dÉcidons l'aquitaine

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DÉCIDONS L'AQUITAINE INTERVENTION DE M. NOËL EYRIGNOUX - Ancien Directeur des services du Conseil régional Poitou-Charentes - Administrateur Général des Finances Publiques, responsable du Pôle Gestion à Toulouse MAI 2011

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INTERVENTION DE M. NOËL EYRIGNOUX - Ancien Directeur des services du Conseil régional Poitou-Charentes - Administrateur Général des Finances Publiques, responsable du Pôle Gestion à Toulouse

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DÉCIDONS L'AQUITAINE

INTERVENTION DE M. NOËL EYRIGNOUX

- Ancien Directeur des services du Conseil

régional Poitou-Charentes

- Administrateur Général des Finances

Publiques, responsable du Pôle Gestion à

Toulouse

MAI 2011

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Mesdames, Messieurs, Je voudrais d’abord vous dire tout l’intérêt que j’ai à être avec vous aujourd’hui. Je voudrais remercier le Président COURBU et Gilles GUYONNET-DUPÉRAT de m’avoir proposé de venir vous retrouver, parce que je n’oublie pas que j’ai passé 15 années particulièrement intéressantes et heureuses de mon parcours dans les Chambres de Commerce, 7 au plan départemental puisque j’étais à la CCI de Bordeaux, 8 au plan régional, et je garde un remarquable souvenir des CCI. Je suis très content de vous rejoindre, de retrouver des anciens collaborateurs de la CRCI, de retrouver les collègues Directeurs des CCI, et si vous me permettez, je voudrais passer trois messages particuliers :

- Saluer Yves RATEL, - Saluer Jean-Alain MARIOTTI,

qui sont deux Présidents avec qui j’ai travaillé - et saluer tout particulièrement Bernard HANQUIEZ qui est le Président qui m’a

recruté à la CRCI il y a exactement 25 ans. Merci beaucoup Bernard d’être là aujourd’hui.

Concernant mon intervention, je dois vous dire que je suis là comme témoin. C’est à dire que je ne suis pas venu donner des leçons, je ne suis pas venu apporter des recettes, je suis venu apporter un témoignage. Un témoignage qui se situe dans une double perspective. Je fête cette année mes 40 ans d’activité professionnelle et sur ces 40 ans d’activité professionnelle, j’en ai passé 19 au niveau départemental, et presque 21 au niveau régional. C’est pour indiquer l’équilibre. J’ai choisi à 18 ans de rentrer dans le service public, j’y suis rentré peut-être comme d’autres rentrent dans les ordres et j’ai servi l’Etat, j’ai servi une collectivité régionale, j’ai servi dans les CCI mais j’ai le sentiment qu’il y a une ligne directrice dans mon parcours, c’est d’avoir servi mon Pays que j’aime. Je voudrais vous dire que j’ai parfois mal à mon Pays et c’est aussi ça que je voudrais souligner parce que, au cœur de cet enjeu des réformes, il y a la question de savoir quelle France nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants et est-ce que la France veut garder sa place dans l’enjeu des grandes nations de ce monde ? C’est ça la question essentielle et, si vous me le permettez, je voudrais vous proposer de prendre un petit peu de recul par rapport à toutes ces radios, ces télévisons, ces médias qui nous collent le nez sur la vitre. De temps en temps, essayons de prendre un petit peu de recul par rapport aux faits et aux choses. Alors je vais travailler sur cinq parties, le contexte des réformes ; je voudrais aussi vous parler de la réforme en général parce que les CCI sont appelées à se réformer mais je peux vous dire que tout le monde se réforme et celui qui vous parle, est aujourd’hui dans" l’œil du cyclone".

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Je vous en dirai un mot car nous sommes tous concernés par ces réformes. Ensuite je voudrais vous dire combien je trouve parfois que, dans ce pays, on a l’art de mal poser les problèmes et notamment en opposant toujours les gens les uns contre les autres, les grands contre les petits, la campagne contre la ville, la banlieue contre le centre ville, les banques contre les PME, le public contre le privé. Il faudra peut-être un jour dépasser tout ça, arrêter ces débats à la française où on se fait tant plaisir sur le plan intellectuel et personnel et où souvent on n’arrive pas à conclure et quand on n’arrive pas à conclure, on n’arrive pas à avancer et on n’arrive pas à progresser. Ensuite je voudrais vous faire part de mon regard sur les CCI parce que je ne mets pas mon drapeau dans ma poche, tout le monde sait à l’Etat que j’ai travaillé dans les CCI et que j’y suis attentif, mais j’entends aussi ce que les gens me disent et puis j’ai aussi mon propre regard que je souhaite vous donner. Avec amitié, c’est à dire aussi avec vérité, mais c’est, Monsieur le Président, ce que vous m’aviez dit, en me laissant une certaine liberté de langage. Quand on aime bien on dit les choses aussi avec son cœur. Enfin, j’apporterai ma pierre, mais ce n’est qu’un avis, sur ce débat. Donc tout de suite, je voudrais démarrer sur le contexte des réformes, vous donner mon constat. Premier sujet, une situation très dégradée des finances publiques renforcée par la crise économique et financière. Mesdames, Messieurs, vous savez qu’il y a devant le Parlement un projet de loi dit de la "règle d’or". Ce n'est peut-être pas le meilleur moment en période de campagne électorale de présenter un tel projet de loi, et l’autre jour j’entendais une jeune éditorialiste en vogue à la radio nous expliquer que dans le fonds les déficits ce n’est pas si grave, qu’il y a peut-être des gens qui s’alarment trop, etc… Mesdames, Messieurs, je voudrais vous dire que les déficits, c’est grave, surtout quand ça dure depuis 30 ans et qu’il y a un moment où il faut siffler la "fin de la partie". Vous êtes, pour la plupart, des chefs d’entreprise et je suis sûr que, vous, à partir de ce principe de réalité qui est le vôtre, vous êtes d’accord avec moi pour dire qu’il faut arrêter. Deuxième point, en France, on a l’art d’empiler les structures et nous en sommes arrivés à 5 niveaux d'administration. On a ensuite opposé département contre région, c’était la plus mauvaise manière de poser ce débat. Le vrai débat c’est qu’on avait une organisation qui avait plus de deux siècles, qui n’était plus adaptée, qui était coûteuse et pas très efficace. Enfin, en France, nous aimons nous regarder ; je vous proposerai de regarder un peu le reste du monde et notamment des pays qui avancent plus vite que nous. Sur le premier point, je n’ai pas mis beaucoup de chiffres, je pense qu’ils parlent d’eux mêmes.

