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L’approche collaborative de recherche en éducation : un rapport nouveau à établir entre recherche et formation

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documentsscientifiques depuis 1998.Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Article

    Serge Desgagn, Nadine Bednarz, Pierre Lebuis, Louise Poirier et Christine CoutureRevue des sciences de l'ducation, vol. 27, n 1, 2001, p. 33-64.

    Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/000305arDOI: 10.7202/000305arNote : les rgles d'criture des rfrences bibliographiques peuvent varier selon les diffrents domaines du savoir.

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    L'approche collaborative de recherche en ducation: un rapport nouveau tablir entrerecherche et formation

  • Revue des sciences de lducation, Vol. XXVII, no 1, 2001, p. 33 64

    Lapproche collaborative de recherche en ducation : un rapport nouveau

    tablir entre recherche et formation

    Serge Desgagn Nadine Bednarzprofesseur professeure

    Universit Laval Universit du Qubec Montral

    Christine Couture Louise Poirier Pierre Lebuisprofesseure professeure professeur

    Universit du Qubec Universit de Montral Universit du Qubecen Abitibi-Tmiscamingue Montral

    Rsum Les auteurs exposent les composantes dun modle de recherchecollaborative li une certaine faon de faire de la recherche avec plutt quesur les praticiens. Cest sous langle de la double fonction de recherche etde formation, concilier dans la dmarche collaborative, que leur modleest abord. Le texte situe historiquement lmergence de lide de collabora-tion de recherche en ducation et prsente les trois facettes complmentairesdu modle : a) une dfinition conceptuelle du modle conduit prciserle sens donn aux notions de recherche et de formation ; b) le modle estillustr par une description de cinq projets diffrents bass sur une dmarchecollaborative commune; c) une lecture transversale des cinq projets conduit discuter des composantes du modle.

    Introduction

    Les travaux de recherche collaborative, et notre intrt pour celle-ci, ont dbutlorsque se sont mis en place ds 1989-1990 des projets concernant lenseignementdes mathmatiques et la philosophie pour enfants au sein dune cole-rechercheassocie au CIRADE1. Ce projet collectif dcole-recherche, dans lequel sengageaientplusieurs enseignants et enseignantes, la direction, des parents et des chercheursdu CIRADE, visait instaurer progressivement dans lcole une communaut de

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    recherche centre sur la mise au point de nouvelles stratgies pdagogiques dansdiffrents domaines, dont la finalit tait la construction de connaissances et ledveloppement dhabilets chez les lves. Les deux projets plus prcis, dans lesquelsnous nous engagions ds 1990, impliquaient une quipe denseignantes et densei-gnants du primaire et sarticulaient, dune part, sur une dmarche philosophiqueavec les enfants, avec le chercheur Pierre Lebuis (Universit du Qubec Montral),et, dautre part, sur une approche en rsolution de problmes en mathmatiquesavec les jeunes enfants, avec les chercheuses Nadine Bednarz (Universit du Qubec Montral) et Louise Poirier (Universit de Montral). Intervenant dans un mmemilieu scolaire, et en partie auprs des mmes enseignants, ces chercheurs ont pro-gressivement ressenti le besoin de partager leurs expriences de collaboration derecherche, afin den dgager les lments communs et les aspects particuliers suscep-tibles dclairer et de raffiner les approches adoptes de part et dautre. Ce besoinde clarification sest confirm, partir de 1994, avec la venue dans lquipe de SergeDesgagn (Universit Laval), dont le projet postdoctoral, lissue dune expriencecollaborative de recherche au doctorat, sinscrivait dans cette proccupation de clari-fication, et de Christine Couture (Universit du Qubec en Abitibi-Tmiscamingue),tudiante au doctorat, elle aussi intresse, par son projet, suivre une dmarchesemblable et contribuer son dveloppement. Ainsi, cette rflexion communeissue dexpriences diverses forme la base dun programme de recherche centr surla clarification du concept de recherche collaborative et de la dmarche dinvestiga-tion conjointe quelle suppose entre chercheurs et enseignants, programme de recherchedont ce texte, pourrait-on dire, porte les fruits 2. En ce sens, cet article prsente unemodlisation de la dmarche collaborative de recherche qui nous est commune eten propose une illustration travers les diffrents projets que nous menons. Cettemodlisation sappuie, on le verra, sur un nouveau rapport tablir entre rechercheet formation et qui constitue la base, comme la spcificit, de la dmarche col-laborative propose.

    Autour de lide de collaboration de recherche

    Dans son acception la plus rpandue, le concept de recherche collaborativeprend forme autour de lide de faire de la recherche avec plutt que sur lesenseignants (Lieberman, 1986). Cette formule toute simple en dit plus long quilne parat sur le concept lui-mme et sur ce qui justifie son apparition dans le mondede la recherche en ducation. En effet, y est implicite une proposition de renou-veler le rapport tabli entre le chercheur et le praticien pour ce qui intresse larecherche lie la pratique enseignante. lenseignant considr comme un objetdinvestigation et sur la pratique de qui on pose un regard distant et valuatif, onoppose ici un enseignant considr comme un partenaire de linvestigation, avecqui on pose un regard complice et rflexif sur la pratique. La recherche collabora-tive sinscrit, en ce sens, dans le mouvement de substitution de limage mcaniste

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    de lenseignant efficace, conu comme le docile excutant des prescriptions duchercheur, vers celle, plus constructiviste, du praticien rflexif conu commele partenaire averti qui contribue, avec le chercheur, dans une rflexivit con-jointe, au dveloppement de la pratique 3. Dit autrement, on assiste, depuis ledbut des annes quatre-vingt, lappui, entre autres, des travaux de Schn (1983,1987) sur lpistmologie du savoir professionnel, une reconnaissance du savoirdexprience de lenseignant, cest--dire une prise en compte du caractre con-textualis et personnalis du savoir de la pratique. Cest, au fond, cette comptencedacteur en contexte (Giddens, 1987) qui est ici reconnue lenseignant et quijustifie son statut de collaborateur la recherche.

    De lintrieur mme des courants de recherche qui ont en commun de fairede la recherche avec plutt que sur les enseignants, et qui reconnaissent leurcomptence dacteur en contexte, il faut rappeler que la recherche collaborativesinscrit dans un ensemble de pratiques de recherche caractre participatif pourles enseignants et qui donnent lieu diffrentes appellations : recherche-action,recherche collaborative, recherche-action collaborative, recherche participative,recherche en partenariat, etc. Les frontires entre ces diverses identits de pratiquesde recherche (et entre les diffrentes pratiques lintrieur dune mme identit),on le devine, ne sont pas tanches et nont sans doute pas ltre. Elles repr-sentent, dune certaine faon, les accents particuliers de ceux qui parlent un mmelangage, soit celui de ceux qui voient la participation des enseignants la recherchecomme une contribution essentielle au dveloppement des connaissances lies lapratique et, bien sr, au dveloppement de la pratique elle-mme. Cela ninvalidepas pour autant la pertinence, pour chacune de ces pratiques de recherche dites caractre participatif, de clarifier son modle, pour ainsi pouvoir dgager la rigueurde la dmarche spcifique sous-jacente au modle et ouvrir le chemin ceux quivoudront lemprunter. Cest un peu lesprit qui habite notre quipe et lentreprisequi fut la ntre dinitier ce projet de clarification de notre modle de collabora-tion de recherche. Ce mme esprit prside aussi lexistence dun groupe largide rflexion, qui compte une quinzaine de chercheurs et dtudiants chercheursde diverses universits et qui, depuis dj deux ans, partagent leurs pratiques derecherche caractre participatif, au CIRADE.

    Dans cette vise de clarification, il est intressant de suivre lapparition de lidede collaboration de recherche, du moins travers le bref historique quen fait Catelli(1995), pour le contexte ducatif amricain. Selon cette chercheuse, lide de colla-boration de recherche, comme telle, sinscrivant dans la tradition de la recherche-action4, apparat vers la fin des annes soixante (Schaefer, 1967; Joyce, 1969, 1972)et se poursuit plus intensment partir de la fin des annes soixante-dix (entreautres, Pine, 197 ; Tikunoff et Ward, 1983 ; Liberman, 1986 ; Oja et Pine, 1987)avec les travaux de ceux et celles qui voient lmergence de projets de recherchedans la communaut de pratique, impliquant les acteurs du milieu eux-mmes, plus

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    spcifiquement des quipes denseignants (aids de chercheurs universitaires), commeune faon privilgie dassurer le dveloppement professionnel de ses membres.Lide de dveloppement professionnel de lquipe-cole, si lon peut dire, estau cur de ce mouvement et lide de collaboration y est surtout associe au travailconjoint entre enseignants, dans un esprit de communaut rflexive, et son impactsur la pratique auprs des lves et sur le climat institutionnel (Little, 1982, 1984,1990). En 1988, affirme Catelli, Sirotnik y voit un cadre conceptuel idal pourltablissement de partenariats formels de recherche entre milieux scolaires et uni-versits. On est lpoque, il faut le souligner, des rapports nationaux sur lducation(Rapport du groupe Holmes, 1986, 1990) dnonant, entre autres, lloignementdes facults dducation des milieux de pratique et le rapprochement ncessaireentre chercheurs et praticiens pour une construction de connaissances plus ajusteaux besoins de la pratique. Lide conduira au dveloppement du concept de profes-sional development schools (Green, Baldini et Stack, 1993 ; Darling-Hammond,1994 ; Button, Ponticell et Johnson, 1996) devenu celui d coles associes , encontexte qubcois (Carbonneau et Htu, 1991; Grgoire, 1992) 5, alliant au pre-mier sens donn la collaboration, soit celui de favoriser le travail conjoint entreenseignants jusqu former une communaut rflexive dans un milieu scolaire donn,un second sens, soit celui de favoriser le rapprochement entre chercheurs univer-sitaires et praticiens enseignants 6. Par ce rapprochement souhait, on largira ainsila communaut rflexive ceux du milieu universitaire et ceux du milieu scolairequi sintressent au dveloppement de la pratique enseignante (Brokhart et Loadman,1990).

