« des malades que l’on récuse… ». synthèse

1
VIE DES SOCIE ´ TE ´ S « Des malades que l’on re ´ cuse... ». Synthe `se § Be ´atrice Birmele ´ Service de ne´phrologie et immunologie clinique, CHRU Tours, 37044 Tours cedex, France Rec ¸u le 21 juin 2007 ; accepte ´ le 21 juin 2007 Faire une conclusion ou proposer des recommandations ne refle `terait pas la richesse des interventions et des e ´changes de cette journe ´e. Il semble donc plus judicieux de proposer quelques e ´le ´ments de synthe `se et quelques pistes de re ´flexions au vu de tout ce qui a e ´te ´ dit. Lorsque se pose la question de la prise ou non en dialyse, il faut tenir compte en tout premier lieu du patient, de sa personne, de son individualite ´, de son originalite ´. Cela commence par une e ´valuation multifactorielle, la plus pre ´coce possible : e ´valuation clinique (en sachant que les crite `res de non prise en dialyse se limiteraient a ` la de ´mence e ´volue ´e ou le cancer e ´volue ´), e ´valuation cognitive, e ´valuation des de ´ficien- ces, incapacite ´s, handicaps, du contexte social... Cette e ´valuation ne ´cessite de se doter d’outils, dont il faudra se doter. Une deuxie `me e ´tape est de savoir ce que le patient a compris de la situation, en interpre ´tant ce qu’il dit, les signes qu’il peut faire. Une troisie `me e ´tape est de pre ´ciser ce que le patient souhaite, quelle est la qualite ´ de vie qui pour lui est acceptable. Quelle que soit sa de ´cision, il faut lui proposer un accompagnement, tenir compte de ses angoisses (qui ne sont pas force ´ment celles que l’on croit), lui redonner espoir, construire un projet de vie cohe ´rent. Cela implique un vrai partenariat fait d’e ´coute, de dialogue et de partage. Cela implique que le me ´decin tienne compte de la dissyme ´trie dans la relation, le savoir, la position de chaque intervenant, cela fait partie de la vertu phrone ´tique du me ´decin, comme nous l’expliquait le Pr Folscheid. La famille a une place essentielle, elle fait « partie » du patient. Pour l’entourage, le temps de la maladie n’est pas synonyme de temps du malade : les proches ne peuvent pas toujours imaginer qu’il y a une fin de vie. Un dialogue, un accompagnement des proches font partie de la de ´marche de soins. Un travail en e ´quipe entre soignants permet une meilleure prise en charge du patient, associant soignants de dialyse, de l’institution he ´bergeant le patient, me ´decin traitant et infirmie `re du domicile. Un travail interdisciplinaire, des progre `s en communication pourraient e ˆtre be ´ne ´fiques pour ces prises de de ´cisions, parfois difficiles. La question e ´conomique n’est pas un proble `me essentiel qui orientera le choix. En revanche, le temps est un e ´le ´ment de ´terminant : il y a besoin de temps et il y a besoin de prendre du temps. Cette prise de de ´cision pourra se faire apre `s une re ´flexion commune associant le patient, ses proches, les soignants du lieu de vie, les soignants de dialyse. La prise de de ´cision restera le plus souvent me ´dicale. Elle sera un acte positif, qui ne sera pas prise par de ´faut, que le de ´cideur devra assumer. Pour le me ´decin, une telle responsabilite ´ ne ´cessite une formation, un savoir, mais en laissant aussi une place a ` l’intuition, me ˆme si elle n’est pas rationnelle ni quantifiable. Il garde toujours un droit au retrait. Enfin, persisteront toujours des questions, des proble `mes que ne pourront re ´gler aucun savoir, aucune e ´thique. Cela aussi fait partie de la beaute ´ de notre profession. Ne ´phrologie & The ´rapeutique 4 (2008) 145 § Texte pre ´sente ´ lors du se ´minaire de la Commission d’e ´thique de la Socie ´te ´ de ne ´phrologie. Faculte ´ de me ´decine du Kremlin-Bice ˆtre, 18 juin 2004. Adresse e-mail : [email protected]. 1769-7255/$ — see front matter ß 2007 Elsevier Masson SAS et Association Socie ´te ´ de Ne ´phrologie. Tous droits re ´serve ´s. doi:10.1016/j.nephro.2006.06.012

