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« Une habitude bien française consiste à confier un mandat aux gens et à leur contester le droit d’en user. » Michel.Audiard d Objectifs d 1. Clarifier les structures existantes des forces de vente, dans leurs métiers, rôles et fonctions, et dans leurs missions et tâches 2. Expliquer les statuts différents observés entre les vendeurs 3. Prendre appui sur un référentiel des missions et des tâches des commerciaux. L’ époque actuelle montre aisément toute la complexité qui existe, à tous points de vue, dans la structuration des forces de vente : tant au plan de l’organisation qu’au niveau des individus, ces dernières peuvent présenter une grande diversité de statuts, fonctions et rôles, donc de structures. Cette complexité se retrouve dans celle des rôles et des fonctions, qui appelle par consé- quent à une nécessaire clarification, dans un paysage de normes et de processus validés où seule la force de vente semble échapper aux attentions de normalisation. Elle s’observe aussi dans le choix des statuts des vendeurs, dont l’encadrement juridique a beaucoup évolué ces vingt dernières années, notamment par la jurisprudence, voire la judi- ciarisation des rapports hiérarchiques et relationnels. De fait, en ce qui concerne les missions et les tâches des acteurs commerciaux, il apparaît dès lors un besoin de référentiels tenant compte des éléments structurants de la force de vente, ainsi que du type de vente attendu par le marché. 5.1 Les rôles et les fonctions de la F.D.V. Au-delà des aspects juridiques, comportementaux, voire moraux, tels qu’évoqués plus loin, construire une force de vente implique tout d’abord de définir clairement les fonctions et les rôles qui la composent. Chapitre 5 Définir les rôles et les statuts de la F.D.V. © 2011 Pearson Education France – Management de la force de vente – Alfred Zeyl, Armand Dayan, Pascal Brassier

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« Unehabitudebienfrançaiseconsisteàconfierunmandatauxgensetàleurcontesterledroitd’enuser. »

Michel.Audiard

• d

Objectifs• d

1. Clarifier les structures existantes des forces de vente, dans leurs métiers, rôles et fonctions, et dans leurs missions et tâches 

2. Expliquer les statuts différents observés entre les vendeurs 3. Prendre appui sur un référentiel des missions et des tâches des commerciaux.

L’ époque actuelle montre aisément toute la complexité qui existe, à tous points de vue, dans la structuration des forces de vente : tant au plan de l’organisation qu’au niveau

des individus, ces dernières peuvent présenter une grande diversité de statuts, fonctions et rôles, donc de structures.

Cette complexité se retrouve dans celle des rôles et des fonctions, qui appelle par consé-quent à une nécessaire clarification, dans un paysage de normes et de processus validés où seule la force de vente semble échapper aux attentions de normalisation.

Elle s’observe aussi dans le choix des statuts des vendeurs, dont l’encadrement juridique a beaucoup évolué ces vingt dernières années, notamment par la jurisprudence, voire la judi-ciarisation des rapports hiérarchiques et relationnels.

De fait, en ce qui concerne les missions et les tâches des acteurs commerciaux, il apparaît dès lors un besoin de référentiels tenant compte des éléments structurants de la force de vente, ainsi que du type de vente attendu par le marché.

5.1 Les rôles et les fonctions de la F.D.V.Au-delà des aspects juridiques, comportementaux, voire moraux, tels qu’évoqués plus loin, construire une force de vente implique tout d’abord de définir clairement les fonctions et les rôles qui la composent.

Chapitre 5 Définir les rôles et les statuts de la F.D.V.

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Ces choix doivent notamment permettre, d’une part, d’en peser finement les outputs et les conséquences et, d’autre part, de veiller aux tensions liées aux rôles et inhérentes aux acti-vités des groupes humains.

Les chercheurs en gestion et en management des ventes ont travaillé sur ces tensions qui ne sont pas inconnues des acteurs commerciaux, vendeurs ou managers  : des rôles aux contours mal définis et aux attentes peu claires (ambiguïtés de rôle), des attentes contra-dictoires de la part de divers interlocuteurs (conflits de rôle), ou une sensation de surcharge répétée dans l’exercice de son métier.1

Or, il peut notamment paraître logique de clarifier les rôles de chacun, si les objectifs qui leur sont assignés sont cohérents avec ceux que poursuit l’entreprise.

5.1.1 Choisir les objectifs marketingLes objectifs de marketing découlent des objectifs généraux du domaine d’activité et des options stratégiques retenues. On les fixe par diverses méthodes, éventuellement avec la participation des vendeurs, et l’on peut les formuler de diverses manières  : en termes de marchés ou d’action sur la structure, ou en termes quantitatifs ou qualitatifs.

Les objectifs de marketing pour la force de vente se découpent comme suit.

Les objectifs de marché

Ces objectifs peuvent être définis selon les critères suivants :

• par articles à vendre, que ce soit des produits existants ou nouveaux ;• par quantités liées au volume ou au C.A. et/ou liées à la marge, au profit, c’est-à-dire à la

rentabilité ; • par circuits de commercialisation ou segments de clientèle ;• par secteurs géographiques ;• par moyens publicitaires ou promotionnels appuyant la force de vente.

Les objectifs de marketing peuvent également être liés au respect de certains délais de réalisation ou de livraison des biens et services vendus, ou encore à certaines conditions particulières, par exemple des conditions de soutien à apporter à d’autres services ou des conditions d’image.

Enfin, il est de plus en plus courant de fixer des objectifs respectant un équilibre entre la fidélisation de la clientèle acquise, l’accroissement des ventes à cette clientèle, et la conquête de nouveaux clients.

Les objectifs liés à la structure

L’entreprise peut très bien vouloir adapter sa structure marketing et commerciale pour mieux suivre l’évolution de la clientèle, professionnaliser davantage son action commer-ciale et tenir compte d’éléments de gestion.

Cela peut la conduire à réduire les coûts de rotation du personnel, remplacer la vente aux petits clients par de la télévente, et confier à la force de vente des missions autres que la seule vente (service, suivi ou relations publiques).

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Une telle vision doit permettre l’application cohérente de la politique de marketing jusqu’au consommateur final, aussi bien à travers les objectifs que les messages émis par les vendeurs et les différents intermédiaires, et cela à tous les niveaux (national, régional et local). C’est le rôle du Responsable de la Force de Vente d’élaborer des plans d’action commerciale régio-naux et locaux qui respectent cette cohérence.

Réorganiser sa F.D.V. pour un meilleur traitement des clients

LaSer, leader international de la carte privative, fort de 10  000  salariés, a constaté ces dernières années que les besoins de ses clients se heurtent à l’organisation de ses 350  commerciaux répartis dans divers pays. C’est Christophe Genin, responsable du développement Groupe, doté d’un solide parcours international dans plusieurs grandes entreprises, qui résume la situation  : « L’interaction des différents métiers, que ce soit au niveau de la connaissance client, de la fidélisation ou des moyens de paiement (…) nous incite à revoir notre approche commerciale ».

Pour lui, les vendeurs ne peuvent plus demeurer spécialisés dans l’un des sept segments de l’offre de la société, qui va du marketing des données aux cartes de financement ou aux centres de contacts clients. C’est pour cette raison qu’il pilote une réorganisation profonde de la force de vente : chaque vendeur se voit chargé de commercialiser doré-navant toute l’offre, mais se concentre sur la vente tandis qu’on lui adjoint un appui d’experts techniques.

Les portefeuilles clients sont retravaillés et les commerciaux segmentés selon qu’ils sont par exemple plus prospecteurs ou plus développeurs. Tout le groupe est concerné : « Le marché étant mûr, il était impossible d’attendre le bilan français pour décliner cette stratégie dans les autres pays », indique Christophe Genin. Après une légère baisse des résultats en 2009, à la suite d’une telle restructuration massive, il observe que le nombre d’opportunités d’affaires est multiplié par deux à l’issue du premier semestre 2010.

Focu

s 5.1

Les objectifs de marketing sont quantitatifs ou qualitatifs. Ne proposer que des objectifs quantitatifs peut créer un système stimulant. Une augmentation de 5 % alors que le marché croît de 10 % ne représente cependant pas une performance, alors qu’une croissance nulle face à un marché en chute peut être une grande performance.

