diplÔme approfondi de langue...

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DIPLÔME APPROFONDI DE LANGUE FRANÇAISE Nom : Prénom : Volet à rabattre pour préserver l’anonymat du candidat & Seuil de réussite pour obtenir le diplôme : 50/100 Note minimale requise par épreuve : 5/25 Durée totale des épreuves collectives : 4 h 00 /100 NOTE TOTALE : Niveau C1 du Cadre européen commun de référence pour les langues TP9208318A CODE CANDIDAT : Compréhension de l’oral Réponse à des questionnaires de compréhension portant sur des documents enregistrés : – un document long (entretien, cours, conférence…) d’une durée d’environ huit minutes (deux écoutes) – plusieurs brefs documents radiodiffusés (flashs d’informations, sondages, spots publicitaires…) (une écoute). Durée maximale des documents : 10 mn Compréhension des écrits Réponse à un questionnaire de compréhension portant sur un texte d’idées (littéraire ou journalistique), de 1 500 à 2 000 mots. Production écrite Epreuve en deux parties : • synthèse à partir de plusieurs documents écrits d’une longueur totale d’environ 1000 mots • essai argumenté à partir du contenu des documents 2 domaines au choix du candidat: lettres et sciences humaines, sciences Production orale Exposé à partir de plusieurs documents écrits, suivi d’une discussion avec le jury. 2 domaines au choix du candidat : lettres et sciences humaines, sciences 0 h 40 environ /25 0 h 50 /25 2 h 30 /25 0 h 30 /25 Préparation : 1 h 00 ÉPREUVES COLLECTIVES DURÉE NOTE SUR 1 2 3 4 ÉPREUVE INDIVIDUELLE DURÉE NOTE SUR DALF C1 - Lettres et sciences humaines

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DIPLÔME APPROFONDI DE LANGUE FRANÇAISE

Nom : Prénom :

Volet à rabattre pour préserver l’anonymat du candidat&

Seuil de réussite pour obtenir le diplôme : 50/100Note minimale requise par épreuve : 5/25Durée totale des épreuves collectives : 4 h 00

/100NOTE TOTALE :

Niveau C1 du Cadre européen commun de référence pour les langues

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8A

CODE CANDIDAT : –

Compréhension de l’oralRéponse à des questionnaires de compréhension portant sur des documentsenregistrés : – un document long (entretien, cours, conférence…) d’une durée d’environ

huit minutes (deux écoutes)– plusieurs brefs documents radiodiffusés (flashs d’informations, sondages,

spots publicitaires…) (une écoute).Durée maximale des documents : 10 mn

Compréhension des écritsRéponse à un questionnaire de compréhension portant sur un texte d’idées(littéraire ou journalistique), de 1 500 à 2 000 mots.

Production écrite Epreuve en deux parties :• synthèse à partir de plusieurs documents écrits d’une longueur totale

d’environ 1000 mots• essai argumenté à partir du contenu des documents2 domaines au choix du candidat: lettres et sciences humaines, sciences

Production orale Exposé à partir de plusieurs documents écrits, suivi d’une discussion avec le jury.2 domaines au choix du candidat : lettres et sciences humaines, sciences

0 h 40 environ /25

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Préparation : 1 h 00

ÉPREUVES COLLECTIVES DURÉE NOTE SUR

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ÉPREUVE INDIVIDUELLE DURÉE NOTE SUR

DALF C1 - Lettres et sciences humaines

Cette épreuve se déroulera en deux temps :

Production orale4

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DALF C1 - LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

EXPOSÉ

Vous choisirez un dossier d’exposé parmi deux tirés au sort. Vous préparerez un exposé personnel surle thème indiqué, en vous aidant des documents proposés, et vous le présenterez au jury. Votre exposéproposera une réflexion ordonnée sur ce sujet. Il comportera une introduction et une conclusion etmettra en évidence quelques points importants (3 ou 4 maximum).

Attention : Les documents sont une source documentaire pour votre exposé.Vous devez pouvoir en exploiter le contenu en y puisant des pistes de réflexion, des informations etdes exemples, mais vous devez également introduire des commentaires, des idées et des exemplesqui vous soient propres afin de construire une véritable réflexion personnelle.En aucun cas vous ne devez vous limiter à un simple compte rendu des documents.

Préparation : 60 minutes

Passation : 30 minutes environ

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ENTRETIEN

Le jury vous posera ensuite quelques questions et s’entretiendra avec vous à propos du contenu devotre exposé.

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25 points

LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

!

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SUJET 1

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

L’interdiction totale de fumer dans l’ensemble des lieux publics.

Le tabac interdit dans les lieux publics dès le 1er février 2007[…] Il sera interdit de fumer dans les lieux publics

en France à compter du 1er février 2007, mais lesbars, restaurants, discothèques bénéficieront d’unsursis jusqu’au 1er janvier 2008, a annoncé Domi-nique de Villepin. Les contrevenants seront punisd’une amende forfaitaire de 75 euros et les res-ponsables des établissements de 150 euros en casd’infraction, a précisé le premier ministre.

« Ma conviction, c’est que les Français sont aujour-d’hui prêts », a déclaré le premier ministre, pourexpliquer que tout en voulant suivre les conclusionsde la mission parlementaire sur le tabac, il n’ait pas retenu la date de début septembre 2007 qu’ellepréconisait. « La situation est mûre dans notre pays compte tenu des expériences que nous connais-sons à l’étranger », a-t-il estimé. Par ailleurs, « il m’ap-paraissait difficile, comme chef du gouvernement,d’engager le gouvernement suivant, alors même quec’est ma responsabilité », a-t-il noté.

Le tabac « sera interdit dans tous les lieux publics,écoles, collèges, magasins ». En revanche, « il resterapossible de fumer dans la rue et les lieux privés », a-t-il ajouté. La cigarette cause « plus de 13 mortspar jour, c’est une réalité insupportable dans notre pays », a jugé le premier ministre. Il a affirmé quel’Etat prendrait en charge « un tiers du coût du trai-tement » pour les personnes souhaitant arrêter defumer.

L’Union des métiers et des industries de l’hôtel-lerie (Umih) s’est montrée critique vis-à-vis de l’annonce du premier ministre. « Pour nous cette solution n’est pas satisfaisante du tout, puisque le seulaménagement qu’il y a est surtout en termes dedélai », a déclaré Francis Attrazic, vice-président de l’Umih. « Nos professionnels sont très en colère », a-t-il ajouté.

La mission d’information sur le tabac prônaitune interdiction de fumer dans les lieux publics auplus tard le 1er septembre 2007 et refusait touteexception, même pour les buralistes, les cafetiers,les hôteliers et restaurateurs. Alors que Jacques Chirac a fait de la lutte contre le cancer l’un desgrands chantiers de son quinquennat, une telleinterdiction est politiquement peu risquée, 70 à80 % des Français y étant favorables selon les sondages. Les esprits ont été préparés avec la loi Evinde 1991, qui a restreint fortement les possibilités defumer, au travail notamment, alors que les dangersdu tabagisme passif ont été largement médiatisés.

Plusieurs pays européens ont montré l’exemplede l’interdiction totale, à commencer par l’Irlandeen mars 2004. Ont suivi depuis la Norvège, l’Ita-lie, Malte, la Suède, l’Ecosse. L’année prochaine,l’Angleterre, l’Irlande du Nord et la Lituanie doi-vent emboîter le pas.

www.lemonde.fr, 08.10.06

LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

Épreuve de production orale 25 points

Préparation : 60 minutes

Passation : 30 minutesenviron

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DOCUMENT 2

Tabagisme passif : laissez faire le marchéLes « lieux publics » ciblés par l’interdiction sont d’abord des entreprises privées. C’est doncau patron de décider si on y fume ou non, pas à la loi.

Au Rapin gourmand, il faut éteindre sa cigaretteavant d’entrer. Ce petit restaurant situé dans

le IIe arrondissement de Lyon fait partie de cenombre croissant d’établissements qui visent spé-cifiquement une clientèle de non-fumeurs, enrefusant purement et simplement la fumée ou enoffrant des espaces réellement séparés pour les deuxclientèles. Alors que le gouvernement françaisprojette d’interdire de fumer dans les lieux publics,il convient de rappeler que la protection contre le« tabagisme passif » est à la portée des non-fumeurs,hors d’un régime de prohibition et ne requiert aucu-nement de sacrifier les fumeurs sur l’autel de lasanté publique. C’est en laissant le libre choix enla matière aux propriétaires d’établissementsqu’une offre diversifiée peut émerger, répondantaux préférences variées des consommateurs. Lors-qu’un client d’un restaurant veut s’allumer unecigarette alors que d’autres préfèrent un air « pur »,la bonne question à se poser est : qui est en droitde décider de l’usage de l’air ambiant ? Qui est lepropriétaire légitime des lieux ? Cette question estignorée dans le débat. On ne tient jamais comptedans cette affaire du patron du restaurant ayantinvesti ses ressources dans son projet. Ces « lieuxpublics » sont pourtant privés ! Si le gouvernementprenait au sérieux l’article 2 de la déclaration desdroits de l’homme de 1789 sacralisant la propriété,il serait obligé de reconnaître que c’est au pro-priétaire de l’établissement de décider si on peut yfumer ou non. En prétendant pouvoir en déciderà sa place, il le prive en partie de ses droits.

