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Le nouvel Economiste - n°1531 - Du 26 août au 1 er septembre 2010 - Hebdomadaire 39 P our vendre sa célèbre machine à cou- dre de par le monde, Isaac Springer est l’un des premiers à s’implanter à l’in- ternational. Au vu des succès remportés par de nombreux réseaux de franchises depuis la création de ce modèle, jusqu’à leur perfec- tionnement dans les années 1960 avec l’ap- parition des grandes chaînes de restauration rapide aux Etat-Unis, de nombreux entre- preneurs ont eu recours à ce type de déve- loppement. La franchise est un contrat de distribution qui permet le développement ra- pide d’un concept éprouvé en le confiant à des entrepreneurs indépendants qui bénéfi- cient du savoir-faire, de la notoriété et du sou- tien de l’entreprise en échange d’une contribution financière. Dans les années 1990, seuls les réseaux de franchises les plus matures, souvent venus d’outre-Atlantique, étaient en mesure d’exporter leur concept à l’étranger, mais aujourd’hui, un tiers des ré- seaux de franchises français sont présents à l’international. Ils ne se contentent plus du simple territoire national mais souhaitent ex- porter leur mode de fonctionnement à l’é- tranger. “Il existe un regain d’intérêt à l’inter- national parce que les grands réseaux ont conquis leur marchés nationaux, et ressentent la nécessité d’aller plus loin”, constate Olivier Gaast, président du Club européen des di- recteurs de réseaux (CEDRE) et consultant spécialisé dans le développement des fran- chises à l’international. Développer un ré- seau de franchises est loin d’être chose facile : il a fallu près de dix ans à Subway et à McDonald’s pour connaître le développe- Création d’entreprise DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL DE RESEAUX Le bon dosage Franchise directe ou master-franchise, joint-venture et succursales, c’est selon. La master-franchise a l’avantage de confier le développement du réseau à un entrepreneur au fait de la culture du pays cible, mais il est important de s’assurer de sa capacité à adapter et à structurer les outils nécessaires. Franchise directe, master-franchise, joint-venture, succursales. Le développement à l'international d'un nouveau concept et de son busi- ness model amène chaque opérateur à s'interroger sur le choix de la meilleure solution. D'autant plus qu'à chaque pays correspondent des spé- cificités légales, immobilières ou financières. Développer en direct sous forme de succursale, s'associer en joint-venture, master-franchiser ou fran- chiser en direct ? Chaque solution présente ses avantages et ses contrain- tes, qu'il s'agisse d'investissement, de partage de risque, ou de contrôle dans la mise en oeuvre du modèle. Par Georges Laederich Aujourd’hui, un tiers des réseaux de franchises français sont présents à l’international

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Le nouvel Economiste - n°1531 - Du 26 août au 1er septembre 2010 - Hebdomadaire 39

Pour vendre sa célèbre machine à cou-dre de par le monde, Isaac Springer estl’un des premiers à s’implanter à l’in-

ternational. Au vu des succès remportés parde nombreux réseaux de franchises depuis lacréation de ce modèle, jusqu’à leur perfec-tionnement dans les années 1960 avec l’ap-parition des grandes chaînes de restaurationrapide aux Etat-Unis, de nombreux entre-preneurs ont eu recours à ce type de déve-loppement. La franchise est un contrat dedistribution qui permet le développement ra-

pide d’un concept éprouvé en le confiant àdes entrepreneurs indépendants qui bénéfi-cient du savoir-faire, de la notoriété et du sou-

tien de l’entreprise en échange d’unecontribution financière. Dans les années1990, seuls les réseaux de franchises les plus

matures, souvent venus d’outre-Atlantique,étaient en mesure d’exporter leur concept àl’étranger, mais aujourd’hui, un tiers des ré-

seaux de franchises français sont présents àl’international. Ils ne se contentent plus dusimple territoire national mais souhaitent ex-

porter leur mode de fonctionnement à l’é-tranger. “Il existe un regain d’intérêt à l’inter-national parce que les grands réseaux ontconquis leur marchés nationaux, et ressententla nécessité d’aller plus loin”, constate OlivierGaast, président du Club européen des di-recteurs de réseaux (CEDRE) et consultantspécialisé dans le développement des fran-chises à l’international. Développer un ré-seau de franchises est loin d’être chosefacile : il a fallu près de dix ans à Subway età McDonald’s pour connaître le développe-

Création d’entrepriseDEVELOPPEMENT INTERNATIONAL DE RESEAUX

Le bon dosageFranchise directe ou master-franchise, joint-venture et succursales, c’est selon.

