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• • • Les politiques en faveur des personnes handicapées en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède N° 305 • avril 2004 Sylvie Cohu, Diane Lequet-Slama Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale Ministère de la santé et de la protection sociale Drees Avec la collaboration de Dominique Velche CTNERHI S elon Eurostat, en 2002, une personne sur six en âge de travailler dans l’Union euro- péenne déclare avoir un problème de santé ou un handicap de longue durée. Les proportions sont sensiblement plus élevées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas où plus d’une personne sur quatre se dé- clare handicapée (respectivement 27,2 % et 25,4 %) et en Suède où c’est le cas d’une personne sur cinq (19,9 %). En revanche, en Espagne, la part de la po- pulation se considérant atteinte d’un handicap est nettement plus faible : 8,7 %. De tels écarts sont bien sûr, à mettre pour une partie importante, au compte de représentations culturelles très différentes du han- dicap. On peut, à cet égard, penser qu’il existe une plus ou moins grande propension des personnes à se reconnaître handicapées en fonction du développe- ment du dispositif d’aide et de soutien propres à cha- que pays. Ce phénomène explique l’augmentation constante des taux de prévalence de l’invalidité dans les pays développés. Cet article constitue une première analyse d’une étude approfondie sur la prise en charge du handicap pour les personnes en âge de travailler dans quatre pays européens, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Dans l’Union européenne, une personne en âge de travailler sur six déclare avoir un problème de santé ou un handicap de longue durée ; 27 % au Royaume-Uni, 25 % aux Pays-Bas, 20 % en Suède, mais 9 % seulement en Espagne. De tels écarts dépendent en grande partie des représentations culturelles très différentes du handicap, et aussi du développement du dispositif d’aide et de soutien propres à chaque pays. Un certain nombre d’orientations communes concernant la situation des personnes handicapées ont toutefois été impulsées par les organisations internationales. Des représentations communes se forgent progressivement en matière de handicap, tant au niveau des concepts que des modes d’action et des convergences se font jour, notamment autour de l’objectif d’insertion dans l’emploi. Dans les quatre pays, les orientations politiques et le contenu des prestations financières sont déterminées au niveau central alors qu’en revanche, les aides humaines et les aides financières personnalisées relèvent des collectivités locales de proximité. Si la structure des prestations est assez similaire d’un pays à l’autre, leurs niveaux diffèrent assez fortement ainsi que les degrés de handicap requis pour en bénéficier. À l’exception de l’Espagne, les trois autres pays ont cherché à restreindre le nombre d’allocataires de pensions d’invalidité dont les dispositifs avaient été largement utilisés pour maintenir en inactivité les travailleurs les plus âgés ou ceux jugés difficilement insérables. Depuis quelques années, un accent particulier est mis dans les quatre pays sur l’intégration professionnelle des personnes handicapées avec des politiques d’emploi spécifiques et dans certains pays, le recours aux quotas d’emploi et au travail protégé, révélateurs de conceptions différentes en matière de lutte contre les discriminations.

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Page 1: Des orientations différentes - Ministère des …ficiaires de pensions d’invalidité. L’intro-duction d’opérateurs privés au sein de l’as-surance invalidité et dans le

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Les politiques en faveurdes personnes handicapéesen Espagne, aux Pays-Bas,

au Royaume-Uni et en Suède

N° 305 • avril 2004

Sylvie Cohu, Diane Lequet-SlamaMinistère de l’emploi, du travail et de la cohésion socialeMinistère de la santé et de la protection socialeDrees

Avec la collaboration de Dominique VelcheCTNERHI

S elon Eurostat, en 2002, une personne sursix en âge de travailler dans l’Union euro-péenne déclare avoir un problème de santé

ou un handicap de longue durée. Les proportions sontsensiblement plus élevées au Royaume-Uni et auxPays-Bas où plus d’une personne sur quatre se dé-clare handicapée (respectivement 27,2 % et 25,4 %)et en Suède où c’est le cas d’une personne sur cinq(19,9 %). En revanche, en Espagne, la part de la po-pulation se considérant atteinte d’un handicap estnettement plus faible : 8,7 %. De tels écarts sont biensûr, à mettre pour une partie importante, au comptede représentations culturelles très différentes du han-dicap. On peut, à cet égard, penser qu’il existe uneplus ou moins grande propension des personnes à sereconnaître handicapées en fonction du développe-ment du dispositif d’aide et de soutien propres à cha-que pays. Ce phénomène explique l’augmentationconstante des taux de prévalence de l’invalidité dansles pays développés.

Cet article constitue une première analysed’une étude approfondie sur la prise en chargedu handicap pour les personnes en âgede travailler dans quatre pays européens,l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uniet la Suède.Dans l’Union européenne, une personne en âgede travailler sur six déclare avoir un problèmede santé ou un handicap de longue durée ;27 % au Royaume-Uni, 25 % aux Pays-Bas,20 % en Suède, mais 9 % seulement en Espagne.De tels écarts dépendent en grande partiedes représentations culturelles très différentesdu handicap, et aussi du développementdu dispositif d’aide et de soutien propresà chaque pays.Un certain nombre d’orientations communesconcernant la situation des personneshandicapées ont toutefois été impulséespar les organisations internationales.Des représentations communes se forgentprogressivement en matière de handicap,tant au niveau des concepts que des modesd’action et des convergences se font jour,notamment autour de l’objectif d’insertiondans l’emploi.Dans les quatre pays, les orientations politiqueset le contenu des prestations financièressont déterminées au niveau centralalors qu’en revanche, les aides humaineset les aides financières personnalisées relèventdes collectivités locales de proximité.Si la structure des prestations est assez similaired’un pays à l’autre, leurs niveaux diffèrent assezfortement ainsi que les degrés de handicap requispour en bénéficier. À l’exception de l’Espagne,les trois autres pays ont cherché à restreindrele nombre d’allocataires de pensions d’invaliditédont les dispositifs avaient été largement utiliséspour maintenir en inactivité les travailleursles plus âgés ou ceux jugés difficilementinsérables. Depuis quelques années,un accent particulier est mis dans les quatre payssur l’intégration professionnelle des personneshandicapées avec des politiques d’emploispécifiques et dans certains pays, le recoursaux quotas d’emploi et au travail protégé,révélateurs de conceptions différentesen matière de lutte contre les discriminations.

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ÉTUDES et RÉSULTATS

N° 305 • avri l 2004

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LES POLITIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉESEN ESPAGNE, AUX PAYS-BAS, AU ROYAUME-UNI ET EN SUÈDE

Cet article constitue une premièreanalyse d’une étude approfondie sur laprise en charge du handicap pour les per-sonnes en âge de travailler dans quatrepays, l’Espagne, les Pays-Bas, leRoyaume-Uni et la Suède, recherche ini-tiée par la Drees et menée conjointementavec le Centre technique national d’étu-des et de recherches sur les handicaps etles inadaptations, CTNERHI, et uneéquipe d’experts des pays étudiés1 . L’in-térêt d’une telle recherche était, au-delàdes dispositifs mis en place et des répon-ses fournies par les différents pays, d’ana-lyser plus en profondeur les logiquessous-jacentes, les définitions adoptéesmais aussi les populations touchées parl’ensemble des politiques menées.

Conduire une comparaison au niveauinternational n’est toutefois pas choseaisée. En effet, les populations concernéesne sont pas les mêmes et les pratiques sontlargement influencées par le contexte cul-turel, social et économique spécifique àchaque pays. La représentation du handi-cap et la manière dont il est perçu par lepublic, les décideurs et les personnes han-dicapées elles-mêmes modifient le choixet la conception des politiques.

Après avoir dans un premier temps,analysé globalement les politiques en fa-veur des personnes handicapées dévelop-pées par chacun des pays et décrit le pay-sage institutionnel, nous étudierons lessystèmes de prestations avant de détaillerenfin les politiques mises en place dansle domaine de l’insertion professionnelle.