Ces objectifs de performance ne sont pas seulement exprimés en volume de vente ou en profit, mais aussi en :• nombre de clients nouveaux par catégorie ou par secteur ;• valeur moyenne des commandes ;• nombre minimal de commandes ;• niveau de recettes pour un niveau de dépenses donné.

Ils doivent également être adaptés en fonction de clés de répartition respectant, comme nous l’avons précisé plus haut, un équilibre entre la fidélisation de la clientèle, le développe-ment des comptes existants et la conquête de nouveaux clients.

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Pour compléter ces objectifs quantitatifs, les objectifs qualitatifs sont exprimés sous forme d’amélioration de l’activité : • information de et sur la clientèle, ainsi que sur la concurrence ;• qualité du service au client ;• niveau de conseil déployé ;• compétences personnelles mises en œuvre  : connaissances générales et des produits,

application des techniques de vente requises ou encore méthodes d’organisation.

Le Système F.D.V. doit donc être établi de façon à répercuter de manière juste et équitable les objectifs quantitatifs ou qualitatifs jusqu’aux vendeurs. Cela implique de définir la clé de répartition en cascade des objectifs et des missions, afin d’en fournir aux vendeurs une formulation claire et précise.

Objectifs individuelsDirecteur des ventes pour la région S.O.

Directeur des ventes national

Vendre 30 000 unités de produits universels en 2010en vue d’obtenir 15 % du marché prévu.

Vendre 25 000 unités de produits U2 en 2010, envue d’obtenir 18 % du marché prévu.

Recommander un emplacement optimal avant le30 juin 2010 pour le nouveau bureau de vente, trouver lematériel nécessaire et inaugurer avant le 31 octobre 2010.

Engager et former 3 nouveaux vendeurs pour lesproduits Universels avant le 30 septembre 2010.

A

A

BC

B

Objectifs Priorités Remarques

Pas de recrutementavant le 1er juillet

Figure 5.1 –.Formulaire.simplifié.d’établissement.des.objectifs.par.écrit

5.1.2 Rôle et typologie des vendeurs

Une fois le cadrage des objectifs réalisé, la définition du rôle des vendeurs doit gagner en clarté. Cela contribue à l’obtention d’une bonne performance, et implique pour le dirigeant commercial une définition limpide de sa mission. Celui-ci veillera en particulier à l’exé-cution des actions les plus importantes, et déterminera avec les commerciaux celles qui correspondent le mieux aux objectifs visés.

En voici quelques exemples :

• appliquer la politique de marketing en suivant l’un de ces objectifs clés ;

• maintenir et/ou développer la clientèle existante ;

• créer une nouvelle clientèle ;

• résoudre des difficultés spécifiquement importantes pour les clients ;

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• développer la confiance des clients et la réputation de l’entreprise ;• rentabiliser certains segments de clientèle ;• coordonner les intervenants du processus d’achat, dans le cas par exemple de ventes

complexes.

Concevoir ou améliorer des systèmes de force de vente conduit à s’intéresser aux typologies existantes. En faire l’inventaire serait fastidieux : voici déjà plus de 30 ans, Jolson2 en signa-lait plus de 100 !

En France, l’Afnor a proposé, sans en retenir une norme définitive, une structuration en six classes des systèmes de vente existants, en les distinguant selon :• le lieu où se déroule l’acte de vente (sédentaire, non sédentaire) ;• les produits vendus ;• les marchés ;• les méthodes de travail utilisées (vente par prospection directe) ;• le mode d’organisation retenu (vendeurs, prospecteurs) ;• le degré d’autonomie des acteurs (vendeurs, représentants, employés).

De plus, elle a proposé une autre norme, X50-660, décrite comme une «  norme expéri-mentale présentant les principaux emplois commerciaux, salariés (…) indépendamment des caractéristiques de l’entreprise et de son secteur d’activité ». Cette norme comprenait également une cartographie de 20 emplois commerciaux salariés selon deux axes : un axe « vente/soutien à la vente » et un axe « fonction/métier ».3

Ces normes ne semblent finalement pas avoir convaincu et n’ont pas rencontré plus de suc-cès que de nombreuses recherches sur le sujet. Elles sont donc restées au stade expérimental. Parmi ces études, celles de Moncrieff4 sont intéressantes car elles proposent une liste très détaillée des tâches possibles des forces de vente.

Nous retiendrons dans notre réflexion la multitude des axes de classement possibles. C’est un encouragement pour le lecteur à aborder son problème de structuration de la force de vente sous différents angles et à voir quelle approche est la plus pertinente dans son cas.

5.1.3 Mission des vendeurs Le niveau de la vente attendue par le client

Pour la plupart des biens et services, les clients disposent de nombreuses possibilités d’achat. Selon le degré de prise de risque et de contribution de ces achats à la création de valeur pour eux, ils attendent des types de vente tout à fait différents.

De plus, un même client peut mobiliser plusieurs processus d’achat et, par conséquent, connaître différents types d’attente de services et de relations de la part des vendeurs.

On peut finalement concevoir des rôles commerciaux qui tiennent compte à la fois des attentes des clients et du plan marketing conçu par l’entreprise.

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• VENTE PARTENARIALE• VENDEUR GRANDS COMPTES• ÉQUIPE DE VENTE

MARKETING

OFFRE

MARKETING

DEMANDE

INVESTISSEMENT

VENTE CONSEIL :• Réponse à des besoins (proposer des solutions)• Vente action (faire fonctionner(réparer)• Vente conseil (faire progresser au-delà de leur approche actuelle)

VENTE SÉDUCTION :• «Véritable vente» (proposer des solutions à un besoin réel (générique) encore latent)• Vente de bénéfice (pour un besoin mal satisfait)• «Vente forcée» (manque d’éthique)

VENTE TRANSACTIONELLE :Vendeur pas forcément nécessaire :• LS• marketing direct• e-businessSi vendeur alors :• prise d’ordre• négociation sous pression (prix)

VENTE RELATIONNELLE :• Vente relationnelle• Vente service (souvent additionnels)• Vente multi-niveaux (diverses tâches le long du flux)

Figure 5.2 –.Types.de.vendeur.en.fonction.des.styles.de.vente.attendu

Le niveau des objectifs généraux de vente

La vente se pratique en direction de deux cibles : les nouveaux clients et ceux qui constituent déjà le portefeuille commercial. Pour les clients existants, le commercial a le choix entre :

• vendre mieux, avec de meilleures marges ou des produits plus appropriés ;

• vendre plus, notamment d’autres produits complémentaires ;

• vendre autrement, avec moins de frais ;

• vendre autre chose, c’est-à-dire faire du cross selling, en vendant des produits d’autres établissements de l’entreprise ou d’une entreprise alliée.

Concernant les nouveaux clients, il faut contrôler leur coût d’acquisition. En effet, gagner de nouveaux clients n’est intéressant que si on les fidélise. Le rôle du vendeur est donc fonda-mental pour créer la relation, la maintenir, la développer, et gagner la confiance des clients.

En dehors des actions de prospection, d’acquisition et de fidélisation des clients, d’autres objectifs consistent notamment à gérer, voire développer, la qualité des relations commer-ciales, ainsi qu’à mieux gérer les ressources et à faire remonter une information qualifiée du marché.

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T T TT+1 T+1 T+1Fidéliser = garderDévelopper les clients actuelsVendre mieux aux clients actuelsVendre plus aux clients actuels : – du même produit – d’autres produitsGagner de nouveaux clients

SM1

SM2

SM3

TOTAL

Produit 1 Produit 2 Produit 3

Fidéliser = garderDévelopper les clients actuelsVendre mieux aux clients actuelsVendre plus aux clients actuels : – du même produit – d’autres produitsGagner de nouveaux clients

Fidéliser = garderDévelopper les clients actuelsVendre mieux aux clients actuelsVendre plus aux clients actuels : – du même produit – d’autres produitsGagner de nouveaux clients

Fidéliser = garderDévelopper les clients actuelsVendre mieux aux clients actuelsVendre plus aux clients actuels : – du même produit – d’autres produitsGagner de nouveaux clients

Figure 5.3 –.Objectifs.généraux.pour.la.F .D .V .