La master-franchise a l’avantage de confier le développement du réseau à un entrepreneur au faitde la culture du pays cible, mais il est important de s’assurer de sa capacité à adapter et à

structurer les outils nécessaires.

Franchise directe, master-franchise, joint-venture, succursales.Le développement à l'international d'un nouveau concept et de son busi-ness model amène chaque opérateur à s'interroger sur le choix de lameilleure solution. D'autant plus qu'à chaque pays correspondent des spé-cificités légales, immobilières ou financières. Développer en direct sousforme de succursale, s'associer en joint-venture, master-franchiser ou fran-chiser en direct ? Chaque solution présente ses avantages et ses contrain-tes, qu'il s'agisse d'investissement, de partage de risque, ou de contrôle dansla mise en oeuvre du modèle.

Par Georges Laederich

Aujourd’hui, un tiers des réseaux de franchises français sont présents

à l’international

Le nouvel Economiste - n°1531 - Du 26 août au 1er septembre 2010 - Hebdomadaire40

ment que l’on observe aujourd’hui en Franceet de nombreuses franchises ont essuyé de sé-rieux échecs avant de trouver la formule leurassurant un développement rapide et har-monieux hors de leurs frontières. La connais-sance du marché local et des habitudes deconsommation, le fonctionnement du parc

immobilier, les multiples aspects de la légis-lation ainsi que l’accès au système de finan-cement invitent à la plus grande prudence dela part des directions de réseau. Entre fran-chise directe, master-franchise et réseau suc-cursaliste, la structure en charge dudéveloppement à l’étranger peut prendre

bien des aspects. Selon l’étude annuelle duCSA, en partenariat avec la Fédération fran-çaise de la franchise (FFF), seulement 22 %des réseaux présents à l’international se sontdéveloppés par le biais d’une master-

franchise. Toutefois, 68 % de ceux qui pro-jettent aujourd’hui un développement à l’é-tranger pencheraient pour ce modèle. Pourne pas voir les concurrents dominer un nou-veau marché, le développement à l’interna-tional est un impératif qui nécessite uneréflexion stratégique approfondie et une or-ganisation adaptée.

A chaque pays sa stratégie Avant même de considérer un développe-ment à l’international, Jean Semper, consul-tant spécialisé dans le développement deréseaux de franchises, rappelle qu’il est im-pératif de déterminer “si le concept est dupli-cable à l’étranger et de pouvoir le prouver, c’est-à-dire d’être capable de montrer que les fran-chisés sont rentables”. En effet, rappelle-t-il,“tous les réseaux de franchises ne sont pas ca-pables de reproduire les facteurs de réussited’une enseigne dans un nouveau pays. Il convient de les analyser et de s’assurer queceux-ci puissent se retrouver dans le pays visé.Dans le cas contraire il importe de voir commentles compenser”. Un mauvais diagnostic desclés de succès d’un réseau porte les grainesd’une mauvais stratégie de développement.A titre d’exemple, précise Jean Semper, “enAllemagne ou aux Emirats, les conditions d’ac-cès à l’immobilier commercial et aux meilleurs

emplacements demeurent très compliquées pourun entrepreneur indépendant”. Le franchiseur,précise-t-il, “doit pouvoir contourner les prin-cipaux freins au développement en choisissantun pays qui possède les infrastructures caracté-ristiques de la franchise et pouvoir s’adresser àdes gens capables de comprendre et de dupliquer

le concept initial”. Conséquence directe, laplupart des enseignes s’intéressent en prio-rité aux pays proches de leur destination d’o-rigine comme la Belgique et le Luxembourget sont souvent tentées par un développe-

ment en franchise directe. Pour des pays cul-turellement ou géographiquement plus éloi-gnés, les structures économiques du pays

