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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017 1 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48 Des vertus contraignantes du crowdfunding en contexte africain: une étude comparative de deux associations camerounaises (2008-2018) Jonas TCHAPNGA Doctorant en sciences de gestion FSEG, Université de Dschang, Cameroun Courriel : [email protected] RESUME L’objectif de cet article est de tenter d’expliquer pourquoi une évolution lente dans le développement du crowdfunding en contexte africain, malgré les nombreuses années d’existence de ce style de financement sur le continent ; et d’identifier les outils indispensables pour sa gestion. Nous avons opté pour une étude exploratoire. Nos travaux sont fondés sur une analyse comparative du fonctionnement de deux associations camerounaises, pendant la période 2008 à 2018. A partir du contexte camerounais deux enseignements principaux peuvent être tirés sur la base d’une étude longitudinale des deux cas spécifiques présentés. Comme premier enseignement, il est noté que la négligence de l’usage par les acteurs eux-mêmes de deux outils essentiels (la « mobilité prévisionnelle » et le « contrôle actif ») qui peuvent être considérés comme des vertus contraignantes, explique fondamentalement l’évolution limitée du style de crowdfunding africain. Le second enseignement relève surtout des pouvoirs publics. Les pouvoirs publics semblent ignorer l’enjeu de cette source de financement pourtant ancienne dans les pratiques, et suffisamment novateur pour une relance durable de l’économie de type africain, qui par ailleurs détient de solides appuis plutôt dans l’informel. Mots clés : Crowdfunding - Tontine « Mobilité prévisionnelle » « Contrôle actif » vertus contraignantes.

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

1 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

Des vertus contraignantes du crowdfunding en contexte

africain: une étude comparative de deux associations

camerounaises (2008-2018)

Jonas TCHAPNGA

Doctorant en sciences de gestion

FSEG, Université de Dschang, Cameroun

Courriel : [email protected]

RESUME

L’objectif de cet article est de tenter d’expliquer pourquoi une évolution lente dans le développement

du crowdfunding en contexte africain, malgré les nombreuses années d’existence de ce style de

financement sur le continent ; et d’identifier les outils indispensables pour sa gestion.

Nous avons opté pour une étude exploratoire. Nos travaux sont fondés sur une analyse comparative

du fonctionnement de deux associations camerounaises, pendant la période 2008 à 2018.

A partir du contexte camerounais deux enseignements principaux peuvent être tirés sur la base d’une

étude longitudinale des deux cas spécifiques présentés. Comme premier enseignement, il est noté que

la négligence de l’usage par les acteurs eux-mêmes de deux outils essentiels (la « mobilité

prévisionnelle » et le « contrôle actif ») qui peuvent être considérés comme des vertus contraignantes,

explique fondamentalement l’évolution limitée du style de crowdfunding africain. Le second

enseignement relève surtout des pouvoirs publics. Les pouvoirs publics semblent ignorer l’enjeu de

cette source de financement pourtant ancienne dans les pratiques, et suffisamment novateur pour une

relance durable de l’économie de type africain, qui par ailleurs détient de solides appuis plutôt dans

l’informel.

Mots clés : Crowdfunding - Tontine – « Mobilité prévisionnelle » – « Contrôle actif » – vertus

contraignantes.

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

2 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

Introduction

Le financement des projets conditionnés par l’emprunt indivis1 et l’emprunt obligataire2

connait quelques limites3. De plus en plus, les porteurs de projets, les associations, les

entrepreneurs et même les entreprises en quête de fonds, se tournent progressivement vers le

financement participatif ou crowdfunding4 (littéralement « financement par la foule », c’est-à-

dire le grand public, les particuliers). Selon MOLLICK, (2014), le crowdfunding existe sous

plusieurs formes5. En contexte africain, la rareté et même l’absence d’une culture d’épargne

publique semble avoir favorisé jadis, les plateformes qui abritent ces types de financement,

mais pour quels objectifs ? Et comment sont-elles gérées ? En effet, en contexte africain, ces

structures sont plus anciennes sous d’autres appellations telles que « la tontine », « les

associations tribales », « les mutuelles » (au Cameroun par exemple). Cependant, même si

assez souvent, les projets financés par ce biais semblent peu normés6, les bases de ces types

de crowdfunding devraient respecter un minimum de vertus (principe) de gestion pour plus

d’efficience. Ainsi, malgré la longue expérience (présence) africaine de ces formes de

financements participatifs, leur développement demeure peu innovant au regard du rythme de

la croissance économique du continent. Pourquoi cette évolution lente dans le développement

du crowdfunding, malgré ses nombreuses années d’existence sur le continent ?

Cette communication à pour objectif d’explorer à partir du Cameroun deux associations qui

sont en apparence quasi identiques. Ces deux associations ont mis en place chacune, une

plateforme de crowdfunding sur une période relativement longue; mais avec des résultats très

divergents. Ce qui peut nous permettre d’observer quelques indicateurs de facteurs de faible

ou de forte performance dans ce type de financement.

Si selon Grimand et al. (2012), Foucault (1975) dans ces travaux a analysé les vertus

contraignantes dans le domaine du gouvernement des organisations et du contrôle, dans son

développement de la notion d’efficience X, Leibenstein (1975) se pose la question de savoir

pourquoi des firmes quasi identiques quant à leurs compositions factorielles, parviennent à

des résultats très inégaux en termes de productivité. Cette théorisation nous semble assez

appropriée pour l’analyse du crowdfunding en contexte africain. En effet, sur la base de nos

analyses de terrain, lorsque nous observons le fonctionnement de cette plateforme en Afrique,

nous pouvons réaliser que l’élaboration d’une « mobilité prévisionnelle »7 suivie est peu

utilisée ; moins encore un « contrôle financier actif »8. Ainsi, à la faveur de la théorie de

l’efficience X de LEIBENSTEIN, nous postulons dans cette étude que les différences de

productivité observées sur des plateformes quasi identiques quant à leurs compositions

1 Il s’agit d’un emprunt contracté auprès d’un prêteur unique (banquier ou particulier, etc.).. 2 Cette forme d’emprunt fait appel à plusieurs prêteurs (c’est l’épargne publique, généralement réalisée dans le

cadre d’un marché financier ou bourse des valeurs). 3 Notamment : le secteur informel et les petits projets ont difficilement accès à ces types crédit ; seules les

entreprises de capitaux d’une certaine taille ont accès au marché financier. 4 Pour plus de détail voir : Ordre des Experts-Comptables (2015), Guide du financement participatif, 70ème

congrès, Paris. 5 Le don, le don avec récompenses, l’achat de participations ou equity crowdfunding, le prêt rémunéré ou

crowdlending. 6 Notamment parce que, les projets financés dans ce cadre ne respectent pas nécessairement la réglementation

spécifique comme dans le cadre des marchés financiers classiques.

7 Cette notion à notre sens, suppose que les objectifs prévisionnels élaborés pour des périodes constantes bien

dimensionnées (de dix ans par exemple) sont repensés, améliorés et renouvelés en fin de période. 8 Cette notion dans notre étude, va supposer que le contrôle est effectif, coercitif et progressif année après année.

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3 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

factorielles, s’expliqueraient par des différences dans la vision et la qualité de l’organisation

mise en œuvre dans chacune d’entre elles. En d’autres termes, en dehors des composantes

factorielles identiques, si les principes de la rationalité du management (TABATNI et

JARNIOU, 1975) sont appliqués, la plateforme sera nécessairement efficiente, si nous

voulons mesurer la performance en termes d’efficience comme le préconise DEBRUYNE

(2013).

Notre recherche présente en contexte africain, plusieurs contributions. Premièrement, elle

contribue à la littérature sur le financement participatif ou crowdfunding, en mettant en

exergue la qualité du management (modèle économique et fonctionnement) 9 de la plateforme,

comme déterminant principal de son efficience. Deuxièmement, ce papier participe aux

recherches sur la perception du comportement10 des promoteurs et dirigeants concernant

l’apport de cette plateforme au financement des projets, des particuliers et des acteurs de

l’économie sociale et solidaire. Troisièmement, notre étude présente une diversification des

contextes étudiés, surtout lorsqu’on sait que la question est relativement peu étudiée en

Afrique.

Pour cette recherche, nous présentons le cadre théorique en explorant quelques travaux qui

évoquent les objectifs et la gestion du financement participatif ou crowdfunding, ainsi que les

principaux concepts (I). L’approche de Foucault par rapport aux vertus contraignantes et de

Leibenstein sur l’efficience organisationnelle sont étudiées au travers des caractéristiques de

la rationalité du management (Tabatoni et Jarniou) propres à ce cadre d’analyse. Nous

décrivons ensuite la méthodologie de la recherche (II). Enfin, nous étudions les principaux

résultats obtenus autour des caractéristiques contraignantes de la discipline de gestion à

travers une mobilité prévisionnelle et un contrôle actif (III).

