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1 Des agents spatiaux pour l’intégration multi-échelle de modèles de dynamiques spatiales Application à la modélisation et la simulation de la dynamique du risque d’incendie de forêt Eric Maillé *, Bernard Espinasse **, Sébastien Fournier ** * Cemagref, Unité de Recherche Ecosystèmes Méditerranéens et Risques Département Gestion des Territoires, CS40061, Le Tholonet, 13182 Aix en Provence cedex 5. Email : [email protected] ** Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (LSIS) UMR CNRS 6168, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III) Domaine Universitaire de Saint-Jérôme, Avenue Escadrille Normandie-Niemen 13397 Marseille cedex 20. Email : [email protected] , [email protected] RESUME. La gestion à moyen terme de l’accroissement des risques territoriaux requière des moyens de représentation et de simulation des dynamiques spatiales. Pour le cas du risque d’incendie de forêt, une modélisation des dynamiques spatiales aux échelles micro-locale et macro-locale est requise : Micropolis est un système multi-agents pour la simulation de l’urbanisation discontinue au niveau micro-local. et Macropolis est un automate cellulaire pour la simulation de dynamiques d’occupation du sol au niveau macro-local. Pour assurer l’intégration des simulateurs de ces dynamiques opérant à des niveaux d’échelle différents, nous proposons une infrastructure logicielle d’intégration à base d’agents spatiaux nommée Pyroxène, pour laquelle le système d’information géographique a un rôle majeur en assurant l’intégration des données spatiales. ABSTRACT. Medium term management of territorial risk increase requires means to represent and simulate spatial dynamics. For forest fire risk, it is necessary to model spatial dynamics at macro-local and micro-local levels: Macropolis, a cellular automaton that simulates land cover dynamics at a macro-local level, and Micropolis, a multi-agents system that simulates the scattered urbanisation process at a micro-local scale level. In order to integrate simulators of spatial dynamics at different scale levels, we propose a spatial agents based software infrastructure called Pyroxene, for which the geographical information system have a major role assuming the spatial data integration. MOTS-CLES : systèmes d’aide à la décision, systèmes multi agents, systèmes d’information géographique, couplage, intégration à base d’agents, dynamiques spatiales, risque d’incendie de forêt. KEYWORDS: decision support systems, multi-agent systems, geographical information systems, coupling, agent based integration, spatial dynamics, forest fire risks.

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Des agents spatiaux pour l’intégration multi-échelle de modèles de dynamiques spatiales Application à la modélisation et la simulation de la dynamique du risque d’incendie de forêt Eric Maillé *, Bernard Espinasse **, Sébastien Fournier ** * Cemagref, Unité de Recherche Ecosystèmes Méditerranéens et Risques Département Gestion des Territoires, CS40061, Le Tholonet, 13182 Aix en Provence cedex 5. Email : [email protected] ** Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (LSIS) UMR CNRS 6168, Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III) Domaine Universitaire de Saint-Jérôme, Avenue Escadrille Normandie-Niemen 13397 Marseille cedex 20. Email : [email protected], [email protected] RESUME. La gestion à moyen terme de l’accroissement des risques territoriaux requière des moyens de représentation et de simulation des dynamiques spatiales. Pour le cas du risque d’incendie de forêt, une modélisation des dynamiques spatiales aux échelles micro-locale et macro-locale est requise : Micropolis est un système multi-agents pour la simulation de l’urbanisation discontinue au niveau micro-local. et Macropolis est un automate cellulaire pour la simulation de dynamiques d’occupation du sol au niveau macro-local. Pour assurer l’intégration des simulateurs de ces dynamiques opérant à des niveaux d’échelle différents, nous proposons une infrastructure logicielle d’intégration à base d’agents spatiaux nommée Pyroxène, pour laquelle le système d’information géographique a un rôle majeur en assurant l’intégration des données spatiales. ABSTRACT. Medium term management of territorial risk increase requires means to represent and simulate spatial dynamics. For forest fire risk, it is necessary to model spatial dynamics at macro-local and micro-local levels: Macropolis, a cellular automaton that simulates land cover dynamics at a macro-local level, and Micropolis, a multi-agents system that simulates the scattered urbanisation process at a micro-local scale level. In order to integrate simulators of spatial dynamics at different scale levels, we propose a spatial agents based software infrastructure called Pyroxene, for which the geographical information system have a major role assuming the spatial data integration. MOTS-CLES : systèmes d’aide à la décision, systèmes multi agents, systèmes d’information géographique, couplage, intégration à base d’agents, dynamiques spatiales, risque d’incendie de forêt. KEYWORDS: decision support systems, multi-agent systems, geographical information systems, coupling, agent based integration, spatial dynamics, forest fire risks.

Bernard-User
E. Maillé, B. Espinasse, S. Fournier, « Des agents spatiaux multi-échelle pour l’intégration multi-échelle de modèles de dynamiques spatiales », in: Revue Internationale de Géomatique – International Journal of Geomatics and Spatial Analysis, Lavoisier Ed ., Vol. 19, n°4/déc. 2009, pp. 523-549. �
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2 Revue Internationale de Géomatique

1. Introduction

Les dynamiques territoriales économiques, socio-démographiques et politiques induisent des changements dans l’utilisation et l’occupation du sol, à l’origine de l’amplification de certains risques dits « naturels » tels que le risque d’inondation ou le risque d’incendie de forêt. La gestion à moyen terme de cet accroissement des risques territoriaux requière des moyens de représentation et de simulation de ces dynamiques spatiales.

Le cas du risque d’incendie de forêt est particulièrement complexe, car il présente deux composantes : le risque d’éclosion, modélisable au niveau d’organisation territorial « micro-local », aux grandes échelles géographiques, et le risque de propagation modélisable à des échelles géographiques plus petites, correspondant au niveau « macro-local » (Jappiot & al., 2000). La représentation complète de la dynamique du risque global nécessite d’intégrer des simulations des dynamiques d’occupation du sol à ces deux niveaux d’échelle.

A chacun de ces deux niveaux, il existe de nombreuses implémentations de modèles dynamiques d’occupation du sol généralistes (simulateurs), tels que le modèle CLUE (Veldkamp & al., 1996). Or la dynamique du risque est principalement liée aux dynamiques de la zone d’interaction entre les zones combustibles (espaces naturels fermés ou semi-ouverts) et les zones vulnérables (en particulier, les zones urbaines discontinues), appelée « zone d’interface » (Lampin & al., 2005). Les modèles de dynamique d’occupation du sol généralistes ne sont généralement pas en mesure de représenter la dynamique de tels espaces complexes d’interface.

Nous avons spécifié et implémenté dans des simulateurs deux modèles de dynamique d’occupation du sol, spécialisés dans la représentation de la dynamique des zones d’interfaces, à deux niveaux pertinents de représentation et de gestion du risque lié à l’incendie de forêt. Tout d’abord au niveau macro-local, MACROPOLIS est un automate cellulaire développé au sein d’un système d’information géographique (SIG) matriciel (raster), simulant l’évolution des contours des zones d’interface. Ensuite, au niveau micro-local, MICROPOLIS est un simulateur multi-agents de la dynamique d’urbanisation discontinue au sein des zones d’interface.

L’intégration multi-échelle de simulations d’occupation du sol se heurte à deux niveaux d’incompatibilités des simulateurs développés : tout d’abord l’incompatibilité sémantique, chacun des modèles manipulant leurs propres concepts , et ensuite l’incompatibilité syntaxique, les paradigmes de formalisation et les environnements informatiques d’implémentation de chacun des modèles étant différents.

