrement performant.

Il a notamment été employé dans une boucherie industrielle en Bretagne. L’entreprise avait

en effet prétendu imposer des durées et des moments de pause pour aller aux toilettes. Un

certain nombre de femmes s’étaient révoltées contre cette règle qui les plaçait dans un état

de subordination extrême vis-à-vis de la hiérarchie immédiate. Elles avaient contacté leurs

délégués du personnel qui avaient, faute de solution interne à l’entreprise, saisi le juge.

Celui-ci a interdit la pratique de l’entreprise et fait respecter la dignité des personnes. Dans

une autre affaire, le juge, saisi par les délégués du personnel d’un grand magasin de Lyon,

impose qu’une salariée, discriminée au regard de ses relations amoureuses avec un salarié

de l’entreprise, retrouve l’intégralité de ses attributions professionnelles.

Il existe par ailleurs une nouvelle institution publique : la Haute autorité de lutte contre

les discriminations et pour l’égalité. Un certain nombre de femmes et d’hommes se sont

mobilisés pendant plusieurs années pour que cet outil existe en France, comme le demandait

l’Europe. Or, cette institution est très largement sous-utilisée par les femmes. Ce vecteur

de mobilisation du droit pour la dignité des personnes mérite d’être mieux connu et mieux

employé par les femmes.”

RÉFLEXIONS

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 67

CG93_Observatoire_Violences.indd67 67CG93_Observatoire_Violences.indd67 67 19/12/06 15:58:1919/12/06 15:58:19

CG93_Observatoire_Violences.indd68 68CG93_Observatoire_Violences.indd68 68 19/12/06 15:58:2019/12/06 15:58:20

COMMENT S’IMPLIQUER DANS DES ACTIONS DE PRÉVENTION ?

COMMENT AGIR ?

CG93_Observatoire_Violences.indd69 69CG93_Observatoire_Violences.indd69 69 19/12/06 15:58:2119/12/06 15:58:21

THISSA D’AVILA BENSALAH

33 Sylvie Cromer disait qu’il fallait d’abord comprendre pour pouvoir agir. Tel est le sens de

notre action : mieux comprendre les enjeux du harcèlement et des agressions sexuelles dans

les relations de travail, mais aussi commencer à agir chacun-e à notre niveau.

Je suis comédienne, mais aussi, comme les personnes présentes à mes côtés,

praticienne du Théâtre de l’Opprimé dont le théâtre-forum est une des techniques.

Nous sommes également militants. Pour ma part, je suis militante féministe et

je travaille depuis plusieurs années auprès de l’Association européenne contre

les violences faites aux femmes au travail (AVFT). Notre travail s’inscrit donc dans

une démarche politique en partenariat avec l’Observatoire contre les violences

envers les femmes. Nous considérons en effet que les situations graves auxquelles

nous avons affaire requièrent une analyse politique.

33 Nous avons entendu parler de différentes violences : lapidation, prostitution, discriminations,

différences salariales, difficultés d’accès aux postes de responsabilité, temps partiel,

relations sexistes entre garçons et filles, agressions sexuelles, viol, harcèlement sexuel.

Le soubassement de ces violences est le même : la domination masculine et la société

patriarcale dans laquelle nous vivons. Il est donc important de faire le lien entre elles.

33 L’AVFT a remarqué que de plus en plus de victimes étaient des jeunes femmes en formation

professionnelle en alternance, qui font l’objet d’agressions et de harcèlement sexuel dans le

cadre de leur stage. Nous avons donc ressenti le besoin de nous adresser à cette population

précise et de développer une action de prévention. Nous avons rencontré des femmes victimes

de ces violences. Nous avons ensuite créé deux histoires, « Blague à part » et « Ni vu, ni

entendu », non seulement à partir de leurs témoignages, mais aussi à partir de nos propres

vécus, nous les comédien-nes, en tant qu’hommes et femmes, afin d’interroger réellement

nos résistances personnelles sur ces questions.

Compagnie Désamorce

DEUX THÉÂTRES-FORUMS POUR LA PRÉVENTION UNE RÉALISATION DE L’AVFT ET DE LA COMPAGNIE DÉSAMORCE

page 70 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

POUR REPÉRER LES RÉSISTANCES À LA RECONNAISSANCE DU HARCÈLEMENT SEXUEL DANS L’ENTREPRISE, LA COMPAGNIE DÉSAMORCE A CRÉÉ DEUX THÉÂTRE-FORUMS.

CG93_Observatoire_Violences.indd70 70CG93_Observatoire_Violences.indd70 70 19/12/06 15:58:2119/12/06 15:58:21

33 Ces deux histoires sont traversées par de nombreuses questions qui ont été abordées

ce matin. Nous avons notamment évoqué la difficulté de la preuve et nous avons vu qu’il

s’agissait d’un faux problème. Il est en effet possible de constituer des preuves par faisceaux

d’indices. En revanche, nous avons souvent affaire à un manque d’analyse politique qui

empêche de repérer le harcèlement sexuel. Nous aimerions donc évoquer avec vous, ces

résistances à travers l’outil du théâtre-forum, afin de lutter contre ces mentalités.

33 Nous allons jouer une scène, une première fois. Vous allez alors, sans doute, remarquer

qu’il y a une personne qui veut obtenir quelque chose dans cette histoire, mais qui n’y arrive

pas, quelqu’un qui est en difficulté face à une situation concrète. Ensuite, nous la rejouerons

et, si vous pensez qu’à la place de cette personne, vous vous seriez comporté autrement à ce

moment-là, vous auriez dit autre chose, alors vous dites « stop ! ». Et vous venez remplacer ce

personnage. Nous procédons ainsi pour impliquer chacun de vous. Il est souvent facile de dire

à quelqu’un ce qu’il aurait dû faire. Mettons-nous à présent à la place de la personne opprimée

pour voir comment il est possible d’agir dans sa situation.

33 Nous avons déjà joué dans le département grâce à l’Observatoire. Nous avons testé cette

technique sur près de cinq cents personnes. Nous avons tout d’abord joué dans des lycées

professionnels, à Bondy et Saint-Denis. Nous avons ensuite réalisé une deuxième version du

spectacle adressée aux comités d’entreprise et aux syndicalistes, dans des bourses du travail,

à Saint-Ouen et à Roissy. Nous avons également joué devant des travailleurs

sociaux, des services du RMI, des associations qui reçoivent des chômeurs en fin

de droit. Ce processus a été suivi par une anthropologue qui a essayé d’analyser

le fonctionnement de l’outil et les réactions des participants.

Les théâtres-forums ont déjà été testés auprès

de cinq cents personnes, adolescents et adultes.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 71

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd71 71CG93_Observatoire_Violences.indd71 71 19/12/06 15:58:2219/12/06 15:58:22

DEUXIÈME SCÈNESARAH DÉCIDE DE PARLER DU HARCÈLEMENT

QU’ELLE SUBIT À UNE FEMME SYNDICALISTE,

DOMINIQUE. (DANS LE LOCAL SYNDICAL)

Dominique

Allez, on a du boulot, il faut

mettre les tracts dans une

enveloppe pour qu’ils partent

demain !

Fabrice

Écoute Dominique, sur la route,

j’en ai entendu une bonne : Tu

sais pourquoi les blondes ont du

chewing-gum dans les cheveux ?

Sarah, qui vient de rentrer

dans le bureau

Dominique…

Dominique

Attends, attends, c’est la chute

de la blague !

Fabrice

C’est parce que les patrons

mettent leur chewing-gum

sous le bureau !

Sarah entend cette phrase

et, offusquée, est sur

le point de repartir.

Dominique

Ben, attends Sarah !

Qu’est-ce qu’il y a ?

Sarah, à Fabrice

Je voudrais parler à Dominique

seule à seule.

Fabrice

Bon, d’accord, j’ai compris…

À tout à l’heure !

Dominique

Qu’est-ce qu’il t’arrive, Sarah ?

Sarah

C’est à la déléguée syndicale

et représentante du personnel

que je viens parler.

Dominique

Si c’est au sujet des horaires,

on s’en occupe !

Sarah

Cela n’a rien à voir avec ça.

Il s’agit de Xavier Berton.

Dominique

Le chargé de communication ?

Sarah

Oui. Je ne sais pas par où

commencer. J’ai droit à toutes

sortes de réflexions sur ma

tenue, ma manière de m’habiller,

des blagues, des sous-entendus,

des regards insistants. Il a même

essayé de me voler une bise

en faisant semblant d’aller plus

loin. Dernièrement, j’ai reçu

PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »

page 72 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

SARAH TRAVAILLE DEPUIS HUIT ANS DANS LA MÊME

ENTREPRISE. ELLE INTÈGRE UN NOUVEAU SERVICE

DONT LE DIRECTEUR DE COMMUNICATION EST

PARTICULIÈREMENT ENTREPRENANT.

(TROIS SCÈNES)

LA PREMIÈRE SCÈNE SE PASSE EN TROIS TEMPS.

LE HARCÈLEMENT SEXUEL S’INSCRIT

DANS LA DURÉE. IL EST IMPORTANT

DE LE REPÉRER DÈS QU’IL COMMENCE.

1. TROIS JOURS APRÈS L’ENTRÉE DE SARAH

DANS CE NOUVEAU SERVICE : AU MOMENT DES

PRÉSENTATIONS, SON NOUVEAU DIRECTEUR DE

COMMUNICATION A UN COMPORTEMENT ANORMAL.

2. TROIS SEMAINES APRÈS, À L’OCCASION

D’UNE DISCUSSION SUR L’HABILLEMENT, MONSIEUR

TROUVE QUE SARAH DEVRAIT FAIRE UN EFFORT

POUR S’HABILLER DE MANIÈRE « PLUS FÉMININE ».

3. AU BOUT DE DEUX MOIS, LE DIRECTEUR INVITE

SARAH À PRENDRE LA CLEF DE LA PHOTOCOPIEUSE,

DANS SA POCHE.