Grâce à la diffusion massive sur Internet, il est aujourd’hui plus aisé d’obtenir de l’infor-mation sur les produits des concurrents. En revanche, obtenir une information pointue et peu disponible, sur leurs produits leaders, leurs processus d’achat ou les interlocuteurs essentiels à rencontrer, représente une tâche bien plus complexe, et crée une différenciation à forte valeur ajoutée pour l’entreprise, qui peut conduire à créer des produits « suiveurs » bien positionnés (produits qualifiés de « me too ») ou des améliorations significatives par rapport aux offres concurrentes.

Outre les objectifs définis avec le marketing, le rôle et la structuration de la force de vente sont finalement influencés par la façon dont la démarche commerciale s’exerce. Plus pro-saïquement, après les questions de « combien », les questions de « “comment” les équipes commerciales doivent vendre » entraînent des répercussions importantes sur le design de la force commerciale.

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5.1.4 Rôle de la F.D.V. et démarche commercialeSelon le secteur d’activité, la nature des produits et le type de relations commerciales entre-tenues avec les clients, les processus de vente diffèrent. De même, on sait qu’ils varient selon que l’on s’adresse à un client confirmé, dans une approche de conseil ou de partenariat, ou encore s’il s’agit d’un nouveau client ou d’un prospect.

Cela conduit donc les responsables commerciaux à concevoir leurs équipes en fonction, d’une part, des missions et des tâches liées à ces paramètres et, d’autre part, du profil des collaborateurs qui pourront les assumer avec succès.

5.1.5 Les tâches de la F.D.V.La mission définie pour chaque commercial, pour être cohérente et concrète, doit être décomposée en un certain nombre de tâches, elles-mêmes susceptibles d’être décrites par plusieurs éléments d’action (figure 5.4). Une telle décomposition peut être appliquée à un grand nombre de missions. Le responsable commercial est susceptible d’utiliser son expé-rience pour formaliser de façon aussi pragmatique que possible des missions qui pourraient paraître pertinentes sur le papier, mais qui ne correspondraient pas à la réalité des besoins exprimés par le marché, et des ressources de ses collaborateurs.

Mission

Acquérirde nouveauxclients

Tâches

• Préparer la visite• Prendre rendez-vous• Conduire jusqu’au client• S’annoncer à la réception• Attendre (éventuellement)• Se présenter au client• Présenter l’entreprise• Faire une proposition• Remettre une documentation technique• Fournir des échantilllons• Faire une démonstration• Conduire la négociation du point de vue commercial et technique

• Conclure• Prendre congé• Reprendre la route• Envoyer un bon de commande• Écrire le rapport de visite

Éléments de la tâche

ÉcouterRépondreRéfléchirObserver

ArgumenterRépondre aux objections......Prendre son carnet debons de commande...RemplirFaire signerDonner une copie

Figure 5.4 –.Exemple.de.décomposition.d’une.mission.en.tâches.élémentaires

Préciser le rôle du vendeur pour des missions et des tâches quantitatives ne pose générale-ment pas de problème particulier. En revanche, le descriptif qualitatif doit mettre en avant les informations que le vendeur peut comprendre explicitement.

Dans la vente industrielle, par exemple, un objectif d’amélioration de la prospection avec un nombre de contacts précis à effectuer est fréquent. L’analyse des ventes passées permet

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d’établir un « entonnoir de vente » qui décrit de manière graduelle le nombre de contacts nécessaires, le nombre d’appels pour obtenir un rendez-vous, le nombre de rendez-vous nécessaire et, enfin, le nombre de visites pour obtenir une vente.

L’examen des tâches à effectuer et la connaissance qu’a le manager commercial de la façon dont ses vendeurs s’en acquittent le conduisent à définir ou redéfinir sa politique de for-mation en amont, et à déterminer le profil des postes et celui des collaborateurs à recruter. Détecter une multitude de tâches à accomplir à des degrés de compétence variés conduit à la construction d’une force de vente composite comprenant des vendeurs jouant des rôles différents : les uns sont plutôt des promoteurs, d’autres agissent de préférence en preneurs d’ordres, d’autres encore sont à l’aise dans des rôles de technico-commerciaux d’application.

Repenser la structure de la force de vente s’impose alors comme l’agrégation savante de rôles variés, composés de missions et de tâches sélectionnées parmi des choix multiples, donnant vie à des équipes finalement très diverses, loin de l’image de vendeurs formés tous dans le même moule aux techniques de vente les plus simplistes. Dans une structure en mouvement perpétuel, faire correspondre les rôles, les postes et les profils individuels est en définitive l’une des missions les plus complexes et les plus riches du dirigeant commercial.

5.1.6 Adéquation du rôle, du poste et du profil des vendeurs

En plus des précautions indispensables décrites jusqu’ici, il faut par conséquent que le manager commercial se pose un certain nombre de questions structurantes pour sa force de vente :

• Les missions et tâches envisagées relèvent-elles réellement de la force de vente ? Ne lui a-t-on pas attribué des actions que l’on ne savait pas imputer à d’autres ? Ne pourraient-elles pas être affectées avec plus de bénéfice à d’autres structures (centre d’appels, équipe de marketing direct) ?

• Les missions relevant de cette force de vente doivent-elles nécessairement être accomplies chacune par un même vendeur ? Un commercial exécute-t-il de manière optimale l’en-semble des tâches que la force de vente dans son ensemble va réaliser ? Quelle typologie mettre alors en place dans la force de vente ?

Structurer les équipes de vente conduit dès lors à orchestrer des choix entre différents types d’acteurs dotés d’une définition de postes distincts au sein d’une structure élaborée et claire dans sa hiérarchie, sa coordination ou encore son animation. Ces postes doivent être accompagnés de définitions de leurs priorités. La quasi-impossibilité de spécialiser chaque commercial par mission (une mission = un poste) va donc entraîner la création de postes avec des missions principales et d’autres annexes.

Une entreprise industrielle conçoit par exemple un poste d’attaché commercial, ayant pour mission essentielle de vendre à un portefeuille précis de clients, et pour missions annexes de prospecter de nouveaux clients, de développer les comptes clients de manière profitable et d’organiser une remontée d’information pertinente au moyen d’outils de reporting validés par sa hiérarchie. En complément, l’entreprise définit un poste de responsable de l’appui technique, avec pour mission première de conseiller le vendeur et les clients, et pour mis-sions secondaires de servir les clients et d’informer aussi bien la clientèle que sa hiérarchie.

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128 Management.de.la.force.de.vente

La figure 5.5 montre comment on peut répartir les missions et les tâches entre deux postes différents en faisant suivre les deux colonnes missions et tâches par deux colonnes présen-tant les deux postes : XXX désignent les missions et tâches fondamentales, XX les missions et tâches secondaires, X les missions et tâches occasionnelles, O ne convenant pas.

• Rechercher de nouveaux clients• Analyser leurs problèmes

• Argumenter• Négocier• Prendre des ordres

• Démontrer• Utilisation produit• Formulation (dosage)• Essais

…le marché sur les possibilités de l’entreprise• Promouvoir les produits de l’entreprise

• Livraison des produits• S.A.V. des pièces de rechange• Contrôle des stocks• Solvabilité

• Rapport d’activité• Informer l’entreprise sur le marché

XXX

XXX

XX

XXXXX

XXXX

XXX

X

XXX

XX

XXXO

XXXX

Missions vis-à-vis des clientsProspecter

Vendre

Conseiller

Informer

Servir la clientèle

Suivre le clientGérerMissions vis-à-vis de l’EntrepriseRendre compte de son activitéCommuniquer en retour

Tâches Attachécommercial

Responsableappui

technique

Figure 5.5 –.Répartition.des.missions.et.des.tâches.entre.deux.postes.différents

Pour les différents niveaux hiérarchiques, on peut chiffrer l’importance relative et la répar-tition en temps des missions (diriger, organiser, gérer, animer, vendre, former, informer). À l’heure actuelle, c’est dans la vente à la grande distribution que l’évolution est la plus importante : négocier, vendre, coordonner les actions vers le client et assurer le suivi se fait en haut de la ligne hiérarchique. Le rôle des vendeurs et des marchandiseurs locaux risque en revanche de se vider partiellement de la mission de vente originelle, dévolue aux comptes clés chargés de négocier en centrale d’achat. Dans le même temps, sous l’influence des outils de géomarketing et de géo-merchandising se développent les missions de conseil, de gestion, d’animation de points de vente, de formation et d’information pour ces mêmes commer-ciaux. Le rôle de la hiérarchie intermédiaire est dans ce cas l’animation et la coordination des équipes.