Des orientations différentesmais en voie de convergence

notamment autour de l’objectifd’insertion dans l’emploi

Les politiques en faveur des person-nes handicapées sont largement imbri-quées dans l’ensemble des politiques so-ciales menées au sein de chaque pays,qu’il s’agisse des politiques de santé,d’emploi, de lutte contre la pauvreté, dulogement, mais aussi du transport etmême des politiques fiscales. Il apparaîtdonc parfois difficile de les analyser defaçon isolée. Par ailleurs, de nombreuxfacteurs influent sur ces politiques, tels

par exemple la démographie, les chan-gements du marché du travail, l’évolu-tion technologique.

L’ONU, le Conseil de l’Europe etl’Union européenne ont toutefois impulséun certain nombre d’orientations commu-nes concernant la situation des person-nes handicapées. Ainsi, s’agissant del’Union européenne, les résolutions de1996 du Conseil sur l’égalité des chan-ces et la non-discrimination, et de 1999sur l’égalité des chances en matière d’em-ploi ont eu un impact certain sur les poli-tiques nationales. Ces représentationscommunes qui se forgent progressive-ment en matière de handicap, tant au ni-veau des concepts que des modes d’ac-tion, ont influencé les différents payseuropéens, mais de façon variable selonles pays ; influence qui semble forte enEspagne où les mesures se réfèrent ex-plicitement aux textes européens, pluslointaine en Suède, pays souvent précur-seur dans la prise en charge du handicap.

En Suède, la politique de prise encharge du handicap repose sur une visioncohérente. Fondée sur l’idée que les dé-savantages induits par le handicap sontsurtout liés à l’inadaptation de l’environ-nement économique et social, impulséepar les associations, privilégiant les prin-cipes généraux d’égalité, de nondifférentiation et d’intégration, elle acomme axes majeurs la suppression desgrandes institutions d’hébergement. Cettepolitique s’est traduite par la mise enplace d’un véritable droit à l’assistancepersonnelle, à l’accessibilité, par desprestations généreuses et par une volontéaffirmée d’assurer l’emploi pour tous.

La crise économique qui a frappé lepays dans les années 90 a toutefois con-duit à des prestations et des services so-ciaux plus ciblés et moins universelsqu’auparavant. L’application des condi-tions d’accès aux prestations est devenueplus stricte. Plus récemment, le vieillis-sement de la population, plus importantque dans la plupart des autres pays euro-péens, dans un contexte de faible taux dechômage ont conduit le gouvernement àréfléchir à des politiques d’emploi plusactives, notamment pour les personnes eninvalidité.

L’Espagne a également choisi de pré-senter une stratégie globale pour la priseen charge des personnes handicapées,dans la lignée des orientations européen-nes. En 1978, l’article 49 de la constitu-tion fait obligation aux pouvoirs publicsd’assurer les mêmes droits aux person-nes handicapées qu’aux autres citoyens.En 1982, la loi d’intégration des person-nes handicapées (LISMI) couvre tout lechamp du handicap et rationalise le dis-positif antérieur en s’inspirant des nor-mes internationales.

Autonomie des personnes handica-pées, participation à la vie sociale et ac-cessibilité sont les grandes lignes desderniers plans d’action adoptés avec dansle Plan national d’action pour l’emploides possibilités nouvelles de formationet d’accès à l’emploi ordinaire. Les as-sociations ont désormais un rôle moteurdans la conception des principales loisayant trait au handicap. À l’heure ac-tuelle, un certain nombre de projets vi-sent à l’adoption de mesures relatives àla non-discrimination, l’égalisation deschances et à l’accessibilité.

Aux Pays-Bas, la générosité du dispo-sitif de prise en charge de l’invalidité aconduit à un nombre de pensionnés de plusen plus élevé, notamment pour les tra-vailleurs âgés. Les politiques de prise encharge du handicap qui sont intervenuesdepuis 1986, ont pu alors être qualifiéesde « bataille contre le nombre » par cer-tains experts (Van Oorshot et Boos, 2001).Nombre de dispositions ont ainsi visé àrestreindre l’accès aux prestations, et àresponsabiliser les employeurs, avec l’ob-jectif de remettre au travail certains béné-ficiaires de pensions d’invalidité. L’intro-duction d’opérateurs privés au sein de l’as-surance invalidité et dans le dispositif deréinsertion des personnes handicapéesconstitue un point fort de la politique néer-landaise, caractérisée, en outre, par denombreux changements législatifs et unnombre élevé de places d’emploi protégé.

Au Royaume-Uni, les développe-ments récents de la politique en faveurdes personnes handicapées s’oriententautour de deux lignes d’action : l’accentmis sur la législation anti-discriminationcomplétée par le renforcement des droits

1. L’équipe d’experts était composée de : Miguel Angel Verdugo et Borja Jordàn de Urries (Espagne), Edwin de Voos (Pays-Bas), Patricia Thornton (Royaume-Uni), et Stig Larsson (Suède).

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civils des personnes handicapées, et l’ac-tivation des prestations pour favoriserleur accès à l’emploi à travers la straté-gie des New Deal pour l’emploi.

La loi anti-discrimination de 1995impose aux employeurs de ne pas traitermoins favorablement une personne enraison de son handicap. En cas de diffé-rend, c’est toutefois à la personne han-dicapée d’apporter la preuve de la réa-lité de la discrimination. Cette loi est encours de révision.

Contrairement à la situation en Suèdeet en Espagne, l’influence des associa-tions sur la politique conduite en matièrede handicap reste toutefois assez margi-nale au Royaume-Uni.

L’une des orientations convergentesobservées dans les quatre pays depuisune dizaine d’années est la volonté d’in-sérer les personnes handicapées dansl’emploi. Aux Pays-Bas, en Suède, auRoyaume-Uni, cet objectif s’accompa-gne d’une volonté manifeste de réduirel’accès aux prestations d’invalidité, long-temps utilisées comme dispositif de sor-tie du marché du travail ou de préretraitepour des personnes en difficulté ou destravailleurs âgés.

Malgré des orientations politiquesgénérales qui semblent désormais se rap-procher, la part des richesses nationalesconsacrée aux dispositifs en faveur despersonnes handicapées varie de façonimportante selon les États (tableau 1). Leratio rapportant l’ensemble des dépen-ses d’invalidité à l’ensemble des dépen-ses sociales varie de 1 à 3 entre l’Espa-gne et la Suède ou les Pays-Bas2 . Lesseules pensions d’invalidité représen-tent, en Espagne, 12,2 % des pensionsaccordées contre 11,4 % au Royaume-Uni, 17,9 % en Suède et surtout 21,6 %aux Pays-Bas.

Municipalités et régions,pivots de la prise en chargedes personnes handicapées

Dans les quatre pays, les orientationsde la politique du handicap et le con-tenu des prestations financières sont dé-terminées au niveau central. En revan-che, les aides humaines et les aides fi-

nancières personnalisées sont attribuéespar les collectivités locales de proximité,c’est-à-dire par les communes et muni-cipalités et financées soit directement parelles, soit en partie par les régions (Es-pagne). En Suède, cependant, les besoinsen aide personnelle des personnes les pluslourdement handicapées (plus de 20 heu-

res par semaine d’aides) font l’objet d’unfinancement centralisé (tableau 2). Lesaides techniques relèvent des comtés enSuède, des municipalités aux Pays-Bas.En Espagne, les personnes qui ont besoind’appareillages techniques s’adressentessentiellement aux associations. AuRoyaume-Uni, ces aides relèvent du ser-

2. Abramovici Gérard, la protection sociale en Eu-rope, Statistiques en bref, Eurostat, novembre2003.

les dépenses consacrées aux régimes d’invaliditéT•01

Prestations d’invalidité = prestations d’invalidité contributives et non contributives.Prestations d’invalidité au sens large = prestations d’invalidité + indemnités maladie et accidents dutravail.Ensemble des dispositifs = Prestations d’invalidité au sens large + programmes pour l’emploi des per-sonnes handicapées.Source : OCDE, Rapport « Transformer le handicap en capacité », 2003.