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Sachez d’abord que le dernier Premier Ministre qui a présenté un budget en équilibre s’appelait Raymond BARRE. Ça commence à dater. Quand je parle de Raymond BARRE à mes jeunes, ils me disent "qui est-ce ?". Le déficit a duré pendant plus de 30 ans et vous voyez que, quand on est malade et qu’arrive une épidémie, ce sont souvent les gens malades qui commencent par être atteints. Quand on est déjà en déficit dans les périodes de croissance et qu’arrive une crise économique, on est encore plus atteint. Vous voyez que cette année nous sommes contents parce nous avons bien appliqué la loi de finances et, au lieu de faire un peu plus de 150 milliards de déficit, on est arrivé à 148 milliards de déficit ! Mesdames, Messieurs, y a t-il lieu de se féliciter de n’avoir fait que 148 milliards de déficit ? Si vous gériez vos entreprises comme on gère la France, vous auriez des soucis. La dette publique, vous la voyez, 90 milliards d’euros en 1980, 660 milliards, 15 ans plus tard, 1 660 milliards d’euros 20 ans plus tard. Naturellement la dette n’a de sens que par rapport au PIB mais vous voyez qu’on est quand même arrivé à 81,5 % du PIB. Il y a le feu, Mesdames, Messieurs à la Maison France, et il était temps de faire des réformes. Sur l’organisation je pense que ce schéma parle mieux que de long discours. Jai 58 ans, je pense qu’un certain nombre d'entre vous dans la salle n’en sont pas loin, un peu plus ou un peu moins. Quand je suis allé à l’école, on m’a dit : "il y a trois niveaux d’administration de la République : l’Etat, les Départements, les Communes". Et vous voyez que 60 ans plus tard, il y a l’Europe, l’Etat, les Régions, les Départements, les Intercommunalités. J’ai mis entre parenthèses les syndicats, les pays, etc… et enfin, il y a les communes. Les choses sont claires. D’abord? le citoyen n’y comprend plus rien. Et quand le citoyen ne comprend plus comment fonctionnent les institutions, c’est la République qui est menacée. Par ailleurs, tout cela coûte très cher. Imaginez toutes les structures qu’il y a derrière qui sont financées par nos impôts. Et naturellement, quand on crée les intercommunalités, on ne supprime pas les syndicats. Dans le projet de loi de décembre 2010, les Préfets ont enfin des pouvoirs pour éliminer un certain nombre de syndicats de communes, qui n’ont plus d’objet puisque l’intercommunalité a repris les compétences, mais qu’on a maintenu parce qu’en France, on ne sait pas supprimer des structures qui existent et on a du mal à regarder devant, on préfère regarder derrière. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que on ne sait pas supprimer les communes, mais en même temps, on sent bien qu’une commune de 150, 200, 300 habitants n’a pas la taille critique elle-même pour être un territoire de projet.

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Donc on sent bien que dans la loi de décembre 2010, il est dit qu’il ne faut pas qu’il y ait d’intercommunalité de moins de 5 000 habitants. Et dans vos départements, dans nos départements, il y a des intercommunalités de 1 500 ou 2 000 habitants. Comme on ne sait pas supprimer des structures, on empile des structures nouvelles, on empile les coûts et tout cela fait que la situation devient compliquée. Or, je voudrais appeler votre attention sur une chose. On nous parle beaucoup de la compétitivité de la France, et c’est un vrai sujet. Quand on parle de la compétitivité de la France, on parle de vos entreprises. Et on dit "il faut que les entreprises soient compétitives pour que la France soit compétitive". Moi je voudrais vous dire : il n‘y a pas de compétitivité du secteur privé sans compétitivité du secteur public. Et la compétitivité de la France, c’est la compétitivité de vos entreprises, plus notre compétitivité à nous administrations, établissements publics comme les CCI. S'il y a en un qui fait des efforts et pas l’autre, c’est la compétitivité globale de la France qui n’est pas bonne et les pays concurrents qui nous passent devant. Dernier point, jetons un regard sur le monde. Alors bien sûr, en premier lieu, il y a la Chine. Vous voyez que la Chine, qui était le 4ème pays du monde en terme de richesse, est maintenant 2ème. L'autre jour je parlais à mes jeunes de BRIC. D’abord ils m’ont dit "qu’est-ce que c’est les BRIC ?" ; alors que je leur ai dit c’est Brésil, Russie, Inde et Chine. Ils m’ont dit "Pourquoi tu nous parles du Brésil ?". Je parle du Brésil pas pour les vacances. Je parle du Brésil parce que ce pays a une ambition, celle de devenir la 5ème puissance mondiale d’ici 5 ou 6 ans. Et déjà, et je peux vous dire que dans le classement 2011 le Brésil est passé devant l’Italie comme 7ème puissance du monde. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas seulement que la Chine soit en train de retrouver la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre d’ailleurs, mais quand vous regardez le chiffre de la France en 2006 et 2010, vous voyez qu’on n’a pas beaucoup varié, la Grande-Bretagne est dans le même cas. Par contre, vous voyez que l’Allemagne a fait un certain bon en avant, et donc il faut que nous regardions les autres pays du monde et que nous soyons conscients que ces pays avancent et qu’un certain nombre souhaitent nous dépasser. Et la question c’est de savoir quelle France nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants ? Alors de cette première partie, je voudrais en conclusion vous donner deux messages qui sont très importants. Premièrement, notre génération a mal géré la Maison France, et nous n’avons pas à être fiers de la manière dont la France a été gérée depuis 30 ans. Deuxième message, c’est que nous n’avons plus beaucoup de temps pour redresser la barre. Parce que comme toujours, en France, on tarde à faire les réformes et donc cette réforme, pas seulement celle des CCI, la réforme en général de la France, il était temps qu’elle se fasse, il faut la conduire rapidement, et surtout, il ne faut pas faiblir sur la réforme de la France parce qu’il en va de la place de la France dans le monde comme grands pays dans les 15, 20 ou 30 ans à venir.