    Cet historique fait ressortir, somme toute, deux angles au dpart desquels onjustifie la pertinence de la recherche collaborative. Dune part, en mettant laccentsur le dveloppement professionnel des enseignants, dans le cadre de lquipe-cole, cest beaucoup plus sous langle de la formation continue quon semble justifierla recherche collaborative. Au fond, la recherche collaborative y est vue commeune faon dencourager les enseignants mettre en cause leur pratique et la raf-finer, se mobiliser autour des problmes de toutes sortes quils partagent et quisont ceux de lcole contemporaine. Par ailleurs, mentionnons au passage que larecherche collaborative sinscrit, en ce sens, dans les orientations donnes la forma-tion continue au Qubec, depuis le milieu des annes quatre-vingt : une formationqui, entre autres, sinscrit dans les proccupations collectives de lquipe-cole, prendappui sur les acquis dexprience des enseignants et leur offre une occasion de rfl-chir sur la pratique (Confrence des recteurs et des principaux des universits duQubec, 1986; Ministre de lducation du Qubec, 1999). Dautre part, en insis-tant sur le rapprochement ncessaire entre chercheurs universitaires et praticiensenseignants, cest beaucoup plus sous langle de la recherche universitaire, et de lacritique qui lui est adresse, quon semble justifier la recherche collaborative. Eneffet, derrire lide de rapprochement, il y a ce constat dloignement entre larecherche et la pratique, constat largement dnonc dans plus dune profession

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    (Schn, 1983, 1987; Paquet, Gilles, Navarre, Glinier, Montcel et Vimont, 1991;Saint-Arnaud, 1992 ; Curry et Wergin, 1993) et qui sexprime le plus souvent enducation comme un foss combler entre thorie et pratique, entre savoirs savantset savoirs daction (Shulman, 1986; Van der Maren, 1996; Barbier, 1994). Ce soucique nous avons de souligner ces deux aspects, formation et recherche, au fonde-ment de la recherche collaborative, se justifie dautant plus quils vont se retrouver la base mme de notre modle collaboratif. cette tape-ci de notre propos, ilsagit seulement de bien montrer leur enracinement dans lmergence mme duconcept.

    Proposition dun modle de recherche collaborative 7

    Nous dfinissons et illustrons maintenant notre modle de recherche collabo-rative, issu de lanalyse de nos pratiques respectives de chercheurs dans le cadre duprojet de clarification entrepris par lquipe et dont nous avons parl en intro-duction8. Notre dfinition mettra lavant-plan la double dimension de recherche-formation qui nous parat caractriser le modle. Dans notre illustration, nousramnerons cette double dimension une schmatisation, sous forme dun organi-gramme, qui servira de cadre commun la description des divers projets de recherchespcifiques que nous menons, constituant ainsi autant dillustrations du modle.

    La dfinition du modle collaboratif

    Au cur de notre modle collaboratif, il y a une activit rflexive, amnagede diverses faons, on le verra, selon les projets spcifiques, dans laquelle praticienset chercheurs sont amens interagir et explorer ensemble un aspect de la pra-tique dun intrt commun. Cette activit rflexive sappuie essentiellement surlexplicitation et lanalyse de situations de pratique vcues par les enseignants, souslangle de lintrt commun dfini par le projet dexploration. Cest dire que lacti-vit est amnage de telle sorte quelle favorise et fait en sorte que soit entretenueune sorte de conversation, pour emprunter Schn (1991), entre la pratique (desenseignants) et le retour rflexif sur cette pratique (entre praticiens et chercheurs).Concrtement, lactivit prend forme travers des rencontres rgulires entre cher-cheurs et praticiens, rencontres qui permettent ainsi de crer une zone interprtativeautour de la pratique qui est objet dexploration. Cest dans cette zone interpr-tative (Davidson Wasser et Bresler, 1996) que se coconstruira, entre chercheurset praticiens, un certain savoir propos de la pratique, sous laspect explor. Yest postul que les points de vue du praticien et du chercheur sont contributoires la construction de ce savoir , si lon voit la dmarche de coconstruction dansune perspective de mdiation entre deux cultures de savoirs rapprocher, soit laculture des savoirs daction et la culture des savoirs savants (Desgagn, 1998)9.

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    Lactivit rflexive ainsi conue peut servir deux fonctions la fois. Elle peutconstituer une occasion de formation continue pour des enseignants qui on pro-pose deffectuer un retour systmatique sur leur pratique en vue de lclairer et delamliorer. Elle peut aussi constituer une occasion de recherche si lon fait de ceretour systmatique sur la pratique ou, si lon veut, de la zone interprtative ainsicre, un matriau danalyse utiliser en vue dinvestiguer un certain objet li ausavoir de la pratique. La rflexivit des enseignants, rappelons-le, sest dveloppe,dans le domaine de la profession enseignante, tout autant comme une approche deformation en vue daider les enseignants composer avec les situations indites dela pratique (voir Zeichner, 1983, pour un regard densemble sur les diverses orien-tations donnes cette approche10) que comme un champ de recherche sur le savoiren contexte que construisent les enseignants partir de lanalyse de ces situations(voir Calderhead, 1989, pour un regard gnral sur les divers intrts de recherchedvelopps dans le champ concern). La rflexivit permet de capter une pratiqueen train de se faire et de se dire, un savoir en train de se construire. Cest pourquoielle peut tre une approche de formation tout en se prtant du mme coup treun objet de recherche (Desgagn, 1997).

    Il se dgage de notre propos une certaine conception de la recherche et de laformation quil nous faut ici clarifier. En fait, nous appelons ici formation ce quona parfois tendance appeler recherche. En effet, placer des enseignants en situationde rflchir sur leur pratique, vu dun certain point de vue, cest les faire entrer dansune dmarche de recherche sur leur pratique, au sens de la questionner, de lanalyser,de la comprendre, voire de la transformer. Mais il y a lieu de faire une diffrence,sur laquelle nous nous appuyons, entre tre en recherche et faire de la recherche.Beillerot (1991) distingue ainsi un travail rflexif sur lexprience quil rangelui-mme du ct de la formation, lorsque ledit travail rflexif est guid ou accom-pagn, dune dmarche dinvestigation plus systmatise, entre autres, sur le planmthodologique de cueillette et danalyse de donnes, incluant une productionde connaissances nouvelles et une communication de rsultats. Richardson (1994),tout fait dans le mme sens, distingue le questionnement pratique de lensei-gnant (practical inquiry) de la recherche formelle (formal research) lie la pratiqueenseignante. Par son questionnement pratique , lenseignant, seul ou en collec-tivit, sinscrit dans une dmarche rflexive et vise amliorer sa pratique; lentrepriseest plus locale et ne vise pas, comme la recherche formelle, une production deconnaissances gnralisables pour une communaut scientifique largie 11.

    Notre modle de recherche collaborative mise simultanment sur les deuxconceptions de la recherche ici distingues 12. lissue dune premire tape duprojet o chercheurs et praticiens ngocient un objet de rflexion commun,dfinir, en somme, un aspect de la pratique explorer ensemble, une activit rflex-ive, on la dit, sera mise en place. Le droulement de cette activit rflexive, tel

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    quon la dcrit plus haut, considr du point de vue des enseignants qui vont yeffectuer une dmarche dexplicitation et danalyse de leur pratique en vue delamliorer, rpond la dfinition de ce que Richardson (1994) appelle le ques-tionnement pratique et ce que Beillerot (1991) appelle tre en recherche.Mais cette mme activit rflexive, prise du point de vue des chercheurs qui vontfaire de ce matriau rflexif un objet danalyse en vue de produire des connais-sances nouvelles dans un domaine li la pratique enseignante et plusspcifiquement au savoir des enseignants, rpond la dfinition de ce queRichardson (1994) appelle la recherche formelle et ce que Beillerot (1991)appelle faire de la recherche. Dans la mesure o les chercheurs du projet seretrouvent du mme coup accompagner et guider le questionnement pra-tique des enseignants, on dit quils jumellent leur rle de chercheurs, pris ausens formel du terme, un rle de formateurs qui encadrent, au fond, la dmarchede recherche des enseignants, prise au sens informel du terme 13.

    Il en rsulte que la collaboration de recherche prend un sens bien particulier.Elle prend dabord le sens dun change de services entre des acteurs qui font partiede cultures diffrentes et qui nont pas rpondre aux mmes finalits. La cul-ture scolaire incite le praticien enseignant se donner les moyens de dvelopperet damliorer sa pratique, plus spcifiquement la qualit de son interventionauprs des lves dont il a la responsabilit. La culture scientifique incite le chercheuruniversitaire contribuer la production des connaissances dans un domainedonn. Lentente collaborative consiste faire en sorte quune mme activit rflex-ive amnage autour dun projet dexploration ngoci fasse que ces attentesrespectives soient combles la satisfaction des deux parties. La collaboration derecherche prend galement le sens dun souci dinterinfluence entre ces acteurs,praticiens et chercheurs, et leurs cultures respectives. En fait, le chercheur vise uneproduction de connaissances qui inclue et tienne compte du point de vue du prati-cien et des contraintes de son contexte daction. De mme, on pourrait dire quele praticien vise un dveloppement de pratique qui soit clair par le point devue du chercheur et par les repres conceptuels qui guident sa production de con-naissances. En ce sens, lentente collaborative sous-tend aussi quil y aitinterinfluence entre la pratique et la recherche. Do lide de coconstruction(Cole, 1989) dun savoir dans une zone interprtative partage.

    Cette conception diffre quelque peu de ce que lon conoit habituellementpar collaboration de recherche. En effet, on a tendance catgoriser les diffrentstypes de rapports de collaboration entre les chercheurs et les praticiens en termesdes diffrences dintensits de participation des praticiens aux travaux de rechercheformelle (voir Wagner, 1997). Cela veut dire quon sinterroge, entre autres, surla possibilit quont les praticiens de participer la dfinition de lobjet de recherche,au choix des outils mthodologiques de cueillette de donnes, lanalyse propre-

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    ment dite et la diffusion des rsultats. En fait, on voit la collaboration unique-ment sous langle des tapes propres la recherche formelle et en fonction du partagedes tches lies ces tapes. Notre modle, on la vu, naborde pas la questionde la collaboration sous cet angle. Dans notre modle, il importe peu que les prati-ciens participent aux tches formelles de recherche, sachant que ce nest pas danscette logique quils ont adhr au projet collaboratif. Leur logique, on la dit, enest une de questionnement pratique et non danalyse formelle de donnes derecherche. la limite, leur imposer ces tches de recherche, au sens formel, ceserait l leur demander de sinscrire dans la logique des chercheurs plutt que laleur. De plus, cela risquerait de nous loigner de lesprit collaboratif vis qui tientplus, on la dit, au respect des intrts spcifiques de chacun des partenaires.