En pourcentage du PIB

partage des responsabilités entre les différents niveauxT•02

1. Communautés autonomes en Espagne, comtés en Suède.

PaysPrestationsd’invalidité

Prestations d’invaliditéau sens large

Ensemble des dispositifs en faveurdes personnes handicapées

1990 1999 1990 1999 1999

Espagne 0,96 1,24 2,11 2,26 2,28

Pays-Bas 3,42 2,65 5,74 4,14 4,64

Royaume-Uni 0,88 1,27 1,39 1,52 1,54

Suède 2,03 2,05 5,21 4,02 4,66

Union européenne (moyenne sur 11 pays) 1,55 1,46 2,91 2,50 2,70

Niveau centralNiveau régional oudépartemental (1)

Échelon localCommunes, municipalités

Associations et autres,dont système de santé

Espagne

élaboration de Plansstratégiques (État)

Élaboration de Plansstratégiques régionaux

Aides humaines Aides techniques

Prestations financières(État, Imserso)

Aides économiquesdirectes (dans quelquescommunes autonomes)

Hébergement collectif

Pays-Bas

Politique générale (État) Aides humainesCertaines aides techniquesAdaptation du logement,transport

Aides techniques (AWBZ,assurance santé pour lesrisques exceptionnels)

Prestations (État,Sécurité sociale etemployeur)

Royaume-Uni

Politique générale (État)Évaluation pourl’attribution de laprestation DisabilityAllowance

Aides humaines :Direct Payments

Aides techniques (NHS)

Prestations(État, Sécurité sociale)

Hébergement eninstitutions,

Adaptation logements,transports

Suède

Politique de cadragegénéral, orientations(État)

Aides techniquesAides humainesHébergement collectif

Prestations financières(État, Sécurité sociale)

Transports

Financement aideshumaines pour très lourdshandicapés (+de 20 heurespar semaine) (État)

Adaptation du logementet autres aides

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vice national de santé et des autorités lo-cales, le NHS fournissant la plupart deséquipements les plus coûteux.

En Espagne, au niveau central, un or-ganisme joue un rôle déterminant dansle système de prestations aux personneshandicapées : l’IMSERSO (Instituto deMigraciones y servicios sociales), ins-tance spécifique de la Sécurité sociale, quiest rattaché au ministère de l’Emploi etde la Sécurité sociale et gère à la fois lespensions d’invalidité et les services so-ciaux. Cette dernière compétence toute-fois est transférée progressivement auxcommunautés autonomes, l’IMSERSO neconservant dans ce domaine qu’un rôled’orientation et d’évaluation. En Suède,la gestion des prestations est assuréecomme pour les autres risques, par l’Of-fice national de sécurité sociale, le RFV(Riksförsäkringverket) et ses caisses dé-partementales et locales. Aux Pays-Bas,la gestion des pensions d’invalidité est as-surée par la Sécurité sociale, l’UWV(Uitvoering Werknemersverzekeringen)qui dépend du ministère des Affaires so-ciales et de l’Emploi, et directement parl’employeur la première année. L’appa-reillage et les soins de santé dépendentde l’AWBZ, assurance maladie univer-selle qui prend en charge les gros risques.Au Royaume-Uni, le Department forwork and pensions est la principale auto-rité compétente aussi bien en matièred’emploi que de prestations pour les per-sonnes handicapées tandis que les soinsde santé relèvent du NHS.

Le rôle croissant des autorités loca-les dans la prise en charge des personneshandicapées est un élément importantmais aussi une source de problèmes pourles politiques actuelles, notamment enSuède et en Espagne. En Espagne, tousles dispositifs doivent, pour être rendusapplicables, être adoptés par les commu-nautés autonomes (régions), ce qui peutconduire à des disparités selon les prio-rités effectivement retenues par chaquerégion. Le dispositif légal suédois, quidonne aux municipalités la responsabi-lité et la gestion des aides personnalisées,connaît aujourd’hui un certain nombre deproblèmes d’application notamment enraison des inégalités financières liées auprocessus de décentralisation. Il en estde même aux Pays-Bas où les aides per-sonnelles et techniques aux personneshandicapées sont très dépendantes des

budgets des municipalités et donc trèsvariables dans l’ensemble du pays.

Des prestations financièrescentralisées et des aides

à la personne relevantdu niveau régional ou local

En matière de prestations sociales, lesquatre pays ont mis en place des niveauxplus ou moins élevés de prestations et

d’aides financières (tableau 3), avec desdegrés divers de sévérité requis pourl’ouverture des droits et des formes va-riées de gestion des dispositifs.

Il est difficile de comparer réellementles taux moyens de remplacement du re-venu que permettent les prestations liéesà l’invalidité dans chaque pays. L’OCDEfournit toutefois, dans son rapport 20033

(tableau 4), des taux de remplacement rap-portés à des gains moyens qui montrent

prestations dans les quatre pays (destinataires et objectifs)T•03

Prestations Financement Destinataires Objectifs

Espagne

Incapacidad permanente CotisationsPersonnes souffrant d’un handicap(33 % au moins d’atteintesdes capacités professionnelles)

Revenus de remplacement

Gran invalidez CotisationsPersonnes handicapées ayant besoinde l’aide d’une tierce personne

Revenus de remplacement

Pension no contributivade invalidez

Sécurité sociale(IMSERSO)

Personnes ayant un taux d’incapacitéd’au moins 65 %

Minimum garanti pour lespersonnes invalides

Pays-Bas

WAO CotisationsPersonnes salariées devenues invalides(taux d’invalidité minimum de 15 %)

Revenus de remplacement

WAZ CotisationsTravailleurs indépendants(taux d’invalidité minimum de 25 %)

Revenus de remplacement

Wajong Impôts nationauxJeunes n’ayant jamais travaillé indépendants(taux d’invalidité minimum de 25 %)

Minimum garanti pour lespersonnes handicapées

PGB AWBZ Personnes handicapéesAttribution d’une sommed’argent pour financer lesaides personnelles

Royaume-Uni

Incapacity Benefit Cotisations

Personnes invalides ayant cotiséun minimum de temps ou jeunesde moins de 25 ans avec un tauxd’incapacité d’au moins 80 %

Revenus de remplacement

Income Support Impôts nationauxPersonnes handicapéesde 16 ans et plus

Minimum garanti souscondition de ressources

Disability LivingAllowance

Impôts nationauxPersonnes handicapées ayant besoinde l’aide d’une tierce personne

Indemnité decompensation

Direct Payments Autorités locales Personnes handicapéesAttribution d’une sommed’argent pour financerles aides personnelles

SuèdeAktivitetsersättning(compensationd’activité)

Cotisations etimpôts nationaux

Personnes handicapéesde moins de 30 ans(taux d’incapacité d’au moins 25 %)

Revenus de remplacementou minimum garanti

Sjukersättning(compensation maladie)

CotisationsPersonnes invalides de plus de 30 ans(taux d’incapacité d’au moins 25 %)

Revenus de remplacement

HandikappersâttningCotisations etimpôts

Personnes handicapéesde moins de 65 ans

Indemnité decompensation

LASS ÉtatPersonnes gravement handicapéesayant besoin de plus de 20 heurespar semaine d’aides personnelles

Possibilité de choisir uneenveloppe pour financerles aides personnelles

LSS Municipalités Personnes gravement handicapéesPossibilité de choisir uneenveloppe pour financerles aides personnelles

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des disparités considérables entre les qua-tre pays. Avec un taux d’environ 25 % dugain moyen, le Royaume-Uni verserait lapension d’invalidité de longue durée laplus basse. En Suède, le taux de rempla-cement est élevé (près de 65 %) du fait dela couverture supplémentaire qui s’ajouteà la pension de base. Il en est de mêmeaux Pays-Bas où des pensions généreusessont souvent complétées par des conven-tions collectives. En Espagne, le taux deremplacement atteindrait ainsi 85 % pourles pensions d’invalidité contributives(destinées aux personnes ayant cotisé pen-dant une durée minimale).