cible, déterminantes lors de l’élaboration dubusiness-plan, la législation locale, les dispo-sitions en faveur des entreprises étrangères(rapatriement des bénéfices…) et le droitcontractuel (droit des marques, droit de laconcurrence, fiscalité…) sont autant de do-maines à étudier avec soin. Ainsi, GilbertBieri, directeur international de 5àSec, inter-vient presque exclusivement dans des paysau sein desquels il est possible d’atteindreune masse critique. “Il nous faut ouvrir unevingtaine de magasins en 5 ans environ. En des-sous de cette masse critique, nous considéronsqu’il n’est pas intéressant d’investir dans unpays”, ajoute-t-il.

Franchise directe, master-franchise,succursaleTrois possibilités sont à la disposition des en-treprises : la création d’une filiale qui développe un réseau de succursales, l’éta-

blissement de franchises directes (où lescontrats sont établis entre les franchisés et lamaison mère) ou la création d’une master-franchise, où un partenaire local est encharge du bon développement du réseau surun territoire donné. Comme le rappelle Chan-tal Zimmer, déléguée générale de la Fédéra-tion française de la franchise, “il n’y a pas derègle établie. Tout dépend de la stratégie de l’en-treprise, du pays concerné et des opportunités derencontre. Certains réseaux comme KFC ouMcDonald’s ont préféré créer une filiale puisfranchiser alors que d’autres ont opté pour unestratégie de master-franchise comme 5àSec etMonceau Fleurs”. Pour Jean Semper, le fran-chiseur doit s’interroger sur sa capacité à dé-velopper seul son réseau, à savoir sur sacapacité à “lever seul les freins au développe-ment”. C’est à l’entreprise de déterminer en-suite si ce partenaire sera un salarié ou unassocié c’est-à-dire un master-franchisé. Dansle système de la master-franchise, le master-franchisé apporte sa connaissance du pays,ses réseaux, un accès au financement, à l’im-mobilier commercial et l’élimination durisque d’une implantation personnelle. Dansdes marchés proches sur le plan culturel, géo-graphique ou linguistique, on peut hésiter en-tre franchise directe et master-franchise alorsque sur des marchés beaucoup plus éloignéssur lesquels il y a peu de points d’appui, l’a-

venture en filiale ou franchise directe estbeaucoup plus risquée. Le partenariat avecun master-franchisé permet d’adapter leconcept au pays cible grâce aux connaissan-ces de ce dernier, tout en bénéficiant d’un dé-veloppement rapide. La création d’unesuccursale permet en revanche de conserverun contrôle plus strict sur le concept et le dé-

veloppement opérationnel du réseau, maisnécessite un investissement initial consé-quent. Comme le rappelle Jean Semper, “on

prend un master franchisé quand on veut déve-lopper un pays soi-même mais qu’on n’en a pasles moyens”.

Le profil idéal du master-franchiséSi la master-franchise a pour avantage deconfier le développement du réseau à un en-trepreneur au fait des modes de fonctionne-ment du pays cible, il est important des’assurer de sa capacité à “adapter, penser,structurer, recruter, animer et mettre en placeles outils nécessaires”, ajoute Jean Semper. Eneffet, tous les candidats à la master-franchisene seront pas capables de porter le projet dedéveloppement selon les termes du contratétabli avec le franchiseur. Les droits d’entrées’avèrent souvent trop élevés et ponctionnentalors une partie trop importante des res-sources du master-franchisé, mettant ainsi endanger les performances et la rentabilité duréseau. Jean Semper note en effet que “les

droits d’entrée rapportant de l’argent, la tenta-tion est grande pour les franchiseurs de ne pas

