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99 n° 16/2005/2 Éducation et Sociétés Dossier De l’éducation à la formation : quelles réformes ? LUCIE TANGUY Genre Travail et Mobilités, CNRS-Université Paris 10 Nanterre 200 avenue de la République 92000 Nanterre Cedex ’exercice de réflexivité auquel les organisateurs de ce colloque nous convient est indissociable d’une démarche scientifique. Il est encore plus impératif dans les sciences sociales, où les chercheurs sont habités par un culte de la découverte dont Malinvaud a montré la vanité. Selon lui, ces “prétentions injus- tifiées, exagérées, ou prématurées, selon lesquelles on aurait découvert quelque chose de nouveau sont induites par nos normes de comportements scientifiques” (Malinvaud 1996, 929-942). Si l’on adopte ce point de vue, il s’ensuit que nos efforts sont mal dirigés : à trouver du nouveau au lieu d’entretenir la maîtrise des différents principes qu’il faut simultanément mettre en œuvre pour comprendre le mieux possible le monde social du moment, sans oublier ce qu’on voyait hier mais qui n’est plus au centre des perceptions ou des intérêts ordinaires. Le titre de la table ronde du colloque où cette contribution a été présentée énonçait deux propositions : “la fin d’un grand renfermement” et “une recomposi- tion du champ entre l’éducation et le travail”. L’une et l’autre ont été analysées d’une manière approfondie et dans la longue durée par Claude Trottier. L’examen qu’il nous livre fait ressortir qu’un nombre grandissant de travaux sociologiques s’applique, depuis plus d’un quart de siècle, aux relations entre ces deux sphères d’activités relativement séparées, l’éducation et le travail. Il rappelle très judicieu- sement les principaux objets sur lesquels ces recherches se sont focalisées : les cheminements scolaires et les trajectoires d’insertion professionnelle, les inter- médiaires du marché du travail, les relations entre la formation et l’emploi, etc. Les études citées à l’appui de son analyse émanent de sociologues ou d’économis- tes spécialisés les uns dans le domaine de l’éducation, les autres dans celui du tra- vail. Trottier rapporte les résultats de ces recherches détachées des conditions de leur production et de leur diffusion et indépendamment de l’appartenance insti- tutionnelle de leurs auteurs et de leur ancrage dans une discipline. L’examen de la deuxième proposition soumise aux intervenants de cette table ronde, “une recomposition du champ entre l’éducation et le travail” sup- pose pourtant, selon moi, d’identifier dans quels corpus de savoirs ces résultats L

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99 n° 16/2005/2 Éducation et Sociétés

Dossier

De l’éducation à la formation : quelles réformes ?

LUCIE TANGUYGenre Travail et Mobilités, CNRS-Université Paris 10 Nanterre200 avenue de la République92000 Nanterre Cedex

’exercice de réflexivité auquel les organisateurs de ce colloque nous convientest indissociable d’une démarche scientifique. Il est encore plus impératif

dans les sciences sociales, où les chercheurs sont habités par un culte de ladécouverte dont Malinvaud a montré la vanité. Selon lui, ces “prétentions injus-tifiées, exagérées, ou prématurées, selon lesquelles on aurait découvert quelquechose de nouveau sont induites par nos normes de comportements scientifiques”(Malinvaud 1996, 929-942). Si l’on adopte ce point de vue, il s’ensuit que nosefforts sont mal dirigés : à trouver du nouveau au lieu d’entretenir la maîtrise desdifférents principes qu’il faut simultanément mettre en œuvre pour comprendrele mieux possible le monde social du moment, sans oublier ce qu’on voyait hiermais qui n’est plus au centre des perceptions ou des intérêts ordinaires.

Le titre de la table ronde du colloque où cette contribution a été présentéeénonçait deux propositions : “la fin d’un grand renfermement” et “une recomposi-tion du champ entre l’éducation et le travail”. L’une et l’autre ont été analyséesd’une manière approfondie et dans la longue durée par Claude Trottier. L’examenqu’il nous livre fait ressortir qu’un nombre grandissant de travaux sociologiquess’applique, depuis plus d’un quart de siècle, aux relations entre ces deux sphèresd’activités relativement séparées, l’éducation et le travail. Il rappelle très judicieu-sement les principaux objets sur lesquels ces recherches se sont focalisées : lescheminements scolaires et les trajectoires d’insertion professionnelle, les inter-médiaires du marché du travail, les relations entre la formation et l’emploi, etc.Les études citées à l’appui de son analyse émanent de sociologues ou d’économis-tes spécialisés les uns dans le domaine de l’éducation, les autres dans celui du tra-vail. Trottier rapporte les résultats de ces recherches détachées des conditions deleur production et de leur diffusion et indépendamment de l’appartenance insti-tutionnelle de leurs auteurs et de leur ancrage dans une discipline.

L’examen de la deuxième proposition soumise aux intervenants de cettetable ronde, “une recomposition du champ entre l’éducation et le travail” sup-pose pourtant, selon moi, d’identifier dans quels corpus de savoirs ces résultats

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sont intégrés. Chacun voit bien que les cheminements scolaires trouvent natu-rellement leur place dans la tradition de la sociologie de l’éducation ; l’insertionprofessionnelle aussi, bien que d’une manière moins immédiate et moins évi-dente. Mais il en va différemment d’autres thématiques telles que les intermé-diaires du marché du travail ou les pratiques de recrutement dans les entreprises.Les sociologues de l’éducation se les approprient-ils, comment et à quelles fins ?Ces remarques, qui prolongent celles soulevées par Trottier, traduisent mes diffi-cultés à m’acquitter de la tâche demandée. Les déplacements d’objets mention-nés, liés aux trajectoires intellectuelles des chercheurs, entraînent-ils desinfléchissements sensibles au sein d’une branche de discipline ou ne font-ilsqu’affaiblir les frontières qui se sont établies au fil de l’histoire entre des branchesde la sociologie ?

Ma contribution à cette réflexion collective sur notre activité est très loca-lisée. Elle s’appuie sur un ensemble de transformations qui se sont accomplies àla frontière de l’appareil scolaire et de la sphère du travail : le développement desformations en alternance école-entreprise, la restauration de l’apprentissage enentreprise comme mode de formation légitime (de l’ouvrier au technicien voireà l’ingénieur), mais aussi le statut des lycées professionnels et l’institutionnalisa-tion de la formation permanente. Autant de faits qui sont désignés dans la lan-gue courante sous le nom de formation et qui donnent lieu à des recherchessociologiques qui empruntent leurs cadres d’analyses aux deux branches d’unemême discipline : la sociologie de l’éducation et la sociologie du travail. L’usageextensif qui est fait de ce terme, son association à celui d’éducation ou, aucontraire, leur mise en opposition sont autant de questions à analyser car,comme l’ont souligné, entre autres Durkheim, Nisbet (1984), Hughes (1996) ouBourdieu (1982, deuxième partie), le nom contribue souvent à faire exister lachose et, dans ce cas, la désignation fait partie du changement social. En cen-trant mon propos sur les faits et institutions rassemblés sous le mot formation,tous, je le répète, situés aux marges de l’appareil scolaire, je prends le risqued’analyser un phénomène, non pas propre à la France, mais plus accusé dans cepays que dans d’autres, comme le signale Trottier. Explicitement revendiquée enFrance, cette distinction trouve, à mes yeux, sa raison d’être dans l’histoire del’école qui fut l’un des piliers de la construction du régime politique républicain.Si la bataille sur les mots est moins vive ailleurs, les phénomènes désignés nesont pas moins présents : la mise des problèmes de l’emploi au cœur des politi-ques éducatives, la redéfinition des missions de l’appareil scolaire eu égard audéveloppement d’une “formation tout au long de la vie” et, plus généralement,une perte de l’autonomie conquise par l’école tout au long de son histoire.