Dès lors qu’on remet le propriétaire des lieux aucœur de l’énoncé du problème, la question du taba-gisme passif et des possibilités de concilier les pré-férences divergentes des consommateurs apparaît

sous un autre jour. Dans la mesure où les pro-priétaires de bars et de restaurants sont engagésdans des opérations à but lucratif, leurs succès ouéchecs dépendent de l’adéquation de leurs décisionsaux priorités des consommateurs. En tant qu’en-trepreneurs, ils doivent se préoccuper, d’une part,de ce que des clients seront prêts à payer suivantl’espace et les produits offerts et, d’autre part, dece qu’il en coûte de les offrir. Plus les préférenceset modes de vie dans une population sont divers,plus la production sera diversifiée pour répondreà ces différents besoins, parce que les investisseursauront intérêt à se spécialiser dans des projets destinés à des clientèles particulières. Dans lamesure où l’atmosphère enfumée d’un restaurantdéplaît à des non-fumeurs, une demande pour desrestaurants non-fumeurs émerge, appelant uneadaptation de l’offre. C’est pourquoi une loi inter-disant la fumée n’est pas requise pour échapper autabagisme passif. Avec une nouvelle offre de lieuxnon-fumeurs, des non-fumeurs choisiront quandmême des lieux fumeurs s’ils y voient des avantagessupérieurs aux inconvénients. Un tel tabagisme estla conséquence de leur choix, la meilleure optiondisponible dans ces circonstances.

Ce que la propriété privée et la liberté contrac-tuelle offrent aux individus, en tant que consom-mateurs, c’est d’avoir le plus possible d’options entrelesquelles choisir. L’interdiction de fumer dans leslieux publics ne peut satisfaire les préférences decertaines personnes qu’en nuisant aux autres,substituant un moule uniforme à l’ajustement permanent de l’offre de services aux préférencesd’individus divers.

Xavier Méra, Libération, 05/10/2006

DOCUMENT 3

La direction a retenu la « faute grave ». Selon la CGT*, la cigarette était tolérée dans ce localdepuis trente ans.

Employé depuis deux ans aux Galeries Lafayettede Caen où travaillent 97 salariés dont la moitiéà temps partiel, un électricien âgé de 40 ans vient

d’être licencié pour faute grave : la direction luireproche d’avoir fumé dans un local de l’entreprise.

Le 7 mars, l’employé, qui avait toute la

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confiance de la direction au point d’avoir les clésdu grand magasin, a reçu sa lettre de licenciement.« Pour faute grave. Sans indemnités et sans préavis. Onlui reproche d’avoir fumé une cigarette », témoigneMarilyne Postaï, déléguée CGT. « Cela s’est passédans la chaufferie, où il n’est pas interdit de fumer. La cigarette y est même tolérée depuis au moins trenteans », poursuit la déléguée, également élue aucomité d’hygiène, sécurité et conditions de travail(CHSCT) de l’entreprise. « Le 16 février, Didier a prisson travail à 8 h 30, comme d’habitude. À 10 h 30, ladirection le convoque. Elle lui demande de signer sa miseà pied. Sans lui préciser le motif, explique MarilynePostaï. Après avoir restitué sa carte de pointage, il doitvider son vestiaire et rendre ses clés. »

« Un cadre l’aurait vu fumer »Huit jours plus tard se déroule l’entretien préa-

lable au licenciement. « C’est seulement à ce momentqu’on évoque la cigarette : un cadre l’aurait vu fumerdans le local en question. On lui a indiqué que cela yest interdit. » Au sein de la grande distribution, lelicenciement pour faute grave est le plus souventlié à un vol par le salarié : la cigarette constitue unenouveauté. L’électricien va engager un procèsdevant les prud’hommes* pour licenciement abu-sif. La CGT demande la réintégration du salarié.

Louis Laroque, Le Figaro, 24/03/2006

* CGT : confédération générale du travail, l’une des cinq confédérations de syndicats de salariés français considérées commereprésentatives par l’État.

* prud’hommes : tribunal spécialisé qui juge les conflits individuels liés au contrat de travail.

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SUJET 2

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

L’école doit-elle être la garante de la norme linguistique ?

Les piètres résultats des élèves en dictée relancent la querelle séculaire entre ceux qui veulent rap-procher l’écrit de l’oral et les puristes qui brandissent l’argument de la sauvegarde du français. Mêmeles modestes rectifications adoptées par l’Académie française en 1990 sont restées lettre morte*. Etl’enseignement n’évolue pas plus.

France, ton orthographe fout le camp! Voilà letriste constat du collectif « Sauver les lettres ».

Selon l’enquête menée par ces professeurs à la ren-trée 2004, un élève de seconde sur trois est incapabled’écrire sans faire moins de deux fautes par ligne.Et 56 % d’entre eux auraient écopé d’un zéro pointéà la dictée du brevet de 1988. A la fac, ce n’est pasmieux. Exemple, cette copie d’un étudiant de pre-mière année de lettres classiques à Toulouse: « LeDieu Arès est née des amours conflictuel d’Héra et deZeus, dans un climat parentale tendue. Arès, quireprésente la guerre cruel et istérique serra blaissé àl’épaule! ».

Pauvres élèves : à leur décharge, il faut bienreconnaître que la langue française est un pur bon-heur pour les amateurs de singularités et d’ano-malies. Quant aux collectionneurs de fossilessémantiques, ils se régalent. « L’histoire et l’étymo-logie se dessinent derrière notre langue », explique lelinguiste Alain Bentolila. Une étude publiée en 2003par le British Journal of Psychology a testé le niveaude connaissance orthographique des enfants decours préparatoire dans plusieurs pays d’Europe.Chacun a dû écrire, dans sa langue maternelle, desmots courants comme « heure », « voir », « air »,« femme », « vent », « idée » et « monsieur ». Les petitsGrecs, Finlandais, Italiens, Espagnols, Allemands,Norvégiens, Suédois et Néerlandais ont tous com-mis moins de 10 % d’erreurs. Leurs camarades fran-çais ont fait beaucoup moins bien : 21 % de fautes.Mieux, tout de même, que les Portugais (26 %), lesDanois (30 %) et les Britanniques (66 %).

Faut-il pour autant simplifier l’orthographe ?Voilà des siècles que les Français s’étripent sur lesujet. « La querelle des Anciens et des Modernes aopposé, dès les débuts de l’Académie française, en 1635,ceux qui ne voulaient pas la modifier parce que saconnaissance permet de distinguer “les honnêteshommes des simples femmes et des enfants” et ceuxqui souhaitaient rapprocher l’écrit de l’oral, raconte la linguiste Liliane Sprenger-Charolles. Dans ce dernier camp, on trouve des hommes de lettres tels queCorneille et Littré. » Voltaire aussi, qui disait : « L’écri-ture est la peinture de la voix : plus elle est ressemblante,meilleure elle est. »

Dernière tentative en date de simplification del’orthographe, les modestes rectifications – facul-tatives au demeurant – qu’a acceptées l’Académieen 1990 sont restées lettre morte. Le nénufar,l’ognon et le portemonnaie ont fait sauter lespuristes au plafond, comme la suppression desaccents circonflexes sur les lettres « i » et « u ». « Larelation à l’orthographe est émotionnelle, car elle faitpartie de la culture, analyse Monika Keller, profes-seur de français dans le Bade-Wurtemberg, qui a consacré sa thèse aux essais de réforme de l’orthographe française. D’accord, elle est trop compliquée, mais, quand il s’agit d’écrire tel ou tel motautrement, on se dit que ce n’est tout de même pas possible ! »

Anne Vidalie, L’Express, 18/04/2005

* rester lettre morte : inutile, sans effet.

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DOCUMENT 2

L’orthographe est un château-fort

La récente enquête du collectif Sauver les lettresmet une nouvelle fois l’accent sur la baisse du

niveau en orthographe. Même si les aspects tech-niques de l’enquête demeurent imprécis, les résul-tats présentés ne peuvent laisser indifférent. Ainsi,le niveau en dictée de bien des adolescents seraittrès faible, et la situation se serait aggravée de façonspectaculaire en à peine 5 ans. […]

Il existe cependant différentes façons de « lire »et d’interpréter de tels résultats. On peut, commele fait le Collectif, considérer que le niveau baisseet que cela traduit un déficit linguistique« effrayant ». Le Ministère de l’Éducation nationalea lui-même abouti naguère à des conclusionssimilaires en comparant les performances ortho-graphiques d’enfants des années 90 avec celles desannées 20. Et, comme le rappelle le sous-directeurdes enseignements et des formations à la Directionde l’enseignement scolaire (Desco) : « Le fait que lesélèves ont des difficultés avec l’orthographe n’est vraiment pas une nouveauté. » Ce constat fait, il esttentant de préconiser le retour à des exercices systématiques d’orthographe et de grammaire, àun apprentissage musclé de la conjugaison, et des’en prendre à cette bonne vieille méthode globaled’apprentissage de la lecture.

Ces querelles sont usantes et en partie insolublestant les arguments avancés, plus idéologiquesque techniques, sont difficiles à réfuter. Dans le casprésent, la médiocrité des résultats parait certesindiscutable… à condition de ne pas s’interrogeroutre mesure sur les passations et les tâches. Maissoit. Plus contestables en revanche sont les inter-prétations proposées, qui suggèrent globalementque les enseignants ne savent plus faire leurmétier. Ils seraient notamment coupables d’utili-ser des méthodes basées sur l’enseignement « glo-bal » des mots. Or, tous ceux qui sont informés dela réalité des classes du primaire savent bien quela situation est infiniment plus complexe, lesenseignants ne pouvant que conjuguer, par défi-

nition, aspects phonographiques et sémantiques.Les querelles sur le thème « lire c’est comprendre »ou « lire c’est décoder » sont à cet égard quelquepeu surréalistes.