    Mais si lon voulait tout de mme considrer cette question du partage destches dans notre modle, il faudrait peut-tre laborder autrement. Rappelons que,dans notre modle, lintersection des deux logiques, questionnement pratiqueet recherche formelle, praticiens et chercheurs se rencontrent autour dune acti-vit rflexive qui prendra diffrentes formes, selon les projets. Cest beaucoupplus autour du droulement de cette activit rflexive spcifique chaque projet queles tches vont se dfinir pour les chercheurs et les praticiens : autour de la dfi-nition de laspect de la pratique sur lequel rflchir, de la dmarche de rflexionproprement dite, autour des traces quon souhaite garder de ce qui se construitet autour dvnements o les acteurs peuvent avoir loccasion den faire prof-iter dautres. De plus, le dfi collaboratif ne se dfinira pas en fonction duneparticipation des praticiens aux tches de recherche, mais dans la mesure o les deuxlogiques se croisent dans le droulement de lactivit rflexive. On fera en sorteque la pratique explore ait une pertinence pour les praticiens qui entreprennentleur questionnement pratique, comme pour les chercheurs qui en font locca-sion dune investigation formelle (ce que nous appelons ltape de cosituation).On fera en sorte que la dmarche de rflexion proprement dite puisse se dfinirtout autant en termes dune approche de dveloppement professionnel pour lespraticiens que comme un dispositif de collecte de donnes pour les chercheurs(ce que nous appelons ltape de coopration). Enfin, on fera en sorte que les pro-duits de la dmarche et leur diffusion aient des retombes tout autant pour lacommunaut de pratique que pour la communaut de recherche (ce que nousappelons ltape de coproduction). Cest ainsi que le co, dans les tapes dites decosituation, coopration et coproduction, ne signifie pas que les acteurs, praticienset chercheurs, font tout ensemble, mais qu chaque tape de la recherche, la dou-ble logique est respecte (Desgagn, 1998).

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    Lillustration du modle collaboratif

    Nous illustrons maintenant le modle travers la description de cinq projetsmens par lun ou lautre des chercheurs de lquipe et qui sont reprsentatifs de ladiversit des domaines de recherche et des disciplines ducatives dans lesquels ilsuvrent. Pour mieux faire ressortir les composantes communes du modle, noussoumettons chaque projet un mme cadre descriptif. Ainsi, en vue de mieux faireressortir ltape de cosituation o chercheurs et praticiens ngocient afin de dfinirun aspect de la pratique explorer, nous noncerons dabord la thmatique gnralesur la base de laquelle les deux parties se rencontrent, pour en arriver prciser, lissue de cette ngociation, lobjet dfini dans la double dimension de rechercheet de formation. Par la suite, afin de faire ressortir ltape de coopration, nousdcrirons les lments essentiels de lactivit rflexive travers laquelle sincarne ladmarche de recherche et de formation, activit qui permet, avons-nous dit, lacoconstruction dun savoir propos de la pratique. Enfin, pour illustrer ltape decoproduction, nous mettrons en vidence les retombes du projet, en termes de contri-butions pour la communaut de pratique et pour la communaut de recherche.Ce sont l les quatre constituantes du cadre descriptif qui guidera la prsentationde chacun des projets. Une schmatisation en sera donne au dpart, sous formedun organigramme (figure 1), qui permettra de prsenter le projet.

    Le projet sur la reconstruction de rcits de pratique denseignantsdexprience des fins de formation de la relve

    Figure 1 Recherche-formation sur les rcits de pratique enseignante

    Thmatique gnraleLa construction de rcits de pratique

    des fins de formation des enseignants

    Activit rflexive

    Objet de formation

    Formation lexplicitation individuelle et collective

    de la pratique. Formation la supervision

    des futurs enseignants.

    Objet de recherche

    Analyse, par thorisation ancre, des composantes

    du savoir dexprience des enseignants que les rcits permettent dinvestiguer.

    Retombes pour la communaut

    de pratique

    Recueil de rcits pour la formation initiale

    et continue des enseignants, exploiter selon la pdagogie

    de la mthode de cas.

    Retombes pour la communaut

    de recherche

    Avancement de la recherche sur le savoir dexprience des enseignants

    et lapproche narrative de la pratique.

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    La thmatique gnrale Le projet sinscrit dans lesprit de dveloppementde la mthode des cas, comme approche de formation professionnelle. Cette m-thode sappuie sur lide que lanalyse dhistoires vraies, lies une pratique donne,exploites sous forme de rsolution de problmes auprs de groupes restreints,contribue dvelopper le jugement de ceux qui sinitient la pratique profession-nelle. La proccupation est venue de chercheurs qui sont aussi des formateurs dematres (Serge Desgagn et Fernand Gervais, Universit Laval) et qui ont voulusassocier des enseignants expriments, soucieux, de leur propre dire, de trans-mettre un hritage la relve, pour faire en sorte que soient reconstruits des rcitsde pratique qui pourraient ventuellement tre utiliss, dans lesprit de la mthodedes cas, pour la formation des enseignants du primaire et du secondaire. Par rcitde pratique, on entend ici globalement la narration dune situation-problme quelenseignant a eu affronter, lie la vie de la classe, et par laquelle il fait part duprocessus dlibratif grce auquel il est parvenu la rsoudre. Un groupe de vingtenseignantes et enseignants du primaire et du secondaire a t constitu, en partena-riat avec la Commission scolaire des Premires-Seigneuries, de la rgion de Qubec,et une collaboration sest amorce en vue de dfinir une dmarche de reconstruc-tion des rcits.

    La double dimension de recherche et de formation La reconstruction des rcitsse voulait lactivit pivot permettant de rejoindre, si possible, les intrts respectifsdes praticiens et des chercheurs. Du point de vue des praticiens, outre lintrt detransmettre un hritage la relve, il y avait celui de profiter de cette activit commedun ressourcement (dimension formation). En effet, lactivit de reconstructiondes rcits permettait que soient amnages diverses mises en situation amenant lesenseignants expliciter, structurer, voire comparer, entre eux, leurs expriencesde pratique. En ce sens, Schn (1996) propose que les praticiens, dans un espritdanalyse rflexive, examinent en groupe leurs bons coups ou ce quil appelle leurssuccs. La reconstruction des rcits de pratique allait dans le sens de cette approchede ressourcement et plaait les enseignants en position dentrer dans une dmarchede questionnement pratique , pour reprendre lexpression de Richardson, citeplus haut. Du point de vue des chercheurs, il y avait lintrt de faire en sorte queles rcits reconstruits servent de donnes de recherche pour analyser le savoir contex-tualis qui sy dploie (dimension recherche). En effet, au fondement du rcit,il y a ce que Lewin (1951) appelle une situation totale, cest--dire une situationsans doute singulire en apparence, mais qui contient en elle-mme tous les enjeuxdune pratique. Chaque situation permet de dvoiler le jeu des interrelations etdynamiques du contexte, et ce faisant, emprunte une valeur dmonstrative en tantque cas . Cest donc cette valeur dmonstrative du rcit de pratique, en tant queporteur dun savoir contextualis , que lanalyse permettait ici dinvestiguer.

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    Lactivit rflexive La dmarche de reconstruction des rcits, comme activ-it pivot du projet de recherche-formation, sest droule sur une priode de quatremois environ, de fvrier mai, et a t amnage en quatre journes de travail rflexif.Une cinquime journe fut prvue, quelques mois plus tard, pour un partage col-lectif des rcits reconstruits. Globalement et de faon graduelle, les enseignantsont t amens, avec les deux chercheurs responsables auxquels se sont joints deuxtudiantes chercheuses, 1) sinitier, par diverses mises en situation, reconstruireleur exprience sous diverses facettes; par exemple, les enseignants ont t amens faire la diffrence entre reconstruire lhabituel (les rgles que chacun met en placeen dbut danne) et le singulier (une situation vcue un moment prcis) ;2) revisiter les vnements marquants de leur pratique en vue de choisir ce quiferait ventuellement lobjet de rcits reconstruire; 3) sexercer, en groupe, solli-citer, chez celui ou celle qui raconte son rcit, les lments de dlibration, autrementdit, faire ressortir la pense en action (ce que lacteur pensait ce moment-l) ;4) apprendre se raconter, cest--dire faire sortir les points saillants et sexplici-ter jusqu faire le tour de lvnement racont. Cette dmarche a conduit recueillirdes rcits oraux (deux par enseignant) qui ont t enregistrs sur magntophone.Le passage de loral lcrit a t assum par lquipe des chercheurs ; une premireversion crite des rcits a t soumise aux enseignants, lors de la cinquime journede travail, quelques mois plus tard. Cette journe a donn lieu un travail indivi-duel (chaque auteur-enseignant sest appropri son rcit crit pour en faire une versiondfinitive) et collectif (un change sur les rcits crits a permis de partager la diver-sit des pratiques).

