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1 DE LA NAISSANCE A LA MORT D’UNE USINE EN BEARN ET LA FIN D’UNE MULTINATIONALE FRANCAISE ! Mémoire de militant : Georges Ducasse – Juin Octobre 2013 "Pour nos combats de demain, pour un monde plus libre, plus juste, plus égalitaire, plus fraternel et solidaire, nous devons maintenir vivante la mémoire de nos luttes". __________________________________________ 1959, une usine d’aluminium s’implante en Béarn. Suite à la découverte d’un gisement de Gaz naturel dans le Béarn, la Compagnie Pechiney construisait en fin des années cinquante cette unité de production d’aluminium primaire avec la technologie des cuves d’électrolyse à anodes auto cuisantes dites Soderberg. Elle fut doublée d’une usine pilote construite à l’échelle industrielle, basée sur une autre technologie expérimentée à Grenoble, le projet de construire six autres unités de cette technologie étaient conditionné à la réussite de l’unité pilote. Cet ensemble a été construit sur le territoire de la commune de Noguères, il a nécessité de soustraire une surface de 135 ha de terres à l’agriculture, (activité essentielle de cette petite commune). L’usine pilote ne fit pas long feu ! Après un premier arrêt et un redémarrage suite à quelques modifications dans la méthode de production, elle cessa définitivement son activité en 1966. Des salariés, ouvriers et encadrement, sont venus de cette usine de Grenoble enclavée dans cette ville d’où elle devait disparaitre, ils étaient tous unanimes pour dire que ce projet, financé à hauteur de 80 % par l’état, était voué à l’échec, néanmoins 90 salariés y furent affectés !

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DE LA NAISSANCE A LA MORT D’UNE USINE EN BEARN ET LA FIN D’UNE

MULTINATIONALE FRANCAISE !

Mémoire de militant : Georges Ducasse – Juin Octobre 2013

"Pour nos combats de demain, pour un monde plus libre, plus juste, plus égalitaire, plus fraternel et solidaire, nous devons maintenir vivante la mémoire de nos luttes".

__________________________________________

1959, une usine d’aluminium s’implante en Béarn.

Suite à la découverte d’un gisement de Gaz naturel dans le Béarn, la Compagnie Pechiney construisait en fin des années cinquante cette unité de production d’aluminium primaire avec la technologie des cuves d’électrolyse à anodes auto cuisantes dites Soderberg.

Elle fut doublée d’une usine pilote construite à l’échelle industrielle, basée sur une autre technologie expérimentée à Grenoble, le projet de construire six autres unités de cette technologie étaient conditionné à la réussite de l’unité pilote.

Cet ensemble a été construit sur le territoire de la commune de Noguères, il a nécessité de soustraire une surface de 135 ha de terres à l’agriculture, (activité essentielle de cette petite commune).

L’usine pilote ne fit pas long feu ! Après un premier arrêt et un redémarrage suite à quelques modifications dans la méthode de production, elle cessa définitivement son activité en 1966. Des salariés, ouvriers et encadrement, sont venus de cette usine de Grenoble enclavée dans cette ville d’où elle devait disparaitre, ils étaient tous unanimes pour dire que ce projet, financé à hauteur de 80 % par l’état, était voué à l’échec, néanmoins 90 salariés y furent affectés !

Impossible d’exclure que tout cela était calculé en vue de laisser une ceinture de terres non cultivables entourant l’unité d’électrolyse très polluante !

Cette unité d’électrolyse était la plus importante au monde, de par sa capacité de production, 120 000 t/ans, et sa puissance de 110 000 ampères. La production d’aluminium primaire était transformée sur place en alliages adaptés aux différents marchés dans une fonderie, grosse consommatrice elle aussi de gaz et d’électricité.

L’exploitation de ce gisement de gaz était prévue pour durer 30 à 40 années, y implanter une industrie énergivore comme l’électrolyse d’aluminium apparait aujourd’hui avoir été un véritable gâchis !

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Ce gisement, épuisable, allait donc assurer la fourniture de l’énergie électrique, avec une centrale thermique construite en grande partie par la Compagnie Pechiney. La gestion de cette centrale confiée à EDF, (entreprise d’état), allait permettre à Pechiney (entreprise privée) de bénéficier d’un tarif préférentiel du Kwh !

Faut-il que nous nous posions la question de savoir s’il aurait été plus bénéfique pour cette région de l’aquitaine et pour notre pays, que le gouvernement de cette époque fasse opposition à cette construction grosse consommatrice d’énergie électrique en vue de réserver ce gaz à d’autres activités étant donné les multiples dérivés chimiques du gaz pour préserver ainsi une activité industrielle durable et une activité agricole de qualité et rentable ? En tout cas, préserver cette ressource minière pour l’intérêt et l’indépendance nationale n’a pas résisté à la pression des industriels, à leur avidité et à la course aux profits financiers, si tant-est qu’elle ait pu être seulement envisagée un instant ! Nous laisserons le soin à des personnes plus informées d’y répondre, même si en ce début du nouveau millénaire nous pouvons considérer que ce fut un énorme gâchis.

Un gisement qui allait s’épuiser, un contrat de fourniture en énergie signée pour une trentaine d’années, et une centrale thermique de ce type qui ne dure guère plus de 25 à 30 ans, comment ne pas penser que cette usine disparaitrait au terme de ce contrat ?

Comme nous le savons tous, industriels et politique ont toujours réponses à tout. Ainsi le PDG de la Compagnie Pechiney se voulait rassurant, l’or de l’inauguration de cette usine en déclarant : «  un jour il n’y aura plus de gaz en Béarn mais Pechiney sera la seule industrie qui y restera, car on pourra toujours y amener de l’électricité…. »Etait-ce une belle histoire d’avenir ou un lamentable gâchis économique et humain en prévision, accommodé d’affabulations grossières et irresponsables qui s’engageait, à vous d’en juger ?

Une dure réalité pour les salariés   !

Dans cette usine d’électrolyse les conditions du travail étaient horribles. Une intense chaleur régnait dans des halls de production de plus de 800 mètres de longueur, où des gaz et des fumées, de fluor, de brai, d’alumine fluente, de coke et d’amiante, rendaient l’atmosphère irrespirable et une visibilité très souvent réduite à quelques dizaines de mètres ! Bruyante avec des marteaux piqueurs permanents, des compresseurs et du matériel roulant sur des rails métalliques.Dangereuse ! Les accidents y furent nombreux et fréquents notamment par des projections de métal en fusion et par des explosions ! Etc.

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Le travail en « feu continu » en 3 x 8 sur 365 jours, avaient des conséquences sur la santé et la vie de famille de ceux qui y étaient contraints, c'est-à-dire plus des trois-quarts de l’effectif !

Son démarrage débutât en octobre 1959 et de tout le complexe industriel du bassin de Lacq qui entrait en activité dans cette même période, c’était l’usine qui proposait les salaires les plus élevés. Mais, en quelques années seulement, elle assurait les salaires les plus bas et les conditions de travail les plus horribles de tout ce complexe industriel du bassin de Lacq !Tout cela semblait avoir été soigneusement préparé dans le but d’attirer une main d’œuvre qualifiée, avant de la rétrograder au niveau le plus bas possible en bloquant les évolutions de carrière  sous le prétexte que les fonctions n’évoluaient pas et en doublant les échelons des classements de chacune de ces fonctions !

La crainte (je dirais même, la certitude) de voir surgir un mécontentement du personnel avait conduit la Compagnie Pechiney à favoriser l’implantation des syndicats CFTC et FO, plus prompts à le canaliser qu’à organiser les luttes contre un patronat rétrograde et une direction incompétente du type « meneur d’hommes » qui fut mise en place après son démarrage ! Il faut toutes-fois noter que le premier directeur qui avait eu la charge de la mise en place de cette usine et d’en assurer son démarrage, n’avait pas fait long-feu après avoir donnée la « bonne image » que cette Compagnie Pechiney attendait.

Un nombre important d’agriculteur, ayant du vendre toutes (ou en parties) leurs terres, avaient été embauchés et affectés à la production, avec l’espoir, (du moins le croyait-elle), que cela pouvait favoriser une soumission souhaitable! C’était mal connaitre le monde paysan et les Béarnais, mais vu de Paris on peut se tromper ?

Déjà, dés les premières élections professionnelles, ces deux organisations syndicales étaient loin, très loin d’avoir fait le plein de voix, un signe qui en disait long. Aussi, la compagnie Pechiney tentât de « parachuter » dans cette usine un syndicat maison, la CGSI, de crainte sans doutes que ne vienne s’implanter la CGT !Mais peine perdue, le Syndicat CGT s’implante en 1963 et devient le premier syndicat de cette usine. A noter au passage que les camarades qui ont créé la CGT ont eu le désagrément d’être poursuivis et placés sous le contrôle des RG qui suivaient leurs déplacements et leurs faits et gestes. Isolé dans cette usine pilote ou il était interdit de venir sans habilitation pour des questions de « secrets professionnels » laissez moi en rire encore, je n’ais pas participé à la création de cette CGT, mais je suis allé immédiatement quérir ma carte d’adhérent.

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Venaient s’ajouter à des conditions de travail déjà insupportables, des relations hiérarchiques lamentables, ou l’esprit colonialiste dominait, utilisant des méthodes militaristes, répressives et dépourvues de tout humanisme, le climat devenait insupportable et très vite des conflits éclataient !Tout au long de la première décennie de cette usine, les conflits sociaux furent nombreux, mais aucunes revendications n’aboutissaient, le personnel à du recourir à des arrêts de travail !

Faire grève était considéré au sein de la Compagnie Pechiney comme un acte criminel, les cuves d’électrolyse ne pouvant pas supporter le moindre arrêt de l’alimentation électrique ni du minerai qui les alimentaient, sous peine de les détruire ! Assurer la sécurité de l’outil de travail, sans exclure que tout arrêt de travail doit obligatoirement entrainer des conséquences économiques, était un impératif difficile à résoudre, surtout quand une direction exigeait que tout le personnel affecté à la production demeure en place pour l’assurer !Durant cette même décennie, le syndicat CFTC devenait CFDT, ce qui dans un premier temps avait quelque peu facilité des démarches et des actions communes, qui furent nombreuses. On comprendra rapidement que la CGT servait d’authentifiant à) cette CFDT qui n’avait pas percé en tant que CFTC.

Au niveau des fédérations de la Chimie, le syndicat FO fusionnait avec le syndicat CFDT, la FUC-CFDT apparaissait ainsi dans cette branche industrielle et dans notre usine, sans pour autant en diminuer leur anticégétisme primaire, bien au contraire ! C’est dans cette situation que survenait Mai 1968, ressentit par nos adhérents avec soulagement, et l’espoir d’une ouverture sociale nationale permettant l’aboutissement de nos revendications constamment repoussées !

Mai 68 à Noguères   :

Nous avions donc proposé à cette FUC-CFDT d’occuper notre usine et d’en bloquer toutes les issues, ne laissant entrer que les salariés grévistes. Au bout de plusieurs heures de discussions stériles avec la délégation FUC-CFDT, nous ne parvenions pas à sortir d’un « barrage » incompréhensible, le leadeur de cette organisation nous déclarait au terme de plusieurs heures de débats: « Entendu, nous faisons grève, nous occupons notre usine, le général de Gaulle et Pompidou sont chassés de l’Elysée et de Matignon et après, que faites vous, vous livrez nos usines aux communistes ? »  Nous avons reçu cette phrase comme un coup de poignard ! Je me souviens que notre secrétaire s’est levé stupéfait et en colère en déclarant brutalement : « faites donc ce que vous voulez et croyez ce qui vous plaira, nous nous allons bloquer l’usine. ». Visiblement, cette organisation syndicale qui était consciente du mécontentement du personnel, voulait bien participer à des

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manifestations, sans s’engager dans une action d’occupation, sans doute avait-elle reçut des consignes en ce sens ! Mais face à notre insistance, car nous avons insisté outrageusement, elle n’avait pas trouvé d’autres justificatifs ! Visiblement « cette création de la  FUC-CFDT» n’arrangeait rien , si tant est que la CFDT aurait eu le feu vert pour une action de ce type dans un contexte politique qui les inquiétaient , avec De Gaulle au commande, une FGDS exsangue, un PCF à 25% et une CGT combative et de lutte des classes, bref, comme faire valoir on les intéressait, pas pour des luttes de cette ampleur !

Résultats, nous sommes partis seuls à 2 h 30 du matin bloquer l’usine avec nos adhérents disponibles à cette heure tardive ! Surprise ! Une demi-heure plus tard la FUC- CFDT nous rejoignait. Il est certain que la grande majorité des adhérents FUC-CFDT n’auraient pas approuvé le comportement de leurs délégués cette nuit là.

L’usine fut occupée durant 21 jours   !

Le personnel ouvrier, seul, sans encadrement, dans des conditions particulièrement difficiles et dangereuses, coulait la production d’aluminium dans un format non commercialisable et non titré ! L’outil de travail était maintenu en excellent état et les conséquences économiques étaient considérables !Un grand exemple de responsabilité et de capacité des ouvriers à gérer une situation particulièrement nouvelle et imprévue, ce qui fit dire à cette FUC-CFDT que cette expérience d’autogestion, (leur slogan en cette période) les mettait à l’honneur. Ils utilisairent amplement par la suite cette expérience pour doper leur projet d’autogestion.

En ce qui nous concernait, l’action unitaire est toujours souhaitable, et pour ce type d’actions elle est nécessaire. Mais, il est impératif qu’elle le soit sur des objectifs clairement établis, en l’occurrence c’était nos revendications, sans aucunes ambitions politiques, d’autant plus que l’occupation d’une usine, où il est impossible de mettre les installations à l’arrêt sous peine de les détruire, doit se faire dans le cadre d’une organisation rigoureuse et volontaire   ! La participation du syndicat FUC-CFDT était donc souhaitable et la bien bienvenue malgré tout. La proposition de ne pas laisser entrer les non grévistes dans l’usine, exception faite du directeur, fut approuvée par l’assemblée. Il s’agissait là aussi d’une nécessité. Un « comité de grève » fut mis en place pour diriger cette forme nouvelle d’action.

Je tiens à rendre hommage à tous ces salariés qui ont décidé de s’engager dans une action de cette nature et tout particulièrement aux adhérents CGT qui en avaient fait la proposition On y reconnait l’esprit de la lutte des classes. Ils ont fait preuve de courage et d’un esprit de responsabilité hors du commun. Ce que nous avions subit durant prés d’une dizaine d’années, rendait notre lutte légitime. Le personnel voulait

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en finir avec cette situation, et seule l’action pouvait nous permettre d’y parvenir.

Alors, je dirais aux médias, aux arrivistes de tous poils, aux « soumis » du patronat qui ne pensent qu’à leur « bien-être », qui attendent sans se mouiller de pouvoir profiter des avantages acquis par la lutte des autres, à tous ces « carriéristes » qui voient dans les grévistes des gens irresponsables, des « gréviculteurs » comme ils le clament, des « preneurs d’otages » même, dont le but est de favoriser la répression, de porter atteinte au droit de grève, je leur dirais donc, que l'on ne rentre pas de gaieté de cœur dans une action de ce type. La seule chose dont est sûr, c’est qu’un salarié qui décide de participer à une grève, sait qu’il perdra son salaire ! Il sait fort bien que la paye ne tombera pas au terme de cette grève et pire, s’agissant d’une occupation, il sait qu’il lui faudra travailler deux fois plus et plus dangereusement ! Pour exemple, sur 21 jours j’ai passé 3 nuits dans mon lit et je n’étais pas le seul bien entendu.Il faut noter que couler de l’aluminium en fusion dans des « Bloums » (moules en fonte) à l’extérieur d’une fonderie, il y à un impératif, ces Bloums doivent être rigoureusement secs, la moindre humidité, c’est l’explosion !

Les dirigeants de Pechiney se sont trompés sur la capacité que nous avions à surmonter les problèmes et à les résoudre. Peut-être avaient-ils pensé que du fait qu’aucun cadre et agent de maîtrise ne participeraient à cette occupation de l’usine, la direction les en ayant détournés sous des menaces de mutations sanctions, nous serions vite dans l’embarras… Mais, au bout de quelques jours ils ont vite compris que nous maîtrisions une situation difficile et ils décidèrent de nous mettre quelques "bâtons dans les roues" !

Comme les cuves d’électrolyse avaient près de 3 tonnes de métal en plus dans le ventre par le fait que nous ne les avions pas coulées pendant plusieurs jours, cela avait pour conséquences une consommation énergétique supérieure à la normale ce qui pouvait être aisément constaté sur les compteurs d’EDF !Nos camarades d'EDF (Eux aussi établis en occupation avec « Comité de grèves) reçurent un  appel téléphonique anonyme   leur signalant que nous n’étions pas en grève et que pour en avoir la confirmation il leur suffisait de surveiller notre consommation électrique ! Nous eûmes la surprise de voir débarquer sur notre usine des camarades d’EDF assez remontés suite à cette information. Heureusement, nous avons pu leur donner l’explication technique, totalement crédible et responsable de ce phénomène inhabituel. Notre intérêt d’ouvriers est bien de conserver notre outil de travail en bon état de marche et qu’il est compréhensible que des cuves d’électrolyse ayant 30 à 40 % de métal en plus, consomment obligatoirement plus d’énergie.

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Nous n’étions pas au bout de nos peines, les stocks d’alumine baissaient rapidement, nous devions absolument faire arriver des trains depuis l’usine de Gardanne, dans les Bouches du Rhône qui nous approvisionnait. Deux trains d’alumine nous furent envoyés mais n'arrivèrent jamais à Noguères ! Retrouver ces trains n’était pas une mince affaire. Ils étaient bien partis de Gardanne mais demeuraient introuvables ! Ma formation de radiotélégraphiste et télétypiste durant le régiment m’a servi à faire les recherches nécessaires auprès des comités de grèves de la SNCF, j’ai donc passé des nuits entières au télétype de l’usine à rechercher nos trains qui avaient sans aucun doute été détournés !Ainsi j’ai pu localiser un de ces deux trains détournés sur une voie de garage de la gare de Lyon Perrache et le second dans la gare de Port-Bou, tout à coté de la frontière Espagnole. Pour ce dernier il fallut envoyer une délégation à la gare SNCF de Carcassonne pour identifier un train suspect pour le  comité de grève SNCF ! Nous avons suspecté, à juste raison sans doute, des manœuvres patronales, en vue de mettre en échec notre lutte afin de nous obliger à recourir à eux pour sauver l’outil de travail.

Cette occupation dura 21 jours, sans le moindre accident du personnel et sans le moindre incident technique. Rendons hommage à tous ces camarades qui restaient 15 à 18 heures sur le site et qui assuraient des postes de travail de 10 à 12 heures. Rendons hommage aussi aux épouses des grévistes, elles méritent également un grand coup de chapeau pour avoir supporté de telles situations… Elles étaient en droit d’être fières, et dignes face à la cruauté patronale et gouvernementale et de crier leur colère à la face de l’exploiteur.Une anecdote qui demande réflexion. Un ouvrier, que je ne citerais pas, mais qui a tenu des rôles « très particuliers » tout au long de sa carrière dans notre usine, se rendit à Paris pendant ce conflit. Sa voiture était chargée de "volontaires", la CGT n’y participait pas, elle n'avait même pas été consultée pour cette expédition très particulière ! J’ignore par qui fut missionné ce curieux déplacement, qu’allait-il faire à Paris ? Nous ne le savions pas, en tout cas à leur retour, ce personnage est venu nous interpeller pour nous reprocher en ces termes : "qu’ils étaient, cité Malesherbes au siège de la FGDS (socialiste) et qu’ils avaient attendu avec des armes les communistes et la CGT, pour aller s’emparer de l’Elysée et de Matignon, nous reprochant que ni les communistes ni la CGT n’étaient venus ce soir là." !!!

Cette même soirée, il y avait un meeting au stade Charlety où Cohn-Bendit et Geismard, leaders gauchistes du mouvement étudiants, ainsi que des responsables politiques de la FGDS s’étaient lancés dans un anticommunisme lamentable ! Sans doute pensaient-ils que la CGT et le PCF se c’etaient engagés dans un coup d’état, profitant de l’exode du Général De Gaulle en Allemagne pour se placer sous la protection du Général Massu et de Georges Pompidou en Roumanie !!Ce soir là, parlons-en, lui avons-nous répondu : « Vous espériez sans doute que les communistes et la CGT feraient un coup d’état….Ce soir là,

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ils auraient été du coté des crosses et le lendemain vous les auriez mis face aux canons " !  Il n’a pas insisté !!!Que la CGT et le PCF fassent un « coup d’état » … Qu’elle aubaine. !!! Ne disait-on pas que les chars de l’Union Soviétique étaient en route pour la France  et seraient déjà rendus à la frontière Franco-allemande !!! Comment ne pas faire un rapprochement entre cela et la réunion que nous avions eu avec la FUC-CFDT pour envisager l’occupation de l’usine et le fait qu’ils voulaient savoir si nous allions chasser De Gaulle et Pompidou et remettre en suite nos usines aux communistes ?Curieux aussi d’apprendre aussi que ce triste personnage, ouvrier dans notre usine, ait pu être muni d’une carte barrée de tricolore ? Une carte qu’il présentait dans les restaurants et dans les salles de spectacles (le Lido et le Moulin Rouge), pour y passer « sans bourse déliée » durant leur petit séjour dans la capitale, c’est ce que l’un deux nous a confié à son retour !En tout cas, je suis convaincu que tout cela a été organisé en hauts lieux ?

Les objectifs de la FGDS et du PSU étaient uniquement "politique" ! Cet aspect prenait le dessus sur le social qui lui était notre seul souci, l'unique motivation des salariés et le but de nos actions. La "solution Mitterrand" était à l’ordre du jour de ce meeting, ce qui suffit à démontrer que le politique était prioritaire sur le social ! Que la CFDT s'y soit associée ne me surprends pas. C’était ma conviction et j’en suis toujours convaincu. Il y eut par la suite d’autres exemples, avec une CFDT qui optait pour le gauchisme, mais qui se montrait de plus en plus clairement anti-cégétiste !

Pour continuer dans les rumeurs, il se disait aussi que des cars de CRS étaient à proximité des usines occupées, prêts à intervenir ! Nous n’en avons pas vu un seul, ce qui n’exclu pas qu’ils aient été prévus, mais nos occupations dans l’usine étaient telles que nous n’avions guère le loisir de suivre toutes ces informations et faire la part entre l’intox et la réalité.