À l’exception de l’Espagne, tous lespays ont cherché ces dernières années àrestreindre le nombre d’allocataires de

pensions d’invalidité. Il est vrai que tantaux Pays-Bas qu’au Royaume-Uni et enSuède, ce dispositif a largement été uti-lisé pour maintenir en inactivité les tra-vailleurs les plus âgés et ceux jugés diffi-cilement insérables. Dans les trois pays,la majorité de la population bénéficiairede la principale allocation invalidité a plusde 50 ans. Aux Pays-Bas, 42 % des béné-ficiaires de la pension d’invalidité pour lestravailleurs salariés (la WAO) ont plus de55 ans et 31 % ont entre 45 et 54 ans. EnSuède, au Royaume-Uni, deux tiers desbénéficiaires ont plus de 50 ans. En Suède,près d’un quart des pensionnés d’invali-dité ont même plus de 60 ans. En revan-che, alors que la majorité des allocatairessont des hommes aux Pays-Bas et surtout

au Royaume-Uni (respectivement 55 % et66 %), les femmes sont les principales bé-néficiaires des pensions non contributivesen Suède et en Espagne4 .

Dans les quatre pays, le taux de sor-tie des bénéficiaires de prestations d’in-validité est faible : 1 % en Suède, con-forme à la moyenne observée dans lespays de l’OCDE, plus élevé pour lesPays-Bas (3 %) et pour le Royaume-Uni(5 %). Aux Pays-Bas, le taux plus élevéde sortie du dispositif serait dû au faibleniveau de handicap exigé (15 % pour lerégime WAO) et au fait que le régimegénéral d’invalidité couvre également lesaccidents du travail5 .

D’une manière générale, à l’exceptiondes Pays-Bas où n’existe pas de presta-tion spécifique pour les accidents du tra-vail, le dispositif en faveur des person-nes handicapées ou invalides comprend,en général, quatre volets : l’assurancemaladie, l’assurance accidents du travailet maladies professionnelles, l’assuranceinvalidité contributive et enfin des dis-positifs non contributifs pour les person-nes qui n’ont jamais travaillé.

Aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, enSuède, les indemnités maladie sont laprincipale voie d’accès aux dispositifsd’invalidité.

Les Pays-Bas sont le pays d’Europeoù le nombre de pensionnés au titre del’invalidité est le plus important. Fin2002, près d’un million de personnestouchaient une pension d’invalidité dontplus de 802 000 au titre du dispositifpour les salariés devenus invalides(WAO). 18,1 % de la population en âgede travailler bénéficiaient à un titre ouun autre de mesures spécifiques (sub-ventions de salaires, congé maladie d’unan, formations professionnelles particu-lières…). Le nombre de personnes bé-néficiaires de pensions d’invalidité, quiavait décru à partir de 1996, s’est remisà croître fortement depuis 20006 . Tou-tefois, le nombre de pensions partiellesparmi les nouveaux bénéficiaires estpassé de 19 % en 1990 à 45 % en 2001.

3. Rapport OCDE 2003, déjà cité.4. Rapports des experts participant à cette re-cherche. 5. Rapport OCDE 2003, déjà cité.6. UWV, Mars 2003.

prestations dans les quatre pays (nombre de bénéficiaires et montants)T•04

PrestationNombre de

bénéficiairesMontants

Espagne

Incapacidad permanente 768 700 (2003)Selon salaire antérieur. Montants moyensmensuels : 502 € (IPT) ; 750 € (IPA)

Gran invalidez 23 600 (2003)Selon salaire antérieur.Montants min/max : 700/2300 €/mois.Montant moyen mensuel : 1226 €

Pension no contributiva de invalidez 207 300Montants min/max :67/269 € +50% pourtierce personneMontant moyen mensuel : 293 €

Pays-Bas

WAO 802 500En fonction salaire antérieur.Plafond : 168 €/jour

WAZ 56 200En fonction du revenu moyen des troisdernières années

Wajong 134 000 En pourcentage du salaire minimum

PGB

Royaume-Uni

Incapacity Benefit Environ 2 millions 104 € par semaine

Income Support 78 € par semaine (personne seule)

Disability Living Allowance 2,4 millions

Montant pour soins :100 à 350 € par moisMontant pour mobilité :de 100 € environ à 250 € par mois

Direct Payments

Suède

Aktivitetsersättning (compensationd’activité)

Montant garanti : de 2,10 fois à 2,35 foisle montant de base,soit de 750 à 840 €/mois

Sjukersättning (compensationmaladie)

480 000 pour les deuxpensions invalidité(activité/maladie)

Montant garanti : 2,40 fois le montantde base, soit 860 € /mois

Handikappersâttning 61 0003 niveaux compensation :de 1550 à 3000 €/anMontant moyen/mois : 170 €

LASS 13 000

LSS

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Selon Philip De Jong7 , la majorité deces pensions partielles sont, en fait, ac-cordées à des travailleurs âgés dans uneoptique de préretraite partielle.

Le dispositif invalidité a trois com-posantes : la loi WAO pour les salariés,la loi WAZ pour les travailleurs indépen-dants et la WAJONG pour les personnesatteintes d’un handicap précoce. Les tauxd’incapacité minimum pour avoir droit àune pension sont très faibles : 15 % pourla WAO et 25 % pour les deux autres dis-positifs.

La pension WAO, accordée après unan de perception des indemnités mala-die, dépend, pour son montant et sa du-rée, de l’âge et du degré d’incapacité. Ledispositif est financé soit par des cotisa-tions payées par l’employeur soit direc-tement par l’employeur pendant les cinqpremières années. Il assure au minimum70 % de ses revenus antérieurs à un sala-rié dont le taux d’incapacité reconnu estd’au moins 80 %. Aucune pension WAOn’est accordée désormais avant l’âge de32 ans. En revanche, à partir de 59 ans,la pension est attribuée jusqu’à l’âge dela retraite (65 ans).

Le dispositif WAJONG accorde uneallocation minimale aux personnes deve-nues handicapées avant leur 17e anniver-saire et aux personnes âgées de moins de30 ans, atteintes d’un handicap durantleurs études, lorsqu’elles sont dans l’in-capacité totale de travailler. La presta-tion ne peut être perçue avant l’âge de18 ans. Le coût de cette allocation noncontributive est supporté par l’État.

Enfin, le minimum non contributifinvalidité est un supplément qui porte àla hauteur du minimum social les alloca-tions WAO, WAJONG et WAZ.

La loi d’assurance contre l’incapacitéde 1966 avait ouvert un droit à pensiontrès large pour tout salarié de moins de65 ans, malade depuis au moins un an.Dans une enquête réalisée en 1992, res-ponsables politiques, employeurs, sala-riés reconnaissaient avoir délibérémentutilisé ce dispositif d’invalidité à la placedu chômage dans la mesure où il se ré-vèle plus avantageux. La pension perçue

pouvait aller jusqu’à 100 % du salaireantérieur et ce jusqu’à la retraite.

Dès 1986, et surtout à compter de1993, l’accroissement très important dunombre de personnes bénéficiant de cedispositif a conduit le gouvernement àune réorientation de sa politique, dans lesens d’une restriction dans l’attributiondes allocations. En 1993, la déclarationdu Premier ministre, M. Lubbers, obser-vant que les Pays-Bas sont « malades »est le prélude à une politique permanentede réformes visant à privilégier la réin-sertion dans l’emploi des pensionnésd’invalidité. Les réformes successives etparfois contradictoires conduisent toute-fois à une certaine instabilité juridiqueet à des difficultés d’application.