    Les retombes Mentionnons que comme produits de recherche, les rcits sontissus dune dmarche de coconstruction entre chercheurs et praticiens, et cela, toutautant ltape de la reconstruction orale que dans le passage lcrit. Cela dit, iltait convenu au dpart que les rcits reconstruits seraient runis en un recueil decas (Desgagn et Gervais, 1999a) utilisable ventuellement des fins de forma-tion, pour la relve, pour employer lexpression des enseignants du projet. Danscet ordre dides, un sous-groupe denseignants du projet a poursuivi laventure enparticipant, dans le cadre dun cours de gestion de classe pour les futurs enseignantsdu primaire, des ateliers o ils ont eu loccasion, en collaboration avec les cher-cheurs responsables du cours, de coanimer une sance dexploitation de leur proprercit, selon lesprit de la mthode des cas (Desgagn et Gervais, 1999b ; Legendre,Desgagn, Gervais et Hohl, 2000). loccasion qui leur avait t donne, par lareconstruction des rcits, de rflchir sur leur pratique, titre denseignants, sestajoute celle de vivre une exprience de coanimation, propos de la gestion de classe, titre de formateurs et formatrices de futurs enseignants. (En 2000-2001, un autresous-groupe denseignants prennent part un projet dexploitation des rcits auprsde dbutants en contexte dinsertion professionnelle.) Le projet comporte aussi,on la dit, une dimension danalyse des rcits qui conduit une production deconnaissances dans le domaine du savoir pratique et plus spcifiquement du

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    savoir contextualis des enseignants. On sait encore peu sur les ressources structu-rantes du contexte, soit sur les facteurs qui entrent en jeu dans les dlibrationsdes enseignants face des situations de classe. Cette analyse vise faire le pontsouhait, dans la mthode des cas, entre lvnement racont et le savoir qui sendgage pour lapprenti qui sinitie la pratique.

    Le projet sur llaboration de stratgies denseignement en mathmatiquesdans une perspective de rsolution de problmes

    Figure 2 Recherche-formation sur lenseignement des mathmatiques (1)

    La thmatique gnrale En mathmatiques, le projet de recherche collabora-tive est issu dun besoin manifest par une quipe denseignantes de premire annedu primaire propos de la rsolution de problmes. Les enseignantes, soucieusesde proposer aux enfants une approche par rsolution de problmes tel que le prvoitle programme du ministre de lducation du Qubec14 ou le projet ducatif de laCommission scolaire, se trouvaient un peu dmunies quant aux moyens permet-tant datteindre de tels objectifs. Peu de pistes dinterventions ont t proposes ce sujet qui puissent permettre de travailler avec les enfants le dveloppementdhabilets en rsolution de problmes en relation avec lapprentissage des con-cepts (apprentissage du nombre, des oprations, de la numration ou encore de lamesure et de la gomtrie). La rsolution de problmes est souvent associe untravail portant sur des problmes crits en mots et, en consquence, un enseigne-ment destin des enfants plus vieux. Les questions que se posaient les enseignantestaient les suivantes : Est-il possible dadopter une dmarche de rsolution de pro-blmes avec de jeunes enfants ? Que signifie une telle approche et comment peut-

    Thmatique gnraleLa rsolution de problmes en mathmatiques

    chez les jeunes enfants

    Activit rflexive

    Retombes pour la communaut

    de pratique

    Recueil de situations problmes, de grilles dobservation et de

    matriel didactique pour lcole. Vidos de situations en classe pouvant servir la formation

    initiale des enseignants.

    Retombes pour la communaut

    de recherche

    Contribution au champ de la didactique des

    mathmatiques : clarification du rle des situations

    labores, analyse de leur restructuration en contexte.

    Questionnement sur lensei- gnement de la rsolution de problmes auprs de jeunes

    enfants (la notion de problme, diffrents types exploiter).

    Rflexion autour de situations problmes et de pistes dexploitation en classe.

    Analyse des situations denseignement labores conjointement et de leur

    potentiel pour le dvelop- pement dhabilets en

    rsolution de problmes chez les enfants.

    Objet de formation Objet de recherche

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  • Lapproche collaborative de recherche en ducation : un rapport nouveau... 45

    elle tre travaille ? Ce questionnement a t lorigine dun projet stendant, dansun premier temps, sur une anne. Lquipe tait alors forme de quatre enseignantesde premire anne, dune orthopdagogue et des deux chercheuses responsablesdu projet, Nadine Bednarz et Louise Poirier. Ce projet sest poursuivi de facon plussystmatique sur deux autres annes, en intgrant alors deux autres enseignantesde deuxime anne et une tudiante au deuxime cycle.

    La double dimension de recherche et de formation La conception de situations-problmes et dune intervention visant le dveloppement dhabilets en rsolutionde problmes chez les enfants constitue lactivit pivot permettant de rejoindre lesintrts respectifs des enseignants et ceux des chercheurs. Dans les rencontres quiont eu lieu avec les enseignantes prenant part diffrentes tapes de ce processusconjoint de construction dinterventions, les situations problmes et les pistes dex-ploitation possibles ont servi de toile de fond la rflexion sur laction (dimensionformation). En effet, les discussions autour des situations labores, des stratgiesutilises par les enfants, de leurs raisonnements et difficults, de la gestion delactivit en contexte, de lapproche pdagogique sous-jacente ont t loccasiondune rflexion sur lenseignement de la rsolution de problmes, venant questionnerdes faons de faire, de penser lenseignement et lapprentissage des enfants : Quest-ce quun problme, quels types de problmes proposer, quest-ce quils me permettentde dvelopper? Comment les enfants peuvent-ils aborder ces problmes? De quellemanire tirer partie de leurs productions ? Cette construction conjointe de situa-tions denseignement, la lumire de ce qui se passe en classe lorsquon met en placede telles approches, nourrit par ailleurs la production de connaissances en lien aveclobjet investigu, ici llaboration de situations didactiques visant le dveloppe-ment dhabilets en rsolution de problmes chez les enfants (dimension recherche).En effet, par rapport lapprentissage, par lanalyse conjointe des productions desenfants en regard des situations prsentes en classe, les rencontres clairent sur leshabilet et raisonnements dvelopps, et sur certaines variables didactiques ayantpu influencer le contexte. La trace des rencontres entre chercheurs et enseignantscontribue cerner un rpertoire prouv dinterventions en classe (les stratgiesdenseignement sont coconstruites, ngocies, viables en contexte, dans diffrentsgroupes classes), et mettre en vidence les amnagements multiples apports auxsituations et les raisons qui justifient ceux-ci (sens que lacteur donne laction).

    Lactivit rflexive La dmarche conjointe de construction de situations densei-gnement sest tale sur trois ans et a recoup, pour chacune des annes, huit joursde travail rflexif, raison de deux rencontres par tape (lanne scolaire comptantquatre tapes), une journe en dbut dtape et une en fin dtape. Une journe bilantait aussi prvue en fin danne afin de faire un retour sur lensemble du projet.Globalement, lactivit rflexive tait amnage de faon favoriser une alternanceplanifie et rgulire entre lexprience en classe (des situations sont ici proposesau dpart par les chercheuses comme base de discussion, ce qui diffre dun produit

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    Catherine Bouthillette

  • 46 Revue des sciences de lducation

    pdagogique dj construit quil ne reste aux enseignants qu utiliser) et le retoursur cette exprience (Schn, 1983, 1987). On travaille ainsi en groupe partirdes rcits des activits en classe, des difficults souleves en contexte, des traces destravaux des enfants, des difficults rencontres par ces derniers. Ce retour sur lex-prience prend diffrentes formes et sert de dpart une nouvelle laboration.Cette activit rflexive sarticule ainsi sur les significations que lenseignant dveloppeen contexte ; elles donnent un sens aux situations ou actions mises de lavant.

    Les retombes lissue du projet, des situations denseignement ont t conuesconjointement par les enseignants et les chercheurs, diffrentes pistes dexploita-tion ont t clarifies. Ce travail de plusieurs annes a dbouch sur llaborationdun recueil dactivits, de grilles dobservation (permettant de suivre lvolutiondes enfants) et de matriel didactique pour lcole. Des ajustements et modifica-tions ont t constamment apportes, mmoire collective du travail accompli aucours du temps sur ces situations. Plusieurs vidos lis aux situations exprimentesen classe ont par ailleurs t produits, en collaboration avec les enseignantes ; ilsservent de matriel dclencheur pour lintervention en formation des matres oulanimation de journes pdagogiques auprs dautres enseignants. Sur le plan dela recherche, lenregistrement vido de situations en classe, les traces des produc-tions des lves, lenregistrement audio des rencontres rflexives entre chercheuseset enseignantes, propos des situations et du retour sur celles-ci, ont servi de matrieldans lanalyse des situations denseignement et de leur potentiel pour le dveloppe-ment dhabilets en rsolution de problmes mathmatiques chez les enfants. Cesanalyses ont permis entre autres de mettre en vidence le rle de la formulationet des interactions sociales dans le dveloppement dhabilets en rsolution de pro-blmes (Bednarz, Dufour-Janvier, Poirier et Bacon, 1993; Poirier et Bacon, 1996;Bednarz, 1996) ou encore de suivre la restructuration dune situation denseigne-ment au fil du temps et les principes qui guident cette restructuration (Poirier,Bourdage et Bednarz, 1999).

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  • Lapproche collaborative de recherche en ducation : un rapport nouveau... 47

    Le projet sur llaboration de stratgies denseignement des mathmatiquesauprs dlves prsentant une dficience intellectuelle

    Figure 3 Recherche-formation sur lenseignement des mathmatiques (2)

    La thmatique gnrale Ce projet fait suite une demande du milieu relative lenseignement des mathmatiques auprs dlves ayant des incapacits intellec-tuelles, en milieu scolaire spcialis. Les enseignants sinterrogaient sur le contenumathmatique enseigner leurs lves, lvaluation (quels objectifs consignerau bulletin scolaire), des activits faire vivre leurs lves favorisant llabora-tion de connaissances mathmatiques utiles au dveloppement de leur autonomie.La premire anne du projet, lquipe fut compose, outre la chercheuse LouisePoirier (Universit de Montral), de quatre enseignantes, de deux conseillers pda-gogiques et dun tudiant de deuxime cycle de lUniversit de Montral. Le contenumathmatique cible a t le nombre. La deuxime anne, un travail portant sur lagomtrie a t men avec deux enseignantes. Des activits de reprage dans les-pace, dobservation et de construction de figures et de solides ont t dveloppeset mises lessai. La troisime anne, le projet a rassembl seize enseignantes delcole Saint-Pierre Aptre (classes dlves prsentant une dficience intellectuellemoyenne et svre, des problmes dautisme et daudimutit), le conseiller pda-gogique et lorthophoniste de lcole. De plus, les deux enseignantes qui avaientparticip au projet durant les deux premires annes, ont suivi leurs lves dans unecole secondaire spcialise, lcole Irne-Lussier ; elles ont manifest leur intrt exporter le projet dans cette nouvelle cole. Un deuxime projet a ainsi vu lejour runissant une chercheuse et six enseignants de cette cole secondaire. Les

    Thmatique gnralePousser les limites dlves prsentant une dficience

    intellectuelle moyenne par rapport au concept de nombre

    Activit rflexive

    Retombes pour la communaut

    de pratique

    Recueil dactivits et de grilles dobservation

    pour lcole issues du journal de bord.