étudier suffisamment les candidatures à la mas-ter-franchise”. Pour bien des enseignes la ren-contre avec un partenaire de confiance est àla base du choix d’implantation dans un paysdonné, comme le rappelle Dominique Mu-nier, directeur général du développementchez Monceau Fleurs : “La décision est prise enfonction des opportunités et des rencontres. Lepartenaire détermine le développement dans lepays.” Celui-ci précise qu’il n’a pas hésité àsuspendre les négociations lorsqu’un parte-naire s’est révélé en décalage, “la motivation,et les valeurs du candidat étant essentielles : ilest impératif de créer un lien fort et un vrai par-tenariat”. Ce master-franchisé devra être pa-tient et ne pas être uniquement intéressé parl’ouverture rapide de sous-franchises lui rap-portant des droits d’entrée conséquents maisêtre également capable d’accompagner sonréseau, ce que confirme Laurent d’Orey, mas-ter-franchisé Monceau Fleurs pour le Portu-gal : “Il m’a fallu deux ans avant de signer monpremier franchisé au Portugal, il faut être pa-tient et capable d’accompagner efficacement sesfranchisés pour réussir”... Pour Dominique Mu-nier, “il ne faut pas être pressé et compter entre18 et 24 mois pour commencer réellement uneactivité sur un pays. C’est beaucoup plus longque de lancer une franchise en France”. En ef-fet, l’une des principales raisons de l’échecd’un contrat de master-franchise réside dansl’élaboration d’une étude de marché qui n’estpas assez solide. Certaines spécificités dupays cible peuvent être sous-estimées et denombreuses enseignes tiennent à valider,

Création d’entrepriseDEVELOPPEMENT INTERNATIONAL DE RESEAUX

En 2001, Subway ouvre son premier restaurantfranchisé rue de la Roquette à Paris, ils sont 9 en2005 et 204 aujourd’hui en activité sur le territoi-re français. S’il a fallu pas moins de dix ans pourdevenir le premier réseau de franchises en Franceen terme d’ouverture, Subway est aujourd’hui lepremier réseau de franchises au monde avec pasmoins de 33 000 magasins, le tout sans pilotes nisuccursales mais grâce à un système de dévelop-pement unique, entre franchise directe et mas-ter-franchise régionale. Pour Thierry Rousset,directeur de Subway France, l’originalité dumodèle Subway repose sur la création des déve-loppeurs régionaux (area developer). Ceux-cisont tous d’anciens franchisés auxquels sontconfiés des territoires régionaux dont ils ont l’en-

tière responsabilité en termes de recrutement, dechoix des emplacements, de suivi de la qualité etanimation du réseau. Les développeurs régio-naux ne sont pas des salariés de Subway mais luisont liés par un contrat de prestation de service.Les franchisés, pour leur part, sont liés contrac-tuellement avec la maison mère Subway. Commele note Olivier Gaast, “chez Subway le patrimoine(contrat d’exclusivité) et la prestation de serviceont été séparés car contrairement à la master-franchise, tous les contrats sont signés directe-ment avec la maison mère et le développementest pris en charge par des prestataires de service,les développeurs régionaux”. Avec ce type d’or-ganisation, Subway conserve un contrôle directsur les franchises créées tout en bénéficiant de

l’expertise des développeurs régionaux pour unterritoire donné. Les franchisés sont soutenus àla fois par la maison mère pour la formationcontinue et par les développeurs régionaux pourle développement de leur activité. Les dévelop-peurs régionaux sont tenus à des objectifs d’ou-verture et peuvent être sanctionnés en cas dedéfaillance. De plus, ils procèdent, pour leurcompte, à une évaluation mensuelle de l’ensem-ble des restaurants sous leur responsabilité.Dans le même temps, la maison mère procède àun audit régulier des régions confiées à chaquedéveloppeur régional. Pour Thierry Rousset, “cesystème nous permet de connaître un dévelop-pement rapide tout en conservant une relationprivilégiée avec nos franchisés et en limitant les

investissements dans une filiale locale”. Pourpreuve, le siège de Subway France ne compte àce jour que 6 personnes et le siège de l’entrepri-se ne compte guère plus de 800 personnes.Enfin, dernière originalité du modèle Subway,alors que de nombreux franchisés accusent leurfranchiseur d’un manque de transparence, enparticulier au niveau des achats, Subway a déci-dé de fonctionner avec un service achat organiséen coopérative à but non lucratif et détenu parl’ensemble de ses franchisés. Comme le préciseThierry Rousset, “notre coopérative nous permetd’être complètement transparents et indépen-dants vis-à-vis de nos franchisés”.

G.L.