CG93_Observatoire_Violences.indd72 72CG93_Observatoire_Violences.indd72 72 19/12/06 15:58:2219/12/06 15:58:22

THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE

NOUS AVONS PARLÉ DE LA DIFFICULTÉ

DE PARLER AVEC DES REPRÉSENTANTS

SYNDICAUX. IL CONVIENT CEPENDANT D’ÉVITER

LES GÉNÉRALISATION. NOUS AVONS VU QUE

CERTAINS RISQUAIENT DE PERDRE LEUR TRAVAIL

POUR DÉFENDRE DES FEMMES VICTIMES DE

HARCÈLEMENT SEXUEL. CEPENDANT, TANT

QUE LES SYNDICATS N’AURONT PAS ADOPTÉ

DE POSITION NATIONALE SUR LE HARCÈLEMENT

SEXUEL, IL SERA DIFFICILE DE FAIRE AVANCER

LA QUESTION.

c’est pas dramatique, Sarah. Je crois qu’il t’apprécie, ce pauvre homme. Il s’y prend mal, c’est vrai. À te dire la vérité, je ne vois pas ce qu’il y a de politique là-dedans. Et puis, même pour des choses graves, c’est un sujet difficile à faire passer auprès du syndicat.SarahC’est sérieux ça, Dominique ? Dominique

Je peux t’aider en tant qu’amie, mais en tant que syndicaliste… As-tu pensé à aller voir la médecine du travail ? Ils peuvent toujours t’écouter là-bas, te donner des trucs du genre anti-stress. Tu m’as l’air surmenée. Et tu sais, quand on est comme ça, on voit tout en noir, c’est normal. Sarah, abattue et ironiqueMerci, je me sens vraiment beaucoup mieux.

des mails dégoûtants et pleins de choses comme ça. Je ne me sens plus à l’aise pour aller travailler là-bas.DominiqueQue veux-tu que je fasse en tant que représentante syndicale ?Sarah

Quelque chose doit bien être prévu dans le règlement : des mesures, un blâme, ou au moins qu’on me change de service pour que je n’ai plus à subir ça !DominiqueAttends Sarah, c’est un problème privé. Je ne vois pas ce qu’on peut faire. Personne ne va te suivre là-dessus ici. Et puis tu sais, en ce moment, on travaille sur les licenciements. Sarah

Regarde, j’ai encore reçu ça dernièrement. C’est inadmissible, quand même. Elle lui tend une lettre.Dominique, en riantOh dis donc ! C’est vrai que ces petits dessins ne sont pas du meilleur goût, mais bon,

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 73

CG93_Observatoire_Violences.indd73 73CG93_Observatoire_Violences.indd73 73 19/12/06 15:58:2419/12/06 15:58:24

DominiqueAlors Sarah, qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Sarah, personnage désormais repris par la participante de la salle.J’ai un truc à te dire. DominiqueÇa concerne les problèmes d’horaires ?

Sarah

Non, c’est pas ça. Je me suis fait proposer…DominiqueÇa a l’air grave ! Assieds-toi. Sarah

J’ai eu une proposition canapé. Tiens, c’est la lettre.

Dominique lit la lettreOh, là, là ! Sarah

Aide-moi, je ne sais pas quoi faire !DominiqueMoi, non plus. C’est Berton ? Sarah

Oui. Peux-tu m’aider à porter plainte ?DominiqueTu sais, tu es la première à en parler vraiment, mais je pense que tu n’es pas la première à avoir vécu cela. Tu souhaites vraiment porter plainte ?

page 74 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

LE PUBLIC PROPOSE DES ALTERNATIVES

POUR LA DEUXIÈME SCÈNE.

UNE JEUNE FEMME DE L’ASSISTANCE MONTE

SUR SCÈNE, ELLE SOUHAITE REMPLACER

SARAH DEPUIS LE DÉBUT.

PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »

CG93_Observatoire_Violences.indd74 74CG93_Observatoire_Violences.indd74 74 19/12/06 15:58:2619/12/06 15:58:26

THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE

POUR LE MOMENT, SARAH A OBTENU QUE

DOMINIQUE L’ACCOMPAGNE EN TANT QU’AMIE

CE QUI N’ÉTAIT PAS ACQUIS DANS NOTRE

SCÈNE. MAIS COMMENT ESSAYER D’ALLER

PLUS LOIN ?

Sarah

Oui, avec toi si tu veux bien.

Dominique

Tu veux que je t’accompagne ?

Sarah

J’aimerais bien.

Dominique

En tant que copine, je suis prête

à t’accompagner, mais je ne suis

pas déléguée par le syndicat.

Je vais essayer de voir avec

le syndicat ce qu’il est possible

de faire.

Sarah

Quand pouvons-nous y aller ?

Dominique

Tu as raison, il ne faut pas

attendre dans ces cas-là. Il va

cependant falloir convaincre

le syndicat que c’est important

et qu’il faut t’accompagner.

Ça va peut-être mettre un peu

plus de temps...

Fin de l’intervention de la 1re participante

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 75

CG93_Observatoire_Violences.indd75 75CG93_Observatoire_Violences.indd75 75 19/12/06 15:58:2719/12/06 15:58:27

Sarah

Dominique, je peux te déranger ?

Dominique

Tu ne me déranges pas. Tu peux

m’aider à mettre les tracts dans

les enveloppes ?

Sarah

Je te présente ce qu’on vient

de m’envoyer. Vraiment, je n’en

peux plus ! Ça fait plusieurs mois

que cela dure, mais là je craque !

Elle lui tend la lettre.

Dominique

Ah, c’est le chargé de

communication ?

Sarah

Oui. Comme tu es la déléguée,

je voulais en parler avec toi

pour prendre rendez-vous

avec le syndicat parce que

je n’en peux plus.

Dominique

Tu veux que je t’accompagne

auprès du syndicat pour faire

quelque chose…

page 76 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

PREMIER THÉÂTRE-FORUM : « BLAGUE À PART »

UNE AUTRE FEMME MONTE SUR LA SCÈNE

ET SOUHAITE PRENDRE LE RÔLE DE SARAH

DEPUIS LE DÉBUT.

CG93_Observatoire_Violences.indd76 76CG93_Observatoire_Violences.indd76 76 19/12/06 15:58:2819/12/06 15:58:28

THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE

QUAND SARAH SORT DE L’ENTREPRISE

APRÈS LE RENDEZ-VOUS SYNDICAL,

NOUS TRAVAILLONS LA SUITE DE CE

THÉÂTRE-FORUM AVEC LE PUBLIC SUR LES

RÉPERCUSSIONS DU HARCÈLEMENT SEXUEL,

NOTAMMENT SUR LA VIE DE COUPLE.

LES COMÉDIENS MONTRENT UNE IMAGE DE CETTE

TROISIÈME SCÈNE : SARAH AVEC SON MARI-COMPAGNON.

Sarah

Oui. Il faut qu’on s’explique. Même vis-à-vis des collègues. Il me regarde bizarrement, me dit que je suis mal habillée, je ne suis vraiment pas bien dans ma peau.DominiqueD’accord. Je pense que tu as raison. Mais en ce moment, on n’a pas mal de réunions…Sarah

Je sais que tu es débordée. Donne-moi le numéro, je les appellerai moi-même parce que je n’en peux plus. Si ça continue, je devrais m’arrêter. Si j’obtiens un rendez-vous, pourras-tu m’accompagner ? DominiqueAuras-tu vraiment besoin de moi ?

Sarah

Oui, c’est bien toi qui représentes la société.

DominiqueÇa va peut-être être un peu

difficile au niveau du syndicat parce que nous ne sommes

pas nombreuses. SarahJe suis un peu révoltée parce que

je paye quand même mon timbre !Dominique

Je te répète que ça ne va pas être

facile en ce moment. SarahC’est ma priorité aujourd’hui.

Je n’ai pas envie d’être en arrêt maladie. Je suis là pour travailler

et pas pour faire des ronds de jambes à Monsieur. Si j’obtiens

un rendez-vous, je veux que tu m’accompagnes. Dominique

D’accord, je t’accompagnerai.Fin des interventions avec la salle

sur cette scène et de l’extrait de « Blague à part ».

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 77

CG93_Observatoire_Violences.indd77 77CG93_Observatoire_Violences.indd77 77 19/12/06 15:58:2919/12/06 15:58:29

Justine, une collègue

Qu’est-ce qu’il t’arrive, Martin ?

Martin

Je viens d’assister à une scène

qu’on ne peut pas tolérer ici.

Cédric, un collègue

Quoi ?

Martin

C’est Stéphanie. Je suis passé

dans son bureau. Il y avait

Roland. Il était comme ça sur

elle… (il mime la scène)

Cédric

Quoi ? Tu les as surpris en train

de…

Martin

Mais non ! Elle me regardait

comme si elle voulait que je

reste. D’ailleurs, elle m’a tout de

suite dit « Entre, entre !! ».

Naïma, une collègue

J’étais sûre qu’il se passerait

quelque chose entre eux.

Justine

Mais on ne parle pas de ça ici,

d’accord ?

Martin

Pourquoi ?

Cédric

Pourquoi ? Il te plaît Roland,

c’est ça ?

Justine

Je veux juste travailler dans des

conditions potables, c’est tout !

Naïma

En tout cas, elle n’a pas perdu

son temps ! Tu crois vraiment

qu’ils sont ensemble ?

Martin

Je vous dis le contraire :

elle subit. Elle était toute

tremblante !

Naïma

Quel contraire ?

Le collègue

De quoi parles-tu ?

Naïma

Ils ont le droit après tout. On

rencontre tous son conjoint sur

le lieu de travail. Maintenant,

c’est vrai qu’ils pourraient faire

ça ailleurs.

Cédric

S’ils sont tout seuls, je ne vois

pas pourquoi ils se priveraient !

Justine

Mais puisqu’il vous dit le

contraire : c’est lui qui la force !

Cédric

Doucement, Justine, tu vas vite,

là !

Naïma

Oui, et puis tu l’as vue

elle aussi : depuis huit mois,

elle se donne toujours un genre

fier à prendre les gens de haut.

DEUXIÈME THÉÂTRE-FORUM : « NI VU, NI CONNU »

CETTE AUTRE PIÈCE PORTE SUR LE REPÉRAGE

DU HARCÈLEMENT SEXUEL. LE PERSONNAGE

OPPRIMÉ EST UN HOMME, MARTIN. TÉMOIN

DE L’AGRESSION SEXUELLE D’UNE COLLÈGUE,

IL ESSAIE D’ENGAGER DES DÉMARCHES, MAIS

RENCONTRE QUELQUES RÉSISTANCES.

page 78 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd78 78CG93_Observatoire_Violences.indd78 78 19/12/06 15:58:3119/12/06 15:58:31

Martin

C’est peut-être parce qu’il

l’embête depuis tout ce

temps. Vous qui êtes là depuis

longtemps, vous n’êtes au

courant de rien ? Vous n’avez

jamais rien vu, rien entendu

dire avant ?

Naïma

Bon... (silence) En même temps,

c’est vrai que Roland ne pense

qu’à ça !

Martin

Justine, tu as l’air convaincue par

ce que je raconte. Tu ne voudrais

pas m’aider ?

Justine

Moi ? T’aider ? On ne peut

pas faire grand chose de toute

façon...

Martin

Si nous sommes plusieurs à

témoigner ou s’il y a eu d’autres

cas avant, peut-être que la

direction bougerait plus vite.

Sinon, nous pouvons chercher

de l’aide à l’extérieur…

Justine

Tu n’as pas compris : je n’ai pas

envie qu’on dise tout ce qu’il

se passe ici. Tu ne te rends pas

compte !

Elle sort.

Naïma

Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi

est-elle partie comme ça ?

Martin

Je ne sais pas. Je lui disais

que si nous étions plusieurs

à témoigner, nous pourrions

aider Stéphanie.

Naïma

On ne va pas témoigner

de quelque chose qu’on n’a

pas vu. Moi, je n’ai pas envie

de m’en mêler, ce ne sont pas

mes histoires.