Afin de résoudre d’une part les contraintes d’incompatibilité sémantiques, et d’autres part les contraintes d’interopérabilité syntaxiques, nous avons conçu et développé un système d’intégration de simulateurs de dynamiques d’occupation du sol opérant à des niveaux d’échelle différents, à base d’agents spatiaux. Nous nous

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fondons ainsi sur les capacités cognitives des agents spatiaux pour résoudre les contraintes de compatibilités sémantiques des simulateurs développés, et sur leur caractère d’autonomie et leurs capacités de pro-action pour résoudre les contraintes syntaxiques. Le système est composé d’un ensemble d’agents spatiaux interagissant entre eux ainsi qu’avec les systèmes logiciels de leur environnement informatique (simulateurs, SIG, BD, etc.) : il s’agit ainsi d’un système multi-agents spatialisé d’intégration scalaire. Les agents spatiaux n’ont pas ici un rôle dans la modélisation de la dynamique du système territorial, mais un rôle fonctionnel, en assurant l’interopérabilité des simulations.

Ce papier développe dans la section 2 la problématique générale de l’intégration de dynamiques spatiales à l’origine de l’évolution du risque lié à l’incendie de forêt, ceci par intégration de modèles de dynamique d’occupation du sol à deux niveaux d’échelle. La section 3 détaille l’intérêt des agents spatiaux dans l’intégration de modèles pour la simulation intégrée de dynamiques territoriales. La section 4 décrit les modèles de dynamique d’urbanisation utilisés, MACROPOLIS à l’échelle macro-locale, un automate cellulaire, et MICROPOLIS à l’échelle micro-locale, un modèle multi-agents. La section 5 présente la spécification d’une infrastructure d’intégration à base d’agents spatiaux intergiciels, PYROXENE, dédiée à la simulation intégrée de la dynamique du risque d’incendie de forêt et permettant l’intégration multi-échelle des deux modèles de dynamique spatiales MICROPOLIS et MACROPOLIS, ainsi que son implémentation logicielle et sa mise en œuvre. Enfin nous concluons par un bilan, et en évoquant quelques perspectives à cette recherche.

2. Intégration de dynamiques spatiales à l’origine du risque d’incendie

L’augmentation du risque d’incendie émane principalement de la dynamique des zones d’interface, où entrent en confrontation des objets géographiques combustibles (végétation) et des objets géographiques vulnérables, en particulier le « bâti discontinu » (figure 1). Dans cet article, nous supposons la zone forestière statique, et nous nous intéressons exclusivement à la dynamique d’urbanisation discontinue et plus particulièrement à la formation de zones dites « d’interface ». La formation de telles zones résulte de la pénétration de la zone urbaine discontinue à l’intérieur du massif forestier. Les zones d’interface ont les propriétés suivantes :

– Il s’agit de zones critiques vis-à-vis du risque d’incendie de forêt, puisque s’y co-localisent des objets géographiques combustibles et des objets géographiques vulnérables.

– Il s’agit de zones micro-localement hétérogènes, dont la structure interne n’est pas connue à l’échelle macroscopique. Les zones d’interface « agrègent » des entités micro-locales de plusieurs classes, dans une organisation déterminante de leur dynamique et du risque qui leur est inhérent (figure 2).

Le risque inhérent aux zones d’interface n’est pas connu à l’échelle macro-locale, puisqu’il dépend de leur structuration spatiale microscopique, en particulier de la

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relation existant entre leurs « composants » combustibles et vulnérables. La connaissance du risque inhérent aux zones d’interface requière une analyse de leur structuration micro-locale.

Figure 1. Formation des zones d’interface au niveau macro-local.

La dynamique des zones critiques d’interfaces n’est pas connue à l’échelle macro-locale, car elle est essentiellement conditionnée par leur structuration spatiale microscopique. La « résolution » de la dynamique des zones d’interface nécessite le recours aux modèles dynamiques micro-locaux.

Ainsi, il est nécessaire de représenter la dynamique micro-locale des zones critiques d’interface pour connaître tant le risque que la dynamique macro-locale. Il est pour cela peu réaliste et surtout inutile de mettre en œuvre des modèles de dynamique d’occupation du sol, nécessairement couteux en ressources de calcul, sur des grandes extensions géographiques, ou simplement sur des zones inadaptées (inconstructibles, purement forestières, urbaines continues, etc.) : des sessions de simulation micro-locales doivent être concentrées sur des zones critiques d’interface.

L’intégration des deux niveaux d’échelle est ainsi requise pour répondre à la nécessité de « zoom » sur des zones critiques d’interface afin de représenter la dynamique du risque à l’échelle macro-locale pour la planification stratégique. L’intégration des deux niveaux d’échelle nécessite la spécification d’un « modèle d’intégration scalaire » (figure 3).

L’intégration scalaire se fait principalement du niveau micro-local vers le niveau macro-local : les modèles du niveau micro-local « renseignent » le niveau macro-local sur la dynamique des zones critiques d’interface. Toutefois, le niveau macro-local permet la représentation d’un environnement changeant au sein duquel se déroulent les dynamiques micro-locales : ces dernières sont susceptibles d’être

Noyau urbain historique

Zone d’extension périurbaine discontinueZone forestière

combustible

Zone « d’interface »

Espace agricole historique

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influencées par ces changements de l’environnement. Le modèle d’intégration scalaire peut comporter une composante pour la représentation de l’influence de dynamique macro-locale sur les dynamiques micro-locales : nous parlons d’intégration scalaire descendante.

Figure 2. Résolution d’une zone d’interface macro-locale au niveau micro-local.

Figure 3. Un modèle d’intégration scalaire.

Cette intégration scalaire comporte deux dimensions très distinctes : une dimension sémantique, qualifiée de « conceptuelle », et permettant la mise en

Zone critique

d’interface Niveau macro-local

(planification statégique)

Niveau micro-local (planification opérationnelle)

Objets géographiques

« élémentaires »

Dynamique des zones d’interface

Niveau micro-local :

Modèle de dynamique spatiale des espèces ligneuses

IS1 : Modèle d’intégration

scalaire

Niveau macro-local :

Modèle de dynamique des paysages forestiers (écologie du paysage)

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relation entre les concepts manipulés par les deux modèles au travers de l’écriture des modèles d’intégration scalaires (figure 3), et une dimension syntaxique, qualifiée « d’opérationnelle », assurant l’interopérabilité des simulateurs, notamment en termes d’échanges de données et de signaux, de synchronisation temporelle et de gestion des simulations.

Afin de supporter cette intégration scalaire avec ses deux dimensions, nous proposons une infrastructure permettant l’intégration de simulateurs de dynamique spatiale de niveaux d’échelle différents, et fondée sur l’utilisation d’agents intergiciels spatiaux. Dans la section suivante, nous développons l’intérêt des agents spatiaux dans l’intégration de modèles pour la simulation intégrée de dynamique territoriales.

3. Agents spatiaux pour l’intégration de systèmes logiciels de simulation

Assurer l’interopérabilité des simulateurs de modèles spatio-dynamiques s’inscrit dans le cadre général des démarches d’intégration de systèmes logiciels. Ces démarches doivent en premier lieu prendre en compte les diverses formes d’hétérogénéité des systèmes (logiciels) à intégrer : diversité des modes de représentations du système réel, du paradigme de représentation utilisé, du langage logique et de l’environnement informatique d’implémentation, etc. Ramat (Ramat, 2004) propose une typologie des modèles spatio-dynamiques en fonction des modes de représentation, continus ou discrets, de l’espace, du temps, et des grandeurs variables, qui contraignent le formalisme du modèle. Afin de permettre la réutilisation de simulateurs existants (l’intervention directe sur les modèles implémentés est exclue), l’interopérabilité « logicielle » doit être assurée par l’intermédiaire de systèmes logiciels intermédiaires d’adaptation et de médiation, ou intergiciels.

La complexité de l’interaction entre les simulateurs nous conduit à utiliser des agents logiciels pour assurer cette intégration. En effet, les simulateurs cumulent potentiellement de nombreuses formes d’hétérogénéité. La médiation assurée par les intergiciels au cours des simulations s’opère dans le cadre d’un environnement dynamique. Elle nécessite certains caractères d’adaptation, d’autonomie, voire de proactivité des intergiciels. C’est pourquoi les intergiciels que nous utilisons sont à base d’agents logiciels. Le système d’intégration peut dès lors être considéré comme un système multi-agents.