1 Le crowdfunding : une analyse contextuelle

Préjean dans l’avant-propos du guide du financement participatif (2015) nous rappelle que

l’avènement du numérique dans notre vie quotidienne (utilisation croissante des sites d’e-

commerce, services en ligne, explosion des réseaux sociaux…) bouleverse nos anciens

repères. La rapidité et la simplicité qui en découlent ont permis l’apparition de nombreuses

FinTech11 qui proposent aujourd’hui des solutions alternatives aux financements bancaires

classiques.

C’est dans cet environnement qu’a émergé la finance participative ou crowdfunding. Il s’agit

selon ce guide de financement participatif (2015) élaboré par l’ordre des experts comptable

français, d’un nouveau mode de financement qui permet de développer tous types de projets,

en s’appuyant sur les contributions financières du grand public, en dehors des circuits de

financement traditionnels. Venu des pays anglo-saxons, le financement participatif permet de

récolter des fonds, auprès du grand public, généralement de petits montants, via une

plateforme internet pour financer un projet artistique (musique, édition, film…), solidaire ou

entrepreneurial. Les projets peuvent être portés par différents types d’acteurs : entreprises, 9 Pour plus de détail, voir les travaux de : Belleflamme, Omrani et Peitz, 2015 ; Bessière et Stéphany, 2014. 10 Voir Notamment les travaux de : Bessière et Stéphany, 2014 ; Onnée et Renault, 2014 ; Cholakova et

Clarysse, 2015 11 Ce mot combine les termes « finance » et « technologie » : il s’agit de start-up innovantes qui utilisent la

technologie pour repenser les services financiers et bancaires

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4 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

associations, particuliers… Le crowdfunding ou encore la finance participative recouvre

différentes formes : le don avec ou sans contrepartie (le plus souvent en échange d’une

récompense) ; le prêt à titre gratuit (prêt solidaire) ou rémunéré (« lending crowdfunding ») et

la souscription de titres de capital ou de créances (« equity crowdfunding »).

Quels sont les objectifs ? Comment est-il géré ? Est-ce la même approche en Afrique ? qu’est-

ce qui fait problème dans en contexte africain?

1.1 Evolution du crowdfunding en France

Le crowdfunding est très souvent considéré, comme une plateforme concurrente aux acteurs

du financement classique. Pourtant, elle devrait être vue comme une alternative à ceux-ci, et

dans certaines circonstances le financement participatif peut être combiné avec d’autres types

de financement. Lorsqu’un porteur de projets réussit à lever des fonds avec succès sur une

plateforme de financement participatif il peut jouir d’une crédibilité plus forte auprès des

autres financeurs. Pour certaines banques, ces plateformes fonctionnent avec elles comme des

partenaires. Ces alliances profitent aux deux parties puisqu’elles leur permettent d’accroître

leur offre de placement d’une part, et d’apporter un soutien financier plus important aux

projets, d’autre part. Dans d’autres cas, une levée de fonds sur une plateforme d’equity peut

être complétée par l’intervention de fonds d’investissement. Le financement participatif est

donc plutôt complémentaire aux formes de financement traditionnelles.

1.1.1 Le financement participatif sous forme de don (avec ou sans contrepartie)

Le don en tant que financement participatif peut présenter une contrepartie ou non : en

échange des fonds qu’il reçoit, le porteur de projet peut choisir de livrer aux contributeurs un

produit ou un service d’une valeur généralement inférieure aux sommes perçues. Avoir

recours à un financement par le don peut constituer une première étape avant de solliciter un

prêt bancaire, ou se combiner avec celui-ci. Il peut aussi attirer le soutien de business angels.

En effet, dans un premier temps l’opération permet de renforcer ses fonds propres, ce qui rend

plus crédible la demande d’un prêt bancaire dans un second temps. Le porteur qui présente

son projet sur une plateforme de don n’aura donc pas à rembourser les éventuels

contributeurs. Il aura à supporter une commission facturée par la plateforme, s’élevant en

général à 8 % du montant total des fonds récoltés.

1.1.2 Le financement participatif sous forme de prêt (« crowdlending »)

Le prêt présente lui-même deux segments : le prêt solidaire (sans intérêt) permettant de

financer de modestes projets entrepreneuriaux de proximité (généralement entre 100 et 10 000

euros) et le prêt rémunéré (« crowdlending ») pour financer des projets d’entreprise dans la

limite d’un million d’euros. Parmi les trois formes de financement participatif, le prêt est

aujourd’hui le plus dynamique en volume. Il représente 88,4 millions d’euros de fonds levés

en France en 2014 contre 47,9 en 2013. Cette tendance va probablement s’accélérer avec la

nouvelle réglementation instaurant une dérogation au monopole bancaire permettant aux

plateformes de prêt de proposer le financement de projets par des prêts rémunérés à taux fixe

dès lors que ce dernier n’est pas usuraire.

En effet, l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014, complétée du décret n° 2014-

1053 du 16 septembre 2014, relative au financement participatif, entrée en vigueur le

1er octobre 2014, a créé le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP).

Un cadre régulé et un régime prudentiel allégé ont été mis en place pour exercer

l’activité de plateforme proposant aux personnes physiques, sur un site Internet, le

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5 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

financement de projets sous forme de prêts, rémunérés ou non, sous réserve qu’ils ne

constituent pas des crédits à la consommation.

Les projets ayant recours au financement participatif par le prêt solidaire sont pour la plupart

situés dans des pays en voie de développement et sollicitent des sommes moins importantes

que le prêt rémunéré. A l’heure actuelle, les personnes physiques n’agissant pas à des fins

professionnelles ou commerciales peuvent prêter : sur le segment du prêt rémunéré lorsque le

projet porte sur le financement d’une formation initiale ou continue d’une personne physique,

ou tout autre objet dès lors que le porteur de projet est une personne physique ou morale

agissant à des fins professionnelles ; sur le segment du prêt solidaire lorsque le projet porte

sur le financement d’une formation initiale ou continue d’une personne physique, ou tout

autre objet dès lors que le porteur de projet est : une personne physique agissant ou non à des

fins professionnelles ; ou une morale agissant à des fins professionnelles ; ou une association

sans but lucratif ou une fondation reconnue d’utilité publique accordant des prêts pour la

création, le développement et la reprise d’entreprises.

On notera qu’actuellement, les plateformes de prêt, selon qu’elles utilisent ou non le

mécanisme des bons de caisse, ne sont pas soumises à la même réglementation. Néanmoins,

dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l'égalité des chances économiques (dite

loi Macron), est envisagée la possibilité pour les personnes morales de prêter à d’autres

entreprises par le système des bons de caisse.

Le financement participatif sous forme de prêt permet au porteur de projet de tester son

produit. Par ailleurs, l’octroi d’un prêt est simple, rapide et ne nécessite pas de garantie de sa

part. Ce mode de financement se révèle également très attirant pour de potentiels

contributeurs. A titre d’exemple de plus en plus de conseillers en gestion de patrimoine s’y

intéressent. Tout ceci en fait un marché très important qui continue de croître.

Recourir au financement participatif par le prêt rémunéré implique le paiement d’une

commission à la plateforme, qui va de 4 à 7 % du montant total levé. A cette commission

s’ajoutent les intérêts du prêt pour rémunérer le prêteur et les honoraires de l’expert-

comptable s’il est intervenu. Au niveau du prêt solidaire, la commission de la plateforme

souvent calculée sur la durée de l’avance est généralement comprise entre 3 et 6 %.

Il est important de faire une distinction entre prêt participatif et financement participatif sous

forme de prêt : le prêt participatif est un moyen de financement intermédiaire destiné aux

PME se positionnant entre le prêt à long terme et la prise de participation. Il présente

l’avantage de ne pas modifier la répartition du capital, préservant ainsi l’indépendance de

l’entreprise, et il se rémunère souvent selon un intérêt fixe auquel se rajoute une participation

aux résultats de l’emprunteur. Le financement participatif sous forme de prêt est quant à lui

un prêt rémunéré (donnant droit à des intérêts) ou non qui fonctionne comme un prêt classique

mais présentant la particularité d’être accordé par des particuliers à des entreprises par

l’intermédiaire d’un site internet (plateforme).

1.1.3 Le financement participatif en capital (« crowdequity »)

Il s’agit ici de permettre aux internautes d’entrer directement ou indirectement au capital

d’entreprises qui cherchent des nouvelles sources de financement. Le financement participatif

en capital consiste pour une entreprise à lever des fonds en émettant des titres de participation

ou des créances auprès du grand public via une plateforme Internet. L’augmentation de capital

peut se faire en direct ou par l’intermédiaire d’un fonds commun de placement ou une

holding. Les investisseurs personnes physiques ou morales, peuvent ainsi souscrire des titres

de capital ou de créances en contrepartie des fonds apportés à l’entreprise porteuse du projet.

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6 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

La règlementation entrée en vigueur le 1er octobre 2014, résultant de l’ordonnance n° 2014-

559 du 30 mai 2014 et du décret n° 2014-1053 du 16 septembre, relatifs au financement

participatif, a créé le statut de Conseiller en Investissements Participatifs (CIP) qui définit un

régime assoupli pour les offres au public de titres financiers. Les plateformes peuvent ainsi

proposer la souscription d’actions ordinaires et d’obligations à taux fixe de SA ou SAS aux

investisseurs.