De la même façon, on n’enseignerait plus ni la grammaire, ni l’orthographe, on ne ferait plusde dictées… Il suffit encore une fois de fréquenterl’enseignement primaire, ce coupable tout désigné,pour mesurer les limites de telles critiques. Loind’être la clé de l’échec, ces arguments ne fournis-sent au mieux qu’une explication partisane. Cedénigrement systématique de la pédagogie actuelleillustre en tout cas de façon éloquente la perversitédes débats sur la baisse du niveau, en orthographecomme ailleurs. Débats, soit dit en passant, dontles travaux de recherche sont étrangement absents.Mais il est vrai que l’orthographe n’a pas le mono-pole de cette absence, comme le montraient récem-ment encore les divergences sur la question duredoublement. (…)

En fait, les causes les plus décisives du marasmeorthographique sont plus sociologiques que lin-guistiques, ou didactiques. L’école de la IVe Répu-blique, comme celle de la IIIe République, pouvaitespérer satisfaire une société dont les attentesétaient moins complexes que celles de notreépoque. L’orthographe pouvait occuper le centre despréoccupations, et les instituteurs passer des heuresà entraîner leurs élèves à éviter les pièges de l’orthographe française. Cela semble aujourd’huibien plus difficile. Qu’on le veuille ou non, leserreurs n’ont plus la même importance quenaguère. Par ailleurs, la liste des demandes faitesà l’école tend à s’allonger sans cesse, ce qui ne permet plus aux enseignants de passer autant detemps à dicter des textes ou à enseigner la gram-maire et l’orthographe. Et le feraient-ils qu’ils seheurteraient à l’impatience d’enfants dont lagrande majorité ne voit plus l’intérêt de passer desheures sur l’accord du participe passé.

Jean-Pierre Jaffré, Le café pédagogique, 11/02/2005

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SUJET 3

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

Handicap et justice sociale.

Les difficultés des enfants handicapés à l’école54 % des familles pensent que le système édu-

catif français ne remplit pas sa mission d’intégra-tion des enfants handicapés.

C’est l’un des nombreux enseignements que l’on peut tirer d’une enquête nationale d’opinion réalisée auprès de 1 020 familles touchées par lehandicap. Cette étude organisée pour la deuxièmefois par « Déclic » et « Le Pèlerin Magazine » s’est inté-ressée particulièrement cette année à l’intégrationscolaire des enfants. Avec le soutien des plusgrandes associations françaises de personnes han-dicapées, les deux magazines tentent d’alerterl’opinion publique sur une situation qu’ils jugentpour le moins inquiétante. « Les chiffres sont toutsimplement alarmants », affirme Alain Barluet,rédacteur en chef du « Pèlerin Magazine ». Ainsi, lamoitié des enfants handicapés n’atteignent pas lecours préparatoire* et seulement 5 % d’entre euxobtiennent le baccalauréat. L’accès à l’enseigne-ment supérieur concerne, de ce fait, une très faiblepart des jeunes adultes ayant un handicap de naissance. Autrement dit, à niveau équivalent, leschances de réussite d’un élève valide et d’un han-dicapé relèvent « du jour et de la nuit ».

Confrontés à la complexité mais surtout aumanque de souplesse du système scolaire, lesparents connaissent la plupart du temps de nom-breuses difficultés pour faire inscrire leur enfanthandicapé ; et cela malgré l’aide de nombreusesassociations. Selon Pascal Barluet, le volonta-risme, la combativité parentale constituent, dès lors,un élément essentiel. Un sentiment de solitude face

à la lourdeur du système est très perceptible chezces parents inquiets pour l’avenir de leurs enfants.Ainsi, pas moins de 50 % des familles estiment quela principale difficulté qu’elles rencontrent concernel’accès à l’information. Comme a pu le constaterGuy Ménégaux, responsable de l’enquête réalisée,ces dernières se retrouvent souvent démunies faceaux formalités à remplir, et certaines abandonnentdès les premiers obstacles.

Ces situations sont courantes au grand dam desassociations qui regrettent que les parents n’aientpas toujours le réflexe de faire appel à elles pourles informer et les seconder dans leur démarche.Ajouté à cela un déficit chronique d’équipementset de structures adaptées, ainsi que l’incompré-hension courante qui peut exister entre le corpsenseignant et les familles (pour 45 % d’entreelles), l’intégration de l’enfant apparaît pour cer-tains parents un véritable chemin de croix. La situa-tion actuelle s’avère, dès lors, préoccupante étantdonné l’importance que revêt une vie scolaire nor-male. En effet, de l’avis des spécialistes, l’école repré-sente le dernier lieu où l’enfant handicapé peutconserver une « image de normalité ». L’effet affec-tif et psychique est alors indéniable. A l’opposé,l’échec d’une intégration scolaire représente pourl’élève comme pour ses parents un rappel dou-loureux de son handicap.

Vincent Maurice, L’Humanité, 22/11/2006

* cours préparatoire : première année d’école primaire consa-crée à l’apprentissage de la lecture notamment.

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Le gouvernement a présenté mercredi un planen faveur de l’emploi des personnes handicapées,lourdement touchées par le chômage, qui se ver-ront proposer « dans un délai maximum de 6 mois »un parcours favorisant leur insertion profession-nelle.

« Le renforcement des incitations au recrutement etla mise en place du réseau des Maisons départemen-tales des personnes handicapées (MDPH) représententdeux apports essentiels de la loi du 11 février 2005. Ilmanquait jusqu’à présent l’organisation d’un véritableparcours d’insertion professionnelle, précis et volon-tariste pour chaque personne handicapée » a déclaré

à la presse Philippe Bas, ministre délégué aux personnes handicapées.

Le ministre s’exprimait alors que l’associationpour l’insertion sociale et professionnelle des per-sonnes handicapées (ADAPT) organise pour la 10e année une « semaine de l’emploi ».

En 2005, 680.000 personnes handicapées tra-vaillaient contre 650.000 en 2004 (+4,6 %) mais letaux de chômage est d’environ 17 % dans cette caté-gorie, deux fois plus important que dans l’ensemblede la population active (8,8 %), selon le ministèrede l’Emploi.

DOCUMENT 2

Une semaine pour ouvrir l’entreprise aux handicapésLe taux de chômage des handicapés reste deux fois supérieur à la moyenne nationale, pointent lesorganisateurs de cette 10e Semaine.

Un testing réalisé en 2004 par l’Observatoire desdiscriminations (Paris-I) a montré que, pour un

même poste, un candidat handicapé ne recevaitque cinq convocations à un entretien d’embauche,contre 75 pour un candidat sans handicap. Ce seulchiffre montre à lui seul les progrès encore à effec-tuer pour combattre les idées reçues et autres « préjugés liés à l’apparence », comme le résume Jean-François Amadieu, président de l’Observatoire.Résultat : le taux de chômage des personnes han-dicapées est toujours le double de la moyenne natio-nale, aux alentours de 20 %, pointent les organi-sateurs de la 10e Semaine de l’emploi des personneshandicapées qui a débuté hier.

Pourtant, impossible de dire que les choses vontde mal en pis. Ainsi, le nombre des personnes han-dicapées travaillant a nettement augmenté en unan, passant de 650 000 en 2004 à 680 000 en 2005(+ 4,6 %). Mais « il y a aussi une augmentation chaqueannée de 6 % à 8 % des personnes handicapées, carde plus en plus demandent à être reconnues, alors qu’auparavant, si le handicap ne se voyait pas, les per-sonnes préféraient que l’employeur ne le sache pas »,tempère Jacques Baudez, de l’Agefiph (fonds pourl’insertion professionnelle des personnes handica-pées), interrogé par l’AFP. De même, le nombre depersonnes handicapées inscrites à l’ANPE a baissé,

passant de 279 800 fin 2005 à 246 000 en août dernier. Problème : cette baisse a été moindre quepour l’ensemble de la population. Et ce malgrél’alourdissement, par la loi handicap de 2005, dessanctions prévues pour les entreprises n’ayantpas embauché 6 % de salariés handicapés.

Il faut donc encore sensibiliser le monde de l’entreprise à cette question, pas uniquement parle biais de campagnes d’information, mais aussien organisant directement des rencontres entreemployeurs potentiels et personnes handicapées.Une quinzaine de rendez-vous de ce type, appelésjob-datings, doivent être organisés cette semaineà Paris et dans douze villes de France, le premiers’étant tenu hier à la Grande Arche de la Défense.« En matière d’emploi des handicapés, on ne peut secontenter des dispositifs habituels. Il ne s’agit pas d’unpasse-droit, simplement d’amener des personnes à compétences égales au même niveau de chances » dedécrocher un travail, explique Emmanuel Constans,président de l’Association pour l’insertion socialeet professionnelle des personnes handicapées(Adapt). L’association a d’ailleurs quelques argu-ments à faire valoir : en 2005, elle aurait obtenul’embauche de 55 % des 720 candidats ayant décro-ché un entretien approfondi après leur job-dating.

Emilie Rive, www.humanité.fr, 09/09/2006

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SUJET 3

Le plan « comporte un objectif et un engagement:l’objectif est que chaque personne handicapée se voitproposer un chemin d’insertion professionnelle, etl’engagement que cette proposition soit faite dans undélai maximum de 6 mois à compter de sa demandeà la maison départementale du handicap », a annoncéPhilippe Bas. Toute personne en situation de han-

dicap se verra proposer un référent « insertion pro-fessionnelle » dans chaque MDPH et les délais entrela décision d’orientation et le premier contact avecle service public de l’emploi seront raccourcis à undélai maximal de 15 jours.

Agence France-Presse, 15/11/2006

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SUJET 4

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

L’enseignement de la philosophie à l’école.

La philo dès le collège

Depuis deux ans, Yves Michaud, fondateur de l’Université de tous les savoirs anime des séances dephilosophie pour des collégiens de 12 à 15 ans, en banlieue parisienne, sur la base du volontariat.