Dans cette section, après avoir posés quelques définitions préalables relatives à la notion d’agent en générale et spatial en particulier, nous développons une argumentation précisant l’intérêt des agents spatiaux pour l’intégration de modèles et de simulateurs des dynamiques territoriales.

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3.1 Quelques définitions préalables autour des agents

Parmi les multiples définitions des agents logiciels, on peut distinguer deux tendances révélatrices d’apports potentiels des agents complémentaires dans l’intégration de modèles :

– certaines définitions restent focalisées sur « l’individualité » des agents, leur autonomie, leurs capacités perceptives, déductives et proactives. Les architectures BDI1 font des agents des entités « complètes », quoique de complexité variable. Elles leur confèrent des capacités de réponse élaborée à des évènements aléatoires imprévus, et d’adaptation de leur comportement à un environnement changeant. Nous prenons l’exemple de la définition très générale de Wooldridge : « An agent is a computer system that is situated in some environment, and that is capable of autonomous action in this environment in order to meet its design objectives (Wooldridge 2002).

– d’autres insistent plus sur la sociabilité des agents et de leurs « interaction cognitives » au sein d’un environnement peuplé d’autres agents. Pour Ferber, « un agent est une entité autonome, réelle ou abstraite, qui est capable d’agir sur elle-même et sur son environnement, et qui, dans un univers multi-agents, peut communiquer avec d’autres agents, et dont le comportement est la conséquence de ses observations, de ses connaissances et de ses interactions avec les autres agents » (Ferber, 1999). Ces définitions considèrent l’agent comme membre d’un tout, en valorisant leurs capacités sociales dans l’espoir de l’émergence de connaissances nouvelles issues des interactions.

A l’interface entre les sciences de l’information et les domaines d’application, l’activité de modélisation des systèmes spatiaux produit des concepts recouvrant des réalités pas toujours homogènes selon les points de vue. En particulier, le concept d’agent spatial apparaît polysémique. Nous retiendrons les définitions suivantes, inspirées notamment des définitions proposées par les sciences de l’information, telles que par (Rodriguez & al., 2002) :

– Les agents spatiaux sont des agents dotés d’un modèle de représentation spatiale de leur environnement, et qui fondent tout ou partie de leur comportement, cognitif ou réactif, sur le traitement de données spatiales représentées dans ce modèle. Dans le domaine particulier de la géomatique, l’espace représenté est l’espace géographique. Ainsi les agents spatiaux ne sont pas nécessairement situés, ni spatialement décrits, mais dispose d’une connaissance explicite, partielle ou totale, de l’organisation topologique ou métrique de leur environnement.

– Les agents spatialisés sont des agents dotés d’une description spatiale attributaire. Il s’agit presque toujours d’agents spatiaux, sauf dans le cas possible mais exceptionnel où ils ne « connaissent » pas leur propre spatialité, et n’ont pas de raisonnement spatial. Dans le domaine de la géomatique (en espace géographique),

1 Believes, Desires, Intentions : coyances, désirs, intentions.

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il s’agit le plus souvent d’objets géographiques agentifiés (Duchêne, 2001). Aussi, dans ce papier, nous les appellerons « agents géographiques ».

– Les agents situés sont des agents dotés d’attributs de position référencés de façon absolue ou relative. Si l’espace est géographique, ils sont géo-référencés. S’ils sont dotés pour tout descripteur spatial des seuls attributs de position, ils se limitent à des points de l’espace agentifié. Les agents géographiques sont situés, puisque leur description spatiale est géo-référencée dans un référentiel absolu2.

3.2. Agents pour l’intégration de modèles et de simulateurs des processus spatiaux

L’utilisation d’agents pour l’intégration de modèles est moins usuelle que leur utilisation pour la constitution de systèmes multi-agents (SMA) dédiés à la modélisation dynamique individus-centrée de systèmes complexes. Certains auteurs vont d’ailleurs jusqu’à assimiler les SMA et les modèles individus-centrés (individual based models – IBM) (Bousquet & al., 2001) (Grimm, 1999), d’autres ne voyant dans les SMA qu’un paradigme d’implémentation des IBM (Reynols, 2001).

L’intelligence artificielle distribuée (IAD) a d’ailleurs été amenée à concevoir les agents dans une démarche « mimétique » par rapport aux sciences du vivant ou cognitives (Ferber 1999), (Coquillard & al., 1997). Il s’agissait de parvenir à la résolution de problèmes en utilisant les méthodes de résolution collectives (et non analytiques) existant dans la nature et inspirée les sciences du vivant notamment par l’éthologie (vie artificielle). Il s’en suit que l’efficacité des agents pour la représentation de la dynamique de systèmes complexes, tient souvent à leur pouvoir de représentation métaphorique d’entités complexes du système réel (par exemple les êtres vivants d’un système biologique ou social). Le modèle consiste alors en un système virtuel ressemblant fortement au système réel (simplifié), le choix du type d’agents (réactif, cognitif, hybride, etc.) reposant surtout sur le niveau de complexité du comportement des entités réelles représentées.

En dehors des démarches de modélisation dynamique individus-centrée de systèmes complexes, l’utilisation des agents trouve sa justification dans une perspective plus empirique que théorique. La relation « phylogénique » des agents avec les objets (l’agent vu comme un objet évolué) laisse à penser que les agents sont candidats à la représentation de tout système. Ainsi, pour Ferber, à la programmation orientée objet d’aujourd’hui succèdera demain la programmation orientée agents (Ferber 1999). Mais de façon moins générale, les agents sont aussi des candidats à la réalisation de tâches complexes requérant des adaptations comportementales à un environnement changeant qu’ils perçoivent. Ils sont alors dotés de capacités spécifiques particulières plus ou moins développées : par exemple, l’interactivité pour les agents interfaces-utilisateurs, la mobilité chez les

2 Dans d’autres domaines que la géomatique, les agents spatiaux peuvent ne pas être situés, s’ils ne sont l’objet que d’une description purement géométrique, sans référence spatiale absolue ou relative aux autres composants du SMA.

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agents mobiles, la perception et le raisonnement sur l’espace pour les agents spatiaux (Rodriguez & al., 2002).

En ce qui concerne l’intégration de modèles de simulation, nous préconisons l’usage d’agents spécifiques que nous nommerons agents intergiciels, possédant les caractéristiques des agents logiciels en général décrites à la section 3.1., caractéristique nécessaire à la résolution de ce problème d’intégration.

L’agent intergiciel directement en contact avec le système logiciel ne saurait communiquer avec ce dernier au travers de messages (sémantiques) : il n’en reçoit que des signaux et ne lui transmet que des commandes. Les tâches d’interprétation des signaux et d’émission de commandes ne requièrent que des capacités cognitives limitées. En revanche l’intention et l’action de l’intergiciel qui découlent de ces signaux et le choix des commandes à transmettre sont élaborés (i) en s’appuyant sur une base de connaissances qui concerne d’une part le système logiciel en contact avec l’agent, et d’autre part la sémantique globale du système intégré ; (ii) en fonction de l’état global du système, « perçu » par l’intergiciel, à l’instant de la réception du signal. C’est ici la dynamique de l’environnement de l’intergiciel et la nécessaire adaptation de son comportement à cette dynamique qui justifie son agentification.

Le simulateur intégré est par définition un lieu d’échange d’informations multiples d’un contenu sémantique plutôt restreint, mais extrêmement divers, avec parfois des nuances de sens subtiles, devant représenter les différences dans les modes de pilotage de systèmes logiciels similaires mais chacun doté de leurs spécificités (il ne s’agit pas seulement des simulateurs, mais aussi de tous les modules fonctionnels utiles à l’intégration). La prise en charge de ce système d’échange d’information par un système intergiciel, un système multi-agents, permet de valoriser les caractères de sociabilité des agents, non pas dans un objectif d’émergence de connaissances nouvelles mais plutôt dans un objectif de formalisation du système d’interactions sémantiques entre les composantes du système intégré.