Les négociations qui conduisirent aux accords de Grenelle s’engagèrent. Pour nous c’était l’essentiel. Georges Séguy représentait le syndicat CGT. Au terme de ces négociations un accord était signé après consultation des salariés dans les usines.

Les acquis de MAI 68

- SMIG   : (salaire minimum interprofessionnel garanti) porté à 3 francs au 1er juin. Il était précédemment de 2,22 francs, soit une augmentation de 35,6%.

- Salaires   : augmentés de 7% immédiatement et de 3% supplémentaires au 1er octobre 1968. Soit plus 10% au total.

- Durée de travail  : le texte proposé est accepté. Il prévoit la réduction du temps de travail par des aménagements progressifs pour un retour aux 40 heures sans perte de salaires.

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- Allocations familiales   et de salaire unique   : revalorisées.- Allocations vieillesse   ; revalorisées au 1er octobre 1968.- Droit Syndical   : un document important est établi prévoyant une

véritable évolution, pour ne pas dire révolution dans les rapports entre employeurs et salariés. Les conversations devant se poursuivre avec les organisations syndicales pour aboutir à un projet de loi, sous la responsabilité du gouvernement, sa position étant favorable à l’exercice des droits syndicaux dans les entreprises. L’exercice de ce droit était interdit auparavant dans l’entreprise   : réunions, collectage des cotisations, distribution des tracs et affichage sur panneaux syndicaux… Interdits avant   !

- Fiscalité   ; une réforme de l’impôt sur le revenu sera déposée à l’automne par le gouvernement tendant à alléger les conditions d’impositions des revenus salariaux.

- Emploi   : engagement du CNPF de réunir avant le 1er octobre les organisations syndicales pour un vaste examen de tous les problèmes liés à l’emploi et à la formation.

- Pouvoir d’achat   : en mars 1969 une réunion se tiendra à l’initiative du gouvernement pour examiner l’évolution du pouvoir d’achat au cours de l’année 1968.

- Sécurité sociale   : le ticket modérateur est ramené de 30% à 25%.

- Journées de grèves   : elles seront récupérées, une avance de 50% des pertes subies sera versé fin du mois et si la récupération des heures de grève n’est pas matériellement possible avant le 31 décembre de l’année 1968, son solde sera définitivement acquis aux salariés.

- Fonction publique   : les dispositions concernant le SMIG et les salaires, le droit syndical, la durée du travail et l’indemnisation de jours de grèves seront répercutés dans le secteur public.

Nous faisions le constat qu’il n'y avait pas de mesures concernant les évolutions des carrières. Néanmoins, ces accords furent considérés comme acceptables et nous formulions l’espoir que la direction de Pechiney saurait tirer les enseignements de notre action très largement suivie.Le courage, la détermination, la compétence mais aussi la volonté, le sens des responsabilités et de la solidarité avaient fait leur preuve. Chez les 420 salariés ouvriers grévistes de l’usine de Noguères naissait enfin l’espoir que, dorénavant, les relations seraient moins conflictuelles et plus respectueuses. A la décharge des AM, il faut savoir que, si leur comportement ne correspondait pas aux souhaits de la direction, la menace de « mutations sanctions » pesait comme l’épée de Damoclès sur leurs têtes ! De nombreux témoignages nous confirmaient que la direction leur avait dit qu’ils n’étaient pas leur place au coté des ouvriers en grève ! Leurs craintes étaient entièrement justifiées par la peur d’être mutés avec leurs familles en zone de montagne, dans des vallées encaissées ou se trouvaient certaines usines !

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Les agents de maîtrise auraient bien voulu pouvoir construire leur maison dans la région et demeurer à Noguères. Certains ont osé le faire, bien que cela leur soit déconseillé et la crainte des mutations devenait encore plus pesante ! La direction n’appréciait que des AM soient candidats sur des listes CGT, ce qui les exposait aux mêmes risques !A la fin du conflit après 21 jours d’occupation, les ouvriers sont rentrés la tête haute, plein d’espoir, unis par le partage d’une lutte exemplaire, ayant fait aussi la démonstration de leurs aptitudes techniques, d’un sens des responsabilités remarquable et d’un grand sérieux durant un tel conflit.

Nous ouvriers, sommes finalement bien naïfs de croire que les patrons allaient reconnaître le mérite que nous avions d’avoir conduit une usine durant trois semaines dans de telles conditions et qu’ils pouvaient traduire cette reconnaissance par des actes. Au contraire, ils avaient souhaité notre échec, ils ont même tenté de le provoquer. Ils ont échoué  et décidé de nous le faire payer !!!

Le syndicat CFDT en profita pour « doper » son projet autogestionnaire.Mais, ce projet d’autogestion n’a finalement pas fait long feu dans cette organisation syndicale !J’en retiens donc que ce projet d’autogestion avait pour objectif de détourner l’attention des travailleurs des nationalisations qui figuraient aux programmes de certains partis politiques et qui furent par la suite incluses dans le programme commun de la gauche en 1972.

L’après mai 68…Une période encore plus difficile à supporter   ! Des actes de représailles se produisaient et nous faisions très vite l'amer constat que rester hors des grilles de l’usine pendant 21 jours devait se payer cash et cher !Le PDG du groupe Pechiney, Monsieur Jouven avait déclaré qu’à Noguères nous faisions des grèves "pour des poignées de carottes"  !!! Visiblement il ne tirait pas la leçon du conflit de 1968 et encore moins des raisons qui avaient conduit le personnel ouvrier à entrer en action !La décision de changer la direction de notre usine fut décidée sans tarder en haut lieux. Cela nous est apparu pouvant-être une bonne chose du fait que le précédent directeur brillait d’incompétence, laissant à certains cadres le pouvoir de faire « la pluie » sans jamais faire « le beau temps » !

Le choix d’un jeune directeur, qui avait laissé un très bon souvenir à l’usine pilote de Noguères où il était ingénieur avant d’être promu directeur de l’usine de Rioupéroux, nous rassurait quelque peu.Plus inquiétante était la nomination du DRH, surtout en apprenant qu’il s’agissait d’un ancien capitaine de l’armée ! Nous avons vite compris que

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leur mission était de nous « mettre au pas », en s’attaquant d’entrée aux militants CGT ! Cela sentait la reprise en mains, on est patron ou on ne l’est pas ! Pour qui se prennent-ils ces "paysans de Noguères", devait se dire le P D G Jouven le soir en s’endormant  ou le matin en se rasant!

Sans jamais avoir rencontré M. Jouven, nous pouvions le situer au travers de ses écrits. Mr Jouven parlant des syndicats écrivait : "Ce sont nos partenaires, nous sommes bien obligés de traiter avec eux. Il est de la plus grande importance pour nous de savoir que ce que nous construisons avec eux est un édifice de bois vermoulu qui risque de s’effondrer à la première occasion. Au moins il est indispensable de travailler avec eux, nous y sommes obligés, car nous ne pouvons rester dans le vide total pour construire quelque chose de solide pour l’avenir " !!!

Pour bien comprendre cette phrase il faut bien sur intégrer, que le « Droit syndical   » venait de d’apparaitre en 1968 , d’où le « nous sommes bien obligés de traiter avec eux… » !En poussant plus loin notre analyse on voit que cette « obligation » pouvait les conduire à « construire un édifice en bois vermoulu qui risque de s’effondrer à la première occasion »….. Mais : « Y étant obligés et pour ne pas rester dans le vide total pour construire quelque chose de solide pour l’avenir….il est indispensable de travailler avec eux !!! Il est aisé de comprendre ce qui n’est pas dit dans cette phrase : Il faut donc s’associer les syndicats ou, au moins certains syndicats et museler ceux qui s’y opposeraient…. la CGT bien entendu ! Dur, dur de digérer que la CGT avait obtenu un droit syndical dans l’entreprise

Cela a le mérite d’être suffisamment clair pour permettre de mieux comprendre les blocages qui étaient imposés aux directions d’usine et à celles des sociétés, par des grands pontes. Cette conception réactionnaire et colonialiste du dialogue, jointe à des actes irresponsables, intérieurs et extérieurs à l’usine, explique les difficultés que nous avons rencontrées dans cette usine, dans le conflit de 1968 comme dans celui qui suivra en 1973.

Cela démontre également qu’ils sont venus en Béarn uniquement pour y faire des profits financiers avec l’intention de ne pas se laisser emm…. par une horde de ploucs de cette région de France ! En Mai 68 ils étaient prêts à sacrifier les installations plutôt que nous voir réussir dans ce type de conflit ! Si ce n’est pas de la lutte de classes cela, je mange mon chapeau.

Nous entrions encore plus dans la répression ! S’agissait-il de représailles locales ou de l’application des consignes du PDG Jouven ? Les deux bien sur car il y à des cadres qui en profitent pour se faire remarquer, mais surtout parce que les directives venaient du sommet !

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En tout cas, cette persistance et cet acharnement à vouloir nous imposer un pouvoir féodalisé, digne du moyen âge et la prédominance d’une classe par des liens de soumission, l’erreur était de taille.L’occupation d’une usine comme la notre, dans un contexte comme celui de 1968, avaient marqué les esprits de tous ceux qui en furent les acteurs. Ils en retiraient une certaine fierté qui, en toute logique, leur ouvrait l’espoir, celui d’être dorénavant respecté. Mais, les relations restaient toujours aussi tendues, le manque de respect envers les ouvriers était toujours aussi fréquent, parfois même odieux ! Certaines personnes de l’encadrement sont même allées jusqu'à uriner sur un muret où les ouvriers cuvistes qui travaillaient dans une chaleur torride (entre 50° et 60°) venaient y respirer un peu ! Fallait-il recommencer à se battre pour tout. Les mêmes problèmes justifiaient les mêmes revendications, elles refirent rapidement surface. Des aménagements pouvant améliorer les conditions du travail étaient régulièrement refusés, durant des années nous avons du recourir à des grèves pour qu’elles soient enfin acceptées !!!!

Mai 68 n’a pas ruiné la Compagnie Pechiney   !

La « Compagnie Pechiney » devenait le groupe PUK en 1971, après avoir fusionné avec Ugine Kuhlmann. Elle devenait une importante multinationale, 3eme producteur mondial d’aluminium et 1er mondial en technologie d’électrolyse, Mai 1968 ne les avait pas mis sur la paille.Dans le cadre de la prévoyance avait été mis en place des « Retraies Complémentaire Maison », d’abord pour l’encadrement, puis, petit à petit pour tout l’éventail hiérarchique. Au lendemain de mai 68 les plafonds d’attribution de ces compléments n’ont pas été actualisés. Ce droit devenait donc caduc pour les ouvriers retraités, il fut même supprimé pour tous les nouveaux embauchés à compter du 1er

Janvier 1973. Cependant, il restait maintenu pour ceux inscrits à l’effectif avant cette date, car il devait permettre aux conjoints survivants de bénéficier, selon un calcul adapté d’une réversion de cette retraite maison que leurs conjoints ne percevraient plus. En général il s’agissait de conjointes qui dans cette période étaient « Femmes aux foyers » ! Vous noterez que le prélèvement des cotisations sociales sont demeurées identiques pour tous les salariés ouvriers, ayants droits ou pas et que de faits les conjointes de ces nouveaux embauchés en seraient exclues, « femmes aux foyers » ou pas ! On verra par la suite qu’ils ont mis en place une méthode leur permettant de récupérer cet acquis social et de n’en conserver qu’une faible partie pour gratifier quelques ayants droit !

Revenons aux problèmes de Noguères.Un exemple des « pressions » qui pouvaient s’exercer, c’est celui auquel je fus confronté !Un jour le nouveau DRH, me convoqua dans son bureau "nous avons des choses à voir ensemble" me dit-il. Avec un air qui cachait mal une mise en scène, il ouvrit un registre, en murmurant sur certains passages de sa lecture avec des "oui OK ", puis il m’interrogea subitement : « tel jour de

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X heure à Y heure vous avez fait un bon de délégation syndicale, que faisiez-vous, où étiez-vous ? ". Je ne m’attendais pas à cela, à cette inquisition, mais je lui répondais le plus calmement du monde que : "je ne lui demanderais jamais ce qu’il faisait lui tel ou tel jour, qu’il n’avait pas à m’en rendre compte pas plus que moi je n’avais à lui rendre compte de mes activités syndicales, ni des mandats qui m’étaient confiés par le personnel… etc." Il manqua de s’étouffer, me disant que  "c’était lui qui me payait et que j’avais des compte à lui rendre.". Je lui conseillais donc de ne pas me payer, que je le mettrais en justice dans quel cas il serait tenu d’apporter la preuve que ses accusations étaient fondées et moi je fournirais les justificatifs et témoignages de l’exercice de mes mandats. L’affaire en resta là, j’avais la conscience tranquille et la certitude de n’avoir jamais fauté, il aurait été bien imprudent de le faire.Le climat était devenu plus insupportable qu’avant mai 68 ! En effet, le patronat et le gouvernement voulaient délibérément enterrer l’aspect social de mai 68. Vouloir orienter en "révolution des mœurs " cette révolte sociale, de classe et de masse, issue de tous les secteurs du monde du travail et de toutes les classes d’âges, ne pouvait conduire qu'à de nouvelles explosions sociales.

Juillet 1972 : le Président Pompidou met en place un gouvernement de choc, un des plus réactionnaires, ce qui a eu pour conséquence de verrouiller tous les rouages des négociations. Les déclarations du CNPF, de dirigeants d’entreprise et de certains syndicats, encourageaient les plus vindicatifs des personnels d'encadrement.

Il y avait encore beaucoup de choses à changer dans notre usine, tout le personnel en avait conscience et la colère montait lentement mais sûrement. Certains signes ne trompent pas comme un taux de syndicalisation très élevé. Plus de 90% des salariés qui votaient pour la CGT aux élections professionnelles avaient pris leurs cartes d’adhérents. La Formation Continue, un des acquis des luttes de Mai 68 se mis en place en 1971. Cette Formation Continue avait pour but de permettre aux salariés de suivre l'évolution des techniques dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leurs fonctions. Les services de maintenance électrique et mécanique étaient confrontés à des évolutions techniques, l’hydraulique, les machines outils, l’électronique et les nouveaux modes d’automatisation pour les électriciens, la régulation des cuves électrolyse, les coulées en fonderie, les sciages des plaques et de billettes etc. Tout le personnel salarié était concerné y compris dans les services administratifs.Au lieu d’assurer cette formation technique devenue nécessaire, qui  par ailleurs pouvait permettre de favoriser les évolutions de carrières, la direction poursuivait d’autres objectifs !Elle cherchait à en tirer un autre profit : analyser le comportement des ouvriers sur le plan individuel et sur le plan collectif. L’objectif « répressif » prenait le pas sur ce que devait apporter cette formation continue y compris en matière de sécurité !

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D’autres stages sont apparus en vue d’améliorer la productivité  ce qui passait généralement par la réorganisation du travail et des effectifs en réduction. Hormis quelques stages techniques pour des agents de maintenance et principalement pour des AM, tous les autres stages étaient orientés sur cette "étude du comportement" du personnel ouvrier. Sorte de réunions de défoulement, les sujets y étaient parfois libres avec des questions du type : "que pensez-vous de votre usine, de la hiérarchie et des services (sécurité, administratifs, médical) ? Notre médecin du travail y trouva son surnom, « Daktary » ! D’autres thèmes étaient abordés : "que faut-il pour faire une entreprise ?" Ce sujet qui fut proposé n’avait rien d’innocent. Car, que faut-il pour faire une entreprise ? On nous répondait : "il faut un capital ! Donc un capitaliste ! Pas forcément un marché, pas forcément un savoir faire!" Par conséquent on ne parlait jamais de la main-d’œuvre avant la dernière ligne ! Avoir un terrain pour s’installer et des bâtiments pour y produire, tout cela venait dans un ordre bien établi avant qu’il ne soit fait référence aux ouvriers. Je pense que, par naïveté, beaucoup se sont laissé prendre au piège, ce qui permit aux patrons de bien étudier notre comportement en individuel et en groupe. Ce genre de stages poussait le personnel peu à peu à se la jouer "chacun pour soi" avec moins d'esprit de classe et moins de solidarité entre salariés, entre les équipes, entre les différents services, entre les « cols bleus et les cols blancs » dans un but qui n’est jamais avoué : celui dû « Diviser pour mieux régner », y compris syndicalement ! Si des choses vont mal, il faut trouver le responsable, le « maillon faible » bien sûr, il est à chercher dans l’équipe, l’immigré, l’assisté et dans le syndicalisme contestataire ! En plus de cela, favoriser les esprits religieux, le racisme et la xénophobie, axer les besoins de se défouler sur certains sports, non pas pour ce qu’ils ont de passionnant mais pour les rivalités qui peuvent en découler, plutôt que de lutter contre le patronat et surtout faire grèves ! Tout cela est à inclure dans les "contre-attaques" patronales et gouvernementales de l’après mai 68, nous l’avons ressentit et vécu dans notre usine du Béarn !En attendaient-ils à ce qu’il y ait de moins en moins de syndiqués, moins de solidarité, moins de fraternité et moins d’unité également, en vue de favoriser l’extinction de la lutte des classes et surtout conduire à la « soumission » ? Moi je réponds OUI à ces questions, non seulement, ils l’attendaient ce résultat, c’était leurs objectifs et ils l’organisaient en utilisant la formation continue.

Si tu voulais donner un bon conseil à un candidat à l’embauche, il fallait lui dire de se faire recommander par le curé de son village, gage de soumission ! Invoquer des crises, comme celle du pétrole en 1973, puis les crises financières, toutes ces « fatalités » qui n’ont rien de fatal, mais qui font toujours de nous salariés les victimes et qui nous conduisent à dire que : « ça toujours été comme ça », « qu’on n’y peut rien », « des riches il

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y en a toujours et des pauvres aussi ». Bref, le résultat est, qu’il y a de moins en moins de syndiqués, de moins en moins de solidarité, que la lutte des classes s’est s’affaiblie, pas dans le camp du patronat mais dans le notre ! Le malheur est que des syndicalistes militants CGT ont eux aussi abandonné la lutte de classes pour se calquer sur le syndicalisme réformiste ! Insensiblement certes, mais il en est ainsi ! Ces mesures se mettaient-elles en place au tout début des années 70 sur l’ensemble du pays ? A cette question je réponds OUI également et tout cela se faisait à la faveur de la formation continue depuis Mai 68 avec des plans de formation adaptés aux objectifs du patronat et conçus par eux. Ainsi le 1 % consacré à cette formation n’était pas de l’argent jeté par les fenêtres ! Malgré tout à Noguères le mécontentement refaisait surface et prenait de la vigueur, nous entrions dans l’année 1973 au moment où la tension était à son comble et de la vigueur à la violence le pas est vite franchi ! En haut lieu on devait nous suivre à la loupe et constater que la direction locale échouait dans sa mission. L’annonce de la venue d’une nouvelle direction nous a surpris. Serait-elle chargée de nous mettre au pas elle aussi ? Ou serait-elle mandatée pour négocier ? Dans la mesure où cette direction pouvait arriver « les mains vides », je lui rends hommage car elle allait se trouver face à une situation particulièrement tendue et difficile, sans qu’elle en soit la responsable, c’était l’envoyer en enfer ! Ou ils sont très bêtes là haut ou trop imbus de leurs pouvoirs ?

On ne dira jamais assez ce qu’étaient les relations hiérarchiques, les conditions de travail et ce que nous avions subit au niveau des rémunérations dans notre usine. Ce ne fut pas facile d’en convaincre cette nouvelle direction qui semblait même avoir été convaincue du contraire, y compris même que nous allions l’accueillir par une grève !

Souvenez-vous, le personnel embauché par Pechiney dans cette usine toute neuve, rutilante, ou il fut attiré par une rémunération qui était la plus élevée de tous le complexe industriel de Lacq qui au bout de trois années seulement vivait un enfer avec en plus la rémunération la plus basse   ! Notez que la grande majorité des ouvriers étaient logés dans la ville nouvelle de Mourenx et qu’ils côtoyaient les salariés des autres usines du complexe ! Croyez vous qu’ils allaient abandonner parce qu’une nouvelle direction apparaissait ?

J’ai déjà évoqué cet esprit colonialiste et militaire qui régnait à Noguères, cela peut paraitre exagéré, mais, en Béarn comme en Guinée et au Cameroun ou d’autre usines avaient été implantées par la Compagnie Pechiney, elle y avait construit séparément des citées pour les agents de maitrise et des citées pour les ingénieurs et les directions. Ils ont reproduit ce schéma pour l’usine de Noguères, tandis que les autres catégories du personnel étaient logées dans des barres de cette ville de

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Mourenx construites pour elles. On ne mélange pas les torchons avec les serviettes !

Le fait qu’au lendemain de mai 68 une nouvelle direction, militarisée, nous ait été envoyée avec mission de nous mettre au pas, ce qui avait eu pour effets d’aggraver la situation, nous avions de plus en plus la certitude que tout finirait par exploser d’un jour à l’autre et ce n’est pas la venue d’une nouvelle direction qui pouvait y changer quelque chose si elle s’obstinait dans le blocage .Je me souviens que mes camarades et moi-même avons tout tenté pour que cette nouvelle direction en soit convaincue, afin qu’elle obtienne les moyens de négocier.

Ce qui devait arriver, arriva ! L’année 1973… Une année qui est entrée dans l’histoire du groupe

PUK !

En début d’année notre cahier des revendications était de nouveau bien garni. Celui de la FUC-CFDT également. Les revendications étaient toujours présentées aux négociations mensuelles des délégués du personnel. Les résultats, comme toujours étaient négatifs, cela ne faisait que soulever l’indignation et la colère du personnel à un degré supérieur.

Au mois d’avril, une lettre signée par des travailleurs que nous avions consultés en assemblée générale, fut adressée aux directions, usine et société. Oui, oui les salariés avaient tenu à signer eux aussi cette lettre pour attester que nous étions bien mandatés… le résultat fut identique aux précédents   ! Nous convenions donc de réduire nos revendications pour en dégager celles qui étaient absolument prioritaires. Elles furent réduites au nombre de quatre, approuvées unanimement par les salariés et portées unitairement par la CGT et la FUC-CFDT à la direction. Il ne pouvait échapper à personne, ni à l’encadrement, ni à la direction, que la corde s’était tendue au "point de rupture " L’ignorer serait suicidaire ! Excellente preuve que le rassemblement se fait à la base sur des objectifs clairement définis et justifiés ! Nous étions donc mandatés pour tout mettre en œuvre afin que ces quatre revendications aboutissent.