Je propose donc d’introduire ma réflexion par un retour sur les approchesthéoriques qui ont marqué la sociologie de l’éducation et ont, par certainsaspects, nui à une connaissance des phénomènes aujourd’hui indûment considérés

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comme nouveaux parce que plus débattus sur la scène publique. Je tenteraiensuite de rendre compte des processus de construction de la catégorie “forma-tion” en France par les acteurs de la formation permanente. Je montrerai ainsique les lieux où se mettaient en place des actions de formation continue ont été,simultanément, des lieux de réflexion et d’expérimentation pédagogiques qui ontdonné naissance à des doctrines qui ont été ensuite codifiées et étendues à la for-mation initiale, voire d’une manière indirecte, à tous les segments de l’appareilscolaire et à l’université elle-même. Pour finir, j’essaierai de dessiner la configu-ration des changements associés à la prééminence de la notion de formation surcelle d’éducation en France aujourd’hui. Je proposerai de mettre en regard lamobilisation et la fédération autour de la formation permanente durant ces der-nières décennies et celle qui eut lieu à la fin du XIXe siècle sur l’instruction etl’éducation. Bien que d’importance inégale, l’une et l’autre ont accompagné desréformes de régime politique et social en profondeur.

Les angles morts de la sociologie de l’éducation française

usqu’à ces dernières années, les segments de l’appareil scolaire les plus étroi-tement liés à la sphère du travail, comme l’enseignement professionnel et

technique, sont restés peu étudiés par les sociologues tandis qu’ils devenaient,durant le même temps, des objets investis par les historiens. La publication denuméros spéciaux de revues qui leur sont consacrés montre bien qu’ils ne peu-vent plus être qualifiés de “chantiers désertés” –expression utilisée par Casparden introduction d’un numéro spécial de Formation/emploi, 1989, “L’enseignementtechnique et professionnel, repères dans l’histoire (1830-1960)”. Dix ans plustard, la Revue française de pédagogie leur a consacré aussi un numéro spécial(2000), “Les formations professionnelles, entre l’école et l’entreprise”. Les résul-tats de ces recherches demeurent pourtant des corpus isolés du reste de la socio-logie de l’éducation. Quelle que soit l’approche adoptée, les politiques, lescurricula, les enseignants, les institutions, les propositions établies sur cedomaine ne circulent pas et sont rarement prises en compte par les études quis’appliquent à d’autres segments du système éducatif. Comment expliquer unetelle étanchéité, durable de surcroît, et quels sont ses coûts en connaissance ?

L’ignorance dans laquelle sont tenus les enseignements professionnels ettechniques résiste à tous les rappels des quelques chercheurs qui en font leursobjets d’études. Moreau (2002, 9) cite Ungerer (1987) qui constatait cette asy-métrie de traitement dans l’enquête menée en 1962 par Girard & Bastide auprèsde 20000 élèves sortant du primaire : “les données collectées sur les formationsprofessionnelles courtes sont d’une pauvreté qui contraste avec le foisonnementdes modalités prévues pour l’enseignement supérieur alors que deux fois plus

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d’élèves sont concernés” ; Dubet (1991) ne consacre qu’un chapitre aux lycéensprofessionnels dans Les lycéens ; Lelièvre (1990) n’accorde qu’un chapitre surhuit à la formation professionnelle dans son Histoire des institutions scolaires,1789-1989 ; Compagnon & Thévenin (2001) oublient totalement les profes-seurs des lycées professionnels dans leur Histoire des instituteurs et professeurs, toutcomme Hirschorn (1993) l’avait fait quelques années plus tôt dans L’ère desenseignants. Moreau (2002, 9) ajoute que “d’une manière générale, les élèves enformation professionnelle sont analysés ‘en creux’, au regard de ‘ce qu’ils ne sontpas’ par référence au ‘groupe-étalon’ que constitueraient les lycéens du cyclegénéral”.

Les critiques faites à ces travaux ne sont pas dénuées de fondement : troprivés à la demande, à la réalité immédiate, aux formes prises par celles-ci qui fontobstacle à la mise à distance nécessaire pour construire un objet de recherche. Ilssont trop souvent menés dans les termes des débats sociaux du moment et per-dent ainsi rapidement leur pertinence. Les problèmes se renouvellent, en effet,plus rapidement ici que dans le reste de l’appareil éducatif dont l’évolution obéità des rythmes plus longs.

La marginalité dans laquelle sont tenus ces sous-ensembles d’études et derecherches ne peut pourtant être imputée à une moindre maîtrise des impératifsscientifiques. Le caractère endémique de cet état des choses est plutôt attaché àl’organisation scolaire elle-même et au rapport des sociologues à l’expériencepremière qu’ils ont eue de cette institution. Il est impossible de revenir ici surl’histoire de l’édification scolaire et sur celle de la sociologie de l’éducation enFrance, deux histoires qui sous-tendent le découpage institutionnel entre ensei-gnement général et enseignement technique d’une part et la définition desobjets sociologiques d’autre part. Bien que Bourdieu ait constamment mis engarde contre les risques d’une conception fixiste et étanche des champs etaffirmé que “la question des limites du champ est toujours posée dans le champlui-même”, la mise en œuvre de cette théorie a focalisé l’investigation sur le cen-tre et non sur les limites. En pratique, l’éducation a été analysée comme unespace de positions sociales et d’actions fermé sur lui-même et gouverné par desprofessionnels surveillant le respect et le maintien des frontières. Éminemmentféconde à certains égards, la théorie des champs ainsi comprise a empêché l’éla-boration de schémas d’analyse appropriés à la réalité de ces institutions ou dispo-sitifs situés aux marges. Placés dans l’école, mais en rapports étroits avec lemonde du travail et des entreprises, ceux-ci se définissent en termes de relationset d’interdépendances entre champs ou entre sphères d’activités. Les chercheursqui s’emploient à étudier ces institutions et pratiques hétéronomes sont ainsicontraints à construire une sociologie des relations, faisant apparaître les chaînesd’interdépendances entre sphères, soit des schémas d’analyse plus difficiles àimaginer et toujours à réinventer selon les objets soumis à investigation.

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J’ai moi-même éprouvé les difficultés de communiquer mes résultats derecherches au sein de la communauté des sociologues de l’éducation. La plusrévélatrice du fossé qui sépare les sociologues de l’éducation du monde du travailfut la réception d’un rapport de mission effectuée à la demande du Secrétariatd’État à l’enseignement technique et professionnel qui cherchait à résoudre unproblème, la désaffection de l’enseignement professionnel, tout en légitimant lesgrandes orientations de la politique scolaire du ministère de l’Éducation natio-nale (Tanguy 1991). Tout me portait à souscrire aux raisons officiellement invo-quées pour rendre compte de cette situation : l’évolution du travail, le déclin dutravail ouvrier, la perte du pouvoir d’identification de la figure de l’ouvrier quali-fié et l’extension du travail technicien avec notamment l’avènement de la figuredu technicien d’atelier. Pourtant, en reconstituant la chaîne des relations allantde la demande singulière de certaines catégories d’entreprises en compétencesprofessionnelles à l’élaboration d’une demande sociale générale, puis à sa traduc-tion en termes de savoirs et de savoir-faire à transmettre et, enfin, à la définitionde diplômes y correspondant, j’ai pu montrer qu’une croyance collective appa-remment partagée –dans l’élévation du niveau de scolarisation– occultait desdésaccords profonds et que d’autres évolutions possibles étaient contenues danscette situation. Ces désaccords entre le monde scolaire –rassemblant l’adminis-tration étatique et les enseignants– et celui du travail –comprenant les direc-tions d’entreprises et les syndicats de salariés– laissaient entrevoir les effetspervers d’une politique qui, en élevant la norme au niveau du baccalauréat,accentuait les classements opérés par l’école en marginalisant les jeunes qui n’ysouscrivaient pas et générait les contradictions aujourd’hui vécues par les jeunesbacheliers qui se sont identifiés à la figure du technicien pendant leurs étudesmais se trouvent dans le travail en majorité à des places d’ouvriers. En élargissantl’investigation à l’ensemble du système éducatif et en portant l’attention sur lesrelations entre collèges et lycées, j’ai pu montrer que le recours exacerbé à l’édu-cation pour résoudre les problèmes du travail, et plus généralement de l’emploi,ne relevait pas d’une nécessité, les besoins économiques, mais d’un ensemble dedécisions, de choix opérés par telle ou telle catégorie d’acteurs dans uneconjoncture historique donnée. En procédant ainsi, j’ai pu reconstituer la chaînedes actions collectives et individuelles –ou tout au moins ses maillons princi-paux– pour faire voir comment celles-ci avaient privilégié cette orientation audétriment d’autres possibles.