Cette répartition nécessite de mettre l’accent sur un concept fondamental du marketing : l’intégration. Il faut un coordonnateur de toutes ces tâches, sous peine de confusion et de dispersion. On peut d’ailleurs montrer que le rôle essentiel du vendeur consiste en la ges-tion des contacts avec le client et qu’il serait justifié de l’appeler « responsable des relations commerciales ». C’est ce qui explique que son rôle de manager des relations clients devient de plus en plus important.

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129Chapitre.5..–.Définir.les.rôles.et.les.statuts.de.la.F .D .V ..

Une réorientation de la F.D.V. vers les clients clés

Pour un spécialiste de la fixation professionnelle comme l’entreprise allemande Würth, connaître et suivre efficacement quelque 220 000 clients est particulièrement complexe. C’est pourquoi cette entreprise décide en 2008 de revoir son approche com-merciale avec le projet Dix Puissance Trois (103). Elle analyse alors l’organisation de sa clientèle et réaffecte des clients à sa force de vente.

Chaque commercial hérite de 26 clients détectés comme prioritaires, à « visiter au rythme de deux ou trois rendez-vous mensuels contre un pour les clients “classiques” », indique le Directeur des opérations, Claude Wolf. Parallèlement, les managers sont formés à accompagner les vendeurs dans ce nouveau rôle auprès de clients dont ils connaissent mal les habitudes. Dans le même temps, les outils informatiques sont restructurés et per-mettent de dégager plus de temps aux commerciaux pour se consacrer à leur activité clé. Les premiers mois de 2010 montrent que l’évolution des résultats des clients prioritaires, jusqu’alors parfois négligés, dépasse de 5 % celle des autres segments.

Focu

s 5.2

5.1.7 Élargir le champ de la F.D.V.

L’adaptation du marketing et de la force de vente comprend également l’adaptation du ser-vice à la clientèle, au-delà des tâches de vente. De plus en plus souvent, les entreprises sont conduites à considérer l’ensemble des actions à effectuer pour mieux s’adapter à la clientèle comme un continuum.

Une vision globale des objectifs et des tâches du vendeurLes objectifs de vente sont habituellement considérés par les vendeurs comme trop élevés. Leur hiérarchie cherche donc souvent à leur « vendre » ces objectifs : les vendeurs doivent adhérer au réalisme de tels objectifs, et être motivés par les résultats personnels qu’ils en tireront, pour satisfaire leurs attentes et leur donner envie de poursuivre durablement l’ef-fort commercial.

Condition première de cette démarche, les objectifs seront d’autant plus crédibles que le management commercial tiendra un rôle structurant, sans être sclérosant, notamment en insistant sur quelques points de bons sens fréquemment négligés par les vendeurs :

• Dans un contexte de vente de plus en plus complexe, face à des clients de mieux en mieux préparés, les négociations et les visites en clientèle nécessitent d’être préparées finement, en amont de la vente.

• La vente en équipe est plus fréquente qu’auparavant, avec des collègues d’autres métiers (entre autres ingénieurs et animateurs commerciaux), et nécessite par conséquent un sur-croît de professionnalisme dans sa préparation. Il n’est pas incongru de considérer que de plus en plus de commerciaux sont aujourd’hui des spécialistes en ingénierie commer-ciale, au sens où ils conçoivent des opérations commerciales abouties pour leurs clients.

• Les objectifs commerciaux à atteindre peuvent être souvent décomposés en objectifs intermédiaires, plus facilement assimilables, et tenant compte du calendrier et du plan

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130 Management.de.la.force.de.vente

d’action permettant d’aboutir à l’accord avec le client. Nombre de situations commer-ciales échouent faute de suivi rigoureux de la démarche de prospection, de la mesure progressive de l’intérêt du prospect, ou de la réactivité qui doit suivre toute proposition émise auprès d’un prospect.

• Aider les commerciaux à se donner des priorités dans les tâches à réaliser, organisées par ordre d’importance décroissante, leur permet de visualiser globalement l’ensemble de leur mission sur plusieurs semaines ou plusieurs mois.

À titre d’illustration de ce dernier point, on peut décrire une tâche clé pour un vendeur en secteur industriel de la manière suivante :

• Il devra négocier avec les clients de plus de 50 millions d’euros de C.A. une combinaison alliant un niveau de stock-tampon prédéterminé de n k €, une commande économique de x k € permettant d’arriver à un minimum de rupture de stock, tout en minimisant les coûts pour les deux partenaires dans une fourchette de y à z k €.

• Il respectera les délais de mise en place, ceux-ci devant être inférieurs ou égaux à 6 mois.

• Il renseignera et transmettra (destinataires nommément identifiés) les informations mesurant les performances quantifiables du compte client concerné, par exemple l’ana-lyse des commandes en cours ou les réclamations du client.

• Il proposera des suggestions d’amélioration du service au client.

Au sein d’une structure commerciale conçue alors comme un véritable support à la perfor-mance des vendeurs, le manager commercial accompagnera ces derniers dans la définition de leur rôle :

• Leur expliciter, éléments chiffrés et écrits à l’appui, le retour sur investissement personnel qu’ils en tireront, de façon à valoriser les objectifs commerciaux et à démontrer la contri-bution de l’équipe à la profitabilité de l’entreprise et à la satisfaction des clients.

• Établir avec eux une relation de confiance, en justifiant les objectifs fixés, leur base de calcul et les attentes du management en termes de méthodes et de processus de travail pour traiter les clients.

• Mettre en place des plans d’action personnalisés, incluant des caractéristiques clairement définies, par exemple par client clé, par produit ou par mois, pour adapter les objectifs aux compétences individuelles, et valoriser les aspirations de développement.

• Les aider à préparer et mettre en œuvre les plans d’action personnalisés.

Si l’on adopte une vue d’ensemble de la structure commerciale, ces dernières consignes sont l’aboutissement des étapes précédentes.

5.2 Statuts juridiques et structure commercialeParfois négligé, le choix du statut juridique du personnel commercial est pourtant lourd de conséquences, d’une part du fait des implications contractuelles qu’il entraîne pour l’employeur comme pour l’employé et, d’autre part, en raison du poids de l’encadrement

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juridique accru ces dernières années, avec en particulier la descente dans la ligne hiérar-chique de la responsabilité sociale, économique et pénale, et la judiciarisation des rapports entreprise-client et hiérarchie-salariés.

5.2.1 Les statuts juridiques des commerciaux

L’entreprise a le choix entre plusieurs statuts de vendeur. Ce dernier peut tout d’abord être salarié « classique », au sens du droit général du travail, en s’insérant dans le cadre fixé par les conventions collectives, accords de branche ou d’établissement qui peuvent préexister dans chaque secteur d’activité. Il peut aussi avoir le statut de vendeur-représentant-placier (V.R.P.), également salarié. On peut également opter pour des indépendants, notamment par des agents commerciaux. Enfin, on trouve de plus en plus de commerciaux employés par d’autres entreprises, qui suppléent l’effort de vente de celle qui n’est plus leur employeur, mais leur client : il s’agit des employés des forces de vente supplétives, qu’utilisent les orga-nisations dans diverses situations.

Ces statuts aussi variés répondent chacun à des conditions spécifiques de marché, de réac-tivité, de spécialisation ou encore d’investissement.

Possibilité de directionet de contrôle par le

manager commercial

Salariésd’une seuleentreprise

Employéspour/parplusieurs

entreprises

+

- D’o

ù l’im

porta

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des

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F.D.V.

F.D.V.PROPRE

F.D.V.DELEGUEE

Stat

ut d

e m

anda

tairePersonne

physique

Personnemorale

VRP exclusif

Agentcommercial

FDV supplétive

Vendeur àdomicile

indépendant

VRPmulticartes St

atut

aire

s VR

P

Vendeuremployé

Vendeur cadreN

on s

tatu

taire

s VR

P

SALA

RIE

S

Figure 5.6 –.Les.formes.et.les.statuts.de.la.F .D .V .