    Retombes pour la communaut

    de recherche

    Matriaux danalyse pour le champ de lenseignement des mathmatiques chez les lves cibls ainsi que sur le potentiel des lves en dficience intellectuelle.

    Questionnement sur lesnotions mathmatiques du

    programme et sur les activits dapprentissage proposes.

    Dveloppement dun rpertoire dactivits adaptes aux lves.

    Analyse des situations didactiques et de leur

    potentiel pour le dvelop- pement conceptuel du nombre chez les

    lves cibls.

    Objet de formation Objet de recherche

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  • 48 Revue des sciences de lducation

    questionnements et besoins des deux coles tant similaires, le projet vise mettresur pied un groupe dchange runissant des enseignants de ces deux coles.

    La double dimension de recherche et de formation Des rencontres rguliresrunissent les enseignants, les conseillers pdagogiques et les chercheurs. Durant cesrencontres, les discussions portent sur les activits labores, sur leurs mises lessaien classe auprs dlves prsentant un handicap intellectuel et sur lanalyse desvariables didactiques susceptibles davoir un impact sur les conduites des lves.Ainsi, ces rencontres sont objet de formation pour les enseignants qui est donneloccasion, afin de raffiner leur intervention, de revenir sur les concepts mathma-tiques. Les rencontres sont aussi objet de recherche dans la mesure o lon sintresse, travers les activits, au dveloppement des connaissances mathmatiques des lves.En ce sens, en dbut danne scolaire puis en cours danne sont ralises des entre-vues servant suivre lvolution des apprentissages. Une analyse des activits declasse filmes et des journaux de bord tenus par les enseignantes fait ressortir lesmodifications et amnagements quelles ont apports aux activits. Cette analyse estcomplte par des entrevues auprs des enseignantes en vue de mieux saisir lescontraintes du contexte qui ont justifi ces modifications et amnagements. Ce pro-jet ouvre de nouvelles perspectives pour la didactique des mathmatiques. Peu derecherches en didactique des mathmatiques ont port sur lenseignement auprsde ces lves. Les recherches qui sy sont intresses ont plutt port sur les connais-sances numriques des lves, mais nont pas fait intervenir les aspects dinterventionen classe et de dveloppement dactivits adaptes.

    Lactivit rflexive Comme pour la rsolution de problmes mathmatiques,une activit axe sur la dynamique danalyse rflexive de laction professionnelle(Schn,1983, 1987) a t mise en place. Il sagit dune alternance planifie et rgu-lire entre lexprience en classe (des activits servant de canevas de base de discussionsont proposes au dpart par la chercheuse) et le retour sur cette exprience consi-gne par les enseignantes dans leur journal de bord. Le conseiller pdagogique etlorthophoniste de lcole Saint-Pierre Aptre apportent aussi leur soutien dans laclasse et, lors des rencontres, tmoignent de leurs observations. Les mmes activitstant mises lessai dans les diverses classes, cela permet de discuter des interven-tions mises de lavant par les enseignantes selon les caractristiques de leur groupe.

    Les retombes partir des journaux de bord et des discussions menes lorsdes rencontres, nous avons consign les activits dans un recueil mis la dispositiondes collgues de lcole. Un matriel didactique indit adapt aux caractristiquesdes lves accompagne ces activits. Une grille dobservation et de consignationdes conduites des lves a t conue et une approche denseignement diffrente at dveloppe. Des vidos des sances en classe, les journaux de bord, les notes prisesdurant les rencontres, des entrevues auprs des lves et des enseignantes servent de

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    matriel de base dans lanalyse des activits coconstruites, des procdures des lveset de leur volution. Cette recherche a donn lieu un mmoire de matrise (Saint-Jean, 1999) servant lanalyse dune activit numrique et des contraintes apportesafin de faire voluer les stratgies des lves. Le projet ouvre ainsi de nouvellesavenues dans le domaine de la recherche en didactique des mathmatiques.

    Le projet sur la coconstruction dune intervention en sciences de la natureau primaire, dans une perspective dintgration des matires

    Figure 4 Recherche-formation sur lenseignement des sciences de la nature

    La thmatique gnrale Le prsent projet sinscrit dans le cadre dune recherchedoctorale. La thmatique du projet en sciences se situe la rencontre des question-nements dune chercheuse, relativement la problmatique du renouvellementsouhait des pratiques de lenseignement des sciences au primaire, et dune enseignantesollicite pour participer au projet partir de ses propres proccupations alors lies limplantation dun nouveau matriel pdagogique utiliser dans sa classe, sinscri-vant dans une perspective dintgration des matires. Sur le plan de la recherche,le constat dassujettissement des sciences aux autres matires scolaires dans les pra-tiques intgratrices (Lenoir, 1992) justifiait le besoin de repenser ce volet ducatif.De plus, lintgration des matires, vue dans une perspective dinterdisciplinaritscolaire (Fourez, 1992, 1994), apparaissait comme une voie explorer pour ldu-cation scientifique et technique. Au carrefour des proccupations de la chercheuseet de lenseignante, ce thme de lenseignement des sciences de la nature intgraux autres matires a permis denvisager un projet commun dont chacune des deuxpartenaires pourrait bnficier. Ce projet consistait laborer, conjointement, uneintervention en sciences de la nature qui, tout en sinscrivant dans une perspective

    Thmatique gnraleLenseignement des sciences de la nature au primaire intgr aux autres matires

    Activit rflexive

    Retombes pour la communaut

    de pratique

    Matriel didactique dcoulantde la coconstruction de

    situations denseignement.Exploitation des ressources locales

    dans la ralisation du projet.

    Retombes pour la communaut

    de recherche

    Contribution au champ de la didactique des sciences :

    exploration de nouvelles faons daborder le renouvellement

    de cet enseignement.

    Exploration dune pdagogiepar projet dans une perspective

    socioconstructiviste pour lenseignement des sciences

    de la nature au primaire.

    Analyse du processusde coconstruction dun projet

    en sciences de la nature et des situations denseignement

    qui en dcoulent.

    Objet de formation Objet de recherche

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  • 50 Revue des sciences de lducation

    thorique propose par la chercheuse, ferait preuve de viabilit (Glaserfeld, 1995)en contexte scolaire par la prise en compte du savoir dexprience de lenseignante.Nous voyons donc se dessiner la double dimension du projet par lintrt quil pr-sente tant du point de vue de la recherche que du point de vue de la pratique.

    La double dimension de recherche et de formation Dun projet communportant sur llaboration dune intervention en sciences de la nature se dgagentun objet de formation et un objet de recherche. Lobjet de formation se rsume enune exploration dune pdagogie diffrente en enseignement des sciences qui per-met la praticienne de diversifier son rpertoire dactivits et de dvelopper un regardcritique sur le matriel quelle utilise. Sur le plan de la recherche, le processus decoconstruction mis en place permet daborder la collaboration praticien-chercheursous langle de lanalyse, tout en portant un regard sur les situations denseignementlabores conjointement. Globalement, le travail conjoint dlaboration dactivi-ts et de retour sur leur ralisation en classe, pour mieux les ajuster, a permis chacune des partenaires de reconsidrer sa position en fonction du point de vue delautre et de ladapter au fil des vnements. Des analyses prliminaires montrentque certains postulats didactiques de la chercheuse se sont traduits en formules pda-gogiques fortement inspires de la pratique de lenseignante, alors que linteractiona provoqu, chez lenseignante, un questionnement relatif ses pratiques habituelles.De la sorte, le processus de collaboration est formateur pour les deux partenairespuisque lexploration mene conjointement conduit lenseignante explorer desavenues diffrentes et analyser sa pratique, et la chercheuse confronter ses postu-lats didactiques au contexte de pratique. Au-del de cet enrichissement mutuel, cettecollaboration permet, du ct de la recherche, dclairer le processus de coconstruc-tion et de caractriser les situations denseignement-apprentissage qui en dcoulent.

    Lactivit rflexive Au cur du projet en sciences de la nature, se trouve leprocessus de collaboration praticien-chercheur qui sopre selon une dynamique derencontres de planifications conjointes dactivits et de retours sur ces planifica-tions, aprs leur mise lessai dans la pratique, contribuant, ventuellement, leurenrichissement. Cette activit rflexive tente ainsi dtablir le dialogue entre les pos-tulats de la chercheuse et le savoir dexprience de lenseignante, pour adapter desconstructions thoriques au contexte de pratique par leur engagement dans un mca-nisme de production impliquant lenseignante. Cette activit rflexive a donnlieu concrtement des moments de planification conjointe dactivits partir didesmises par la chercheuse. Soumises au regard de lenseignante en interaction avecla chercheuse, ces ides se sont transformes en activits denseignement-apprentis-sage empreintes de lexpertise des deux partenaires. Lentire responsabilit de laralisation en classe fut dvolue lenseignante afin de lui laisser la libert de faireles ajustements ncessaires en cours daction. Le retour rflexif prvu sur la ralisa-tion dune activit compltait une boucle du cycle tout en amorant, simultanment,

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  • Lapproche collaborative de recherche en ducation : un rapport nouveau... 51

    un autre pisode de planification. Il importe de voir ce processus dans une dyna-mique non pas linaire, mais plutt dans une spirale o senchevtrent des momentsde planification, de ralisation et de rflexion sur laction soprant souvent sur plusdune activit la fois.