Cédric

Tu verras, Martin. Ici, tu seras

suffisamment chargé de travail

pour ne plus t’occuper de ce

genre d’histoires !

Naïma, sur le départ

C’est vrai, elle n’a qu’à l’éviter

après tout. Si elle s’installe

à l’autre petit bureau du fond,

il va vite comprendre.

Personne ne m’embête, moi.

THISSA D’AVILA BENSALAH, COMPAGNIE DÉSAMORCE

LES RÉSISTANCES POUR OBTENIR DES TÉMOIGNAGES

SONT DE CET ORDRE. NOUS PROPOSONS DONC

À DES PERSONNES D’APPORTER DE LA SOLIDARITÉ

ET D’ESSAYER DE CONVAINCRE LES COLLÈGUES PENDANT

LE TEMPS DE FORUM. PAR AILLEURS, DANS NOTRE

HISTOIRE, JUSTE APRÈS CETTE SCÈNE, MARTIN N’AYANT

PAS OBTENU GAIN DE CAUSE AVEC SES COLLÈGUES,

VA AUSSI TENTER DE S’ADRESSER AU DRH.

C’EST L’OBJET D’UNE DEUXIÈME SCÈNE DE CETTE

HISTOIRE. POUR CONCLURE, CET OUTIL PROPOSE

DONC D’ENTRER DANS LES RAPPORTS ENTRE OPPRIMÉS

ET OPPRESSEURS POUR COMBATTRE L’OPPRESSION

À LA PLACE DE L’OPPRIMÉ-E. NOTRE RÔLE EST DE FAIRE

REMONTER LA PAROLE DES FEMMES. NOUS TRAVAILLONS

POUR CELA EN PARTENARIAT AVEC L’OBSERVATOIRE ET

LES ASSOCIATIONS POUR OBTENIR DES LOIS QUI SOIENT

VÉRITABLEMENT APPLIQUÉES AINSI QU’UN VÉRITABLE

CHANGEMENT DE MENTALITÉS.

Cédric

Mais dis-moi Martin, pourquoi

tu t’intéresses tellement à elle ?

Elle te plaît, c’est ça ? C’est vrai

qu’avec le coup du sauveur,

t’as toutes tes chances...

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 79

CG93_Observatoire_Violences.indd79 79CG93_Observatoire_Violences.indd79 79 19/12/06 15:58:3319/12/06 15:58:33

MARIA MAILAT

33 J’ai suivi la Compagnie Désamorce pendant quatre séances qui ont rassemblé différentes

populations : des professionnels, des groupes de femmes et d’hommes en réinsertion ou

de très jeunes garçons qui ont suivi très attentivement le travail réalisé avec cet outil. Le

fait de prendre la place d’un personnage opprimé provoque une réelle prise de

conscience. La place de la comédienne médiatrice est importante car elle assure

le passage entre la scène et le public.

33 J’ai analysé les différentes stratégies et solutions proposées par les personnes

qui se trouvaient dans la salle. La première stratégie que j’ai identifiée est la

mise à distance de l’agresseur. La personne qui prend la place de l’acteur essaie

de ne pas lui faire la bise, de vouvoyer l’agresseur, d’employer des formules de

politesse. Cependant, ces comportements ne lui permettent pas d’avoir une prise

sur l’agresseur dans les situations qui sont mises en scène.

33 J’ai également noté une symétrie et une surenchère. La victime essaie à son tour de

se défendre et devient elle-même agressive envers l’agresseur. Elle se trouve piégée car

l’agresseur se trouve toujours en situation de domination. Cette surenchère met la victime

dans une situation de plus en plus difficile puisque l’agresseur lui répond qu’il ne veut que

l’aider. La peur constitue aussi un élément omniprésent : peur de parler, de

témoigner, de perdre son travail, de se mettre en difficulté par rapport à son

conjoint ou ses amis. La honte aussi est présente.

La référence au tiers constitue une autre forme de stratégie, que la Compagnie

Désamorce encourage subtilement avec son outil. En effet, le huis clos du lieu

du travail est générateur de la loi du silence. La Compagnie Désamorce met progressivement

en évidence la nécessité de faire appel à un tiers extérieur en cas de violences sexistes

ou sexuelles. J’ai, par ailleurs, remarqué que les femmes mettaient en place une stratégie

collective lorsqu’elles prenaient le rôle d’un des personnages. Elles vont discuter avec

d’autres femmes, avec les hommes. Elles cherchent à rassembler tous les protagonistes au

sein d’une réunion.

Anthropologue

LE HUIS CLOS DU LIEU DU TRAVAIL EST GÉNÉRATEUR DE LA LOI DU SILENCE. LA COMPAGNIE DÉSAMORCE MET PROGRESSIVEMENT EN ÉVIDENCE LA NÉCESSITÉ DE FAIRE APPEL À UN TIERS EXTÉRIEUR EN CAS DE VIOLENCES.SEXISTES OU SEXUELLES.

La peur est omniprésente : peur de parler, de témoigner,

de perdre son travail, de se mettre en difficulté par rapport

à son conjoint ou ses amis.

ANALYSE DES PROPOS RECUEILLIS EN ENTREPRISES, LYCÉES D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL, ET SERVICES DU RMI

page 80 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd80 80CG93_Observatoire_Violences.indd80 80 19/12/06 15:58:3419/12/06 15:58:34

33 Une autre solution consiste à nommer ce qui se passe. J’ai toutefois constaté que les

femmes éprouvaient des difficultés à qualifier la violence sexiste et le harcèlement. Elles ont

également du mal à dire ce qui se passe devant l’agresseur. Une deuxième difficulté est de

pouvoir raconter ce que l’on vit sans laisser la possibilité aux autres interlocuteurs d’ajouter

des interprétations erronées. Par ailleurs, la Compagnie Désamorce emploie la dérision,

souvent utilisée par l’agresseur. Or, lorsque la femme essaie d’introduire sa propre dérision

à l’égard de l’agresseur, elle ne parvient pas à résoudre la situation et est davantage piégée.

Lorsque les hommes prennent la place de Sarah, ils éprouvent des difficultés à faire face à

une situation de violence. Certains étaient même plus désarçonnés que le personnage.

33 Cette expérience montre que la difficulté se pose autant pour les hommes que pour les

femmes. Parmi les stratégies utilisées par les hommes, j’ai identifié la négation. Ils jouent une

Sarah naïve, qui dit à l’agresseur qu’elle ne comprend pas où il veut en venir, ce qui ouvre

à ce dernier la possibilité de la piéger davantage. Les hommes essaient également

de composer davantage avec l’agresseur. On peut imaginer que les hommes qui

prenaient la place de Sarah entretenaient une forme de solidarité masculine avec

l’agresseur.

Ces situations sont extrêmement riches, car l’outil se compose de plusieurs leviers

qui permettent une prise de conscience progressive des effets du harcèlement.

À la fin de la séance, les participants restaient pour discuter entre eux ou avec les acteurs.

Ce travail permet ainsi de susciter un élan de solidarité.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 81

Lorsque les hommes prennent la place de Sarah, ils éprouvent des difficultés à faire face à une

situation de violence. Certains étaient même plus désarçonnés

que le personnage.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd81 81CG93_Observatoire_Violences.indd81 81 19/12/06 15:58:3519/12/06 15:58:35

ACTIONS DE PRÉVENTION À LA CCAS

MIREILLE HACCART

La CCAS est la Caisse centrale des activités sociales du personnel des industries électriques

et gazières. C’est une association loi 1901, gérée par la Fédération de l’énergie, syndicat

majoritaire à la CCAS. Elle emploie 1 200 salariés au quotidien, et jusqu’à 8 000 salariés en

CDD, sur une année. Elle intervient dans plusieurs domaines :

33 les vacances et les loisirs ;

33 la restauration méridienne, l’employeur étant tenu de mettre à la disposition des salariés

des restaurants ou des espaces pour leur permettre de se restaurer ;

33 la santé : dispensaires, santé au travail, prévention sur et en dehors du lieu de travail,

handicap ;

33 les assurances.

Nous sommes amenés à employer des salariés en CDD pour mettre en place des

activités auprès des électriciens et gaziers, notamment dans la restauration méridienne.

Du fait de leur statut, ces salariés sont particulièrement exposés à des risques. Nous

avons ainsi mis en place une action de prévention à partir du cas d’une personne qui

a dénoncé des violences et le harcèlement qu’elle subissait.

En 1996, une salariée a en effet rédigé un courrier au directeur régional de Paris-Nord. À cette

époque, je venais de prendre le poste d’assistante de prévention. Le directeur régional m’a

donc demandé de mettre en place, dans le cadre d’un programme triennal, une action de

prévention sur le harcèlement sexuel. Ma première démarche a été de trouver des partenaires

capables de m’expliquer en quoi consistait le harcèlement sexuel. J’ai notamment contacté

le ministère du Travail qui m’a renvoyé vers la délégation aux droits des femmes.

Madame Marie Bedelle, m’a alors donné les coordonnées de l’AVFT.

Nous n’avons pas mesuré l’ampleur du phénomène de prime abord. Lorsque nous

avons mis en place un groupe de travail qui regroupait tous les corps de métiers

de la direction régionale, les premières réactions ont été terribles. Le matin, les

participants niaient le phénomène, certains considérant que les femmes devaient s’habiller

mieux, qu’elles aimaient se faire tripoter. L’AVFT est ensuite intervenue sur le sujet l’après-

midi. Elle a tellement bien démonté les mécanismes du harcèlement sexuel et des violences

CCAS d’EDF

DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL

page 82 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Le matin, les participants niaient le phénomène, certains

considérant que les femmes devaient s’habiller mieux, qu’elles

aimaient se faire tripoter.

CG93_Observatoire_Violences.indd82 82CG93_Observatoire_Violences.indd82 82 19/12/06 15:58:3619/12/06 15:58:36

Médecin du travail

Responsable de l’Observatoire

départemental des violences

envers les femmes

au travail qu’elle a permis une réelle prise de conscience en quelques heures. Ce travail de

prévention a été conduit pour mettre fin à de tels agissements au sein de la CCAS. Il a ensuite

été repris par chaque région en fonction de ses possibilités.

Nous avons mis en place un groupe de travail dans le but de relayer l’assistante de prévention

et la ligne hiérarchique. La CCAS n’a pas obligé les « hiérarchiques » à mettre en œuvre cette

action de prévention. Elle est notifiée dans le règlement intérieur et proposée à plusieurs

reprises. Il revient ensuite à chaque direction régionale de se mobiliser pour mettre en place

des actions avec le groupe de travail. Parallèlement, une formation a été proposée. À Paris-

Nord, la direction régionale l’a rendue obligatoire pour l’ensemble de la ligne hiérarchique.

Les médecins du travail et l’inspecteur du travail de Seine-Saint-Denis ont été associés à cette

démarche. Ils s’étaient engagés à mettre en place des formations avec l’AVFT.