La loi PEMBA, par exemple, intro-duit des cotisations patronales progres-sives en fonction du nombre de salariésdevenus bénéficiaires de prestations d’in-validité ainsi que la possibilité pour leschefs d’entreprise de sortir du régime del’assurance sociale invalidité pour assu-rer eux-mêmes la couverture de leurs sa-lariés pour ce risque.

En Suède, environ 11 % de la popula-tion active bénéficiaient, en 2002, de pen-sions de retraite anticipée/invalidité8 .Tout assuré âgé d’au moins seize ans etprésentant une invalidité physique oumentale, considérée comme permanente,réduisant sa capacité de travail d’au moins25 % peut bénéficier jusqu’à soixante-cinq ans d’une pension d’invalidité debase ; à quoi peut s’ajouter éventuellementune pension complémentaire.

La volonté des pouvoirs publics deréduire le nombre des bénéficiaires dudispositif a conduit à une réforme du sys-tème, mise en place en 2003. En effet, lenombre de personnes bénéficiant de con-gés maladie longue durée et surtout depensions d’invalidité n’a cessé de croîtredurant les deux dernières décennies. Il estpassé de 373 000 en 1991 à 490 000 à lafin de 2002 en ce qui concerne la seuleinvalidité. Une enquête de 19969 , portantsur les nouveaux allocataires, montrait queplus de quatre d’entre eux sur dix souf-fraient de problèmes musculo-squeletti-

ques, pour la plupart bénins ; 22 % deshommes et 19 % des femmes souffraientde troubles psychiatriques.

La pension de retraite anticipée/in-validité est ainsi remplacée par une allo-cation de compensation d’activité pourles personnes de 19 à 29 ans et par laprestation de compensation maladie pourles plus de 30 ans. Ces prestations sontintégrées au système d’assurance mala-die. Leurs conditions d’attribution restentglobalement inchangées. L’allocation decompensation d’activité ne pourra êtreattribuée que pour une durée de trois ans,renouvelable après nouvel examen desdroits, sauf pour les personnes gravementhandicapées « n’ayant pu avoir un par-cours scolaire normal ».

Le nouveau dispositif étant trop ré-cent, on ne dispose pas encore d’évalua-tion mais il convient de souligner qu’ilne remet pas en cause le faible taux d’in-capacité de travail exigé (25 %) pourbénéficier d’une pension.

Au Royaume-Uni, les chômeurs quiavaient des problèmes de santé ont été,durant les années 80/90, incités à deman-der des prestations d’invalidité. Préoc-cupés dans les années 90 par la haussecontinue du nombre de ces demandes deprestations dans un contexte de repriseéconomique, les gouvernements succes-sifs en ont rendu plus difficiles les con-ditions d’attribution.

En 2002, selon le Green Paper10,2,7 millions de personnes bénéficiaientd’allocations d’invalidité, soit 7,5 % dela population en âge de travailler. Lenombre d’allocataires a triplé depuisles années 70. Ce phénomène préoc-cupe d’autant plus les pouvoirs publicsque dans l’enquête sur les forces de tra-vail (Labour Force Survey) de 2001,7,1 millions de personnes déclarentavoir une incapacité de long terme.

L’Incapacity Benefit (IB) est la prin-cipale de ces prestations. Environ 1,5millions de personnes la perçoivent.Allocation contributive, elle peut êtretoutefois accordée, sous certaines condi-tions, depuis avril 2001, aux jeunes âgésde 20 ans (ou 25 ans pour les étudiants).

7. De Jong Philip, Towards Mutual Responsability : the Dutch Disability Experience, Intervention au colloque OCDE, Vienne, 2003.8. Calcul des auteurs.9. Kruse Agnetus, Social Security and Disability in Sweden, in C. Prinz (ed), European Disability pensions policies, 2003.10. Pathways to Work : Helping People into Employment, novembre 2002.

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ÉTUDES et RÉSULTATS

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Les personnes en arrêt maladie depuis 28semaines peuvent demander à bénéficierde cette prestation qui est temporairedurant deux ans puis devient permanenteen cas de persistance du handicap. Lesmontants de l’IB varient selon sa duréed’attribution et peuvent être complétéspour atteindre le revenu minimum natio-nal (Income support).

Le nombre de bénéficiaires del’Incapacity Benefit augmente considé-rablement avec l’âge. Les hommes sontplus nombreux que les femmes à la per-cevoir, et ce dans toutes les classes d’âge.Plus d’un tiers (35 %) de ces bénéficiai-res souffrent de problèmes mentaux et unpeu plus d’un cinquième (22 %) de pro-blèmes de dos.

Afin d’inciter les personnes handica-pées à (re)prendre un emploi, des possi-bilités de cumul avec des revenus de tra-vail ont été instaurées depuis avril 2002ainsi qu’un crédit d’impôt pour les per-sonnes qui travaillent au moins 16 heu-res par semaine. Il est désormais possi-ble de cumuler l’Incapacity Benefit avecune rémunération de 20 Livres (soit en-viron 33 €) par semaine maximum, sanslimitation de durée ou avec un gain maxi-mum de 67,50 Livres (soit près de 100 €)par semaine durant 26 semaines, duréerenouvelable avec l’accord du service del’emploi.

Pour les personnes handicapées lesplus sévèrement atteintes et les plus pau-vres qui ne peuvent travailler, laDisability Income Guarantee (DIG) as-sure, par ailleurs, un revenu minimumsupérieur à l’Income support. 130 000personnes environ la perçoivent.

En Espagne, en mai 2003, 1,1 mil-lion de personnes, soit un peu plus de 4 %de la population en âge de travailler (16à 64 ans), percevaient également unepension d’invalidité. La pension d’inva-lidité contributive, attribuée à partir de33 % d’incapacité professionnelle, varieselon les capacités de travail résiduellesde la personne (encadré 1). La pensionde grande invalidité est attribuée aux sa-lariés qui ont une incapacité permanented’exercer quelque profession que ce soitet ont besoin de l’aide d’une tierce per-sonne pour tous les actes essentiels de lavie quotidienne. Le nombre total de bé-néficiaires de pensions d’invalidité

contributives versées par la Sécurité so-ciale s’élevaient à 792 000 en 2003.

Les personnes handicapées, âgées de18 à 65 ans qui n’ont jamais travaillé ontdroit à une pension d’invalidité noncontributive si leur niveau de handicapest égal ou supérieur à 65 %. La pensionest augmentée de 50 % si la personne abesoin de l’aide d’une tierce personne.

Le nombre de bénéficiaires de cespensions d’invalidité non contributivesn’a cessé de diminuer dans les annéesrécentes et s’élève à 207 000 en 2003.Un peu plus de 63 % de ces bénéficiai-res sont des femmes et 60 % ont plus de45 ans11.

En matière de compensationdes surcoûts et d’assistancepersonnelle, des écarts importantsentre les quatre pays

La Suède est parmi les quatre payscelui qui a développé la politique la plusglobale et la plus ambitieuse s’agissantde l’ensemble des aides et des disposi-tifs destinés à favoriser l’autonomie lespersonnes handicapées. En Espagne, lerôle de la famille reste prédominant dansl’assistance fournie aux personnes han-dicapées. De plus, les écarts sont trèsprononcés en ce qui concerne les servi-ces proposés par les différentes commu-nautés autonomes. Aux Pays-Bas, lesmunicipalités se sont vues confier, depuis1994, la responsabilité des politiquespermettant de garantir aux personneshandicapées « leur participation so-ciale ». Dans ces trois pays, on peut cons-tater de réelles différences dans les ser-vices offerts aux personnes handicapéesselon la région ou la municipalité en fonc-tion de leur richesse. Au Royaume-Uni,la prestation Disability Living Allowancedistingue entre le besoin en soins et lamobilité. Calculée en fonction des be-soins, elle est versée sans condition deressources.

