déclaration de la conférence épiscopale haïtienne avant les élections du 16 décembre (7...

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  • 7/28/2019 Dclaration de la Confrence piscopale hatienne avant les lections du 16 dcembre (7 dcembre 1990)

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    Dclaration de la Confrence piscopale hatienne

    avant les lections du 16 dcembre (7 dcembre

    1990)

    Frres et Surs,

    Nous voici quelques jours des lections gnrales. L'enjeu est grave, car

    de ces lections dpend l'avenir du pays et de l'homme hatien. Un avenir

    conditionn non seulement par la qualit du climat dans lequel vont se

    drouler les oprations lectorales, mais encore par la crdibilit de leurs

    rsultats et la volont politique de l'orientation vers la socit

    dmocratique.

    Cette situation la fois dlicate nous interpelle en tant que Pasteurs de ce

    peuple et "gardiens de la Cit". Nous intervenons donc, non pas pour

    prendre parti, car "nous sommes tout tous" (1 Co 9,22). Nous

    intervenons non pas pour dire de voter "pour" ou "contre" qui que ce soit.

    L'Eglise n'a pas de candidat. Nous le rptons: l'Eglise n'a pas de candidat

    et n'aura pas de candidat. Nous intervenons pour dire la Parole de Dieu,

    car "si le Seigneur ne btit la maison, en vain les maons peinent; si le

    Seigneur ne garde lui-mme la Cit, en vain les gardes veillent". (Ps.126,1)

    C'est pourquoi aprs avoir regard la ralit telle qu'elle se vit aujourd'hui,

    la veille des oprations lectorales, nous voudrions rappeler les valeurs

    vangliques que le Christ est venu apporter Nol et qui devraient tre

    les piliers de la construction de notre socit.

    1. Regard sur la ralitQuand nous examinons attentivement la ralit que nous vivons

    aujourd'hui, nous assistons des excs de langage, des attaques

    personnelles. Des candidats ne reculent pas devant des promesses

    fallacieuses, utilisent le mensonge, voire la calomnie. Des comportements

    d'agressivit et d'intolrance ont conduit, entre autres, ce drame sanglant

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    du 5 dcembre 1990, Ption-ville, o au moins cinq personnes ont perdu

    la vie, plus d'une cinquantaine d'autres ont t gravement blesses.

    L'horreur et la barbarie de cet acte de violence aveugle rvoltent la

    conscience de tout homme. Des enfants, des jeunes, des femmes se

    trouvent atrocement frapps et risquent de porter, leur vie durant, les

    squelles de cet attentat criminel.

    Nous rprouvons de la manire la plus nergique ces gestes odieux qui

    entachent la campagne lectorale. Et c'est l'occasion pour nous de

    raffirmer que "la violence d'o qu'elle vienne et quelle qu'elle soit, est

    condamnable. Car la violence n'est ni humaine, ni chrtienne, disait le pape

    Paul VI. Elle fait crotre le ressentiment, engendre la haine et l'esprit de

    vengeance" (Prsence de l'Eglise, p. 292).

    Comment a-t-on pu en arriver l? N'est-ce pas parce que le peuple hatien

    est un peuple manipul? En effet, ce peuple habit par le dsir du

    changement aspire une nouvelle socit et par le fait mme un

    nouveau pouvoir politique. Mais on lui a fait croire que pour parvenir cet

    objectif, il faut liminer physiquement tous ceux qui ne partagent pas ses

    opinions. Donc, la violence devient un instrument ncessaire la mise en

    uvre

    du nouveau systme politique, du nouveau rgime degouvernement. Ce qui se prpare, en dfinitive, c'est un tat fond sur le

    cycle infernal de la violence.

    Comment a-t-on pu en arriver l? N'est-ce pas parce qu'on a voulu diviser

    la socit hatienne en deux camps: celui des "bons" et celui des

    "mauvais"? Il est sr que toute personne humaine prsente un mlange de

    qualits et de dfauts. Il est galement certain que les qualits doivent tre

    dveloppes et les dfauts corrigs. Mais on a fait croire au peuple hatien

    que les "mauvais" doivent tre limins.

    Comment a-t-on pu en arriver l? N'est-ce pas parce que certaines valeurs

    humaines et spirituelles comme les valeurs de rconciliation, de pardon,

    d'amour des ennemis ont t mises de ct? Il est sr que ces valeurs ne

    sont pas des instincts, mais des vertus. Car c'est le Christ qui nous a

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    appels la rconciliation (Mt 5,21-26,43-48). C'est lui qui nous a appris

    prier le Pre de nous pardonner "comme nous pardonnons ceux qui nous

    ont offenss" (Mt 6,12). C'est lui qui nous a "command de nous aimer les

    uns les autres comme II nous a aims" (Jn 13,34). Ces valeurs que

    l'annonce de 1 'Evangile propose l'homme hatien ont t contestes et

    on a introduit dans le cur des jeunes des sentiments de vengeance et de

    haine.