Les élèves doivent s’inscrire à l’avance. Première surprise : il y a une liste d’attente. Seconde surprise: c’estsi passionnant, selon le philosophe, qu’il milite aujourd’hui pour que l’expérience – racontée dans ledeuxième tome de « La Philo 100 % Ado », publié ces jours-ci chez Bayard Jeunesse – soit généralisée.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans cette aven-ture?

Il s’agissait d’organiser un débat philosophiqueavec des ados, retranscrit dans le magazine Okapi.Au début, j’ai accepté pour voir, pour faire ce queDerrida et ses amis préconisaient sans jamais l’avoirmis en œuvre: inciter les enfants à philosopher. J’aitrès vite découvert que, à cet âge-là, les élèves ontune flexibilité mentale et une absence de préjugéstotales. Ils sont dans les meilleures dispositions pourl’enseignement de la philosophie.

Vous affirmez même qu’on devrait l’enseignerdès le collège.

L’enseigner en terminale est inapproprié.D’ailleurs, il y a de moins en moins d’élèves dansles classes de philosophie. A 17 ou 18 ans, les adosn’ont pas envie de réfléchir à ces questions, ils n’ycomprennent rien. Ils sont coincés par l’influencedu groupe, des médias, des modes, et ils ne sont plustrès ouverts à la réflexion.

Ils sont moins influençables en classe de cin-quième?

A l’adolescence, il y a une incertitude sur soi quifavorise le questionnement philosophique. Déjà, en

troisième, les ados sont moins malins. Dès qu’ilsmûrissent sexuellement, ils deviennent moins dis-ponibles intellectuellement.

Quel est l’intérêt de la philo pour ces élèves?Cela les aide à développer leur sensibilité au lan-

gage, et la sensibilité tout court. Cela leur apprendaussi à s’écouter mutuellement. Aujourd’hui, lesenfants se hurlent dessus. Quand on crée unespace de discussion poli et amical, cela les dégros-sit. J’ai ainsi eu un cas social, costaud et agressif,qui s’est pris au jeu: il est devenu très subtil. Maconclusion est anti-Bourdieu : on n’a pas besoin desavoir manier le langage pour réfléchir. C’est lecontraire. Plus on réfléchit, plus on est obligéd’adopter un langage nuancé.

Propos recueillis par Jacqueline Remy, L’Express, 31/08/2006

* Université de tous les savoirs : initiative du gouvernementfrançais afin de vulgariser les dernières avancées de lascience.

* Derrida : philosophe français (1930-2004)

* Bourdieu : sociologue français (1931-2002)

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SUJET 4

DOCUMENT 2

A quoi sert l’épreuve de philo ?

Lycée Rodin, 13e arrondissement de Paris.L’épreuve écrite de philosophie du baccalauréat

se termine en principe à midi, mais à 11 h 15, denombreux élèves traînent déjà dans la cour, surtout des sections S (scientifique) et ES (écono-mique et sociale), pour qui ce n’est pas unematière importante. Comme quelque 516 000jeunes candidats au bac, Julien Maiorano, 18 ans,a passé l’épreuve de philo lundi 12 juin mais, lui,a bouclé sa copie en moins de trois heures : « Laphilo et moi, ça fait deux, ce n’est pas mon fort. En plus,je suis en section ES, la philo a seulement un coefficient4, alors que l’économie, par exemple, a un coefficient 9.De toute façon, ce matin, il n’y avait que des sujets horribles. J’ai pris la dissertation, « Faut-il préférer lebonheur à la vérité ? » C’était dur, on n’a pas eu le tempsd’étudier le bonheur en classe. »

A quoi sert la philo, célèbre exception française ?Julien ne sait pas s’il a réussi son épreuve, mais unechose est sûre : « La philo, pour moi, c’est terminé. Jeveux devenir infirmier, j’ai déjà passé le concours d’entrée dans une école spécialisée. » Il a trouvé son professeur de philo trop conventionnel. Pendant lagrève contre le contrat première embauche (CPE),les cours étaient plus vivants, a-t-il entendu dire,car il n’y avait que quelques élèves par classe, maisil n’est pas allé voir : « Au début, j’ai bloqué le lycée,ensuite je suis allé aux cours importants, maths et éco,mais pas philo. » (…)

Alain Liégeon, 43 ans, l’un des professeurs dephilo du lycée Rodin, qui a passé sa matinée à sur-veiller une épreuve, a envie de rester un peu dansla cour, pour profiter de l’ambiance joyeuse. A quoisert la philo au lycée ? Il sourit : « A court terme, çane sert à rien, c’est comme l’art. Mais sur le long terme,son utilité est évidente, car la philo est un socle de laculture générale. Or, la culture générale permet auxjeunes de mieux s’installer dans la vie professionnelle. »Il prend pour exemple les concours d’entrée dansle service public : « A compétence égale, la différenceentre deux candidats se fera sur leur degré d’ouvertureau monde, et pour ça, la philo est irremplaçable. C’estpareil à tous les niveaux : avant d’être enseignant, j’aitravaillé avec des chômeurs de longue durée. Là aussi,dans un entretien d’embauche, à qualification égale,

on choisira celui qui est le plus capable de se situer lui-même par rapport au monde. »

M. Liégeon tient à ce que la philosophie resteune matière obligatoire en terminale : « C’est le seulmoment où elle s’adresse à tout le monde. D’ailleurs,ce n’est pas une discipline plus littéraire que scienti-fique. » Par-dessus tout, il est convaincu qu’il estinutile d’enseigner aux lycéens l’histoire de la phi-losophie : « Cela ne doit pas être un enseignement deconnaissances à accumuler, mais au contraire une façon d’apprendre à mieux argumenter, quel que soitle sujet. Si le fait de savoir bien présenter ses argumentssert à quelque chose dans la vie, alors la philo sert àquelque chose. »

Sur ce point, le professeur du lycée Rodin n’estpas en phase avec son illustre collègue Luc Ferry,professeur d’université, ancien ministre de l’Edu-cation nationale, de 2002 à 2004, et auteur d’unevingtaine d’ouvrages philosophiques. Les tentativesde M. Ferry pour réformer l’enseignement de laphilo se sont heurtées à la résistance du corps ensei-gnant. Pour comprendre la spécificité française,explique aujourd’hui Luc Ferry, il faut remonter aulendemain de la Révolution : « Dès 1793, rappelle-t-il, émerge un grand débat sur les qualités requises pour être un bon citoyen et exercer le droit de vote : laphilosophie est considérée comme un moyen de préparerles jeunes à l’exercice de la citoyenneté. A partir de laIIIe République, la philosophie est hissée au rang de discipline reine, qui couronne les études. Cette tradi-tion républicaine perdure aujourd’hui. »

« Ce que l’on attend de l’élève, c’est qu’il soit capabled’argumenter, d’exercer sa réflexion et son esprit critique », et cette conception, regrette l’ancienministre, va de pair avec l’enseignement de grandesnotions philosophiques (la vérité, la conscience, ledésir, l’art…) « au détriment de l’enseignement de l’histoire de la philosophie et de ses grandes œuvres ».Les textes des grands auteurs ne sont utilisés quecomme des « béquilles » pour favoriser la réflexion,et non comme des œuvres dignes d’être étudiées entant que telles. La philo sanctionnée par le bac ?Là aussi, Luc Ferry est critique : « Le fait que cettediscipline relève d’un examen comme le baccalauréatme paraît très discutable. »

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Yves Eudes et Martine Laronche, Le Monde, 14/06/2006

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SUJET 5

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

Vacances humanitaires : un nouveau produit touristique ?

Les vacances humanitaires remportent un succès grandissantAssociations et agences de voyage proposent des séjours voués à l’aide aux populations ouà la conservation de la nature.

JONATHAN, 20 ans, n’oubliera jamais ses pre-mières impressions du Cambodge. Ni la splendeurdes temples d’Angkor. Ni le fourmillement humainincessant et l’odeur saisissante de la grandedécharge de Phnom-Penh. C’est là, auprès de« gamins de 6 ans qui fouillent, pieds nus, dans destas de déchets immondes », que Jonathan a passé unepartie de son été. Bénévole recruté par l’association« Pour un sourire d’enfant », l’étudiant a fait le voyagede France pour animer, pendant le mois d’août, unecolonie de vacances accueillant les enfants de ladécharge.

Ils sont ainsi de plus en plus nombreux à pro-fiter de leurs congés pour mener une missionhumanitaire de courte durée. « Les touristes solidairesont pour point commun l’envie de se retrousser lesmanches et de découvrir le monde autrement »,remarque Éric Eustache, codirecteur de PlanèteUrgence, qui a fait de ce genre de voyages sa spé-cialité.

Fondée en 2001, l’association voit le nombre dedemandes augmenter chaque année : 650 volon-taires en 2006, contre 435 l’an dernier. Le conceptdu tourisme solidaire, inventé aux États-Unis et enGrande-Bretagne, se développe depuis peu enFrance. Au point que des entreprises privées explo-rent le créneau. « Il y a deux ans, lorsque nous parlions de créer une agence de voyage solidaire, toutle monde nous prenait pour des fous », se souvientAntoine Richard, cofondateur de Double Sens, quipressent « un énorme potentiel ».

Six mois après l’ouverture, son agence compte40 réservations pour des missions de trois semainesau Bénin. Au choix, soutien scolaire, cours de fran-çais ou d’informatique, sensibilisation à l’hygiènedans les écoles, animation dans les orphelinats…« À la fin du séjour, les volontaires partent pour unesemaine d’excursion dans le nord du pays », ajoute le

directeur. Coût de l’expérience : 1 390 euros, horsbillet d’avion.