Le financement participatif en capital s’adresse plutôt aux entreprises en phase de croissance

nécessitant des capitaux. Il est surtout lié au type de besoin et de risque accepté par le porteur

de projet. Même si l’innovation et la technologie y sont plus représentées que le secteur

artistique, le crowdequity s’adresse aux sociétés de toutes tailles et de tous secteurs. Les SAS

sont également plus susceptibles de solliciter ce mode de financement et ceci à tout moment

de leur cycle de vie.

1.2 Le contexte africain du crowdfunding

La lenteur de l’évolution de ce type de plateforme en contexte africain semble être le fait

d’un manque de vision et d’une indiscipline dans sa gestion. A notre sens, cette indiscipline

peut essentiellement être dû à la négligence des deux vertus contraignantes que nous avons

évoqué plus haut sous les termes de la «mobilité prévisionnelle » et du « contrôle actif ».

En effet, en Afrique, les difficultés d’accès au crédit ont depuis longtemps contraint les

populations à développer des reflex d’épargne solidaire pouvant les aider simultanément à

financer leur besoins élémentaires et leurs petits projets (santé, scolarité, équipement, petit

commerce, petites industrie, etc.). Cette pratique africaine et notamment camerounaise

couramment désignée sous l’appellation de « Tontine », a au fils de temps pris de l’ampleur et

s’est même dans certain cadre d’affaires imposée comme modèle de financement de projets

importants. Cependant, plusieurs freins contextuels ne semblent pas favoriser l’éclosion de cet

outil en apparence très performant.

Le développement de l’informel dû au taux de chômage élevé n’a pas encouragé la rationalité

de la gestion des entités mise en place, tant pour ces structures de financement que pour les

entités financées. Ainsi, la qualité de l’information de gestion produite et utilisée dans leur

mangement est plus souvent diluée. Ce qui favorise aussi des manipulations et gestion de

données. Le niveau moral de la population (éducation de base médiocre, indiscipline, absence

de modèle, mauvaise gestion de la cité, principes éthiques bafoués, etc.) est un indicateur

important qui nous permet d’appréhender la tendance d’évolution de ce phénomène.

Pourtant, les pouvoirs publics au lieu d’insister sur la pression fiscale, aurait pu aussi mettre

en place un processus de règlementation plus souple et simple, qui encourage ceux qui n’ont

pas la capacité d’affronter les institutions financières de se mettre ensemble pour lever ces

fonds utiles à leur besoin et à l’économie toute entière. Toutefois, même en l’absence de cet

encadrement souhaité des autorités étatiques, le simple respect des vertus contraignantes que

nous essayons de proposer dans cette étude semble être un atout important dans la réussite de

ce type de plateforme du crowfunding en Afrique.

1.3 L’approche Foucaldienne des vertus contraignantes et le crowfunding

Michel Foucault est un philosophe français ayant inspiré des travaux dans les domaines du

gouvernement des organisations et du contrôle. Surveiller et punir : Naissance de la prison

(1975) est l’ouvrage de Foucault qui a le plus inspiré les travaux sur les organisations et

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

7 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

l’entreprise (Pezet, 2004). Cet ouvrage contribue à inscrire les travaux de Foucault dans une

perspective critique mais aussi dans une sphère particulière (celle des institutions singulières

comme la prison ou l’hôpital psychiatrique) et laisse supposer qu’il ne s’intéresse qu’à la «

surveillance » ou à la « discipline » qui apparaissent alors comme des phénomènes

extrêmement spécifiques (Coopey & McKinlay, 2010).

A juste titre, cette perspective critique de Foucault a été prolongée par les auteurs qui ont

mobilisé ce cadre théorique. Hopwood (1987) a ainsi utilisé les travaux de Foucault pour

mettre en évidence que la comptabilité est un outil qui permet de décrire une réalité

économique mais aussi un instrument de surveillance des individus puisqu’il contribue à

vérifier que leurs comportements sont bien alignés avec les décisions stratégiques qui ont été

prises dans l’organisation. De la même manière, la fixation de coûts standards permet de

normé les comportements des ouvriers (Miller & O'Leary, 1987). En effet, ces coûts standards

rendent transparents les comportements et permettent de comparer l’efficience de chaque

salarié. Pour Miller et O’Leary (1987), les dispositifs de contrôle se voient placés comme des

instruments de gouvernement de la vie économique et des conduites individuelles tournés vers

l’efficience organisationnelle

Les chiffres ainsi produits définissent les aspects visibles de la performance et la rende ainsi

calculable. Appliqués aux évaluations non financières, Ogden (1997) remarque que les

indicateurs non financiers engendrent la discipline en créant un nouvel espace de calculabilité

des performances. Il souligne par exemple, le rôle de la transformation du client en objet de

mesure comme facteur de discipline des acteurs impliqués par le contrôle. Pour Foucault

(1975), les techniques disciplinaires fonctionnent comme des mécanismes fabriquant des

individus utiles et garantissant leurs obéissances. Un système est disciplinaire si les

techniques qui permettent de voir induisent des effets de pouvoir et si en retour les moyens de

coercition rendent visibles ceux sur qui ils s’appliquent (principe de visibilité) en permettant

au contrôleur de « voir sans être vu » (principe d’invisibilité). Citant Foucault, Pezet écrit

ainsi, pour cet auteur : « le savoir n’est pas fait pour comprendre, il est fait pour trancher »

(Pezet, 2004, p.173).

L’articulation du cadre conceptuel d’Hatchuel avec les lignes de forces des travaux de

Foucault que nous venons de rappeler nous semble de nature à enrichir le cadre théorique de

Foucault et à ouvrir plus clairement la réflexion vers les dimensions habilitantes du contrôle

sans pour autant conduire à perdre les capacités d’analyse de Foucault sur les dimensions

disciplinantes des techniques d’exercice du pouvoir. Cette articulation nous semble très

largement possible car les cadres conceptuels de Foucault et de Hatchuel partagent de

nombreux principes. En particulier, Hatchuel souligne l’importance de ce qu’il nomme le «

principe d’inséparabilité » (Hatchuel, 2003). Ce principe stipule que savoirs et relations ne

peuvent jamais être pensés séparément. Ils sont toujours étroitement reliés et, plus

précisément, toute action sur l’un des éléments du principe S/R (S comme Savoirs et R

comme Relations) a nécessairement un effet sur l’autre élément de ce principe. Ainsi, toute

évolution dans les savoirs d’un individu se traduit systématiquement par une transformation

de ses relations à l’autre. Inversement, toute évolution dans ses rapports à autrui se traduit par

une transformation des savoirs de l’individu (ce qu’on sait de l’autre, ce qu’on sait de soi-

même, etc.). Ce principe d’inséparabilité est également à l’œuvre dans l’usage des outils de

gestion. Un outil de gestion n’est pas qu’un vecteur pour produire de la connaissance sur la

réalité organisationnelle et instruire les différents actes de la gestion (prévoir, décider, évaluer,

contrôler) ; son usage structure et altère les relations entre acteurs. Ainsi, une enquête

d’opinion interne n’est pas qu’un moyen pour appréhender l’état du climat social dans une

organisation ; son usage même modifie les relations entre les salariés et la direction. Ce «

principe d’inséparabilité » ou « principe S/R » participe directement de la même logique que

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8 J. TCHAPNGA / Université de Dschang / email: [email protected] /Tel: 00237 677 60 08 48

le lien entre savoir et pouvoir que nous avons ci-dessus, décrit comme fondateur dans les

travaux de Foucault. Cette proximité est particulièrement visible dans l’article qu’Hatchuel

(1999) a consacré aux travaux de Foucault.

1.4 Cadre conceptuel de Leibenstein sur l’efficience organisationnelle

Leibenstein (1975, 1987) se situe dans le prolongement de Simon (1960), notamment

lorsqu’il met en évidence l’importance de la variable « organisation » dans l’efficience de la

firme à travers ce qu’il appelle la « notion d’efficience X ».

En effet, lorsqu’il observe la théorie standard, il réalise qu’elle ne retient qu’une seule forme

d’efficience qu’il désigne comme « efficience allocative » dans la mesure où la théorie

néoclassique pense que si le marché n’est pas entravé par des réglementations, il alloue de

façon optimale les facteurs de production entre firmes et secteurs. Il se pose donc la question

de savoir pourquoi alors certaines firmes ont une productivité plus élevée que d’autres

En fait Leibenstein a une argumentation très profonde et destructrice pour la vision de la firme

néoclassique standard. Cette argumentation consiste en effet à insister sur le fait que la seule

chose que les firmes peuvent acheter avec certitude, ce sont des « unités de temps de travail »

qui ne peut garantir la productivité qui sera obtenue de chaque firme, comme de l’ensemble

des unités acquises. Ainsi, il existe un facteur « X » distinct des facteurs traditionnels de la

théorie standard du capital et du travail qui explique l’efficience ou l’inefficience des firmes.