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Le deuxième point, c’est la réforme des CCI, je voudrais la remettre en perspective par rapport à la réforme en général. Mesdames, Messieurs, je crois que c’est TALLEYRAND qui disait : "Quand je me regarde je m’inquiète, quand je me compare, je me rassure". Alors, je n’ai pas de commande du Président COURBU pour vous rassurer, mais je voudrais vous dire, ne pensez pas que vous êtes seuls dans la tourmente de la réforme, nous sommes tous dans la réforme et je vous ai dit que personnellement je suis dans "l’œil du cyclone". Alors l’Etat, à titre d'exemple, je reviendrai tout à l’heure sur le décret sur le 16 février 2010 parce qu’il est passé un peu trop inaperçu. Le premier élément de la réforme, c’est la LOLF : la Loi Organique sur les Lois de Finances; Mesdames, Messieurs, deux parlementaires, un de gauche Didier MIGAUD, député socialiste de l’Isère, aujourd’hui Président de la Cour des Comptes, et un sénateur de l’UMP de l’Orne, Monsieur Alain LAMBERT, ont fait voter en août 2001 une loi fondamentale qui porte réforme des lois de finances et qui fait en sorte que la France puisse être enfin bien gérée. Ce n'est pas à vous, chefs d’entreprise, que j’apprendrai que pour faire de la gestion, il faut commencer par avoir une bonne comptabilité, et que si la comptabilité ne permet pas une analyse des coûts, si la comptabilité n’est pas une comptabilité d’exercice, si il n’y a pas un bilan qui est sincère et véritable, on n’arrive pas à faire de gestion. En 2005, la France n’avait pas de bilan, c’est la LOLF qui a introduit le bilan. C’est également la LOLF qui a introduit la comptabilité d’exercice et je pourrai décliner les choses, mais je ne suis pas là pour vous parler de la LOLF. Simplement ce que je peux vous dire, c’est qu’aujourd’hui, le fait de traiter le budget de la France non pas en chapitre mais en programme interministériel, le fait que l’on rende compte au Parlement, le fait que la Cour des Comptes intervienne comme certificateur de comptes, a pour conséquences qu’il y a sur l’administration de l’Etat une pression comme jamais il n’y en a eu sur la qualité comptable, et que désormais, l’Etat a les moyens de se gérer ; alors après la RGPP (la Révision Générale des Politiques Publiques), il y a la réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat et ça entraîne notamment des fusions de directions. A titre d'exemple, j’appartiens à une administration qui vient de fusionner. Il y avait hier la Direction Générale des Impôts et celle de la comptabilité publique. Début 2000, nous étions plus de 140 000 dans les deux administrations. Cette année, nous passons sous le cap des 120 000 ; nous avons supprimé plus de 20 000 d’emplois en l’espace de 10 ans en périmètre constant, et je vous dis que ce n’est pas fini. Nous allons mener une fusion en 5 ans, elle a été décidé en 2007, elle se terminera en 2012.

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Souvent dans une fusion vous avez deux personnes là où il n’en faut plus qu’une. Qu’est-ce qu’on fait du second ? Et bien, dans l’espace de la fusion en cinq ans, nous avons supprimé 10 000 emplois, et celui qui vous parle était un Trésorier Payeur Général, un corps qui existait depuis 1867, et qui est désormais en voie d'extinction. Beaucoup de collègues pensaient que l’on avait l’éternité devant nous et bien je peux vous confirmer une chose Mesdames, Messieurs, le corps des TPG est en train de rejoindre le "cercle des poètes disparus". Là où il y avait des TPG, des DSF, etc… des receveurs des finances, des conservateurs des hypothèques, vous n’avez plus qu’un seul corps, celui des administrateurs généraux des finances publiques, avec un objectif, qu’il y en ait moins demain, parce que nous coûtons cher et que nous devons faire d’abord la preuve de notre efficacité et qu’en second lieu, il faut réduire le nombre d’administrateurs généraux comme on réduit le nombre de fonctionnaires ; on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux actuellement. La réforme de l’Etat, je voudrais vous dire que c’est une réforme exemplaire. L’Etat donnait beaucoup de leçons aux autres mais l’Etat ne se réformait pas toujours beaucoup lui-même. Aujourd’hui, l’Etat sera d’autant plus fort pour demander des efforts aux autres qu’il en réalise lui-même qui sont considérables. Hier au cours du dîner avec les Directeurs, un collègue, Michel DUCASSÉ, m’a dit, "on ne voit pas trop les effets". Mais oui, on ne voit pas trop les effets. Parce que, comme souvent, on a commencé trop tard. Souvenez-vous. C’est Monsieur BALLADUR, en 1993, qui demande à un Conseiller d’Etat, le conseiller PIC, un rapport sur la réforme de l’état, le fameux rapport PIC 1993. J’ai donné des cours là-dessus à SUP de CO Bordeaux dans le temps. Le rapport PIC, a été publié en 1993, et on commence de l’appliquer vraiment en 2005-2006. Souvenez-vous, Monsieur ROCARD à demandé un rapport sur les retraites en 1988 et on a commencé à l’appliquer en 2003, et beaucoup en 2011. Nous sommes comme ça en France, nous avons un beau reste de gaulois et nous prenons le temps pour conduire les réformes. Le problème c’est que, quand nous, nous prenons le temps, d’autres les brésiliens, les chinois, les canadiens, n’ont pas la même dimension du temps que nous. Sur les collectivités, il y a une loi qui porte réforme des collectivités, qui a été votée le 16 décembre 2010. Elle ne va pas aussi loin qu’il aurait fallu, parce que vous avez vu qu’il y a eu, comme toujours un grand mouvement de protestation, mais LÉNINE disait que les faits sont têtus, et vous verrez que demain on ira plus loin et quand certains disent en 2012 si ça change on reviendra sur cette loi. Je peux vous dire que je fréquente le maire de Toulouse qui est, aujourd’hui, dans l’opposition et qui a parfaitement compris ce qu’est une métropole, et il est parfaitement d’accord avec la loi sur les métropoles. Et je pense que si ça change en 2012 il sera de ceux qui diront, il y a des bonnes choses dans cette loi, ce n'est d’ailleurs pas la première fois qu’on verrait les gens qui ont combattu une loi la soutenir quelque temps plus tard.