Je les détaille :- 24 jours ouvrés de congés payés ;- + 35 points, en matière de classification, sur les grilles du personnel des services de maintenance et + 10, + 15 et + 20 points sur les coefficients des ouvriers des services de productions ou rattachés.- 13ème mois garanti pour tout le personnel.- maintien des rémunérations pour les agents reclassés pour handicaps physiques liés aux maladies, accidents du travail ou pour causes de suppression de poste.

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Concernant les classifications, en 1973 les ouvriers de fabrications étaient toujours bloqués sur le même coefficient depuis leur embauche, malgré les 13 à 15 années d’ancienneté. Le déroulement de leur carrière étant nul et allait le rester malgré des évolutions techniques et des charges de travail accrues.Dans ce même temps, les AM et les ingénieurs évoluaient régulièrement tout en bénéficiant en plus de mutations promotionnelles, certains même ayant eu le toupet de déclarer : « Pour moi Noguères, est un tremplin pour ma carrière » !!Les employés "cols blancs" évoluaient régulièrement, d’ailleurs la Compagnie Pechiney les appelait « Collaborateurs», sans que cela soit péjoratif, mais ça dit bien ce que nos directions attendaient d’eux en matière de soumissions tout en favorisant les divisions avec les ouvriers « cols bleue ».Le personnel ouvrier des services de maintenance, électriciens et mécaniciens subissaient les conséquences de la modification des grilles des classifications depuis une dizaine d’années. Soit pour avoir été bloqués dans des échelons inférieurs à leur niveau d’embauche, ou ils ont dû patienter 8 à 10 années ou pour des questions de « cote d’amour ». Le mécontentement était donc à son comble  dans ces services aussi ! Pourtant durant cette même période les évolutions des techniques étaient considérables, électriciens, hydrauliciens et autre mécaniciens, devaient si adapter sans pour autant avoir pu bénéficier d’une formation, ni d’une évolution dans l’éventail hiérarchique.

Le 25 avril 1973, nous déposions ces quatre revendications prioritaires. Bien que très septiques nous devions espérer que ce nouveau et brutal changement de direction pouvait nous ouvrir une perspective nouvelle et que de véritables négociations s’engageraient. Nous sommes des gens simples, optimistes, honnêtes et raisonnables et nous espérions toujours pouvoir parvenir à un accord. Certains diront que nous étions bien naïfs, soit. En tout cas dans notre usine aucun militant n’avait fait l’expérience d’un patronat qui ne cherchait qu’à soumettre le personnel ouvrier avec les méthodes du colonialisme.D’emblée, bien que cette nouvelle équipe de direction nous soit apparue différente des précédentes, paraissant disposée à trouver des solutions aux problèmes qui persistaient à Noguères, sans les nier systématiquement, nous avons du nous rendre à cette évidence, elle n’avait aucun moyens, «   pas de billes   » selon son expression,   pour satisfaire les revendications ! Elle n’avait pas été chargée de les négocier, si modestes soient-elles. Elle n’avait même pas été informée de la réalité dans notre usine et de l’esprit de révolte qui animait le personnel ouvrier et comment nous en étions arrivés à ce stade.

Ces deux dirigeants avaient, semble-t-il, des origines modestes, donc en total décalage avec le Président Jouven, qui considérait Noguères, je le cite : "comme une exception régionale " ! Qu’est ce que cela pouvait bien vouloir dire dans sa culture ? Etions-nous des arriérés ? Des

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abrutis ? Des sauvages ? Des malades mentaux ? En tout cas il s’enfonçait dans une profonde erreur, espérant sans doute qu’un nouveau style de direction résoudrait « son »  problème… pour ne pas avoir à résoudre le notre ! Il semblait même que cette nouvelle direction avait été préparée à trouver face à elle des individus relevant de cette « exception régionale », sans doute des « Paysans » au point de penser que nous allions les accueillir par des grèves dirigées contre eux ! En tout cas nous étions à nouveau dans l'impasse.

Devant ces blocages persistants, le 24 mai 1973, une grève tournante était décidée en assemblée générale. Le premier jour, grève des services de production puis le lendemain, grève au service fonderie. Les services de maintenance se répartissaient sur cette organisation, un jour les électriciens, le suivant les mécaniciens ...etc. Ce type de mouvement tournant permettait d’assurer la sécurité des cuves sur une période plus longue avec une efficacité supplémentaire due à cette alternance.Le 1er juin nous suspendions cette grève tournante après avoir obtenu une réunion au siège de la société Aluminium Péchiney à Paris avec la direction générale. En fait de réunion pour négocier les problèmes qui concernait Noguères, elle s’est transformée une fois la grève suspendue en une réunion paritaire qui concernait les 16 établissements de la société qui était convoquée.

Ce type de réunion se tenait régulièrement en fin d’année pour la révision de l’accord d’entreprise. La fixer au 21 juin, à la veille des congés d’été, paraissait aberrant et cela n’avait rien d’innocent !!!

Nous étions inquiets à la CGT, nous avons fait preuve d’un manque de fermeté, sinon de naïveté, nous aurions dû nous douter qu’il s’agissait encore d’une  manœuvre ! Nous aurions du exiger que la direction générale descende à Noguères, le personnel ne l’aurait peut-être pas compris tellement il avait apprécie l’obtention de cette réunion ! La FUC-CFDT s’empressait d’accepter cette solution, nous l’avons accepté également, mais, déterminés à bien la préparer avec les autres syndicats des autres établissements !

Le syndicat CGT de Noguères me désignait pour participer à cette paritaire, surtout pour bien la préparer et faire comprendre à notre fédération syndicale et aux délégués des autres établissements, (avec qui à cette époque nous n’avions que très peu de contacts), que tout pouvait exploser à Noguères si nous ne parvenions pas à entrer dans une phase de réelles négociations. Le « climat » dans lequel s’étaient déroulées les dernières assemblées générales ne nous permettait pas d’avoir le moindre doute à ce sujet.

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Il faut préciser que ce que nous avions à dire à nos camarades et surtout à leur faire comprendre, c’est que notre situation n’avait rien d’ordinaire, ni de comparable à leur vécu, ou on allait travailler chez Pechiney de père en fils, où régnait un certain paternalisme dans ces vallées des Alpes et des Pyrénées, alors qu’à Noguères c’était l’enfer depuis une dizaine d’années ! Imaginez un peu, la mission que j’avais, un jeune militant, totalement inconnu qui vient vous raconter cela à Paris (où je débarquais pour la première fois de ma vie) toute cette histoire à raconter qui se résume ainsi : La Compagnie Pechiney était venue en Béarn en véritable colonisateurs et nous traitait comme si nous étions des arriérés.

Personne ne pouvait condamner la souveraineté des assemblées générales de salariés qui sont indispensables pour que les actions puissent être unitaires. Mais encore faut-il que les salariés aient à se prononcer sur des propositions syndicales responsables et claires, sans quoi les salariés se trouvent exposés aux pires manipulations patronales, et (ou) syndicales.Jusqu'à ce jour tout se passait normalement, l’expérience de Mai 68 était bénéfique, les décisions que nous prenions étaient justifiées, mais quand la goute d’eau va faire déborder le vase et que la colère prend le dessus, la situation devient délicate et risquée. Le « Droit syndical » existait depuis peu, il n’était pas encore entré dans une phase d’efficacité, nous ne nous connaissions pas entre militants des différentes usines, de plus la fusion avec Ugine Kuhlmann était toute ressente.

Une réunion préparatoire aux réunions paritaires avait toujours lieu la veille, elle s’est tenue le 20 juin au siège de notre fédération chimie. Ma mission était de faire prendre en compte (à tout prix) cette réalité du terrain propre à l’usine de Noguères ainsi que les risques encourus si nous ne parvenions pas à obtenir un maximum de résultats. Obtenir le "tous pour un" à cette réunion préparatoire CGT, ne fut pas une partie de plaisir.Dire à des militants CGT que des ouvriers étaient prêts à prendre le risque « de tout casser », ce qui revenait à dire que nous serions prêts à incendier notre propre maison ! C’est en fait incompréhensible et nous le comprenions. De plus, il fallait que les militants CGT qui allaient participer à cette réunion prennent en compte les dérives gauchistes de la FUC-CFDT et les conséquences que cela pouvait avoir si nous allions vers un blocage. Les conflits, celui du « Joint Français qui venait d’avoir lieu et celui de « Lip »  qui battait son plein, avaient excité cette organisation FUC-CFDT, surtout par celui de Lip qui était largement médiatisé.

Le secrétaire de notre fédé, était un camarade extraordinaire. Roger Pascré, un ingénieur polytechnique, et militants CGT ! Impressionnant ce camarade, qui deux ans plus tard m’avouait que sur le moment il m’avait cru fou tellement il ne pouvait se représenter la situation dans la qu’elle nous nous trouvions.

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Je le rencontrai pour la première fois, il avait une longue expérience des conflits et n’avait jamais entendu pareille chose. Il fut néanmoins surpris par l’accent de sincérité de mon intervention car il fallait, à tout prix, que notre délégation, qui représentait les 16 usines de la société, se préoccupe particulièrement du cas Noguères ! Leur faire accepter de faire une croix sur leurs propres revendications, autant dire qu’il s’agissait d’une mission impossible et notre direction le savait parfaitement. Choisir la date du 21 juin, transformer cette réunion de négociation concernant des problèmes propres à l’usine de Noguères en paritaire de la société Aluminium Pechiney, ce qui aurait pour conséquence qu’un seul militant CGT de Noguères pouvait y participer et tout cela à la veille des congés annuel, c’est minable. Mais, cela fait la démonstration du machiavélisme patronal et de son mépris à l’encontre du monde ouvrier !

La CGT était présente dans les 16 usines de la société Aluminium Pechiney, mais il n’y avait que 9 délégués par syndicats qui pouvaient participer aux réunions paritaires   !

La CFDT n’était présente que dans quatre usines et elle pouvait envoyer 9 délégués à cette paritaire, ainsi elle pouvait-elle déléguer deux militants et plus par usines ! Elle pouvait même envoyer 6 délégués de Noguères et un délégué de chacune des autres usines où elle était représentée ! Tandis que le syndicat CGT de Noguères ne pouvait envoyer qu’un seul délégué de Noguères   et 7 usines ne participaient pas aux paritaires   !

Cette application de la démocratie, toute patronale, n’a rien d’innocent non plus. Dans une démocratie, le véritable paritarisme n’est-il pas que toutes les organisations syndicales ayant des élus dans les établissements soient présentes dans les réunions qui les concernent ?Il est pas beau le pays des droits de l’homme ?

Les négociations du 21 juin 1973.

Cette réunion eut lieu au siège de Péchiney, 23 rue Balzac, tandis qu’à Noguères toutes les pensées étaient tournées vers nous. Une assemblée générale était prévue en fin de journée pour prendre connaissance des résultats obtenus, elle était attendue avec impatience et beaucoup d'espoir.

J’avais mandat de tenir informé notre syndicat du déroulement des négociations. Si les négociations n’aboutissaient pas, ou que trop peu, j’étais dispensé de participer à la réunion conclusive du lendemain au

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siège de notre fédération, si ma présence était réclamée par mon syndicat à Noguères, car tout pouvait se produire lors de l’assemblée générale.

Le directeur de la société, un homme raide, maigre, froid, voire glacial, examina les différentes revendications présentées par les organisations syndicales des 16 établissements. Il réduisit l’ensemble de ces revendications en un simple   binôme , en fait il allait examiner deux points qui, selon lui, recouvraient toutes les questions ! La surprise était de taille et la rage aussi, le pire était à craindre concernant Noguères. ! En tout cas, le problème Noguères était méprisé d’entrée !

Des réactions commençaient à fuser coté CFDT tandis que notre délégué syndical central qui devait conduire notre délégation, levait le doigt pour intervenir ! Son doigt restait levé quelques instants puis retombait ! Il ne prenait jamais la parole ! Les patrons avaient sûrement des problèmes de vue ou une vue sélective car ils ne donnaient jamais la parole à la CGT. Pour ma part, je trouvais irresponsable que l'on ne nous donne pas la parole et tout aussi irresponsable que notre délégué syndical central se comporte ainsi ! Au bout d’une demi-heure, je recevais un petit message de notre délègue central me disant : "à toi maintenant, sinon tu vas te faire enterrer" !!! J’ai gardé rancune envers ce camarade avec qui je n’ai jamais pu établir aucun liens de fraternité, ils ne pouvaient exister et ils n’ont jamais existés.Peut-être avais-je donné la preuve la veille que j’étais en mesure de défendre les intérêts des salariés de Noguères. En tout cas, j’avais l’avantage de bien connaître la situation, de pouvoir être réactif dans le débat, mais, avec la peur au ventre, je ne savais pas si je pourrais lâcher une phrase. Malgré cet état, je me jetais à l’eau, cela devait se percevoir dans ma voix, hésitante au début, mais elle ne le resta pas bien longtemps !Mes forces retrouvées, j’ai participé au débat comme il se devait. J’ai eu aussi la satisfaction d'être soutenu par des camarades qui ont apporté leur expérience. Pour cela, je tiens à leur rendre hommage encore aujourd’hui à titre posthume. Ils m’ont souvent dit par la suite que, ce jour là, pour un débutant, je les avais impressionnés. J’ai ressenti cela comme un compliment. Toutefois, ce 21 juin je ne recherchais aucune gloire mais seulement le résultat que les travailleurs de Noguères attendaient.En fin de journée le "binôme" de la direction, était le suivant :

- 40 heures hebdomadaires au 1er octobre 1973. - 1% d’augmentation des salaires.

N'en cherchez pas davantage ! Par rapport au problème de Noguères il s’agissait d’une provocation, non déguisée et elle n’allait pas en rester à là !La direction devait nous rencontrer le lendemain pour signer l’accord. A 17 heures, je téléphonais à Noguères pour annoncer les résultats et j'imaginais l’accueil qui leur serait réservé ! Avec si peu de « grain à moudre », ce qui devait arriver arriva et l’assemblée générale du

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personnel décida de reprendre la grève immédiatement, reconductible de jours en jours.Le soir même à 22 heures, le directeur de Noguères annonçait qu’ils allaient procéder à la mise à barreau de 25 cuves d’électrolyse (25 sur les 436 que comptait l’usine), car elles n’auraient pu supporter une nouvelle grève ! Aucune raison technique ne justifiait une telle décision ! Il s’agissait là d’une décision venant de Paris en vue de nous faire passer pour des irresponsables qui mettaient leur usine en danger !Ils n’avaient toujours pas oublié Mai 68 et ne parvenaient pas à le digérer.Trois semaines après la dernière grève, il était impossible que des cuves soient rendues à ce point de rupture, même les plus vieilles. Aucune raison de les mettre en veille, sinon de tenter d’abuser l’opinion publique et de nous provoquer, comme si le déroulement de cette journée de parodies de négociations n’y suffisait pas ! De plus, pour une question de commodité, elles avaient été choisies, non pas sur la base d’un état vieillissant, mais sur l’extrémité d’un hall d’électrolyse qui rendait cette opération plus facile ! Un nouveau défi nous était lancé, entaché toujours du même mépris à notre égard, comment le comprendre autrement ? Nous eu confirmation par la suite, cette mise en veille de 25 cuves fut imposée au directeur de Noguères par Paris !

Revenons-en à cette paritaire. Nous étions encore à Paris fermement décidés à obliger cette direction à négocier vraiment, pas question de signer un tel accord.Le 22 juin au matin, le directeur général arriva, resta debout, raide comme piquet, sans dossier et nous déclarait : "Messieurs, la situation technique des cuves à Noguères exige de nous toute notre attention, les négociations sont terminées car nous ne négocions pas sous la pression… Etc."Refusant de quitter la salle, nous avons obligé la direction à poursuivre les négociations. Aux propositions de la veille s’ajouta cette phrase : "les directeurs d’établissements ont tout pouvoir pour modifier ou pour créer des coefficients et des échelons nouveaux, mais seulement dans le cadre des grilles existantes ". Envoyé c’est pesé. La direction générale se débarrasse du bébé. Après avoir entendu et réentendu que les directions locales n’avaient aucun pouvoir, aucune bille comme ils disaient, voilà que tout à coup ils en trouveraient, à condition de ne rien changer !Nous repartîmes indignés tandis que la FUC-CFDT paraissait un tantinet satisfaite de pouvoir continuer les négociations sur les établissements. A la CGT nous étions sans illusion.

Avant de revenir sur Noguères, après un petit tour d’horizon avec mes camarades, dans une salle de Pechiney, nous pouvions conclure malheureusement que les résultats étaient insignifiants, à classer dans de la provocation concernant l’usine de Noguères. L’engagement de tout faire pour mobiliser les salariés dans toutes les usines de la société fut

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pris, dans la mesure du possible bien sur car à quelques jours des C.P. ce n’était pas évident.. Je repartais, direction le Béarn.

Arrivé par train de nuit à Noguères au petit matin pour faire le compte rendu, la FUC-CFDT n’accepta pas que l’assemblée générale ait lieu sans que ses représentants ne soient de retour, il nous fallut donc attendre leur arrivée, ce qui n’était pas très sérieux de leur part. Leur leadeur avait bien tenté de me faire rester à Paris la veille au soir et j’avais de suite compris son inquiétude de me voir rentrer si rapidement à Noguères .Nous avons mis à profit cette attente pour rassembler nos adhérents. Nous avons convenu d’exiger l’ouverture immédiate des négociations sur Noguères, puisque Paris leur donnait mission de poursuivre. Nous étions sans illusion certes. Ces négociations ne donnaient absolument rien, comme nous nous en doutions. Refus total d’appliquer le moindre ajustement des classifications…. Les consignes venant de Paris nous avaient précédés. Il en résulta une réaction brutale et inquiétante du personnel réunis en AG. Sur proposition de la FUC-CFDT, (sans nous avoir consultés), la décision fut prise immédiatement et dans un climat de révolte, voté majoritairement, que le soir même à 19 heures, tous les « piquets de sécurité » seraient immédiatement retirés, laissant aux quelques non-grévistes et aux AM et ingénieurs le soin d’assurer eux même la sécurité des installations !

Il s’agissait là d’une décision extrêmement risquée qui pouvait conduire aux pires situations, telles que l’arrêt de l’usine. Je dirais même que faire une telle proposition à une assemblée chauffée à blanc, après la provocation patronale de la veille au soir et cette parodie de négociations à quelques jours des congés, c’était, pourrait-on dire prendre d’énormes risques et totalement irresponsable. Par contre que ces « catégories » du personnel, non gréviste de surcroit, fassent une telle expérience pouvait faire espérer la levée du blocage des négociationsPour comprendre le personnel qui à approuvé majoritairement cette proposition, il faut se souvenir que durant les 21 jours d’occupation en Mai 1968, nous avions réussi à maintenir en état et à sauver l’outil de travail, alors que nos dirigeants avaient tenté de nous y faire échouer et de nous en mettre la responsabilité sur le dos ! Sans compter les dangers encourus par les grévistes et les efforts consentis pour réussir à préserver l’outil de travail, ce qui relevait en fait d’un sens profond du devoir et du respect  que nous avions à son égard.Bien que cette décision n’ait pas émanée du syndicat CGT, nous admettions qu’elle puisse produire un électrochoc au niveau des directions et de l’encadrement, pour qu’enfin des négociations sérieuses aient lieu. Cette escalade ce n’est pas le personnel qui l’avait engagée !

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Un  bras de fer s’engageait donc au pire moment de l’année, mais il devait avoir une limite, tout au plus trois ou quatre jours avant que les cuves d’électrolyse ne soient vraiment en danger ! Il se produisait en fait ce que j’avais tenté d’expliquer à notre fédération et aux camarades des autres usines.

Le week-end arrivait et mes camarades m’avaient libéré pour que je puisse participer à une réunion de famille.Week-end ou pas, une réunion nous fut proposée avec la participation d’un médiateur, à la Préfecture de Pau. Ce "médiateur" n'était autre que le député-maire RPR de notre circonscription qui était bien connu pour ne pas « jouer dans notre équipe » !! La surprise était de taille et cela ne faisait que commencer. Qui donc était allé chercher ce personnage dont la neutralité n’était absolument pas assurée   ?

Ce fut une occasion pour la FUC-CFDT de proposer en assemblée générale que les agents cuvistes reprennent leur poste de travail, en signe de bonne volonté durant cette médiation à la préfecture, avait-elle expliqué….Voulait-elle se racheter de sa précédente proposition ? En tout cas cette façon d’agir face à un tel enjeu, c’est encore totalement irresponsable. Elle ne pouvait pas émaner de la CGT, qui n’avait même pas été consultés ! Ce qui nous faisait supposer qu’elle découlait d’un accord avec ce médiateur ! On ne négocie pas sous la pression, nous connaissons la chanson ! Tout cela sentait la manipulation à plein nez et la tentative de diviser cette unité commençait à prendre forme. Le « point faible » apparaissait dans cette affaire, il était dans cette FUC-CFDT, et les adversaire, médiateur inclus, ne s’y trompaient pas.

Ne soyez pas surpris, l’interprétation qu’en firent les adversaires, médiateur, direction et la préfecture, n’était pas celle d’un geste de bonne volonté, mais d’un fléchissement ! Erreurs sur toute la ligne : d'abord d'avoir cru bon d'aller chercher ce député, puis de faire ce fameux geste de bonne volonté et d’en attendre un bon résultat. Ces erreurs allaient se payer très cher ! S’agissait-il d’erreurs ? NON, mais sur le moment c’est ainsi que nous l’avions ressentit !Nous avions la confirmation bien plus tard, dans un livre mémoire écrit par le leadeur militant CFDT, que son syndicat était à l’origine de cette demande de médiation au député RPR. Il l’écrivait avec fierté. Ce livre ne faisait que confirmer nos craintes, que ce syndicat était manipulé, d’autres propositions irresponsables allaient s’enchainer certainement ! La nuit du 22 juin passée à Paris par la FUC-CFDT n’a pas été sans conséquences et a joué un mauvais tour aux salariés de Noguères

La question se posait pour nous d’elle-même, pouvions-nous cautionner dorénavant une proposition émanant de la CFDT, surtout si elle devait persister à retirer les piquets de sécurité des installations ? Que cela se fasse sur une journée, admettons, mais que cette décision puisse être

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reconduite à chaque assemblée relèverait toujours de l’irresponsabilité. Nous ne pouvions ignorer qu'il était impossible à quelques non-grévistes et à des AM d'assurer la sécurité de cet outil de production. Mais, face à une direction qui estimait nécessaire que tout le personnel des services concernés soit présent à son poste de travail, il y avait une limite, il était donc absolument nécessaire que nous en conservions la maitrise et d’en déterminer les besoins, ce qui faisait aussi l’objet des « blocages ». Nous décidions de tenir chaque jour une assemblée de nos adhérents CGT pour déterminer ensemble nos positions en fonction de l’évolution du conflit.