    Les retombes Les retombes de cette recherche svaluent, dune part, entermes du potentiel de dveloppement dun modle dintervention diffrent, quiinclut le matriel didactique qui a t produit en collaboration et qui peut servirde base une production ventuelle largie, dans le milieu concern, pouvant con-tribuer diversifier le rpertoire des praticiens qui souhaitent accorder une placerenouvele lenseignement des sciences au primaire. Dautre part, sur le plan dela recherche, les retombes svaluent par le potentiel de dveloppement de connais-sances que reprsente la dmarche emprunte et les traces qui en furent consignes,connaissances que la production de la thse doctorale vise concrtiser. Ces connais-sances visent, entre autres, renseigner sur le processus de collaboration praticien-chercheur et contribuer au dveloppement des approches inhrentes lenseigne-ment des sciences lcole primaire. Il serait toutefois rducteur de restreindreles retombes de cette recherche aux seules rsultantes tangibles puisque mmesi les rsultats ne peuvent en rendre compte, nous pouvons tmoigner de laspectcoformation que reprsente, pour la chercheuse et lenseignante impliques, untel processus. Cette ide de coformation, dj prsente dans lorganisation de lacti-vit rflexive, illustre dailleurs le rapport de rciprocit entre chercheurs et praticiensque tente dtablir la recherche collaborative.

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  • 52 Revue des sciences de lducation

    Le projet sur le transfert de lapproche de philosophie pour enfants dans la pratique pdagogique denseignants du primaire

    Figure 5 Recherche-formation la philosophie pour enfants

    La thmatique gnrale Le projet auquel on fait rfrence sinscrit dans leprolongement dun projet qui sest dvelopp dans le cadre de lcole-recherche asso-cie au CIRADE dont il a t question au dbut de cet article. Un certain nombredenseignantes et denseignants se sont impliqus dans un projet de philosophiepour enfants dans leur classe. lorigine, la formation offerte a voulu permettreune familiarisation avec le matriel et lapproche pdagogique de la philosophiepour enfants, de manire rendre les enseignants aptes animer dans leurs classesrespectives une communaut de recherche philosophique autour des ides retenuespar les lves, la suite de la lecture dun des rcits qui servent de support cetteapproche (romans philosophiques destins aux jeunes). Pendant trois ans, les per-sonnes impliques ont particip des rencontres o, dans une premier temps, ellesvivaient, comme leurs lves en classe, lexprience dune communaut de recherchephilosophique partir du matriel utilis avec les lves ; dans un deuxime temps,les rencontres donnaient lieu un retour sur les expriences en classe avec lapproche.Aprs ces trois ans, constatant que leur exprience avec cette approche les incitaient revoir et repenser lensemble de leur pratique pdagogique en classe et souhaitantpar ailleurs maintenir des rencontres de formation sous forme de communaut derecherche, sans ncessairement recourir pour cela au matriel destin aux enfants,des enseignants ont propos de structurer les rencontres autour de la question dutransfert possible de lapproche de la philosophie pour enfants la pratique pda-

    Thmatique gnraleLe transfert de lapproche de philosophiepour enfants la pratique pdagogique

    Activit rflexive

    Retombes pour la communaut

    de pratique

    Initiation lapproche de philosophie pour enfants

    et dveloppement de la collgialit entre enseignants.

    Retombes pour la communaut

    de recherche

    Contribution au champ de la didactique de la

    philosophie : clarificationdes fondements de lapproche philosophique en pdagogie.

    Faire vivre une communaut de recherche philosophiqueaux enseignants autour de

    questions lies la pratiquepdagogique.

    Analyse de la conceptualisationque font les enseignants dans la

    pratique pdagogique(enregistrement des rencontres

    avec les enseignants).

    Objet de formation Objet de recherche

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    gogique. Dix enseignants et enseignantes, dont deux nouvelles, ont amorc unprojet anim par le chercheur Pierre Lebuis aid dun assistant de recherche.

    La double dimension de recherche et de formation Lquipe enseignante avaitexprim le dsir de tenir des rencontres selon des modalits similaires celles desannes antrieures mais portant sur des objets diffrents. Il sagissait de vivre unecommunaut de recherche philosophique autour de questions lies la pratiquepdagogique, partir de la question initiale :E st-il possible de transfrer (trans-poser ou intgrer) lapproche de la philosophie pour enfants dautres contextes dela vie scolaire, quil sagisse de lenseignement des diffrentes matires prvues aucurriculum rgulier ou de la gestion de situations plus gnrales lies la vie de laclasse ? Sur le plan de leur formation, les enseignants avaient ainsi la possibilitdexprimenter directement la communaut de recherche philosophique, mais enexplorant des questions spcifiques lies leur pratique professionnelle, leur per-mettant dexpliciter leurs conceptions de lenseignement, de lapprentissage, du rledes interactions en classe, etc. Du ct des chercheurs, lenregistrement de toutesles sances avec les enseignants devait permettre de systmatiser la conception quese font les enseignants de leur pratique pdagogique dans un contexte o le recours une approche particulire, celle de la philosophie pour enfants, questionne sinonopre mme une rupture avec les faons de faire habituelles en classe. Il sagissaitde mieux cerner ce que signifie enseigner et apprendre dans un contexte de commu-naut de recherche. En cours de projet, lattention des chercheurs sest centre surla conception des enseignants de ce quest une communaut de recherche philoso-phique et sur la nature du travail philosophique qui sopre dans une communautde recherche.

    Lactivit rflexive La dmarche avec lquipe enseignante a impliqu unesance dune journe de travail par mois entre septembre et juin. Toutes les sancesont t enregistres et, pour la premire moiti de lanne, un compte rendu desrencontres a t prpar par les chercheurs et soumis aux enseignants. Ce procda permis de sinscrire dans une spirale rflexive o des aspects soulevs une sancetaient repris, approfondis et examins sous dautres angles une sance ultrieure.Dans la premire partie de lanne, les changes ont surtout port sur la spcificitde lapproche de la philosophie pour enfants sous langle de ce que cette approchepostule et implique comme conception de lapprentissage et de lenseignement. Ladeuxime partie de lanne a permis lexploration de thmatiques particulires asso-cies la pratique pdagogique: autonomie de llve, cart entre la discussion dideset le comportement, place des valeurs dans la formation, rapport lordre dans laclasse, etc. Ces thmatiques, et les considrations plus gnrales portant sur ap-prendre et enseigner, ont permis aux enseignants dexpliciter leurs conceptions dela pratique pdagogique selon une approche ducative faisant appel la capacit depenser des enfants et proposant dorganiser la classe comme une communaut de

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    recherche. Lanimation de communauts de recherche sur des objets de la pratiquepdagogique a suscit chez les chercheurs un travail dexplicitation et de mise enuvre dans laction, soit dans le droulement des sances avec les enseignants, descomposantes relies la dimension philosophique de la communaut de recherche.

    Les retombes Ce projet a permis une meilleure appropriation de lapprochede la philosophie pour enfants, tant pour les enseignants que pour les chercheurs.Du ct des enseignants, le projet a favoris un approfondissement de lapprocheen exigeant dexpliciter les aspects quon dsirait transposer dans dautres contextesdenseignement-apprentissage et, en contrepartie, en obligeant examiner la spci-ficit des diffrents contextes. Pour les chercheurs, dans une vise de contributionau champ de la didactique de la philosophie, le projet a permis de clarifier les fon-dements de lapproche et de mettre en lumire les procds qui permettent dereconnatre quon fait de la philosophie, au sens de philosopher (Tozzi, 1994).En ce sens, ce projet a incit entreprendre une clarification de la nature du savoirphilosophique (du savoir-philosopher) qui se construit en communaut de recherchedans la pratique de la dlibration collective en classe (Lebuis et Lamer, 1999).Pour les enseignants, le projet a aussi favoris le dveloppement de la collgialitentre enseignants qui sest traduit par une implication accrue de plusieurs dansla vie de lcole et par la mise sur pied dun rseau en Philosophie pour enfantsau Centre des enseignantes et enseignants de la Commission scolaire de Montralo la formation est assure par des pairs.

    Discussion

    Quel clairage fournit cette description des projets collaboratifs propos dumodle dfini au dpart ? Jetons un regard transversal sur ces projets en reprenantchacune des tapes du modle quils prtendent illustrer, soit ltape de cositua-tion o lon a tent, pour chaque projet, de formuler la thmatique gnrale dedpart et lobjet spcifique dans sa double dimension de recherche et formation,ltape de coopration o lon a voulu caractriser lactivit rflexive dans laquellesengagent les partenaires pour coconstruire un savoir li la pratique, et ltapede coproduction o il sagissait de se prononcer sur les retombes du projet pourles deux communauts (recherche et pratique) concernes.

    Relativement ltape de cosituation, il ressort clairement que les projets nesamorcent pas tous de la mme faon. Pour les uns (projet de Bednarz sur la rso-lution de problmes en mathmatiques, projet de Poirier sur lapprentissage desmathmatiques chez des lves prsentant une dficience intellectuelle), la solli-citation vient des enseignants et sexprime par un intrt de perfectionnement surun aspect de la pratique qui les proccupe. Pour dautres (projet de Desgagn et

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    Gervais sur les rcits de pratique, projet de Couture sur lenseignement des sciencesde la nature), la sollicitation vient des chercheurs et sexprime par un intrt derecherche sur un aspect de la pratique. Cest dire que lquilibre de la double dimen-sion recherche et formation ne se ngocie pas de la mme faon, au dpart : pourles premiers, le dfi fut de dgager un objet de recherche de lentreprise de perfec-tionnement ; pour les seconds, il fut de faire en sorte que lobjet de recherche quilsse proposaient dinvestiguer soit compatible avec une dmarche de perfectionnementsusceptible dintresser les praticiens. Par ailleurs, il se peut aussi que cet quilibreentre formation et recherche soit rgul dans le temps. Dans le projet de Lebuis,sur le transfert de lapproche philosophique la pratique pdagogique, lobjet derecherche, les conceptions des enseignants lies la pratique pdagogique, ne sestprcis quaprs un temps relativement long o le projet ne sera que formation conti-nue pour des enseignants qui se prteront simplement vivre ce quon appelle une communaut philosophique visant lappropriation et lapprofondissement delapproche de philosophie pour enfants. Dans le projet de Desgagn sur les rcitsde pratique, bien quau dpart, lide de raconter un rcit de pratique ait rejoint la fois une intention de formation, soit le rcit comme miroir de sa pratique, et derecherche, soit lanalyse du savoir contenu dans le rcit, on peut dire que la dimen-sion formation a t plus intense la fin du projet quau dbut, quand des enseignantsont eu dfendre et exploiter leur rcit auprs de groupes de futurs enseignants,se retrouvant, ds lors, exercer un nouveau rle, incluant de nouvelles habilets dvelopper lies la formation des futurs enseignants. Ltape de cosituation,dans son droulement, pose la question de savoir jusqu quel point chaque groupedacteurs, tant celui des chercheurs que celui des praticiens, sapproprie, ses propresfins (investigation pour les uns et perfectionnement pour les autres), le projet colla-boratif. Elle pose galement la question de savoir quel point chacun de ces groupesdacteurs sapproprie la perspective de lautre, de savoir que ceux qui sont mobilisspar la dimension formation se laissent imprgner de la dimension recherche etque ceux qui sont mobiliss par la dimension recherche se laissent imprgner de ladimension formation. Il semble que, dans lillustration des projets, cette appropria-tion deux sens nous ramne tenir compte dune ncessaire ngociation de dpartet dune invitable rgulation dans le temps, jusqu la toute fin de la dmarche.Lessentiel rside, au fond, dans la capacit des acteurs garder dans leur horizoncollaboratif cet quilibre prserver entre la perspective de perfectionnement etcelle dinvestigation, de mme que cette permabilit maintenir entre ces deuxperspectives, pour chacun des acteurs engags dans la dmarche.