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Cette loi change considérablement les collectivités mais surtout ce qui change la donne pour les collectivités, c’est la suppression de la taxe professionnelle. Ce n’est pas pour rien que les élus se sont battus sur cette suppression de la taxe professionnelle parce qu’hier encore, un autre collègue me disait à quoi ça sert que l’Etat se réforme et fasse des économies si les collectivités n’en font pas. Je peux vous dire que les collectivités aujourd’hui ont une contrainte budgétaire à cause de la réforme de la taxe professionnelle. C’était facile de faire payer les entreprises. D’abord les chefs d’entreprises ne sont pas majoritaires parmi les électeurs. Souvent d’ailleurs le chef d’entreprise n’habite pas forcément dans la commune où il a un établissement, et donc dans beaucoup de cas on taxait de manière privilégiée les entreprises. Le fait que la loi désormais encadre quelque part les finances des collectivités va certainement changer la donne. Je voudrais vous rappeler que la Banque de France change, je voudrais rappeler que les hôpitaux changent avec aussi une nouvelle carte hospitalière et la loi Hôpital Patient Santé Territoire, je voudrais vous rappeler qu’il y a une réforme des URSSAF qui vont être régionalisées d’ici 2015. Et pour terminer sur mon propos sur la réforme je voudrais appeler votre attention sur un changement majeur de l'Etat. Le décret du 16 février 2010 est clair : le Préfet de région a autorité sur les Préfets de département. Dans l’histoire administrative française, c’est une révolution. Les Préfets de département prennent leurs décisions conformément aux instructions que leur adresse le Préfet de région. Le Préfet de région peut également évoquer tout ou partie d’une compétence. L’évocation ça veut dire, que le Préfet de région se saisi d’un dossier et le traite lui-même à la place du Préfet de département. Et dans ce cas, il prend les décisions en lieu et place des Préfets de département. Mesdames, Messieurs, aujourd’hui, dans la république française, le Préfet de région est hiérarchique par rapport au Préfet de département. Et ça c’est une révolution. Et comprenez que ça en bouscule un grand nombre de fonctionnaires : il y a beaucoup de TPG qui auraient aimé rester TPG, il y a beaucoup de Préfets de département qui auraient aimé rester patron chez eux. Sauf qu’il est temps que les choses changent. Et je voulais vous donner un dernier exemple, celui des URSSAFF. Ca peut contribuer à votre réflexion tout à l’heure. Je trouve que c’est intéressant ce que les URSSAF proposent. Je ne suis pas dans une URSSAF, donc je ne peux pas dire si c’est pertinent, mais je trouve que c’est intéressant. Dans le cadre de la régionalisation, l'URSAFF cherche un équilibre entre les échelons départementaux demeurant responsables des fonctions de métiers : relation avec les cotisants, contrôle recouvrement, lutte contre la fraude, accueil, et le niveau régional chargé de piloter l’activité dans un cadre harmonisé et il y a une phrase que l’on aurait pu mettre qui est de mutualiser les moyens. Et puis, il y a deux mots qui me paraissent intéressants. Je vous les livre, et je fais écho à ce que disait le Président COURBU il y a quelques instants, "pragmatique et progressif". Comme par hasard ils ont le même rendez-vous que vous, le rendez-vous de 2015.