Les désaccords entre la CGT et la CFDT prenaient une tournure inquiétante. La CFDT aggravait cette situation en décidant d’aller s’installer dans un café distant de 3 km, ce qui rendait quasiment impossible toutes discussions intersyndicales, la raison invoquée étant de se soustraire aux écoutes téléphoniques, le ridicule ne tue pas, heureusement pour eux ! En fait cette décisions, certainement pilotée elle aussi, consistait à éviter toute proximité entre militants CGT et CFDT et entre les adhérents des deux syndicats, c'est-à-dire toutes influences entres les adhérents des deux syndicats.

Avec nos adhérents nous avons envisagé de modifier la forme d’action engagée durant cette période des congés d’été. Nous avions conscience qu’il n’était pas possible de revenir sur le fond car les grévistes étaient « chauffé à blanc » par tant mépris et par les provocations d’une direction parisienne rétrograde, où était venu s’ajouter cet épisode de la préfecture qui avait conduit le personnel à reprendre leur postes de travail durant une journée avant d’être pris une nouvelle fois pour des idiots !! A croire que tout était fait pour parvenir au pire et la CFDT y prenait sa part.

Nous étions fin juin, les syndicats des autres usines nous disaient les difficultés qu’ils avaient à nous apporter un soutien nécessaire qui soit efficace durant cette période. 

Nous n’étions pas la seule usine à s’être engagée dans un conflit long et difficile. De mars à mai 1972, les OS du "Joint Français" s’étaient révoltés, sur le moment, nous n’avions pas prêté grande attention à ce conflit. De mars à mai 1973 ce fut les salariés de Renault qui firent grève et le 12 juin 1973 commença la très médiatisée occupation de LIP. Avec LIP et Pechiney, l’été 73 allait être chaud et les médias avaient du « grain à moudre ». Malheureusement leurs articles ou reportages nous concernant étaient souvent tronqués, parfois écœurants !

Une déferlante de groupuscules gauchistes s’abat   sur Noguères .

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Ces groupuscules prennent immédiatement place au cotés du syndicat CFDT. Je pense même que l'éloignement de la CFDT hors de l’enceinte de l’usine n’avait rien du hasard, ces personnes ne pouvant pas aisement entrer dans l’usine et venir dans un local syndical, contigu à celui du syndicat CGT et trop à la vue de l’ensemble des grévistes.

Nous n’avions pas l’expérience qui nous aurait permis de nous préserver des conséquences de cette "invasion".Lors des assemblées générales, sur le parking de l'usine, d'autres travailleurs du complexe et de nombreuses personnes des localités voisines et du département venaient se renseigner et nous soutenir.Mais ces "gauchistes" ne faisaient pas que passer, ils « siégeaient » jours et nuits avec les militants CFDT dans ce café éloigné de l’usine. Ils venaient sur le parking de l'usine où se tenaient une majeure partie des grévistes, ils se faisaient indiquer les adhérents du syndicat CGT pour tenter de les en détourner. Ils exerçaient des pressions et des bousculades sur des grévistes qui soutenaient nos propositions. Il n’était plus possible de tenir  des réunions intersyndicales indispensables à une conduite responsable d’un tel conflit ! L’or de nos interventions ils nous faisaient huer !

La situation au niveau des cuves d’électrolyse s’aggravait rapidement et le peu de personnel qui s’en occupait ne parvenait plus à le maintenir en sécurité !La direction convoqua donc un comité d’établissement extraordinaire pour nous signifier sa décision d’arrêter l’usine ! Elle faisait ainsi le choix «de casser l’outil de travail» alors qu’il suffisait de négocier nos quatre revendications. Nous ne nous faisions aucune illusion, il ne s’agissait pas d’un « bluff », et nous avions conscience que cet ordre venait de Paris. Le moment était donc venu de proposer de modifier le mode d’action, afin de maintenir le rapport de forces en présence, sans céder sur les revendications. Il fallait garder la crédibilité auprès de l’opinion et des pouvoirs publics, mais aussi de permettre aux autres établissements de la société d’organiser le soutien attendu. Ce débat nous l’avions eu avec nos adhérents et les camarades militants du complexe qui nous soutenaient. Modifier le mode d’action pouvait consister à reprendre le travail pendant quelques temps, pour sécuriser les cuves en production, puis adopter un processus de grèves tournantes durant la période d’été, ceci afin de retrouver à la rentrée d'autres usines de la société et du complexe dans la lutte avec nous. Nous pouvions ainsi désarmer le bras de la direction et conserver une crédibilité que nous allions perdre si l’usine s’arrêtait ! La lutte de classes c’est combattre un système, ce n’est pas détruire un outil de travail, que l’employeur a besoin pour faire ses profits financiers mais nous pour vivre ! Une fois l’outil de travail détruit, l’employeur ne fait plus son profit certes mais nous on ne peut plus en vivre et le rapport des forces tombe à zéro ! Après avoir tant fait en 68 pour le conserver, tout en luttant pour

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faire aboutir nos revendications, qui peut comprendre que ces mêmes ouvriers laissent un jour leur employeur le détruire ?

Cette proposition argumentée nous l’avons faite en assemblée générale sans que nous ayons pu en débattre syndicalement avec la CFDT. Car, sitôt les réunions avec la direction et les AG étaient-elles terminées que la délégation CFDT repartait précipitamment hors de l’usine avec les groupes gauchistes dans leur QG et si l’un deux avait le malheur de s’attarder avec l’un d’entre nous il était rappelé à l’ordre immédiatement. Aucune analyse commune ne pouvait dons se faire entre nos deux syndicats !

Porte parole du syndicat CGT à cette assemblée, je me suis fait "incendier" et huer, à tel point que mon épouse et mes enfants, présent ce même jour, en pleuraient de peur. Il fut impossible d’engager le débat du fait que quelques "meneurs" protestaient et hurlaient de manière incohérente et excessive contre notre proposition, qu'ils craignaient de voir adopter ! Toute l’usine fut donc arrêtée dans la foulée. Le 4 juillet tout était terminé et nous pouvions craindre que cela dure longtemps, nous pouvions même craindre qu’elle ne redémarre jamais  et nous étions accusés d’avoir voulu mettre fin à l’action ! L’adversaire, ce n’était plus l’employeur, c’était le syndicat CGT !

Cet arrêt total ne pouvait que nous nuire, car la direction s’est empressée, par des conférences de presse et des communiqués, de nous accabler et de nous mettre à dos l'opinion publique. Une opinion publique qui ne comprenait pas ce qui se passait réellement et ce n’est pas les médias qui l’aidait à le faire ! Voila comment le patronat et les pouvoirs politiques ont opéré avec des gauchistes et la complicité consciente de certains militant CFDT (et inconsciente de la plus part de leurs adhérents), en vue de discréditer le syndicalisme de classe, en l’occurrence le syndicat CGT, si ça ne paye pas tout de suite, ça paye toujours un jour et on verra que ça finit par payer ! Nous avons été alertés par nos camarades des usines des Alpes qu’une ingérence inqualifiable venant de notre usine se produisait chez eux. Des délégations composées de membres du syndicat CFDT avec probablement des gauchistes se sont rendus dans ces usine de la Maurienne dénoncer l’absence de solidarité envers Noguères ! Comme de bien entendu la responsabilité en incombait à la CGT majoritaire dans ces usines ! Le déplacement de cette délégation s’étant fait en avion….. Qui avait eu cette lumineuse idée ? Qui avait payé ce voyage ? Le but n’était-il pas de nuire à l’unité et aux possibles actions de soutien qui pouvaient se produite et qui allaient se produire, voyant que notre patronat faisait le choix de la casse plutôt que de négocier ? Cherchez toujours à qui profite le crime.

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Le 6 juillet, la CGT interpellait le Ministre du Travail pour qu’il intervienne le plus rapidement possible afin que les négociations reprennent sans tarder.

Sur le terrain, les groupes gauchistes continuaient leur sale besogne. Munis de faux documents et de montages photographiques, ils tentaient par tous les moyens de casser la CGT. Bon nombre de nos adhérents nous informaient de ce qui se passait, tandis que, malheureusement, certains autres succombaient à ces manœuvres et à ces manipulations. Tout était bon pour faire craquer les ouvriers et nous découvrions même, sur le parking, quelques jeunes femmes venues d'on ne sait où, n'hésitant pas à utiliser leurs charmes ! L’agriculteur qui avait un champ de maïs devant l’usine n’a pas dû pouvoir le récolter entièrement.

Notre fédération nous avait délégué un secrétaire fédéral qui avait déjà connu plusieurs conflits. Son expérience, son point de vue de militant non impliqué dans notre conflit, nous fut utile, sinon nécessaire. Je rends hommage à ce camarade qui savait écouter et donner ses impressions sans jamais rien imposer.Il fut, lui aussi, la cible des gauchistes qui faisaient circuler une photo où il apparaissait, assis sur une caisse avec ce commentaire : "assis sur l’urne du vote des grévistes du Joint Français pour les empêcher de voter la poursuite du mouvement», ce qui était absolument faux bien entendu ! Plus grave encore, à la cité des cadres de Pechiney à Mourenx, la voiture de la direction fut badigeonnée de peinture, de croix gammée et du sigle SS. La direction porta plainte contre X. Il nous apparaissait que tout était fait pour aller le plus loin possible dans l’irresponsabilité et la provocation, comportements éloigné, très éloigné même d'une action syndicale responsable.

Les épouses des salariés grévistes décidèrent de participer, elles aussi à cette action en manifestant dans les rues de Mourenx et dans la cité des cadres. Elles étaient les victimes, peut être les plus marquées, par ce conflit, obligées d’assurer le quotidien avec des enfants, souvent en bas-âge, avec des salaires amputés et sans trop savoir quand tomberait la prochaine paye… s’il y en avait une qui puisse tomber à nouveau ! Cette manifestation fit du bruit, au propre comme au figuré, car des femmes en colère ça s'entend et ça se remarque.

Le 13 juillet, la direction nous proposa de faire un essai de redémarrage de quelques cuves sur métal figé. Nous savions que ce type de démarrage était réalisable. Nous le savions car l'usine du Cameroun s’arrêtait chaque année suite à la baisse du niveau du fleuve qui produisait l’électricité. Certes, les cuves étaient préalablement vidées du métal mais jamais en totalité. Nous savions aussi qu’il y avait eu des précédents, dont un en France sur des cuves bien plus petites et un autre au Canada, plus récent, suite à une grève. Cette proposition n’était pas due au hasard, elle résultait bien des pressions que nous exercions avec nos démarches pour obtenir des soutiens et l’ouverture de négociations.

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Le soutien de l’opinion refaisait surface avec celui des salariés des usines du complexe, mais aussi de toute la France qui se solidarisait et nous aidait financièrement. A ce résultat, la CGT, grâce à sa très forte implantation dans toutes les entreprises du pays, y avait contribué grandement. En réunion avec la direction, nous avons accepté unanimement, CGT et CFDT, que l'essai se fasse, à une condition : que nous désignions le personnel ouvrier qui y serait affecté, la direction désignant de son coté les responsables maîtrise et cadres. C’était la seule et unique condition que nous avions annoncé durant cette réunion.Nous en avons informé le personnel le soir même en assemblée générale, mais sans demander qu’un vote approuve cette acceptation. Une erreur que nous avons regrettée par la suite.Démontrer que ces cuves pouvaient redémarrer sur du bain électrolytique et du métal figé, (11 tonnes par cuves environ), prenait selon nous une importance à ne pas négliger, tout d’abord pour rétablir un rapport de forces qui nous serait utile à tout point de vues, mais aussi pour convaincre l’opinion publique que nous étions attachés à notre outil de travail, enfin, pour rassurer le personnel et le recadrer sur les objectifs de l’action.La CFDT qui de son coté avait dû faire plus ou moins la même analyse, distribua le soir même un tract au personnel où elle détaillait l’intérêt de faire cet essai.

La CFDT fait volte face   !

Une intervention « divine » a-t-elle eu lieu, sans doute en provenance de la capitale ?Toujours est-il que le surlendemain au cours de la réunion que nous avions avec la direction pour finaliser ce projet, deux délégués CFDT, sur les trois qui composaient leur délégation, à la surprise générale, y compris celle de leur principal délégué, déclarèrent : " il n’a jamais été question que nous fassions un tel essai " !!! La direction, mes camarades et moi-même, ainsi que le délégué principal CFDT, nous nous sommes regardé stupéfaits !!Comment comprendre que le leadeur du syndicat CFDT, porte parole du syndicat dans les AG, n’ait pas été au courant de cette brutale volte face ?Cette annonce, surprenante et incompréhensible de ces deux militants CFDT nous a laissés sans voix !!!Cette réunion avec la direction tourna court, en sortant de la salle le leadeur CFDT m’interpela me disant : "je rêve ou je perds la tête, cet essai nous l’avions bien accepté ?"  J’ai juste pu lui répondre « oui, qu’ils avaient même fait un tract la veille à ce sujet », ses deux camarades le prirent immédiatement par le bras lui disant : "tu viens avec nous " !La seule explication possible à ce revirement c’est que des ordres sont venus d’ailleurs, directement à la CFDT ou par l’intermédiaire des Gauchistes ! En fait ce délégué CFDT devait être mis devant un fait

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accomplit pour qu’il en passe par là ! Y a-t-il un pilote dans l’avion de la compagnie CFDT , qui est-il et ou est-il  ???

Le soir même à l’assemblée, alors que nous étions rassemblés sur le parking, ce même délégué s’approcha de nous pour dire : "je ne comprends rien, il parait que nous n’avons pas accepté de faire cet essais". Immédiatement il a été repris par ces camarades : "tu viens et tu diras ce qu’on t'a dit de dire" ! Aucune gêne devant nous, mépris,  provocation, irresponsabilité ? Allez donc expliquer cela à une assemblée.A l’assemblée, il fit l’intervention qui lui a été dictée !

Lors de cette assemblée sur le parking les groupes gauchistes étaient bien sur présents comme d’habitude, mais cette fois très équipés : avec caméra et prise de son, le tout transmis sur un téléviseur qui se trouvait dans une fourgonnette ! Du jamais vu pour aucun de nous en 1973. Les participants à l’A.G. étaient filmés également. Le film fut repassé, pour le plus grand plaisir de se découvrir sur un téléviseur que tous n’avaient pas encore chez soi. Ceci eut pour effet de détourner leur attention de l’objet de cette A.G. et de la CGT, qui proposait de faire cet essai pour rétablir un rapport de force favorable à la reprise des négociations. Nous proposions aussi que l'essai commence simultanément avec l’ouverture de négociations. Par 152 voix contre 147, notre proposition fut repoussée. Nous avions des doutes sur la validité de ce vote à mains levées dans une assemblée où figuraient des personnes venues nous soutenir ainsi que les gauchistes ! Le contester aurait pu avoir pour conséquences d’en venir aux mains !

Le lendemain le chef du service administratif de l’usine, adjoint au DRH, créait le syndicat FO avec des non-grévistes, son argument principal fut de dire aux non-grévistes : "si vous voulez être payés durant ce conflit il faut créer un autre syndicat", la place pour FO était encore toute chaude, la « FUC » s’estompait.

Cette création de FO fut l’occasion pour le duo, « Gauchiste - CFDT », de dire que c’est des militants CGT qui étaient à l’origine de cette création, deux de nos camarades en furent très affectés. !!! Ces deux camarades s’étaient rendus à PAU à l’UD-CGT pour faire le point sur notre conflit où ils furent suivis par des Gauchistes. Comme dans ce même bâtiment se trouvait également l’UD-FO ils en ont conclus cette abomination ! Sur le moment nous ignorions que nous étions victimes de ces « filatures », mais comme tout fini pas se savoir, nous apprenions aussi, mais tardivement, que nous étions régulièrement suivis, espionnés par ces « gauchistes », avec bien sur l’assentiment et la complicité du syndicat CFDT. Cela peut apparaitre aux lecteurs comme une banalité et une idiotie sans trop d’importance. Mais, accuser ainsi nos deux camarades qui étaient à l’origine de la création du syndicat CGT à Noguères, alors qu’ils furent eux suivis par les RG durant cette période, (ce que les militants CFDT n’ignoraient certainement pas), les faire

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suivre par ces « gauchistes » et les accabler ainsi d’avoir créé FO, c’est impardonnable…. Ils l’ont pourtant fait   et je ne le digère toujours pas !!!

Pour donner encore plus de crédibilité à cette supposée complicité entre la CGT et FO, nous fûmes victimes d'une autre manœuvre. Une nuit entre deux et trois heures du matin « des commandos », furent envoyés aux domiciles des grévistes CFDT pour leur demander de venir immédiatement à l’usine pour s’opposer à : "la CGT et FO qui allaient entrer pour redémarrer les cuves" ! Le matin à notre arrivée, beaucoup furent surpris de voir tous ces adhérents CFDT sur le parking de l’usineTout était faux bien sur, mais l’imagination des gauchistes et des « manipulateurs » était sans limite. Les militants du syndicat CFDT étaient sous le charme de ces "tronches" (certains ayant fait de longues études). Mais ces "commandos", constitués essentiellement de gauchistes accompagnés de militants et adhérents CFDT, des têtes vides en général, ont commis quelques erreurs en allant réveiller, certains de nos camarades CGT qui nous ont immédiatement informés de ce stratège ignoble. Il faut noter qu’en 1973 peu de personnes avaient un téléphone à domicile et les portables n’existaient pas.

Toujours dans le même registre, nous apprenions les termes d’une conversation entendue par l’épouse d’un de nos camarade chez un commerçant de Mourenx. Un jeune ingénieur disait à ce commerçant qui l’interrogeait sur la situation : "nous leur préparons quelque chose dont vous allez entendre parler ". Que nous préparaient-ils encore ? La réponse est venue le jour même, vers 15 heures, alors que je répondais sur le parking de l’usine à un journaliste, deux voitures arrivèrent à vive allure. Pneus crissant, elles stoppaient devant les grilles de l’entrée de l’usine, les portières s’ouvrant simultanément, comme dans les films policiers. Six personnes en sortirent, cinq ouvriers de notre usine et ce jeune et athlétique ingénieur ! Ce petit groupe aux allures de commando était mené par l'individu qui, en 1968, était monté à Paris muni de cette mystérieuse carte tricolore. M’apercevant à une vingtaine de mètres il m’interpella, mais je restais sans réaction comprenant qu’il s’agissait du "coup" dont nous avions eu vent. Le journaliste me demanda ce qu'il se passait et pourquoi je n’allais pas à leur rencontre. Même si nous n’avions pas été alertés, je ne me serais pas approché, les participants à cette démonstration de force ne m’inspirant pas la moindre confiance. Nous apprenions ensuite qu’un appel téléphonique, non identifié, était parvenu au QG de la CFDT, dans le café-restaurant ou siégeait ce syndicat, les informant que : « la CGT et FO tentaient d’entrer dans l’usine avec des cadres pour redémarrer des cuves »…. par un trou fait dans la clôture au coté opposé de l’entée de l’usine qui se situait à environ 4 Km !!! Le fait que « ce commando » revienne devant l’usine où se trouvaient essentiellement des adhérents et militants CGT pour y reconduire cet ingénieur qui avait été entendu chez ce commerçant et qui

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était à ce trou de la clôture, témoignait bien d’un « coup monté » toujours contre la CGT ! La démonstration était faite que patronat et gauchistes étaient en contacts étroits   ! Nous aurions dit à un cheval de bois que la CGT et FO se liaient pour redémarrer les cuves, il nous aurait donné un coup de sabot. Mais la CFDT ce n’est pas un cheval de bois, elle accepte TOUT dés l’instant que cela peut nuire au syndicat CGT !

Les complicités entre ceux qui étaient à l’origine de cette idée, (des cadres prêts à tout, voire la direction elle même), et ces excités qui allaient recevoir ce coup de fil, avec à leur coté des "prêts à tout" et surtout prêts à foncer sans réfléchir, sont clairement établies. Pour réfléchir il faut encore être en état de le faire, ce qui n'était pas le cas de trois d'entre eux qui étaient fortement alcoolisés, on parvient par tout savoir. Par contre les deux meneurs de cette cabale savaient très bien ce qu’ils faisaient, ils étaient connus, depuis 1968, pour refiler des renseignements aux RG qui, à chaque grève, se mêlaient aux grévistes !Où donc avait été "enlevé" cet ingénieur ? Tout au nord de l’usine, coté opposé à l’entrée. Pour s'y rendre, il fallait contourner les autres usines, faire 4 ou 5 kilomètres. Il se trouvait là, à coté d’un trou découpé dans le grillage de la clôture. Il y attendait qui ? Sinon ceux qui sont venus l’y cueillir, en fait ses complices et leurs hommes de main après un bon repas, sans doute bien arrosé.

Résultat, une plainte fut déposée par la direction : pour enlèvement d'un ingénieur et l’avoir, conduit de force devant l’entrée de l’usine où l'on y trouvait qui… des militants CGT et des grévistes, comme tous les jours adhérent et sympathisants CGT s’y trouvaient !Conséquence de cet acte irresponsable : des licenciements envisagés pour les deux meneurs et mise à pieds pour les trois hommes de main. De ce fait, pendant 21 jours, à chaque réunion avec la direction, que ce soit au sein de l’usine, à la préfecture ou à la direction départementale du travail à Pau, la CGT demandait en préalable, la levée des sanctions pour une sale histoire qui ne nous permettait pas d’innocenter la direction et ses cadres et des énergumènes extérieurs à l’usine. Je suis sur que cela doit figurer dans des comptes rendus à la préfecture et à la Direction Départementale du Travail où personne n’était dupe.