« C’est le prix à payer pour vivre une autre vie etentrer vraiment en contact avec la nature », estimeFrançoise, 64 ans, qui vient de se consacrer à la pro-tection du singe-araignée au Costa Rica. Deux moispassés à nourrir les primates, nettoyer leurs cages,construire un enclos. Cette retraitée célibataire sesent aujourd’hui « valorisée », heureuse de faire enfince dont elle rêvait plus jeune. « Et puis, il y a desmoments tellement émouvants. La nuit où les œufs detortue éclosent, par exemple : c’est magnifique, on al’impression d’être sage-femme. »

Le prix souvent élevé ne rebute pas les candi-dats au départ. Ils sont actifs ou jeunes retraités ;70 % sont des femmes. Et ils partent travailler, parfois dans des conditions difficiles. « Une mission,c’est 80 heures de travail en moyenne », prévient tou-jours Éric Eustache avant le départ.

La bonne volonté suffit. Inutile d’être médecin,infirmière ou ingénieur pour « apporter sa petitepierre », assure Laurence Girard, directrice de l’as-sociation A pas de loup. « Un grand nombre de tâchessimples sont à la portée de tous. » D’autant que lechoix, en France ou à l’étranger, est de plus en pluslarge : accompagnement d’adultes handicapés,reboisement en Afrique, comptage des phoques enbaie de Somme, soutien scolaire dans les écoles…

Véronique, 38 ans, chargée d’analyse et de com-munication financière, ne supportait pas de pas-ser ses vacances au bord d’une piscine. Elle s’estenvolée le 6 août vers Bamako (Mali) pour animerune petite bibliothèque. « Ma mission consiste à ame-ner les enfants à découvrir des livres, dit-elle. Le séjoursera sans doute plus difficile que ce que j’imagine. Peuimporte. Je suis arrivée à un point où j’ai envie d’aiderles autres. »

Delphine Chayet, Le Figaro, 16/08/2006 TP92

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SUJET 5

Surfant sur la vague de l’humanitaire, se mettentà pulluler les offres de « vacances utiles » encore

appelées « solidarité internationale » ou « tourismeéquitable ». Plus d’une vingtaine d’associations oud’entreprises – créées pour la plupart à la fin desannées 90 et au début des années 2000, pas tou-jours reconnues par le ministère des Affaires étran-gères « pour l’envoi de volontaires de solidarité inter-nationale » se sont engouffrées dans ce créneau deplus en plus porteur. Elles proposent des séjours oumissions de deux ou trois semaines dans les paysen voie de développement.

Engouement. La palette de missions proposéesest très variée : soutien scolaire, animation, coursd’informatique, prévention médicale, sensibili-sation à l’hygiène, chantiers, formation profes-sionnelle… Ces formules suscitent un véritableengouement puisque plusieurs centaines de « volontaires » partent chaque année avec les asso-ciations existantes. Planète Urgence a ainsi convoyé650 personnes l’an dernier et 2 000 sont parties avecProjects Abroad.

L’âge de ces volontaires est très hétérogène : lesplus jeunes ont entre 16 et 24 ans et les plus âgéssont des préretraités. L’essentiel des forces vives restetoutefois les adultes actifs de 25 et 35 ans. Le coûtde ces séjours varie selon les associations et les formules choisies. Double Sens propose troissemaines de mission plus neuf jours d’excursion auBénin pour 2 000 euros tout compris (hébergement,nourriture, transports). Projects Abroad idem tan-dis que Planète Urgence a mis sur pied, en 2005,des missions de deux semaines pour 2 175 euroshors billet d’avion soit 3 000 euros en tout. Ce typede missions peut toutefois être financé par l’en-treprise (vol, hôtel, mission) qui emploie le « volon-taire » dans le cadre d’un « congé solidarité inter-

nationale ». Le coût, sous forme de don, sera alorsdéductible des impôts à hauteur de 60 %. Pour lesentreprises qui y recourent, c’est un outil internede fidélisation ou une récompense pour leurs sala-riés, à la manière des stages de saut à l’élastique,en vogue il y a une dizaine d’années.

Ethique. Michaël, 31 ans, employé chez SFR*, estparti quinze jours à La Paz en Bolivie avec PlanèteUrgence. Sa mission était double : former en sécu-rité électronique et en télécommunications. Ilestime : « C’est un prix honnête si c’est l’entreprise quipaie, mais je m’étonne que les volontaires finançant deleurs poches paient le même prix. »

Ancien PDG d’Anyway.com, fondateur et codi-recteur actuel de Planète Urgence, Eric Eustache nevoit aucune entorse éthique : « Nous ne faisons pasde tourisme humanitaire mais bien des missions de solidarité internationale. Ce prix est le coût réel si le Nordveut aider le Sud. » Sur les 2 175 euros demandés(hors billet d’avion), 15,5 % couvrent les frais defonctionnement, détaille Eric Eustache, 68 % vontà la formation et au financement du projet et16,5 % pour l’ingénierie, l’organisation, la coor-dination et l’évaluation de la mission.

« Volontaires ». Michaël admet qu’« on ne peutpas tout faire en quinze jours », cependant il s’est senti« utile, car les enfants ont appris que l’électricité étaitquelque chose de dangereux ». Son seul souci fut dene pas parler espagnol, mais Planète Urgence luia trouvé un interprète sur place. Il aurait égalementsouhaité « visiter un peu plus la Bolivie » car ce fande randonnée « aime l’altitude ». Il a eu tout demême le temps de « sortir tous les soirs avec les autresvolontaires ».

Angel HERRERO LUCAS, Libération, 08/11/2006

* SFR : opérateur de téléphonie mobile

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DOCUMENT 2

En vacances, je sauve le mondeTourisme. De plus en plus de structures proposent des « voyages humanitaires ». Des séjoursvraiment utiles ?

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SUJET 6

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

Quel rôle pour la prison : punir ou réinsérer ?

La honte de la République

La prison, c’est la saleté, la promiscuité, le bruit,les suicides, les viols. Le constat dressé par le

documentaire de Bernard George diffusé sur CanalPlus* est terrifiant. Intitulé « Prisons, la honte dela République », il démontre ce que les ministresde la justice successifs finissent un jour ou l’autrepar admettre devant la caméra : l’état des prisonsfrançaises est épouvantable. (…)

On est à la prison de Lyon-Perrache. Un détenuallume sa cigarette à un fil électrique mis à nu danssa cellule entre deux moellons d’un mur lépreux.Il risque évidemment, ce faisant, et à tout instant,l’électrocution et la mort.

Les cafards courent sur le sol. Un rideau maculéd’excréments masque les toilettes communes. Leplâtre tombe du plafond. « Je crois que les chiens sontmieux traités que nous », dit un détenu. C’est un propos qui revient sans cesse dans la bouche desprisonniers. On a plus de considération pour les animaux que pour ceux qui sont passés de l’autrecôté des barreaux. Ils ne sont plus des citoyens, ilsne sont même plus des êtres humains. Quand onentasse autant de gens en si peu d’espace, quand

on mélange les prévenus, présumés innocents, etles condamnés, il ne faut pas s’attendre à un autrerésultat que celui-là.

La France est régulièrement dénoncée, dans lesinstances internationales compétentes, pour les trai-tements qu’elle inflige à sa population pénale. Cen’est pas Guantanamo, puisque la torture n’est paspratiquée ouvertement, mais on n’en est pas si loin.Il y a eu officiellement 122 suicides en 2005. L’ad-ministration pénitentiaire fait également état de572 agressions graves subies par des surveillants.

Un prêtre accusé, à tort, de viol sur mineurraconte son arrivée en maison d’arrêt. « Je me suisretrouvé à poil devant des gens que je ne connaissaispas pour une fouille au corps. Après, on vous emmènedans une cellule où vous tombez sur quatre individusqui sont encore plus effrayants que les murs entre lesquels vous êtes. » Au bout de quatre ans et deuxmois de détention préventive, ce prêtre a étéacquitté par une cour d’assises.

Dominique Dhombres, Le Monde,15/11/06

* Canal Plus : chaîne de télévision

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DOCUMENT 2

« La réinsertion doit être une priorité »C’est ce qu’estime le Conseil économique et social qui propose des mesures pour la forma-tion professionnelle et le travail en prison.

Dans un avis publié mercredi 22 février, leConseil économique et social (CES) estime que laréinsertion socioprofessionnelle des détenus doitdevenir « une réelle priorité de la politique péniten-tiaire ».

« Le souci de la réinsertion professionnelle des déte-nus s’efface trop souvent devant les impératifs de

sécurité », regrette le CES, notant au passage quele « surpeuplement chronique » des prisons n’est guèrefavorable à la réinsertion.

L’insuffisance des moyens consacrés à cette mis-sion est pointée du doigt. L’Administration péni-tentiaire ne consacre qu’environ 11 % de son budget à la réinsertion sociale. On compte 39 sur-

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SUJET 6

veillants pour cent détenus mais un seul tra-vailleur social.

Résultat: la formation professionnelle concernemoins de 9 % des personnes incarcérées. L’offre detravail n’a de son côté cessé de diminuer, un tiersdes détenus seulement exerçant un travail.

Le CES propose de renforcer les programmes édu-catifs, notamment pour lutter contre l’illettrisme,de privilégier le travail « hors les murs », de renforcerl’attractivité du travail en prison pour les entreprises

(aménagement de lieux de stockage, instaurationde la journée continue) et de faciliter l’accès à lacommande publique.