Le modèle SubwayEntre franchise directe et master-franchise régionale

L’originalité du modèle Subway repose sur la création des développeurs régionaux

“La mixité de nos réseaux est présente dans l’ADNde notre enseigne”, Gilbert Bieri, directeurinternational de 5àSec.

“Dès lors que l’entreprise n’est pas connue surle marché local, vous vous heurtez à des freinspour le financement des opérations dedépart”, Dominique Munier, directeur dudéveloppement de Monceau Fleurs.

Sur des marchés beaucoup plus éloignés,l’aventure en filiale ou franchise directe

est beaucoup plus risquée

“S’assurer de sa capacité à “adapter, penser, structurer, recruter, animer

et mettre en place les outils nécessaires”

Le master-franchisé apporte sa connaissance du pays, ses réseaux, un accès au financement

et à l’immobilier commercial

“Tous les réseaux de franchises ne sont pas capables de reproduire les facteurs

de réussite d’une enseigne dans un nouveau pays”

“Il est pertinent de prendre un master-franchiséquand on veut développer un pays alors qu’onn’en a pas les moyens”, Jean Semper, fondateurdu cabinet AC Franchise.

Le nouvel Economiste - n°1531 - Du 26 août au 1er septembre 2010 - Hebdomadaire42

avec leur partenaire, la viabilité du business-plan présenté, en particulier concernant la

politique de pricing, le niveau des royaltiesprélevées et le rythme de développementprévu. Laurent d’Orey estime que le succèsdu premier magasin lancé dans le pays estfondamental pour la suite des opérations : “Sile concept de Monceau Fleurs n’a pas demandé

beaucoup d’adaptation, certains critères de suc-cès comme l’emplacement du premier magasin(capitale économique ou politique par exem-ple), les horaires d’ouverture ou la politique deprix ont un impact déterminant.”

La joint-venture, pour partager le risqueAlors que l’ensemble des développementsopérés par Monceau Fleurs hors du territoire

français ont été effectués par un système demaster-franchise pure, l’enseigne propose de-puis peu à ses master-franchisés le dévelop-pement d’un partenariat sous la forme d’unejoint-venture. “Nous montons un holding surlequel nous sommes toujours minoritaires, etqui détient entièrement une société qui possède,elle, la master-franchise”, précise DominiqueMunier. Ce système de joint-venture permetde rassurer le master-franchisé sur les enga-gements de l’enseigne dans le pays cible etd’établir un véritable partenariat. En outre,

cela facilite l’accès aux investissements pourles deux parties car comme elle le rappelle,“dès lors que l’entreprise n’est pas connue sur lemarché local, vous vous heurtez à des freins pourle financement des opérations de départ”. Lajoint-venture accorde au franchiseur unemeilleure visibilité sur le projet de dévelop-pement et l’activité en cours. Elle ajoute que

Monceau Fleurs a lancé cette formule enEspagne puis l’a appliquée dans tous les paysprécédemment ouverts car elle permet d’ac-célérer le rythme de développement des par-tenaires. Le succès de ce modèle est confirmépar certains franchisés comme Laurent d’O-

rey pour qui aborder un nouveau marchéavec un concept novateur n’est jamais facile :“Le soutien du franchiseur en terme de forma-tion, de suivi opérationnel, de merchandising etde suivi des ventes est fondamental. Avec un in-térêt au capital, le master-franchisé n’est passeul à supporter les risques. Avec le recul, celapermet de diluer le poids des droits d’entrée dansle temps, le franchiseur démontre qu’il ne vise

pas uniquement à percevoir les droits d’entréeà court terme mais cherche aussi à construiresur la durée”. Indispensable pour certains, lajoint-venture peut également comporter denombreux inconvénients, parmi lesquels sanature conflictuelle. Or comme le rappelleOlivier Gaast, “dans le domaine international,les conflits sont néfastes pour la réputation duréseau. Tel serait le cas si le franchiseur et son as-socié local au sein de la joint-venture n’avaientpas le même point de vue concernant le déve-loppement du réseau, le contrôle des sous-fran-

chisés, ou encore l’application des normes dufranchiseur”. Une solution serait alors de pré-voir un pacte d’actionnaire permettant de ra-cheter son associé et de transformer enconséquence la joint-venture master-fran-chisée en filiale du franchiseur.