Durant ce même mois de juillet, notre fédération CGT nous avait dépêché un autre secrétaire fédéral, en remplacement du précédent parti en congés. Ainsi, Michel Verdon remplaçait Alain Cové, je rends un chaleureux hommage à la mémoire de Michel Verdon ainsi qu’a Alain Cové qui doit profiter de sa retraite.Tous les jours nos adhérents étaient donc réunis pour analyser la situation. Et nous constations que toutes ces provocations, ces accusations envers la CGT, ces manœuvres pour nous affaiblir, orchestrées par des gens étrangers au conflit, avec la complicité de la

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CFDT, et de certains cadres, laissaient des traces sur nos camarades et nous comprenions que plus jamais rien ne serait comme avant, nous avons perdu environ 70 adhérents, au grand bonheur des patrons, car il faut toujours regarder à qui profite le crime.

Une fois encore nous avions été la cible d’une tentative visant à nous pousser à commettre des actes irresponsables et irréversibles. Un camarade se présente à nous comme délégué CGT de LIP. Il venait nous apporter le soutien des travailleurs de LIP plus un chèque de solidarité. Il nous donna toutes les explications sur leur conflit et sur le fameux trésor de guerre  qu’ils avaient constitué en s’emparant des stocks de montres. Bien sûr, nous lui donnions toutes les informations concernant notre conflit en lui faisant l’historique de l’usine. Tout semblait coller jusqu’au moment ou certaines de ses questions ont commencé à nous surprendre, surtout quand nous en sommes arrivés aux moyens que nous pourrions avoir pour constituer nous aussi un "trésor de guerre". Avec des plaques d’aluminium qui pèsent plusieurs tonnes stockées en quantité dans l’usine, mais qui ne pouvaient pas être commercialisées comme des montres, la question fut vite évacuée. Il en est ainsi arrivé à nous interroger sur les points stratégiques de l’usine, sur ce qui pourrait être détruit facilement pour peser encore plus fort sur la direction, pour en arriver même à nous suggérer de détruire les redresseurs de courant avec de l’acide ! Nous l’avons remercié chaleureusement de son soutien et de ses idées "lumineuses", tout en prenant le soin de noter son nom et ses coordonnées, ce « camarade » paraissait avoir été bien formaté.

De tels conseils venant d’un  militant CGT, ça vous transperce. Une enquête rapide avec l’aide de notre confédération, de nos fédérations et unions départementales, nous confirma notre pressentiment : militant CGT inconnu à LIP et ailleurs. Encore une tentative d'infiltration que nous avions fort heureusement déjouée.

Parmi ces gauchistes, régulièrement présents sur notre site, certains venaient de Pau, notamment une jeune femme, fille du propriétaire d’une des plus importantes pharmacies de la ville nous avait-elle glissé à l’oreille. Elle avait été aperçue se déplaçant dans Pau en Mercedes mais lorsqu'elle venait à Noguères c'était avec une vielle Renault 4l. Elle portait une robe longue à  quatre sous et marchait pieds nus ! On ne recule devant rien pour tenter d'influencer ces "pauvres ouvriers" qui en font tant voir à ces malheureux patrons…

Nous tenions des A.G. quotidiennes avec les grévistes. Beaucoup de personnes extérieures à l'usine étaient là pour nous soutenir avec sincérité. Malheureusement les manipulateurs aussi se mêlaient à la foule et participaient aux votes à main levée et ce n'était pas sans conséquences. En effet, nos propositions étaient parfois repoussées de quelques voix seulement.

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Parfois des élus venaient nous apporter leur soutien, s’il s’agissait d’un élu du PCF, le leadeur CFDT déclarait aussitôt : "nous ne voulons pas de récupération politique de notre mouvement". Pourtant ce cher « camarade » si soucieux de préserver « notre mouvement », venait de créer le PS à Mourenx et il acceptait d’être envahi par les gauchistes. Pour éviter toute confusion au moment des votes,  il trouva judicieux de proposer : "ceux qui sont pour les propositions CFDT se rangent à gauche et ceux qui sont pour celles de la CGT se rangent à droite". Pour notre part, nous avons proposé que, pour les assemblées où il serait indispensable de consulter les grévistes par un vote, cela se fasse dans une salle avec uniquement le personnel concerné.Ainsi, une assemblée générale s’est tenue à huis clos le 23 juillet dans la salle des fêtes de la commune voisine. Deux militants devaient intervenir pour la CFDT et deux également pour la CGT. Dés ma première intervention s’éleva une huée, des cris, des sifflets, pour couvrir ma parole. Le silence se rétablissait pour les interventions de la CFDT. Ainsi, à plusieurs reprises, toutes nos interventions furent couvertes par un vacarme infernal ! Je leur disais : "c’est une honte ce que vous faites, c’est lamentable " Ils restaient de marbre. Je revois encore ces excités hurlant comme des fous, criant à pleine gorge tandis que nos camarades, dans la salle, tentaient d’intervenir. Leurs paroles étaient immédiatement couvertes, l’un deux fut même bousculé ! Il était visible que tout cela avait été bien préparé entre les groupes gauchistes et la CFDT. Belle démonstration du respect de l’indépendance syndicale, belle démonstration aussi d'autogestion, de tolérance et de démocratie !Mes propos peuvent paraître exagérés, certains pourront même dire que c’est une vue de mon esprit. Bien sur, cela peut paraître incroyable, pourtant c’est réellement ce que nous avons vécu et je ne suis pas le dernier "survivant " en mesure d’en témoigner.

Plus récemment, lisant un témoignage de notre conflit de 1973 dans une thèse présentée en 1999 par Mr Gérard VINDT, sous le titre : « Histoire sociale d’une entreprise, la Compagnie Pechiney », La colère m’envahissait et le révoltait.Cette thèse, présentée en vue d'obtenir le grade de docteur de l’Université de Paris X -Nanterre, se doit d’être un document de référence de l’histoire économique et sociale. Le directeur de thèse est Alain Plessis, professeur, Paris X. On peut y lire page 516. D 2-3/1 sous le titre : Un conflit d’une ampleur exceptionnelle, ce qui suit : "Contemporaine à celle de LIP la grève de Noguères, provoquée par un problème de classifications… (Il n’a pas remarqué les autres revendications) … aux yeux des dirigeants et ingénieurs qui ont vécu cette période, Noguères est une exception qui confirme la règle de relations sociales, sinon harmonieuses du moins régulée par une culture industrielle commune, malgré les surenchères syndicales…(En matière de surenchères, nous avion réduit nos revendication au nombre de quatre !) Pour trouver des surenchères syndicales sur cette période à Noguères, il fallait vraiment être de mauvaise foi et chercher à reporter les responsabilités patronales sur les syndicats et on va immédiatement

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comprendre de quel syndicat il s’agit. Il continue : "Cette exception béarnaise, thèse officielle des dirigeants masque des désaccords… Une exception ? " S’interroge-t-il, car "ce serait des ouvriers non qualifiés travaillant dans des conditions difficiles qui se révoltent… C’est dans la CFDT en laquelle ces ouvriers se reconnaissent le plus, qui est la principale animatrice du mouvement … !" En poursuivant la lecture de ce document, il est clair que Mr Gérard Vindt a puisé ses informations uniquement auprès des militants CFDT de Noguères. Il en cite une vingtaine d’ailleurs, tandis qu'en ce qui concerne la CGT, il écrit dans les annexes qu’il a rencontré un militant de l’usine d’Auzat, dans le Vicdessos en Ariège, et moi-même en décembre 1998 au cours d’un dîner informel. Nous ne devions pas dîner à la même table car je n’ai pas gardé le moindre souvenir de cette rencontre. D’autre part, comment ce camarade de l’Ariège aurait-il pu témoigner sur le conflit de 1973 qui avait lieu à Noguères, une usine située à 250 Km d’Auzat, alors qu'il n’était pas encore militant à Auzat. J’ai très bien connu ce camarade par la suite, j’ai eu pour lui une grande estime et un grand respect et je sais qu’il n’aurait jamais témoigné sans m’en tenir informé Mr Vindt précise que "la CFDT était suivie par une CGT réticente qui se pliait à une démocratie directe…". Pas le moindre mot concernant ces gauchistes qui, en matière de démocratie directe, ont fait des merveilles avec la CFDT ! Il ajoute" : Le 17 juillet les syndicats ont accepté le principe d’un essai de redémarrage des cuves avant d’avoir réponse sur les revendications… (Ceci est exact. Le directeur a bien pu relater ce fait, sans qu’il puisse être question de réponses sur les revendications, mais il«oublie » de dire que justement le syndicat CFDT était revenu sur cet accord prétextant qu’il était conditionné à l’ouverture des négociations !Il poursuit Mr Vindt : "La CFDT se plie au verdict de la démocratie directe, la CGT défend sa position mais n’abandonne pas la grève…". En matière de démocratie directe, voir plus haut dans ce texte.

Je trouve honteuse et caricaturale une telle interprétation des faits, pour un document qui peut avoir une valeur historique ! M. Vindt n’écrit rien sur toutes les provocations et manœuvres qui avaient pour objectifs l’affaiblissement du syndicat CGT. Pas un mot sur la  "capture" de cet ingénieur et sur les commanditaires de cette absurdité, pas un mot sur la plainte déposée, ni sur le fait que c’est la CGT qui en préliminaire à toutes négociation exigeait que cette plainte et les sanctions soient retirées.

M. Vindt a fait le choix de relater des faits sous une forme accablante envers la CGT. Encore une fois, rien n’est dû au hasard et sûrement pas par le manque d’information, Pechiney lui a ouvert ses archives, la CFDT a été largement auditionnée…Mais pas la CGT   ! Personnellement je n’ais jamais rencontré ce personnage, encore moins diner avec lui.

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Le directeur de Noguères durant ce conflit, est aujourd’hui président de l’Institut pour l’histoire de l’aluminium du groupe PUK, il était membre du jury pour la thèse présentée par M. Vindt. Il a répondu aux questions de M. Vindt, il lui a fourni de la documentation pour sa thèse, il ne peut donc être objectivement question d’un manque d’information. J’en déduis que ce monsieur Vindt a volontairement déformé les faits, au mépris de l’objectivité et de la vérité, pour être en phase avec "la pensée unique" au service du libéralisme.

J’ignore si ce directeur a approuvé cette thèse avec le jury dont il était membre. Si tel est le cas, il a oublié ce qu’il disait à l’un de nos camarades en parlant des militants CFDT,  tout juste quelques semaines après la reprise du travail : "ce sont des facteurs…". Que voulait-il dire exactement ? Pourquoi des facteurs  et les facteurs de qui ? Si nous pouvions nous poser ces questions en 1973, il est plus facile d’y donner une réponse aujourd’hui que cela ne l’était en 1973 ! Et je dirais que ce directeur, s’il à voté en faveur de cette thèse est coupable d’un manquement aux véritables responsabilités.

Certes ce directeur était encore sous le coup de l’émotion provoquée par ce conflit lorsqu’il prononça cette phrase, une émotion en provenance aussi des ordres venus de Paris et qu’il devait mettre en application, n’était-il pas lui aussi « un facteur » ?Vingt cinq ans plus tard son émotion a bien sur disparue pour laisser place aux intérêts du libéralisme qui passent aussi (et surtout) pas de la désinformation ! Il a donc certainement approuvé la Thèse de ce Mr Vindt

Revenons à la période du conflit. Un soir de fin juillet, en rentrant chez moi, (une maison que je construisais moi-même avec mon épouse), notre voisine m’informe que dans la journée plusieurs jeunes gens arrivés à bord de deux voitures, avaient photographié notre maison sous tous les angles. Je me doutais immédiatement que cela pouvait nourrir une mauvaise intention à mon égard, en relation directe avec le conflit bien sur. Je ne tardais pas à en avoir confirmation car ces photos ont été présentées par les gauchistes avec le commentaire suivant : "c’était la maison que la CGT et le parti communiste faisaient construire au responsable CGT pour casser la grève" ! Cette maison n’était pas terminée, juste habitable, nous venions à peine d’y aménager, ce qui pouvait accréditer cette version !

Profitant que nos enfants étaient en demi-pension dans des collèges, mon épouse se mit à la recherche d’un emploi, qui devenait indispensable pour assurer le financement des emprunts. Embauchée dans une blanchisserie qui se trouvait tout à coté du café où la CFDT est venue établir son Q.G. Nous n’avons jamais su qui a dit un jour à sa patronne "qu’elle était l’épouse d’un militant CGT de Péchiney qui faisait tout marcher" ! Entendez par cela « tout casser », le résultat fut immédiat, lettre de licenciement !

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Sans relâche, tous nos efforts étaient consacrés à l’ouverture de véritables négociations, les interventions de notre confédération, de notre fédération et les soutiens qui nous parvenaient de tous le pays, ainsi qu’une médiatisation permanente durant cet été 1973, médiatisation utile, mais parfois néfaste, ont permis que nous puissions rencontrer le ministre de l’industrie M. Georges GORSE le 1er août.Le 1er août, départ pour Paris tôt le matin pour être présents à 14 heures au Ministère de l’Industrie. Nous étions attendus à la descente du train par un secrétaire confédéral qui suivait notre conflit, nous avons fait le point de la situation durant le trajet entre la gare d’Austerlitz et le ministère.J’ai le souvenir que Mr Gorse paraissait ennuyé par ce conflit, très contrarié de la façon dont nous en étions arrivés à cette situation extrême, il semblait comprendre que la responsabilité ne nous incombait pas, sans doute connaissait-il bien M. Jouven... ?Il s’en suivit d’ailleurs des interventions lamentables du PDG Jouven dans le Figaro, puis il y eut une rencontre entre la direction PUK et le Ministre de l’Industrie, mais elle tourna court. Tout cela aboutit enfin à la reprise des négociations le 10 août, la direction ayant accepté de retirer plaintes et sanctions.

Les acquis de 1973. Trois jours durant, nous avons négocié, à la Préfecture de Pau, pour aboutir aux résultats suivants :

- 3 jours de congés payés supplémentaires ;- 40 heures hebdomadaires en octobre 1973 ;- un aménagement de l’accord d’entreprise garantissant le

reclassement et la garantie des rémunérations pour les agents reclassés suite à des maladies et accidents du travail, (le fameux article 14 de cet accord d’entreprise qui à été amplement utilisé dans tous les établissements de la société)

- un demi 13ème mois garanti ;- 1 % supplémentaire d’augmentation des salaires ;- des changements de coefficients pour différentes fonctions (ce qui

assurait des évolutions hiérarchiques dans la grille ainsi que des augmentations mensuelles des rémunérations) ;

- + 0,27 francs/heures pour la fonction de colleur d’anodes; (Une tache difficile et dangereuse)

- + 30 frs mensuels pour les femmes de ménages et 15 frs minimum pour tout le personnel non bénéficiaire des autres mesures ;

- l’emploi garanti à tout le personnel à la reprise du travail ;- l’ouverture de négociations à la mi-octobre au niveau de la

fédération des industries chimique et connexes (branche électrométallurgique de l’UIC, différente de la branche chimie). Ces négociations devaient porter sur la modernisation de la grille des classifications ;

- cette grève sera assimilée à une période de travail effectif qui n’amputera ni l’ancienneté ni les congés payés.

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Dans le protocole d’accord figurait la levée des sanctions et de la plainte assurant également qu’aucune autre sanction, pouvant découler de ce conflit, ne serait prononcée.Ce protocole d’accord fut soumis à l’approbation des grévistes le 14 août. Il fut approuvé par un vote majoritaire (moins une voix), tenez-vous bien, cette voix était celle du meneur qui avait enlevé l’ingénieur pour qui nous avions fait 21 jours de grève afin que la sanction et la plainte à son encontre soient retirées !

Le 16 août le personnel rentra dans l’usine en vue du redémarrage. Un travail énorme qui dura sept mois avant de retrouver le niveau de production initial. Au total 54 jours de grèves, il convient d’y ajouter les 6 jours du mois de mai, pour enfin espérer trouver dans cette usine une situation normale, dans le relationnel et dans la reconnaissance du travail, des efforts et des risques qui en découlaient.Le coût de cette grève s’élevait à plus de 800 millions de francs. Cette somme est approximative étant donné que des cuves ont connu une durée de vie moindre, du fait du choc thermique qu’elles avaient subi par cet arrêt et le redémarrage.Un coût qui donne une idée de l’orgueil du patronat qui s’entête à ne pas céder sous la pression comme il le clame, alors que cette pression c’est lui qui l’a créée, c’est lui qui l’a développée, c’est lui l’a entretenue et c’est lui qu la poussée à l’extrême ! Un patronnât, imbus de sa puissance de classe, de ses finances, conforté par des soutiens gouvernementaux, par celui de la police et forts de complicités en tout genre, médiatique, politique, syndicales et gauchistes   !

La première des leçons que la direction de Noguères tira de notre conflit nous permit d’obtenir la cinquième équipe pour les postés en 3 X 8 continu. Elle entraîna la création de 56 emplois supplémentaires, l’or des négociations de la mi-octobre. Il faut noter que la SNPA (futurs ELF et aujourd’hui TOTAL) avait depuis bien longtemps (en 68) obtenu la cinquième équipe et, sur certains secteurs de leur usine, la sixième aussi alors que leurs conditions de travail étaient bien meilleures qu’à Pechiney. Le personnel posté, pouvait ainsi bénéficier d’un dimanche supplémentaire par mois. En associant à leurs congés payés les récupérations de 10 jours fériés obligatoirement travaillés en 3 x 8 continus, ces agents bénéficiaient de 35 jours de repos à planifier dans l’année. Enfin, une amélioration de leur qualité de vie à défaut de l’amélioration de leurs conditions de travail, qui demeuraient pénibles et dangereuses était à mettre a l’actif de ce conflit ! Vous noterez qu’en ces années là, nous ignorions totalement la dangerosité de l’amiante qui était très largement utilisée. Les Directions et la médecine du travail, eux, la connaissaient parfaitement !

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L’après 1973 .

Par la suite, entre la CGT et la CFDT la tension est restée constante. Elle était exécrable aussi entre Force Ouvrière et la CFDT…. Quant à la CGC qui avait débuté la grève le 21 juin pour s’en retirer le 23 juin, soumise à des menace, « ce n’est pas dans votre rôle… » Leur avait dit la direction ! L’unité syndicale, le « syndicalisme rassemblé » comme on dit aujourd’hui, était impossible ! Comment pouvait-il en être autrement ? Une seule chose était envisageable, faire l’unité sur des objectifs précis proposés en assemblées générales. Encore fallait-il pouvoir s’entendre pour les convoquer. Toutes-fois avec l’information, les distributions de tracts, affichage et le bouche à bouche, nous y parvenions. L’unité syndicale a malgré tout souffert de cette division. Comme cela a pu se constater sur la durée, les conséquences négatives ont existé jusqu'à la fermeture de l’usine.Il faut dire que les directions qui se sont succédé ont su les entretenir et en tirer profit, en particulier en favorisant des coalitions syndicales ! Coalitions qui au terme du conflit auraient été impossibles à envisager avec une CGC aux ordres et un syndicat FO recrée pendant le conflit et contre le conflit. Mais avec le temps les militants CFDT-FO et CGC, élus au comité d’établissement se retrouvaient régulièrement unis pour contrer les analyses et les propositions de la CGT ! En clair, le syndicalisme rassemblé fonctionnait contre la CGT, mais jamais contre le patron   !

A l’extérieur de l’usine les conséquences ne furent pas moindre mais d’un autre ordre. Ainsi, le 26 août 1973, le journal Sud-ouest tirait, trois leçons du conflit après les 54 jours de grève, sous la plume du journaliste Joël Aubert. Relatant une réunion qui eut lieu à Bilbao le 28 juin il écrit : "La conversation balançait entre le catastrophisme et l’indignation, Noguères venait de s’arrêter. Ils avaient refusé d’assurer la sécurité, en un mot cassé l’outil de travail ; et chacun, avec des nuances dans la réprobation, s’emportait contre les casseurs de la CFDT, ces irresponsables qui fichaient en l’air d’un seul coup tous les efforts déployés pour donner au département une image de marque et attirer les industriels". Nous aurions pu nous réjouir de voir un texte qui distinguait les responsabilités de la CFDT de celles de la CGT concernant cet arrêt de l’usine, c’est du moins ce que certains pouvaient légitimement penser. Faux, pour nous, la responsabilité première incombait aux dirigeants de Péchiney. Il y eut des attitudes syndicales différentes, certes, et une conception différente du sens des responsabilités et de l’action syndicale, face à une gouvernance de notre usine, méprisante à notre égard depuis le démarrage de l’usine, une gouvernance qui n’avait jamais digéré Mai 1968. Mais, cet article du journal Sud-Ouest avait pour objectif d’ancrer cette division au niveau des acteurs de ce conflit, pour qu’elle soir durable !Si des conséquences extérieures peuvent dépendre de ce type de conflit, ce n’est certainement pas la faute des travailleurs si « l’image de marque » d’un département venait à en pâtir ! Je crois que nous avons

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avec Pechiney, l’exemple de l’industriel qui vient se gaver de richesse au détriment de l’intérêt du département et des travailleurs et des populations qui furent tous considérés comme des « paysans » au sens péjoratif du terme !

Si des blocages patronaux et autres actions en justice nous, conduisent à manifester hors de nos établissements pour sensibiliser l’opinion publique, les médias et les pouvoirs publics, la CGT organise toujours un service d’ordre, ce qui n’exclue pas que l’on puisse infiltrer dans nos manifestations des casseurs ! Qui donc les infiltre ? Qui donc a envoyé cette horde de gauchistes, avec quelle mission, qui les finançait, qui à embauché cet individu muni d’une carte tricolore qui est allé à Paris en mais 68, qui enlevait cet ingénieur en 1973, qui lançait une grève dans un service de l’usine sans mandat syndical, qui dinait le soir même en tête à tète avec le chef de ce service…. ? Et j’en passe !!! Il est donc nécessaire que la part des responsabilités soit clairement établie. Mais il ne faut pas compter sur l’ensemble des médias pour cela ! Par contre, je crois pouvoir dire que l’opinion publique a su distinguer les responsabilités patronales de celles des syndicats, en ne nous accablant pas et en nous aidant financièrement et matériellement à supporter les conséquence de ce conflit.