    2. Face cette ralit, nous devons

    a) Apporter la lumire de la vrit en dnonant un systme bas sur le

    mensonge, la ruse, la manipulation- Pour construire une socit digne de

    l'homme, il faut un projet de socit qui tienne compte de la dignit de

    l'homme, de ses droits, de ses devoirs, de ses besoins, de son

    dveloppement conomique et social. Or, pour parvenir cela, il n'est pas

    vrai qu'il suffise de dnoncer la corruption et de mobiliser la population. Il

    ne suffit pas de prendre le pouvoir et de "laisser faire, laisser passer". La

    vrit est qu'il faut reconnatre les difficults de la situation qui s'est

    dgrade au fil des ans et qu'il faut s'efforcer de transformer.

    b) Proclamer les valeurs d'union, de fraternit, de communion pour

    construire une socit base sur 1'Evangile - Il ne s'agit pas d'une"solidarit close" o un groupe s'unit pour affronter un autre groupe (cf.

    Paul VI: Message pour la Journe de la Paix, 1er janvier 1971). Il ne s'agit

    pas d'une solidarit partisane o seuls sont admis ceux qui sont allis par

    la mme idologie, la mme formation politique. Il s'agit d'une solidarit

    ouverte, c'est--dire de "l'amour communautaire" comme dit Jean- Paul II,

    qui n'exclut personne qui s'ouvre tous sans distinction de classe, de

    couleur ou de rang social.

    c) Restituer la communaut hatienne les valeurs de rconciliation, de

    pardon des offenses, d'amour des ennemis qui lui ont t ravies - On a

    voulu dtruire une communaut d'inspiration chrtienne pour construire

    sur ses ruines une communaut d'inspiration paenne. On a fait croire aux

    gens que le pardon est une lchet, que la rconciliation est incompatible

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    avec la justice, que l'amour des ennemis est un non-sens, un obstacle la

    promotion humaine.

    Or, comment concevoir la construction d'une socit solidaire dans un pays

    o l'on s'entre-dchire parce qu'on ne partage pas les mmes opinions?Comment prtendre difier une socit o l'on vit en frres ennemis sans

    aucune possibilit de convivialit, de dialogue et de communion?

    Comment btir aujourd'hui une communaut qui refuse le pluralisme, le

    multipartisme? Car, il y a une richesse de la confrontation, il y a un

    itinraire d'indfinies dcouvertes lorsqu'on accepte de cheminer sur des

    voies diffrentes mais convergentes.

    Conclusion

    A la veille des lections gnrales, quelques jours de Nol, nous nous

    sentons interpells par une triple exigence de fidlit: Fidlit Dieu,

    Fidlit l'Eglise, Fidlit 1'homme.

    Fidlit Dieu qui nous appelle "faire la vrit pour parvenir la lumire"

    car seule "la vrit libre". Une socit base sur le mensonge est une

    socit d'esclaves. Une socit fonde sur la vrit est une communaut

    d'hommes libres.

    Fidlit l'Eglise qui est "le signe le plus puissant de l'unit du genre

    humain". Car 1 'Eglise, Corps du Christ, a pour mission de rassembler les

    hommes disperss, de raliser la communion entre eux, quels que soient

    leur classe sociale, leur appartenance familiale, leur degr de culture. Une

    socit base sur la division est condamne prir car "tout royaume

    divis sera dtruit".

    Fidlit l'Homme parce que "tout homme est mon frre" et "il n'est pas

    bon que l'homme soit seul". Il doit partager avec d'autres ce qu'il a.

    - Une socit fonde sur l'individualisme est une socit base sur

    l'exploitation de la communaut au profit d'un homme ou d'un groupe

    d'hommes.

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    - Une socit base sur le collectivisme est une socit qui foule aux pieds

    les droits de la personne humaine.

    Il faut, pour qu'Hati devienne un pays digne de l'homme, que soient

    respects la fois les droits de la personne et les droits de la communaut.C'est ce prix que nous pourrons construire une socit qui soit la fois

    une communaut humaine vritable, une communaut unie, une

    communaut rconcilie et fraternelle.

    Nous relanons notre appel une prire assidue au cours de la neuvaine

    qui s'tend du 8 au 16 dcembre. Que Marie Immacule daigne prier pour

    nous et tendre sur notre pays sa maternelle protection.

    Donn au sige de la Confrence piscopale d 'Hati le 7 dcembre 1990,veille de la fte de l'immacule Conception.

    Ce message sera lu dans les glises cathdrales et paroissiales ds sa

    rception.

    Mgr Lonard P. Laroche, vque de Hinche, prsident de la C.E.H.

    Mgr Alix Verrier, vque des Cayes, vice-prsident de la C.E.H.

    Mgr Franois W. Ligond, archevque de Port-au-Prince

    Mgr Franois Gayot, s.m.m., archevque de Cap-Hatien

    Mgr Emmanuel Constant, vque des Gonaves

    Mgr Willy Romlus, vque de Jrmie

    Mgr Frantz Colimon, s.m.m., vque de Port-de-Paix

    Mgr Guire Poulard, vque de Jacmel

    Mgr Louis Kebreau, s.d.b., vque auxiliaire de Port-au-Prince

    Mgr Joseph Lafontant, vque auxiliaire de Port-au-Prince (en mission pastorale

    l'tranger)