Cette démarche et l’analyse critique de l’organisation scolaire en filières,articulées à la division sociale du travail, qu’elle contenait ont été déniées. Ellesont été travesties et ramenées à une vision pragmatique de l’école ajustée auxbesoins du marché du travail : ainsi, Poupeau (2003) sur un mode caricatural,dans Une sociologie d’État. L’école et ses experts en France, et Terrail (2004), d’unemanière plus nuancée mais tout aussi éloignée de ma pensée. Ces interprétationsréductrices procèdent de la croyance dans un mot d’ordre qui pose l’accès de la

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totalité d’une classe d’âge à l’obtention du baccalauréat général comme unobjectif démocratique, oubliant ainsi toute une tradition d’analyse critique decet enseignement général dont la poursuite protégerait les jeunes du chômaged’abord et d’un travail précaire et non qualifié d’autre part. Cette tradition, éma-nant de la pensée ouvrière sur l’éducation, des expériences d’organisations sco-laires édifiées dans les pays se réclamant du socialisme –comme l’enseignementpolytechnique, unissant enseignement scientifique, technique et travail, pourtoute une génération– ou encore des programmes de grands réformateurs commeLangevin et Wallon qui, soucieux d’échapper aux illusions d’un universalisme,qui serait immanent à l’enseignement général, prenait acte de la division du tra-vail pour la transformer en élargissant l’enseignement professionnel à la culture.Gardien de la mémoire ouvrière en matière d’éducation, mélange d’utopie et demodèle alternatif, Duveau (1947, 321) rappelle la demande faite par Denis Poulot,auteur du Sublime, “qu’à côté du baccalauréat ès sciences figure le baccalauréatès travail parce qu’un dirigeant doit connaître le métier, savoir concilier lesexigences du travail avec les droits de l’humanité et établir un règlement basésur la justice”.

En bref, la réception de ce rapport, dont je ne peux restituer tous lesmalentendus, a été, pour moi, une occasion de prendre la mesure des décalagesentre le monde universitaire et le monde du travail. Décalages qui touchent éga-lement les universitaires les plus épris de critique sociale pour qui cet enseigne-ment reste méconnu. Loin de porter leur attention à ces segments où la majoritédes jeunes issus de milieux populaires est socialisée à la future conditiond’ouvriers et d’employés, les adeptes des théoriciens de la reproduction ont eneffet promu une sociologie de l’école, allant de sa base communale à son sommet,l’université et les grandes écoles, c’est-à-dire celle d’une école qui les a, pour laplupart, élus et dont ils n’ont cessé de critiquer les processus d’élection et d’élimi-nation qui lui étaient inhérents. La sociologie de la reproduction, dont Bourdieuest le père, a fourni des instruments très précieux pour comprendre l’univers desclasses dominantes mais, comme l’ont dit Grignon & Passeron (1989, 17-64),plus elle descend l’échelle sociale et moins elle est lucide. Bourdieu a, en particu-lier, minimisé des réalités sociales telles que la résistance à la domination et a faitpreuve d’une propension à dévaluer les pratiques d’autonomie sociale et cultu-relle des classes populaires. Pourtant, résistances dans l’action collective et auto-nomie sont les deux valeurs essentielles du mouvement ouvrier (Noiriel 2003)qui ne sont pas immédiatement visibles parce que réduites à l’état de bribes, debalbutiements, faute de disposer des conditions nécessaires, objectives et subjec-tives, pour affirmer un point de vue propre en matière d’éducation et formation.Le désintérêt de Bourdieu, et du groupe qu’il dirigeait ou animait, des lieux où ladomination s’exerce avec le plus de force et de violence est, à maints égards,troublant. L’affirmation selon laquelle “la honte de soi” constituait l’expériencefondatrice et universelle de tous les dominés ne l’est pas moins. Bien qu’ayant

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une conscience aiguë des processus qui lient les questions posées par les cher-cheurs à leur expérience du monde social, il n’a jamais entendu les points de vuedu monde du travail sur l’école. Au moment même où il jette les premiers fonde-ments de sa sociologie de l’éducation (Bourdieu & Passeron 1964), le mouve-ment syndical ouvrier français formulait ses critiques de l’école en de tout autrestermes (Memorandum de la CGT sur la formation et le perfectionnement pro-fessionnels, 10 juillet 1970). Il insistait sur les questions, pour lui, essentielles :l’échec des apprentissages de base, une prolongation effective de la scolarité obli-gatoire dans le collège et le renouveau de l’enseignement technique. Le point devue sur l’école qui sous-tend ce mémorandum s’enracine dans l’expérience col-lective qu’ont les travailleurs : l’éducation est une condition nécessaire à la réali-sation du droit du travail. Sans illusion sur l’école, il lui demande de s’acquitterdes obligations conquises dans l’histoire : assurer les conditions d’exercice de lacitoyenneté et du travail qui sont tous deux au fondement de l’existence sociale.Les idées et l’action du mouvement ouvrier qui sous-tendent les luttes menéespour intégrer la formation au métier dans l’appareil scolaire, au lendemain de laSeconde Guerre mondiale, n’ont pas, ou peu, retenu l’attention des sociologuesde l’éducation, alors qu’elles ont inspiré des travaux d’historiens, tels que ceux deBrucy (1998), Troger (1990) et du Service d’histoire de l’éducation de l’Institutnational de recherche pédagogique, dirigé par Pierre Caspard, qui élabore desinstruments de recherche concernant toutes les institutions scolaires parmi les-quels La bibliographie d’histoire de l’éducation française, qui recense chaque annéeplus de 1500 publications, dont plusieurs dizaines se rapportent au technique ; leRépertoire de la presse d’éducation et d’enseignement, qui recense et analyse des cen-taines de revues qui se sont consacrées, de la fin du XVIIIe siècle à 1990, àl’enseignement technique et professionnel. Leur exploitation donne lieu à desouvrages très documentés sur l’histoire de l’enseignement technique, dont ceuxdirigés par Charmasson (1987) qui réunissent des textes officiels annotés etindexés, une bibliographie et les sources d’archives. Colloques et séminaires sesont multipliés et donnent lieu à des publications.

L’absence de tradition sociologique forte dans ce domaine situé à la fron-tière de l’école et du travail ne favorise pas l’analyse des changements en coursdepuis ces deux décennies, qui sont désignés sous le nom de formation et quiconcernent également les actions éducatives accomplies dans l’école. L’ubiquitécomme l’extension de la notion de formation contribuent à lui donner une placeéquivalente à celle d’éducation en France. Maints indices incitent même l’obser-vateur à dire que cette notion de formation tend à se substituer à celle d’éduca-tion ou à l’englober. Considérés comme distincts, il y a encore un peu plus devingt ans, ces deux termes sont, aujourd’hui, souvent employés d’une manièreindifférente. La majorité de nos programmes de recherches, de nos associations,de nos revues spécialisées, se dénomment aujourd’hui “Éducation et formation”.Le réseau constitué dans le cadre du premier congrès de l’Association française

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de sociologie (RTF Éducation et formation) et le principal programme derecherche administré par les ministères de la Recherche et de l’Éducation natio-nale, le Programme interdisciplinaire de recherche en éducation et formation(PIREF) en sont des illustrations. En associant ces deux catégories ou notions, laconjonction “et” les pose comme coextensives si ce n’est synonymes. Je proposed’interroger ce petit “et” ainsi que les deux notions qu’il relie, de rappeler com-ment celles-ci ont été construites, les luttes qui ont été menées pour faire existerdes institutions, des dispositifs dans le système scolaire ou, en dehors de lui, dansun appareil de formation, et pour finir de faire apparaître les luttes de concur-rence dans lesquelles se trouvent le monde scolaire et le monde de la formation.