Le choix de l’agentification des intergiciels se traduit néanmoins par la complexification et l’alourdissement du système global. L’efficacité et la fiabilité du produit final sont conditionnées par l’optimisation du SMA mis en place. Nous préconisons l’usage de la norme de le Foundation for Intelligent Physical Agents (FIPA, 2001) qui spécifie l’architecture d’intergiciels agentifiés organisés en un système multi-agents pour assurer l’interopérabilité entre composants fonctionnels spécifiques. L’interopérabilité y est alors assurée par invocation de services, comme déjà préconisé dans Serment (Serment, 2007).

Dans la section suivante, nous présentons, les deux modèles de simulation de dynamiques d’occupation du sol à l’origine de l’accroissement du risque d’incendie de forêt, à deux échelles différentes, qu’il s’agit d’intégrer.

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4. Modèles de simulation de dynamiques d’occupation du sol pour le risque d’incendie

Les modèles d’extension urbaine sont principalement produits dans le domaine de la géographie. Ils sont le plus souvent fondés sur la représentation d’un phénomène de diffusion spatiale, modulés ou non par les caractères géographiques des espaces sur lesquels la diffusion se produit. Les automates cellulaires sont particulièrement bien adaptés à l’implémentation de tels modèles de diffusion, notamment à échelle moyenne (Batty & al., 2000), (Langlois & al., 1997). De très nombreux travaux les utilisent à l’échelle des grandes agglomérations ou des conurbations européennes, citons notamment (Dubos-Paillard & al., 2003), (Ellerkamp, 2001). Notons que l’approche fractale, bien que statique, est également utilisée, pour la reproduction qu’elle permet d’une « figure initiale » (Frankhauser & al., 2006).

Les travaux portant spécifiquement sur la modélisation du processus d’urbanisation discontinue, en zone périurbaine et à grande échelle sont bien moins nombreux. L’économie spatiale nous propose certains modèles statiques susceptibles d’être utilisés dans une perspective dynamique : Napoléone (Napoléone, 2005) identifie des zones préférentielles d’implantation du bâti au travers de la variable prix du foncier, élaborées à partir de caractères géographiques. Ils envisagent un modèle d’urbanisation diffuse fondé sur la « variable médiatrice prix » qui permettrait de hiérarchiser les zones d’urbanisation préférentielles à venir en fonction de leur potentialité en termes de prix. Peu d’entre eux prennent en compte la complexité de la structuration locale de l’occupation du sol dans leur dynamique. Or une hypothèse forte des travaux de chercheurs sur les dynamiques du risque (Lampin & al., 2005), est l’importance de la complexité de la relation spatiale entre les différentes classes d’occupation du sol comme facteur de la dynamique.

A l’échelle macro-locale, pour la représentation de la progression des zones urbaines discontinues vulnérables dans l’espace forestier combustible, nous avons développé un modèle de simulation à base d’automates cellulaires stochastiques à états finis, MACROPOLIS. Celui-ci est développé sous le SIG matriciel GRASS et doté d’une interface de pilotage en langage Java.

Pour la représentation de la progression des zones urbaines à l’échelle micro-locale, nous avons réalisé un modèle de simulation individus-centré à base d’agents, MICROPOLIS, reproduisant le système social en œuvre sur une zone ayant été déclarée constructible. Celui-ci permet la simulation de l’implantation du bâti, et par suite, l’évolution du risque d’incendie en fonction de scénarios de planification de l’urbanisation (Plans Locaux d’Urbanisme) ou d’aménagement du territoire (Plan de Protection contre les Risques). MICROPOLIS a été développé dans la plateforme multi-agents JADE. Dans les sections suivantes nous présentons succinctement ces deux modèles de simulation.

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4.1 Le modèle MACROPOLIS (niveau macro-local)

A l’échelle macro-locale, les mécanismes socio-économiques fondamentaux sous-jacents à la diffusion des espaces artificialisés et leurs interactions (démographie, développement économique, planification urbaine, etc.) sont assez difficiles d’accès mais le processus peut être représenté par les formalismes pour lesquels la dynamique est uniquement déterminée par la relation de voisinage, tels que les grilles d’automates cellulaires. Naturellement la dynamique est modulée en tout point par la valeur de nombreuses variables géographiques (topographie, proximité de voies de communication, etc.) (Ellerkamp, 2001).

Afin de représenter les dynamiques d’artificialisation, nous avons développé le modèle MACROPOLIS (Maillé & al., 2007) spécifiquement pour la simulation de la dynamique du risque. Il s’agit d’une grille d’automates cellulaires stochastique synchrone dédié au développement et à l’implémentation de modèles diffusifs globaux dont la dynamique émane essentiellement de la relation de voisinage entre les entités, fondés sur l’élaboration et le calibrage de fonctions de probabilité de transition.

L’état initial de l’occupation du sol est représenté par une carte matricielle établie selon une nomenclature en un nombre fini de postes. Chacun des postes représente un état potentiel de la cellule. La cellule est par ailleurs caractérisée par une liste d’attributs invariants.

A chaque pas de temps, est calculée pour chacune des cellules une probabilité de transition d’état en fonction :

– de l’état de la cellule, résumé par le seul attribut d’occupation du sol. Une matrice de probabilité transition entre états doit être calibrée ; – d’attributs géographiques invariants (qui ne dépendent pas et ne définissent pas l’état de la cellule), en particulier la constructibilité, ou d’autres caractères géographiques invariants (pente, orientation, proximité d’équipements, etc.) : il s’agit du contexte géographique statique (CGS) ; – de l’état des cellules de son environnement, dans un rayon de voisinage déterminé. Il s’agit du contexte géographique dynamique (CGD).

Pour chaque cellule des classes actives (c’est-à-dire susceptible de transition), on estime la probabilité de transition d’un état discret E vers un état E’ par un modèle atomique consistant en une fonction de probabilité f telle que :

PE->E’ = f(E, CGS, CGD)

Parmi les attributs du contexte géographique statique, la couche d’information géographique représentant les plans locaux d’urbanisme permet d’interdire les transitions vers les états urbains de zones non constructibles. Il est également possible de définir des indices de relations spatiales avec des entités géographiques vectorielles tels que la proximité aux axes de communication.

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Le contexte géographique dynamique d’une cellule de l’automate est évalué, à chaque pas de temps par des indices de l’analyse spatiale contextuelle, caractérisant l’environnement de la cellule dans un rayon de voisinage déterminé : la fréquence des cellules dans le même état E ou dans l’état cible E’, dans un rayon de voisinage donné, interviennent fortement dans le calcul de la probabilité de transition. Par exemple, pour calculer la probabilité de transition d’un état « agricole pérenne » vers un état « urbain continu », on cherchera la fréquence des cellules « urbain continu » dans l’environnement de la cellule. D’autres indices matriciels sont utilisés tels que l’agrégation (Robbez-Masson & al., 1999) des cellules dans l’état cible E’, ou l’indice d’entropie de Shannon (Shannon, 1948). Chacun des indices est affecté d’un poids qui permet d’en régler l’effet sur la probabilité de transition globale. Un tirage aléatoire permet de réaliser la transition (ou la non-transition) effective en fonction des probabilités de transition obtenues, de façon synchrone pour chaque cellule et à chaque pas de temps.

MACROPOLIS est développé sur le système de traitement de l’information géographique ouvert GRASS (figure 4), à dominante matricielle. Il peut donc utiliser directement des couches d’information géographiques géo-référencées, et être facilement appliqué à un terrain réel. Il est par ailleurs doté d’une interface de spécification des fonctions de probabilité de transition en langage Java.