Plus classiquement, le CES insiste sur la néces-sité de développer les aménagements de peine (libé-ration conditionnelle, placement extérieur, semi-liberté), rappelant que seulement 18 % desprisonniers libérés en 2004 en ont bénéficié.

www.nouvelobs.com, 08/03/06

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DOCUMENT 3

Vieillir en prisonLes chiffres de l’administration pénitentiaire sontclairs : en dix ans, le nombre de détenus de plus de 60 ans a pratiquement triplé. Le vieillissement de lapopulation et des incarcérations qui interviennenttard dans la vie expliquent cette augmentation. Maisl’allongement des peines condamne également nombrede détenus à vieillir en prison. Reportage au centre de détention de Riom, où la moyenne d’âge est de quarante-six ans…

Petit bout de femme. Annie Dolat est l’infir-mière de l’UCSA (Unité de Consultation et de SoinsAmbulatoires) du centre de détention de Riom. Lejour où nous la rencontrons elle est un peu essouf-flée, lasse aussi peut-être. Mais elle semble ne pasvouloir le laisser paraître. La journée a mal com-mencé. Le matin même un détenu est mort d’unecrise cardiaque, après son transfert à l’hôpital parle SMUR*. « Il avait vu le médecin de garde la veille,car il se plaignait de douleurs. On a suivi le protocole ».Elle souligne qu’il avait déjà subi plusieurs pon-tages, mais qu’il continuait à fumer. Annie Dolattravaille au centre de détention depuis dix ans. Elleouvre l’infirmerie à 8 h 30, la ferme à 16 h 30. Dulundi au vendredi les détenus peuvent s’y rendresans escorte. Des médecins vacataires viennentconsulter, le lundi et le vendredi. La nuit et les week-ends, les surveillants sont les premiers en contactavec les détenus malades, et ont pour seuls inter-locuteurs les médecins de garde ou le SMUR. Les pre-miers n’étant pas toujours très motivés pour sedéplacer en détention. Le rapport d’activité 2003de l’établissement signale que « les médecins ducentre hospitalier ne viennent plus sur place, qu’aucunorthopédiste n’accepte de se déplacer et que l’anes-thésiste ne vient que rarement ».

Pathologies lourdes. Pourtant l’état de santé desdétenus, en particulier âgés, est de plus en plus com-plexe. « Les problèmes gastriques, de dépression ou detension liés au stress et à l’enfermement ont toujoursexisté. Mais avec les personnes âgées on a vu arriverde nouvelles pathologies. On a dû organiser des inter-ventions pour cataractes, des problèmes de prostatesou des cancers sont aussi en nette augmentation »,explique Annie Dolat. Elle s’interrompt pour allerchercher une couverture. Derrière la porte, leSMUR est en intervention. En réaction au décès dumatin, un détenu fait une crise de démence. Il secalme, mais l’infirmière sait bien qu’il recom-mencera peut-être dans quelques heures. Elle sou-pire à peine, « c’est vrai qu’on est souvent seuls à faireface aux problèmes ».

Sur un banc au soleil. A Riom, le doyen a 86 ans.Il est entré en détention à 81 ans. Assis sur un bancdans la cour, il commente sa vie en prison avec rési-gnation : « je suis au bout de ma vie. Maintenant, jeprends ça comme ça vient ». Les vieux détenus semblent goûter le calme du centre de détention,après des passages en maisons d’arrêt où la coha-bitation avec des codétenus plus jeunes était diffi-cile. « Ici c’est le Club Med », plaisante un autre« papy » de 79 ans. Ce qui leur rend la détentionsupportable, c’est son régime dit de « portesouvertes » : les cellules sont en accès libre de 7h30à midi et de 14 h à 18 h 30. Ils peuvent se prome-ner dans la cour, disputer des parties de pétanque,participer aux activités socio culturelles ou lire àla bibliothèque. Mais il vaut mieux être solide, etils le savent. « On m’a dit : l’infirmière est là pour voussoigner, pas pour vous guérir. Celui qui est mort, il étaitmalade depuis la veille et il a appelé toute la nuit »,

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SUJET 6

raconte le vétéran, qui est cardiaque lui aussi. Beau-coup chassent leurs angoisses en niant leur condi-tion. De celui qui nous confie ne pas se sentir enprison, à celui qui parle de la cellule d’un codétenucomme de la « maison du bon Dieu », la frontièreavec la folie est souvent ténue.

La peine a-t-elle encore un sens ? GabrielMouesca, président de l’Observatoire Internationaldes Prisons a analysé le nouveau profil des « longuespeines » : « On a affaire à de plus en plus de gens qui ont des problèmes psychiatriques, qui n’ont aucunprojet de vie, qui sont dans le quotidien à déambulersans objectif particulier. En prison il y a toujours eu d’uncôté les règles écrites, et de l’autre les us et coutumes.C’est ce qui a permis que les équilibres soient mainte-

nus entre l’administration pénitentiaire et la popula-tion pénale. Aujourd’hui on voit avec l’arrivée de gensmalades que ces équilibres sont mis en danger parceque ces us et coutumes ne sont plus respectés par lapopulation pénale ». Les braqueurs d’hier n’ont plusrien à voir avec les dépressifs ou délinquantssexuels d’aujourd’hui… « Le respect entre détenus quipermettait qu’il n’y ait pas de conflit, n’existe plus »,conclut Gabriel Mouesca. Et Jean-Marc Ernst,directeur adjoint du centre de détention de s’in-terroger : « à partir de quel âge, de quel état physiqueou psychologique la peine a-t-elle encore un sens ? »

Caroline Caldier, Radio France, 23/10/2006

* SMUR : service médical d’urgence

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SUJET 7

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Thème de l’exposé :

Les psychologues nous sont-ils devenus indispensables ?

Attend-on trop des psys?Ils sont partout ! Côté vie familiale (divorce, enfants, deuil…), le carnet de consultations est rem-pli. Côté vie collective, chaque catastrophe est désormais suivie par la mise en place d’une cellulede secours, avec des psychologues spécialisés… Pour soigner qui ? Et quoi ? Sommée de réparer tousles accrocs de l’existence, la psy est-elle surinvestie ? Analyse.

Il est devenu la pythie* des temps modernes, lepsy. Et recueillir son oracle* à tous les âges de la

vie passe pour une évidence. Un coup de grisou*dans l’existence, une avalanche, un cheptel pris defièvre aphteuse, une peignée dans une cour d’école,une émission sur le mariage homosexuel… Pas uneparcelle de vie qui échappe à son scanner. Pas undébat de société sans qu’on le convoque pour don-ner un point de vue. Pas une semaine sans qu’unmagazine – Psychologies et ses 300 000 exemplaires,pour ne citer que lui – prescrive un lifting émo-tionnel avec force conseils pour « choisir son psy ».Pas un mois sans qu’un best-seller, tel Guérir(Robert Laffont), de David Servan-Schreiber, avecson million d’exemplaires, fleurisse sur le terreaulucratif du « développement personnel »… Les psyssont partout ! Consultés à titre préventif, curatif et,en tout cas, extensif. A la RATP* pour épauler lesconducteurs, chez Peugeot pour penser la voiturede nos rêves, aux côtés des sportifs, sur les plateauxtélé. « La psy », la nouvelle lingua franca de l’Occident, agrégat fourre-tout, a infiltré nos têtes,nos mœurs, nos strates individuelle et collective, jusqu’à modeler une trame de pensée si familièrequ’on fait du moindre lapsus un psychodrame.

[…] C’est le monde à l’envers. Avant, le psy étaitréservé aux fous. Aujourd’hui, tout le monde a lesien, sauf les fous, vu l’état sinistré de la psychia-

trie. Alors, on peut ironiser sur cette fringale dedépannage psychologique et d’assistance médica-menteuse pour braver les coups bas de l’existence.Mais si ce recours aux psys était un symptôme ?Qu’est-ce qui nous fait courir chez eux ? De quoivoulons-nous guérir ? En couchant l’inaudible etle honteux sur un divan, Freud a libéré l’humanitéde ses tabous. Mais, un siècle plus tard, n’attendons-nous pas trop de ses disciples? « On demande au psy de parler à chacun de son bonheur, de l’amour…D’expertiser le pathologique. De consoler. D’éduquer.D’expliquer. De muscler les performances en entreprise »,observe Edouard Zarifian, professeur émérite de psy-chiatrie. « La société même est devenue un immensepsychisme, renchérit le psychanalyste Serge Hefez.On la dit « déprimée », on tâte son pouls. Tout notrediscours se psychologise parce que nous pensons quec’est le seul qui donne du sens. »

Alors trop, c’est trop?

Delphine Saubaber, Natacha Czerwinski, L’Express, 18/07/2006

* pythie : personne qui a des pouvoirs de divination, qui peutfaire des prédictions, des oracles*.

* coup de grisou : expression imagée qui indique que l’ona le moral affecté.

* RATP : société gérant les transports publics parisiens

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Honni soit qui refoule* !

Il est loin le temps où l’on rasait les murs pourse rendre sur le divan et où l’on préférait prétexter

un rendez-vous chez le dentiste plutôt qu’avouerfréquenter un psy. En quelques années, la banali-sation de la psychanalyse est devenue un fait desociété (…). « Hier, on consultait un psychiatre quandon était vraiment “hors cadre”, analyse le psychiatreChristophe André. Aujourd’hui, on y recourt en casd’accident de parcours. Quand on a le sentiment den’avoir pas été écouté. » Et après tout, pourquoi souf-frir quand on peut l’éviter ? « Notre intolérance à lasouffrance est devenue plus grande qu’avant. C’est lamême chose en médecine, poursuit Christophe André.Les trois quarts des consultations des généralistes traitent de l’insomnie, de la migraine, des varices… Bref,des maux de confort. » Serions-nous donc devenusdes douillets de l’âme ?