À l’appui de cette interrogation sur les notions avec lesquelles nous pen-sons, je crois devoir souligner que ce qui est aujourd’hui appelé “formation profes-sionnelle initiale” était, il y a quarante ou cinquante ans, nommé “éducationprofessionnelle” ou “éducation technique” par des sociologues comme Léon, maisaussi, quoique d’une manière moins systématique, par Naville ou par Friedmann.Tous ces auteurs, qui appartiennent à la première génération d’universitairesd’après guerre, insistent sur la nécessité d’un apprentissage complet intégrantl’éducation générale et l’acquisition d’un métier afin que les travailleurs soienten mesure d’exercer un contrôle sur les décisions prises par les directions desentreprises. Pour eux, la généralisation de l’enseignement secondaire à tous neservirait ni les intérêts ni l’émancipation de la classe ouvrière. Loin d’être neu-tre, ces glissements sémantiques expriment, on le sait, des changements dans laconstitution de la réalité sociale. Lorsque nos prédécesseurs utilisaient le termed’éducation, de préférence, à l’époque, à celui d’apprentissage, arrimé aux entre-prises –puisqu’un certain nombre d’entre elles possédait des écoles d’apprentis-sage– ils se situaient dans un mouvement social et pédagogique se référant auxprincipes directeurs énoncés dans le Plan Langevin-Wallon ; principes selon les-quels l’enseignement professionnel et technique devait intégrer une composantede culture générale parce que, selon eux, culture générale et maîtrise du métierdevaient aller de pair afin que les travailleurs participent à l’héritage culturel dela nation et contribuent à l’enrichir.

La réflexion, ici esquissée, est aussi un appel à situer nos interrogationsdans la durée pour échapper à l’évidence des choses qui s’imposent à nous lors-que nous restons prisonniers du présent immédiat et pour, ainsi, être en mesured’évaluer combien les notions avec lesquelles nous pensons sont dépendantes descadres sociaux dans lesquels nous sommes immergés. Interroger les mots et lesnotions que nous utilisons, est en effet un impératif de l’analyse sociologique ouhistorique. C’est un des moyens de comprendre une culture quelle qu’elle soit,par exemple ici, celle des inventeurs d’un univers conceptuel qui est devenumaintenant routinier. Nous allons, par conséquent, tenter de montrer que lerecours au terme de formation plutôt qu’à celui d’éducation et, plus générale-ment, la construction de la notion de formation, traduit plusieurs intentions

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associées parmi lesquelles celle de contourner l’appareil scolaire et le corps ensei-gnant mais aussi et, surtout, de rassembler et mobiliser des milieux sociaux éloi-gnés les uns des autres, et de l’école elle-même, autour d’un projet de société“moderne”, orientée vers la croissance économique et la démocratisation, l’un etl’autre objectif liés à la diffusion de la connaissance scientifique et technique.

La construction d’une catégorie aujourd’hui devenue prééminente : la formation

a notion de formation, souvent spécifiée par des qualificatifs (permanente,professionnelle, continue) mais toujours utilisée au singulier, recouvre pour-

tant des pratiques éminemment diverses. C’est sans doute la loi de 1971 créant“la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente”qui consacre, par son inscription dans le code du travail, l’adoption de la notionde formation aux dépens de celle d’éducation : éducation des adultes, éducationpermanente, éducation populaire. Le titre retenu pour nommer cette loi faitécho, sur un mode mineur, au caractère hétérogène, voire contradictoire d’undomaine façonné par des courants de pensée et de pratiques divergents. Tous lespromoteurs de cette notion se sont, en effet, employés à la définir par les proprié-tés qu’ils conféraient aux pratiques mises en place, ici ou là, parfois en lieu etplace d’autres existant antérieurement. Les définitions qui en ont été donnéespar les uns et les autres confluent toutes à la présenter comme un vecteur deschangements à accomplir et, plus précisément, des réformes à instituer dans lesentreprises, dans les politiques publiques, dans l’accès à la culture, etc.

L’analyse développée ici prolonge une réflexion menée depuis plusieursannées dans le cadre d’une recherche collective à la laquelle participe P. Brucy(historien, Université d’Amiens), P. Caillaud (juriste, MSH Ange Guépin,Nantes), E. Quenson (sociologue, Université d’Évry) et dans une phase anté-rieure Philippe Casella (sociologue, Paris X) et Vincent Troger (historien, IUFMde Versailles). Trois numéros spéciaux de revue ont été publiés qui rassemblentles études réalisées par les uns et les autres : Sociétés contemporaines 1999, “Leschantiers de la formation permanente” ; Travail et emploi 2001, “Jalons pour unehistoire de la formation professionnelle en France” ; Éducation permanente 2001,“La formation permanente, entre travail et citoyenneté : France, Allemagne etSuède”. Nous avons déjà montré ailleurs que le domaine d’activités aujourd’huiappelées formation résultait d’actions multiples et durables d’élites quiœuvraient dans diverses sphères de la société ; interprétation que Fritsch (1971)et Montlibert (1977) avaient déjà avancée avant nous. Les pionniers de la for-mation appartiennent, en effet, les uns aux élites culturelles (Terrot 1998, Tro-ger 1999) ; d’autres, aux élites professionnelles, parmi lesquelles des directeurs depersonnel des grandes entreprises qui ont promu, avec la formation, de nouvelles

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relations sociales dans l’entreprise, fondées sur la négociation et l’accord(Tanguy 2001a) ; d’autres aux élites politiques convaincues que leur volonté dechangement devait s’appuyer sur les expériences locales menées en ce domaine(Casella 1999). Tous ont été de véritables innovateurs et des réformateurs de laFrance des années 1950-1960. Ils se sont organisés en réseaux d’acteurs autourd’un projet partagé de changement de société. La formation a ainsi été conçuecomme un principe de recherche d’adhésion de tous les membres d’une organisa-tion, ou de la société elle-même, aux objectifs affichés de celle-ci : la coopération,la participation, la négociation, en lieu et place de la confrontation sociale etpolitique qui caractérisait les trois décennies d’après guerre.

Si tous les promoteurs de la formation considèrent celle-ci comme un fac-teur de changement, si tous partagent une croyance collective dans les vertuslibératrices de l’éducation, la très grande majorité d’entre eux se défie de l’Édu-cation nationale et critique l’école parce qu’elle reproduit les inégalités sociales.Leur critique s’accompagne d’un projet d’instauration d’une éducation des adul-tes libérée de l’autorité de l’État pour l’ancrer dans la société civile, voire dansun système éducatif englobant l’éducation des enfants et celle des adultes. La loide 1971 instituant “la formation professionnelle continue dans le cadre de l’édu-cation permanente” et les trois autres votées simultanément s’inscrivent dans cesdébats et projets. Je vais essayer de montrer comment les courants d’idées et depratiques développées par ces pionniers de la formation ont nourri une penséepédagogique qui est à l’origine de principes directeurs et de pratiques en œuvreaujourd’hui dans la plupart des dispositifs de formation mais aussi, d’une manièremoindre et indirecte, dans les institutions scolaires.

Indissociablement liée à des réformes politiques et sociales à ses débuts, laformation a été simultanément définie par ses promoteurs en termes techniquesqui neutralisent ce caractère politique et, ce faisant, la représentent comme unbien commun.