ERNESTINE RONAI

La CCAS a également réalisé des tracts et des affiches pour informer les personnels

nouvellement embauchés. En réalité, il s’agit d’une simple application de la loi. Cependant,

peu d’entreprises respectent cette obligation.

LE RÔLE DE LA MÉDECINE DU TRAVAIL

DOCTEUR STERDYNIAK

Mon expérience est totalement différente. Le service de santé au travail dans lequel je suis

employé en Seine-Saint-Denis et sur une partie de Val-de-Marne regroupe 9 500 entreprises

adhérentes représentant environ 130 000 salariés. Néanmoins, 95 % des entreprises comptent

moins de 20 personnes. Or dans ces petites entreprises, qui constituent le tissu industriel du

département, ce genre d’actions ne peuvent pas être engagées en l’absence de syndicats ou

de délégués du personnel.

Nous pensons qu’il ne faut pas nécessairement passer par les entreprises

sur le plan de la prévention. En région Île-de-France, nous avons mis en place

un groupe de travail sur les risques professionnels dans les métiers de la

propreté, où le risque de violences sexuelles est très important compte tenu de

l’organisation et de la division sexuelle du travail. En effet, la grande majorité

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 83

Un groupe de médecins du travail, en région Île-de-France,

prépare un document sur les risques professionnels dans

les entreprises de nettoyage.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd83 83CG93_Observatoire_Violences.indd83 83 19/12/06 15:58:3719/12/06 15:58:37

Médecin du travail

des ouvriers nettoyeurs est composée de femmes alors que la hiérarchie est masculine.

À cela s’ajoutent les horaires décalés, le travail isolé. De plus, les personnes qui sont

employées dans ce secteur sont souvent en situation précaire. En effet, la catégorie des

nettoyeuses compte trois fois plus de familles monoparentales que la moyenne nationale.

Le rôle du médecin du travail est de savoir identifier et anticiper ces situations à risques

de manière volontariste. C’est dans ce but que nous souhaitons élaborer un document

sur les risques professionnels dans les entreprises de nettoyage qui tienne compte de la

problématique des discriminations sexistes et du harcèlement sexuel. Nous proposerons cet

outil de travail aux chambres des métiers, aux professionnels et aux partenaires sociaux. Il est

en effet plus efficace de travailler de manière globale plutôt que par entreprise.

Dans les petites entreprises, le médecin du travail est souvent le seul interlocuteur pour les

problèmes de santé au travail en l’absence de délégués du personnel ou de CHSCT. Il faut donc

conseiller aux femmes victimes de discriminations sexuelles de prendre contact avec le médecin

du travail qui constitue un interlocuteur privilégié en raison de son statut indépendant. Il peut

intervenir auprès de l’employeur, voire d’autres structures.

DELPHINE BRILLAND

Je regrette beaucoup que les visites pour les salariés soient devenues obligatoires tous

les deux ans car cela réduit d’autant le contact avec le médecin du travail. Or, les petites

entreprises se réfèrent souvent à lui car il est identifié comme un tiers impartial sur ce sujet,

à l’inverse de l’inspection du travail.

DOCTEUR STERDYNIAK

Le code du travail permet à toute personne qui le désire de prendre un rendez-vous avec

le médecin du travail quand elle le souhaite. Elle peut même le faire de manière anonyme

en dehors des heures de travail, si elle ne souhaite pas que son employeur soit au courant.

En matière de harcèlement moral, les salariés se tournent très facilement vers le médecin du

travail, ce qui n’est pas le cas en matière de harcèlement sexuel. Ainsi, dans la plupart des

cas, nous sommes informés de ce type de situation après coup. Or nous pouvons tout à fait

intervenir lorsque nous sommes informés en temps réel.

Inspectrice du travail

page 84 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL

CG93_Observatoire_Violences.indd84 84CG93_Observatoire_Violences.indd84 84 19/12/06 15:58:3819/12/06 15:58:38

Médecin du travail

Inspectrice du travail

L’ENQUÊTE POSSIBLE DE L’INSPECTION DU TRAVAIL

DELPHINE BRILLAND

Les entreprises de plus de 20 salariés sont soumises à une obligation d’affichage sur les

dispositions concernant le harcèlement sexuel. Elle n’est pas respectée la plupart du temps. En

outre, le CHSCT peut proposer des actions en matière de prévention. Dans une petite société

où il n’existe pas d’institutions représentatives du personnel, la première chose à faire est de

sortir de l’isolement. Le salarié peut essayer de parler à ses collègues, même si

très souvent, il ne trouvera pas d’appui au sein du collectif de travail. Il est donc

conseillé de s’adresser à un syndicat extérieur ou à une association spécialisée.

Ensuite, il faut se constituer un dossier et décrire jour par jour ce qui se passe afin

de préparer une procédure ultérieure. Il reviendra ensuite à l’employeur et/ou à

l’accusé de démontrer qu’il n’en a pas été ainsi.

Parallèlement, l’inspection du travail peut mener une enquête pour « objectiver la situation ».

Elle examinera notamment la situation du poste de travail : importance du turn-over sur le

poste ou dans le service, fréquence des arrêts-maladie, des accidents de travail, etc. C’est une

multiplication d’indices. Nous essayons également d’interroger les anciens salariés à partir

du registre unique du personnel. Enfin, quand cela est possible, nous essayons, à partir d’un

questionnaire très large sur les conditions de travail, d’arriver progressivement au harcèlement

sexuel. L’objectif est d’accumuler le maximum d’indices.

DOCTEUR STERDYNIAK

Dans les entreprises de moins de 20 personnes, le harcèlement sexuel se termine généralement

par le départ de la personne harcelée, le plus souvent par démission. L’employeur est

suffisamment pervers pour ne pas procéder à un licenciement qui pourrait attirer l’attention.

Parfois, nous avons également recours à une procédure d’inaptitude médicale. Le code du

travail nous permet de rendre inaptes les personnes victimes de harcèlement professionnel,

mais pas dans les entreprises où les conditions de travail sont infâmes.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 85

S’il n’existe pas d’institutions représentatives du personnel,

la première chose à faire est de s’adresser à un syndicat

extérieur ou à une association spécialisée.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd85 85CG93_Observatoire_Violences.indd85 85 19/12/06 15:58:3919/12/06 15:58:39

LES RECOURS EN JUSTICE FREINÉS PAR LA PEUR

SOLANGE MORACCHINI

En 2005, le tribunal de Bobigny a reçu 1 530 plaintes en matière de violence conjugales. Seules

126 ne pouvaient pas être poursuivies. Ainsi, dans la grande majorité des cas, les faits de

violences sur conjoint ou concubin étaient avérés et pouvaient impliquer une réponse pénale.

Mais en matière de harcèlement sexuel, 19 plaintes ont été déposées et aucune

poursuite n’a été engagée.

Il existe des points de comparaison entre harcèlement sexuel et violences conjugales.

En effet, la victime a souvent peur des institutions : inspection du travail, médecine

du travail, inspection, police ou tribunal. Elle marque avant tout l’absence de confiance dans

la réponse judiciaire. En outre, nous avons souvent affaire à un système de dépendance

économique, qui fait que la victime de harcèlement sexuel a peur de perdre son travail si elle

parle. De même que la victime de violences conjugales ne peut dénoncer le mari qui pourvoit

aux revenus du ménage.

Enfin, la victime a peur de ne pas être crue et se trouve dans un système d’isolement. En ce

qui concerne le harcèlement sexuel, la mise en scène théâtrale m’a paru pertinente car, dans

la famille, la victime se trouve dans un deuxième enfermement lorsqu’elle rentre chez elle.

Elle ne veut pas parler de peur d’être traitée comme une allumeuse ou une mythomane. Ainsi,

à un enfermement professionnel s’ajoute un enfermement privé.

Cette logique marque la limite entre violence familiale et violence sur le lieu du travail. La peur

de la suite judiciaire est également liée à la preuve. Il faut en effet établir l’infraction pour

ensuite l’imputer à un auteur et prendre la réponse pénale adaptée. Or le harcèlement sur le

lieu de travail fait partie des infractions les plus difficiles à qualifier pénalement. Est-ce un fait

unique ou continu ? S’il s’agit d’un fait unique, en quoi se différencie-t-il d’une cour maladroite

ou éhontée ? Enfin, que signifie vouloir obtenir les faveurs sexuelles de quelqu’un ?

Par ailleurs, le harcèlement est-il un fait public commis en présence de témoins ? Dans ce

type de contentieux où deux paroles s’affrontent, il est souvent difficile d’établir la preuve.

La victime peut donc craindre de ne pas être crue. Au niveau judiciaire, le harcèlement

Procureure adjointe

au tribunal de Bobigny

page 86 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

En 2005, 19 plaintes pour harcèlement sexuel ont été

déposées au tribunal de Bobigny et aucune poursuite

n’a été engagée.

DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL

CG93_Observatoire_Violences.indd86 86CG93_Observatoire_Violences.indd86 86 19/12/06 15:58:3919/12/06 15:58:39

CCAS d’EDF

ANALYSE

sexuel est souvent révélé a posteriori, par exemple lorsqu’une affaire est portée devant les

prud’hommes. Il peut également être établi à la suite d’un suicide : la recherche des causes

de la mort permet de mettre en évidence un comportement au travail qui était devenu

insupportable du fait du harcèlement. Un harcèlement peut également se traduire par des

dépressions lourdes. Parfois, lorsque la victime a réussi à porter plainte, l’enquête se heurte

au refus ou au silence de ceux qui pouvaient témoigner. La procédure est alors classée sans

suite faute de preuves. Il arrive alors que la personne visée porte plainte contre la victime

pour dénonciation calomnieuse. Dans ce cas, ceux qui se sont tus décident de réagir pour ne

pas cautionner l’injustice.

Il convient de rappeler qu’à l’instar des violences conjugales, les harcèlements sexuels se

produisent dans tous les milieux, sous des formes différentes, même si certaines professions

sont plus exposées que d’autres. Le dénominateur commun est la difficulté de porter plainte

qui explique que la justice soit peu saisie. Néanmoins, il est possible d’agir. Il est

en effet important de rompre l’isolement et de rappeler à la victime qu’elle est sujet

de droit et qu’elle doit demander son application. Il faut que les représentants

syndicaux, le corps médical ou les associations constituent des repères pour

les victimes. Au niveau judiciaire, des associations d’aide aux victimes peuvent

rappeler que les victimes d’une infraction ont droit à une protection. L’important n’est pas de

multiplier les plaintes ou les poursuites, mais de dire aux victimes qu’ils ont droit à la parole,

d’expliquer le parcours judiciaire et les suites pénales qui sont susceptibles d’être données.

MIREILLE HACCART

Les interventions précédentes se situent dans la perspective de la réparation, mais il est

important d’adopter une perspective de prévention. Les gouvernements successifs ont une

part de responsabilité importante en la matière, dans la mesure où ils ne développent pas

la connaissance de ces phénomènes dès le plus jeune âge. Il est également anormal que

les assistantes de prévention n’abordent à aucun moment ces problématiques dans le cadre

de leur formation. Or la prévention permet d’agir avant qu’il soit nécessaire de demander

réparation et sanction.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 87

Il est important de rompre l’isolement et de rappeler

à la victime qu’elle est sujet de droit et qu’elle doit

demander son application.