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Alors Mesdames Messieurs sur cette deuxième partie, je voudrais vous délivrer à nouveau deux messages de conclusion. Le premier c’est qu’il n’y a pas de réforme sans remise en cause de situation acquise. C’est clair que la réforme nous bouscule tous. La réforme bouscule les Préfets, les TPG, l’Etat, les URSSAF les collectivités, les CCI. On ne change pas une situation qui pose problème sans remettre en cause des situations acquises. Mon deuxième message, je ferai référence à Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN, qui était mon Président à la région Poitou-Charentes : "les causes que nous servons sont plus grandes que nous". Mesdames, Messieurs, la cause que nous servons c’est la cause de la Maison France. Elle nous dépasse, elle dépasse les élus, elle dépasse les fonctionnaires, elle dépasse les querelles de structures de l’Etat avec les collectivités, etc. elle nécessite de prendre du recul. Le troisième point de mon exposé concerne le niveau "territorial pertinent". On a présenté le débat région contre département. Mesdames, Messieurs, on aurait voulu compliquer le débat que l’on ne s’y serait pas pris autrement, c’est la plus mauvaise manière de la présenter. Cette manière de débattre est typiquement française. On oppose les gens. Il y a les départementalistes et les régionalistes, etc… Et puis, je vous propose d’appliquer un principe de réalité, je vous propose de garder en tête notre idée qu’il faut réduire les coûts, et puis j’ai envie de vous dire : et si pour une fois en France, au lieu de raisonner en opposant les gens, on raisonnait en complémentarité. Qu’est-ce qui relève de l’Etat ? Qu’est ce qui relève des collectivités ? Qu’est-ce qui relève des partenaires sociaux ? Qu’est-ce qui relève des entreprises ? Qu’est-ce qui relève des CCI ? Essayons, et regardons comment nous pouvons œuvrer ensemble parce que, de nos jours, ce sont les équipes qui gagnent. Alors comme j’ai enseigné l’histoire dans une vie antérieure, je me suis dit au lieu de partir dans ce débat, polémique, politique, etc... allons voir la réalité des choses. Et donc, je suis allé revisiter les fondamentaux. Mesdames, Messieurs, les départements ont été créés le 22 décembre 1789, c’est-à-dire quand même dans" l’ancien Monde". Il y avait 83 départements homogènes, depuis on en a créé une vingtaine avec des redécoupages. Ils avaient tous entre 300 000 et 500 000 habitants. J’ai servi dans la Meuse, la Meuse en 1789 avait 350 000 habitants quant la Moselle en avait 450 000. Aujourd’hui, la Meuse a 210 000 habitants et la Moselle 1.000.000. Ils n'ont pas évolué de la même manière.

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Et surtout les révolutionnaires avaient deux principes fondateurs. J’ai repris les mots. Les révolutionnaires ont voulu faire, déjà en 1789, où il n’était pas question de l’Europe un territoire "suffisamment petit" pour être géré par un chef lieu. Ça veut dire que le département à l’origine dans la tête des révolutionnaires, est un moyen d’encadrer le territoire français et d’encadrer le peuple français, et eux qui venaient de faire une révolution, ils savaient de quoi ils parlaient. Enfin, je vous rappelle d’ailleurs, que bien avant, et bien plus longtemps que d’être un échelon de collectivité, le département a été un échelon administratif de l’Etat. Le deuxième principe c’est de se rendre au chef lieu en moins d’une journée de cheval. Imaginez Mesdames, Messieurs, qu'aujourd’hui, nous fassions une révolution, et que nous disions, on va faire des départements avec un chef lieu à moins de deux heures de voiture. Je vous laisse réfléchir sur ce que ça donnerait en terme de taille des départements. Le plus grand département, c’est le Nord avec 2,6 millions d'habitant, et le plus petit, c’est la Lozère avec 77 000 habitants. On voulait nous faire croire que le département de la Lozère, c’était la même chose que le département du Nord. Voyez qu’il y a 22 départements qui ont plus d’un million d’habitants et il y en a 20 qui ont moins de 250 000 habitants. La densité va de 15 habitants à 21 000 habitants au kilomètre carré. La taille va de 176 kilomètres à 10 000 kilomètres. Les départements étaient homogènes, ils ne le sont plus aujourd'hui. Enfin, quand on nous parle de la concurrence départements/régions, je voudrais vous dire qu’il y a une autre concurrence et qui, celle-là, est beaucoup plus grave pour les départements. C’est la concurrence métropole/départements. Vous avez sur le tableau les sept agglomérations qui peuvent, au regard de la Loi de décembre 2010, prétendre être des métropoles. Et vous avez en face la population de ces métropoles ainsi que le pourcentage de population du département. Dans le Rhône, aujourd’hui, 75 % des habitants sont dans l’agglomération de Lyon. Alors je vous pose la question : quelle est la place du département ? J’ai servi dans un petit département, je peux analyser ce qui se passe. Il se passe que le Président de la Communauté Urbaine est le Président des Universités, des entreprises, de la richesse, des jeunes, de l’avenir. Le Président du département est le Président du rural, des populations âgées, des longueurs de kilomètres de route, des entreprises qui ont des problèmes, de l’agriculture qui a des problèmes. Voilà la situation et on veut nous dire que tout ça, allez, ça marche bien. Non, le vrai concurrent des départements ce ne sont pas les régions dans beaucoup de cas, ce sont les agglomérations parce que ce sont les départements les plus peuplés qui sont les plus concernés par les métropoles. Alors après, vous allez expliquer à un citoyen que, quand il est sur une voirie et que c’est une rue dans le centre ville, c’est payé par l’agglomération, mais que dès qu’il passe dans la banlieue, ça devient une départementale, c’est payé par le département. Tout cela c’est