Le salarié et le droit général du travailLa relation hiérarchique, ses sources de conflit et ses ruptures sont suffisamment complexes dans le contexte particulier de la force de vente pour faire l’objet de la juridiction com-mune à l’encadrement, devant la juridiction prud’homale. Les origines de discordes ou,

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vu autrement, les points d’attention qui ne peuvent être négligés dans la structuration de la force de vente, sont variés. On retrouve entre autres la contractualisation des objectifs commerciaux et leur négociation avec les vendeurs, le système de rémunération, fait de parts fixe et variable, le statut de cadre ou d’employé, et les liens juridiques et économiques avec la clientèle.

Sans traiter ici l’ensemble de ces questions, qui relèvent pour beaucoup du travail du juriste, il importe pour le dirigeant commercial d’avoir une vue claire des statuts qu’il peut donner à ses collaborateurs. C’est d’autant plus vrai dans l’évolution rapide et contraignante du droit du travail, de sa jurisprudence et des situations nouvelles qui ne manquent pas d’apparaître.

Le V.R.P.

Il s’agit de l’un des statuts juridiques les plus anciens dans la fonction commerciale, encadré par les articles L 751-1 et suivants du code du travail, et par l’accord national interprofes-sionnel du 3 octobre 1975. C’est aussi l’un des moins utilisés dorénavant, en raison de la lourdeur et des contraintes qui l’accompagnent du point de vue des entreprises.

Le V.R.P. est inscrit à un registre particulier qui lui permet de recevoir de la préfecture de son domicile une carte d’identité professionnelle. Il ne peut, en raison de sa relation contrac-tuelle, vendre pour son propre compte. Son statut est également reconnu par le cumul des avantages sociaux perçus par les autres salariés et des avantages fiscaux supplémentaires qui leur sont exclusifs.

Par ailleurs, s’il ne possède pas formellement son fichier de clientèle, il est censé l’apporter à l’entreprise et le développer pour son compte. Cela lui vaut d’être indemnisé de cette clientèle en cas de rupture de contrat. S’il représente effectivement l’entreprise, il n’en est pas le man-dataire, comme l’indépendant ; il est un subordonné de l’entreprise, comme d’autres salariés.

Le V.R.P. peut exercer pour une seule entreprise, pour laquelle il est salarié « exclusif » à temps plein, ou pour plusieurs « cartes » complémentaires, qui lui permettent généralement d’offrir une gamme plus complète à une clientèle ainsi plus facile à convaincre et à fidéliser.

Le V.R.P. statutaire exclusifEn pratique, ce statut de salarié à temps plein pour une seule entreprise donne à celle-ci les mêmes moyens de direction, de management et de contrôle de l’activité du vendeur que pour tout autre salarié. Il lui permet aussi d’imposer une clause de non-concurrence au V.R.P. dont elle se sépare.

Le V.R.P. statutaire multicartesCe V.R.P. possède un statut identique à celui du V.R.P. exclusif, mais il travaille pour plu-sieurs entreprises, non concurrentes mais parfois complémentaires. Cela lui donne une gamme de produits et services, ou « cartes », cohérente face à une même clientèle, ce qui valorise son rôle de représentant d’un ensemble de fournisseurs potentiels.

En revanche, les entreprises représentées n’exercent que peu de contrôle managérial sur le V.R.P. multicartes, sur sa manière de travailler, ou sur ses exigences de compte-rendu et de suivi de la clientèle. En contrepartie, le multicartes ne lui coûte que s’il lui rapporte : elle paye en effet sa couverture sociale, mais n’est tenue ni un salaire fixe minimum, ni à payer des frais professionnels, inclus dans ses commissions.

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Ce statut est intéressant lorsque l’entreprise ne dispose pas des moyens financiers de se doter d’une force de vente propre (en cas d’activité débutante ou de succès aléatoire par exemple), lorsqu’elle veut tester un nouveau marché sans y investir avant d’en savoir plus, ou encore lorsque la clientèle potentielle est très dispersée.

Notons que le statut de V.R.P. est une particularité du droit français. Les instances juridiques européennes recommandent donc de faire évoluer le statut du V.R.P. exclusif vers celui de salarié de droit commun, et celui du V.R.P. multicartes vers le statut d’agent commercial.

L’agent commercial et ses différentes formes

Ce statut relève d’un contrat de mandat et non plus d’un contrat de travail : il est le man-dataire d’une ou plusieurs entreprises qui sont ses mandants. L’agent commercial est le principal statut d’indépendant exerçant à temps plein le métier de vendeur. L’apporteur d’affaires peut être considéré comme un indépendant également, mais n’est ni nécessaire-ment un professionnel de la vente, ni un acteur commercial permanent.

C’est la loi du 25 juin 1991 qui fixe le statut des agents commerciaux indépendants, qui sont finalement des loueurs par contrat d’une prestation de service à l’entreprise cliente, pour laquelle ils vendent les produits. Le champ d’application est relativement large, mais s’en-tend comme une relation durable.

L’agent est généralement rémunéré par un système de commissions le plus souvent liées au chiffre d’affaires généré. Des bases de calcul plus fines sont dorénavant pratiquées.

Par rapport aux vendeurs salariés, ce qui caractérise l’agent tient au fait qu’il organise son travail comme bon lui semble : il est indépendant de son mandant. Il n’empêche qu’il doit respecter quelques règles, définies par le contrat initial, mais dans lequel la pratique montre une grande liberté. Du simple mandat de représentation quasi sans aucun contrôle, à l’agence commerciale structurée, proposant une palette de services commerciaux, admi-nistratifs et logistiques aux mandants qu’elle représente, la gamme de pratiques des agents commerciaux est vaste. Le point commun tient au peu de contrôle managérial que les man-dants sont en droit d’exercer. Il s’agit bien d’une relation commerciale, et non hiérarchique.

Une entreprise va donc faire appel à un agent commercial, notamment lorsqu’elle ne peut pas financer une force de vente salariée, que ses clients potentiels sont dispersés, qu’elle souhaite partager les risques commerciaux, qu’elle entame une activité ou qu’elle s’essaye à l’exportation, situations dans lesquelles le savoir-faire et l’expérience d’un agent installé lui seront particulièrement précieux.

Il est fondamental de retenir que l’agent vend potentiellement une gamme de services. Il convient donc de négocier ces services lors du contrat et de s’assurer qu’ils sont effecti-vement rendus. On lit en effet dans les documents de la Fédération Nationale des Agents Commerciaux   : «  Le véritable agent commercial doit rendre tout ou partie des services suivants à son commettant :• lui apporter tous renseignements nécessaires sur la composition et l’évolution de la clien-

tèle dans son secteur (ces informations pourront être utilisées pour une étude du marché ou pour la transformation des fabrications) ;

• avoir le contact avec l’ensemble de ses acheteurs potentiels ;

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• assurer le service après-vente des biens d’équipement ;

• pour les biens de consommation, intervenir en permanence sur les points de vente, afin que ses produits soient présentés au destinataire final dans les conditions optimales ;

• assurer toutes les charges qu’implique la “représentation”, au sens le plus large : contacts publicitaires, surveillance des points de vente, etc. »

D’après une étude de cette fédération, à taux de commission égale, le coût réel d’un V.R.P. serait supérieur d’environ 25 % à celui d’un agent commercial parce que ce dernier assure lui-même toutes ses charges.5 Il est bon de tenir compte de cette différence lors de la négocia-tion, ainsi que des possibilités contractuelles plus importantes avec les agents commerciaux que dans le cas des V.R.P. multicartes.

L’enjeu du choix est tel que si l’entreprise ne peut pas financer un réseau d’exclusifs, elle doit accorder un grand soin à la recherche et la sélection d’un V.R.P. multicartes ou d’un agent commercial, en suivant une démarche aussi professionnelle que celle préconisée plus loin.

Enfin, pour disposer d’une existence juridique conforme, l’agent commercial doit être immatriculé au Registre Spécial des Agents Commerciaux, auprès du tribunal de commerce.

Sa structure peut revêtir des formes variées, par exemple en nom propre, en auto-entrepre-neur ou en société. Il peut par conséquent travailler seul ou embaucher des collaborateurs. Il peut enfin exercer son activité pour un seul fournisseur, ou « carte », ou pour plusieurs, étant alors un agent multicartes.