Après avoir émis plusieurs hypothèses pour expliquer l’origine de ce facteur « X », il conclura

que le rôle central est tenu par la qualité de l’organisation interne de la firme. Ainsi, il

soutiendra que l’objet de l’organisation est d’obtenir la plus grande intensité possible

d’utilisation des facteurs, et notamment des « unités de travail » achetées, pour parvenir à la

plus grande efficience possible de la firme12. Ce qui à notre sens s’assimile à l’appropriation

et à l’application effective des principes de la rationalité du management (Tabatoni et

Jarniou, 1975). Ces deux auteurs ont essentiellement résumé ces principes dans trois

composantes. Le système de finalisation (décrire, quantifier, diffuser les objectifs ; réfléchir

sur des thèmes importants ; élaborer des analyses prévisionnelles dans le temps ; etc.). Le

système d’organisation (élaborer et mettre à jour l’organigramme ; décrire avec précision les

taches ; standardiser les services ; élaborer les manuels de procédures ; etc.). Le système

d’animation (stimuler les responsables choisis ; animer et suivre attentivement les équipes de

travail ; veiller sur les conditions techniques, sociales, environnementales de travail ; évaluer

et réorienter l’atteinte des objectifs ; etc.)

2 Démarche méthodologique adoptée

Nous allons maintenant présenter deux études de cas réalisées sur deux types d’outils de

gestion (l’élaboration d’une mobilité prévisionnelle et le contrôle financier actif) qui, de

manière symétrique, permettent d’illustrer cet enrichissement conceptuel. Après avoir

présenté et justifié notre méthodologie (2 1.), nous présenterons brièvement les deux outils

analysés (2 2.).

2.1 Les données collectées

Nos objets de recherche sont des outils de gestion spécifiques qu'il faut inscrire dans leur

contexte organisationnel. Il s’agit d’une première caractéristique qui favorise le recours à

12 Leibenstein H., Inside the firm: the efficiencies of hierarchy, Cambridge, Harvard University Press, 1987, 276p.

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l’étude de cas (Ragin & Becker, 1992). Les frontières conceptuelles, spatiales et temporelles

de ces phénomènes (les situations de travail, les compétences, les outils RH, etc.) ne sont pas

Immédiatement perceptibles. Elles sont très largement dépendantes du contexte dans lequel le

Phénomène étudié a lieu. Afin de rendre plus visible les phénomènes que nous analysons, il

nous a semblé utile de présenter deux études de cas complémentaires. L’étude de cas sur

l’indiscipline dans le respect des principes de gestion sur une plateforme de financement

participatif dénommé « OSF13 » met en évidence le passage d’un outil d’analyse

prévisionnelle bien élaboré à un suivi de gestion qui compromet significativement l’efficience

organisationnelle. L’étude de cas sur la discipline dans le respect des principes de gestion sur

une plateforme de financement participatif dénommé « CAF14 » met en évidence le passage

d’un outil d’analyse prévisionnelle bien élaboré à un suivi de gestion qui améliore

significativement l’efficience organisationnelle.

Les données recueillies dans ces deux études de cas l’ont été sur la base d’une étude

documentaire et d’entretiens semi-directifs (tableau 1).

Tableau 1. Les données collectées par la recherche

Données Etude 1 (OSF) Etude 2 (CAF) Documents Rapports d’activités ; Plan

stratégique prévisionnelle à

horizon 2018 ; Rapports financiers

annuels

Rapports d’activités ; Plan

stratégique prévisionnelle à

horizon 2018 ; Sélection d’un

ensemble d’indicateurs de suivi ;

Rapports financiers annuels ;

tableau de bord annuel, second

plan stratégique prévisionnelle à

l’horizon 2028

Entretiens 3 entretiens semi-directifs 5 entretiens semi-directifs

2.2 Les outils de gestion étudiés

Les outils étudiés se situent dans le domaine de la discipline de gestion et du suivi de

réalisation des objectifs fixés.

Il s’agit pour chacune de ces deux plateformes de mener des investigations similaires avec

comme base d’évaluation un ensemble d’indicateurs que nous avons regroupé sous les deux

outils de gestion dénommés : la « mobilité prévisionnelle » ( la description et la quantification

des objectifs à long terme ; l’élaboration d’une analyse prévisionnelle mobile avec projection

dans le temps à travers des comptes d’exploitation prévisionnel périodique) ; le « contrôle

13 L’Organisation de Solidarité des Familles (OSF) est une plateforme de financement participatif mise en place

au Cameroun par quelques couples chrétiens inter-dénominationnels. Les membres sont présents sur toute

l’étendue territoriale et même une diaspora existe. Des rencontres régionaux périodiques se tiennent

régulièrement. 14 La Caisse d’Aide Fraternelle (CAF) est une plateforme de financement participatif initiée par quelques

membres du Groupe Biblique Universitaire (GBU) camerounais. Le GBU est une organisation, qui est présente

en milieu universitaire dans plusieurs pays dans le monde. Il a pour objectif d’équiper l’étudiant des principes

liés à l’éthique chrétienne, pour l’aider à être transformé pour la vie en société. Conscients qu’une forte

croissance exige des fondations solides, le GBU s’emploie à identifier dans la bible et à promouvoir, l’excellence

ainsi que les meilleures pratiques dans cinq domaines principaux : Gouvernance, Développement

organisationnel, Partenariats mondiaux, Ressources humaines et soins pastoraux, Recherche et innovation.

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actif » ( construction de tableaux de bord conséquent pour un suivi de gestion progressif ; un

système de contrôle suffisamment contraignant).

3 Résultats obtenus

Les éléments de ces résultats sont de trois ordres : l’analyse de la simulation prévisionnelle de

début de période décennale, l’analyse du style et des indicateurs de gestion des deux

plateforme pendant la période, l’analyse de la nouvelle simulation prévisionnelle décennale

proposée en fin de période.

3.1 Simulation prévisionnelle de début de période

Cas de la plateforme OSF

Il s’agit d’une association de couples chrétiens qui, pour essayer de se mettre ensemble dans

le but de résoudre certains de leurs difficultés, choisissent de construire une plateforme de

capitalisation financière. L’objectif de cette plateforme est double : contribuer au financement

de la mission évangélique (financement participatif sous forme de don sans contrepartie) et

soutenir en permanence leurs projets familiaux et professionnels (crowdlending). Créé en 1999

(sur le plan légal), ce double objectif va se réaliser progressivement jusqu’en 2007 avec une

option simple et moins ambitieuse. Exiger de chaque famille de constituer sur la plateforme

un capital de 500 000 FCFA, dont le cumul permettrait du produire des revenus nécessaires au

financement de la mission et au fonctionnement de l’organisation. Au bout de cette période

décennale, quelques membres de l’association vont mener une réflexion assez profonde et

faire une nouvelle proposition sur dix ans dont la simulation est synthétisée dans le tableau ci-

après.

Tableau 2 : simulation prévisionnelle OSF (2008 - 2018)

Années Nbre Mbres

Constitution capital/mbre

Capital cumulé

Prêts potentiels

intérêts /prêts

2007 35 500 000 17 500 000 14 000 000 1 680 000

2008 40 500 000 20 000 000 16 000 000 1 920 000

2009 45 750 000 33 750 000 27 000 000 3 240 000

2010 50 1 000 000 50 000 000 40 000 000 4 800 000

2011 55 1 250 000 68 750 000 55 000 000 6 600 000

2012 60 1 500 000 90 000 000 72 000 000 8 640 000

2013 65 1 750 000 113 750 000 91 000 000 10 920 000

2014 70 2 000 000 140 000 000 112 000 000 13 440 000

2015 75 2 250 000 168 750 000 135 000 000 16 200 000

2016 80 2 500 000 200 000 000 160 000 000 19 200 000

2017 85 2 750 000 233 750 000 187 000 000 22 440 000

2018 90 3 000 000 270 000 000 216 000 000 25 920 000

Le tableau ci-dessus est la synthèse de la réflexion menée par quelques membres pour

réorienter progressivement les objectifs de la plateforme vers un style de crowdfunding plus

ambitieux pendant la prochaine période de dix ans. En fin 2007, la plateforme compte déjà 35

couples pour un capital constitué de 17 500 000 FCFA qui lui permet d’octroyer annuellement

des prêt d’environ 14 000 000 FCFA pour des intérêts de 1 680 000 FCFA.

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Sur la base de ces acquis, une autre proposition est faite pour la période décennale suivante.

Prévoir que chaque année, les membres de la plateforme vont s’incrémenter de 5 couples.

Inclure aussi l’option d’augmenter annuellement le capital planché de chaque couple de

250 000 FCFA. Le potentiel annuel d’octroi de prêt est estimé à 80% du cumul des capitaux

avec 1% mensuel de taux d’intérêt.

Si donc ce nouveau système est mis en place et il est rigoureusement suivi, en 2018, chaque

couple aura constitué un capital minimal de 3 000 000 FCFA, la plateforme détiendra une

capacité d’autofinancement des projets d’environ 270 000 000 FCFA et des revenus annuel

qui avoisinent les 25 920 000 FCFA.