La formation définie en termes de compétences

Dans le cadre des actions menées par les premiers directeurs du personneldes grandes entreprises, Raymond Vatier est une figure centrale de ce milieu.Ingénieur des Arts et métiers, auteur de plusieurs ouvrages sur la formation enentreprises, il a longtemps collaboré à la direction du personnel chez Renault. Il estun des fondateurs des GARF (Groupement amical des responsables de formation)en 1954. Il crée, en 1958, le premier centre inter-entreprises de formation quideviendra le CESI (Centre d’études supérieures industrielles), assume la prési-dence de l’ANDCP (Association nationale des directeurs et chefs de personnel),est rapporteur d’un groupe de travail dans la commission de productivité du4e Plan et est le premier directeur (en 1970) de cette nouvelle Direction de la

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formation et de l’orientation continues du ministère de l’Éducation nationale. Ildonne, dès la fin des années 1950, une définition de la formation, qu’il distinguedes actions alors nommées “perfectionnement, recyclage, adaptation, promo-tion” destinées les unes aux cadres, les autres aux agents de maîtrise ou auxouvriers. Cette définition s’énonce en termes de compétence qui est, dit-il, “laconjonction heureuse des connaissances, des aptitudes et de la bonne volonté”pour maintenir individuellement et collectivement l’ensemble du personneladapté à l’activité de l’entreprise : “on peut dire que la Formation (avec unemajuscule dans le texte) est l’ensemble des actions propres à maintenir l’ensem-ble du personnel individuellement et collectivement au degré de compétencenécessitée par l’activité de l’entreprise. Cette compétence a trait aux connais-sances, aux aptitudes, à la volonté de travailler de chaque personne et de chaquegroupe. La compétence est la conjonction heureuse de ces trois termes : connais-sances, aptitudes, bonne volonté. Cette compétence n’est jamais définitivementacquise, elle est menacée, elle est toujours à reconquérir et cette reconquête doitse faire parce que le poste change par suite de l’évolution technologique. Deplus, le titulaire peut changer de poste et le titulaire lui-même se modifie...”. Lacompétence, à laquelle toute formation conduit est, on le voit, explicitée relati-vement à trois registres : celui du cognitif (les connaissances), de l’action (l’apti-tude) et du comportement (la bonne volonté) qui sont ceux retenus dans lesméthodes de gestion aujourd’hui en usage au sein des grandes entreprises sous lesnoms de savoirs, savoir-faire et savoir-être. Ainsi, en cette fin des années 1950,ce directeur du personnel, pionnier de la formation, argumente la nécessité desactions qu’il impulse de la même manière que les responsables de ressourceshumaines aujourd’hui, par référence à une dynamique de l’organisation du tra-vail et des individus eux-mêmes. Dans les mêmes années, Jean-Léon Donnadieu(1999), directeur du personnel chez BSN, crée un service intitulé “organisation-formation”, promeut la notion d’organisation qualifiante, qui sera plus tard diffu-sée par les sociologues du travail, et avance une conception maintenant acceptéeselon laquelle la formation se définit par ses objectifs et non par ses contenus.

Les nomenclatures de niveaux de formation ou la mise en relation de la formation avec l’emploi

La représentation de la formation comme instrument de modernisationéconomique et politique est généralisée dans cette action publique de l’Étatqu’est le Plan et qui a joué un rôle fondamental durant le quart de siècle qui suitla fin de la seconde guerre mondiale (Fourquet 1980). Le Plan a, en effet, été unlieu de rencontres, d’échanges et d’élaboration de cadres de perception communsentre ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler les partenaires sociaux,représentants des salariés et des employeurs, qui a impulsé un développement des

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relations professionnelles en instituant le dialogue comme mode de régulationsouhaitable. Il a également été un lieu d’apprentissage de la macroéconomiepour les représentants des syndicats de salariés qu’il a familiarisés avec des idéesa priori suspectes pour eux, comme celle de productivité. Enfin et surtout, pournotre propos, il a fait admettre sur la scène publique la nécessité de lier l’éduca-tion à l’économie, promu la notion de formation, en lieu et place de celle d’édu-cation, l’a fait apparaître comme une grandeur mesurable et l’a posée au principede la qualification. Au terme d’un ensemble d’opérations sociales de définitionet de codification, des phénomènes jusqu’alors perçus comme distincts et sansliens nécessaires et systématiques comme l’éducation et l’emploi ont été mis enrelation au moyen d’outils toujours en usage : les nomenclatures de niveaux deformation. Ces nomenclatures reposent sur les postulats suivants : la qualifica-tion est au fondement de la hiérarchisation des emplois et la formation est aufondement de la hiérarchisation des qualifications. Pour rendre visible cette rela-tion d’équivalence, il a fallu établir des classements et des mises en équation ouen correspondance entre ces classements, qui les rendent acceptables, les légiti-ment en leur donnant un caractère général, celui des grandeurs mesurables : lesniveaux de formation allant de VI (les non-diplômés) à I (les diplômés du troi-sième cycle de l’enseignement supérieur et des grandes écoles), niveaux mesuréspar le nombre d’années d’études, indicateur qui abolit toute différence entre lescursus de formation (Tanguy 2002).

En même temps qu’ils élaboraient ces outils de prévision des flux de popu-lation à scolariser au regard des projections d’emploi par niveaux de qualifica-tion, les experts du Plan ont simultanément affirmé les principes qui dirigent lespolitiques éducatives mises en place dans la décennie 1980 en instituant le bac-calauréat en norme. Ils projettent qu’en 1970, 30% d’une classe d’âge attein-dront le niveau du baccalauréat, alors que cette proportion était de 11,5%en 1960 : proposition qui a été très controversée à l’époque où l’on ne pouvaitimaginer qu’une bachelière accepterait d’être caissière de supermarché.

L’idée de formation synonyme de bien universel a fini par être partagéeaprès un long travail de persuasion. Ainsi, bien que construites à des fins techni-ques et, bien qu’ayant été âprement discutées par les représentants du mondeprofessionnel, les nomenclatures de formation sont maintenant utilisées à desfins de connaissance et de description de la réalité sociale par des organismes telsque le CEREQ, l’INSEE et les services d’études statistiques et de prospective duministère de l’Éducation nationale. Elles ont présidé à des représentations dura-bles du monde social et se sont progressivement imposées comme catégories deperception communes qui guident les politiques publiques mais aussi les compor-tements individuels. La pérennité de ces nomenclatures traduit la force desreprésentations et des croyances collectives qui les sous-tendent et résultent dela convergence d’actions menées, durant les années 1960 dans différents lieux de

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la société et dont le Plan a fait la synthèse. Autant de faits qui sont à l’origine decette expression nominale “la relation formation-emploi” aujourd’hui assimilée àun nom commun désignant une chose établie.

L’invention d’une doctrine pédagogique de la formation

La pédagogie de la formation résulte, elle aussi, d’une confluence deréflexions et d’expérimentations menées dans différents lieux : dans les associa-tions telles que Peuple et Culture, qui érige la doctrine de l’entraînementmental ; dans les entreprises où, avec l’aide des militants de Peuple et Culture,des pratiques inspirées de la dynamique de groupe, en direction des cadres, sontcombinées avec celles de l’apprentissage en situations. Au sein de cet agglomératd’actions très variées, Bertrand Schwartz apparaît comme l’un des fondateursd’une doctrine de l’éducation permanente qui est devenue une référence com-mune au monde de la formation. Elle a été élaborée dans la durée mais les princi-pes majeurs sont fixés dès les premières actions collectives menées, au début desannées 1960, à l’occasion des grandes reconversions industrielles en Lorraine.Bertrand Schwartz conçoit alors la formation comme une action individualisée,liée aux parcours professionnels, décomposables en unités modulaires qui sontl’objet de validations réalisées en termes d’“être capable de”, et contribue ainsi àla diffusion d’une théorie de la connaissance liée à l’action : individualisation,parcours, modules, validations sont autant de catégories de pensée qui vont diri-ger les réformes du système éducatif impulsées au cours de ces deux dernièresdécennies.

La formation à l’origine de réformes scolaires

n ne soulignera jamais assez combien les différents lieux où se mettaienten place des actions de formation continue, ont été simultanément des

lieux de réflexion et d’expérimentation pédagogiques qui ont donné naissance àdes doctrines qui ont ensuite été codifiées et étendues à la formation initiale,voire, d’une manière indirecte, à tous les segments de l’appareil scolaire et àl’université elle-même.