Figure 4. MACROPOLIS : succession des états spatiaux produits à chaque pas de temps et fenêtre de contrôle (en rouge, les « zones d’interface »).

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 13

MACROPOLIS est donc un cadre logiciel pour l’aide à l’élaboration de modèles de dynamique spatiale fondé sur l’analyse contextuelle. Il doit permettre au chercheur thématicien l’étude de modèles de calcul des probabilités de transition d’occupation du sol à partir d’expérimentations fondées sur des données rétrospectives (cartographie diachronique). Le calibrage du modèle doit être réalisé grâce à des travaux de cartographie diachronique à partir d’images anciennes et récentes : nous avons réalisé une expérience de calibration validation sur une zone périurbaine de la conurbation d’Aix-Marseille, sur la période 1988-1999 (Maillé & al., 2005).

Lorsqu’une zone de bâti discontinu rencontre une zone forestière, il y a formation d’une nouvelle zone d’interface. Par définition, le risque qui lui est inhérent, mais aussi sa dynamique, ne sont pas connu au niveau macroscopique (donc du modèle MACROPOLIS), mais sont déterminés par la structure interne des zones, et non plus par leur voisinage. Afin de pouvoir poursuivre la simulation, le recours à un modèle de dynamique du niveau microscopique est nécessaire. Afin de simuler la dynamique des zones d’interface, nous utilisons le modèle MICROPOLIS.

4.2. Le modèle MICROPOLIS (niveau mico-local)

MICROPOLIS (Maillé & al., 2007) est un système multi-agents (SMA) pour la modélisation de la dynamique d’urbanisation discontinu à l’échelle micro-locale. Ce processus est régulé par la planification urbaine qui fixe les modalités de l’urbanisation, en termes notamment de localisation et de densité. A l’intérieur de ce cadre règlementaire, la dynamique est susceptible d’emprunter des trajectoires d’évolution transitoire très variées qu’il s’agit de représenter.

Le SMA MICROPOLIS représente une métaphore du système social qui conduit à la formation des structures urbaines discontinues caractérisant les espaces complexes d’interface. Il tente de reproduire, d’une part les transactions foncières aboutissant à l’implantation du bâti sur les parcelles constructibles, et d’autre part le morcellement des parcelles initialement agricoles ou forestières pour la mise sur le marché de parcelles de taille adaptée à la construction.

Deux types d’agents interagissent au sein du SMA : les agents sociaux qui représentent des acteurs individuels du territoire ou des groupes d’acteurs associés en institution ; les agents géographiques qui représentent des objets géographiques agentifiés. Ces deux types d’agents appartiennent à la catégorie générique des agents spatiaux (cf. § 3.1), dotés d’un système de représentation et de raisonnement sur les connaissances spatiales. Les agents géographiques sont par ailleurs des agents spatialisés, alors que les agents sociaux ne sont pas situés. Il s’agit dans les deux cas d’agents cognitifs, même si les raisonnements et les délibérations des agents géographiques sont très linéaires et déterministes, et à contenu sémantique très limité.

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14 Revue Internationale de Géomatique

A l’instant t0, l’espace est représenté par deux couches d’informations géographiques, l’une représentant l’occupation du sol, l’autre la propriété foncière (cadastre). Sur cet espace interviennent alors cinq classes d’agents sociaux et trois classes d’agents géographiques différents. Les agents géographiques agissent au sein de sous-systèmes multi-agents distincts du SMA principal où interviennent principalement les agents sociaux.

4.2.1. Le sous-systèmes d’agents sociaux

Les cinq classes d’agents sociaux du modèle MICROPOLIS représentent des types d’acteurs individuels ou d’institutions du territoire. Il s’agit des agents Aménageur, Propriétaire, Acheteur, Lotisseur et Géomètre.

L’agent Aménageur est unique et a essentiellement un rôle de coordination. Les acheteurs négocient avec les propriétaires l’achat de parcelles à bâtir. Les lotisseurs servent parfois d’intermédiaires entre acheteurs et propriétaires. Propriétaires ou lotisseurs sont susceptibles de découper de grandes parcelles à vocation initialement agricole ou forestière pour former des parcelles à bâtir. Pour cela, ils font appel à un géomètre, qui assure le lien entre les agents sociaux et les agents géographiques. Enfin, acheteurs et lotisseurs peuvent installer un bâti sur une parcelle constructible.

Les négociations s’opèrent entre deux agents seulement (pas de négociation multi-partite). Les acheteurs, propriétaires et lotisseurs évaluent une parcelle en fonction de ses caractères géographiques, des caractères propres des agents (préférences), et de leur connaissance du marché : ces évaluations se fondent sur un modèle économique de type hédonique produit par Napoléone (Napoléone, 2005).

4.2.2. Les sous systèmes d’agents géographiques

Les agents géographiques sont des objets géographiques agentifiés. Ils sont associés à une représentation (carto)graphique de leurs caractères spatiaux. Ils sont chargés de l’optimisation des opérations spatiales demandées par les agents sociaux (géometre, en particulier). Ces agents géographiques sont de deux classes : les agents de Parcelle et les agents Bati.

Les agents Parcelle (classe abstraite d’agents) assurent l’optimisation du pré-découpage opéré par le géomètre, par négociation de leur relation topologique au sein d’un sous-système multi-agents spécifique. Deux classes d’agents instantiables sont définies :

– les agents Parcelle-fille négocient deux à deux entre parcelles limitrophes, l’existence et la forme de leur limite commune (fonction « move vertex »), à l’intérieur du contour de la parcelle d’origine (la Parcelle-mère), avec l’objectif d’aboutir à une surface la plus proche possible de celle requise par le plan d’urbanisme et la minimisation de leur indice de forme (indice de Patton). Les agents parcelle-filles limitrophes sont susceptibles de fusionner en négociant la dissolution de leur frontière avec leur voisin.

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 15

– l’agent Parcelle-mère (unique dans un sous-système d’agents spatiaux donné) dont le rôle est de contraindre l’évolution de la description spatiale des Parcelle-filles à l’intérieur de son périmètre.

Les procédures de découpages des parcelles sont à l’origine de la formation des structures spatiales déterminantes du risque lié à l’incendie de forêt.

Les agents géographiques de type Bati permettent l’optimisation du positionnement géographique des bâtis individuels sur la parcelle constructible en fonction de la position des autres bâtis et d’un cahier des charges fourni par le constructeur (qui est soit un acheteur soit un lotisseur). Le cahier des charges est un ensemble de critères géographiques à satisfaire (niveau de l’emplacement par rapport à la pente, proximité des accès, etc). Pour cela il choisit un emplacement sur la parcelle, indépendamment des autres bâtis, puis il négocie cet emplacement avec les autres bâtis en phase d’installation simultanée (cas des lotissements, par exemple).

Le positionnement du bâti sur la parcelle est important en termes de risque principalement dans les situations de très faible densité de construction.

Le modèle est développé dans le langage Java, sur la plateforme de développement à base d’agents JADE. La figure 5 présente une saisie d’écran d’une session de simulation MICROPOLIS.

Figure 5. Une capture d’écran d’une session de simulation MICROPOLIS (les nouveaux bâtis isolés produits par le modèle apparaissent en bleu sur la carte)

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16 Revue Internationale de Géomatique

L’intégration de ces deux simulateurs, pour la simulation de la dynamique du risque, requière donc en premier lieur leur mise en compatibilité syntaxique, malgré l’hétérogénéité de leur paradigme de formalisation, de leur environnement informatique de développement, etc. Elle requière également un support pour l’exécution des modèles d’intégration scalaire qui doivent en assurer la compatibilité au plan sémantique. Le système d’intégration PYROXENE est spécifié à cette double fin.