« C’est la société qui est devenue folle », répond lapsychanalyste Catherine Mathelin. Face à unmonde qui ne tolère plus la moindre défaillance,comment tenir ? « Dans ce culte effréné du “beau,jeune, mince et performant”, il faudrait peser quarante-cinq kilos, avoir les dents blanches, et menerde front vie de mère, vie sociale, sexuelle, ne rien rater.Il y a une exigence d’excellence », poursuit la psy-chanalyste. L’âge de tous les dangers ? Entre trenteet quarante ans, où il n’est pas rare de voir desjeunes parents arriver, dans un « burn out » total,au bout du rouleau.

« C’est un âge charnière, poursuit la psychana-lyste. Les femmes ont tout sur le dos : le travail où ellesdoivent commencer à opérer des choix importants, lesenfants en bas âge, la vie de couple qui doit être au top…Avec souvent, les premières menaces de séparation,quand il ne s’agit pas de se retrouver belle-maman audétour d’un remariage. Comment ne craquerait-onpas ? » Il y a aussi la pression due à l’éducation desenfants. Et certaines, angoissées à l’idée de ne pas« réussir l’enfant parfait » – celui que la société nousréclame ! –, ont vite fait de l’emmener chez le psy…« Un peu comme on lui donnerait des cours particulierspour qu’il soit au top, précise Catherine Mathelin. Si lesmamans cherchent parfois à déléguer leurs responsa-bilités, et à nous “refiler le bébé”, c’est bien parce qu’ellessont terriblement angoissées. »

Dans cette demande de prise en charge, certainsvoient une défaillance du lien social. « Hier, ana-

lyse Christophe André, quand vous aviez un problèmed’éducation ou que vous perdiez un proche, vous pou-viez en parler, vous étiez écouté. Aujourd’hui, dès quevous pleurez un peu trop fort, on vous tape dans le doset on vous suggère : Et si tu consultais? »

Car dans une société devenue hyper exigeante,le vrai luxe ne consiste pas à débourser 60 eurosla séance. Le vrai luxe, c’est de pouvoir prendre letemps de pleurer et de parler. Difficile ! « Alors, pourzapper cette souffrance insupportable et déstabili-sante, on vous met sous Zoloft ou Lexomil, quand onne vous conseille pas des Oméga 3, s’énerve Cathe-rine Mathelin. Bien sûr, c’est efficace pendant quelquessemaines. Mais, si la souffrance est profonde, vousreplongez un peu plus tard. »

Par-delà les pilules miracles et les thérapiesbrèves, en effet, certains ont besoin d’aller explo-rer plus loin, de dénouer des nœuds installésdepuis l’enfance. Et la banalisation du « tout psy »ne doit pas faire oublier que… certains ont vraimentbesoin d’un petit tour sur le divan. « On sait très vite,au fond de soi, si l’on pourra sortir seul ou non d’unesituation à problème, souligne Catherine Mathelin.Quand on se sent englué, immergé dans le malheur, ilfaut demander de l’aide sans hésiter », préconise-t-elle.Idem pour les processus de répétition qui nous poussent à vivre les mêmes échecs, et ce même sil’on en souffre. Pourquoi tombe-t-on toujours surdes hommes infantiles, violents, des don Juan ?Pourquoi répétons-nous toujours la même histoire ?« Parce que, quelque chose en nous se joue au niveaude l’inconscient et nous dépasse, et nous empêche d’êtrelibre ! En dénouant la pelote de votre inconscient, la psychanalyse vous aide à être un peu plus vous-même.C’est tout le contraire de l’emprise et de la normalisa-tion ! » explique Catherine Mathelin. Les artistesqui préfèrent souffrir en pensant faire leur beurrede leurs névroses ne sont pas toujours dans le vrai.Et Catherine Mathelin de s’interroger : « Woody Allenaurait-il écrit des films aussi drôles s’il n’était jamaispassé par ses quinze années de divan ? » (…).

Sophie Carquain, Madame Figaro, 21/10/2006

* Honni soit qui refoule : que celui qui refoule, au sens psy-chanalytique du terme, soit exclus

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SUJET 8

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

La violence à l’école.

La violence à l’école: un enjeu mondialViolences entre élèves, agressions contre les professeurs, saccages ou dégradations des locaux sco-laires, le phénomène se généralise, non seulement à travers toute l’Europe mais également à toutela planète a constaté la seconde conférence mondiale sur la violence scolaire qui s’est tenue au moisde mai 2003 au Canada. Des solutions à ce problème doivent comprendre des mécanismes de conseilet de médiation et supposent l’engagement démocratique de la communauté scolaire dans sa tota-lité, a déclaré le Conseil de l’Europe.

En Europe, l’actualité revient régulièrement surla violence à l’école. Les premières études

menées depuis une dizaine d’années, en particu-lier par l’Observatoire Européen de la Violence Sco-laire (OEVS), font apparaître une situation sérieuseauquel aucun type d’établissement n’échappe.

« On peut penser qu’actuellement certains des faits les plus graves sont bien repérés et enregistrés :homicides (rarissimes), agressions physiques contre lesenseignants et les personnels, incendies volontaires, »note Eric Debarbieux, Directeur de l’OEVS. Parcontre la « petite » violence au quotidien est plusmal connue, les statistiques officielles ne mesurantque la violence apparente et non la délinquanceréelle. Insultes, racisme, agressions, vols, ou racketsont désormais des phénomènes présents, à desdegrés divers, dans tous les milieux sociaux et géographiques.

Une enquête menée en France en 1995 auprèsde plus de 9 000 collégiens a ainsi mis en évidencela présence d’un sentiment d’insécurité et deméfiance par rapport aux autres, aussi bien dansles milieux urbains favorisés, qu’en zone rurale ouencore dans les zones urbaines défavorisées. La vio-lence à l’école est affaire de tous ; elle a besoin dela solidarité de tous. Le Conseil de l’Europe, dans

le cadre de son projet intégré lancé en 2002 pourapporter des réponses à la violence quotidiennedans une société démocratique, s’est saisi de la ques-tion de la violence à l’école avec la volonté de défi-nir et promouvoir des politiques globales pour lut-ter contre ces phénomènes. Dans le cadre de cetravail, du 14 au 18 juillet 2004, une quarantainede lycéens de divers pays membres du Conseil del’Europe, se sont retrouvés à Strasbourg pour rédi-ger un projet de Charte pour une école démocra-tique sans violence.

En octobre 2004, l’Organisation a lancé, avecl’aide du Canton suisse de Genève, le premier exercice de vote électronique dans quatre-vingtdeux écoles de 19 pays. Les résultats du référendumdoivent montrer si les écoles européennes sont d’ac-cord ou non avec la Charte qui couvre un certainnombre de principes tels que le droit à une écolesûre et sans violence, le droit à l’égalité de traite-ment et l’idée que les conflits devraient être réglésde manière non violente et constructive.

Si elle est adoptée, la Charte servira de modèlepour tous les établissements scolaires d’Europe afinde créer une école démocratique sans violence.

www.coe.int, août 2005

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L’impuissance éducativeFace à la violence des quartiers ghettos, les enseignants se sentent bien seuls.

Elle ne veut pas dramatiser, Geneviève Matton-Taté, directrice de l’une des deux écoles élé-

mentaires de la rue Curial, à Paris, dans le XIXe

arrondissement. Mais elle en a gros sur le cœur.L’autre nuit, son collègue est sorti de son apparte-ment de fonction et a tenté de discuter avec unebande de gamins – des anciens élèves, de 13 à14 ans – qui venaient de mettre le feu à une pou-belle et à une voiture, devant l’école. En réponse,il a reçu des coups : « De quoi tu te mêles ? »

De ce qui le regarde, évidemment. Mais Gene-viève Matton-Taté raconte qu’il est de plus en plusdifficile d’incarner l’autorité dans une école cernéepar des tours – « d’où on envoie des projectiles sur la cour de récréation » – et par des cow-boys encapuche* qui, aux portes du groupe scolaire, fontbloc pour narguer et intimider les enseignants. « Ons’ingénie à expliquer qu’il ne faut pas imiter cesjeunes-là. Mais nos petits les adulent, eux et leurs bellesvoitures, et ils sont tout fiers, à 8 ans, de leur rendredes petits “services” qui leur rapportent argent de pocheet gloriole*. Ils rêvent de devenir à leur tour des caïds.Ils ne veulent pas des héros qu’on leur propose.»

Ces jours-ci, de nombreux établissements sco-laires ont été pris pour cible. « Ça donne envie de pleurer », a déclaré le syndicaliste Gilles Moindrot.Quelques mois plus tôt, à Stains, à Bagnolet, à Villeneuve-la-Garenne et ailleurs, des enseignants

avaient cessé le travail, invoquant leur « droit deretrait » face aux violences collégiennes. Impuis-sants, les directeurs d’école? « Non, abandonnés »,corrige Geneviève Matton-Taté. Comment lutterseuls contre le poids de la ghettoïsation, la préca-rité sociale, la démission adulte, la chute desrésultats scolaires ? Trois sociologues, GeorgesFelouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, ontpublié une étude sur L’Apartheid scolaire (Seuil) danslaquelle ils démontrent que 40 % des élèves d’ori-gine turque, maghrébine ou africaine se retrouventdans 10 % des collèges. A Saint-Germain-des-Préscomme à Neuilly-sur-Seine, on stigmatise cesclasses moyennes qui « contournent » la carte sco-laire*. Mais on ne se bat guère pour construire deslogements sociaux dans les beaux quartiers. « Il fautdes gens pour se dévouer, assure Geneviève Matton-Taté. Ecrivez que les enseignants sont là, y restent ets’occupent des gosses. L’école, c’est le seul endroit oùl’on ose leur dire non. »

Jacqueline Remy, L’Express 10/11/2005

* cow-boys à capuche : expression qui fait référence au stylevestimentaire des adolescents de banlieue principalement(ils sont coiffés de la capuche de leur veste de survêtement).