Le vendeur à domicile indépendant (V.D.I.)

Le vendeur à domicile indépendant (V.D.I.) a longtemps exercé sans véritable statut reconnu, employé à temps partiel le plus souvent par de nombreuses sociétés spécialisées dans la vente au particulier de produits de grande consommation. Mais celles-ci se regroupant au sein d’une fédération professionnelle, le statut de V.D.I. a vu le jour le 27 janvier 1993. La loi 93-121, article 3, permet de préciser que cette activité vise exclusivement une clientèle de particuliers, visités à leur domicile ou en tout lieu non destiné a priori à la vente, comme un local professionnel dédié au vendeur.

En termes de volume d’emplois, la fédération de la vente directe indique qu’il s’agit de plus de 220 000 personnes, d’après les membres adhérant à cette structure.6

La force de vente supplétive

Il enfin possible de faire appel, pour une durée plus ou moins longue, à une force de vente totalement extérieure à l’entreprise. C’est généralement sous l’appellation de force de vente supplétive que l’on rencontre ce type de cas. Il peut s’agir d’un apport quantitatif momentané de main-d’œuvre commerciale, lié par exemple à un lancement de produit, un élargisse-ment de territoire ou une demande soudainement accrue de la demande. Cela peut aussi permettre de gérer une expansion délicate des activités auprès d’une clientèle mal connue ou dans des conditions de délais qui ne souffrent pas d’attendre de longs mois que la force de vente classique devienne pleinement opérationnelle. On fait alors appel à des équipes de commerciaux expérimentés et immédiatement au fait des objectifs à atteindre à court terme.

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La force de vente supplétive ne constitue cependant pas un prestataire similaire à l’agent commercial, qui est le plus souvent lié par un contrat à durée indéterminé et qui travaille seul ou en équipes restreintes. La force de vente externalisée est opérée par un prestataire de services, dans le cadre d’un contrat commercial. Le manager dispose pour cela de parfois plusieurs milliers de commerciaux potentiels, parmi ceux auxquels il peut faire appel, selon le profil requis pour la mission qui est confiée par le client. En effet, l’entreprise-fournisseur devient cliente de cet intermédiaire, chargé de prospecter et de vendre à ses clients à elle.

5.2.2 Méthodes de structuration juridique de la F.D.V.

La méthode du point mort

Il s’agit d’une approche théorique par les coûts fixes et variables symétriques et inverses. Si elle est classique en économie et en gestion, l’approche par le point mort ne s’impose souvent que sur le papier. En effet, elle peut être complexe à appliquer aux contraintes de l’organisation physique et humaine de la force de vente. L’intégration des coûts complets dans le calcul des coûts globaux ne va également pas de soi.

Coûts desvendeurs F.D.V. déléguée

ou externalisée

Agents commerciauxou VRP multicartes

ou VRP exclusifs payésuniquement à la commission

FDV propre

Vente

POINT MORT

Coût total

Coût variable

Coût fixe

Figure 5.7 –.La.détermination.du.point.mort

Le contexte a par ailleurs changé par l’arrivée forte, ces dernières années, des forces de vente supplétives, et de la variabilité des coûts, qui relativisent cette méthode.

La méthode de notation pondérée

Dans cette méthode, une fois les principaux critères de choix retenus, un poids est accordé à chacun. Puis, pour chaque type de force de vente envisageable, une note est attribuée. Les

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poids et les notes sont maintenus entre 0 et 10, le poids ou la note la plus faible étant signifi-cative du manque d’intérêt du critère ou du type de force de vente envisagé (voir figure 5.8.).

Critères Force de venteFV propre VRP multicartes Agent commercial

123456

1010

8866

861527

8060

8401242

234282

5*8*7*6 8 5*

203032164812

508056484830

Pouvoir la dirigerCouverture géographiqueSynergie entre produits et clientsCharges administrativesCoûts fixesContrôle

Pondération Note Note NoteNotepondérée

Notepondérée

Notepondérée

312158242Total

FV propre

861527

8060

8401242

Note Notepondérée

242

Agent commercial

5*8*7*685*

508056484830

Note Notepondérée

312

Figure 5.8 – Exemple.de.choix.d’un.type.de.F .D .V .

L’exemple pris dans la figure 5.8 est celui d’une société du secteur chimique, associée avec un groupe étranger pour monter une filiale. Les produits envisagés sont destinés à une clientèle totalement différente de celle que visite habituellement la force de vente : aucune synergie n’est donc à attendre entre les deux équipes commerciales. La société est néan-moins très intéressée par le développement de cette filiale car il s’agit d’un client captif ; elle veut par conséquent imposer son point de vue (critère 1 et critère 6). En revanche, même si elle dispose d’une forte capacité d’investissement, elle est obligée de tenir compte d’un certain nombre d’éléments économiques  : couverture géographique garante d’un chiffre d’affaires plus important, charges administratives et coûts fixes, etc.

Enfin la synergie de l’assortiment des produits offerts par les vendeurs semble très impor-tante. L’agent commercial retenu est un importateur spécialisé, pratiquant des méthodes modernes. Le contrat de négociation spécifie les souhaits de la société pour les points mar-qués d’un astérisque.

5.2.3 Les sources de complexité La confusion des sources officielles de recensement des métiers7 Les nomenclatures et les classifications des métiers commerciaux émanent principalement des organismes officiels, comme l’Insee, Pôle Emploi, l’Apec ou l’Afnor, déjà citée précé-demment. Ces sources ne fournissent cependant pas les mêmes définitions, classifications ou statuts des postes commerciaux.

Deux exemples peuvent illustrer ce point, qui génère de la confusion quant à certains choix de structuration de la force de vente.

Ainsi, pour l’Insee, on trouve des commerciaux, de statuts variés donc, dans plusieurs catégories de professions8 : ils peuvent être cadres et professions intellectuelles supérieures (catégorie 3), professions intermédiaires (catégorie 4) ou employés (catégorie 5). En revanche, lorsque l’on se plonge dans les descriptifs de métiers, selon les secteurs d’activité, des curio-sités, voire des anomalies, apparaissent. Il peut s’agir de professions assimilées à la fonction

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commerciale ou mêlant des managers commerciaux avec des vendeurs. On note ainsi, parmi les cadres commerciaux, des animateurs du commerce international, des chargés de syndication ou des conseillers haut de bilan du monde bancaire, ou, pour le bâtiment, des chefs d’agence du bâtiment ou des chefs de projet d’affaires. Les commerciaux qui possèdent un statut juridique d’employé comptent également le décorateur conseil...

Le fichier ROME de Pôle Emploi répartit également les commerciaux selon plusieurs caté-gories, qui peuvent être des personnels des services commerciaux (employés et techniciens, catégorie 122), des forces de vente (catégorie 143), des cadres technico-commerciaux (catégo-rie 533) ou, classés à part, des visiteurs médicaux (catégorie 242).

La première catégorie regroupe surtout les métiers de la banque et de l’assurance. Mais elle intègre des métiers tels que le chargé de gestion ou le responsable de bureau périodique, qui ne sont pas des vendeurs. Dans la catégorie des forces de vente, on trouve également des intitulés comme le recouvreur de créances, l’inspecteur de déménagement, le chef d’achat d’espace de publicité, ou encore le vendeur-loueur de voiliers…

En définitive, la complexité évidente dans les fonctions managériales, en général, touche également les fonctions commerciales, ses statuts et ses rôles. L’internationalisation des postes et des carrières, la présence maintenant courante de jeunes diplômés se destinant à de telles évolutions mondialisées, et une implantation transnationale des entreprises ne font que renforcer ces effets. Par conséquent, les difficultés que connaissent les managers com-merciaux pour « normaliser » les postes commerciaux s’expliquent naturellement.

À l’image d’un corps organique, dont l’A.D.N. recèle le potentiel d’évolution indispen-sable à son adaptation à l’environnement et à ses changements, la force de vente est pour le manager un corps vivant : dans celui-ci, chaque poste commercial est une cellule unique et évolutive. Plutôt que de le voir comme figé dans le temps, il doit nécessairement s’adap-ter à la grande variété des situations rencontrées par les vendeurs, tant dans l’entreprise qu’au dehors. Les normes existantes ne sont alors que des référentiels, des points de repère offerts aux dirigeants pour les aider à créer leur propre Système F.D.V. Dans cette vision systémique, il leur incombe d’intégrer des hommes et des femmes qui, par définition, sont également uniques dans leurs attentes, leurs potentiels et leurs carrières, même si l’on attend de tous un socle commun de compétences.