Upload: beatrice

Post on 30-Dec-2016

219 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: « Des malades que l’on récuse… ». Synthèse

Nephrologie & Therapeutique 4 (2008) 145

§ Texte presente lors dAdresse e-mail : b.birm

1769-7255/$ — see front

doi:10.1016/j.nephro.2006

VIE DES SOCIETES

« Des malades que l’on recuse. . . ». Synthese§

Beatrice Birmele

Service de nephrologie et immunologie clinique, CHRU Tours, 37044 Tours cedex, France

Recu le 21 juin 2007 ; accepte le 21 juin 2007

Faire une conclusion ou proposer des recommandations nerefleterait pas la richesse des interventions et des echanges decette journee. Il semble donc plus judicieux de proposerquelques elements de synthese et quelques pistes de reflexionsau vu de tout ce qui a ete dit.

Lorsque se pose la question de la prise ou non en dialyse, ilfaut tenir compte en tout premier lieu du patient, de sapersonne, de son individualite, de son originalite. Celacommence par une evaluation multifactorielle, la plus precocepossible : evaluation clinique (en sachant que les criteres denon prise en dialyse se limiteraient a la demence evoluee ou lecancer evolue), evaluation cognitive, evaluation des deficien-ces, incapacites, handicaps, du contexte social. . . Cetteevaluation necessite de se doter d’outils, dont il faudra sedoter. Une deuxieme etape est de savoir ce que le patient acompris de la situation, en interpretant ce qu’il dit, les signesqu’il peut faire. Une troisieme etape est de preciser ce que lepatient souhaite, quelle est la qualite de vie qui pour lui estacceptable. Quelle que soit sa decision, il faut lui proposer unaccompagnement, tenir compte de ses angoisses (qui ne sontpas forcement celles que l’on croit), lui redonner espoir,construire un projet de vie coherent. Cela implique un vraipartenariat fait d’ecoute, de dialogue et de partage. Celaimplique que le medecin tienne compte de la dissymetrie dansla relation, le savoir, la position de chaque intervenant, cela faitpartie de la vertu phronetique du medecin, comme nousl’expliquait le Pr Folscheid.

u seminaire de la Commission d’ethique de la [email protected].

matter � 2007 Elsevier Masson SAS et Association Soc

.06.012

La famille a une place essentielle, elle fait « partie » du patient.Pour l’entourage, le temps de la maladie n’est pas synonyme detemps du malade : les proches ne peuvent pas toujours imaginerqu’il y a une fin de vie. Un dialogue, un accompagnement desproches font partie de la demarche de soins.

Un travail en equipe entre soignants permet une meilleureprise en charge du patient, associant soignants de dialyse, del’institution hebergeant le patient, medecin traitant etinfirmiere du domicile. Un travail interdisciplinaire, des progresen communication pourraient etre benefiques pour ces prisesde decisions, parfois difficiles.

La question economique n’est pas un probleme essentiel quiorientera le choix.

En revanche, le temps est un element determinant : il y abesoin de temps et il y a besoin de prendre du temps.

Cette prise de decision pourra se faire apres une reflexioncommune associant le patient, ses proches, les soignants du lieude vie, les soignants de dialyse. La prise de decision restera leplus souvent medicale. Elle sera un acte positif, qui ne sera pasprise par defaut, que le decideur devra assumer.

Pour le medecin, une telle responsabilite necessite uneformation, un savoir, mais en laissant aussi une place al’intuition, meme si elle n’est pas rationnelle ni quantifiable. Ilgarde toujours un droit au retrait. Enfin, persisteront toujoursdes questions, des problemes que ne pourront regler aucunsavoir, aucune ethique. Cela aussi fait partie de la beaute denotre profession.

de nephrologie. Faculte de medecine du Kremlin-Bicetre, 18 juin 2004.

iete de Nephrologie. Tous droits reserves.