La succursale, pour “contrôler”l’activitéPour assister leurs master-franchisés, de nom-breuses enseignes ont créé des réseauxmixtes : magasins succursalistes et franchi-

ses gérées par le master-franchisé. Les suc-cursales développées par le franchiseurjouent un double rôle : celui de magasins pi-lotes pour tester de nouvelles formules ou

adaptations et celui de vitrines de vente pourfaciliter la croissance du réseau de franchi-ses géré par le master-franchisé. Pour Chan-tal Zimmer, “les magasins pilotes sontindispensables au bon développement d’une

master-franchise”, ce que confirme Domi-nique Munier, pour qui “l’objectif est de trou-ver le bon mix entre magasins succursalistes etfranchises, tout dépend des objectifs et du paysde développement: sur un marché de l’immobi-lier baissier, il est nécessaire d’aller vite et lesfranchises vous le permettent car les capitauxsont apportés par les franchisés. En revanche,les magasins succursalistes vous permettent de

contrôler votre activité et votre développe-ment”. En effet, les chiffres de rentabilité despremiers magasins permettent aux franchi-seurs et master-franchisés de vendre plus fa-cilement le concept, il s’agit donc de ne passe tromper. Certaines enseignes comme5àSec considèrent la mixité des réseauxcomme un gage d’efficacité. En effet, “lamixité de nos réseaux est présente dans l’ADNde notre enseigne, cela nous permet d’exercer lemétier de franchisé, d’être exposé à leurs pro-blèmes et de pouvoir dialoguer plus efficacementavec eux”, explique Gilbert Bieri.

L’accompagnement, pour s’assurer des bonnes pratiquesMais la force et le succès d’un réseau dépen-dent pour beaucoup du suivi et de l’accom-pagnement dont bénéficient ses membres : ilgarantit le respect du concept initial et lamise en place des bonnes pratiques qui enont fait le succès sur le territoire national.Lors du développement à l’étranger, la dis-tance entre la maison mère et ses master-franchisés constitue un obstacle sérieux à laformation des franchisés du réseau, d’autantplus que dans le cadre de la master-franchise,c’est au master-franchisé de former et d’ani-mer le réseau au sein du territoire dont il a lacharge. Comme le remarque Chantal Zim-mer, “un master-franchisé doit être capable d’as-surer un double rôle, celui de franchisé et defranchiseur”. Cela nécessite d’être à même de

détenir cette double casquette, mais cela sup-pose aussi de savoir former des sous-franchi-sés. La FFF propose des formationsspécifiques pour apprendre le métier de fran-chiseur et d’autres enseignes effectuent cesformations en interne. De plus, de nombreu-ses enseignes comme 5àSec et Subway béné-ficient des nouvelles possibilités desplates-formes Web et du e-learning pour com-muniquer avec leurs franchisés. Enfin, si cer-tains master-franchisés déplorent biensouvent un manque d’échanges avec leurspairs au sein d’une même enseigne, certainsdirecteurs de réseau ont profité des expé-riences vécues par leurs partenaires pourcréer un centre d’expertise interne, chargéde collecter et de transmettre les bonnes pra-tiques observées dans les différents pays.

Création d’entrepriseDEVELOPPEMENT INTERNATIONAL DE RESEAUX

L’Europe, continent de la franchise

Le nombre de franchises en Europe dépasse largementcelui des autres continents avec 10 000 réseaux à tra-vers l’Europe (Turquie et Russie comprises) contre3 000aux Etats Unis, 2 600en Chine et1 380au Brésil.En Europe, les réseaux de franchises ont connu un tauxde croissance impressionnant de 66 % au cours des7 dernières années.(source EFF, European Franchise Federation)