    Concernant ltape de coopration, il va de soi que lactivit rflexive, o cher-cheurs et praticiens coconstruisent un certain savoir propos de la pratique, prenddiverses formes selon les projets. La description quon fait ici de cette activit,pour chaque projet, bien quelle soit trop brve pour permettre de prciser toutela nuance de son articulation, suggre tout de mme un certain clairage sur ladmarche. Ce qui se dgage de commun, dun projet lautre, cest le rapport troit

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    qui stablit entre la rflexivit comme approche de formation et la rflexivitcomme matriau dinvestigation, en fonction dun certain objet de savoir , li la pratique, coconstruire. Dans le projet de Couture, la planification con-jointe dactivits dapprentissage devient lappui partir duquel se dfinitlapproche rflexive de formation (planification, mise lessai, retour et ajustement).Sur le plan de lanalyse, ces activits dapprentissage deviennent le matriau pouranalyser le processus de coconstruction entre chercheur et praticien et pour dgagerau fond un savoir-enseigner les sciences de la nature au carrefour de la didactiquepraticienne et de la didactique de recherche (Martinand, 1992) pour clairerllaboration dun scnario denseignement des sciences au primaire. Dans les pro-jets de Bednarz et Poirier, la diffrence du projet de Couture, laccent va lanalysede lintervention plutt que sur la planification dactivits (on parle bien daccent,car dans les trois cas, planification et intervention sentremlent). En effet, onprivilgie une activit rflexive de type rsolution de problmes de pratique (lesenseignantes soumettent les difficults rencontres dans leur pratique, en lien aveclapproche denseignement propose). Ce sont ces rencontres de rsolution de prob-lmes, o interagissent chercheurs et praticiens, qui constituent le matriaudanalyse. Partant de lanalyse de ce qui se construit dans cette dmarche de rso-lution de problmes de pratique, on tente den dgager un savoir-enseigner les mathmatiques qui prend ici le sens dun rpertoire de stratgies dinterventionajustes au contexte. En philosophie pour enfants, plutt quune activit rflex-ive de type rsolution de problmes de pratique, on choisit plutt une activitrflexive de type communaut de recherche philosophique, o le raisonnementconceptuel prime sur lanalyse de pratique ; sur le plan de lanalyse, on sintresse dgager une architecture conceptuelle et non un rpertoire de stratgies, desorte que le savoir-enseigner qui est ici vis, saveur philosophique, est beaucoupplus de lordre dun savoir conceptualiser sa pratique pdagogique. Enfin, con-cernant les rcits de pratique, on sinscrit, comme approche de formation, dansce que daucuns appellent une approche narrative de la ralit, et ce que dautresappellent une approche dexplicitation de la pratique . Dans les deux cas, onsapplique, par la reconstruction de tels rcits, rendre discursif un savoirtacite , dvelopp dans laction et travers lexprience de la conduite du groupe-classe, savoir daction qui devient objet danalyse. Dun projet lautre, approchede formation et approche danalyse se coconstituent, en congruence avec une cer-taine conception, spcifique chaque projet, dun savoir coconstruire.

    Enfin, ltape de coproduction, quon exprime ici en termes de retombes, pose,avant tout, la question de la nature du produit de la recherche collaborative etde la faon dont ce produit rpond la fois aux attentes de la communaut despraticiens et de celle des chercheurs. Il semble que, dans lensemble des projets, ily ait lide dune contribution en termes de rsultats de recherche, du ct de lacommunaut des chercheurs, en lien avec un champ de savoir donn (plus prochedun savoir didactique, en mathmatiques pour Bednarz et Poirier, en sciences

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    pour Couture et en philosophie pour Lebuis ; plus proche dun savoir pdagogique,en conduite du groupe classe, pour Desgagn). Il semble quil y ait aussi lide,pour lensemble des projets, si ce nest pour le projet en philosophie pour enfantssur lequel nous reviendrons, dune contribution, pour la communaut des prati-ciens, en termes dun matriel didacticopdagogique rinvestir dans la pratique(un ventail de stratgies denseignement des mathmatiques dans le cas desprojets de Bednarz et Poirier et des activits dapprentissage en sciences dans lecas du projet de Couture) ou dans la formation la pratique (des rcits de pratiqueutilisables pour la formation initiale et continue des enseignants, dans le cas duprojet de Desgagn). Cette double contribution a ceci doriginal quelle est issuedun processus de coconstruction entre chercheurs et praticiens, entre la thorieet la pratique de lenseignement. Cest en cela quelle prtend constituer un apportoriginal un certain champ de savoir (une vision renouvele de lenseignement dessciences, de lenseignement des mathmatiques, de la pratique pdagogique parla philosophie, de la formation au savoir pdagogique par les rcits) et produire unmatriel didacticopdagogique tout aussi renouvel pour la pratique et la forma-tion la pratique, un matriel qui reflte la fcondit du rapprochement souhaitentre les deux communauts de recherche et de pratique. Mais il serait rducteurde simplement associer lide des retombes de la recherche collaborative unproduit (rsultats de recherche et matriel didacticopdagogique). Au-del ou ende du produit, il y a la dmarche dans laquelle se sont engags les participants,chercheurs et praticiens, dmarche travers laquelle on peut supposer quils ontchemin, si ce nest que sur le plan de leur reprsentation du monde de la rechercheet du monde de la pratique et des multiples passerelles quil devient possible den-tretenir entre les deux lorsque sont cres les conditions ncessaires lentreprisede coconstruction. En plus spcifique, cette dmarche transformatrice constitueune vise de la recherche collaborative pour tout ce qui concerne le dveloppe-ment professionnel dune quipe-cole (Lavigne, 1998). La recherche collaborativeest ne, avons-nous dit au dpart, dun besoin de runir les enseignants dunecole autour dun questionnement sur leur pratique et de faire en sorte que ledveloppement de cette communaut rflexive ait un impact sur le climat insti-tutionnel largi et ultimement sur lapprentissage des lves. Cest, par ailleurs,beaucoup plus ce type de retombes qui est avanc explicitement dans le projetde Lebuis qui ne vise pas, comme tel, la production dun matriel, pour la com-munaut de pratique, mais plutt le dveloppement dune pense collective autourde la pratique pdagogique et aussi dune approche de collgialit entre enseignants partir de la communaut philosophique qui est mise en place dans son projetcollaboratif 15.

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    Conclusion

    Nous arrivons au bout de notre entreprise qui visait prsenter, illustrer et mettre en question un modle de recherche collaborative, issu dun travail danalyseet de conceptualisation de faons de faire de la recherche avec plutt que surles enseignants, pour reprendre lexpression de dpart, au carrefour des projets res-pectifs que nous menons, en tant que chercheurs en ducation, dans les domainesspcifiques qui sont les ntres. Nous avons tabli quau cur du modle sigaitlide dune activit rflexive amnage en vue que les partenaires y coconstruisentun savoir li la pratique, et surtout que cette activit rflexive puisse servir deuxfonctions la fois : formation et recherche. Sous-jacente cette activit rflexiveet sa double fonction, une certaine conception de la collaboration qui veut queles partenaires, issus de cultures diffrentes de production des savoirs (culture derecherche et culture de pratique) se retrouvent autour dun intrt commun (unaspect de la pratique explorer), sy engagent sur la base du respect de leurs intrtsrespectifs lis aux enjeux de leurs cultures de production des savoirs (un intrt dequestionnement pratique pour les enseignants et de recherche formelle pour leschercheurs), tout en se laissant imprgner de la perspective des uns et des autres (unecoconstruction de savoir, au carrefour des savoirs savants et des savoirs daction).Se profile, en filigrane cette conception de la collaboration de recherche, conuecomme le rapprochement entre deux cultures de production des savoirs, un critrede double vraisemblance (Dubet, 1994) qui teinte, au fond, lensemble des com-posantes du modle qui vient dtre illustr. Ce critre de double vraisemblanceen devient un de pertinence sociale quand il sagit de ngocier laspect de la pra-tique sur lequel on va rflchir en fonction des deux cultures de savoirs auxquelleson souhaite contribuer, de rigueur mthodologique, quand il sagit damnager uneactivit rflexive qui soit la fois approche de formation et dispositif de collectede donnes et, enfin, de fcondit des rsultats, quand il sagit de prsenter et dediffuser des rsultats qui aient une rsonance dans les deux cultures. Cest ce critrede double vraisemblance, ainsi rinterprt pour chacune des tapes de la dmarchecollaborative, qui semble le mieux appuyer le rapport nouveau que vise tablirnotre modle entre recherche et formation 16.

    NOTES1. Pour ne pas alourdir le texte, nous utilisons, la plupart du temps, le masculin pour dsigner

    la fois les hommes et les femmes et, plus spcifiquement, les enseignantes et les enseignants.Mais il arrive parfois quon ait besoin, lorsquon parle dune quipe de partenaires dsigns,de souligner quil sagit denseignantes et/ou denseignants.