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complexe et le citoyen ne pas. Mesdames, Messieurs, je crois qu’il était temps de changer tout ça. Je ne sais pas quel est le niveau pertinent. Ce que je sais, c’est qu’on n’a pas encore été au bout de la réforme et de la réflexion. Mais en tout cas, l’Etat a fait un choix, le niveau stratégique pertinent pour l’Etat, c’est le niveau régional. Mais nous avons gardé des structures de proximité, notamment dans les départements en ayant fusionné des directions. Quand on fusionne 100 DDA avec 100 DDE, on supprime 100 postes de directeurs départementaux, et on fait faire des économies au budget de l’Etat. A la place, on a créé des Directions Départementales de Territoire, ça veut bien dire que ce qui concerne les territoires et les projets territoriaux, c’est bien au niveau départemental qu’il faut le gérer. On a créé une Direction Départementale des populations, la protection des populations, c’est au niveau départemental que l’Etat le gère. Et naturellement, la sécurité publique se gère également au niveau départemental. Par contre un certain nombre d’autres actions sont pilotées au niveau régional et les moyens financiers sont désormais pilotés au niveau régional. Je crois que cela nous amène à dire : quelle est la bonne articulation du niveau régional et du niveau local ? Et il ne faut pas condamner le niveau local et départemental. Je crois que le niveau local et départemental a un avenir, si on évacue les débats qui n’ont rien à faire, mais il faut préciser ce qu’on fait au niveau local. Le niveau local a des choses à dire au niveau régional, le local a des choses à dire au national. Comment articule-t-on tout cela ? C’est une des questions importantes qui vous est posée aujourd’hui. Et enfin, je vous dis tout de suite, ne vous en faites pas. La Loi ouvre des portes, la Loi n’a pas pu aller au bout du projet parce que, comme dans les livres sacrés, "les temps ne sont pas encore venus". Mais un jour les temps viendront. Espérons qu’il ne sera pas trop tard ce jour là, mais je peux déjà vous dire que les deux Savoie réfléchissent à fusionner, que les deux Normandie réfléchissent à fusionner, et qu'en Alsace, on pourrait très vite, là où on a une région et deux départements n’avoir plus qu’une seule collectivité qui soit à la fois régionale et départementale, et je vous promets que les entrepreneurs alsaciens y gagneraient en impôts et peut-être même en efficacité du Service Public. Sur les CCI, et c'est le quatrième point de mon intervention, je voudrais vous dire la chose suivante : Vous avez beaucoup de points forts, et parfois même vous en avez plus que vous ne le supposez. Il m'arrive de croiser des élus ou des collaborateurs de CCI qui ont des "états d’âme", disant est-ce que l’on existera toujours, etc… ? Remarquez, quand je suis rentré à la CCI de Bordeaux en 1979, on se posait déjà ces questions.

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N’ayez pas autant d’état d’âme parce que vous avez beaucoup d’atouts dans votre jeu. Vous avez un statut d’établissement public qui vous donne une légitimité et un positionnement juridique dans l’ensemble public français. Il vaut mieux être un établissement public qu’une association. Mais je pense que je n’aurai pas besoin de vous convaincre. Ensuite vous avez, et c’est un point très fort, deux atouts importants : la compétence générale, et vous avez vu comment certaines collectivités ont essayé de se battre pour garder cette compétence générale. Vous êtes des conseils et des forces de propositions auprès des Pouvoirs Publics, et surtout, vous êtes un lieu de rencontres du public et du privé. Et ça Mesdames Messieurs, en France, c’est unique. Parce qu’il n’y a pas beaucoup d’endroits où le secteur public et le secteur privé se retrouvent. Avoir des établissements publics animés par des chefs d’entreprise, c’est quelque chose d’essentiel parce que cela peut vous permettra d’avoir la double culture, la double vision, et d’être à la fois porteur de messages, tant de messages publics vis à vis du privé, que de messages "privés" vis-à-vis du public. Je sais que quand je suis arrivé à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux en étant professeur d’histoire/géographie, j’avais une image pas très bonne des entreprises. Grâce à des personnes comme Bernard HANQUIEZ, et quand j'ai quitté les Chambres de Commerce et d’Industrie, j’avais une autre vision. Cela m’a d’ailleurs beaucoup aidé dans mes fonctions dans la région ou à l’Etat. Donc, je crois que là vous avez quelque chose d’unique en France, ce lieu de rencontre du privé et du public. Ensuite, vous avez des savoir-faire reconnus, la production d’information économique. Là vous êtes très bons, vous avez une légitimité. Qui peut mieux que vous produire des informations sur l’économie. Il faut aussi avoir des statistiques qui soient décodées, à la lumière des réalités des entreprises. Pour la formation, vous êtes reconnus, surtout dans une époque où l’on fait de plus en plus le lien entre la formation et l’emploi. Ce n’est pas la peine que je continue longuement. Vous êtes un réseau, vous êtes présent sur tout le territoire. La République, c’est la présence sur tout le territoire. Et puis, vous avez des moyens humains et financiers et y compris des recettes fiscales. Il n’y a que trois structures en France qui bénéficient de recettes fiscales : l’Etat, les collectivités et vous. Il y a quelques points d’amélioration, et vous voyez que j’ai remis le coût, car ce qui peut être un avantage des recettes fiscales peut être aussi un inconvénient. Alors je vais vous parler franchement. Vous avez parfois une image brouillée auprès des Pouvoirs Publics. Je vais vous raconter un fait qui va vous éclairer sur ce que je veux vous dire. Quand je suis arrivé à la Région Poitou-Charentes en 1995, le Président est devenu Ministre du Commerce et de l'Artisanat. Un jour, un membre de con cabinet a fait appel