Une trentaine d’années après ce conflit, dans son livre mémoire le leadeur CFDT écrit : "Voila les acquis de cette grève. Et ceux qui, facilement ou tactiquement, déclarèrent les résultats médiocres souhaitaient minimiser la portée du conflit ainsi que son efficacité. Pour une grande part, ils ont subit ce mouvement tout à fait démocratique. Ils ne l’ont pas maîtrisé ni dirigé."…En écrivant cela, il ne pouvait résister, à jeter, encore un discrédit sur la CGT sans la citer. Forcement il pensait à la CGT, j’affirme que nous n’avons trouvé aucun de ces acquis médiocres, nous les avons toujours qualifiés d’importants. En ajoutant : "ils ne l’ont pas maîtrisé ni dirigé", il oriente encore son agressivité vers la CGT, Il a la mémoire courte le garçon, ne pas se souvenir de mai 68 et cette fameuse nuit où ils ne voulaient pas occuper l’usine de peur que nous la livrions aux communistes. Concernant l’épisode de l’essai de redémarrage des cuves, il dirigeait quoi lui ? Il fut mis devant un fait accompli par ces propres camarades, devant la direction et devant notre délégation. Nous aurions subit un mouvement tout à fait démocratique dit-il ! Laisser voter des gauchistes, nous empêcher de nous exprimer et de faire des propositions dans des AG, faire suivre nos militants, monter des coups fumants en pleine nuits, participer à des coups montés avec des cadres Etc. Bref, il a perdu une belle occasion de se taire ! Chassez le naturel anti-cégétiste et il revient au galop et s’il faut affabuler qu’à cela ne tienne, ils affabulent.

Un tel conflit et tous les commentaires qui l’ont entouré, m'ont ouvert l’esprit sur bien des aspects de notre société, tant sur le plan social, que sur le plan économique et politique. J’ai mal vécu les amalgames que l’on faisait entre le PCF et la CGT alors que les communistes, au delà d’un soutien tout à fait légitime, sont

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demeurés constamment à l’écart des décisions et des responsabilités syndicales qu’assumait la CGT. 

Le programme commun avait ouvert un espoir aux ouvriers, celui d’une plus grande justice sociale et celui d’être enfin respecté. Malgré cela, nous constations que ce programme ne soulevait pas l’enthousiasme des militants CFDT ! Avaient-ils pour mission de nous pousser à la faute, aidés en cela par l’apport des gauchistes ? Pour moi ça ne fait aucun doute. L’attitude du syndicat CFDT avait brutalement changé, surtout après cette nuit du 22 juin où ils restèrent à Paris plutôt que de prendre immédiatement le chemin du retour.Ce programme commun faisait craindre dans le camp du patronat, y compris dans les rangs du PS qui l’avait signé sous la contrainte de la rue. Fallait-il saisir toutes les occasions pour s’en débarrasser ? Un soulèvement unitaire comme celui de Noguères, après ceux de Renault, du Joint Français, de Lip et d’autres qui suivraient, devait les terroriser ! La CFDT fut donc mobilisée pour enrayer cette montée du soulèvement.Certes aujourd’hui avec le recul et tout ce qui c’est produit devient plus clair, en tout cas je dirais que je suis convaincu qu’il en est ainsi.

L’année 1973 fut aussi celle du  choc pétrolier ! Un choc pétrolier qui n’avait rien de fatal mais qui servait à instaurer l’austérité sociale, ponctué par les fameux changements d’horaires du printemps et de l’automne, (toujours d'actualité), la dette publique qui débuta cette même année ! S’il ne s’était agit que de changements d’horaires, cela n'aurait pas été bien grave. Par contre, les conséquences sociales furent bien plus douloureuses : pertes du pouvoir d’achat, montée du chômage, avantages sociaux en diminution et cela aussi continue ! La sécurité sociale les retraites le droit social, tout y passe ! Avec qui comme complice ?

Comme j’ai pu le lire depuis, le groupe  Bidelberg, constitué des 25 pays dominants, réunit chaque années les responsables économiques et les grands détenteurs de richesses avec l'objectif suivant : gouverner le monde au travers du G7 (le G8 puis le G 20 actuellement), instaurer l’austérité sociale, avec en appui le choc pétrolier, les crises financières à répétitions, la dette… Etc.

Coordonner l’activité syndicale CGT dans les grands groupes, une nécessité.

En 1967 j’avais participé à une rencontre qui rassemblait tous les syndicats CGT de notre société, cette rencontre à l’initiative de notre fédération, se tenait en « congés statutaires », c'est-à-dire non rémunérée, rayés des effectifs de l’entreprise durant la durée de cette absence. Ainsi était le droit syndical avant Mai 68 ! Le déplacement à nos frais, plus une petite indemnité que nous versait notre fédération pout le salaire. Bref, cette rencontre sur une semaine nous a permis de faire un

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constat, l’absence de tout moyens de coordinations entre nos syndicats et surtout constater que nous présentions des revendications parfois en oppositions totales d’une usine à l’autre sur un même problème, était un énorme handicap dont profitaient les employeurs !

Depuis cette rencontre nous avions conscience qu’une coordination entre tous les syndicats CGT de notre société devenait de plus en plus indispensable et le conflit de 1973 n’a fait que renforcer cette nécessité, nous avons donc œuvré pour y parvenir.A Noguères, grâce au conflit nous disposions d’un collectif de militants très soudé, très fraternel, avec un soutient indéfectible des adhérents, les plus « fragiles » avaient succombés aux charmes des gauchistes et à leurs affabulations. A quelques éléments prés, nos adhérents étaient aussi nombreux que les voix que nous obtenions aux élections professionnelles. Lors du congrès qui suivit nous avons réorganisé ce collectif et renforcé notre commission exécutive. Nous avons entrepris de parvenir à constituer un comité de coordination des syndicat des usines de la société Aluminium Pechiney qui se composait de quinze établissements intégrant 2 mines de Bauxite, 2 usines d’alumine et 11 usines d’électrolyse. Ce comité de coordination s’avérait indispensable pour que notre activité syndicale soit au plus près des salariés de notre société et la plus efficace possible. La FNIC, qui recouvre une forêt d’activités chimiques, ne pouvait plus remplir avec la même efficacité, la fonction de proximité qu’un comité de coordination était à même d’assurer. Coordonner des revendications spécifiques à une activité commune, en y associant des actions parfois nécessaires, génère un outil syndical efficace. Si un tel comité avait pu exister dans les années 60, il y a fort à penser que ce conflit de 1973 aurait pu être évité, car le rapport des forces aurait été très différent.Au moins aurions-nous pu éviter que cette paritaire ait lieu un 21 juin, éviter aussi que ces négociations concernent toute les usine, ainsi que notre isolement en période de congés. Sur le moment notre fédération était assez réticente à créer ce comité de coordination.… OUI, bien sur, il se trouve toujours quelques camarades qui prennent goût à ne plus mettre les mains dans le cambouis et qui ont peur que leur fonctions de permanents soient remises en cause.

En 1977 ce comité de coordination se réunissait pour la première fois durant toute une semaine, avec pour objectif de mieux nous connaitre, de parler le même langage, de faire un audit des différents postes de travail, en étant attentif à leurs concordances, aux différentes conditions de travail, de rémunérations et de classement, mais aussi et surtout de comparer l’état de nos outils de travail. Qu’elles technologies et qu’elles générations de cuves d’électrolyse étaient en services et quels espoirs d’avenir pouvions nous avoir. Il fallait pour cela que nos rencontres puissent se faire sur des périodes assez longues pour nous permettre d’assurer l’intense travail que cela représentait. Cependant, sans droit à

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la formation syndicale, les salaires et les déplacements restaient à notre charge, il fallait donc que nous trouvions les moyens financiers et que nous obtenions les prises en charge. Durant cette première session nous avons travaillé 10 à 110 heure par jours.Nous avons fait un travail considérable qui nous a permis de présenter à nos directions un cahier de revendications identiques à toutes les usines.

Au bout de deux années d’efforts, où le bénévolat prenait une large place, nous sommes parvenus à faire un état de lieux inquiétant ! Tandis qu’a la société Aluminium Pechiney nous étions parvenus à mettre au point une génération de cuves de la technologie des précuites d’une capacité de 175 000 ampères, que le groupe PUK s’empressait de vendre aux producteurs mondiaux, tandis que les cuves de la technologie Soderberg frisaient l’obsolescence , que les anciennes générations de cuves « précuites »de 55 000 et 90 000 ampères étaient largement dépassées, ce qui mettait en danger l’avenir de nos usines en France.  Les salariés de toutes les usines avaient largement contribué à ces progrès technologiques, malgré cela Péchiney n’était pas le dernier à externaliser sa production pour augmenter les profits financiers. Certains pays leur offraient des avantages sur la tarification de l’énergie ainsi que sur les matières premières.

Telles furent les conclusions de notre comité de coordination, renforcées par le fait qu’en augmentant les capacités mondiales de la production d’aluminium la consommation n’augmentait pas pour autant dans les mêmes proportions. Une menace de mort planait donc sur plusieurs de nos usines ! Immédiatement, avec l’aide de notre fédération syndicale et d’un cabinet d’études industrielles et économiques nous avons établit un projet de modernisation des usines les plus menacée que nous avons présenté à la direction société.Je crois pouvoir dire que sans le conflit de Noguères en 1973 et avant lui, sans celui de Mai 68, nous ne serions pas parvenus à un tel résultat, du moins dans une seule décennie. Qui plus est, seul le syndicat CGT était en mesure de faire des propositions industrielles et économiques dans l’intérêt du pays et des emplois.

A Noguères, les relations avec la hiérarchie s’étaient sensiblement améliorées bien que, malgré nos efforts, les divisions syndicales persistaient. J’attribuerais, pour ma part, le mérite de cette amélioration des relations hiérarchiques à cette nouvelle direction qui a su tirer les enseignements de la période qui précéda leur arrivée à Noguères et du conflit lui-même. Il lui avait fallu « décrocher » des directives que j’appellerais « Nationales à tendance coloniales » qui s’étaient imposées depuis le démarrage de notre usine. Mais, « chut » elle ne nous là jamais avoué. Cette équipe de direction resta donc 8 années à Noguères. J’attribue par contre le maintien des divisions syndicales au fait que la CFDT ne parvenait pas à se situer dans une perspective d’avenir cohérente sur

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l’ensemble des usines de la société et du groupe, alors elle « cassait » la CGT là où elle le pouvait.

Cette unité des syndicat CGT était enfin atteinte, elle faisait de notre organisation, implantée dans toutes les usines, un interlocuteur de poids dans la société Aluminium Péchiney ainsi que dans le groupe PUK. Le fait de présenter un projet de modernisation de plusieurs usines, avec une volonté affirmée de préserver une filière allant du minerai de Bauxite aux produits finis dans l’industrie de l’aluminium et de préserver ainsi une indépendance nationale dans des secteurs clef de nos industries qui utilisaient largement les alliages d’aluminium. C’était la meilleure réponse que nous pouvions apporter aux inquiétudes du PDG Jouven. Du moins concernant les « inquiétudes avouables » pas celle de la recherche des « profits financiers » qui prenaient de l’ampleur, au détriment de l’intérêt national et de l’emploi, ce qui le poussait vers d’autres cieux ! Pour cela la CGT devenait encore un danger, encore plus important en devenant une force de proposition !.

. Le "programme commun" de la gauche venait d'être abandonné dans ce moment d’espoir en vue d’obtenir ces modernisations dans le cadre des nationalisations qu’il incluait.Je n’aurais pas la prétention de dire qu’il pouvait y avoir un lien entre ces deux faits. Mais je note que, coïncidences ou pas la CGT construisait son siégé de Montreuil que le président Giscard d’Estaing avait tenté de rendre irréalisable !

Un espoir est né.

Aux élections présidentielles de 1981 le candidat François Mitterrand fut élu président de la république sur la base des 110 propositions qu’il avait faites durant la campagne électorale, pour la plupart elles étaient inscrites dans le programme commun de la gauche… qu’il avait dénoncé en 1978 ! On pouvait donc se poser la question suivante : pourquoi l’avoir rompu ? Peut-on dire que François Mitterrand voulait bien profiter des effets positifs du programme commun sur un électorat de gauche sans avoir à le partager au niveau du pouvoir avec le PCF ! Dénoncer ce programme commun, au terme d’un septennat des plus négatifs, celui de Giscard d’Estaing, pour se présenter aux présidentielles au nom du PS, devait lui permettre d’être élu. Il savait pouvoir compter sur un PCF qui ferait le choix du  moindre mal. Telle est mon idée sur cette question. Quoiqu’il en fût de sa stratégie, son élection souleva un grand espoir dans le monde ouvrier.

Quelques semaines après cette élection, nous avions une session de coordination où cet espoir était perceptible sur bon nombre de militants CGT. Espoirs, en termes de nationalisations, de modernisation,

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d'aboutissement des plus importantes revendications, notamment en matière de retraites à 60 ans et 55 ans pour les travaux pénibles et insalubres où notre industrie était en « bonne place », concernant le pouvoir d’achat aussi, car, les biens fait de Mai 68 avaient fondu comme neige au soleil en quelques années ! Tout cela ressortait de chacune des interventions des camarades participants à cette session de coordination, l’optimisme y était même un peu trop débordant, mais il était le reflet de l’espoir des travailleurs ! Certes entre 1973 et 1981 nos actions furent nombreuses sur toute ces revendications, à l’appel de la CGT, y compris à Noguères.

En décembre 1981 le groupe PUK fut l’un des grands groupes industriel à être nationalisé, il reçu une dotation de 7 milliards de francs et Mr. Georges BESSE en fut désigné le PDG.

La 5ème semaine de congés payés, 39 heures hebdomadaires et la retraite à 60 ans furent accordées. Toutes nos luttes étaient enfin récompensées, mais il restait des ombres au tableau : la réduction du temps de travail non compensée (la réaction ouvrière fut immédiate), la retraite à 60 ans était en fait une fausse retraite car elle ne portait que sur le régime général - pour que le régime complémentaire y soit joint il fallait trouver un moyen de financement, ce qui fut fait mais limité dans le temps.Des conseils d’administration, avec représentation des salariés par des militants élus, furent mis en place. Allions-nous vers une gestion démocratique des entreprises nationales ? Ils furent crées dans chacune des sociétés du groupe PUK, en plus du conseil d’administration groupe qui existait auparavant. Un de nos camarades d’une usine Ariégeoise, Robert Dupont, secrétaire de notre comité de coordination, fut élu au conseil d’administration de la société Aluminium Pechiney et ce comité me désigna pour le remplacer au poste de secrétaire du comité de coordination.

Au niveau de la FNIC-CGT (Fédération Nationale des Industries Chimiques), nous étions le premier comité de coordination à voir le jour en 1977. Son efficacité et son utilité entraînaient notre fédé à en créer plusieurs dans d’autres groupes industriels de cette branche chimique.

Pechiney présente un projet de modernisation de l’usine de Noguères.

Ce projet nous fut présenté avec plan et maquette. Il s’agissait là d’une décision importante que méritaient bien les salariés de Noguères. Ce pouvait être aussi une manœuvre afin de détourner notre attention sur ce qui allait réellement se passer ! Mais sur le moment nous y avons cru fermement.

Dans le courant de cette même année, Péchiney avait bien tenté une manœuvre en vue de nous détourner de notre projet de modernisation, en

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proposant une variante de la technologie des Soderberg, que le groupe Japonais Sumitomo avait réalisé sur le même type de cuves. L’investissement paraissait assez lourd, en comparaison au projet de modernisation et les avantages qui en découlaient grâce à la technologie des précuites nouvelle génération. De plus, ce projet Sumitomo présentait un aspect technique curieux et incertain, idem sur le plan économique et surtout sans qu’il puisse apporter de meilleures conditions de travail. Nous étions forcément très sceptiques à la CGT, s’agissait-il d’une manœuvre du nouveau PDG Georges Besse tout droit venu du CNPF ? En tous cas nous maintenions notre projet de modernisation.

La CFDT, qui n’était pas porteuse d’un projet de modernisation, manifesta immédiatement un intérêt pour ce projet Sumitomo, un intérêt qui dissimulait bien mal son envie de s’opposer au projet de modernisation présenté par les syndicats CGT !

La Direction sauta sur l’occasion. Pour appuyer cette position plutôt favorable de la CFDT, elle proposa en C.E. d’envoyer au Japon l’un des adhérents CFDT qui était « chef d’équipe «  dans un Hall d’électrolyse. Envoyer un seul individu sur plusieurs semaines, se rendre compte des intérêts, et des avantages ou des inconvénients que ce projet pouvait présenter,. C’est du jamais vu, c’est de l’impensable, cela sentait la manip à plein nez !En toute logique la direction aurait du y envoyer une délégation composée d’un membre de chacune des organisations avec un ingénieur du service électrolyse, si tant est que cette démarche pouvait avoir une raison d’être. Le choix de ce membre du syndicat CFDT, qui n’était pas membre du C.E. , mais bien connu par ailleurs pour être un anti-cégétiste et par son coté arriviste, ce qui était révélateur de l’objectif que poursuivait la direction, isoler le syndicat CGT et son projet de modernisation !A son retour, ce « missionnaire »  fit son rapport en réunion du C.E., son maître mot fut de nous dire en conclusion, qui se voulait technique et surtout en fixant bien du regard les élus CGT (pas la direction) : " alors oui j’y crois à ce projet Sumitomo".   ! Voila, mission accomplie. Quelques cuves d’électrolyse furent même modifiées sur cette méthode Sumitomo, une dépense inutile au sens de son intérêt financier et technique, avant de tomber rapidement à l’eau Le véritable but était ailleurs, la tension entre la CFDT et la CGT serait ainsi maintenue en prévision, sans doute du pire ! 

L’externalisation du groupe PUK se poursuit….

Tandis que la « casse industrielle » s’engage dans la société Aluminium Pechiney !!!

Le Président de la République François Mitterrand, le premier Ministre Pierre Mauroy et le PDG de PUK Georges Besse, se sont rendus au

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Canada. Nous étions en droit de nous méfier de cette "sortie" subite au Canada  et nous avions bien raison ! Ils signent un projet de construction d’une unité de production d’aluminium équipée de la technologie des précuites de 175 000 ampères. Cette nouvelle unité de production d’aluminium devait être construite à Béthencourt dans le Nord. L’espoir de moderniser nos usines en France et pour ce qui nous concernait celle de Noguères, diminuait de jour en jour…Pouvait-on construire au Canada et moderniser en France ? Le gouvernement avait subventionné PUK à hauteur de 7 milliards de francs, il l’avait nationalisé, pourquoi, et pour qui ? Etait-ce pour continuer ses implantations à l’étranger alors que la France s’enfonçait dans l’austérité et que le chômage progressait ? Ou bien était-ce pour augmenter la production en France, y garantir et y développer l’emploi ? Ce revirement dans la politique annoncée qui avait semblé s’engager, en a surpris plus d’un !En fait, je considère qu’il ne peut pas y avoir d’autres explications ! Déjà, un gouvernement de gauche, qui nationalise un grand groupe fleuron de l’industrie Française, qui le nationalise, qui le dote financièrement et qui place à sa tête un cadre du CNPF, c’est plutôt louche de chez louche !

Nos craintes se sont rapidement vérifiées…PUK annonce dans la foulée des « restructurations  industrielles » ! Entendez par là, des fermetures d’usines !Curieux tout de même les coïncidences de la vie, au moment où j’écris ces lignes j’apprends le décès de Pierre Mauroy, je pense qu’il va être gratifié d’avoir été un grand et dévoué socialiste, moi j’en juge autrement.

Nous avions donc des camarades élus dans les conseils d’administrations et nous apprenions les « décisions » des PDG la veille des réunions des C.A. par la presse économique ! Ainsi apprenions-nous la fermeture de plusieurs usines PUK en France, en même temps que les administrateurs CGT ! La loi est respectée dans le cadre d’une démocratie toute patronale.Dans notre société, les usines de La Praz et de La Saussaz allaient être fermées ainsi que les cuves d’électrolyses de technologie Soderberg, des usines de Sabart en Ariége, de St Jean de Maurienne et de Lannemezan.L’avenir de l’usine de Noguères allait-il passer d’un projet de modernisation à un projet de fermeture ? La question restait posée, mais pour nous CGT, l’arrêt de Noguères était bien dans le dossier de la casse industrielle !

Pour couper court à notre analyse, la direction de la société décidait de muter sur Noguères une trentaine de salariés de l’usine de Lannemezan après les avoir convaincus que Noguères serait l’usine modernisée.Sur St Jean de Maurienne, on nous annonçait la construction d'une série de cuves précuites de 175 000 ampères, un investissement nécessaire

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pour servir de vitrine à l’exportation de notre technologie, la première au monde. Ce n’est pas la mutation sur Noguères d'une trentaine de salariés de Lannemezan, qui croyaient eux dur comme fer que Noguères serait modernisée, qui allait nous en convaincre. Nous avions fait la triste expérience de la confiance que nous pouvions avoir dans le patronat de PUK. Certes ces manœuvres semblaient suffire pour rassurer les autres organisations syndicales, je dirais même qu’il suffisait que nous disions une chose pour qu’elles en clament le contraire, surtout la CFDT.

En comité d’établissement nous mettions en garde la nouvelle direction, (qui venait d’être nommée, encore une), le dossier de  modernisation de Noguères passait-il au panier ? Allions-nous vers la fermeture de notre usine ? Si ces quelques mutations avaient pour objectif de nous rassurer, la pilule serait d’autant plus dure à avaler et certainement pas glorieuse pour Pechiney !

Construire Béthencourt, construire cette « vitrine » à St Jean de Maurienne et moderniser Noguères, devrait se justifier aussi par un accroissement de la consommation mondiale d’aluminium, ce qui en cette période d'austérité ne paraissait pas évident, d’ailleurs des projets d’arrêts conjoncturels de productions commençaient à circuler.Notre analyse n’était malheureusement pas partagée par la CFDT, pas davantage par FO, la CGC paraissant plus réservée, mais soumise.

Il était malgré tout difficile de faire partager notre avis à l'ensemble du personnel de Noguères. Ces « mutations » de salariés de Lannemezan, l’apparition des FNE à l’âge de 56 ans et deux mois pour des salariés épuisés par les 3 x 8 continu et des conditions de travail inhumaines, d’autant plus que des FNE, dit de solidarité, s’appliquaient au personnel de Noguères pour libérer des emplois de reclassement du personnel des usines fermées, tout cela jetait une confusion dans les têtes , des plus âgés qui espéraient partir en FNE et des plus jeunes qui eux espéraient la modernisation. Il faut bien noter que Pechiney avait embauché entre 1959 et 1960 un personnel jeune, âgés de 23 à 30 ans, ce qui plaçait une grand majorité d’entre nous en possibilité de bénéficier d’un FNE !