Cas de la plateforme CAF

Il est question ici d’une association de jeunes cadres chrétiens membres des GBU (avec des

objectifs sensiblement similaires à la première association OSF). Bref, cette plateforme de

crowdfunding a été créée par ces jeunes (au travers du concept de « tontine »), pour trouver

ensemble des esquisses de solution à leur problème de financement de la mission évangélique

dans les établissements scolaires et sur les campus universitaires (financement participatif sous

forme de don sans contrepartie), puis développer aussi le moyen de financer leur projets

d’affaires (crowdlending).

Créé en 1999 (sous forme de tontine), ce double objectif va se réaliser progressivement

jusqu’en 2008 avec une option simple et moins ambitieuse. Exiger de chaque membre de

laisser lors de son gain de tontine 10% de la cagnotte pour le financement de la mission, aider

à financer de très petits projets et pour le fonctionnement de l’organisation. Au bout de cette

période décennale, quelques membres de l’association vont mener une réflexion approfondie

et proposer à l’association un nouveau système plus proche d’une plateforme de crowfunding

dont la simulation est synthétisée dans le tableau ci-après.

Tableau 3 : simulation prévisionnelle CAF (2008 - 2018)

Années Nbre

Mbres

nbre parts

retenue retenue annuelle

retenues cumulées

Prêts potentiels

Intérêts sur prêts

2008 20 3 540 850 2308 000

2009 20 20 200 000 4 000 000 7 540 850 6 032 680 723 922

2010 25 25 200 000 5 000 000 12 540 850 10 032 680 1 203 922

2011 30 30 200 000 6 000 000 18 540 850 14 832 680 1 779 922

2012 35 35 200 000 7 000 000 25 540 850 20 432 680 2 451 922

2013 40 40 200 000 8 000 000 33 540 850 26 832 680 3 219 922

2014 45 45 200 000 9 000 000 42 540 850 34 032 680 4 083 922

2015 50 50 200 000 10 000 000 52 540 850 42 032 680 5 043 922

2016 55 55 200 000 11 000 000 63 540 850 50 832 680 6 099 922

2017 60 60 200 000 12 000 000 75 540 850 60 432 680 7 251 922

2018 65 65 200 000 13 000 000 88 540 850 70 832 680 8 499 922

Le tableau ci-dessus est la synthèse de la réflexion menée par quelques membres pour

réorienter progressivement les objectifs de la plateforme vers un style de crowdfunding plus

ambitieux pendant la prochaine période décennale. En fin 2008, la plateforme compte déjà 20

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membres pour un capital constitué de 3 540 850 FCFA qui a permis d’octroyer annuellement

2 308 000 FCFA de prêts.

Sur la base de ces acquis, une autre proposition est faite pour la période décennale suivante.

Améliorer la capitalisation de la plateforme en instaurant un nouveau système. Ainsi, pour la

période 2009 – 2018, La part de tontine mensuelle est de 100 000 FCFA pour un gain de

1 200 000 FCFA demeure. Seulement, au lieu de contribuer au moment du gain de 10% de la

cagnotte (soit 120 000 FCFA) à la plateforme de capitalisation, il est désormais retenu

200 000 FCFA pour chaque gain de 1 200 000 FCFA pour la capitalisation de la plateforme.

Contrairement à la première formule où la retenu de 10% était à fonds perdu, dans la nouvelle

formule, la retenu de 200 000 FCFA constitue progressivement le capital du membre,

enregistré dans son compte. Ce sont les revenus issus des prêts octroyés sur la base des

capitaux cumulés qui permettent de financer la mission, faire fonctionner l’organisation, etc.

Prévoir que chaque année, le nombre de membres de la plateforme va s’incrémenter de cinq.

On estime que chaque membre contribue au moins d’une part mensuellement. Le potentiel

annuel d’octroi de prêt est estimé à 80% du cumul des capitaux avec 1% mensuel de taux

d’intérêt.

Si donc ce nouveau système est mis en place et rigoureusement suivi, en 2018, chaque

membre aura constitué un capital proportionnel au temps mis. La plateforme détiendra une

capacité de financement des projets d’environ 88 540 850 FCFA et des revenus annuel qui

avoisinent les 8 449 992 FCFA.

3.2 Une analyse synthétique des deux styles de gestion

Tableau 4 : OSF (une synthèse historique du style de gestion)

Sur la base des documents et entretiens énoncés ci-dessus, nous avons pu relever un certain nombre

d’observations.

D’une part : L’intérêt individuel des membres semble

prédominer sur celui du groupe, ce qui dénote une

certaine subjectivité dans la gestion collective -

Malgré l’existence de plusieurs compétences dans le

groupe, leur utilisation ne respecte pas le principe de

compatibilité (le littéraire ne devrait pas s’occuper de

la comptabilité lorsqu’il ya un comptable par exemple

et vis-versa) - Dans certains cas, du fait de la légèreté

des managers dans l’analyse et l’utilisation de

l’information de gestion pour la décision, le

raisonnement ne semble pas suffisamment rationnel -

L’existence des groupes d’influence favorise la

complaisance au lieu de la coercition – La gestion

financière est plus physique que numérique –

L’internet et l’environnement logiciel est peu utilisés -

les cotisation se font lors des rencontres – les

rencontre du bureau se font en un lieu physique – les

opérations bancaires se font sur carnet d’épargne - La

plateforme est gérée sur la base du bénévolat ; etc.

D’autre part : Les rencontres mensuelles sont

prescrites - Les échanges sur des thèmes sont

encourager - La place des enfants est privilégiée

(sorties régionales et certaines assemblées générales

avec les enfants) - L’esprit d’assistance sociale se

développe- Les relations interpersonnelles se tissent -

Les rapports annuels sont présentés à l’AG ; etc.

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Tableau 5 : CAF (une synthèse historique du style de gestion)

Sur la base des documents et entretiens énoncés ci-dessus, nous avons pu relever un certain nombre

d’observations.

D’une part : Il n’existe qu’une seule rencontre

annuelle (l’assemblée générale) - quasiment pas

d’échange formel entre les membres - Aucun cadre

n’est prévu pour les enfants - L’esprit d’assistance

sociale est très limité - La plateforme fonctionne sur

la base du bénévolat (aucune rémunération pour ceux

qui la gèrent) - etc.

D’autre part : La gestion semble relativement

rationnelle - Un esprit ouvert se développe - Un

système de réflexion proactif s’implémente - L’on

essaie d’exploiter autant que possible les compétences

existantes du groupe - Autant que possible, les

informations de gestion sont utilisées pour les

décisions - Un esprit objectif se cultive – La discipline

de tontiner avec ses contraintes réglementaires est

librement respecté - Un système de contrôle libre,

individuel et coercitif est mise en place - L’autorité

des textes et règles s’applique de fait - Le principe de

liberté et ses conséquences et respecté – Le système

de financement ordonné et chronologique des projets

des membres est mis en place – Un encouragement à

des cautions solidaires se développe lors des prêts –

Un système de minimisation des soldes de trésorerie et

parallèlement de maximisation des fonds détenus par

les membres est institué - La gestion financière est

plus numérique que physique – l’internet et

l’environnement logiciel est régulièrement exploiter –

les versement de la tontine se font librement à la

banque – les rencontres du bureau se font sur skype

(sans rencontre physique) – les communications se

font par mail et SMS – les historiques et relevés

bancaires s’obtiennent par internet - etc. - Les rapports

annuels et tableaux de bord sont présentés à lAG -

etc.

3.3 Analyse comparative des indicateurs de gestion des deux plateformes

Notons que dix ans après leur création (la période 1999 – 2008), les deux plateformes n’ont

pratiquement pas innové du fait certainement qu’elles n’ont pas pensé à élaborer une analyse

prévisionnelle pertinente. Ce qui expliquerait pourquoi à la fin des dix premières années, leur

capacité d’autofinancement reste encore maigre (17 500 000 pour OSF avec 35 couples ; et

3 540 850 pour CAF avec 20 membres).

Par contre, pour la nouvelle période décennale (2009 – 2018) Les deux tableaux ci-dessous

présentent les principaux indicateurs réels que nous avons relevés pendant le suivi de

réalisation des opérations annuelles sur la plateforme.