ANALYSE

CG93_Observatoire_Violences.indd87 87CG93_Observatoire_Violences.indd87 87 19/12/06 15:58:4019/12/06 15:58:40

ERNESTINE RONAI

Les problèmes de violence sexiste au travail accèdent peu à la parole, même si des

associations travaillent en ce sens. Des outils existent, à l’instar de celui que propose le

Théâtre de l’Opprimé. En outre, il est important de reprendre ce thème et de réaliser des

formations de spécialistes sur le sujet. Enfin, il faut prévoir des formations plus larges à

l’attention de l’ensemble des personnels pour que ces phénomènes soient mieux connus.

Nous allons commencer par former les conseillers prud’homaux car il est important qu’ils

puissent soutenir les victimes.

Savoir que certains agissements sont condamnés et que leurs auteurs sont punis

incitent des agresseurs potentiels à ne pas les commettre. À l’inverse, lorsqu’ils

sont commis en toute impunité, ils sont de fait autorisés, même si des lois sont

censées les interdire. Dans ce domaine, la répression fait partie de la prévention.

Il faut donc insister sur sa mise en place. Sur ce point, le travail à réaliser est

considérable.

Responsable de l’Observatoire

départemental des violences

envers les femmes

page 88 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

Savoir que certains agissements sont condamnés et que leurs

auteurs sont punis incitent des agresseurs potentiels à ne pas les

commettre. À l’inverse, lorsqu’ils sont commis en toute impunité,

ils sont de fait autorisés. Dans ce domaine, la répression

fait partie de la prévention.

DES EXPÉRIENCES DE PRÉVENTION DES VIOLENCES SEXISTES ET DU HARCÈLEMENT AU TRAVAIL

CG93_Observatoire_Violences.indd88 88CG93_Observatoire_Violences.indd88 88 19/12/06 15:58:4119/12/06 15:58:41

Médecin du travail

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 89

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

VALÉRIE BOBLET

Il est important que les femmes sortent de l’isolement et puissent parler. Néanmoins, le

sujet est tellement tabou qu’elles n’en sont souvent pas capables. Je m’interroge donc sur

la manière dont les professionnels peuvent repérer ces violences et amener les femmes à

la parole. Gilles Lazimi, médecin-directeur du centre municipal de santé de Romainville, qui

a réalisé un travail important sur la violence conjugale, interroge systématiquement ses

patientes sur le sujet.

Il a ainsi découvert que 50 % étaient victimes de violences conjugales. Je me demande donc si

les médecins du travail ne pourraient pas faire de même avec les salariés qu’ils rencontrent.

Cette réflexion peut également s’appliquer à l’inspection du travail dans le cadre des visites

d’entreprise.

DOCTEUR STERDYNIAK

Il me paraît difficile de demander systématiquement à tous les salariés que je rencontre s’ils

sont victimes de violences conjugales ou de harcèlement sexuel. En revanche, il m’est arrivé

d’identifier sur la base d’éléments cliniques la possibilité d’un harcèlement moral ou sexuel et,

dans ce cas, j’amène la question de manière délicate. Je pense notamment au cas d’une jeune

femmes très dynamique que j’avais rencontré à plusieurs reprises et qui, une année, s’était

présentée à moi totalement déprimée. Elle ne voulait pas parler mais, devant mon insistance,

elle a fini par m’avouer qu’elle était victime de harcèlement sexuel au travail.

Des cas comme celui-ci, en particulier dans les entreprises où le turn-over est important,

doivent nous mettre la puce à l’oreille. Avec une certaine expérience, il est possible de

connaître le climat qui règne dans l’entreprise à la manière dont les salariés se présentent

à la médecine du travail.

Psychologue, Mouvement

français pour le planning

familial de la Seine-Saint-Denis

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd89 89CG93_Observatoire_Violences.indd89 89 19/12/06 15:58:4219/12/06 15:58:42

Inspectrice du travail

CHRISTINE GARCETTE

Le docteur Sterdyniak a mentionné une journée que nous avons organisée l’année dernière

sur le thème du harcèlement sexuel au travail. Les actes, réalisés par le CLICOSS, peuvent

constituer un outil d’information à l’attention des professionnels.

Lorsque nous abordons le thème des violences au travail, nous avons affaire à des intervenants

et professionnels qui n’ont pas nécessairement été sensibilisés aux problèmes des violences.

Dans le département, le service public de l’emploi et les missions locales ont participé à

une action européenne dans le cadre du programme ESPER (engagement du service public

pour restaurer l’égalité). Cette action a permis de former plus de 120 personnes à la loi sur la

lutte contre les discriminations de 2001, et de travailler sur l’ensemble des discriminations,

notamment sexistes. Un certain nombre d’informations sont remontées par ce biais sur des

agressions sexuelles, des viols ou tentatives de viols. Il serait d’ailleurs intéressant d’obtenir

du parquet des informations supplémentaires sur les viols ou les agressions sexuelles dans

le cadre du travail.

UNE INTERVENANTE DE LA SALLE

J’aimerais connaître le nombre d’inspecteurs du travail et de médecins du travail en Seine-

Saint-Denis. En effet, la ville de Stains n’a pas de médecin du travail depuis plus d’un an.

Pendant cinq ans, les salariés de mon entreprise n’ont pas été reçus par la médecine du

travail. Or, en l’absence de médecin et d’inspecteur du travail, comment les femmes peuvent-

elles porter plainte ?

DELPHINE BRILLAND

Pour les entreprises qui relèvent du secteur général, c’est-à-dire hors transport et agriculture,

il existe dix sections d’inspection dans le département, soit 10 inspecteurs du travail,

20 contrôleurs du travail et 20 agents de secrétariat, lorsque l’effectif est complet. Dans le

secteur des transports pour le département (hors aéroport de Roissy) nous sommes cinq

agents de contrôle et quatre secrétaires, et nous sommes menacés de réduction d’effectifs.

Responsable du CLICOSS

page 90 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

CG93_Observatoire_Violences.indd90 90CG93_Observatoire_Violences.indd90 90 19/12/06 15:58:4319/12/06 15:58:43

Médecin du travail

Présidente de l’AVFT

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 91

DOCTEUR STERDYNIAK

La médecine du travail est une obligation légale pour toutes les entreprises. Si les salariés

ne sont pas suivis, c’est parce que l’entreprise n’a pas rempli ses obligations. Dans ce cas,

il faut se rapprocher de l’inspection du travail pour qu’elle impose à l’employeur l’adhésion

à un service de santé au travail.

UNE INTERVENANTE DE LA SALLE

Dans la fonction publique, c’est encore plus compliqué.

UNE INTERVENANTE DE LA SALLE

Tout au long de la journée, nous avons oublié de parler des hommes. Or il convient de leur

rappeler que certains comportements ne sont pas tolérables, comme le département l’a fait

déjà dans le cadre de sa campagne contre les violences conjugales. Il faudrait donc lancer

des actions de communication pour expliquer qu’un responsable n’a pas à avoir des actes

déplacés. Même s’il est nécessaire d’aider les femmes et d’éviter leur isolement, il faudrait

avant tout changer le climat et arrêter de tolérer des comportements inacceptables, des

histoires de blondes et des fonds d’écran obscènes.

CATHERINE LE MAGUERESSE

La meilleure solution pour mettre fin aux violences sexuelles sur le lieu de travail est la

prévention et la fin de l’impunité. Tant que les agresseurs savent au sein de l’entreprise

qu’ils ne risquent rien, ils peuvent continuer leurs agissements et compter sur le silence des

salariés qui ont peur de perdre leur travail. Finalement, 95 % des femmes sont contraintes

à démissionner ou sont licenciées parce qu’elles ont dénoncé le harcèlement sexuel. En

revanche, en menant des campagnes à l’instar de la CCAS, en envoyant avec le bulletins de

salaire un avertissement rappelant que tout harceleur sera licencié, les agresseurs, qui sont

souvent lâches, cesseront leurs pratiques.

En outre, je tiens à souligner que les relaxes ne sont pas liées à un manque de preuves, mais

à un problème d’appréciation sexiste par les magistrats. Même lorsque l’agresseur reconnaît

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd91 91CG93_Observatoire_Violences.indd91 91 19/12/06 15:58:4319/12/06 15:58:43

Procureure adjointe

au tribunal de Bobigny

avoir mis la main aux fesses d’une salariée, ce comportement passe pour une tentative

maladroite de séduction. Depuis cinq ans, nous constatons d’ailleurs un véritable recul sur le

sujet. Alors que dans une situation donnée, nous obtenions la condamnation d’un agresseur,

ce n’est plus systématiquement le cas aujourd’hui. Ce constat est aussi valable pour la

chambre criminelle de la Cour de cassation, et affecte la jurisprudence.

Depuis deux ans, un certain nombre de femmes refusent de parler car elles ont peur d’être

condamnées à des peines lourdes pour dénonciation calomnieuse. Il semblerait, en effet, que

l’idée de l’honneur des personnes mises en cause pour dénonciation calomnieuse ne soit

pas la même que pour les femmes victimes de violences. De manière générale, les victimes

ne souhaitent pas mettre en cause la responsabilité pénale de l’employeur car ces actions

sont lourdes. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et les inégalités peut

être très utile dans ce domaine. Cette instance peut en effet être saisie, notamment par les

représentants du personnel, pour mener une enquête au sein de l’entreprise. Elle peut en

outre intervenir dans la fonction publique à la place de l’inspection du travail.

SOLANGE MORACCHINI

Je souhaiterais préciser que la Cour de cassation ne peut valider une position par rapport

à une autre car elle juge le droit et non les faits. Par ailleurs, en matière de dénonciation

calomnieuse, le parquet de Bobigny n’engage pas systématiquement des poursuites et ne

condamne pas systématiquement des personnes du fait même du classement sans suite

d’une affaire. Enfin, concernant la preuve, le témoignage qui a été apporté ne peut s’appliquer

au tribunal de Bobigny.

UNE INTERVENANTE DE LA SALLE

Dans la fonction publique et en particulier au sein du conseil général, nous assistons à des

phénomènes de harcèlement sexiste et moral. Il convient donc de s’occuper de ceux qui font

subir ce harcèlement aux agents.

page 92 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

CG93_Observatoire_Violences.indd92 92CG93_Observatoire_Violences.indd92 92 19/12/06 15:58:4419/12/06 15:58:44

Chef du service social

départemental

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 93

CHANTAL GOYAU

Il existe un certain nombre de signes qui permettent d’identifier des victimes de violence.

Nous avons déjà travaillé sur le sujet pour la maltraitance des enfants. Aujourd’hui, nous

débattons beaucoup sur la mise en place de référentiels ouverts. Nous devons poursuivre

ce travail avec l’ensemble des travailleurs sociaux du département. Nous devons également

intensifier le lien avec les écoles et les centres de formation.