C’est pour cette raison que les entreprises doivent définir par elles-mêmes, le plus souvent, le type d’organisation statutaire nécessaire à leur force de vente, en fonction de leur posi-tionnement, choisi et assumé. De ce fait, en ayant un œil constant sur le marché dans lequel elles évoluent, et sachant que plusieurs approches sont possibles, elles sont mieux à même d’appréhender les sources de complexité et les choix qui s’offrent à elle.

D’autres facteurs de complexité

On le voit, les choix de structuration des forces de vente se heurtent souvent à de nombreux facteurs de complexité.

Certains tiennent tout d’abord à la diversité des situations rencontrées. Il s’agit de celles des entreprises : elles ont des contextes sociaux liés à leur histoire, des modes de relations internes, voire, plus formellement, des conventions collectives et des accords de branche qui dessinent un cadre social et juridique particulier.

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138 Management.de.la.force.de.vente

La structure juridique et l’indépendance ou l’appartenance de l’entreprise à un groupe constituent un autre facteur. On voit des exemples de sociétés qui sont la propriété de groupes financiers internationaux, pour lesquels les restructurations de forces de vente se heurtent parfois à des « non-choix » de statut ou d’organisation hiérarchique, dans un contexte mondialisé où la maison mère prend pour référence le modèle mis en œuvre dans son pays d’origine, qui ne s’adapte parfois pas facilement à d’autres.

Le contexte externe  est un autre élément déterminant de choix, notamment en ce qui concerne les changements dans les structures  : un benchmarking juridique, économique et/ou social doit pouvoir conduire à apporter des changements, tels que celui opéré par exemple par Michelin qui, sur 100 ans d’existence, donne depuis deux ans le statut de cadre aux nouveaux commerciaux diplômés au grade de master. Le marché du travail montre en effet que le poste est maintenant suffisamment complexe pour embaucher des jeunes dotés d’un bac +5. Le poste doit également être positionné vis-à-vis de concurrents recruteurs pour les talents à potentiel, afin de fidéliser les meilleurs, alors que la génération actuelle tend fortement au « zapping » de l’emploi et à être multi-employeurs.

Xerox passe à la F.D.V. sédentaire

Alors que l’on pourrait s’attendre à une nouvelle initiative sur le terrain de la part de l’un des spécialistes reconnus de la vente itinérante, c’est en choisissant de constituer une équipe sédentaire que la société d’impression a voulu mieux gérer ses clients les plus importants. Quelques chiffres parlent aisément  : dotée d’une force commerciale de quelque 370 vendeurs, c’est dans la cellule Téléweb que les 15 collaborateurs passent chacun les 20 contacts quotidiens destinés au portefeuille des 500 plus gros clients, alors qu’auparavant, seules trois visites par jour étaient réalisables par un seul commercial.

« Avec de tels ratios, nos opérations de phoning nous permettent d’avoir un fort taux de retour sur investissement que nous n’aurions pas avec nos seuls commerciaux nomades », nous dit Laurent Guehenneux, responsable de cette unité créée en 2000. La stratégie de la société a en effet consisté à confier la prospection à la force de vente classique, et la fidélisation à l’équipe sédentaire, pour les 500 plus gros clients, les autres étant suivis par des concessionnaires exclusifs. C’est pourquoi la fonction de Téléweb est bien celle d’une force de vente, et non d’un centre d’appels car elle renouvelle par exemple les contrats commerciaux, les négocie et fait des propositions d’extension de la gamme.

Pour pérenniser cette démarche, il a fallu proposer une structure stable aux commer-ciaux sédentaires : ils sont valorisés, formés et dirigés comme les autres commerciaux. Ainsi, le reporting hebdomadaire inclut une revue de l’ensemble des actions commer-ciales réalisées, la rémunération est liée à l’évolution du chiffre d’affaires, et non au nombre d’appels téléphoniques passés, et des actions collectives sédentaires-itinérants sont mises en œuvre, sans compter sur le fait que les duos senior-junior sont fréquents. Lors d’opérations spécifiques, « les vendeurs sédentaires forment une réelle équipe et nous faisons tout pour que cela constitue une force », souligne Laurent Guehenneux. Voici la preuve du bon fonctionnement de ce système : les 15 commerciaux ont réalisé 12,9 millions d’euros de C.A. en 2009.

Focu

s 5.3

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Les conditions de marché  apportent également des contraintes aux structures, liées au besoin de réactivité, à l’évolution internationale des équipes et des recrues, qui demandent à pouvoir viser des postes de commerciaux export ou de comptes clés européens, ou à des responsabilités managériales dans d’autres pays. De plus en plus de forces de vente, y com-pris dans des P.M.E., gèrent ensemble les vendeurs de France et d’autres pays, même si cela pose des difficultés d’adaptation interculturelle.

La pression économico-financière croissante contribue par ailleurs à accentuer celle exer-cée sur les résultats commerciaux, que ce soit pour leur part individuelle et/ou collective. Cela se traduit régulièrement par des conflits qui nourrissent devant les tribunaux de prud’hommes une jurisprudence croissante liée à la responsabilité des vendeurs, du mana-gement et de l’entreprise dans l’atteinte, ou surtout dans la non-atteinte, des objectifs.

En définitive, l’inertie ou, au contraire, la souplesse possible pour l’entreprise la contraint, comme l’illustre l’exemple ci-dessous, à effectuer certains choix de statuts et de structures.

Si l’on porte maintenant le regard sur les méthodes liées à l’organisation économique et commerciale, plusieurs approches sont envisageables.

5.2.4 Les choix liés au cycle de vie des marchés de l’entreprise

Comme le montre la figure 5.9, certains auteurs9 proposent de changer le statut de la force de vente en fonction du cycle de vie des marchés de l’entreprise. Ce type de choix est parti-culièrement envisageable à l’international.

Période pendantlaquelle l’entreprise

emploie une force de venteen interne pour limiter

le coût totalde ses ventes

Période pendantlaquelle l’entreprise

peut employerdes agences

pour réaliser des ventesà un coût fixe minimal

Période pendantlaquelle l’entrepriseemploie une agence

pour réduireses coûts fixes

Accroissementdes ventes

Acceptationdu produit

Introduction Redéveloppement

Déclin

Décision de réengagerune agence

Décision de se séparerde l’agence

Figure 5.9 –.Choix.en.fonction.du.cycle.de.vie.du.marché.de.l’entreprise

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La montée en puissance de l’externalisation

Si c’est le manque de moyens qui a d’abord conduit les entreprises à utiliser une force de vente déléguée, ce qui a surtout été le cas des petites entreprises, on constate une tendance croissante à l’externalisation de l’action commerciale. Les objectifs sont aujourd’hui variés : aborder un marché test/peu connu, accompagner une croissance de la demande sans inves-tir dans une équipe permanente, acquérir immédiatement un savoir-faire commercial spécifique, ou encore réaliser une opération « coup-de-poing » sur un segment donné. La recherche de performances financières est une autre raison parfois évoquée.

Sur ce plan, l’ouvrage d’Anderson et Trinkle10 développe de nombreux points méthodolo-giques et procure des outils aux praticiens pour cerner les différents coûts. Leur approche est cependant développée dans un contexte nord-américain, donc sans tenir compte des problèmes particuliers à notre pays, comme le statut de V.R.P., même s’il tend à disparaître, la structure d’agence commerciale en tant que personne morale, ou le poids de l’encadre-ment juridique.

Focu

s 5.4 HTC et sa F.D.V. supplétive

Parmi les changements vécus au cours des deux dernières décennies, le recours à une force de vente supplétive est aujourd’hui passé dans les mœurs commerciales. HTC, la marque taïwanaise de smartphones qui bénéficie d’une croissance impressionnante, compense par ce moyen son manque de ressources en marketing, comparé aux leaders du secteur comme Nokia et Apple, et ce dans divers pays, à l’exemple de la France.