5. Pyroxene, une infrastructure multi-agents d’intégration de simulateurs spatiaux multi-échelles

PYROXENE est une infrastructure logicielle d’intégration à base d’agents spatiaux intergiciels, dédiée à la simulation intégrée de la dynamique du risque d’incendie de forêt. En fait, PYROXENE (Maillé, 2008) supporte l’intégration scalaire, mais aussi l’intégration thématique, ceci en permettant l’intégration de modèles de dynamique des zones vulnérables et des zones combustibles (écosystèmes forestiers, notamment. Cependant, dans le présent article, nous ne développons que l’intégration scalaire assurée par cette infrastructure.

Après avoir posé les principes de cette intégration scalaire, nous présentons l’architecture générale de l’infrastructure d’intégration PYROXENE, nous donnons ensuite quelques éléments relatifs à son implémentation informatique et à sa mise en œuvre.

5.1. Principe de fonctionnement de l’intégration scalaire

MACROPOLIS génère des zones critiques d’interface par installation de zone de bâti discontinu à l’intérieur ou en bordure des massifs forestiers. Au niveau de description macro-local, ces zones sont homogènes, et ne sont pas résolues en bâtis individualisés ou ensemble d’entités végétales. La dynamique de ces zones, comme le risque qui leur est inhérent, sont déterminés par la relation spatiale entre ces deux classes d’entités. Un transfert d’échelle, du niveau macro-local vers le niveau micro-local, est alors nécessaire pour simuler l’évolution de ces zones sur un espace limité à leur rectangle englobant (voir la figure 2), et une période de temps limitée à leur durée de vie. La figure 6 illustre le déroulement d’une intégration scalaire.

Lors de la simulation MACROPOLIS, une zone d’interface est produite et doit être détectée par le système d’intégration. Celui-ci doit extraire la zone et y initialiser une simulation MICROPOLIS pour en évaluer la dynamique. Cette procédure comprend notamment une initialisation de l’état microscopique de la zone d’interface, afin que cet état corresponde à celui de la date macroscopique. A cette fin, diverses procédures peuvent être utilisées, notamment la mise en œuvre de simulations de rattrapage, ou la désagrégation de l’information macroscopique - intégration scalaire descendante. Puis la session de simulation microscopique est

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 17

démarrée, pour un nombre de cycles microscopiques correspondant, au minimum, au temps représenté par un cycle macroscopique.

Figure 6. Déroulement temporel d'une intégration scalaire.

Le modèle d’intégration scalaire ascendante (agrégation) est alors mis en œuvre pour vérifier si l’espace concerné est toujours dans l’état « interface ». Ce modèle sera par exemple basé sur le rapport entre la densité du bâti et le taux de surfaces boisées. Le modèle d’intégration scalaire ascendant permet, par agrégation, la définition d’un nouvel espace dont la dynamique est connue du modèle MACROPOLIS (dans la figure 6, il s’agit d’un espace urbain discontinu « standard »), la simulation microscopique est alors arrêtée, et l’information produite par la simulation microscopique est transmise au modèle macroscopique.

La figure 7 illustre la temporalité de l’intégration. Par hypothèse la durée des cycles microscopiques est inférieure à la durée des cycles macroscopiques. Entre deux cycles macroscopiques, une inter-période d’intégration permet la mise en œuvre des différentes procédures nécessaires au transfert d’échelle.

SIim

ulat

ion

MA

CR

OPO

IS

Agrégation d > dmin

Extraction Initialisation

Simulation Mise à jour

Urbain continu Urbain discontinu Agricole Naturel

Bâti isolé Parcelles agricoles Parcelles semi-ouvertes Parcelles forestières

temps t=0 (état initial) temps T=N

temps t=n+k Etat initial Etat intermédiaire

Sim

ulat

ion

M

ICR

OPO

LIS

(temps t=n) (temps t=0)

temps T=N+1

Interface

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18 Revue Internationale de Géomatique

Figure 7. Temporalité de l’intégration scalaire.

5.2 Architecture de l’infrastructure PIROXENE

L’interopérabilité des simulateurs spatio-dynamiques se fonde sur la spécification de modèles d’intégration (ici essentiellement d’intégration scalaire). Pour assurer cette interopérabilité, l’infrastructure d’intégration PYROXENE a recours d’une part à des agents spatiaux intergiciels, et d’autre part au SIG en tant que support d’exécution des modèles d’intégration. L’ensemble du système est organisé à l’intérieur d’une architecture de médiation dédiée de type bus. Dans les sous-sections suivantes, nous expliquons comment cette interopérabilité est assurée grâce à une médiation à base d’agents intergiciels, et une intégration de l’information spatiale réalisée par le SIG.

5.2.1 Médiation à base d’agents intergiciels

Les agents intergiciels permettent l’interopérabilité de systèmes logiciels présentant diverses formes d’hétérogénéités dans leur mode de représentation du système réel et dans les modalités de leur implémentation. Ils forment en général un système multi-agents (SMA) d’intégration appelé aussi Médiateur. Les recommandations proposées par la Foundation for Intelligent Physical Agents (FIPA, 2001) permettent de standardiser l’organisation du système d’intégration à base d’agents.

Initi

alis

atio

n

Res

titut

ion

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mèt

res d

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Arrêt simulation micro

Reprise simulation micro

Res

titut

ion

clôt

ure

pas de temps macro ti

pas de temps maro ti+1

Inter-période d’intégration

ti+2 ti-1

pas de temps micro

pas de temps micro

Simulation micro

Simulation macro

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 19

La contribution des différents simulateurs, et plus généralement des différents logiciels au système intégré est formalisée sous forme de services, que les autres composants du système sont susceptibles d’invoquer afin d’obtenir l’information nécessaire à leur fonctionnement. Cette interopérabilité par invocation de services, permet de ne pas être contraint par la nature du logiciel susceptible de fournir le service requis (simulateur, logiciel SIG, etc.).

L’interopérabilité par invocation de services mise en œuvre dans PYROXENE est coordonnée au niveau d’un composant central appelé le Médiateur. Cette coordination repose notamment sur le référencement des services disponibles au sein de bases d’information (registres, annuaires, répertoires, etc.) gérées par des agents spécialisés. Le Médiateur, comme nous le verrons plus loin est lui-même un système multi-agents composés d’agents spécialisés en interaction. Les différents systèmes logiciels à intégrer, notamment les simulateurs et le SIG, communiquent entre eux au travers du Médiateur, par l’intermédiaire d’agents adaptateurs (ou « Wrapper »), qui les encapsulent, et « intègrent » ainsi les systèmes logiciel au SMA, comme l’illustre la figure 8. Cette architecture s’inspire de l’infrastructure générique d’intégration fonctionnelle à base d’agents IMAGIN développée au LSIS (Serment, 2007].

Figure 8. Architecture générale de l’infrastructure d’intégration PYROXENE

5.2.2 Intégration de l’information spatiale par les SIG

Dans l’interopérabilité assurée par PYROXENE, le SIG a pour rôle majeur d’assurer l’intégration des données spatiales en exécutant les modèles d’intégration scalaires spécifiés par l’utilisateur. Ainsi dans PYROXENE, le SIG n’est pas seulement utilisé pour la gestion de données spatialisées, notamment pour la mise à

Agent adaptateurSIG

Agent adaptateurSimulateur 1

Agent adaptateurSimulateur 2

Système logiciel SIG

Simulateur 1 Simulateur 2

Groupe d’agents intergiciels coordination de l’invocation de services

MEDIATEUR

Le système multi-agents d’intégration

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20 Revue Internationale de Géomatique

disposition des données aux simulateurs, mais bien comme un composant spécifique du système d’intégration assurant la mise en « interaction » de l’information spatiale produite par les différents modèles, c'est-à-dire l’exécution des modèles d’intégration de modèles, afin de produire une information nouvelle.

La simulation intégrée requière l’échange et surtout la mise en interaction des informations produites par les modèles, c'est-à-dire l’exécution des modèles d’intégration. Il s’agit dans tous les cas d’informations spatiales, décrivant un espace géographique dans la sémantique du modèle. Le choix d’un SIG en tant que composant intégrateur d’informations produites par les modèles se justifie par la nature spatiale de l’information manipulée par les modèles.