Le développement de la formation continue dans les entreprises, l’organi-sation des processus de transition de l’école à l’emploi, la mise en place desmodes de formation en alternance, ont engendré la constitution d’un milieu qui,pour être hétérogène, tend à faire valoir que son activité sert l’intérêt général.On peut donc dire, à la suite de Becker (1988) qu’un monde de la formation s’estconstitué dont les différentes catégories d’agents se coordonnent, grâce à un cer-tain nombre de conventions, en réseaux coopératifs et relativement stables dans

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le temps. J’utilise cependant la notion de monde social d’une manière plus largeque lui pour qui “le monde social (est) défini comme un réseau d’acteurs coopé-rant dans l’accomplissement d’activités spécifiques”, où les notions de coordina-tion et de coopération sont omniprésentes et où la dépendance n’est pasconcevable hors d’un cadre d’interdépendances. De cette définition, je neretiens que l’idée de réseaux sociaux entre acteurs individuels et collectifs, pascelle de relations d’interdépendance entre catégories d’acteurs qui exclut cellesde dépendance, d’exploitation ou d’aliénation.

Ce monde de la formation s’est, en trente années, non seulement déve-loppé en termes de dispositifs, de règles, d’acteurs mais aussi de points de vue, dereprésentations qui ont imposé une conception instrumentale des actions éduca-tives dans leur ensemble.

Des politiques éducatives orientées par et vers l’emploi

Cette conception inspire très directement les politiques de ces dernièresdécennies qui ont placé les préoccupations de l’emploi au cœur du système édu-catif, sur des modes différents et avec des intensités inégales selon les segmentsqui le composent. Le caractère général de cette référence est énoncé dans la loid’orientation de 1989 (Loi 89.486) qui prescrit de conduire 100% d’une classed’âge, au niveau V minimum. L’objectif ainsi attribué à l’appareil éducatif opèrenon seulement un déplacement de l’ordre scolaire à l’ordre des qualificationsmais pose le niveau V (mesuré par les diplômes professionnels CAP et BEP)comme minimum. La spécificité de la qualification ouvrière (désormais subsu-mée sous l’appellation “niveau V”), se trouve ainsi niée et présentée commeéquivalente à une scolarisation nécessaire, à un moment donné, dans une sociétédonnée. Formuler les politiques éducatives en termes de niveau de formation oude qualification témoigne de cette volonté, toujours réaffirmée, d’établir desrelations d’équivalence entre ces quatre registres différents de la réalité socialeque sont l’éducation, la formation, la qualification et l’emploi : équivalence éta-blie au début des années 1960 par les experts de la planification à des finsd’accroissement de la productivité.

Le modèle pédagogique des compétences

Le modèle pédagogique des compétences représente peut-être l’exemple leplus éloquent de ce changement de perspective pédagogique qui a progressive-ment pénétré l’institution scolaire depuis la publication, en 1999, de la “Chartedes programmes” (1992), ensemble de principes directeurs selon lesquels les con-tenus d’enseignement de l’école primaire au lycée doivent être redéfinis ; dans cetexte, la notion de compétences est constamment sollicitée. Le Conseil national

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des programmes qui a élaboré la charte est une instance qui formule des recom-mandations pour l’élaboration des programmes, la conception générale desenseignements et l’adaptation à l’évolution des connaissances. “Le programme nedoit pas être un empilement de connaissances... Il doit à chaque niveau faire laliste des compétences exigibles impliquant l’acquisition de savoirs et savoir-fairecorrespondants... Le programme définit explicitement les compétences terminalesexigibles en fin d’années, de cycle ou de formation et y associe les modalités cor-respondantes” (Ropé & Tanguy 2000, 493-520). Le modèle pédagogique descompétences revêt sa forme la plus accomplie dans les lycées professionnels, seg-ment de l’appareil éducatif le plus proche de la formation continue et, corrélati-vement, à l’institutionnalisation des relations entre l’école et l’entreprise. Il a étéle lieu d’élaboration et d’expérimentation de la matrice des idées, méthodes,catégorisations et nomenclatures qui président, sous des formes variées àl’énoncé des contenus d’enseignement, à leur programmation et à leur évalua-tion si ce n’est à leur transmission. Parmi ceux-ci, on citera les référentiels cons-truits à l’initiative d’administrateurs de l’Éducation nationale, au sein d’instancestripartites, les CPC (Commissions professionnelles consultatives) chargées dedéfinir les diplômes. Cette méthode qui s’appuie sur des définitions précises, quiutilise une terminologie fixée et des principes de classement systématisés est pré-sentée et revendiquée par ses adeptes comme scientifique, au sens positiviste duterme, parce qu’elle privilégie la description des savoirs ou des actions, la défini-tion des relations qui existent entre eux et la mesure de leurs effets. De fait, tousles référentiels existants, d’emplois ou de diplômes, sont construits selon unemême démarche qui fait l’objet, depuis le début des années 1980, d’une régle-mentation, sorte de discours sur la méthode qui codifie ce qui relevait antérieu-rement d’un empirisme circonstanciel. Cette réglementation prescrit que toutdiplôme soit explicitement défini par un référentiel et que ce référentiel soit lui-même déduit du référentiel d’emploi auquel ce diplôme est supposé conduire(Ropé & Tanguy 2000). L’extension de ce modèle aux autres segments de l’écoleest indissociable des pratiques d’évaluation aujourd’hui généralisées. Quelles quesoient leurs formes, elles s’accompagnent toutes de la mise en place de dispositifstechniques, de procédures de catégorisations et de classements construits sur lemême modèle, à partir d’un découpage entre le domaine des savoirs et dessavoir-faire. Les carnets d’évaluation introduits, en 1990, dans l’enseignementprimaire, en même temps que la division de ce cursus en cycles, ne comportaientpas moins de cinquante items, pour chaque cycle. Toutes les grilles d’évaluationparticipent de cette même préoccupation d’appréhender la connaissance à partirde critères objectivés et de mesurer la capacité à faire une opération ou unetâche déterminée dans une situation donnée. Loin de se réduire à leurs seulscaractères techniques, ces pratiques génèrent d’autres cadres de perception del’acte éducatif et d’autres modèles cognitifs. La prévalence donnée à la méthodo-logie est supposée être un gage de scientificité, d’efficacité et aussi d’équité.

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La rationalisation ainsi recherchée, d’ordre éminemment instrumentale,fondée sur l’idée d’évaluation des acquisitions dans des situations données aumoyen de la notion “d’être capable de”, grâce à des outils qui permettent de lesvérifier, a trouvé une application extensive dans le monde des entreprises quis’emploient à délivrer leurs propres certifications. De fait, de nouvelles formes decertifications, instituées depuis le milieu des années 1990, appelées certifica-tions de qualifications professionnelles (CQP), délivrées par les Commissionsparitaires de l’emploi sont construites à partir de cette méthode des référentiels(Veneau, Charraud & Personnaz 1999). Ici comme là, il s’agit de valider lescapacités d’accomplir des tâches données dans des situations données.

Les changements en cours, en matière de certification, proviennent euxaussi d’initiatives du monde de la formation et restent apparemment méconnusdes sociologues de l’éducation. La loi de modernisation sociale qui institue denouveaux modes de certification représente pourtant un véritable basculementdes institutions et des pratiques instaurées depuis plus d’un demi-siècle : en ter-mes de lieux, d’instances, d’acteurs, de pratiques telles que celles de validationsdes acquis d’expérience. Certes ces questions font aujourd’hui débat et sontl’objet d’études mais la majorité d’entre elles visent plutôt à accompagner la miseen place des dispositifs et des procédures nécessaires à leurs réalisations plutôtqu’à analyser la portée et les significations des déplacements qui s’opèrent ainsi,d’une manière progressive, des institutions publiques vers des institutions dontles statuts restent à caractériser.