Ainsi, en 2007, la société change de nom et ne compte que deux responsables commer-ciaux pour animer le réseau français de revendeurs et de grossistes. Pour renforcer sa pénétration dans les circuits de distribution généralistes et spécialisés, elle fait alors appel à un prestataire externe. Quatre chefs de secteurs prennent alors en charge cinq régions prioritaires.

Ces professionnels aguerris et immédiatement opérationnels déploient 500  jours d’animation en un mois. L’année suivante, une équipe de neuf personnes, dédiées uni-quement à HTC France, réalise pour son compte près de 3 000 visites de clientèle, et pas moins de 130 formations de revendeurs.

Une sous-estimation généralisée des contraintes juridiques

Si l’on aborde la question juridique, justement, on constate souvent chez les cadres commer-ciaux une méconnaissance du contexte juridico-social de leurs fonctions et les conséquences qu’elle entraîne. On s’aperçoit ainsi que les problèmes relationnels et les conflits interper-sonnels prennent une part importante dans les conflits présentés devant les juridictions prud’homales.

Les cas de contrats laissant des zones de flou ou des incohérences sont encore nombreux. Ils génèrent des conséquences financières lourdes pour l’entreprise, et affectent durablement l’état d’esprit de la force de vente. La jurisprudence, abondante, montre malheureusement

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que les directions d’entreprise ne prennent pas toujours suffisamment à cœur ces ques-tions, tant au plan de la rédaction des contrats de travail des commerciaux et des avenants, notamment liés aux objectifs négociés, qu’à celui des comportements des cadres mis sous pression par la nécessaire atteinte des résultats.

RésuméConstruire un Système F.D.V. plus productif exige de l’entreprise qu’elle se réfère aux diffé-rents types de forces de vente existants, et qu’elle tienne compte de la structuration de ses portefeuilles de clients, et de l’organisation de la concurrence. Il s’agit là d’une approche de marketing pour le compte de l’action commerciale. Le cadre structurel dans lequel ce système sera constitué doit permettre de comprendre précisément comment l’entreprise a l’intention de vendre, tant dans sa vision stratégique que dans ses intentions opéra-tionnelles. Ce cadre prend forme dès que sont décidés la nature juridique de la force de vente et des vendeurs. L’entreprise a en particulier le choix entre plusieurs statuts pour ses commerciaux  : salarié de droit commun, V.R.P. statutaire exclusif ou multicartes, agent commercial. Ces statuts sont très différents les uns des autres et répondent chacun à des conditions particulières de marché, ainsi qu’aux besoins de l’entreprise et à ses possibilités financières.

Lorsque les vendeurs se mettront à l’œuvre, ils le feront selon la structure de clientèle dont ils disposeront, et selon les objectifs assignés pour la gérer. Ils doivent donc arbitrer entre vendre mieux (meilleures marges, produits plus appropriés), vendre plus (d’autres produits complémentaires), vendre autrement (avec moins de frais), ou vendre autre chose (cross sel-ling), et acquérir de nouveaux clients sélectionnés.

Il apparaît ainsi évident que le Système F.D.V. est conditionné par le choix du statut de son personnel de vente, en amont, et par les conséquences des choix stratégiques et de marke-ting, en aval. Autrement dit, le choix du type de vente et le rôle du vendeur se reflètent dans les missions et les objectifs commerciaux, qui doivent renvoyer à une cohérence dans la structure et dans les attentes que supporte la force de vente.

Pour aller plus loinE. Anderson et B. Trinkle, Outsourcing the Sales Force, Thomson, 2005.

Le Statut des commerciaux, Revue fiduciaire, 2009.

D. Balland, Et Pourquoi pas des commerciaux payés à la commission ? Agents commerciaux, V.R.P. multicartes... Comment faire le bon choix, Éditions Balland Consultants, 2009.

Chambre Syndicale Nationale des Forces de Vente, www.csn.fr

Fédération de la Vente Directe (F.V.D.), www.fvd.fr

Fédération Nationale des Agents Commerciaux (F.N.A.C.), www.comagent.com

www.agent-co.fr

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Notes1. P. Brassier, « Le repositionnement du rôle des cadres

commerciaux intermédiaires : une approche par les représentations  », Thèse de doctorat es Sciences de Gestion, université d’Auvergne, France, 2004.

2. M. Jolson, Sales Management, A Tactical Approach, Petrocelli Charter, 1977

3. Afnor, Les Fonctions de l’entreprise, tome 1, 1996.

4. W.C. Moncrief III, «  Selling Activity and Sales Position Taxonomies for Industrial Sales Forces  », Journal of Marketing Research, août 1986.

5. Pour les charges professionnelles d’un Agent Com-mercial et d’un V.R.P., ainsi que pour les documents utiles pour l’établissement d’un contrat, se rap-procher des chambres syndicales, de la Fédération Nationale des Agents Commerciaux (www.coma-gent.com) ou de la Chambre Syndicale des Forces de

Vente (www.csn.fr). Voir aussi www.apacfrance.com ou www.vrp.enligne-fr.com.

6. www.fvd.fr/statuts-juridiques.html

7. P. Brassier (Dir.), Qui sont les commerciaux ?, Editia-lis-Action Commerciale, 2006.

8. Insee-Dares, Nomenclature des professions et catégo-ries professionnelles des emplois salariés d’entreprise PCS-ESE 2004, ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, www.insee.fr

9. P. Dishman, «  Exploring strategies for companies that use manufacturers’ representatives as their sales force », Industrial Marketing Management, 1996, 25, pp. 453-461.

10. E. Anderson et B. Trinkle, Outsourcing the sales force. Thomson, 2005.

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Activités

Questions1. Présentez un tableau comparatif des avantages et des inconvénients des différents sta-

tuts possibles pour un commercial.

2. Identifiez trois ou quatre entreprises spécialisées dans les prestations de vente supplé-tive. Établissez une liste des arguments commerciaux que chacune met en avant, et commentez-les.

3. Procurez-vous une typologie des métiers commerciaux, auprès des sources citées dans le texte (Apec, Pôle Emploi, Insee, ou Afnor, norme X50-660 disponible dans l’ouvrage de 1996, tome 1). Collectez une vingtaine d’offres d’emplois commerciaux à partir d’une page de journal ou d’un site Internet spécialisé, et disposez-les selon la typologie retenue. Commentez.

Exercice : Votre première restructuration d’une F.D.V.

Les décisions clés pour réorganiser une équipe commerciale

Choisissez une entreprise industrielle ou de service qui vous est plutôt familière, et dis-posant d’une force de vente d’au moins une vingtaine de vendeurs. Mettez-vous dans la position d’un consultant spécialisé en organisation commerciale. La demande qui vous est faite par l’entreprise consiste à lui proposer plusieurs pistes de réflexion détaillées et argu-mentées pour réorganiser ses équipes de vente.

Après vous être imprégné(e) du contexte commercial de cette entreprise, répondez aux questions suivantes :

1. Vous étudiez tout d’abord la possibilité de réaffecter les missions et les tâches de la force de vente salariée de l’entreprise. Proposez une description du rôle des vendeurs plus adaptée, selon vous, à la situation économique actuelle et au marché de l’entreprise, allant jusqu’à la proposition des missions et tâches essentielles et secondaires.

2. Vous envisagez ensuite de travailler avec une équipe d’agents commerciaux pour trai-ter la moitié du territoire national le moins bien couvert par la force de vente actuelle. Si vous manquez de données concernant cette couverture géographique ou les résul-tats commerciaux, choisissez d’appliquer votre analyse à la moitié ouest de la France. Quelles consignes pouvez-vous donner à la société pour intégrer efficacement une équipe d’agents commerciaux ? Indiquez notamment le nombre d’agents nécessaires, la manière de délimiter leur champ d’action, les missions que vous leur confiez, et la façon de diriger ces commerciaux différents des vendeurs salariés.

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3. Vous supposez enfin possible de faire appel à une force de vente supplétive. Expliquez pour quel(s) segment(s) de marché et/ou quelle(s) catégorie(s) de produits/services vous considérez cette solution comme pertinente. Vous conseillerez ensuite l’entreprise sur deux points  : quelles informations doit-elle demander à la société prestataire concer-nant le recrutement et la formation des commerciaux supplétifs ? Comment assurer un suivi de leurs résultats et un reporting efficace ?

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