CHIFFRES REVELATEURS

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La France dispose depuis 1989 d’une législationencadrant les contrats de franchise ; elle secaractérise par l’obligation pour un franchiseurde fournir au franchisé les informations pré-contractuelles prévues dans le cadre de la loiDoubin, soit un document donnant des informa-tions sincères, qui lui permettent de s’engager enconnaissance de cause. Si la plupart des paysdisposent d’une telle législation, les informationscontenues dans ce document peuvent varier d’unpays à l’autre mais comme le précise maîtreFrançois-Luc Simon, du cabinet Simon etAssociés, “ces différences sont quasi nulles, àl’exception des Etats-Unis, qui, pour des raisonshistoriques, demandent une documentationimportante”. En revanche, quelle que soit laforme d’association prévue, franchise directe,master-franchise ou joint-venture avec un mas-

ter-franchisé, certaines clauses sont bien sou-vent omises ou partiellement renseignées dansles contrats de franchise. Comme le préciseFrançois-Luc Simon, “les clauses qui mériteraientune plus grande attention dans le développe-ment des réseaux de franchises à l’étranger sontliées au plan de développement, au respect duconcept initial et aux garanties financières four-nies par les franchisés ou les master-franchisés”.Le plan de développement fixe les objectifs surlesquels le master-franchisé s’engage (nombred’ouverture de magasins, chiffre d’affaires…). Ilest préférable “d’établir un plan de développe-ment pour l’ensemble de la durée du contrat etde prévoir une sanction en cas de non-respect du

plan”. Ces sanctions peuvent aller de la résilia-tion du contrat à la perte d’exclusivité pour unezone géographique au versement de compensa-tions financières ou dans le cadre d’une joint-venture, à une modification des prises de partici-pation de chacun des acteurs. Bien évidemment ilne s’agit pas pour le franchiseur de dissuader lemaster-franchisé mais de se prémunir contre unniveau d’exploitation éventuellement faible de lapart de son partenaire. De plus, ajoute François-Luc Simon, “les enseignes qui réussissent sontcelles qui ont réussi à faire comprendre à leursfranchisés que la clé du succès réside dans lestrict respect du concept initial”, ce qui nécessite,lors de l’élaboration du contrat, une descriptiondétaillée des caractéristiques du concept initialainsi que la prévision de sanctions pour non-respect du concept. Enfin, avec la crise financière,

de nombreux franchisés ou master-franchisés sesont retrouvés dans l’incapacité d’honorer cer-tains encours auprès de leurs franchiseurs, ren-dant indispensable la présence de garantiesfinancières solides. Elles peuvent prendre biendes formes différentes comme celles d’un cau-tionnement personnel, d’un nantissement sur lestitres ou d’un cautionnement réel (sur un biendonné), mais elles demeurent nécessaires pour“assurer la bonne santé du franchiseur et préve-nir l’ensemble du réseau contre un risque dedéfaut d’un trop grand nombre de franchisés oumaster-franchisés”.

G.L.

JuridiqueLes contrats de master-franchise

“Les clauses qui mériteraient une plus grande attention sont liées au plan de développement, au respect du concept initial

et aux garanties financières fournies par les franchisés ou les master-franchisés”

“La mise en place d’une joint-venture entre lefranchiseur et le master-franchisé permet de diluerles droits d’entrée dans le temps”, Laurent d’Orey,masterfranchisé Monceau Fleurs au Portugal.

“Lors d’un développement à l’étranger, lesclauses importantes sont liées au plan dedéveloppement, au respect du concept initialet aux garanties financières fournies par lesfranchisés ou les master-franchisés”, FrançoisLuc Simon, associé-gérant du cabinetd’avocats Simon associés.

“Il y a un regain à l’international parce que lesgrands réseaux ont conquis leur marchésnationaux, et ressentent la nécessité d’allerplus loin”, Olivier Gaast, président du Clubeuropéen des directeurs de réseaux (CEDRE).

“Notre système nous permet de connaître undéveloppement rapide tout en conservant unerelation privilégiée avec nos franchisés”,Thierry Rousset, directeur général de SubwayFrance.

“L’emplacement du premier magasin (capitale économique ou politique par exemple),

les horaires d’ouverture ou la politique de prix ont un impact déterminant”

Les succursales jouent un double rôle : celui de magasins pilotes pour tester de nouvelles formules et celui de vitrines de vente

pour faciliter la croissance du réseau de franchises

“Le soutien du franchiseur en terme de formation, de suivi opérationnel, de merchandising et de suivi des ventes est fondamental”

“Un master-franchisé doit être capable d’assurer un double rôle, celui de franchisé

et de franchiseur”