* gloriole : petite gloire, gloire de peu d’importance

* carte scolaire : découpage territorial qui rattache un quar-tier à un établissement scolaire

DOCUMENT 2

Le 9-3* va craquerFace à l’insécurité, les profs de Seine-Saint-Denis vont faire grève. Ambiance au collège « Travail », à Bagnolet

Olivier Vinay ne fera pas classe le 23 mai. Profde sciences de la vie et de la terre au collège « Tra-vail », à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), il suivra l’appel à la grève départementale lancé par plusieurs syndicats. Mot d’ordre : plus de postes, plus de moyens. Dans son établissement, parentset enseignants réclament depuis janvier deux surveillants supplémentaires pour encadrer les470 élèves. « Il n’y en a que 6 aujourd’hui, dont 4 assistants de vie scolaire à temps partiel », déplorePatricia Besnardeau, dont le fils est en sixième.Marylène Werner, mère d’un élève de quatrième,renchérit : « Ce n’est pas aux profs de jouer le rôle desurveillants… » Au collège « Travail », si.

Il est 10 heures, c’est la récré dans le bâtimentdes années 1930. Soudain, une bousculade chavireles blousons. D’un bond, Olivier Vinay se plante au

milieu de la cohue. « On est sur le fil du rasoir en permanence », confie le géant barbu. En novembre2005, la principale adjointe a reçu un coup de poingpour s’être interposée dans une algarade* entreélèves et jeunes intrus. Le 17 janvier, un élève desixième a frappé une prof d’anglais avant de lamenacer : « Je te retrouverai…»

Profs et parents se sentent abandonnés. Lesfemmes de ménage aussi, qui en ont assez des cra-chats et de l’urine qu’il faut nettoyer, des insulteset menaces qu’il faut encaisser. La solution? « Dessanctions, exigent-elles. Et des moyens. »

Anne Vidalie, L’Express, 18/05/2006

* 9-3 : département de la Seine Saint Denis, en région pari-sienne

* algarade : incident, dispute

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SUJET 9

DOCUMENT 1

Thème de l’exposé :

Le corps : une préoccupation majeure des sociétés contemporaines

Le corps, emblème de soiComment et pourquoi notre rapport au corps s’est-il transformé de manière aussi specta-culaire depuis quelques décennies ?

« Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ? », demandait anxieusement la reine de Blanche-Neige… Dans les contes de Charles Perrault, la beauté suivait les lois du rang ; le mondeétait divisé entre princesses et princes charmantsdoués de toutes les grâces, et souillons et crapaudsbaveux, si possible affublés de quelque bosse ouautre verrue sur le nez… Après tout, à chacun sacondition, matérielle, sociale et physique ; l’époquene fait pas dans la nuance, on est (et on naît) richeet beau ou pauvre et laid… D’ailleurs, Mme deLafayette constatait qu’à la Cour, « tout ce qu’il yavait de plus beau et de mieux fait, de l’un et l’autresexe, ne manquait pas de se trouver ». Mais nous nesommes plus au temps de Perrault…

Déjà, depuis deux siècles, et grâce aux progrèsde l’hygiène et de la médecine, les difformités sontdevenues rarissimes. Mais il y a plus : l’allongementde la vie a fait que nous avons des chances d’habiter nos corps beaucoup plus longtemps quenos ancêtres… Une exposition à Lausanne, en 2000,désignait le XXe siècle comme « le siècle du corps » :plus personne ne nierait en tout cas que, parmi lesmultiples et impressionnantes transformationsqui ont eu lieu depuis une centaine d’années, l’uned’entre elles est celle qui concerne le rapport aucorps. (…)

Comment expliquer de telles évolutions ? Ellesne peuvent être appréhendées sans prendre encompte les mutations plus larges, morales et idéo-logiques d’une part, économiques et techniques del’autre. […]

La montée des idéaux hédonistes* participe for-tement de ces changements dans le rapport aucorps. Leur poursuite se fait en pleine période dedéveloppement de la société de consommation etdes loisirs. Pour être bien dans son corps, il faut en prendre soin : non seulement le libérer de ses

entraves matérielles et morales, mais aussi le soigner, le choyer, le sculpter et l’embellir…

Hommes et femmes, jeunes et vieux, vont semettre à courir, à pédaler, à affronter les pentes neigeuses, à randonner dans les sentiers bucoliquesou sur le bitume citadin, et le phénomène ne faiblit pas. Des salles de gymnastique ou de mus-culation aux activités plus ludiques telles que ladanse africaine ou andalouse, ou encore auxtechniques, venues d’Orient, d’expression corporellealliée au contrôle du mental, l’attention au corpsest devenue une préoccupation centrale. Maisl’entretien et le souci du corps ne passent pas quepar l’effort physique : il n’y a qu’à se promener dansles rayons pharmaceutiques des grandes surfacespour constater la multiplication de ces petitesgélules, destinées à faire une belle peau, de beauxcheveux, une belle silhouette… Les cabinets d’esthétique sont envahis par les femmes et peu àpeu investis par les hommes. Sans parler de l’essor de la chirurgie esthétique destinée aujour-d’hui non seulement à corriger des malformations,mais à gommer les moindres ridules ou imperfec-tions. (…)

Jean Baudrillard déclarait déjà en 1970 que lecorps était notre plus bel objet de consommation.Toute une économie liée au corps a donc vu le jourdans les décennies récentes, dans laquelle il ne fautpas omettre l’industrie de la mode qui a étendu sonemprise aux deux sexes et à tous les âges de la vie.En même temps que la société se démocratisait, lecorps est donc devenu un objet de consommationde masse, ouvrant à (presque) tous l’espoir de setransformer en prince ou princesse, ou plutôt,aujourd’hui, en Claudia Schiffer ou Leonardo diCaprio.

Martine Fournier, Sciences humaines, 07/11/2006

* hédoniste : qui est à la recherche du plaisir TP92

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DOCUMENT 2

Souci du corps et sculpture de soiLe corps est devenu l’une des préoccupations majeures de l’hyper modernité… Non sansquelques ambiguïtés, dans un monde tiraillé entre recherche du bien-être et quête de l’excellence.

Nous voici donc devenus des individus hyper-modernes, affranchis du poids des grandes insti-tutions – Eglises, classes sociales, appartenances syndicales, professionnelles ou familiales… – quidéfinissaient les identités de chacun. Des change-ments économiques, sociaux, culturels ont engen-dré un monde diversifié, où s’enchevêtrent desréseaux multiples dans lesquels chacun navigue-rait de manière autonome, donnant un sens personnel à sa vie.

Etape par étape depuis la Renaissance jus-qu’au XXe siècle, nous sommes entrés dans « l’èrede l’individu ». […]

Il n’est pas besoin d’être grand devin pour détec-ter l’importance et même l’omniprésence du corpsdans les sociétés contemporaines : explosion dunombre des magasins de mode, des produits cosmétiques et salons esthétiques, des salles et clubsde sport, des nouveaux médicaments et des techniques médicales ou chirurgicales pour l’amé-liorer ou même le transformer…

Le corps deviendrait-il alors le reflet du moi pro-fond et original de chacun ? Les choses ne sont,hélas, pas si simples, car nos sociétés continuentde véhiculer des normes, nouvelles certes, chan-geantes aussi, mais toujours très prégnantes…

Mais d’abord, comment le corps, longtempsconsidéré par nos aïeux comme un carcan encom-brant et la source de bien des douleurs, est-il devenul’un des principaux lieux de fabrique des identités ?

S’accomplir ou se dépasser ?

Auteur de nombreux travaux sur le corps, l’an-thropologue David Le Breton s’est penché sur lamode des tatouages et des piercings. Anciennementsignes de reconnaissance de groupes bien identifiés

(« taulards », marins…), ces modifications corporellessont aujourd’hui revendiquées comme l’expression dechoix personnels. Pour les jeunes qu’il a interrogés, ellessont avant tout des « manières ludiques de parer soncorps » et de « devenir le joueur de son existence ». Et,même si les modifications corporelles attestent d’unphénomène de mode et de consommation ainsi qued’une volonté de ressembler aux autres, « des mil-lions de jeunes Occidentaux éprouvent la marque corporelle comme une reconquête de soi. On est là dansune fabrique d’identité », affirme D. Le Breton quinote une similitude avec la pratique de la chirurgieesthétique chez les plus âgés : « En changeant soncorps, on change sa vie… »

On pourrait se contenter de ne voir dans ces phénomènes qu’une simple volonté d’esthétisation,mais D. Le Breton va plus loin : c’est souvent aucours d’événements majeurs de la vie (premier rapport sexuel, deuil d’un être cher…) que se fontles tatouages ou les piercings, comme si le corpsdevenait, en quelque sorte, « le journal de bord deson existence »…

De la même manière, mettre son corps en danger dans des conduites dites à risque observéeschez certains adolescents (vitesse, drogue, sportsextrêmes…), qui sont pour cet auteur des pratiquesplutôt « ordaliques* » que suicidaires, est une façon,une nécessité même parfois, de fabriquer du sensdans une société où l’on est « le seul maître d’œuvrede son existence », et donc de construire son rapportau monde.

Martine Fournier, Sciences humaines, 07/11/2006

* ordalique : se dit d’une conduite comportant une prise derisque mortel, par laquelle le sujet, généralement adoles-cent, tente de se poser en maître de son destin.