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14

TABLEAU 6 : LES PRINCIPAUX INDICATEURS D'EVOLUTION DE LA PLATEFORME OSF

Indicateurs périodes d'évaluation

1999 - 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Nbre de membres 35 36 36 36 35 36 38 38

Capacité d'autofinancement 17 500 000 19 109 300 20 249 451 22 027 691 23 885 570 20 521 138 12 696 812 18 416 830

Nbre de prêts accordés au cours de l'exercice 17 13 13 16 13 9 16

Volume de prêts accordés au cours de l'exercice 18 945 400 16 900 000 19 050 000 24 850 000 11 428 500 12 220 000 19 550 000

Volume de retour de prêts au cours de l'exercice 20 616 000 17 944 940 16 396 000 22 254 000 17 107 800 17 112 500 12 911 000

Prêts en cours en fin d'exercice 8 612 740 7 567 800 10 221 800 12 817 800 7 138 500 2 246 000 8 885 000

Intérêts calculés sur prêt accordés au cours de l'ex. 1 702 700 1 661 724 2 018 000 2 351 500 753 225 551 500 2 091 571

TABLEAU 7 : LES PRINCIPAUX INDICATEURS D'EVOLUTION DE LA PLATEFORME CAF

Indicateurs périodes d'évaluation

1999 - 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Nbre de membres 20 29 45 51 56 59 73 87

Capacité d'autofinancement 3 540 850 6 544 790 11 439 290 16 259 840 25 487 872 37 782 499 50 971 324 72 203 014

Nbre de prêts accordés au cours de l'exercice 16 18 18 21 20 24 39

Volume de prêts accordés au cours de l'exercice 6 810 000 6 600 000 8 650 000 16 100 000 17 500 000 40 465 000 66 050 000

Volume de retour de prêts au cours de l'exercice 7 360 000 5 310 000 9 100 000 11 670 000 10 830 000 22 955 000 47 138 500

Prêts en cours en fin d'exercice 1 758 000 3 048 000 2 598 000 6 728 000 11 148 000 26 790 000 45 701 500

Intérêts calculés sur prêt accordés au cours de l'ex. 162 800 98 000 179 000 1 181 500 2 082 750 3 962 725 6 909 000

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15

Concernant la population des deux plateformes, nous pouvons faire deux observations

essentielles. En début de période décennale (début 2009), 36 membres étaient déjà présents

sur la plateforme OSF, alors qu’en 2015 (sept ans après), cette plateforme ne regroupe que 38

membres au lieu des 75 prévus. Cependant, la plateforme CAF en début de période décennale

(début 2009), ne comptait que vingt neuf membres, et sept ans après (en 2015) elle compte 87

membres au lieu des 50 prévus.

Par rapport à la capacité d’autofinancement, en fin 2008 OSF a déjà accumulé 17 500 000

FCFA ; cependant, 4ans après (en 2012), cet autofinancement se situe encore à 23 885 570

FCFA (prévision : 90 000 000 FCFA), et 7 ans après elle n’est plus que de 18 416 830 FCFA

(prévision : 168 750 000 FCFA). Par contre en fin 2008, la plateforme CAF n’avait qu’une

capacité d’autofinancement de 3 540 850 FCFA ; en 2012, elle a pu accumuler 25 487 872

FCFA (prévu : 25 540 850 FCFA); en 2015 cette capacité se situe déjà à 72 203 014 FCFA

(prévu : 52 540 850 FCFA).

Le nombre de prêts accordés annuellement au cours des exercices sont resté pratiquement

stables sinon décroissant sur la plateforme OSF (17 en 2009 et 16 en 2015). Par contre le

nombre de prêt sur la plateforme CAF indique une évolution très croissante ; passant de 16 en

2009 à 39 en 2015.

Le volume des prêts accordés au cours des différents exercices passe de 18 945 400 FCFA en

2009 (prévision : 27 000 000 FCFA) à 24 850 000 FCFA en 2012 (prévision : 72 000 000

FCFA) puis à 19 550 000 FCFA en 2015 (prévision : 135 000 000 FCA) pour OSF.

Cependant, sur la plateforme de la CAF, ce volume de prêt passe de 6 810 000 FCFA en 2009

(prévision : 6 032 680 FCFA) à 16 100 000 FCFA en 2012 (prévision : 20 432 680 FCFA) puis

à 66 050 000 FCFA en 2015 (prévision : 42 032 680 FCFA).

Le volume des retours de prêts au cours des différents exercices passe de 20 616 000 FCFA

en 2009 à 22 254 000 FCFA en 2012 puis à 12 911 000 FCFA en 2015 pour OSF.

Cependant, sur la plateforme de la CAF, ce volume retour de prêts passe de 7 360 000 FCFA

en 2009 à 11 670 000 FCFA en 2012, puis à 47 138 500 FCFA en 2015.

La plateforme OSF indique que les encours de prêts en fin d’exercice, passe de 8 612 740

FCFA en 2009 à 12 817 800 FCFA en 2012 et à 8 885 000 en 2015 FCFA. Par contre la

plateforme CAF indique que les encours de prêts en fin d’exercice passent de 1 758 000

FCFA en 2009 à 6 728 000 FCFA en 2012, puis à 45 701 500 FCFA en 2015.

Les intérêts calculés sur prêts accordés au cours des différents exercices passe de 1 702 700

FCFA en 2009 (prévision : 3 240 000 FCFA) à 2 351 500 FCFA en 2012 (prévision : 8 640

000 FCFA) puis à 2 091 571 FCFA en 2015 (prévision : 16 200 000 FCA) pour OSF.

Cependant, sur la plateforme de la CAF, les intérêts sur prêt passe de 162 800 FCFA en 2009

(prévision : 723 922 FCFA) à 1 181 500 FCFA en 2012 (prévision : 2 451 922 FCFA) puis

à 6 909 000 FCFA en 2015 (prévision : 5 043 922 FCFA).

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

16

3.4 Nouvelle simulation prévisionnelle décennale (2019 – 2028) à proposer en fin de

période.

En fin d’année 2016, OSF ne réfléchit pas encore par rapport à la décennie 2019 – 2028. Par

contre CAF a déjà réfléchit par rapport à un nouveau business model et élaboré une

simulation prévisionnelle pour cette période.

3.3.1 Business model (BM) CAF

Compte tenu de l’évolution réelle de sa capacité d’autofinancement, on l’estime à 150

millions en fin 2018. Dans le cadre de son analyse prévisionnelle, Il sera question dès 2018

de porter cette capacité d’autofinancement de 150 millions à un minimum de 10 fois plus,

c'est-à-dire à 1 milliard 500 millions de francs CFA à fin 2028 (considéré comme la fin de la

période décennale suivante). Pour réussir cet objectif, il semble opportun d’implémenter

simultanément deux projets, l’un préliminaire et l’autre principal (la sortie du bénévolat et la

réalisation du business model proprement dit).

La sortie du bénévolat devrait se faire pour cinq raisons. Dans le bénévolat, l’évolution est

très lente, ce qui entraine trop de manque à gagner sur plusieurs plans (éthique, social,

professionnel, financier, etc.). Le bénévolat ne développe pas l’esprit de responsabilité, de

priorité et du rendre compte, mais plutôt, il encourage le laxisme, l’inertie au Cameroun. Le

bénévolat n’encourage pas le professionnalisme, l’évaluation sur la base d’un cahier de charge

ou d’un manuel de procédure qui respecte les normes d’éthique. Le bénévolat légitime

l’ingratitude et l’injustice. Par contre la sortie du bénévolat par la mise en place d’un système

rationnel et transparent d’encouragement (motivation) favorise une sainte compétitivité et un

progrès conséquent. La CAF étant une association d’une foule de membres, il est opportun de

domicilier le management de cette plateforme sous une structure professionnelle compétente

en matière de management. Cette structure va avoir cinq objectifs. Apporter en permanence

des conseils à la CAF et à toutes ses structures sur le plan du management des organisations.

Faire des propositions de projets à élaborer et implémenter, puis organiser le suivi. Organiser

la formation des managers à disposition dans divers domaines spécifiques du management.

Mettre en place des modèles de contrôle de gestion spécifique à chacune des structures sous

label CAF. Donner son avis lors des choix de partenaires de gestion par la CAF ou les

structures de la CAF. En considérant que la CAF est sortie du bénévolat, l’implantation du

business model va se faire par pallier (trois au total).

Au niveau du pallier 1, Créer une micro finance CAF (une entreprise privée différente de

l’association CAF). Engager en 12 mois (1ère année) 3 000 membres du GBU à un processus

d’épargne mensuel régulier sur 10 ans. Il s’agit de proposer le produit à 1 000 posts pour

6 000 frs/mois ; 1 000 étudiants pour 3 000 frs/mois ; 1 000 scolaires pour 1 500 frs/mois.

L’animation de ce processus est faite à travers les 10 provinces par 10 jeunes marketistes

membres du GBU formés et encouragés à la tâche. Chacun devrait superviser l’opération dans

une province. Leur rémunération mensuelle est constituée d’un fixe (30 000 frs), d’un

proportionnel aux nombre de membres adhérant fidélisés (4 000 frs/membre) et d’un forfait

mensuel de transport et communication selon les distances (20 000 frs /mois en moyenne). Au

cas où la micro finance tarde à se créer, mettre en place un staff permanent de deux ou trois

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

17

employés qui vont organiser globalement l’opération, sous la supervision du CARAMM15. La

deuxième année va permettre de consolider les acquis et évaluer le travail fait.

Au niveau du pallier 2, Engager en 12 mois (3ème année) les 3 000 membres du GBU à

amener 2 ou 3 membres de leurs familles à épargner dans la CAF micro finance selon le

même processus. La quatrième année va permettre de consolider les acquis et évaluer le

travail fait.

Au niveau du pallier 3, Engager en 12 mois (5ème année) les 3 000 membres du GBU à

amener 2 ou 3 amis à épargner dans la CAF micro finance selon le même processus. La

sixième année va permettre de consolider les acquis et évaluer le travail fait. Faire un suivi de

proximité jusqu’à la dixième année (fin juin 2028).