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à moi, en ma qualité d'ancien Directeur de Chambre de Commerce et d'Industrie, en m'indiquant qu'il était en charge de la réforme au sein du Cabinet du ministre, et qu'il avait beaucoup de mal à comprendre la logique des CCI par rapport au projet de réforme. Au cours de l'entretien que nous avons eu, il m'a indiqué que les Chambres de Commerce et d'Industrie venaient en ordre dispersé présenter des positions divergentes, voire opposées, au Ministre. Il m'a indiqué que la position du Président de l'ACFCI, qui était censé s'exprimer au nom de l'ensemble des CCI, était très rapidement contestée par le Président de la CCI de Paris. Puis, quelques jours plus tard, par les représentants des "grandes Chambres de Commerce et d'Industrie" qui venaient présenter au Ministre une position différente, et quelques semaines plus tard par les Présidents des CRCI qui assuraient la promotion de leurs propres projets. Le résultat de cette absence de cohésion et de "jeu en équipe" des CCI a eu pour conséquence que le Ministre n'a pas pu présenter son projet de réforme avant la dissolution de 1997. Cela a été d'autant plus dommageable pour vos Chambres de Commerce et d'Industrie que le Ministre était à cette époque très favorable à vos établissements, qu'il connaissait bien, et dont il a toujours apprécié l'action. En effet, comme vous le savez, M. RAFFARIN était issu de SUP de CO Paris, son Directeur de l'époque à la Région Poitou-Charentes était l'ancien Directeur Général adjoint de la CCI de Strasbourg, son futur Directeur à la Région était votre serviteur, et sa sœur était Directrice Générale de la CCI de la Vienne. L'absence de cohésion des Chambres de Commerce et d'Industrie entre 1995 et 1997 leur a fait perdre une opportunité de négocier la réforme dans des conditions qui leur étaient particulièrement favorables. Je crois qu’il y a un moment où le débat est nécessaire, il est républicain. Mais ensuite, il y a un moment où il faut adopter une position commune, et il faut défendre cette position. Ce que je peux vous dire, c’est que pour l’Etat et pour les politiques, il n’y a pas "la Chambre de", il y a "les Chambres". Quand une Chambre fait quelque chose de très bien, ce sont toutes les Chambres qui en bénéficient. Quand une Chambre se trompe, ce sont toutes les Chambres qui sont touchées. Faites attention à cela. Bien sûr, quand on est territorialisés, on a des racines. Pour le Président de région, pour le Préfet de région, pour le Ministre, il y a les Chambres, et moi d’ailleurs, j’observe que quand on me parle des Chambres de Commerce, on ne me parle pas de la CCI de Toulouse, on dit les Chambres de Midi-Pyrénées. A force parfois de jouer des jeux, on brouille son image, mais je vous rappelle que la force d’une chaîne, c’est la force de son maillon le plus faible. Attention à ne pas affaiblir la chaîne. Il y a une chose curieuse dans cette réforme. Je le dis avec un clin d’œil, parce que j’ai bien compris qu’en Aquitaine, il y avait eu des débats. Vous avez donné sur cette réforme, vous, les chefs d’entreprise, le sentiment d’une résistance au changement. Je me souviens d’un Préfet qui m'a dit : "écoutez c’est

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quand même un peu curieux, dans leurs entreprises, ils sont moteurs du changement, et quand ils traversent la rue pour aller dans la Chambre de Commerce et d’Industrie, ils nous donnent l’impression de résister au changement. Est-ce que ce sont bien les mêmes présidents ? Je vous pose la question". Aujourd’hui l’Etat est moteur dans cette réforme. Faites attention vous qui avez cette image positive du privé, d’être plus en retard que l’Etat sur la conduite de la réforme; alors que c’est vous qui nous avez persuadé qu’il fallait changer. Enfin, votre dernier point d'amélioration est le financement de vos CCI. J'ai vu effectivement certains participants réagir tout à l’heure quand je parlais du fait que vous aviez une ressource fiscale. Cette ressource fiscale est une force, c’est également une faiblesse dans une période où on doit obligatoirement diminuer les prélèvements qui sont effectués sur les entreprises et sur les citoyens. Je vais terminer mon exposé par quelques suggestions. Il me semble que vous avez une vraie question autour du partenariat et des alliances. Parmi tous les partenaires qui figurent sur le transparent, je voudrais en évoquer deux : l’Etat et le CESER. L’Etat a besoin de vous. Il a besoin de vous parce que plus on supprime des fonctionnaires et plus on supprime des services, et plus on a besoin d’avoir des relais. Et qui peut être un meilleur relais de l’Etat qu’un établissement public ? Quand le Préfet de Toulouse doit reconvertir la base aérienne de Francazal, quel est le partenaire que l’on vient chercher pour aider à réfléchir, à porter des dossiers et à accueillir les entreprises ? La CCI de Toulouse bien évidemment, qui peut être un formidable gestionnaire de projet au plan territorial. Donc l’Etat a besoin de vous, et il est clair que vous pouvez avoir une alliance d’autant plus solide que l'Etat a des soucis avec les collectivités en ce moment. On peut beaucoup plus facilement trouver un accord entre l’Etat et les CCI que peut-être on en trouvera avec les collectivités ou vous-mêmes avec les collectivités qui sont parfois en "concurrence" avec vous. Quand j’étais Directeur de la CRCI, celle-ci était assez investie au CESER. Le CESER peut être pour vous un concurrent au plan de la proposition d’idées. Mais ça peut être aussi une tribune, ça peut être un lieu pour porter vos propositions. Quelle stratégie avez-vous vis-à-vis du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional ? Je m’arrête là mais il me semble que si vous réalisez la "cartographie des acteurs", vous verrez que l’Etat a besoin de vous. C’est peut-être une meilleure garantie que la Loi. Pour terminer, et être dans le temps que m’a imparti le modérateur, je voudrais vous dire que j’ai réfléchi, y compris à la suite de discussions avec des représentants de Chambres de Commerce. Il me semble que vous avez une obligation, c’est de réussir cette réforme d’ici 2015. En 2015, ça fera 20 ans qu’on parle de la réforme des CCI, et j’ai bien entendu la conclusion du président COURBU, je la partage, je pense que ceux qui n'auront pas fait leur réforme en 2015, ceux–là auront du souci à se faire, et l’ancien Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Agen et ancien Président de la