    2. Outre que les membres de lquipe partagent une proccupation commune pour la recherchecollaborative, la richesse de celle-ci tient son caractre interdisciplinaire, permettant le partagedexpriences de collaboration en milieu scolaire touchant des domaines relativement diff-rents qui voluent dun projet lautre et senrichissent au fil des annes. Ainsi, des travaux derecherches collaboratives sont actuellement en cours sur des questions touchant lenseignement

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    des mathmatiques au primaire en milieu rgulier et dfavoris (Bednarz, Poirier), en classesdaccueil (Poirier), en classes de dficients intellectuels (Poirier) et au secondaire en milieudfavoris (Bednarz); des questions relatives lenseignement des sciences au primaire (Couture),au dveloppement de largumentation collective en philosophie pour enfants (Lebuis), et lutilisation de rcits de pratique lis la gestion de la classe en formation des enseignants (Desgagn).

    3. Van der Maren (1999) situe cette orientation de recherche dite collaborative, telle que nouslentendons, dans ce quil appelle la recherche ontognique (onto : soi ; gnique : gense, dve-loppement), soit une recherche qui vise le dveloppement du savoir de la pratique et qui, pourcela, porte un intrt privilgi au point de vue de lacteur premier de cette pratique, soit len-seignant lui-mme, son action, sa rationalit. La recherche ontognique, prcise-t-il, est uneforme de recherche qui implique lacteur la fois comme objet et comme sujet. Son objetde recherche est le perfectionnement de loutil professionnel, dans une profession o loutilprincipal est le professionnel lui-mme (p. 123).

    4. Pour la chercheuse, lapproche de recherche-action, dans lesprit de collaboration de recherche,prend son envol dans les annes quarante et cinquante. son avis, le terme renvoie une pra-tique de recherche qui se veut en contexte rel, en raction une recherche universitaire ditede laboratoire , qui ne tient pas compte de la ralit complexe des situations de pratique.Lintention manifeste est aussi de faire des enseignants des chercheurs qui vont pouvoir pro-duire des connaissances mieux ajustes aux besoins de la pratique. Critique lpoque pourson loignement de la mthode scientifique traditionnelle, prcise la chercheuse, et considrede ce point de vue comme manquant de rigueur mthodologique, lapproche de recherche-action perdra un peu de son lan vers la fin des annes cinquante.

    5. On voit l aussi une parent certaine avec lesprit de l cole-recherche du CIRADE qui est lorigine des projets qui ont fait natre notre proccupation dquipe pour la recherche colla-borative, voque en introduction cet article, et partir de laquelle nous avons dvelopp lemodle collaboratif dont nous rendons compte ici.

    6. Bien que le contexte de dveloppement des coles associes, au Qubec, plus spcifiquement lUniversit Laval, ait prioritairement servi la mission de formation initiale, pour la ralisa-tion des stages en milieu scolaire, la mission de recherche faisait partie du concept qui a particip leur dveloppement. Certaines de ces coles associes sont aujourdhui au cur de la mis-sion de recherche en lien avec le dveloppement et linnovation en ducation (Voir les travauxde Laferrire, 1999, dans lune des coles associes lUniversit Laval).

    7. Nous parlons dun modle de recherche collaborative, au sens o nous avons tent de mod-liser, cest--dire de cerner et de caractriser, dans ses composantes communes, une faon defaire partage et bien spcifique lintrieur de ce quil est convenu dappeler plus largementlapproche collaborative de recherche en ducation. Lutilisation du terme de modle ne veutsurtout pas laisser croire une intention, de notre part, de dgager une procdure suivrequi soit rigide, linaire et reproductible en tous points. La diversit des cinq projets par lesquelsnous illustrons notre modle, tmoigne, bien au contraire, de sa souplesse quant lappropria-tion quon peut en faire. Serait-il plus juste de dire que nous avons modlis notre faon deconcevoir et dapprocher la recherche qui se fait en collaboration avec les praticiens ?

    8. La thorisation du modle est issue, disons-nous, dune analyse compare des pratiques respec-tives des chercheurs, de lintrieur de leurs projets respectifs. Sil y avait qualifier linspirationmthodologique dune telle analyse, on pourrait sans doute parler dtude multicas, tude quisest amorce, de faon plus formelle, partir de 1994, avec un projet danalyse des interactionschercheurs et praticiens (sur la base dune retranscription systmatique du discours issu des ren-contres entre les partenaires), lintrieur de deux projets collaboratifs contrasts mens par deschercheurs de lquipe. Les premiers lments dun cadre descriptif de la dmarche collaborativesuivie ont t dgags de cette analyse fine des interactions entre chercheurs et praticiens (surcette analyse, voir Bednarz, Desgagn, Diallo et Poirier, paratre). Ce cadre descriptif mergentsest graduellement enrichi, au fil des ans, de la confrontation avec dautres dmarches collabo-

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    ratives provenant de projets mens par dautres chercheurs de lquipe. Les composantes du mod-le tmoignent de ce cadre descriptif enrichi de la confrontation entre les diffrentes dmarchesdes chercheurs de lquipe. Pour les fins de prparation de larticle, quelques entrevues de groupeont t ralises entre les chercheurs responsables des cinq projets ici illustrs, entrevues qui ontalors permis chacun de se situer lintrieur du cadre descriptif propos et dexpliciter com-ment il sappropriait les composantes du modle de lintrieur de sa dmarche respective. Cesentrevues ont, en quelque sorte, permis une recontextualisation illustrative du modle aprs sathorisation... elle-mme issue dune analyse des pratiques de recherche.

    9. Dans cet article de Desgagn (1998), on donne un exemple concret de cette dmarche de mdia-tion entre savoirs daction et savoirs savants pour un projet de recherche bien spcifiqueportant le savoir professionnel dont tmoignent des expriments des dbutants en situationde parrainage, comme activit dinsertion professionnelle lenseignement. Par ailleurs, les pro-jets de recherche collaborative en enseignement des mathmatiques (Bednarz, Poirier, Desgagnet Couture, paratre) montrent bien comment certains savoirs didactiques, quon peut quali-fier de savoirs savants au sens de savoirs qui sont reconnus par une communaut scientifique,et savoirs daction, sarticulant sur une pratique en contexte, interagissent dans la constructiondun certain savoir enseigner li la pratique.

    10. Dans une parution rcente, C. Gervais (1998) relve, dans un tableau densemble, les conceptua-lisations dautres auteurs concernant ces diverses orientations donnes lapproche rflexive enformation des enseignants.

    11. En ce sens, Richardson regroupe, sous ltiquette du questionnement pratique (practicalinquiry), trois conceptions de lenseignant-chercheur (teacher as researcher). Une premire concep-tion accorde tout enseignant une identit de chercheur dans la mesure o un enseignant setrouve quotidiennement en situation de prise de dcision, ce qui loblige poser un problme, en analyser les donnes, poser des jugements et, en ce sens, tre un chercheur au quotidien(Neilsen, 1990). Une deuxime conception concerne le praticien rflexif et la dmarche dana-lyse de la pratique par laquelle un enseignant peut tre conduit recadrer ou largir son savoirdaction (Schn, 1983, 1987). Une troisime conception merge du courant de la recherche-action que Richardson associe une dmarche systmatique par laquelle un groupe denseignantsdun milieu donn cherche comprendre et amliorer leur pratique travers lidentificationet lanalyse dun problme quils partagent et quils vont tenter de rsoudre (Elliott, 1976, 1990).

    12. Dans un article de clarification sur le concept de recherche collaborative, Lenoir (1996) insistedj et labore plus amplement sur cette distinction entre les deux conceptions de la recherche,telles que les dfinissent Beillerot (1991) et Richardson (1994).

    13. Cette clarification est importante dans la mesure o lon gagne en rigueur mthodologique quandon arrive se situer par rapport une certaine conception de la recherche sur laquelle on sap-puie, conception qui fonde la dmarche quon prtend suivre. Les problmes que soulvelapproche collaborative tiennent souvent au fait quon a tendance jouer dans une zone floue,o lon oscille, sans vraiment sexpliciter pour tmoigner de sa dmarche de recherche, entredeux extrmes. Dun ct, une conception de la recherche qui semble tenir plus ou moins duquestionnement pratique, dans une approche pense en termes de runir des enseignantsautour dun projet de dveloppement professionnel, mais sans quon soit vraiment en mesurede voir la part dinvestigation, au sens formel du terme. De lautre, une conception qui sem-ble tenir plus ou moins de la recherche formelle, dans une approche pense en termes de collectede donnes sur un problme donn, mais sans quon soit vraiment en mesure de voir la par-ticipation relle des praticiens, si ce nest un partenariat institutionnel qui les lie au chercheur.Limportant est sans doute, pour le chercheur engag dans une recherche collaborative, de clari-fier et dexpliciter sa position par rapport au sens quon donne la notion de recherche, encollaboration, la dmarche quelle sous-tend et au rle des participants dans cette dmarche.

    14. Favoriser le processus de rsolution de problmes toutes les tapes de lapprentissage est undes principes intgrateurs du programme de mathmatiques au primaire et au secondaire. Une

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    telle utilisation des situations problmes est la source de la construction de connaissances math-matiques chez llve. Une telle orientation pose toutefois divers dfis lenseignant, supposantpour atteindre cet objectif de dveloppement conceptuel un certain choix de problmes et laclarification dune approche susceptible de favoriser le dveloppement dhabilets en ce domaine.

    15. Il existe une abondante documentation tentant de cerner les enjeux lis au dveloppement duneculture de collaboration entre enseignants dans les coles [voir les travaux de Fullan (1990),de Hargreaves et Dawe (1990), de Little (1982, 1984, 1990), de Lieberman et Miller (1990a,1990b, 1990c) et dOja et Pine (1987)].

    16. Ce critre de double vraisemblance, mentionn par Dubet (1994), fait partie, pour nous, dunerflexion plus vaste poursuivre sur les critres de rigueur mthodologique dvelopper enlien avec des pratiques de recherche q