D’une organisation académique des cursus d’enseignement à des parcours individuels

La professionnalisation de l’enseignement supérieur est un autre exemplenon moins éloquent des changements inspirés des conceptions expérimentéesdans le monde de la formation, ainsi que la réforme des études supérieures nom-mée LMD à partir des trois diplômes qui certifient les différentes étapes d’un par-cours universitaire (licence, master et doctorat). Cette réforme s’énonceégalement en chiffres qui mesurent la durée de ces étapes : trois, cinq, huitannées. Elle est généralement justifiée par la nécessité d’harmoniser les cursusuniversitaires européens. Pour ce faire, un système de mesure des études est misen place, les ECTS (European Credits Transfert System), qui est supposé per-mettre la mobilité d’un pays à l’autre. Les particularités nationales, de contenusd’enseignement mais aussi d’organisation des filières, se trouvent ainsi subsuméesdans des catégories générales, celle du temps qui permet d’établir facilement descomparaisons et des équivalences entre des réalités a priori incomparables. Onretrouve ici la logique technique et instrumentale qui a présidé à la fabricationde la nomenclature des niveaux de formation au sein du Plan. Ici comme là, lestaxinomies instituées et les quantifications qu’elles permettent autorisent un

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rassemblement de modes d’enseignement aussi éloignés que ceux délivrés dans lesuniversités ou par l’enseignement à distance qui est explicitement préconisé dansle décret LMD –le programme “e-learning” de la Commission européenne entendfavoriser “l’interconnexion des espaces et campus virtuels, la mise en réseau uni-versités, écoles, centres de formation et au-delà des centres de ressources culturel-les”, Communication de la Commission “e-learning” (2000). Plus généralement,cette réforme emprunte et consacre le fondement de la doctrine de la formationpermanente : un parcours individualisé, composé de modules qui s’agencent augré des individus (ou des circonstances) et qui sont validés en unités sommables.

Les cursus universitaires, antérieurement définis à partir de corpus desavoirs disciplinaires, par les producteurs de ces savoirs eux-mêmes, les ensei-gnants chercheurs, sont démembrés au profit de modules considérés comme desunités interchangeables sans considération aucune des effets possibles sur lesapprentissages intellectuels. La standardisation de ces formations pédagogiquespour toutes les disciplines et sur tous les territoires –comme si l’offre y était équi-valente– présuppose, en face, un acteur rationnel, doté d’une conscience calcu-latrice, capable d’adopter une stratégie appropriée à la situation dans laquelle ilse trouve. Discutable lorsqu’il s’applique à un individu engagé dans une vie pro-fessionnelle et usager de la formation permanente, ce raisonnement devienttotalement abstrait appliqué aux étudiants entamant des études supérieures. Lasimplification et la formalisation de ce type d’organisation occultent ses orienta-tions instrumentales qui s’imposent avec plus ou moins de force selon les ressour-ces économiques et culturelles de l’individu. Faits non moins nouveaux, lesmodalités de décision et de mise en application de cette réforme sont imposéespar des procédures sans débat national préalable. Promue par des directivesministérielles, relayées par les présidents d’universités, cette réforme s’implantedans l’urgence sans contestation de fond, par transactions et ajustements entreles enseignants afin de conserver des positions acquises. Le débat pédagogiqueou, en l’occurrence, politique sur le sens des changements ainsi opérés a laisséplace à un pragmatisme de circonstances.

Toutes les transformations évoquées plus haut affectent, d’une manière oud’une autre, l’appareil scolaire dans ses fondements historiques en réduisantnotamment l’autonomie qu’il avait acquis.

De l’éducation, affaire d’État, à la formation, affaire de contrats

our clore cette investigation et en ouvrir d’autres, je propose d’interrogerles changements mentionnés au regard de quelques grands traits caractéris-

tiques de l’histoire de l’éducation en France. L’éducation et la formation ont été,l’une et l’autre, construites comme des instruments et des piliers d’un changement

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d’ordre social d’envergure mais d’orientation différente. L’éducation a été penséecomme un vecteur d’un futur à faire advenir par le registre politique tandis quela formation est, depuis ses débuts, plus fortement arrimée au registre économi-que. L’éducation ainsi que le lieu où elle s’accomplit, l’école, se sont constitués,en France, au terme de conflits politiques qui leur ont imprimé des marques deneutralité et laïcité, lesquels sont toujours objet de mobilisations sociales pourdéfendre des points de vue contre d’autres. La formation est une activité où lacoopération entre acteurs se réalise sans heurts importants et où se fait l’accord.Cet accord s’est construit, pour une part, dans l’ambivalence mais aussi dans uneacception de l’intérêt général associé à la définition d’une économie compéti-tive, d’une modernisation de la société, de la mise en place d’institutions de par-ticipation et de dialogue social dans un contexte de recherche de réduction desconflits sociaux et politiques.

À la différence de l’école, qui a été une affaire d’État, la formation a pro-gressivement été élaborée comme l’affaire des “partenaires sociaux”, mais sousl’impulsion et le contrôle constants de l’État. Sans pouvoir ici brosser un tableaucomparatif de ces deux institutions –le terme institution est utilisé ici dans unsens descriptif, synonyme de système organisé et différencié ; de ce point de vueon peut aussi bien parler de système scolaire que de système de formation– quireposerait sur des argumentations raisonnées et, faute de recherches empiriquesdisponibles, je m’en tiendrai à repérer quelques dimensions potentiellementsignificatives. L’organisation de l’école élémentaire et sa juridiction répartis-saient les tâches entre l’État, les départements et les communes, unifiaient lesprogrammes et les méthodes et mettaient en place un corps d’inspection. Cetteréalisation exigea une forte mobilisation des hommes politiques mais aussi desnouveaux corps enseignants constitués, instituteurs, professeurs, inspecteurs etuniversitaires chargés d’enseigner la science de l’éducation à l’Université,comme l’a montré J. Gautherin (2002). La IIIe République “pédagogisait” laFrance, selon l’expression de Pécaut citée par cet auteur. L’activité réformatricede la IIIe République générait et s’appuyait sur une “effervescence de l’opinion”,une idéologie qui rassemblait tous les républicains autour d’une “conceptionconquérante de l’instruction et de l’éducation, moteurs du progrès économiqueet social, instruments de la justice et de la solidarité... ‘L’État enseignant et sur-veillant’, dont parlait Ferry, en avait fait son affaire. Défendre les réformes,c’était défendre la République ; lutter contre les réformes, c’était lutter contrel’État républicain... La pédagogie, c’était la politique continuée par d’autresmoyens” (ibid. 3-4). Elle eut ses penseurs qui enseignèrent à l’Université la phi-losophie de l’intérêt général, l’amour de la patrie et la morale. Les thèmes,aujourd’hui débattus, de la décentralisation, de la liberté d’enseignement, de lamanière de gérer l’action pédagogique et d’inciter les enseignants à engager cer-taines rénovations, ont fait l’objet d’âpres luttes tout au long du XIXe siècle.

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L’organisation scolaire alors adoptée s’est pourtant plus ou moins maintenue auprix d’adaptations réalisées par les grandes réformes qui jalonnent, notammentl’entre-deux-guerres et l’après seconde guerre mondiale. Cette école primaire etsecondaire fut en réalité, comme l’a dit Nique (1990), l’application d’un pro-gramme politique, celui de la République.

Cette mobilisation et fédération autour d’un programme politique, quiimpliquent un engagement dans une mission dont les acteurs ont une cons-cience aiguë, trouvent leur pendant dans le mouvement social pour la formationpermanente dont nous avons dessiné les contours (Tanguy 2001b), bien quecelui-ci soit resté très en deçà du premier. Les différentes catégories d’élites quiont milité pour cette nouvelle donne, l’ont fait dans des lieux variés, en vue definalités diverses et parfois éloignées. Les mobilisations qu’ils ont impulsées,orientées, dirigées, ont pu converger autour de quelques idées générales tellesque celles de “modernisation”, de participation et revêtir des sens différentsselon qu’il s’agissait d’institutions de promotion sociale, d’association de direc-teurs de personnel dans les entreprises, d’élites de l’administration étatique oud’intellectuels missionnaires de la culture : convergences et équivoques qui per-mettent, dans une conjoncture donnée, celle d’après 1968, l’édiction d’une loiqui institue un droit de la formation, ou plutôt les fondations de ce droit inscritdans le code du travail et non dans celui de l’éducation. Un examen du contenude l’Accord national interprofessionnel sur la formation et le perfectionnementprofessionnels (1970) et des rapports de filiation entre cet accord et la loi sur “Laformation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente”(1971) fait apparaître que l’inscription du droit de la formation dans le champdes relations professionnelles et, avec elle, l’institutionnalisation du paritarismesont des créations de l’État (le lecteur intéressé par cette question se reportera àTanguy 2004, Vincent 1997). Autant d’actions qui participent à mettre en placeune politique de concertation sociale déjà promue dans le Plan. Elle exprime unchoix politique : le retrait de l’État et une redéfinition des tâches de celui-ci.Bien qu’imposée par des hommes politiques aux “partenaires sociaux”, la forma-tion sera représentée comme un bien commun dont l’organisation et la gestionreviennent aux organisations d’employeurs et aux syndicats de salariés alorsqu’ils n’avaient jamais occupé le devant de la scène publique pour faire advenircette nouvelle catégorie de bien. La formation ainsi octroyée aux deux partiesqui s’affrontaient sur la scène du travail, pouvait constituer un terrain où lanégociation allait se substituer à la confrontation sociale pour progressivementétendre le dialogue social à toutes les dimensions des relations de travail. Plusgénéralement, elle devenait ainsi, conformément aux visées politiques de Jac-ques Delors, “la clef de voûte d’une politique contractuelle” parce qu’elle est “undomaine de convergence possible”, tandis qu’aucun accord ne lui paraissait pos-sible, en France, entre le patronat et le syndicat “dans le domaine du pouvoir au