La casse se poursuivit donc dans la société Aluminium Pechiney, les mines de Bauxite de Mèze, furent fermées. Ces gisements de Bauxite étaient loin d'être épuisés, les taux de rentabilité étaient-ils trop faibles ? Peu importe, l’exploitation de ce gisement était trop couteuse disaient-ils !Comme les comptabilités analytiques et les comptes d’exploitation étaient établis au niveau société, il était difficile de réfuter de tels arguments sans faire appel au droit d’alerte !

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Ce fut ensuite au tour de l’usine de L'Argentière la Béssée de venir allonger la liste des casses industrielles. Cela se passait sans trop de grabuge, pourquoi ne pas en profiter, avaient-ils du penser. Et puis, casser toutes ces usines avec un gouvernement de gauche au pouvoir, quelle aubaineCette usine était pourtant parfaitement rentable, mais elle avait le tort d'être polluante et située en zone touristique et de sports d’hiver. Nous nous trouvions dans une phase dramatique et scandaleuse, favorisée par un laxisme gouvernemental. Le PDG, Georges Besse était un ultra libéral pur jus qui a eu tôt fait de se rendre compte qu’il pouvait compter sur ce gouvernement… de gauche !Casser en France toutes les usines plus ou mois anciennes et plus ou moins rentables, aller s’implanter au Canada, se développer en Australie et ailleurs… tout en étant financé par le contribuable, après avoir été nationalisées, une occasion historique à ne pas manquer !

Notons au passage que les quelques communistes qui furent inclus dans ce gouvernement, (où ils ne pouvaient faire, ni la pluie, ni le beau temps, le programme commun ayant été rangé aux oubliettes), ont fait le choix d’ouvrir le parapluie, de rester bien au chaud dans ce gouvernement, solidarité oblige, imités par les confédérations syndicales qui laissait leurs administrateurs dans le C.A. !! Y compris la notre ! ! Un dangereux glissement sur la pente de la compromission  s’ouvrait ainsi !

Dans cette usine de l’Argentière le comportement du syndicat CFDT majoritaire, fit craindre le pire ! En effet, son représentant élu au C.C.E.  déclara  en réunion plénière: "qu’il était prêt à revenir avec des armes pour liquider les patrons s’ils ne remettaient pas en cause leur décision de fermeture de l’usine de l’Argentière…etc." !!! A la réunion suivante…il remerciait ces mêmes patrons pour le plan social qu’ils allaient mettre en application ! En fait, c'est plutôt le personnel de cette usine qui fut frappé dans le dos, tandis que cet élu et un de ses camarades, également militant CFDT, bénéficiaient de reconversions personnelles tout à fait alléchantes ! En effet, pour lui un Bowling de 4 millions de franc et pour son collègue l’hôtel de la gare de 2,2 millions de francs ! Pechiney a toujours su reconnaître les gens dignes d’intérêts  et l’usine fut fermée !

La mise en place des PSE, avec une dérogation à 55 ans pour les FNE et ces « arrangements  individuels » n’étaient pas fait pour favoriser les luttes, encore moins pour qu’elles soient unitaires.

Pour les autres membres du personnel de L'Argentière, l’usine de Noguères fut déclarée usine d’accueil. Une fois de plus cette annonce visait à rassurer le personnel de Noguères, à discréditer notre analyse et nos mises en garde. L’intérêt pour les salariés de l’Argentière qui accepteraient de s’expatrier à plus de 800 kilomètres serait de s’assurer une fin de carrière dans une usine modernisée, ce qui était alléchant pour ceux qui acceptaient la mobilité.

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Pour détourner l’attention de cette honteuse stratégie patronale, une rumeur circulait : les agents mutés de l’Argentière seraient en majorité des Marocains ayant de nombreux enfants à charge, ce qui aurait pour avantage de les rapprocher de leur pays.En tout cas cette « rumeur » inquiéta le secrétaire du CE de Noguères, (militant CFDT) ils y voyaient un risque, celui de voir le budget des œuvres sociales fondre avec ces familles nombreuses ! Il s’empressa donc de faire une « réserve » sur ce projet de mutations de Marocains surchargés de familles !!!  Ben voyons, de fin limiers à la CFDT, on ne la leur fait pas à eux ! Mais ils n’ont pas su voir qu’il s’agissait d’accentuer les divisions avec le syndicat CGT qui persistait à dire que nous allions tout droit à la casse !

Le « Plan de la Casse Industrielle » de la société Aluminium Pechiney ne s’arrêta pas en si bon chemin !Tout le plan de casse semblait avoir été planifié par le PDG Georges Besse chez PUK, le gouvernement décida donc de l’affecter chez Renault, allait-il y poursuivre son œuvre  ? Quelques temps après M. Besse fut assassiné, était-ce au titre du « symbole de la casse industrielle » ? En tout cas, cela n’empêcha pas ses successeurs à la tête de Péchiney de continuer son « œuvre » !

Ce fut alors au tour des mines de Bauxite des Baux de Provence, d’être livré aux casseurs ! Le site était à Brignoles dans le Var.Malgré des études du BRGM qui démontraient que d’importants gisements de Bauxite étaient encore exploitables, malgré la luttes des mineurs, soutenue par toutes les usines encore valides et notamment celles de Gardanne et de La Barrasse, qui traitait la Bauxite, ces gisements furent abandonnés !

Notre comité de coordination avait adhéré à un cabinet d’études et d’expertise économique et industrielle, agrée par l’Etat, afin d’être aidés à mieux comprendre l'évolution économique mondiale et les conséquences pour la France de ces fermetures d’usines et du démantèlement de la filière Aluminium. Nos arguments étaient forts et incontournables, mais ils se heurtaient à une direction déterminée et à un gouvernement qui demeurait sourd, complice et consentant !Nous étions de plus en plus convaincus que le projet de modernisation de notre usine de Noguères était abandonné et que chaque jour qui passait nous rapprochait de cette terrible annonce, celle de la fermeture  de notre usine !

Nous en étions venus à croire que ce désastreux projet de fermeture était préparé sournoisement, sans jamais l’invoquer, encore moins l’annoncer ! Un projet infamant envers le personnel de Noguères et ceux qui acceptaient d’y être mutés avec l’espoir d’y terminer leur carrière. Cette ignominieuse décision de fermeture que nous soupçonnions, avait-elle commencé par cette fallacieuse annonce de sa modernisation ?

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Nous en étions venus à croire que l’on manœuvrait tout le personnel de toutes les usines en utilisant Noguères, pour réussir le plan de casse d’un ensemble industriel ! Et ATTENTION ! Le faire : sous un gouvernement qui se disait de gauche, avec par-dessus le marché, des ministres communistes inclus dans ce gouvernement, quel chalenge pour ce patronat ! Mais qu’elle honte pour ce gouvernement de gauche, avec son label communiste, de laisser ce patronat agir avec tant de sadisme !Se venger de Noguères, qui avait occupé l’usine en 1968 et fait 60 jours de grèves en 1973 soit, mais fermer les autres usines en faisant croire à leurs salariés que Noguères serait modernisée, en vue de créer une division au sein de l’unité syndicale CGT, pourquoi s’en seraient-ils privé ? Bien que ce ne soit pas glorieux pour eux, mais ils s’en tapent. Le faire, au moment où l’esprit de lutte des classes s’affaiblissait depuis l’élection présidentielle et que le taux de syndicalisation chutait, une occasion à ne pas manquer pour ce patronat. Mais quelle honte pour l’avoir laissé faire et être restés dans ce gouvernement  en se disant communiste.En fin de compte liquider Noguères au terme des 30 années du contrat énergétique, tout en se vengeant de cette « exception régionale » qui n’a jamais accepté la soumission, quelle aubaine, contrat remplit ! J’ai souvenir d’une réunion de notre comité de coordination à notre fédération chimie ou participait toujours un secrétaire fédéral, dans notre débat nous condamnions cette casse industrielle, nous restions porteurs du projet CGT de modernisation que nous avions établit quelques années auparavant, ce secrétaires nous disait qu’il nous fallait admettre que certaines de nos usines étaient obsolètes ! Obsolètes peut-être si on se place sur des critères de rentabilité maximales, mais rentables encore elles l’étaient, modernisables aussi !Non, pour ce secrétaire fédéral il fallait les abandonner ! Je garde en mémoire la réaction de notre camarade de La Maurienne Paul Gisante, sa réaction vive et amplement justifiée nous à fait craindre que ce secrétaire fédéral a manqué de peu d’y perdre ces dents. Dans une autre session de coordination, j’ai proposé que l’on retire le mandat à nos camarades administrateurs élus dans les conseils d’administrations où ils n’étaient présents que pour le décor ! Non, ces camarades ramenaient de l’argent et nous avions nos instances sur le dos pour avoir eu cette idée ! C’est ainsi que la « lutte des places » commençait à prendre le dessus sur la « lutte des classes » ! Certes le taux de syndicalisation avait brutalement chuté après 1981. Certes nous avions le financement de Montreuil sur le dos. Certes sous la présidence de Giscard d’Estaing ce projet avait été stoppé et son coût avait je crois doublé, mais fallait-il que nous nous enfoncions dans la compromission ou réduire notre voilure pour rester ce que nous devons être, un syndicat libre, indépendant et de lutte de classes ? Je n’aime pas balayer devant la porte des autres sans avoir balayé devant la notre.

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Par ma fonction de secrétaire du comité de coordination, j’étais appelé à participer à des réunions dans ces usines en lutte avec d’autres camarades militants, le délégué syndical central, Mariano Hijar et le secrétaire du C.C.E. Ensemble nous allions au contact de ceux qui vivaient au quotidien les conséquences des fermetures. Nous avons pu voir les déceptions et l’incompréhension des militants et des ouvriers qui généralement y travaillaient de pères en fils. Je ne pardonnais pas à ceux qui, pour les intérêts personnels ou politiques, se sont engagés sur la pente de la compromission et je n’étais pas au bout de mes peines !

Une usine des plus performantes celle de La Barrasse, fut à son tour promise à la casse en raison de sa position géographique. En effet, enclavée dans la ville de Marseille, les terrains qu'elle occupait avaient un prix supérieur à la valeur de l’usine, peu importe donc le personnel et leurs familles, seul le fric comptait, on liquide, on casse ! Peut-importe aussi l’intérêt national, la France allait manquer d’alumine technique !Les responsables de Pechiney  veillaient, du moins le disaient-ils, à ne licencier personne. En fait, tous les départs en FNE se faisaient sur la base d’un licenciement économique, sans la contrainte de pointer au chômage ! Il n’en demeurait pas moins qu’il s’agissait de suppressions d’emplois. Mais il s’agissait aussi des licenciements indirects des emplois de la sous-traitance sur une base de, 3 emplois indirects pour 1 emploi direct !Les licenciements touchaient donc principalement les entreprises de la sous-traitance. Plusieurs études nous permirent de mieux connaître le nombre d’emplois induits et entraînés : il se situait entre 2,5 et 3,5 emplois induits pour un emploi direct. Qu'allaient donc devenir tous ces salariés qui n’étaient pas concernés par les PSE ?

N’a-t-on pas vu se multiplier la sous-traitance depuis le début de ces casses industrielles ?Il est simple d’en comprendre les motifs : moins de personnes concernées par les PSE, moins de licenciements, moins de reclassements ! Pechiney nous rétorquait que toutes les tâches qui étaient sous traitées ne relevaient pas du métier d’électrolyse d’aluminium ?

Les reclassements du personnel Pechiney étaient sélectifs  ainsi les dirigeants de l’usine de Gardanne n’acceptaient pas que des militants CGT de La Barrasse soit réaffectés dans leur usine ! Pour être entendus, nos camarades furent dans l'obligation d’occuper l’entrée de l’usine de Gardanne, barricadés dans une caravane, sous la protection des salariés ! Il n’existait pas de syndicat CFDT sur l’usine de Gardanne, mais, il y avait un leadeur FO, ancien responsable d’un syndicat autonome, qui voyait d’un mauvais œil cette intrusion de militants CGT venant de La Barrasse.

Des arrêts de production, dits « conjoncturels » ont vus le jour !

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Ainsi, des cuves furent mises à l'arrêt à Noguères en vue de les redémarrer par la suite si la conjoncture du marché de l’aluminium venait à s’améliorer ! Ce marché de l’aluminium est spéculatif, il peut fluctuer selon les variations des stocks déclarés par les producteurs et les négociants, ainsi le prix de la tonne d’aluminium cotée au LME à Londres variait constamment. D’énormes stocks d’aluminium étaient ainsi déclarés où dissimulés voguant d’un continent à l’autre sur des navires, sans qu’il soit possible d’en vérifier l’existence ! Ainsi pouvait-on déclarer une sur production mondiale où pas, acheter du métal à bas prix dans des pays émergeants où en vendre à pris élevés, mettre aussi en pratique des arrêts conjoncturels pour entretenir l’inquiétude des salariés et préparer l’opinion publique aux casses industrielles dans divers secteurs ou se trouvaient les usines de production !

Notons au passage qu’avant 1973, Pechiney disait que l’on ne pouvait pas faire grève dans nos usines sous peine de ne pas pouvoir redémarrer les cuves ! Depuis cette grève de Noguères cet argument était tombé à l’eau et cet ainsi que sont peut-être nés ces arrêts conjoncturels. Bien que le coût des arrêts et celui des redémarrages nous fassent douter de leur bien fondé économique, sur le plan psychologique l’efficacité était garantie ! La « variante » d’ajustement étant toujours le personnel, avec du chômage technique et des licenciements, en premier ceux de la sous-traitance qui avait pris une ampleur considérable dans les années 70 !

S’il y avait surproduction mondiale d’aluminium, était-elle si imprévisible que ça ? Alors pourquoi donc avoir construit une nouvelle usine au Canada, augmenté la production en Australie et construit une série de cuves 175 000 à St Jean de Maurienne, pour dans la foulée arrêter et redémarrera un- demi hall d’électrolyse à Noguères, puis l’arrêter une deuxième fois et ce sera la dernière, si ce n’était pas dans le but de réussir les fermetures d’usines sans trop de casse et presser le citron jusqu’au dernier jour de production, il est difficile de mieux faire pour moins cher !

Les indicateurs économiques et les analyses politiques que nous obtenions nous permettaient de dire que Pechiney profitait du laxisme gouvernemental pour se débarrasser des unités les moins rentables, de récupérer le bénéfice à son profit par la vente des terrains, ceux de La Barrasse et de poursuivre ses projets à l'étranger ! Tout cela laissait entrevoir que la casse allait se poursuivre !Nous faisions part de nos analyse et de nos craintes à la direction en réunion de CE. Ce n’était pas la Direction qui nous répondait mais la CFDT en nous accusant de tout dramatiser ! J’entends encore ce délégué CFDT nous répondre : "vous dramatisez toujours tout, vous à la CGT" !

Nous avons utilisé tous les moyens pour arrêter ce processus de fermeture concernant Noguères. Nous sommes intervenus auprès des

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parlementaires et du gouvernement en nous appuyant sur le projet de modernisation que Pechiney avait présenté. Au delà des discours, embarrassés pour certains, optimistes pour d’autres, nous n’obtenions que des promesses. Malheureusement aucune ne furent tenue ! Sauf une, la construction d'une ligne de 400 000 volts entre le poste de Cantagril en Haute Garonne et celui d’Os-Marsillon aux abords de l’usine de Noguères. Construite tout spécialement pour moderniser notre usine dés la fin du contrat gaz , avec des Kwh en provenance de Golfech.Le cout de cette ligne s’éleva à 750 millions de francs ! Cette construction porte atteinte aujourd’hui à l’environnement, elle est gênante pour les agriculteurs. Comme nous le déclara la direction régionale de EDF, si cette ligne, construite tout spécialement pour moderniser Noguères n'est pas utilisée, "elle servira à chauffer les pattes des hirondelles".

M. Bernard Pache assura l’intérim du PDG Georges Besse. Il poursuivit la stratégie de son prédécesseur, sans jamais évoquer l’avenir de l’usine de Noguères. Comment des  responsables politiques d’opposition et les dirigeants d’une multinationale de la taille de PUK, nationalisée depuis quelques années, pouvaient-ils laisser une entreprise de  service public comme EDF construire une telle ligne en sachant qu’elle ne serait pas utilisée ? Ma réponse est la suivante : ils étaient trop heureux de pouvoir rouler dans la farine un gouvernement dit de gauche et son Président de la République, avec (peut-être) l’espoir aussi que nous ne voterions pas à nouveau pour eux  lors des prochaines échéances électorales !!! Je n’exclurais pas non plus une vengeance envers Noguères, mai 1968 et Juillet-Aout 1973 n’étant pas digérés. C’était impensable sur le moment que le patronat puisse casser une usine par vengeance, mais à y réfléchir aujourd’hui…..la question se pose !!!!

Au premier semestre 1986, des élections législatives étaient programmées. Est-ce que le gouvernement socialiste attendait le résultat de ces élections pour que la fermeture de Noguères soit annoncée sous un possible gouvernement de droite si le PS venait à perdre sa majorité ?

En tout cas l’enjeu, c’était l’avenir d’une usine avec 760 emplois directs et ses 3200 emplois induits et entrainés dans un département ou ils sont venus spolier les richesses de son sous-sol !Effectivement la droite gagna les législatives en avril 1986 et François Mitterrand nomma Jacques Chirac Premier Ministre. La « Cohabitation » s’engageait !

.La fermeture de l’usine de Noguères est annoncée le 8 juillet 1986 par M. Pache, PDG "par

intérim" .

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Ce 8 juillet un CCE était convoqué au siège, nous étions deux militants de Noguères à attendre dans le local syndical, que notre camarade Roland Lansot élu au CCE nous communique la terrible nouvelle que nous redoutions depuis 1983 !Quand il nous confirma nos craintes, nous avons pleuré, vraiment pleuré, dans nos têtes est entré la désolation. Celle, des déceptions, des désillusions et des drames, que cette annonce allait engendrer. Pour nous c’était de larmes de rage tout ce temps perdu à cause de ces organisations syndicales réformistes, irresponsables qui agissaient sur ordres.

Peut-être avions nous en nous un espoir secret, celui de nous être trompés, avions nous l’espoir que nos patrons ne seraient pas aussi machiavéliques que nous le pensions et qu’ils respecteraient les promesses faites, au moins vis à vis des mutés à qui on avait fait croire que Noguères serait modernisée, c’était des ouvriers, des employés administratifs, des agents de maîtrise et des cadres ! Peut-être aussi par respect pour ce département, cette région, ce complexe industriel de Lacq et cette ville de Mourenx construite tout exprès…. pour en avoir aussi retiré d’énormes profits financiers et en avoir soustrait des terres aux agriculteurs ! Enfin, pour cette ligne de très haute tension construite pour cette modernisation. Bref, si tout cela n’avait aucune valeur pour ce patronat et ce gouvernement mixte, au fond de nous même nous savions que nous pouvions nous attendre au pire, mais, quand le pire est confirmé, nos larmes sont de vraies larmes !

Noguères….Mais aussi Rioupéroux   ! En comité de coordination nos craintes c’étaient également portées sur l’avenir de l’usine de Rioupéroux. Enfoncée dans une vallée de l’Isère, d’accès difficile en période hivernale, avec des cuves précuites certes, mais de faible capacité, nous étions pessimistes quant au sort qui lui serait réservé. L’annonce de l’arrêt de sa production se fit simultanément avec celle de Noguères, excepté pour sa fonderie ! Conserver une fonderie dans de telles conditions, sans l’apport d’un métal en fusion venant directement de l’électrolyse qui le produit sur place, ne pouvait en aucune manière nous rassurer ! Il s’agissait, à n’en pas douter, de calmer  les politiques de cette région et de permettre un reclassement des salariés  étalé dans le temps ! Autrement dit, refondre un métal, transporté en zone de montagne pour le renvoyer transformé en alliages, c’est absolument idiot, voila à quoi était utilisé l’argent du contribuable !.

Fin Juillet 1986, Jacques Chirac Premier ministre, nomme Jean Gandois PDG du groupe PUK.

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Début août, quelques jours seulement après sa nomination, Jean Gandois annonça des modifications dans le projet de fermeture annoncé par Bernard Pache : la série C, qui fonctionnait à 50% pour raison conjoncturelle (quelle belle idée ces arrêts conjoncturels!), serait arrêtée au premier trimestre de 1987, au lieu de 1989, tandis que les deux autre séries de cuves, les séries A et B, verraient leur arrêt repoussé devant ce terminer en novembre 1991.

En fait, ce nouveau PDG s’empressait d’engager le processus de casse de notre usine, mais pour calmer les esprits et les actions que nous avions immédiatement engagées et programmées malgré cette période des congés d’été, il décidait d’en reculer l’échéance de deux années ! Gagner du temps pour trouver la solution (ou les solutions) qui pourrait lui permettre de briser l’unité syndicale et politique qui se manifestait sur le site de Noguères depuis l’annonce du 8 juillet, lui était-elle apparue indispensable ? Avait-il eu peur de cette réaction unitaire ? La réponse est évidente.

Effectivement, dés cette désastreuse annonce de fermeture, nous avions proposé immédiatement aux autres syndicats d’engager une série d’actions unitaires, en portant haut et fort l’exigence de la modernisation et d’agir sans tenir compte de la période estivale.Une programmation de plusieurs actions a été mis en place, avec manifs sur Mourenx, des filtrages autoroutiers et ferroviaires, avec un temps fort le 3 Aout à l’occasion d’une journée porte ouverte, afin de mobiliser le complexe et les populations, ainsi qu’une manifestation sur Pau à la rentrée de septembre…. nous avions sentit une CFDT réticente, embarrassée, ce qui nous avait conduit à dire à notre Union Locale que ce syndicat allait nous faire rapidement   «   une queue de poisson   »   ! Mais que pouvait-elle faire d’autre cette CFDT, sa base étant mobilisée comme la notre ? Le ressent PDG, Jean Gandois craignait-il que cette « exception régionale » unisse les travailleurs envers et contre toute division syndicale issues du passé de notre usine ? C’est la meilleure réponse à lui donner et sur ce point il savait pouvoir compter sur la CGT qui allait tout faire pour ce rassemblement dans un esprit de lutte des classes.

La journée porte ouverte du 3 Aout, nous avions organisé une exposition et des visites des Halls de production. Plus de 3000 personnes sont venues nous soutenir et visiter nos installations, la plus part étaient horrifiées par les conditions de travail qu’elles découvraient ! Certains journaux avaient titré leurs reportages, "Noguères quai des brumes" et "Noguères l’enfer". Des visiteurs revenaient et nous demandaient si nous nous battions pour faire fermer une telle usine ou pour la conserver !