Dans les quatre pays, les aides ainsiattribuées sont fondées sur des mécanis-mes spécifiques du handicap et des be-soins qu’il entraîne (encadré 1).

En Suède, l’allocation « handicap »destinée à compenser toutes les dépen-ses supplémentaires liées au handicap sefonde sur le besoin d’assistance de la

personne handicapée pour les actes de lavie quotidienne ou pour travailler. Ellepeut être versée, en complément d’uneautre prestation, à toute personne âgéede seize ans et de moins de soixante-cinqans. Les personnes souffrant de cécité oude surdité y ont droit automatiquement.Le niveau de compensation est fixé enfonction du besoin d’assistance et del’étendue des coûts additionnels que doi-vent supporter les personnes. Un peu plusde 61 000 personnes en bénéficiaient en2002.

Les personnes handicapées peuventégalement demander une aide financièrepour acheter ou équiper spécialement unvéhicule. Cette aide est versée sous con-dition de ressources. Une allocationd’adaptation du logement leur permet,par ailleurs, de procéder aux aménage-ments nécessaires de leur logement et deleur environnement proche. Un servicede transport est organisé par les munici-palités. Il est assorti d’une participationfinancière dont le tarif varie selon lesmunicipalités.

La Suède est, par ailleurs, le seul paysqui a véritablement reconnu un droit àl’assistance personnelle aux personneshandicapées, dans le cadre de sa politi-que globale de recherche d’autonomie etde désinstitutionalisation. Depuis 1993,la loi LSS accorde aux personnes souf-frant de certains handicaps, énuméréslimitativement, une allocation personna-lisée prise en charge par les communes.Lorsque les besoins en assistance person-nalisée, évalués par les experts de l’as-surance sociale, dépassent 20 heures parsemaine, les personnes handicapées sé-vères bénéficient d’une allocation verséepar les assurances sociales (loi LASS) etfinancée par l’État. L’octroi de cette al-location n’est pas soumis à des conditionsde ressources. Les bénéficiaires de laprestation sont majoritairement des hom-mes (55 %).

En Espagne, un complément de pen-sion est attribué aux personnes dont l’étatde santé nécessite l’aide d’une tierce per-sonne. Des aides peuvent aussi être ac-cordées, au niveau national, régional oulocal, pour l’obtention du permis de con-duire, l’achat et l’adaptation d’un véhi-cule, l’aménagement d’un appartement.Le Plan d’action en faveur des person-

11. Imserso, Discapacidad, Datos estadisticos, 2003.

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L’évaluation du handicap

Les prestations en espècesEn Suède, l’incapacité de travail reconnue pour bénéficier de la pension d’invalidité est d’au moins 25 %. L’évaluation est faite

par un médecin de l’assurance sociale. Les besoins en aide pour bénéficier de l’allocation handicap sont évalués par les expertsde l’assurance sociale selon trois niveaux : 36 %, 53 % et 69 %.

Aux Pays-Bas, pour bénéficier de la pension invalidité, il faut avoir 15 % (WAO) ou 25 % (WAZ, WAJONG) minimum d’incapa-cité de gain au travail. Pour la WAO, l’incapacité est évaluée à deux niveaux : un médecin de l’assurance évalue le degré d’inap-titude au travail en dessinant un profil de capacité, c’est-à-dire un profil des types de tâches que le demandeur est capable ounon d’effectuer; un expert du travail évalue le degré d’incapacité en calculant la différence de gains entre l’emploi antérieur etcelui qu’il pourrait obtenir désormais compte tenu de son invalidité. Cette évaluation est réalisée par ordinateur en utilisant leprofil de capacité du demandeur. La décision concernant le taux d’incapacité est prise par une équipe pluridisciplinaire de l’admi-nistration de la Sécurité sociale (UWV).

En Espagne , la reconnaissance du handicap est réalisée par les équipes d’évaluation et d’orientation des communautés auto-nomes (régions) ou de l’IMSERSO (Sécurité sociale). Le degré de handicap est exprimé en pourcentages par l’équipe pluridisci-plinaire qui comprend au moins un médecin, un travailleur social et éventuellement d’autres experts, à partir de barèmes seréférant à des facteurs médicaux, à des facteurs sociaux, au besoin en aide d’un tiers et aux possibilités d’accéder aux transportsen commun. Les facteurs médicaux se déclinent en cinq degrés d’incapacité induits par seize types de déficience dans lesactivités de la vie quotidienne.

Pour bénéficier d’une pension d’invalidité contributive, l’assuré doit avoir une atteinte d’au moins 33 % de ses capacités pro-fessionnelles. La pension non contributive d’invalidité de la Sécurité sociale est attribuée sous condition de ressources à despersonnes souffrant d’une incapacité de travail d’au moins 65 %.

Au Royaume-Uni, l ’Incapacity Benefit est attribuée après deux séries d’examens médicaux : L’OOT (Own Occupation Test),qui certifie que la personne ne peut effectuer son travail même avec des aménagements, peut être remplacé par un certificat dumédecin généraliste traitant ; le PCA (Personal Capability Assessment) est effectué après 28 semaines d’arrêt maladie. Testmédical, il évalue les handicaps physiques, sensoriels et mentaux dans quatorze domaines. Contrairement à l’OOT, il ne seconcentre pas sur les capacités de la personne à son travail mais évalue l’ensemble de ses fonctions. Ce test est réalisé par unmédecin de la Sécurité sociale et un spécialiste du travail. La décision est prise par un décideur administratif non médical. Lebénéfice de la Disability Living Allowance est attribuée après une double évaluation administrative et médicale.Les besoins en aides

En Suède, les prestations LSS et LASS – qui peuvent être accordées sous forme d’assistance personnelle ou sous formed’enveloppe budgétaire – sont attribuées après une évaluation des besoins réalisée par les experts de l’assurance sociale. Pourles personnes handicapées qui ne relèvent pas de la LSS , les besoins en aide sont évalués librement par les services sociaux dela municipalité.

Aux Pays-Bas, l’évaluation pour avoir droit à la WVG est réalisée par les services médicaux des municipalités. La plupartd’entre elles se fondent sur un protocole modèle réalisé par l’association des municipalités mais elles n’ont pas d’obligation des’y référer.

En Espagne, les besoins en aide sont évaluées par des équipes d’évaluation et d’orientation des communautés autonomes.Au Royaume-Uni, l’évaluation pour bénéficier de Direct Paiements ou d’Invalidity Living Fund est faite par un travailleur social

dépendant des autorités locales en se fondant sur un guide de référence national.

E•1

nes handicapées 1997-2002 prévoit ledéveloppement des aides à la personnedans le cadre d’une politique visant à fa-voriser une plus grande autonomie pourles personnes handicapées. Chaque com-munauté autonome devant adapter cePlan pour le rendre opérationnel, l’avan-cement et l’étendue des dispositifs varientassez sensiblement selon les régions.

La famille continue toutefois à jouerdans ce pays un rôle essentiel en ma-tière d’assistance personnelle aux per-sonnes handicapées, comme d’ailleurs

aux personnes âgées. En effet, 91 % despersonnes handicapées en âge de tra-vailler vivent avec leur famille, moinsde 3 % avec des personnes n’apparte-nant pas à la famille, environ 5 % vi-vent seuls et enfin 1 % seulement encentres d’hébergement. Moins de 5 %des ménages comprenant une personnehandicapée de moins de 65 ans rece-vaient, selon les données disponibles,une aide à domicile.

Au Royaume-Uni, la principale allo-cation chargée de compenser les coûts

du handicap est la Disability LivingAllowance (DLA), prestation versée auxpersonnes handicapées de moins de 65ans ayant besoin d’une aide pour les soinsou pour se déplacer. Prestation noncontributive et non liée au revenu, ellepeut s’ajouter à l’Incapacity Benefit ouà l’Income Support. Le nombre de cesbénéficiaires n’a cessé de croître, de 1,5million en 1995 à 2,4 millions en 2002(4,1 % de la population en moyenne). Laproportion d’allocataires est particuliè-rement élevée dans certaines régions en

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difficulté : 6,6 % au Pays de Galles,5,8 % dans le nord-est de l’Angleterre.