L’intégration assurée par les SIG repose sur la structuration en couches d’information géographique des modèles de données de la plupart des SIG. La couche d’information géographique, n’est pas une simple structuration incidente des données [De Blomac 94], en fonction d’une « thématique » aux contours incertains, mais peut constituer le support d’une information pleinement sémantique. En réunissant des classes dont les objets entretiennent des relations topologiques déterminées, elle est susceptible de porter l’information concernant la part de sémantique issue de la relation spatiale entre les objets spatiaux de différentes classes, qui vient s’ajouter à la sémantique des objets eux-mêmes.

Les SIG implémentent des opérateurs (ou fonctions) utilisés en analyse spatiale et permettant la mise en relation des couches d’information géographiques : croisements topologiques pour l’information vectorielle, algèbre de grille pour l’information matricielle, etc. Leur mise en œuvre permet notamment de générer une nouvelle couche d’information géographique à partir de deux ou plusieurs couches initiales. Ces opérateurs permettent ainsi l’émergence de l’information émanant de la relation spatiale entre des entités initialement indépendantes, ce qui est précisément l’objectif des modèles d’intégration scalaires tels que nous les avons définis précédemment. Le SIG est en conséquence le support naturel d’exécution de modèles d’intégration scalaires. Ainsi, pour notre application au risque d’incendie, ces opérateurs seront utilisés dans le SIG pour générer, à partir d’une couche d’information géographique de l’échelle macro-locale, et d’une couche d’information géographique micro-locale, une couche d’information géographique intégrée, comme l’illustre la figure 9.

Figure 9. Intégration de couche d’information géographique par le SIG.

Couche d’information Géographique échelle micro-locale

Couche d’information Géographique échelle macro-locale

Couche d’information Géographique intégrée

Opérateur SIG

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 21

La spécification des modèles d’intégration de modèles est fondée sur la spécification de procédures de traitements séquentiels des couches d’information géographique produites par les modèles dynamiques à intégrer, procédures mettant en oeuvre les opérateurs SIG sur les couches. Le modèle d’intégration de modèles à implémenter et le mode de représentation de l’espace, continu (mode vectoriel) ou discret (mode matriciel) du SIG ne sont pas liés au niveau strictement conceptuel. Toutefois, la contrainte du mode de représentation de l’espace, et par suite du type de SIG à mettre en œuvre, intervient relativement tôt dans la démarche d’opérationnalisation du modèle d’intégration.

Ainsi, dans PYROXENE, l’opérationnalisation des modèles d’intégration de modèles s’appuie essentiellement sur les opérateurs ou fonctions d’analyse spatiale des SIG, mais peut nécessiter le traitement d’informations géographiques associées à des modes de représentation de l’espace différents. Les performances des divers SIG dans le traitement de l’information géographique (matricielle ou vectorielle) n’étant pas équivalentes, le recours à plusieurs logiciels peut être nécessaire, ce qui complexifie d’autant l’interopérabilité que doit assurer PYROXENE.

5.2.3 L’architecture HLA comme cadre de l’intégration des simulations.

HLA (Hight Level Architecture) est une norme du domaine de la simulation distribuée (IEEE, 2000), proposant une architecture pour l’intégration de modèles de simulation. HLA ne précise pas les modalités de son implémentation, mais constitue notamment un cadre pour la spécification des modalités de synchronisation (aspects temporels) pour l’intégration de simulations. La spécification FIPA peut être considérée comme l’une des solutions pour l’implémentation à base d’agents d’une architecture HLA, si les seuls systèmes logiciels intégrés sont des simulateurs. Le recours aux agents d’encapsulation des systèmes logiciels permet la réutilisation et l’intégration de simulateurs préexistants, non spécifiquement développé selon la norme HLA : seul le développement d’agents adaptateurs spécifiques est nécessaire.

Le Médiateur de l’infrastructure PYROXENE s’inspire à la fois de l’architecture HLA et de la norme FIPA. Il privilégie une communication entre les différents composants par invocation de service. Comme l’illustre la figure 10, il s’agit d’un SMA composé d’un groupe d’agents de gestion de la norme FIPA (DF, ARB, AMS, …), assurant notamment la gestion d’annuaires d’agents, de registres de services, etc., d’un groupe d’agents, dédiés à la gestion des simulations et à leur intégration, la coordination de l’invocation de services, et enfin d’un groupe d’agents dédiés aux services généraux requis pour le fonctionnement du système. Ce dernier groupe comprend entre autres des agents chargés des fonctions de conversion de format de données, d’interactivité utilisateur (IHM, Visualisation), du référencement des couches d’information géographique en fonction de leur date et de leur échelle, etc.

La modularité du système multi-agents d’intégration est essentiellement fonctionnelle, mais l’ensemble des agents du système sont en interaction. De

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nombreux agents du module de gestion des simulations, et du module de gestion des services généraux invoquent l’adaptateur du SIG pour « produire » le service demandé par un autre agent (conversion d’un format de donnée, par exemple)

Figure 10. Architecture de l’infrastructure d’intégration PYROXENE.

Figure 11. Flux d'informations géographiques lors d'une intégration scalaire de simulations.

Médiateur

Agent adaptateurSIG

Agent adaptateurMicropolis

Agent adaptateurMacropolis

Système logiciel SIG

MACROPOLIS MICROPOLIS

Groupe agents FIPA

Groupe agents services

Groupe agents de gestion des simulations et de l’intégration

DF

ARB

AMS Initiateur

ExtracteurCoordinateur

Intégrateur

Simulateurs

Visualisation IHM

ConversionRéférencement

IG

ci(T0, t0)

ci(T0, tn)

ci(T0)

cMacro(T0)

BD-SIG

i1 i2 i3

i1 i2 i3

cmicro(T0)

i1 i2 i3Simulateur Micropolis

(n pas)

cMacro-i(T1)

cMacro(T1)

Extracteur des interfaces

Intégrateur scalaire IS

Extracteur des interfaces

Initiateur micro sur les

interfaces

Simulateur Macropolis

(1 pas)

Module agents d’intégration scalaire

SIG

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 23

Les canaux de communication entre agents et les canaux de flux de données sont indépendants (un agent de service est dédié au transport des données). Les données étant principalement des couches d’information géographique, le SIG occupe une place centrale dans les échanges d’information entre les différents composants du système, comme l’illustre la figure 11.

5.2.4 Fonctionnement générale de l’infrastructure PYROXENE

Sur sollicitation d’un agent coordinateur (non représenté sur le schéma de la figure 11) l’agent simulateur Macropolis demande à l’agent adaptateur Macropolis l’exécution d’un pas de simulation ; parallèlement, le coordinateur demande à un agent extracteur d’extraire dans le SIG les zones d’interface de la couche d’information géographique représentant la zone de simulation à l’échelle macroscopique.

Pour cela, cet agent extracteur du coordinateur demande à l’agent adaptateur SIG l’exécution d’un modèle d’extraction, qui est l’une des composantes du modèle d’intégration scalaire. L’état initial micro-local des zones d’interface est alors initié (extraction du semis de bâti) en utilisant l’information géographique à grande échelle stockée dans le SIG : pour cela, l’agent initiateur du coordinateur demande à l’agent adaptateur SIG l’exécution du modèle d’initialisation, qui est une autre composante du modèle d’intégration scalaire.

Une session de simulation Micropolis est alors initiée sur chacune des zones d’interface par l’agent gestionnaire des simulations Micropolis, l’agent Micropolis du coordinateur, pour un nombre de pas de temps n, équivalant à la durée d’un pas de temps macroscopique. Pour cela, l’agent simulateur Micropolis s’adresse à l’agent adaptateur Micropolis en lui fournissant les références de la couche d’information géographique à utiliser pour chacune des zones.