Dans les deux tableaux ci- après, une simulation d’analyse prévisionnelle sur les 10 ans avec

l’hypothèse du seul pallier 1 et sans micro finance CAFE a été faite et présenter à l’assemblée

générale 2017 pour validation.

15 Il s’agit de la structure professionnelle chargée du suivi et dans laquelle est domicilié ce projet.

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

18

3.3.2 Simulation prévisionnelle CAF

Tableau 8 : simulation BM CAF (période : 2019 - 2028)

Formation du capital Création de revenus Charges directes liées Capacité de financement

Périodes Adhérents Intérêt sur prêt Staff opérationnel Solde indicatif

Scolaires Etudiants Post Cumul Annuels Cumulés Plan markéting

Autres frais Cumul

2019 18 000 000 36 000 000 72 000 000 126 000 000 24 000 000 18 000 000 42 000 000 84 000 000

2020 18 000 000 36 000 000 72 000 000 252 000 000 15 120 000 15 120 000 24 000 000 18 000 000 84 000 000 183 120 000

2021 18 000 000 36 000 000 72 000 000 378 000 000 30 240 000 45 360 000 24 000 000 18 000 000 126 000 000 297 360 000

2022 18 000 000 36 000 000 72 000 000 504 000 000 45 360 000 90 720 000 24 000 000 18 000 000 168 000 000 426 720 000

2023 18 000 000 36 000 000 72 000 000 630 000 000 60 480 000 151 200 000 24 000 000 18 000 000 210 000 000 571 200 000

2024 18 000 000 36 000 000 72 000 000 756 000 000 75 600 000 226 800 000 24 000 000 18 000 000 252 000 000 730 800 000

2025 18 000 000 36 000 000 72 000 000 882 000 000 90 720 000 317 520 000 24 000 000 18 000 000 294 000 000 905 520 000

2026 18 000 000 36 000 000 72 000 000 1 008 000 000 105 840 000 423 360 000 24 000 000 18 000 000 336 000 000 1 095 360 000

2027 18 000 000 36 000 000 72 000 000 1 134 000 000 120 960 000 544 320 000 24 000 000 18 000 000 378 000 000 1 300 320 000

2028 18 000 000 36 000 000 72 000 000 1 260 000 000 136 080 000 680 400 000 24 000 000 18 000 000 420 000 000 1 520 400 000

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2ème Journée d’Etude Africaine en Comptabilité et Contrôle, Colloque de Dakar, 15 décembre 2017

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Tableau 9 : Continuité tontine la CAF à l'horizon 2028 (2019 - 2028)

Formation du capital Création de revenus Charges directes liées Capacité de financement

Périodes Membres actifs Intérêts sur prêt BEC Solde indicatif

Parts Nombre Retenu Cumul Annuels Cumulés Encadrement Fonctionnement Cumul

2018 100 000 000 100 000 000

50 000 000

2019 200 000 80 16 000 000 66 000 000 6 000 000 6 000 000 5 000 000 4 000 000 9 000 000 63 000 000

2020 200 000 85 17 000 000 83 000 000 7 920 000 13 920 000 5 000 000 4 000 000 18 000 000 78 920 000

2021 200 000 90 18 000 000 101 000 000 9 960 000 23 880 000 5 000 000 4 000 000 27 000 000 97 880 000

2022 200 000 95 19 000 000 120 000 000 12 120 000 36 000 000 5 000 000 4 000 000 36 000 000 120 000 000

2023 200 000 100 20 000 000 140 000 000 14 400 000 50 400 000 5 000 000 4 000 000 45 000 000 145 400 000

2024 200 000 105 21 000 000 161 000 000 16 800 000 67 200 000 5 000 000 4 000 000 54 000 000 174 200 000

2025 200 000 110 22 000 000 183 000 000 19 320 000 86 520 000 5 000 000 4 000 000 63 000 000 206 520 000

2026 200 000 115 23 000 000 206 000 000 21 960 000 108 480 000 5 000 000 4 000 000 72 000 000 242 480 000

2027 200 000 120 24 000 000 230 000 000 24 720 000 133 200 000 5 000 000 4 000 000 81 000 000 282 200 000

2028 200 000 125 72 000 000 302 000 000 27 600 000 160 800 000 5 000 000 4 000 000 90 000 000 372 800 000

472 800 000

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Les deux tableaux 8 et 9 ci-dessus sont la synthèse de la réflexion menée en 2017 par une

commission de la CAF pour réorienter progressivement les objectifs de la plateforme en vu

d’améliorer les ambitions de ce crowdfunding pendant la période décennale 2019 -2028

(principe de mobilité prévisionnelle). Si en 2015 la CAF a une capacité d’autofinancement de

72 millions de FCFA, le tableau de bord de la structure révèle qu’en 2016, cette indicateur est

de 89 millions FCFA et en 2017 il se situe déjà à 115 millions FCFA. Ce qui permet d’estimer

qu’en fin 2018, la plateforme va compter plus de 100 membres pour une capacité

d’autofinancement de 150 millions FCFA environ.

Sur la base des acquis, et compte tenu des objectifs et de la population cible qui est

l’ensemble des élèves, des étudiants et des post-scolaires-étudiants regroupés au sein du GBU

camerounais, la CAF opte de faire varier son business model en adjoignant un autre système

plus robuste.

C’est en ce sens que la simulation du pallier 1 décrit dans le business model a permis de

dresser le tableau 8 ci-dessus. Dans ce tableau, en fin 2019, les élèves auront épargné

18 millions de FCFA, les étudiants 36 millions de FCFA et les post 72 millions de FCFA soit

un total de 126 millions de FCFA. Compte tenu des charges (24 millions et 18 millions pour

le financement du plan marketing et d’autres frais) la capacité d’autofinancement sur cette

ligne retombe à 84 millions de FCFA. En fin 2020, les trois catégories d’épargnants auront

épargné le même montant (126 millions de FCFA) pour un cumul de 252 millions de FCFA

sur les deux premières années et un montant d’intérêt calculé à 12% sur le cumul d’épargne

de 2019 (126 millions * 12%) soit 15 120 000 FCFA ; un total de charges cumulées de 84

millions de FCA et une capacité d’autofinancement de 183 120 000 FCA (252 000 000 +

15 120 000 – 84 000 000). Ces opérations (cumul capital + cumul intérêts – cumul charge)

sont théoriquement supposées se répéter chaque année jusqu’en 2028, où nous sommes sensé

disposer à ce niveau d’une capacité d’autofinancement de 1 520 400 000 de FCFA.

Le tableau 9 nous présente en parallèle l’évolution de l’ancien système de tontine qui n’a pas

été supprimé. Compte tenu d’un certain nombre de dispositif à mettre en place (fonds de

roulement, fonds de caisse et certains frais à préfinancer), la cagnotte repart avec une

hypothèse minimaliste. En fin 2018 l’on considère une cagnotte de 50 millions avec 80

membres disposés à repartir avec la tontine en 2019. En fin d’année 2019 on aura cumul

capital + cumul intérêt – cumul charge = capacité d’autofinance en fin 2019 (66 000 000 +

6 000 000 – 9 000 000 = 63 000 000). Cette opération est supposée théoriquement se répéter

chaque année jusqu’en 2028, et la CAF est sensée disposer à ce niveau d’une capacité

d’autofinancement de 372 800 000. A cela si l’on augmente les 100 millions resté inactif en

début de décennie, on obtient 472 800 000 FCFA.

Si la CAF réussi à implémenter ce nouveau business model, la plateforme est sensé disposer à

la fin de cette troisième période décennale au minimum d’une capacité d’autofinancement de

1 993 200 000 FCFA (1 520 400 000 + 472 800 000) soit 2 milliard environ.

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4 Discussion

Les travaux de Foucault (1975) avaient souligné avec force les dimensions (vertus)

contraignantes des outils de contrôle. En articulant ces travaux avec ceux d’Hatchuel (2003),

nous avons tenté de mettre en évidence par cette recherche que les savoirs ayant une double

facette contraignante et habilitante, il semble important de considérer que les outils de savoir

prévisionnel et de contrôle ont eux aussi cette double dimension habilitante et contraignante

sur l’implémentation en contexte africain de système spécifiques de crowdfundung. La

combinaison des travaux de Foucault et Hatchuel qui corrobore la théorie de l’efficience

organisationnelle de Leibenstein (1975, 1987), permet de dégager plusieurs pistes de

discussion sur la base d’analyse faite à partir des éléments de résultats obtenus des deux

études de cas ci-dessus.

Dix ans après le début des deux projets quasi identiques quant à leurs compositions

factorielles, les résultats restaient relativement maigre compte tenu de leur objectif et leur

potentialité. Dans la réalité, ces deux associations semblent manquer de leaders qui portent

leur vision. Ce qui fait stagner le projet parce qu’une réflexion qui débouche sur l’élaboration

d’une analyse prévisionnelle n’est pas faite. De plus l’on peut observer que le suivi de

réalisation des activités menée est médiocre parce que le système de contrôle mis en place ne

semble pas aussi contraignant. Ce qui rejoint les travaux de Foucault (1975) lorsqu’il parle de

Surveiller et punir dans son ouvrage qui, selon Pezet (2004) a le plus inspiré les travaux sur

les organisations et l’entreprise.