Outre ces deux dispositifs nationaux,dont l’accès a été particulièrement res-treint depuis avril 1997, la loi sur l’allo-cation personnalisée habilite les autori-tés locales à accorder des prestations at-tribuées au niveau municipal. Les auto-rités locales disposent d’une grande auto-nomie dans l’organisation du régime etdans la détermination du montant de l’al-location. Les personnes handicapées peu-vent choisir de recevoir une somme d’ar-gent pour financer directement les servi-ces dont elles ont besoin, une partie desfrais étant supportées par elles. Selon uneétude de Kestenbaum, citée par LinaWaterplas et Erik Samoy12 , des tensionsimportantes existent toutefois entre lesattentes des personnes handicapées et lesdisponibilités budgétaires en matièred’assistance personnelle. Les politiquesdifférentes des communes quant aux al-locations personnalisées versées et leurmontant sont, en outre, source de dispa-rités importantes.

Aux Pays-Bas, depuis 1994, la loi surl’aide aux personnes handicapées desti-née à garantir leur « participation so-ciale » (loi WVG) oblige les communesà prendre en charge les frais d’adapta-tion des logements et les besoins relatifsaux transports. Ce dispositif ne concerneque les personnes atteintes d’un handi-cap permanent. Chaque commune doitdéterminer par arrêté les modalités d’ob-tention ainsi que le montant de la parti-cipation financière exigée du demandeur.Cette participation varie selon les com-munes mais dans le cadre d’une limiteannuelle fixée au plan national. Les aideset les services fournis sont toutefois dé-pendants des contraintes budgétaires desmunicipalités. Celles-ci tentent de maî-triser leurs dépenses en négociant la four-niture de services, de transport et de lo-gements avec des sociétés privées.

Depuis 1996, les personnes handica-pées peuvent également bénéficier d’uneenveloppe budgétaire attribuée par lesmunicipalités pour financer directementleurs besoins en services et soins infir-miers (PGB). Dans ce cadre, la personnehandicapée peut choisir librement son

assistant ainsi que le nombre d’heures etle type d’assistance dont elle a besoin.Ces allocations ne peuvent être cumuléesavec des services en nature. Toutefois,depuis 1998, ces enveloppes sont obli-gatoirement gérées par une instance spé-cifique, la SVB.

Des politiques spécifiquesd’insertion dans l’emploi

Selon une étude d’Eurostat, en 2002,les personnes modérément ou légèrementhandicapées, âgées de 16 à 64 ans, ontun taux d’activité et de chômage très pro-ches de ceux observés pour les person-nes valides au sein de l’Union euro-péenne. Tel n’est pas le cas pour les per-sonnes gravement ou très gravement han-dicapées qui sont respectivement 49 %et 78 % à être inactives, contre 27 % pourles personnes non handicapées. Parmi lesactifs, les taux de chômage étaient éga-lement plus élevés chez les personnesgravement handicapées (10,9 %) et trèsgravement handicapées (12,8 %) quechez les personnes non handicapées(7,2 %).

Dans les quatre pays analysés danscette étude, on constate un accent parti-culier, et renforcé dans la période récente,mis sur l’insertion professionnelle despersonnes invalides. Le contenu des dis-positifs mis en place varie cependant as-sez sensiblement : dispositifs spécifiquespour les personnes atteintes d’un handi-cap comme en Espagne et aux Pays-Bas,adaptation de la politique de New Dealau Royaume-Uni, volonté d’intégrationdans les politiques générales d’emploi enSuède. À l’exception du Royaume-Uni,les incitations financières aux entrepri-ses occupent une place majeure, dans lestrois autres pays, dans les dispositifsd’insertion des personnes handicapéesdans l’emploi ordinaire. Cette variété dedispositifs se traduit par des différencesimportantes dans la part des dépensesconsacrées à l’emploi au sein de l’en-semble des dépenses d’invalidité. Ainsi,les dépenses publiques pour les dispo-sitifs liés à l’emploi des personnes han-dicapées sont les plus élevées en Suèdeavec environ 14 % des dépenses d’in-

validité. Elles sont également élevées auxPays-Bas (11 % environ) mais restent trèsfaibles au Royaume-Uni (1,5 %) et enEspagne (environ 1 %)13 .

En Espagne, les gouvernementsavaient assez peu investi jusqu’aux an-nées 90, dans des politiques visant à as-surer un accès des personnes handicapéesau travail non protégé. La loi d’intégra-tion sociale de la personne handicapée(LISMI), adoptée en 1982 et révisée àplusieurs reprises, tente de coordonnerles différentes politiques, notamment enmatière d’emploi. Elle affirme la volontédes pouvoirs publics d’insérer les tra-vailleurs handicapés principalement dansl’emploi ordinaire. Ce principe reste tou-tefois difficilement appliqué et la loi aété complétée en 1997, dans le cadre duplan pluriannuel pour l’emploi, par unaccord entre le gouvernement et leCERMI, Comité espagnol des associa-tions des personnes handicapées, sur « lesmesures urgentes de réactivation del’emploi ».

Des primes et subventions sont accor-dées aux employeurs pour l’embauche depersonnes handicapées. Les employeurssont tenus, par ailleurs, de réintégrer leurssalariés devenus handicapés après uneformation professionnelle adaptée. Dansce cas, l’employeur bénéficie de réduc-tions de moitié des cotisations socialesdurant deux ans. Par ailleurs, un registrespécial a été créé afin de faciliter le re-crutement des personnes handicapées.M. Verdugo et Jordan de Urries14 souli-gnent toutefois le peu d’effet de ces dis-positions dans la mesure où les entre-prises qui ne se conforment pas à leursobligations n’encourent pas de pénali-sation effective.

Les Pays-Bas ont également connu uncertain retard dans l’adoption de politi-ques encourageant les travailleurs han-dicapés à intégrer le marché ordinaire del’emploi. Ce n’est, en effet, qu’en 1986que le gouvernement, inquiet par la fortecroissance du nombre de demandeurs depensions d’invalidité, introduit, dans uneloi sur l’emploi des travailleurs handica-pés (WAGW), une obligation pour lesemployeurs de favoriser l’égalité deschances. Certaines de ses dispositions

12. Attribution d’un budget personnalisé, nouvelle panacée ou cheval de Troie, in Revue Handicap N° 90, avril-juin 2001.13. Transformer le handicap en capacité, OCDE 2003.14. Rapport 2003.

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visent à réduire les difficultés rencontréespar les personnes handicapées par desaides techniques, l’adaptation et l’amé-nagement des postes de travail. La loiREA adoptée en 1998, et modifiée en2000, prévoit de nouvelles incitations parle biais de réductions des cotisations so-ciales à la charge de l’employeur, de sub-ventions pour l’adaptation de postes detravail et le financement du salaire de lapersonne handicapée nouvellement em-bauchée pendant une durée de six mois.Un budget personnalisé est, par ailleurs,attribué aux personnes handicapées pourleur permettre d’acquérir des prestationsde formation et de réadaptation afin d’ac-céder à un emploi. Cette mesure a un ca-ractère expérimental. Les évaluations dela loi REA n’ont pas démontré son effi-cacité mais il semble, selon les experts,que les institutions publiques aient du malà appliquer cette législation en raison desproblèmes d’organisation et d’interpré-tation qu’elle soulève.

Récemment, la loi SUWI a mis enplace des procédures dites de « cour-tage » pour la réinsertion des tra-vailleurs handicapés, considéréescomme une réorientation fondamentalepar le gouvernement. Depuis 2001, eneffet, la réadaptation et l’insertion dansl’emploi, financées sur fonds public, nesont plus de la responsabilité directe duservice public de l’emploi mais relèved’entreprises privées, spécialisées dansle domaine, qui interviennent après unemise en concurrence sur les prestationsqu’elles proposent.