Dans notre service, nous recevons un nombre important de salariés pauvres dans des

situations extrêmement difficiles. Il convient donc de mener un travail en amont pour que

nous soyons sensibilisés à cette problématique et que nous puissions apporter des réponses

à ces personnes.

ÉCHANGES

CG93_Observatoire_Violences.indd93 93CG93_Observatoire_Violences.indd93 93 19/12/06 15:58:4519/12/06 15:58:45

CG93_Observatoire_Violences.indd94 94CG93_Observatoire_Violences.indd94 94 19/12/06 15:58:4519/12/06 15:58:45

CONCLUSION

CG93_Observatoire_Violences.indd95 95CG93_Observatoire_Violences.indd95 95 19/12/06 15:58:4619/12/06 15:58:46

GILLES GARNIER

Cette journée a été très dense. Elle a permis à des personnes d’horizons différents de travailler

ensemble : des responsables politiques, des professionnels, des chercheurs, des syndicalistes,

des artistes de théâtre. Il ne s’agit pourtant que d’un début qui mérite de nouveaux

approfondissements. Je suis très heureux qu’un grand nombre de syndicalistes aient participé

à cette journée. Il est en effet nécessaire de mettre en relation leur engagement

sur le lieu de travail, la réflexion des associations féministes et la volonté politique

des élus.

Dans tous les lieux de travail où s’exerce un pouvoir, il est possible d’être confronté

à des comportements sexistes et machistes et à des phénomènes de harcèlement.

Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis n’est pas une exception. Nous avons mis

en place une consultation pour que les agents puissent parler des violences qui

peuvent exister au sein de leur couple et de leur famille. Nous devons également

mettre à profit cet espace pour évoquer les violences au travail qui peuvent exister

au sein de toute institution.

Nous devrions, en outre, parler de la violence des institutions à l’égard des femmes ainsi

que de la violence que les femmes se font à elles-mêmes. En effet, un certain nombre de

femmes sont en dépression, commettent des tentatives de suicide, consomment des produits

tranquillisants, tombent dans l’alcoolisme ou la consommation de psychotropes... Il me paraît

donc important de prendre en compte cette problématique.

Nous nous réunirons à nouveau sur la question de l’excision, le 16 mars. Nous vous proposons

également une mobilisation contre la prostitution organisée lors de la Coupe du monde de

football, le 27 mai, au Stade de France à Saint-Denis. En outre, nous

interviendrons sur la problématique des mariages forcés à l’occasion de

la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. Je salue à

ce titre la mobilisation du milieu associatif et de responsables politiques, y

compris dans les pays concernés par le phénomène. Enfin, malgré l’échec

de la négociation avec l’éducation nationale, nous avons décidé de confier

l’enquête sur les comportements sexistes et les violences faites aux filles

À l’occasion de la Journée internationale contre les

violences faites aux femmes, en novembre 2006, nous nous

interrogerons avec des habitants sur les moyens de faire cesser

la pratique des mariages forcés.

CONCLUSION

Vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis

page 96 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

L’ENGAGEMENT DU CONSEIL GÉNÉRAL ET DE TOUS SES PARTENAIRES, POUR QUE L’ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES DEVIENNE UNE RÉALITÉ DANS TOUS LES DOMAINES, SE TRADUIT PAR DES INITIATIVES ET DES MISES EN ŒUVRES CONCRÈTES AU BÉNÉFICE DE LA POPULATION ET DANS LE RESPECT DE SA DIGNITÉ.

CG93_Observatoire_Violences.indd96 96CG93_Observatoire_Violences.indd96 96 19/12/06 15:58:4619/12/06 15:58:46

à un comité scientifique qui sera piloté par Maryse Jaspard, laquelle avait déjà mené l’enquête

nationale. 2 000 jeunes filles de 18 à 21 ans habitant le département de la Seine-Saint-Denis

répondront à un questionnaire anonyme sur les violences.

Je tiens à remercier l’ensemble de celles et ceux qui ont participé à notre journée et qui nous

ont montré que la mobilisation pour le droit des unes et des uns fait avancer le droit de tous.

Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à une véritable égalité entre les

hommes et les femmes et faire reculer les comportements sexistes. Nous avons la chance de

pouvoir nous appuyer sur un réseau efficace composé d’associations, d’élus et d’organisations

syndicales. Nous dresserons le bilan des actions menées sur le sujet l’année prochaine.

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 97

CONCLUSION

CG93_Observatoire_Violences.indd97 97CG93_Observatoire_Violences.indd97 97 19/12/06 15:58:4719/12/06 15:58:47

CG93_Observatoire_Violences.indd98 98CG93_Observatoire_Violences.indd98 98 19/12/06 15:58:4719/12/06 15:58:47

ANNEXES

CG93_Observatoire_Violences.indd99 99CG93_Observatoire_Violences.indd99 99 19/12/06 15:58:4819/12/06 15:58:48

33 Créé à l’initiative du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, l’Observatoire départemental

des violences envers les femmes est un espace d’échanges et de réflexion, un outil d’analyse

et de recensement et un vecteur de communication et d’information.

Premier de ce genre en France, il a pour vocation de favoriser le travail en commun de tous

ses partenaires et de rendre visible le phénomène des violences faites aux femmes

afin de mieux les faire reculer.

Un outil pour lutter contre toutes les violences envers les femmes

33 L’idée d’un Observatoire départemental des violences envers les femmes a germé

en 1999. Très vite, les groupes de travail ont démontré la sous-estimation générale

de l’ampleur et des conséquences des violences exercées à l’égard des femmes : violences

conjugales – encore trop souvent taboues – violences au travail, violences verbales… Des

violences très prégnantes aujourd’hui, quels que soient les milieux et les cultures concernés,

des violences exercées dans tous les espaces de vie de la société française, ce que confirme

l’enquête nationale réalisée en 2000 par le Secrétariat d’État aux Droits des femmes.

33 Dans le même temps, de nombreuses études ont démontré que les violences faites

aux femmes contribuent à déstabiliser les familles, et que ces comportements ont des

conséquences sur les enfants et les jeunes qui y sont exposés. En Seine-Saint-Denis, de

nombreux travaux ont déjà été initiés pour lutter contre les violences faites aux femmes,

et c’est dans cette dynamique, et à travers une démarche partenariale avec les services

départementaux de l’État, les associations et les institutions, que le Conseil général de la

Seine-Saint-Denis a décidé de s’engager pour faire reculer les violences faites aux femmes

en créant un Observatoire départemental.

PREMIER DE CE GENRE EN FRANCE, IL A POUR VOCATION DE FAVORISER LE TRAVAIL EN COMMUN DE TOUS SES PARTENAIRES ET DE RENDRE VISIBLE LE PHÉNOMÈNE DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES AFIN DE MIEUX LES FAIRE RECULER.

page 100 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

L’OBSERVATOIRE DÉPARTEMENTAL DES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES

CG93_Observatoire_Violences.indd100 100CG93_Observatoire_Violences.indd100 100 19/12/06 15:58:4819/12/06 15:58:48

Organisation de l’Observatoire

Structure partenariale, l’Observatoire départemental des violences envers les femmes

comprend :

Un groupe de pilotage dont l’objectif est d’organiser la réflexion et les initiatives mises en

œuvre par l’Observatoire et ses partenaires :

33 Services départementaux et ses missions :

Direction de la prévention et de l’action sociale / Direction de l’enfance et de la famille / Direction

de l’aménagement et du développement / Direction de la population âgée et des personnes

handicapées / Direction de la culture, de la jeunesse et des sports / Direction

de la communication / Direction des collèges et de l’action pour la

formation ;

33 Services de l’État en Seine-Saint-Denis :

Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité / Direction

départementale des actions sanitaires et sociales / Inspection Académique

du 93 / Direction départementale de la sécurité publique / Protection

judiciaire de la jeunesse / Justice.

33 Associations de Seine-Saint-Denis : Accion Artistica / l’Amicale du Nid / le Centre d’information

sur les droits des femmes et des familles en Seine-Saint-Denis 93 / Femmes solidaires /

le Mouvement français pour le planning familial / Sos femmes 93 / Citoyenneté Jeunesse.

Huit groupes de travail. Ils permettent d’associer davantage de partenaires et d’approfondir

certains aspect du travail mené. Ils s’organisent autour des thèmes suivants :

les violences faites aux femmes dans le couple, les violences sexistes et sexuelles au travail,

les enfants exposés aux violences conjugales, la prévention des comportements sexistes

dans les relations filles/garçons, les études sociologiques et statistiques, la dimension

internationale de l’Observatoire, les problématiques spécifiques des femmes migrantes.

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 101

Dans une démarche partenariale avec les services départementaux,

ceux de l’État, les associations et les institutions, le Conseil

général de la Seine-Saint-Denis a décidé de s’engager pour

faire reculer les violences faites aux femmes en créant un

Observatoire départemental.

CG93_Observatoire_Violences.indd101 101CG93_Observatoire_Violences.indd101 101 19/12/06 15:58:4919/12/06 15:58:49

Guide des outils de prévention des comportements sexistes dans les relations filles/garçons.

33 En préparant cette rencontre départementale, l’Observatoire a procédé au recueil des

outils existants en Seine-Saint-Denis pour la prévention des comportements sexistes dans

les relations filles/garçons.

33 Différent-e-s professionnel-le-s (services de l’État, services départementaux, services

communaux et associations) mettent en place des actions au sein des établissements

scolaires, dans les missions locales, les clubs de prévention, les services jeunesse ou toutes

structures travaillant auprès de jeunes.

33 Dans un souci d’une meilleure information de chacune et de chacun, un guide des outils de

prévention a été constitué à partir du recueil des outils utilisables sur l’ensemble territoire.

L’organisation de la prévention nécessite des personnes ressources formées à l’utilisation

des outils et aux problématiques spécifiques.

C’est pourquoi, deux formations sont proposées dans ce guide et

constituent un préalable nécessaire à l’utilisation de ces outils.

Un DVD contre les mariages forcés

33 C’est l’histoire d’une famille vivant en banlieue parisienne et qui veut marier sa fille de

17 ans selon les coutumes de son pays, en lui imposant un mari...

33 En 2001, le Comité local et départemental de prévention de la maltraitance et des violences

sexuelles, a été convié par la classe de seconde SMS du Lycée Sabatier de Bobigny à la

représentation d’une pièce de théâtre « Le mariage forcé », entièrement conçue et interprétée

par 12 jeunes filles de la classe. Entre 2001 et 2003, la pièce a été jouée devant les élèves

de 12 classes de 4 collèges de Bobigny.

page 102 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE

Ce guide est disponible à l’Observatoire départemental

des violences envers les femmes.