Toutefois, dès 2008, simultanément un nouvel esprit de mobilisation autour des deux projets

est né. Cette idée a permis d’habiliter des réflexions et propositions d’objectif prévisionnel

décennal bien précis pour chaque projet, de réfléchir sur un système de veille stratégique

pouvant aider à atteindre les objectifs fixés. Dès ce moment, quitus a été donné par les

membres des associations pour l’implémentation des deux projets. Ce nouvel esprit

s’apparente bien aux travaux de Tabatoni et Jarniou (1975) qui estiment qu’une organisation

serait efficiente si elle s’approprie et applique en son sein les principes de la rationalité du

management.

Cependant, à la fin de la période décennale 2009 – 2018, lorsqu’on évalue l’évolution année

après année des deux projets en parallèle, quelques observations importantes sont faites. En

début de décennie, les deux business models (BM) étaient bien élaborés et le quitus

d’implémentation obtenu. Pour faire fonctionner le système de suivi, d’une part, le style de

gestion du projet OSF a présenté beaucoup de lacunes du fait de l’indiscipline non maîtrisée

par les managers. D’autre part, le style de gestion du projet CAF mis en place par ses

managers a veillé au respect des principes de la rationalité du management. Sur la base de

l’évolution des éléments du tableau de bord, il s’est avéré évident que le projet OSF a évolué

très négativement (résultats décroissants) alors que le projet CAF a eu une évolution très

positive (résultat en constante croissance). Ces résultats corroborent bien les travaux de

Foucault (1975) lorsqu’il fait allusion à la surveillance ou à la discipline comme outils

essentiel de gestion. De même ils confirment les travaux d’Hatchuel (2003) qui, lorsqu’il

analyse les travaux de Foucault, stipule que savoirs et relations ne peuvent jamais être pensés

séparément. Ce principe d’inséparabilité est également à l’œuvre dans l’usage des outils de

gestion. Un outil de gestion n’est pas qu’un vecteur pour produire de la connaissance sur la

réalité organisationnelle et instruire les différents actes de la gestion (prévoir, décider, évaluer,

contrôler) ; son usage structure et altère les relations entre acteurs. Ces résultats rejoignent

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enfin ceux de Leibenstein lorsqu’il insiste sur l’aspect « intensité de l’effort » qui ne dépend

que de l’action stratégique de l’équipe managériale.

Initialement, nous pouvons observer que les deux entités ont débuté sensiblement à la même

période (en 1999). Fondamentalement elles ont des objectifs semblables. Les acteurs semblent

avoir les mêmes caractéristiques. Leurs domaines d’activité se rejoignent. Ces éléments

corroborent l’hypothèse de travail utilisés par Leibenstein (1975). En effet, suite à des

observations faites par Leibenstein et par d’autres économistes, il réalise que l’idée

d’efficience allocative ne peut rendre compte des différences de performance économique des

firmes dans la mesure où les firmes en apparence identiques, car disposant de la même

composition de la main d’œuvre et de la même technologie, parviennent à des résultats très

inégaux en terme de productivité par homme et de qualité de produits obtenus. Ces résultats

sont alors l’objet d’une théorisation en ce sens qu’en dernière analyse, ces différences de

productivité observées sur des firmes quasi identiques quant à leurs compositions factorielles,

s’expliquent par des différences dans la qualité de l’organisation mise en œuvre dans chacune

d’entre elles. En d’autres termes, en dehors des composantes factorielles identiques, si la

qualité de l’organisation (principes de la rationalité du management) est meilleure,

l’efficience du système de gestion de la firme sera aussi meilleure. Pour revenir aux deux

entités OSF et CAF étudiées, si les résultats de l’entité OSF s’est avéré être de très moindre

qualité par rapport aux résultats de l’entité CAF, c’est parce que la qualité de l’organisation

mise en place dans l’entité OSF a été très insuffisante.

Lorsque nous évoluons vers la fin de la période décennale 2009-2018, des observations sont

faites. Le projet OSF est quasiment défaillant sur cette période. Par conséquent les managers

d’OSF ne pensent même pas à réfléchir par rapport à un nouveau business model (BM). Par

contre le projet CAF est très prometteur. Ce qui a encouragé les managers CAF à penser

relativement tôt à un nouveau BM, respectant ainsi le principe de la mobilité prévisionnelle.

Comme éléments phares du nouveau BM (2019 -2028) élaboré par CAF : il prévoit porter sa

capacité d’autofinancement des projets de 150 millions de CFA à 2 milliard de FCFA

environ ; et pour y arriver il compte : sortir du bénévolat ; confier le management de ce

nouveau BM à une structure ayant suffisamment de compétence pour l’aider dans sa gestion.

Ce qui corrobore l’esprit des travaux de Foucault/Hatchuel - Tabatoni/Jarniou – Leibenstein.

Notons surtout que l’encadrement des plateformes de financement participatif en contexte

africain diffère de celui développé en occident (en France notamment). En effet, en France,

les pouvoirs publics s’intéressent à ce style de financement des projets et crée des cadres

juridiques conséquents. C’est le cas par exemple de l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai

2014, complétée du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014, relative au financement

participatif, entrée en vigueur le 1er octobre 2014. Ces textes ont créé le statut

d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) et le statut de Conseiller en Investissements

Participatifs (CIP). En Afrique par contre, des style de financement participatif semblent

ignorés des pouvoirs publics et se confondent à l’informel. La mise en place des structures

d’encadrement et de réflexion sont de plus en plus développée en occident, alors qu’en

Afrique, même le cadre de réflexion par rapport à son processus d’intégration dans

l’économie semble quasi absent. En Europe on peut observer une émergence de thèmes de

recherche sur les problématiques du crowdfunding ; ce qui ne semble pas être le cas pour la

communauté scientifique africaine.

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Conclusion

Cette recherche posait la question de savoir pourquoi une évolution lente dans le

développement du crowdfunding en contexte africain, malgré les nombreuses années

d’existence de ce style de financement sur le continent ? A partir du contexte camerounais

deux enseignements principaux peuvent être tirés sur la base d’une étude longitudinale des

deux cas spécifiques présentés. Comme premier enseignement, il est noté que la négligence de

l’usage par les acteurs eux-mêmes de deux outils essentiels (la « mobilité prévisionnelle » et

le « contrôle actif ») qui peuvent être considérés comme des vertus contraignantes, explique

fondamentalement l’évolution limitée du style de crowdfunding africain. Le second

enseignement relève surtout des pouvoirs publics. Les pouvoirs publics semblent ignorer

l’enjeu de cette source de financement pourtant ancienne dans les pratiques et suffisamment

novateur pour une relance durable de l’économie de type africain qui, par ailleurs détient de

solides appuis plutôt dans l’informel. La discussion a aussi permis d'avancer l'idée d’un

manque de leaders qui portent la vision, créent un cadre de réflexions et propositions des

objectifs prévisionnels bien précis et dimensionnés dans le temps ; qui réfléchissent sur un

système de veille stratégique pouvant aider à atteindre les objectifs fixés. Aussi, les

problématiques sur le crowdfunding en contexte africain semblent peu préoccupant pour la

communauté scientifique africaine.

Ces résultats doivent toutefois être compris relativement aux limites de ces études de cas.

Celles-ci semblent pleinement valides pour les cas étudiés, mais leur généralité reste à établir.

Nous faisons l'hypothèse que ces cas sont exemplaires pour les plateformes d’associations

sans but lucratif d’une part et pour les collectivités territoriales qui utilisent ce type de

financement participatif pour les projets de petite envergure et d’envergure moyens d’autre

part. La diversité d’objectifs et de projets financés dans le cadre de ces deux cas de

crowdfunding étudiés constitue un premier facteur favorable pour la généralisation de ces

résultats. Néanmoins, pour l’accroître encore, il faudrait répliquer ces études de cas dans des

situations analogues mais, surtout, étudier d'autres cas d'outils de contrôle du crowdfunding

dans d'autres contextes et secteurs. De manière générale, ce travail montre que l'analyse

détaillée des dynamiques de contrainte ou même d’habilitation est un moyen particulièrement

pertinent d'étudier les usages des outils de contrôle. Elle permet de mieux comprendre les

effets produits par ces outils de contrôle. Elle permet aussi de comprendre comment ceux-ci

se transforment précisément du fait des usages qui en sont faits.

Ces logiques habilitantes selon Hatchuel (2003) et contraignantes pour Foucault (1975)

apparaissent comme des dialectiques des sciences de gestion. Nous devront aussi davantage

travailler sur les logiques d’adaptation de ces dialectiques.

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Décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif.

Instruction de l’AMF DOC-2014-12 du 1er décembre 2014 relative aux informations à fournir

aux investisseurs par l’émetteur et le CIP ou le PSI dans le cadre du financement participatif.

Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l'égalité des chances

économiques dite loi Macron.