Au Royaume-Uni, depuis 1997, l’ap-proche du nouveau gouvernement s’ins-crit dans une démarche générale intitu-lée politique du New Deal. Cette politi-que ne se limite pas à des mesures favo-risant le travail mais fait partie d’une stra-tégie plus globale dite « Welfare toWork ». La participation au New Deal fordisabled people n’est toutefois pas obli-gatoire pour les personnes handicapéescontrairement aux autres programmes deNew Deal, destinés aux jeunes, aux pa-rents isolés, et aux chômeurs de longuedurée. Toutefois, à la suite du Livre Vert« Pathways to Work : Helping Peopleinto Employment », adopté en 2002, etqui indique que 700 000 personnes bé-néficiaires de prestations d’invaliditésouhaitent (re)trouver un travail, diver-ses dispositions sont envisagées pour in-

citer plus fortement les personnes handi-capées à participer à ces programmes.

En novembre 2002, environ 28 000personnes seulement avaient rejoint ceprogramme et un peu plus de 6 000 per-sonnes avaient trouvé un emploi. Un cré-dit d’impôt (Working Tax Credit) com-plète le dispositif pour inciter les person-nes handicapées à (re)trouver un emploien rendant leur rémunération plus attrac-tive. Devant le peu de succès remportépar ce programme, le gouvernement pro-pose de renforcer le système en obligeantles personnes handicapées à rencontrer,préalablement à toute demande de pres-tation, un spécialiste du recrutement (jobbroker).

Par ailleurs, un programme spécifi-que d’aide à l’emploi (Workstep) proposedes emplois dans le secteur associatif oudans des entreprises ordinaires à environ23 000 personnes. Il peut être utilisé àtitre exceptionnel dans le cadre du main-tien dans l’emploi d’un travailleur devenuhandicapé.

En Suède, l’axe central de la politi-que gouvernementale est de favoriserautant que possible l’accès des person-nes handicapées aux emplois en milieuordinaire. Plusieurs dispositifs existentqui peuvent se superposer.

Un programme pilote lancé en 1993,SIUS, a été généralisé en 1998 à l’en-semble du territoire. Il offre un soutienindividuel au demandeur d’emploi han-dicapé pour le préparer à l’embauche etl’aider durant ses six premiers mois detravail, soutien renouvelé une fois en casde besoin.

Par ailleurs, depuis 1980, les institutspour l’emploi (AMI) aident les deman-deurs d’emploi en évaluant leurs compé-tences, en les orientant et en leur propo-sant des stages individuels d’adaptationet de réadaptation au poste de travail. Ceprogramme, ouvert à tous publics, béné-ficiait à plus de 80 % aux personnes han-dicapées en 2001, soit à environ 6 000personnes en moyenne par mois.

Les travailleurs handicapés ayantdroit aux mêmes salaires et avantages queceux prévus dans la convention collec-tive applicable à leur entreprise, les em-ployeurs qui embauchent une personnereconnue comme ayant une capacité detravail réduite peuvent recevoir une com-pensation financière. Cette subvention estconçue comme provisoire car liée au dé-

veloppement de la capacité de travail dubénéficiaire, et ne doit pas théoriquementexcéder une durée de quatre ans. En réa-lité, 3 % seulement de ceux qui sont en-trés dans le dispositif en sortent au boutdu délai prévu. En 2001, cette mesureconcernait environ 51 000 personnes.

Les travailleurs handicapés peuventaussi bénéficier d’une subvention à lacréation d’entreprise lorsqu’ils sont chô-meurs. Ce programme est l’un des plusanciens puisqu’il date de 1915.

Quotas d’emploi et travail protégé,des révélateurs de conceptiondifférente en matière de politiquesdu handicap

Deux types de conception des politi-ques du handicap coexistent et se super-posent dans l’Union européenne. Si cer-tains pays comme le Royaume-Uni ontmis en place une législation anti-discri-mination, d’autres comme les Pays-Bas,l’Espagne ont plutôt privilégié des dis-positifs d’assistance sociale où la nondiscrimination n’est pas le fondementcentral. Dans cette conception, les diffi-cultés que rencontrent les personnes han-dicapées nécessitent des dispositions spé-cifiques pour favoriser leur insertion dansl’emploi, tels des quotas et des centresde travail protégé. En Suède, une loi anti-discrimination a été adoptée récemmentmais la politique en faveur des person-nes handicapées a toujours privilégié lesprincipes généraux d’égalité, de nondifférentiation et d’intégration dans tousles secteurs de la vie économique et so-ciale. La Suède ne s’est donc résoluequ’assez tardivement à mettre en placedes entreprises de travail protégé en sou-lignant toutefois qu’elles n’étaient qu’uneétape transitoire.

En Espagne, des quotas d’emploi de2 % dans les entreprises de 50 salariés etplus et de 3 % dans les administrationspubliques ont été instaurés par la loiLISMI, avec toutefois la possibilité demesures alternatives. En réalité, ces obli-gations sont peu respectées, les postesréservés étant le plus souvent attribués àdes personnes sans incapacité. Aux Pays-Bas, la loi de 1986 n’impose pas réelle-ment un quota d’emploi mais se donnepour objectif d’atteindre des taux d’em-ploi de 3 à 5 % de travailleurs handica-pés dans les entreprises, par négociations

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LES POLITIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉESEN ESPAGNE, AUX PAYS-BAS, AU ROYAUME-UNI ET EN SUÈDE

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entre les employeurs et les syndicats. Encas d’échec, il était envisagé que cetteobligation d’emploi puisse être imposée.Toutefois, malgré le non respect de cesquotas, la réforme récente conserve l’as-pect volontaire du dispositif pour lesemployeurs. En revanche, les quotasd’emploi n’existent pas au Royaume-Uni,en raison de la politique de non discri-mination, ni en Suède où la référence àune conception du handicap qui en attri-bue la responsabilité à l’environnementsocial s’oppose à des mesures d’insertionspécifiques.

Autre dispositif, alternatif à l’emploiordinaire, le travail protégé n’a pas nonplus la même importance dans les politi-ques d’emploi des différents pays. Sil’Espagne met l’accent sur le renforce-

ment de ce secteur, les Pays-Bas tententde réduire sa croissance pour des raisonsde coût, en restreignant les critères d’ac-cès. Il est vrai qu’avec 90 000 personnesemployées dans plus de 250 établisse-ments et des listes d’attente importantes(plus de 20 000 personnes), le travailprotégé (WSP) y est particulièrementdéveloppé. En Espagne, deux types decentres de travail protégé coexistent, lescentres occupationnels (CO) pour lespersonnes les plus lourdement handica-pées et les centres spéciaux d’emploi(CEE) dont le nombre de salariés a trèsfortement augmenté (de 8 400 à 17 800en quatre ans). Au Royaume-Uni, le sec-teur du travail protégé a une importancemarginale au sein de la politique de l’em-ploi. Remploy, qui est le premier four-

nisseur de travail pour les personnes han-dicapées qui ne peuvent accéder au mar-ché ordinaire de l’emploi, fait travailler5 500 personnes handicapées dans sespropres unités. En Suède, l’entrepriseSamhall, société anonyme dont le seulactionnaire est l’État mais qui s’inscritdans les contraintes de rentabilité, em-ploie environ 25 000 personnes. Son ob-jectif est d’assurer une transition vers lemilieu ordinaire de travail et, à moyenterme, d’atteindre plus de 5 % de sortiesdu secteur protégé ; mais le taux réel desortie du dispositif est de 2 à 3 % seule-ment. OSA, regroupe, par ailleurs, les em-plois protégés du secteur public. Rele-vant principalement des municipalités,elle leur permet de minimiser les coûtssalariaux dans certains services.

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