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sein de l’entreprise et de la société” (Delors 1975). Delors, père de la loi de 1971,est aussi un des principaux artisans de la construction de l’Europe, auteur de rap-ports européens sur la formation tout au long de la vie et de discours programma-tiques sur l’avènement d’une société gouvernée par “le dialogue social”.L’instauration d’un droit à la formation permanente est donc, dès ses débuts,conçue comme une pièce d’un programme de société à faire advenir, programmequi se concrétise quatre décennies plus tard dans une loi qui lie le développe-ment de la formation à celui d’un régime de dialogue social.

La création des institutions de formation professionnelle, l’instauration deslois qui encadrent ce domaine d’activités et les politiques publiques qui s’yappliquent constituent autant d’aspects significatifs des pratiques de gouverne-ment privilégiées depuis une vingtaine d’années en France. Plus précisément, onpeut dire que les modes d’intervention de l’État dans ce domaine illustrent d’unemanière particulièrement éloquente ce que Lascoumes (2003) nomme, aprèsFoucault, “l’étatisation de la société” par le développement de dispositifsconcrets, de pratiques qui encadrent les actions et représentations de tous lesacteurs sociaux. Les techniques de cadrage se sont enrichies, au cours de ces der-nières décennies, de nouveaux outils fondés sur la contractualisation et la com-munication. Le changement de modes de gouvernement aujourd’hui observédans différents domaines, celui de la ville comme celui de l’environnement,caractérise bien les différences politiques existant entre un système éducatif, his-toriquement construit par un État qui recourait à la législation et à la réglemen-tation comme instrument de gouvernement légitimant son action parl’imposition d’un intérêt général, et un système de formation professionnelle oùl’État gouverne par contrat. Ce changement s’effectue, selon les analystes despolitiques publiques (Gauvin 1999), dans un contexte de forte critique de labureaucratie, de sa lourdeur, de son caractère déresponsabilisant et d’une nonmoins forte critique de la rigidité des règles législatives et réglementaires. Dansce contexte, l’État aurait renoncé à son pouvoir de contrainte et fait place à unÉtat coordonnateur menant des actions de mobilisation et de mise en cohérence.Le domaine de la formation professionnelle s’avère être un exemple de ce modede gouvernement par contrat où la région –ou plus spécifiquement le conseilrégional auquel la loi du 20 décembre 1993 sur la formation professionnelle desjeunes a transféré cette compétence étendue aux adultes non salariés depuis2002– devient l’acteur central qui tisse des contrats d’objectifs, avec les branchesprofessionnelles et autres groupes d’intérêts organisés sur le territoire, en matièrede formation. Par la mise en place de PRDFPJ (Plans régionaux de développe-ment de la formation professionnelle des jeunes qui inclut l’enseignementprofessionnel, l’apprentissage, les actions de formation destinées aux 16-25 ansdéclarés sans qualification à la sortie de l’appareil scolaire, les contrats d’inser-tion des jeunes), l’État s’est, en effet, attaché à instaurer des procédures de cons-

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titution et de mise en relation des intérêts présents dans l’espace régional. La loine fait que poser le cadre des interactions entre acteurs et institutions concer-nées par la politique de formation des jeunes : instances étatiques régionales,collectivités locales, organisations professionnelles patronales et salariés, entre-prises, etc. Le caractère procédural de la loi laisse possible, en l’occurrence, unegrande variété d’arrangements locaux. Dans le domaine de la formation profes-sionnelle des salariés actifs, la loi est encore moins contraignante puisqu’ellelaisse l’initiative aux “partenaires sociaux” et ne fait que donner des bornes àcelle-ci, et ceci depuis la loi de 1971 qui conférait le pouvoir de gestion des fondsde formation aux organismes paritaires agréés –les OPCA, Organisme paritairecollecteur agréé, dont il resterait à montrer le paritarisme en acte. Selon les pre-mières analyses des juristes, la dernière loi du 4 mai 2004 –faisant suite à l’accordinterprofessionnel du 20 septembre 2003– qui institue un droit individuel à laformation, s’écarte notablement des cadres juridiques ordinaires par les catégo-ries utilisées de longue date par les doctrines pédagogiques de la formationpermanente : celles de parcours et de projets professionnels par exemple, etl’insistance portée sur les dispositifs. Le droit à la formation tout au long de la vieest encore, disent-ils, un droit en formation, en devenir qui reste aujourd’huiincertain et indéterminé (Caillaud, Maggy-Germain & Laborde 2004).

Par ailleurs, l’absence de garantie de transférabilité de ce droit d’une entre-prise à une autre d’une part, la dépendance de l’exercice de ce droit, en termesde durée et d’objet, à l’accord de l’employeur, limitent l’acception d’un droitattaché au salarié et laissent l’idée d’un partenariat supplanter le principe desubordination qui fonde la définition de la relation salariale dans le code du tra-vail. Le titre même de cette loi “Loi relative à la formation professionnelle toutau long de la vie et au dialogue social” contient en lui-même un programmepolitique esquissé dès les années 1970 et progressivement mis en œuvre dans lesdécennies qui suivent.

Pour ouvrir sur des recherches à venir, je dirai que la formation tend àprendre une place centrale dans la société française d’aujourd’hui. À la fois ins-trument de réformes en profondeur dans le monde du travail, inspiratrice destransformations dans l’appareil éducatif et, avec d’autres, lieu de production deschangements en matière de rapports entre gouvernants et gouvernés et plusgénéralement, de mode de gouvernement. Sur toutes ces dimensions, elles’oppose à l’éducation promue par les républicains au XIXe siècle comme pilierde la construction d’un nouvel ordre politique et d’unification nationale. Certes,les homologies ici esquissées sont le résultat de processus et de chaînes de rela-tions très différents qui devraient faire l’objet d’études empiriques afin de faireressortir leurs spécificités respectives. Toutefois, cette exigence de rigueur doits’accommoder d’une autre non moins essentielle : ne pas perdre de vue le “paral-lélisme des transformations sociales” car l’une des tâches des sciences sociales

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consiste à mettre en évidence “l’orientation commune à toutes les transforma-tions des relations humaines, non seulement dans une sphère particulière maisdans toutes les sphères” (Elias 1970, 1986, 73-76) bien que nous ne disposionspas toujours des outils conceptuels nécessaires pour le faire.

L’approche adoptée met en évidence des aspects jusqu’ici restés dansl’ombre : le glissement de la notion d’éducation à celle de formation revêt, eneffet, tout son sens lorsqu’on considère ce glissement en relation avec les autreschangements intervenus dans le même temps dans la sphère politique. Cettepréoccupation de renouer avec une tradition sociologique qui avait pour ambi-tion de rendre intelligible les transformations de la structure sociale rejoint celleénoncée par Claude Trottier dans sa conclusion mais en privilégiant l’analysedes faits et des pratiques sur celle des idées.

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