Lorsque l’ensemble des simulations Micropolis sont terminée, le coordinateur demande à l’agent intégrateur scalaire d’intégrer les différentes couches d’information géographiques produites par Micropolis et la couche d’information géographique produite par Macropolis ; pour cela, il s’adresse à l’agent adaptateur SIG pour que celui-ci exécute le modèle sémantique d’intégration scalaire IS (troisième composante du modèle d’intégration scalaire), afin de produire la couche représentant l’état de la zone à la date macroscopique 1. Il peut y avoir alors incrémentation du pas de temps macroscopique.

Lors du lancement de la simulation intégrée, les divers agents échangent leurs messages afin de coordonner l’exécution par les différents systèmes logiciels des différentes tâches requises : simulations (par les simulateurs), exécution des modèles d’intégration (par les SIG), mise en forme syntaxique et échanges (transport) de données (par divers applicatifs ou protocoles), etc. La figure 12 présente un diagramme de séquence d’échange de messages entre les différents agents de la plateforme Pyroxène, lors d’une session de simulation intégrée.

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Figure 12. Séquence d’échange de messages entre les agents de la plateforme lors

d’une simulation intégrée. 5.3. Implémentation informatique et mise en œuvre de PYROXENE

PYROXENE est une infrastructure d’intégration à base d’agents spatiaux de modèles de simulation des dynamiques d’occupation du sol dédiée à la représentation spatialisée de l’évolution à moyen terme du risque d’incendie de forêt. Dans cette sous-section, nous présentons rapidement le prototype PYROXENE développé, ainsi que de sa mise en œuvre dans l’aide à la décision de planification de l’aménagement des territoires locaux soumis au risque d’incendie de forêt.

Le prototype PYROXENE est développé en langage JAVA, avec la plateforme de développement de systèmes multi-agents JADE. Elle permet l’intégration de différents modèles tels que MICROPOLIS et MACROPOLIS, en se fondant sur les SIG matriciel GRASS ou vectoriel topologique ESRI ArcGIS-ArcInfo Workstation. En utilisant la machine virtuelle JAVA, les agents de PYROXENE peuvent être distribués dans les différents environnements informatiques des systèmes logiciels utilisés (simulateurs, SIG, etc.). Rappelons qu’en ce qui concerne les simulateurs, MICROPOLIS, système multi-agents, est développé aussi sous la plateforme JADE et en Java, tandis que MACROPOLIS est développé sous GRASS et doté d’une interface utilisateur de pilotage écrite en Java.

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Agents spatiaux pour l’intégration de modèles 25

Année 1999 (mesurée par cartographie diachonique)

Année 2000 (simulée)

Figure 13. Exemple de représentation de l’évolution des niveaux de risque par simulation intégrée.

Risque faible ou nul Risque modéré Risque moyen Risque fort

Légende :

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PYROXENE ne permet pas seulement l’intégration scalaire de modèles de niveaux de description différents, mais également l’intégration thématique de modèles produits par des champs disciplinaires différents : l’écologie pour la représentation de la dynamique des zones combustibles (dynamique d’écosystèmes), la géographie ou l’économie spatiale pour la représentation de la dynamique des zones vulnérables (dynamiques urbaines en particulier), et la cindynique, pour la représentation spatialisée statique (cartes) du risque.

L’implémentation de PYROXENE a une structure figée permettant l’intégration des trois thématiques (écosystèmes, dynamiques urbaines et risque) concernées par l’application, et de deux niveaux d’échelle (micro-local et macro-local). Outre le choix et la configuration des modèles de simulation, PYROXENE permet la gestion des simulations intégrées mais également la spécification par l’utilisateur des modèles d’intégration scalaire (ou thématique).

PYROXENE a été mise en œuvre pour étudier la dynamique du risque d’incendie de forêt à court et moyen terme sur l’intercommunalité d’Aix-en-Provence. PYROXENE permet la représentation de l’évolution de la carte des niveaux de risque en fonction des dynamiques simulées d’occupation du sol. La figure 13 présente de telles cartes de niveaux de risque obtenues avec PYROXENE sur la zone géographique étudiée.

6. Conclusion

La gestion à moyen terme de l’accroissement des risques territoriaux requière des moyens de représentation et de simulation des dynamiques spatiales. Ainsi dans le cas du risque d’incendie de forêt, une modélisation des dynamiques spatiales aux échelles micro-locale et macro-locale est nécessaire.

Dans cet article, nous avons tout d’abord présenté ces deux modélisation, MICROPOLIS, un système multi-agents spatiaux pour la simulation de l’urbanisation discontinue au niveau micro-local, et MACROPOLIS, un automate cellulaire pour la simulation de dynamiques d’occupation du sol au niveau macro-local. Ensuite, pour assurer l’intégration des simulateurs de ces dynamiques opérant à des niveaux d’échelle différents, nous avons présenté une infrastructure logicielle d’intégration à base d’agents spatiaux nommée PYROXENE, pour laquelle le système d’information géographique a un rôle majeur en prenant en charge l’intégration des données spatiales.

Les agents spatiaux impliqués dans PYROXENE ont une fonction différente de celle de la représentation du comportement dynamique d’entités spatiales en interaction. Ils contribuent cependant à la simulation de la dynamique de systèmes spatiaux. Par leur vocation à intégrer l’information produite par les simulateurs, ils peuvent être assimilés à des entités de représentation de l’interaction entre des processus se déroulant simultanément sur un même espace. Ils sont en ce sens un

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moyen d’approche de la complexité des systèmes territoriaux, en permettant de les aborder selon différents points de vue et à différents niveaux de description.

Le principal intérêt de PYROXENE nous semble être de permettre l’utilisation de connaissances disciplinaires déjà formalisées sous la forme de modèles opératoires, pour la résolution de problématiques multi-sectorielles ou multi-scalaire de la gestion territoriale. L’utilisation d’agents spatiaux cognitifs permet le traitement, au moyen de la spécification de modèles d’intégration de modèles, des incompatibilités sémantiques entre les concepts des modèles disciplinaires, et en particulier des incompatibilités de leurs sémantiques spatiales respectives.

Une perspective à court terme sera une validation plus complète de PYROXENE. Cette validation nécessite en préalable la validation des modèles de simulation eux-mêmes : divers travaux de validation sont en cours, ils sont fondés sur la cartographie diachronique utilisant des images télé-acquises, satellitales et aériennes, doivent permettre la comparaison post-ante de mesures expérimentales des dynamiques passées et des résultats de simulation, sur plusieurs zones de la conurbation d’Aix-Marseille (Commune de Meyreuil au niveau micro-local, Communauté du Pays d’Aix au niveau macro-local). La validation des résultats de l’intégration de modèles pour la représentation de la dynamique du risque utilise également le même type de démarche : un travail cartographie de la dynamique du risque à partir d’images satellitales est actuellement en cours dans plusieurs pays d’Europe (projet Européen Fire Paradox), sur lequel pourra se fonder la validation du système d’intégration Pyroxène.

A moyen terme, PYROXENE devrait évoluer vers plus de généricité. En effet, l’architecture de PYROXENE est actuellement figée, en étant limité à deux niveaux d’échelle. A moyen terme, les normes HLA d’interopérabilité par échanges de données fondés sur le mécanisme de publications/abonnements (IEEE 2001, Serment 2007), seront implémentés pour permettre l’intégration de modèles à plus de deux niveaux d’échelle différents.

Enfin, nos travaux s’inscrivent dans la perspective à long terme de modélisation intégrés des risques territoriaux liés aux grands changements environnementaux actuels. La diversité d’une part des systèmes intervenant dans une telle dynamique globale, et d’autre part des corpus de connaissances disciplinaires à mettre en œuvre pour leur représentation, requière la formalisation de systèmes opératoires de représentation des interactions entre les grands processus environnementaux, à laquelle contribue notre approche d’intégration à base d’agents spatiaux.

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