CG93_Observatoire_Violences.indd102 102CG93_Observatoire_Violences.indd102 102 19/12/06 15:58:5019/12/06 15:58:50

33 Devant la qualité du travail accompli, convaincu de l’impact certain de cette pièce de

théâtre, le Comité départemental de prévention des agressions sexuelles et l’Observatoire

départemental des violences envers les femmes ont décidé de traduire cette action sur

un DVD afin d’en faire un outil pouvant devenir l’élément central d’une action de prévention

en direction des jeunes.

33 Cet outil s’adresse aux jeunes de 12 à 18 ans, aux jeunes adultes mais aussi aux parents,

aux professionnels. La première partie du DVD (26 minutes) présente l’histoire d’une famille

vivant dans une banlieue parisienne et qui veut marier sa fille de 17 ans selon les coutumes

de son pays, en lui imposant un mari. La deuxième partie du DVD présente le témoignage

de professionnel-le-s autour de ce thème. Ce DVD permet d’engager des débats autour de

la pratique des mariages forcés et arrangés afin d’informer les jeunes de la

possibilité de les empêcher. Il permet aussi d’informer les professionnels

pour favoriser le repérage et la prise en compte de ces situations.

Actes des rencontres 2003 et 2005

33 « Agir et s’engager contre les violences dans le couple », tel était le thème des rencontres

départementales du 4 mars 2003 et du 8 mars 2005. Ce thème reste d’une grande actualité :

une femme sur 10 est victime de violences de la part de son compagnon , soit 36 000 femmes

en Seine-Saint-Denis et une femme en meurt tous les cinq jours en France.

Des actes ont été publiés à l’issue de ces rencontres et témoignent de la volonté du Conseil

général non pas de victimiser les femmes, mais au contraire de permettre la mobilisation du

plus grand nombre de femmes et d’hommes pour ensemble trouver les solutions pour faire

reculer ces violences.

33 Avec plusieurs dizaines d’interventions, l’originalité de ces actes tient

en ces paroles croisées d’experts, de professionnel-le-s de terrain, de

responsables d’associations qui ensemble ont établi les constats et les

propositions pour mieux comprendre et agir.

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 103

Ce DVD est disponible à l’Observatoire départemental

des violences envers les femmes.

Les actes des rencontres du 4 mars 2003 et du 8 mars 2005

sont disponibles à l’Observatoire départemental des violences

envers les femmes.

CG93_Observatoire_Violences.indd103 103CG93_Observatoire_Violences.indd103 103 19/12/06 15:58:5119/12/06 15:58:51

« Et si on prenait le parti de Claire ? »

33 Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF) est très impliqué dans l’accueil

des femmes victimes de violences et dans la prévention de ces violences.

33 Pour favoriser un échange constructif et permettre la prévention, le MFPF 93 a produit

un débat théâtral, une des techniques du théâtre de l’Opprimé, le théâtre forum : « Et si on

prenait le parti de Claire ». Cette pièce a pour thème des violences faites aux femmes au sein

de leur couple. La création de cette pièce, financée par le Conseil général, a été présentée

à l’occasion de repas de quartiers, organisé durant l’assemblée européenne des femmes et

le Forum Social Européen. De nombreux échanges ont eu lieu à ces occasions, car le Théâtre

Forum permet que le public discute et débatte autour des violences conjugales.

Ainsi « Et si on prenait le parti de Claire » permet de :

33 Sensibiliser une population d’origines diverses (homme / femme – origine culturelle et

origine sociale différente) à la thématique des violences dans le couple ;

33 Montrer les mécanismes qui s’installent au sein d’un couple où s’exprime de la violence

conjugale ;

33 Montrer les conséquences sur les enfants et le phénomène de reproduction de la

violence ;

33 Construire avec le public des propositions pour accompagner la femme victime de violences

et s’en sortir ;

33 Provoquer chez le public une prise de conscience de la complexité des situations de violences

dans le couple et savoir reconnaître dans son entourage des situations identiques à celles

présentes ;

33 Informer le public des démarches possibles, des lois qui entourent les violences dans le

couple ;

33 Pour les professionnels, les représentations jouent un rôle de formation sur les violences

conjugales (développement de leur capacité à repérer et à répondre aux situations de

violences conjugales) ;

page 104 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE

CG93_Observatoire_Violences.indd104 104CG93_Observatoire_Violences.indd104 104 19/12/06 15:58:5219/12/06 15:58:52

Résumé des scènes

Claire (l’opprimée) comprend que sa cousine subit des humiliations et des coups de la part de

son conjoint. Le mécanisme des violences conjugales est déjà mis en place. Claire veut aider sa

cousine et tente alors de mobiliser le voisinage, la famille, le professionnel

(médecin de famille). Chaque tentative d’alliance de Claire se solde par un

échec. Mais il faut agir car le jeune fils de la famille risque de reproduire

envers les filles les comportements de son père.

33 Il permet de faire se rencontrer filles et garçons, des femmes et des hommes et de discuter

ensemble des pistes possibles en devenant concrètement un acteur de leur vie face à une

situation donnée.

La séance, d’une durée totale d’une heure trente, se déroule en deux temps :

33 Dans un premier temps l’animateur organise le débat-théâtral, donne les règles. Les

comédiens jouent une première fois la scène. L’opprimé qui pose le problème est en difficulté,

n’obtient pas ce qu’il veut parce que des oppresseurs l’en empêchent.

33 La deuxième partie commence alors. La scène est rejouée.

En s’appuyant sur l’émotion suscitée par les tentatives courageuses mais vaines du

personnage opprimé sur la scène, qui entre en résonance avec ce qu’ils, elles vivent, les filles

les garçons, les hommes et les femmes vont tenter de faire évoluer la situation. Cette fois le

déroulement et l’issue du spectacle sont sous la responsabilité de tous, chacun peut alors venir

sur scène, remplacer le personnage auquel il s’identifie et qui est en difficulté, pour tenter

une proposition, les personnes restant sur scène vont réagir en fonction de la proposition

du public et de leurs volontés.

33 Sur scène, c’est un entraînement qui pourra les aider à réitérer ces tentatives dans la

réalité de leur vie quotidienne. Ils participent ainsi à la remise en cause et à la déconstruction

des stéréotypes sexistes.

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 105

Pour obtenir cet outil : Mouvement français pour

le planning familial 9322, boulevard Félix-Faure

93200 Saint-DenisTél. : 01 55 84 04 04Fax : 01 48 09 24 80

[email protected]

LE THÉÂTRE FORUM

CG93_Observatoire_Violences.indd105 105CG93_Observatoire_Violences.indd105 105 19/12/06 15:58:5319/12/06 15:58:53

« Les Unes et les Uns »Comportements sexistes en question. Débat théâtral en direction des professionnels.

33 En 2004, dans le cadre de cette deuxième rencontre, le Mouvement français pour le planning

familial de la Seine-Saint-Denis a été invité à présenter un nouvel outil reprenant la forme d’un

théâtre forum et destiné aux professionnel-le-s. Cette création, financée par le Conseil général,

invite les professionnels à ressentir qu’eux mêmes peuvent faire preuve de comportements

sexistes dans leur situation professionnelle.

33 À partir de scènes illustrant la vie d’un service jeunesse, le public est amené à prendre la

place des comédiens pour proposer des solutions face des situations où un professionnel

dénonçant des comportements sexistes n’est pas écouté des autres professionnels.

33 « Les Unes et les Uns » permet que chacun ressente la nécessité de travailler sur les

comportements sexistes avant d’envisager d’organiser des actions de prévention auprès

des jeunes. Cet outil permet également de :

33 Sensibiliser les professionnel-le-s à la représentation des comportements sexistes ;

33 Donner les moyens d’anticiper des réponses face à des situations de comportements

sexistes ;

33 Amener ainsi à ressentir la nécessité de se former pour faire la

prévention sur ce thème ;

33 Obtenir une analyse des réponses et des comportements des

professionnels face à des situations de comportements sexistes.

page 106 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

LES CRÉATIONS D’OUTILS ET DE SUPPORTS DANS LE CADRE DE L’OBSERVATOIRE

Pour obtenir cet outil : Mouvement français pour le

planning familial 9322, boulevard Félix-Faure

93200 Saint-DenisTél. : 01 55 84 04 04Fax : 01 48 09 24 80

[email protected]

CG93_Observatoire_Violences.indd106 106CG93_Observatoire_Violences.indd106 106 19/12/06 15:58:5419/12/06 15:58:54

Actes de la rencontre 2004

33 « La prévention des comportements sexistes dans les relations filles/garçons » est le thème

des actes de la deuxième rencontre organisée par l’Observatoire.

33 Prévenir les délits que constituent les violences et agressions faites aux femmes amène à

réfléchir sur les comportements sexistes. Ces actes amènent à s’interroger sur l’éducation des

filles et des garçons, en interpellant les adultes, parents, enseignants,

animateurs, travailleurs sociaux et médico-sociaux, sur leurs propres

représentations, sur celles proposées par la société.

L’objectif de ces actes est de chercher à mieux comprendre pour construire

une prévention adaptée. Des approches plurielles des comportements

sexistes sont proposées.

Des filles et garçons au collège

33 Prévenir les délits que constituent les violences et agressions sexuelles amène à réfléchir

sur les comportements sexistes. Ceci conduit aussi à s’interroger sur l’éducation des filles et

des garçons, sur les relations qu’ils vivent en tant qu’adolescent-e-s en interpellant les adultes,

parents, enseignants, animateurs, travailleurs sociaux et médico-sociaux.

33 Le film de Stéphane Gatti Filles et garçons au collège montre alternativement des saynètes

du théâtre forum « X=Y ? » proposé par le Mouvement français du planning familial 93 et des

témoignages de jeunes collégiens. Il est ponctué d’interviews d’adultes qui mettent en relation

les propos des jeunes et la prévention des violences faites aux femmes.

Destiné à une sensibilisation sur les comportements sexistes dans les

relations filles / garçons, cet outil de prévention est particulièrement

adapté à la formation ou à la sensibilisation des professionnel-le-s

travaillant auprès des jeunes.

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 107

Les actes de cette rencontre sont disponibles à

L’Observatoire départemental des violences envers les femmes

Tél. : 01 43 93 41 [email protected]

Ce DVD est disponible à l’Observatoire départemental

des violences envers les femmes.

CG93_Observatoire_Violences.indd107 107CG93_Observatoire_Violences.indd107 107 19/12/06 15:58:5519/12/06 15:58:55

Agir et s’engager contre les mariages forcés

33 Être marié-e à une personne connue ou inconnue contre son gré est une violence physique

et psychique.

33 En France, des dizaines de milliers d’adolescentes d’origine migrante, âgées de 10 à 18 ans,

sont mariées de force ou menacées de l’être. Le GAMS (association spécialisée luttant contre

les mutilations sexuelles faites aux femmes et prévenant la pratique des mariages forcés)

estime leur nombre à 40 000 en Île-de-France pour les années 2000, 2001 et 2002.

33 Les parents de ces jeunes filles ignorent souvent les nouvelles lois de leur pays d’origine.

Ils ignorent aussi qu’elles sont relayées par l’action d’associations autochtones auprès de

la population afin qui celle-ci renonce aux pratiques traditionnelles néfastes.