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CRCI Aquitaine, André TISSIDRE, aimait à rappeler que ce que la loi a fait en 1898, la loi peut le défaire… Surtout quand cela aide à faire des économies ! Vous avez une nécessité c’est de trouver une politique judicieuse d’alliances et de partenariats. Vous avez un enjeu, un enjeu très fort qui est de trouver cette articulation du local et du régional. Je peux vous dire que si vous réussissez, si vous êtes exemplaires, vous rendrez service à beaucoup d’autres parce que nous sommes nombreux, en ce moment, devant la page blanche en train de nous demander comment on articule le régional et le local, comment on mutualise sans dépouiller, comment on a une vision stratégique, sans "impasser" le niveau local, comment le niveau local peut être porteur de projets territoriaux et en même temps le niveau régional intégrer les projets territoriaux dans sa stratégie. On est tous devant la page blanche que l’on soit Etat, URSSAF, ou CCI. Comment pouvez- vous nous aider à progresser, et là vous pourriez être exemplaires parce que vous avez certainement une meilleure capacité que nous à réfléchir à ce genre de questions. Cet enjeu, pour moi, est déterminant. Ayez une politique d’alliances. Vous avez par exemple la production d’informations, et c’est très important. Vous savez que l’information est un pouvoir. Vous aurez plus d’audience des élus parce que vous êtes producteurs d’informations, que vous n’en aurez parce que vous êtes un établissement public. Il y a la Recherche-Innovation. C’est un thème majeur des CCI auquel je pense depuis longtemps. Qui aujourd’hui est capable de lancer des idées ou des projets qui sont bons pour un territoire, qu’il s'agisse d'un territoire local, départemental, ou régional. ? Ce n’est pas l’Etat, qui n'a plus le temps. Moi, je passe plus de temps aujourd’hui sur les suppressions d’emplois, sur les réformes, sur le management, que je ne passe de temps à faire de la créativité. Je le regrette, mais c’est comme ça, ma charge est là. Ce ne sont pas toujours les collectivités qui sont dans des enjeux électoraux avec le fait que le temps politique n’est pas le temps du développement. Vous avez une place à prendre. Vous avez la possibilité d’avoir ce "pouvoir de l’idée" et en plus parce que vous êtes dans l’économie réelle, vous avez la capacité à proposer les bons projets, les bonnes idées. On peut en citer un certain nombre, mais je pense par exemple que quand la Chambre de Bordeaux a lancé VINEXPO, c’était quelque chose de très important. Je me souviens que la Chambre de Bayonne avait pris, en matière de formation, des initiatives qui étaient excellentes, que la Chambre de MORLAIX avait créé une ligne aérienne à une époque. Lancez des idées, soyez le service Recherche, Innovation, Développement de vos territoires qu’ils soient locaux ou départementaux ou régionaux. J’ai volontiers mis l’export dans ce transparent car je voudrais en souligner l'importance. Quand j’étais à la Région Poitou-Charentes celle-ci finançait beaucoup l’export. On avait indiqué par contre qu'on ne financerait pas deux missions aux Etats Unis, une par la CCI d’Angoulême, et une par la CCI de la Vienne. Donc on nous présentait des missions régionales sauf, que je m’étais aperçu que quand la mission aux Etats-Unis était organisée par la CCI de La Rochelle, il y avait 80 % d’entreprises de La Rochelle et 20 % d’entreprise du reste de la région. Et quand c’était la Vienne c’était l’inverse.

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C’est un secteur essentiel pour la France et vous êtes incontournables. Vous avez des responsabilités et vous devez donner une vraie dimension régionale à vos actions. Voilà je voudrais pour terminer vous raconter une petite histoire avant de vous remercier pour votre attention. Au travers de cette réforme, les questions qui vous sont posées sont complexes :

- Comment êtes-vous à la foi un (au plan régional) et en même temps plusieurs dans la diversité des territoires de l'Aquitaine ?

- Comment êtes-vous à la fois local et régional ?

Une anecdote, dont Bernard HANQUIEZ se souviendra sûrement, me paraît de nature à vous aider dans votre réflexion. Lorsque j'étais jeune collaborateur à la CCI de Bordeaux, la promotion du Port de Bordeaux constituait un axe stratégie et nous pensions que la concurrence était à Bayonne ou à La Rochelle. Il se trouve que nous avions identifié une société américaine qui importait, aux Etats-Unis, du vin de Bordeaux par le Port de Rotterdam. Il a donc été décidé d'agir, et pour cela, d'accueillir, à Bordeaux, le responsable de cette entreprise qui a été successivement reçu au siège du Port, puis à celui de la CCI et enfin au Palais Rohan par le Président CHABAN-DELMAS à l'occasion d'un déjeuner. Naturellement, à chacune de ces étapes, les intervenants ont beaucoup insisté sur le Port de Bordeaux et notamment le Président CHABAN-DELMAS qui dans son style si particulier a souhaité "beaucoup d'avenir à cette entreprise, beaucoup de relations avec Bordeaux en… utilisant le Port de Bordeaux…" Le responsable de cette entreprise américaine a répondu d'une manière qui a stupéfait l'assistance. Il a en effet indiqué qu'il "avait bien compris que tout le long des différentes rencontres un "message subliminal" lui avait été communiqué concernant le Port de Bordeaux. Toutefois, il a souligné que, dans le cadre de ses activités, il était amené à avoir un bureau à New-York et un autre à Los Angeles, et qu'il voyageait très souvent d'une rive à l'autre de l'Atlantique ou du Pacifique et qu'enfin sur la carte du monde, Rotterdam se situait à 2 centimètres de Bordeaux et que par conséquent, Rotterdam était le Port de Bordeaux…" C'est, je crois, ce jour-là que nous sommes entrés dans la mondialisation, nous qui utilisions surtout la carte Michelin… Immédiatement après son départ, tout le monde s'est précipité pour vérifier les affirmations du "visiteur américain"; Mesdames, Messieurs, je peux vous confirmer que sur la carte du monde, Rotterdam est à 2 centimètres de Bordeaux, et que vu des Etats-Unis, il est le port de Bordeaux.

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Nous avons compris ce jour-là qu'il ne faut pas seulement travailler avec une seule carte. Il faut avoir plusieurs cartes selon la nature des sujets que l'on traite et des questions qui nous sont posées. Je vous souhaite, au cours de vos travaux de réflexion, de concilier la carte Michelin et la carte du monde, qui sont toutes les deux nécessaires aujourd'hui et de trouver le bon cap pour les Chambres de Commerce et d'Industrie d'Aquitaine afin de contribuer, à votre place et dans vos responsabilités, à la réussite de cette réforme dont notre pays a tant besoin. Je vous remercie pour votre attention.