33 En dépit d’une évolution certaine, l’ONU estime qu’au Mali 43 % des jeunes filles sont

mariées contre leur gré, 9,1 % en Algérie et… 0,8 % en France. La population originaire

d’Afrique Subsaharienne et du Maghreb est importante en Seine-Saint-Denis. C’est pourquoi

les deuxièmes Rencontres des femmes du monde en Seine-Saint-Denis sont organisées

avec des groupes de théâtre-forum malien et français sous le signe du combat commun contre

les mariages forcés.

33 Piloté par l’Observatoire départemental contre les violences envers les femmes, cet

événement se met en place dès le mois de juin 2006 avec la formation, dans leur pays, de

comédiens maliens aux méthodes du Théâtre de l’Opprimé par le groupe du MPPF93 ;

33 Chacun de ces groupes va créer un théâtre-forum sur la thématique des mariages forcés.

page 108 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

DU 16 AU 30 NOVEMBRE 2006 DEUXIÈMES RENCONTRES DES FEMMES DU MONDE EN SEINE-SAINT-DENIS

CG93_Observatoire_Violences.indd108 108CG93_Observatoire_Violences.indd108 108 19/12/06 15:58:5619/12/06 15:58:56

NOTES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 109

33 Les créations maliennes seront d’abord représentées dix fois aux habitants de Bamako. Ceux

de la Seine-Saint-Denis les découvriront dans vingt villes, en même temps que la création du

groupe de MPPF93, lors des Rencontres de novembre.

33 En ouverture de ces quinze jours d’échanges, et d’élaboration collective, l’Observatoire va

présenter « le protocole sur les mariages forcés », un document destiné aux professionnels

pour qu’ils aident au mieux les jeunes filles mariées de force ou en risque de l’être.

33 Les partenaires des Rencontres 2006 :

- Conseil général de la Seine-Saint-Denis ;

- Le Mouvement français du planning familial de la Seine Saint Denis ;

- Conseil régional d’Île-de-France (démocratie participative-relations internationales) ;

- Comité régional du tourisme d’Île-de-France ;

- Ville de Montreuil ;

- Tract (Compagnie théâtrale malienne) ;

- Association Zanzibar.

33 Les premières Rencontres de femmes du monde en Seine-Saint-Denis se sont déroulées

du 15 au 26 novembre 2005, en partenariat avec quinze villes du département. Invité à

appréhender le phénomène des violences conjugales grâce au support de théâtres-forums

proposés par des groupes français, malien, brésilien et indien, un public

de 3 000 habitants a proposé des solutions pour y mettre un terme. Il a

du même coup mis en lumière la capacité de participation des citoyens

pour résoudre des problèmes qui les touchent de près. Et l’efficacité

des méthodes du Théâtre de l’Opprimé en Seine-Saint-Denis comme dans

le monde entier.

“Des habitants s'engagent contre les violences envers les femmes”, compte-rendu

des premières Rencontres de Femmes du monde en Seine-Saint-Denis est

disponible à l'Observatoire départemental des violences envers les femmes.

CG93_Observatoire_Violences.indd109 109CG93_Observatoire_Violences.indd109 109 19/12/06 15:58:5719/12/06 15:58:57

page 110 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

LES MÉDIAS EN ONT PARLÉ

LA PRÉVENTION DES DISCRIMINATIONS ET VIOLENCES SEXISTES AU TRAVAILI

PRESSEI

33 Le journal du dimanche (06/03/06)

33 Le Parisien (07/03/06)

33 Bonjour Bobigny (16/03/06)

33 France bleu (08/03/06)

33 7 Jours à Stains (16/03/06)

33 AFP (12/09/06)

33 Le Parisien (13/09/06)

33 France bleu (13/09/06)

33 Europe 1 (13/09/06)

33 Humanité (13/09/06)

CAMPAGNE D’AFFICHAGEI

33 Métro (17/05/06)

MARCHE SILENCIEUSEI

33 Montreuil dépêche (23/05/06)

33 Le Parisien (08/09/06)

33 AFP (11/09/06)

33 Le Parisien (12/09/06)

CG93_Observatoire_Violences.indd110 110CG93_Observatoire_Violences.indd110 110 19/12/06 15:58:5719/12/06 15:58:57

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 111

COUPE DU MONDE ET PROSTITUTION I

33 France Info (29/05/06)

33 Le Parisien (29/05/06)

33 France bleu (28/05/06)

DIVERSI

33 Paris Obs (16/02/06)

33 RMC info (12/07/06)

33 La Gazette des communes (12/09/06)

CG93_Observatoire_Violences.indd111 111CG93_Observatoire_Violences.indd111 111 19/12/06 15:58:5819/12/06 15:58:58

page 112 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

SERVICES ET ASSOCIATIONS PARTENAIRES DE L’OBSERVATOIRE DÉPARTEMENTALDES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES

Service RMI 01 43 93 84 14

Service de la prévention

et des actions sanitaires 01 43 93 85 09

Service social 01 43 93 83 71

Service des crèches 01 43 93 75 07

Service de la PMI 01 43 93 80 56

Service de l’aide sociale

à l’enfance 01 43 93 81 75

Observatoire de l’enfance

en danger 01 43 93 81 89

01 43 93 79 58

01 43 93 79 71

Pour les statistiques 01 43 93 79 87

Service des personnes âgées 01 43 93 86 20

Pour les statistiques 01 43 93 91 88

Mission Europe 01 43 93 77 06

01 41 60 16 60

01 41 60 89 17

01 43 93 90 70

01 43 93 77 66

01 43 93 77 61

01 43 93 78 63

01 43 93 78 75

Direction de la Prévention

et de l’Action sociale

Direction de l’Enfance et de la Famille

Direction de la Culture, de la Jeunesse et du Sport

Direction des Collèges

et des Actions pour la formation

Direction de la Population âgée

et des Personnes handicapées

Direction de l’Aménagement et du Développement

Mission départementale

de Prévention des conduites

à risques et des toxicomanies

28, rue du Lieutenant-Lebrun

93000 Bobigny

Email : [email protected]

Via le Monde

Mission Seine-Saint-Denis

Vivre le monde ensemble

Mission de la Coopération décentralisée

et Culture de la paix

Mission générale de la sûreté

et de sécurité

LES SERVICES DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE-SAINT-DENISI

Toute correspondance

au Conseil général de la

Seine-Saint-Denis

doit être adressée à :

Monsieur le Président

du Conseil général,

Hôtel du Département

BP 193

93003 Bobigny cedex

CG93_Observatoire_Violences.indd112 112CG93_Observatoire_Violences.indd112 112 19/12/06 15:58:5919/12/06 15:58:59

ANNEXES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 113

DDASS

Immeuble Européen

5/7, promenade Jean-Rostand

93005 Bobigny cedex 01 41 60 70 06

Préfecture de la Seine-Saint-Denis

Délégation départementale aux Droits des femmes et à l’Égalité

Déléguée départementale : Sylviane LE CLERC

124, rue Carnot – 93007 Bobigny

Email : [email protected] 01 41 60 64 73

Direction départementale de la Sécurité publique

de la Seine-Saint-Denis

Cité administrative N2 Bât L

362, avenue Paul-Vaillant-Couturier

93007 Bobigny cedex 01 49 33 85 60

Direction départementale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse

de la Seine-Saint-Denis

38, voie de la Résistance

93697 Pantin 01 41 60 52 53

Éducation nationale

Inspection académique de Seine-Saint-Denis

3, avenue Paul-Vaillant-Couturier

93000 Bobigny

LES SERVICES DE L’ÉTAT EN SEINE-SAINT-DENIS

LES ASSOCIATIONS EN SEINE-SAINT-DENIS

Accion Artistica

9/11, rue Génin – 93200 Saint-Denis

Email : [email protected] 01 53 28 22 01

Amicale du Nid

11/13, rue Félix-Merlin – 93800 Epinay-sur-Seine

Email : [email protected] 01 41 68 20 28

CG93_Observatoire_Violences.indd113 113CG93_Observatoire_Violences.indd113 113 19/12/06 15:59:0019/12/06 15:59:00

page 114 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

SERVICES ET ASSOCIATIONS PARTENAIRES DE L’OBSERVATOIRE DÉPARTMENTALDES VIOLENCES ENVERS LES FEMMES

Association Service Social Familial Migrants

25, rue du Pont-Blanc – 93300 Aubervilliers 01 48 33 40 11

Association des femmes relais

et médiateurs interculturels d’Aulnay-sous-Bois

25, allée Bourdonnais – 93600 Aulnay-sous-Bois 01 48 68 02 97

Association des femmes relais

et médiateurs interculturels de Bobigny

8 bis, rue d’Oslo – 93000 Bobigny 01 48 50 24 27

Centre d’information sur les droits des femmes

et des familles en Seine-Saint-Denis

1, rue Pierre-Curie – 93120 La Courneuve

Email : [email protected] 01 48 36 99 02

Citoyenneté Jeunesse

29, rue Voltaire – 93700 Drancy

Email : [email protected] 01 48 31 53 40

Femmes Solidaires

9/11, rue Génin – 93200 Saint-Denis

Email : [email protected] 01 48 47 44 97

Fondation 93

70, rue Douy-Delcupe – 93100 Montreuil

Email : [email protected] 01 49 88 66 33

Mouvement français pour le planning familial

22, boulevard Félix-Faure – 93200 Saint-Denis

Email : [email protected] 01 55 84 04 04

SOS Femmes

20, route de Villemomble – 93140 Bondy

Email : [email protected] 01 48 48 10 48

Voix d’Elles Rebelles

Cité Gabriel-Péri

1, place Lautréamont – 93200 Saint-Denis

Email : [email protected] 01 48 22 93 29

CG93_Observatoire_Violences.indd114 114CG93_Observatoire_Violences.indd114 114 19/12/06 15:59:0119/12/06 15:59:01

NOTES

Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006 > page 115

CG93_Observatoire_Violences.indd115 115CG93_Observatoire_Violences.indd115 115 19/12/06 15:59:0219/12/06 15:59:02

NOTES

page 116 > Actes de la quatrième rencontre de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis > Bobigny > 6 mars 2006

CG93_Observatoire_Violences.indd116 116CG93_Observatoire_Violences.indd116 116 19/12/06 15:59:0219/12/06 15:59:02

Conseil général de la Seine-Saint-Denis

Direction de la prévention et de l’action sociale /

Direction de la communication

Conception : Anatome 2006

Crédits photos : couverture /

Corinne ProvostThéâtre de l’Opprimé /

Sergio Bravo

La rencontre a été animée par Dominique RoussetCoordination des Actes par Ernestine Ronai et Nadia Monteggia

Département de la Seine-Saint-DenisDirection de la prévention et de l’action socialeObservatoire départemental des violences envers les femmes

Ernestine Ronai01 43 93 41 93Email : [email protected]

Secrétariat01 43 93 41 95

Hôtel du DépartementBP 19393003 Bobigny cedex