De surprises en surprises.Lors de la première manifestation sur Pau en septembre, le comportement des CFDT fut surprenant. Ce syndicat avaient subitement changé d’attitude, ils scandaient les slogans les plus virulents, ils étaient

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surprenants, ils exigeaient la modernisation de l'usine et criaient haut et fort : « non aux reconversions » ! Ils étaient visiblement manipulés ! Une « stratégie » politique devait en être la cause, mais la qu’elle ?Cette attitude était en contradiction avec nos craintes, mais ne suffisait pas à nous rassurer !

Le leadeur du syndicat CFDT nous apportait une réponse à cette question dans un livre qu’il écrivit une fois le processus de fermeture accomplit.Evoquant la nomination du PDG Jean Gandois ce militant CFDT : écrit : "Sur décision de ce dernier (Jacques Chirac premier ministre), un nouveau PDG pour PUK entreprise nationalisée" est nommé…...

Le 9 juillet 1986 : Gandois décide l’arrêt de l’usine de Noguères : Pour raisons économique : les cuves Soderberg de Noguères

sont dépassées; Pour raison géographique : le site est éloigné d’un port et d’une

centrale d’énergie. ».

Alors là, c’est le bouquet ! L’annonce de la fermeture a été faite par Bernard Pache trois semaines avant la nomination de Jean Gandois, il ne pouvait donc l’avoir décidée lui-même la fermeture de Noguères !!! Cela ne veut pas dire qu’il ne l’aurait pas décidé lui aussi ! Mais voila, cette décision ayant été prise par Georges Besse sous un gouvernement socialiste et un président de la république socialiste, qui venait de changer totalement l’orientation de sa politique, qui avait tourné le dos à ses engagements, il fallait bien charger le camp adverse qui venait de gagner une majorité aux législatives !

L’explication, c’est l’historien anglais Eric Hobsbawm qui la donne : "Aujourd’hui, l’histoire est plus que jamais révisée ou même inventée par des gens qui ne souhaitent pas connaître le passé véritable, mais seulement un passé qui s’accorde avec leurs intérêts. Notre époque est celle de la grande mythologie historique." Ce militant CFDT connaissait bien ce passé, il s’agissait donc de l’accorder à ses intérêts et à ceux du parti socialiste. Ces camarades militants CFDT l’ont bien connu également et ils n’ont pas bronché !

Le député-maire de Pau le connaissait bien également, il connaissait aussi le proche avenir de notre usine, comme en témoigne ce qui suit, en réponse à une lettre qu’un délégué du syndicat FO lui avait adressé, il lui répond : "Vous savez que, depuis 1982, des contacts réguliers ont été entretenus par le député de la circonscription et moi-même à propos du plan de restructuration de Pechiney et plus spécialement de l’usine de Noguères…..""Il m’apparaît évident qu’au comité central de l’entreprise du 8 juillet, monsieur le président Pache annoncera que Pechiney renoncera à la modernisation de Noguères. C’est un coup dur pour les travailleurs et la région…..» !!!

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En fait le député-maire de Pau savait en juin 1986, (et probablement bien avant, puisque des contacts réguliers étaient entretenus depuis 1982 concernant le plan de restructuration de Pechiney), que PUK abandonnerait Noguères   ! « Motus et bouche cousue » lui aussi avant le 8 juillet 1986 !

S’il l’écrivait au délégué FO en juin, je suis convaincu que le syndicat CFDT le savait déjà et bien avant que cela ne soit porté à la connaissance du militant FO ! D’autant plus que ce leadeur CFDT était aussi le responsable et le créateur du PS à Mourenx ! Mais voila, fallait laisser passer les législatives et la probable cohabitation se mettre en place !Bien entendu le député maire de Pau ne se confiait jamais à la CGT !

On cache la vérité au moment où elle apparaît, puis plus tard on l’adapte à ses besoins, ou bien on en invente une autre pour servir des intérêts particuliers, personnels, politiques ou syndicaux, mais l'intérêt collectif, celui des travailleurs dans leur ensemble est laissé pour compte, celui d’un département et d’une région également !

Je joindrais aux propos de l’historien anglais ceux de M. Gérard Vindt qui, relatant le conflit de 1973, a oublié volontairement bien des choses qui devraient servir la vérité et l’histoire. Il en a même déformé d’autres en faveur de la CFDT envers qui il ne pouvait dissimuler sa préférence.

Aujourd’hui, incontestablement je considère que le syndicat CFDT était forcement au courant de l’abandon du projet de modernisation de notre usine et de l’ouverture de cette casse industrielle qui allait s’engager sur l’ensemble de la société Aluminium Pechiney. Que ce syndicat ait été conditionné par le gouvernement, en tout cas par le PS, à l’accepter, à se taire, et à jouer cette comédie est une évidence. Mais…. aller jusqu'à dire que nous dramatisions tout, pour retarder toutes actions et se préparer à œuvrer en faveur des reconversions le moment venu, pour ne pas nuire à la nouvelle politique libérale du président de la république, tout cela ne fait plus aucun doute  ! C’est quoi ça ? Faudrait-il que j’approuve aujourd’hui un « Syndicalisme rassemblé » sur des bases mystérieuses après avoir vécu de telles choses ?

Durant ces années, de 1983 à 1986, le syndicat CFDT, voyait donc venir la fermeture de notre usine, mais il  trompait volontairement les salariés, il trompait ses adhérents et les populations, craignant une réaction pouvant pénaliser le PS aux législatives ! En ne s’opposant pas à la stratégie de cette casse industrielle de PUK, il faisait le jeu des adversaires de classe ! Comment expliquer cela autrement ?

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A Noguères, cet dans ce contexte que le syndicat CGT s’engageait dans une lutte contre cette fermeture d’usine et pour sa modernisation et nous n’étions pas pour autant au bout de nos peines, ni de nos surprises !

La journée « portes ouvertes » et cette exposition que nous avions faite, avaient permis aux visiteurs de découvrir les différents services ainsi que les différentes technologies de l’électrolyse d’aluminium Tout cela avait crédibilisé la nécessité de la modernisation. Tous les visiteurs revenaient surpris par les conditions de travail et les dangers encourus par le personnel. Nous y avons gagné respect et soutien de leur part.

Ce soutien les travailleurs et les habitants du complexe de Lacq, renforcé par des salariés de plusieurs usines du Béarn, s’est manifesté tout au long de l’été 1986 en faveur de la modernisation.Comme nous le craignons, la CFDT rompait l’unité d’action sous des prétextes fallacieux, issus forcement de cette « stratégie » inavouable que nous ne pouvions imaginer à cette époque, surtout face à un tel enjeu, passer d’un projet de modernisation à une fermeture avec toutes les conséquences qui allaient en découler ! 

A la paritaire de l’automne 1986 à laquelle je participais, une réunion paritaire importante dans ce contexte de « casse industrielle », je fus surpris de constater que la CFDT n’avait délégué qu’un seul et tout jeune militant, qui découvrait cette instance, (un peu comme moi en 1973). Sa participation aux débats qui furent tendus, fut inexistante, sinon pour accomplir ce qui m’a semblé être sa missions, prenant la parole d’une voix chevrotante (j’ai connu ça) il demanda à la direction: "Bon OK Mr le directeur, vous ne voulez pas moderniser Noguères, vous voulez fermer cette usine, mais qu’entendez vous y installer à sa place ?" !!!

Nous nous sommes tous regardés entre militants CGT, nous venions de comprendre instantanément que la CFDT acceptait la fermeture et s’engageait dans la voie des reconversions et du plan social (PSE) !

Dés lors tout devenait un peu plus clair, il ne faudrait plus compter sur l’unité syndicale.

La direction avait déjà rappelé à l’ordre la CGC pour les faire se retirer des luttes sachant bien que la crainte des mutations à caractère punitif suffirait. FO, qui avait comme leadeur un  militant issu des « non grévistes » de 1973, très connu pour être un anti-cégétiste notoire, qui recevait les consignes du responsable FO de Gardanne qui les recevait lui en provenance de Paris, sans jamais tenir compte de l'avis de leurs adhérents ou des militants de leurs syndicats, la direction n’avait rien à craindre de ce coté là non plus !

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Nous ne pouvions donc compter que sur nos adhérents avec l’espoir que les salariés dans leur diversité syndicale seraient favorables à notre position. Nous allions donc continuer à leur proposer des actions pour exiger la modernisation annoncée et des assemblées générales où les salariés feraient leurs choix.

Dans tout le complexe de Lacq et bien au delà, l’incompréhension était totale. Faire le constat que la CGT allait se retrouver seule à mener un combat pour que l’engagement de moderniser Noguères soit respecté, faire le constat que notre usine avait été classée « usine d’accueil », qu’elle avait bénéficié de FNE de solidarité et de congés de fin de carrière pour y libérer des emplois. Que 150 emplois furent ainsi libérés, au grand bonheur de ceux qui en bénéficiaient étant à saturation du fait de la pénibilité du travail et au grand bonheur de ceux qui y sont venus des autres usines abandonnées…. Qui pouvait comprendre et qui pouvaient nous croire quand nous disions que notre usine allait à la casse ?

L’effet que ces FNE et congés de fin de carrière produisaient sur du personnel embauché en 1959 et 1960 par Pechiney dans une tranche d’âges allant de 23 à 30 ans, était tel que les deux-tiers du personnel voyaient l’opportunité d’en bénéficier si l’usine fermait ! On en vient à penser que Pechiney était bien venu en Béarn pour une trentaine d’années seulement ! Tout cela ne nous facilitait pas la tache. Ces salariés craignaient que l’usine une fois modernisée ils ne puissent plus bénéficier d’un FNE où d’un congé de fin de carrière ! La direction, les cadres, la CFDT, FO et la CGC, savaient appuyer sournoisement là ou ça peut faire mal. Une trentaine d’années en 3 x 8 continu dans des halls d’électrolyse et en fonderie, la coupe était pleine, le personnel fatigué, le moral au plus bas, leur faire comprendre qu’un PSE serait plus favorable qu’une modernisation pour bénéficier de ces dispositions était donc une opportunité qui passait par la fermeture de l’usine.

Néanmoins, pour lutter contre cette fermeture et pour moderniser l’usine nous obtenions en assemblée générale du personnel, par un vote majoritaire, la décision d’aller manifester sur Pau, au grand dam du syndicat CFDT. Dans toutes les familles des enfants espéraient dans ces emplois issus d’une nouvelle technologie.Bien entendu, nous avons popularisé cette décision pour que nos instances, les UL et l’UD, organisent le plus grand soutien possible.

Lors de cette nouvelle manifestation unitaire, (qui n’avait rien à voir avec le syndicalisme rassemblé dont on parle tant aujourd’hui et pour cause), notre objectif, clair, net et argumenté de moderniser Noguères, l’avait emporté malgré des organisations syndicales réformistes, réticentes et, manœuvrières, qui furent dans l’obligation de respecter cette décision

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issue de la démocratie directe ! Souvenons nous, en 1973 ils nous reprochaient e de ne pas avoir abandonné l’action  et que nous la subissions !

Mais voila, dans la CGT « aussi » il y a des « décideurs », des «   maitres à penser   »   , UD- UL ou d’ailleurs , qui ne se préoccupent pas de ce qui se passe sur le terrain. (oui-oui il y en a aussi dans la CGT). En tout cas des camarades étrangers à l'usine, qui n’avaient même pas pris le soin de nous consulter, (nous sommes tous les cons de quelqu’un), ils crurent efficace de tenir violemment à l’écart du cortège de cette manifestation les adhérents et militants CFDT   qui y participaient! Cette action qui pouvait nous ouvrir la voie de l’unité, par ces accords directs avec le personnel pour nous conduire au succès, eut des conséquences désastreuses. Cela se passait dans notre dos et à l’arrière du cortège des manifestants, nous n’en savions rien, incroyable mais vrai , nous avons éts mis devant un « fait accomplit »!

Je le regrette encore et nous le dénonçons toujours, comme une erreur qui ne pouvait provenir que de quelques "aristocrates" du syndicalisme, ou dailleurs, qui font leur analyse en cercle restreint. Nous étions certainement encore plus contrariés qu’eux du revirement de la CFDT qui avait rompu l’unité syndicale en septembre 1986 et qui ne parvenait plus à dissimuler sa collaboration avec un patronat et les gouvernements qui se succédaient ! Si les adhérents et sympathisants du syndicat CFDT avaient commencé à en prendre conscience et devenaient sensibles aux analyses et aux explications du syndicat CGT, cette connerie y mit un coup d’arrêt.Les adhérents CFDT, sont revenus furieux de cette manifestation et des violences dont ils furent victimes, sans en comprendre les raisons, disait-ils. Le syndicat CFDT n’avait pas pour habitude de tenir le langage de la vérité à leurs adhérents ! Combien de fois avons nous été témoins de cette pratique du « double langage » et de «  l’amalgame » y compris en assemblées générales ! Elle a largement utilisé ce comportement de  la CGT en y incluant bien sur  le syndicat de Noguères, pour conditionner leurs adhérents et au delà, l’ensemble du personnel, en nous taxant de staliniens, comme nous avons pu le constater les jours qui suivirent cette manif !

Nous apprenions bien plus tard que leadeur CFDT, (qui avait créé le PS à Mourenx en 1971), s’était adressé au président de la république pour attirer son attention sur l’avenir de notre usine, jusque là dirons nous rien d’anormal.M. Alain Boublil répondait à ce responsable CFDT et responsable du PS le 27 août 1986 au nom du Président de la république : "Vous avez appelé l’attention du Président de la République sur l’avenir de l’usine Péchiney de Noguères dont la fermeture a été annoncée en juillet dernier, le

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président m’a chargé de vous répondre. Vous évoquez le voyage du Président de la République dans votre région, en octobre 1984 ; il s’en souvient fort bien, comme les nombreux contacts qui ont émaillé ses étapes dans les Pyrénées Atlantiques, il était question alors, de moderniser le site de Noguères pour en faire un pôle compétitif de l’électrolyse française de l’aluminium. La direction du groupe PECHINEY a fait savoir récemment qu’elle n’estimait pas réunies les conditions nécessaires à la mise en œuvre de ce projet. J’ai saisi de cette affaire M. le Ministre de l'Industrie, et du tourisme, en charge au sein du gouvernement de ce secteur d’activité et du suivi de l’exécution du contrat de plan…. Etc.

Première interrogation : La CFDT croyait-elle vraiment que notre usine serait modernisée comme semblait le confirmer en 1984 le président de la république tandis que  des investissements au Canada et en Australie se réalisaient ?Deuxième interrogation : Si la CFDT a vraiment cru que l’usine serait modernisée, comment comprendre et accepter : « que les conditions nécessaires à la mise en œuvre de ce projet de modernisation ne soient plus réunies..…. seulement 20 mois plus tard   »  ?Que s’est-il donc passé durant cette période de quelques mois   pour qu’il en soit ainsi   ? Sinon une extension des productions mondiales avec les investissements de PUK au Canada et en Australie. Qui en étaient les principaux responsables ? Sinon le Président de la République lui-même, son gouvernement et un Georges Besse qui a eu tôt fait de comprendre qu’il fallait profiter du revirement politique du Président Mitterrand et de la dotation de 7 milliards de francs du contribuable français !!! Ils analysaient quoi et comment à la CFDT ?

Imaginons un instant, la CGT à la place de la CFDT et le PCF à la place du PS, le tapage médiatique qui s’en serait suivit.Et bien, la CFDT qui s’était engagée à contre cœur dans les actions que nous proposions, (il fallait bien qu’elle manifeste une opposition à cette annonce de fermeture), tout en évitant d’aller trop loin, car cela aurait porté tort au gouvernement. Peut-importe qu’elle se le fasse mettre bien profond, peut-importe les salariés de Noguères qui avaient apprécie à juste titre ce projet de modernisation, il fallait soutenir ce retournement gouvernemental !!!!Croyez vous qu’elle a reconnu que la CGT avait raison, elle qui clamait depuis trois ans que nous allions tout droit à la casse, pensez donc, raison la CGT. Troisième interrogation   ? J’ai saisi de cette affaire M. le Ministre de l'Industrie, et du tourisme, en charge au sein du gouvernement de ce secteur d’activité ….. Etc. à écrit ce monsieur Alain Boublil. Pourquoi saisir le ministre du tourisme ? Si nous ne disposions pas de cette information sur le moment, la CFDT en disposait et pouvait s’attendre à des reconversions dans ce secteur d’activité pour remplacer une industrie de pointe qui disparaissait. Ils se sont bien gardés de nous en informer !

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C’est dans ce contexte que les adhérents et les militants CGT ont décidé de se battre jusqu’au bout, seuls s’il le fallait, pour la modernisation alors que la CFDT et FO se prononçaient en faveur des reconversions et d’un PSE (Plan Social d’Entreprise). Ils exigeaient des emplois de qualité et en quantité équivalente et l’ouverture de négociations.Nous étions déterminés à agir par tous les moyens, alors que nous étions conscients que la grève totale n’était ni la solution, ni réalisable. Fallait-il pour autant laisser notre chaise vide aux négociations, concernant le PSE. Nous y avons participé au grand dam de la CFDT et de FO qui trouvaient là matière à ironiser, ils auraient bien voulu nous faire évincés de ces négociations ! Nous nous battions pour gagner cette modernisation, et nous nous sommes battus jusqu’au bout tout en sachant aussi que nous pouvions perdre ! Nous avions cinq adversaires, trois syndicats, le patronat et le gouvernement et nous étions encore une entreprise nationalisés ! Qui peut contester que négocier un plan social de haut niveau pouvait rendre plus rentable la modernisation ? Le coût des reconversions, plus le coût du PSE, plus le coût du chômage des emplois directs et des emplois induits perdus, plus le coût des charges sociales qui assurent notre protection sociale….. Etc. Nous sommes déjà bien au delà du coût de la modernisation. Au moment où s’arrêtait la série C, Michel Rocard venait à Mourenx (Les élections présidentielles approchaient), il voulait rencontrer les organisations syndicales du complexe. Bien entendu nous avons attiré son attention sur le sort qui était destiné à notre usine en lui rappelant le projet de modernisation que l'on nous avait présenté en 1983. Il en prit bonne note et s’engageait, si la gauche revenait au pouvoir, de s’occuper de notre usine tout en souhaitant que notre région s’implique davantage pour son avenir…. Touristique je suppose ! L’hypocrisie de ce personnage doit être sans limites !Je qualifie donc cet engagement de Michel Rocard d’hypocrite. Ignorait-il la lettre de M. Alain Boublil  pour prendre un tel engagement ? Certainement pas ! De plus, il conditionnait son action à un retour de la gauche au pouvoir tout en souhaitant que notre région mette la main à la pate et nous le « bon » bulletin dans l’urneLa CFDT était aux anges, pensez donc Michel Rocard qui s’engageait. Certainement que le leadeur de la CGDT, secrétaire du PS était à l’origine de sa venue. Quelque année plus tard, hors de l’usine il me disait à quel point Michel Rocard l’avait déçu…. Que pouvait-il me dire d’autre ?

A l'époque, nous n’avions pas encore connaissance de cette lettre qu’il avait adressée au Président de la République, ni bien sur la réponse de M. Boublil. Si nous en avions eu connaissance, nous lui aurions fait passer un sale quart d’heure.Dissimuler une telle démarche aux « partenaires sociaux », utile au combat unitaire pour faire respecter l’engagement de moderniser l’usine,

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puis faire suivre cette dissimulation de mensonges visant à faire croire aux travailleurs et aux populations que c’est Gandois (nommé par Chirac) qui avait pris la décision de la fermeture notre usine, c’est minable ! Que ne feraient-ils pas pour protéger le PS au pouvoir (et que n’ont-ils pas fait que nous devons ignorer encore) ils se sont conduits en complices des casseurs de notre industrie. Comptez le nombre des usines disparues en quelques années chez PUK, uniquement pour favoriser des implantations hors de France, (ce que nous appelons actuellement des délocalisations), alors que nous venions d’être nationalisés et richement dotés par les contribuables !

Les Reconversions industrielles et le PSE version   : coalition Gouvernementale-PUK   !

Une avalanche de projets de reconversions en vue de compenser des pertes d’emplois industriels nous est tombée sur le râble. Je ne vais pas entrer dans le détail de celles-ci, mais vous en donner le genre !

Il s’agissait d’une « pâtisseries viennoiseries » à Orthez ayant pour but de distribuer chez les clients au petit matin ces gâteries….

Un élevage de saumon sur le gave de Pau au barrage d’Artix…. Un conditionnement de jambons de Bayonne…. Des terrains de Golf et des emplois utiles au tourisme, vocation

nouvelle de notre département, débarrassé du gaz de Lacq …. Une « grosse somme » donnée à tous ceux qui débarrasseraient le

parquet, pour créer leur « petite entreprise »…..90 000 francs, une année de SMIG environ !

Comprenons nous bien, faut bien être reconnaissant envers un département ou on à puisé, (non épuisé), un gisement de gaz pour le transformer en dollars et les réinvestit hors de France ! Voila les récompenses de PUK !

Nous nous demandions d’où pouvaient provenir ces solutions de reconversions que l’on nous présentait pour compenser les emplois industriels. En relisant la lettre de M. Boublil on constate qu’il dit avoir saisi le Ministre de l’Industrie et du Tourisme,  « Chargés de notre secteur d’activité et du suivi de l’exécution du contrat de plan…. » Etc. Un «   contrat de plan   », c’est pas beau ça   ? Avec qui il à été négocié ce contrat de plan   ? Avec la CFDT   ? Et quand a-t-il été négocié ?On avait bien vu les schtroumf  débarquer en Lorraine pour remplacer les emplois de la sidérurgie ! Avec qui au fait comme préfet de région… M. Jacques Chereque le père ? Je constate que malheureusement de telles propositions étaient encore, avancées pour suppléer à des emplois industriels, quand elles le sont !

En mai 1988, François Mitterrand fut réélu et Michel Rocard nommé Premier Ministre. La fermeture des usines de Pechiney ne fut pas remise en cause et la politique d'externalisation du groupe PUK continuait. Le groupe PUK est même allé racheter la société ANC (Américan National

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Can) au groupe « Triangle » aux USA. Le coût de ce rachat s’élevait à 21,6 milliards de francs dont 15 milliards allaient couvrir les dettes de ANC   !

Dans cette même période des sociétés comme Rhône-Poulenc, ELF, PUK, Renault et le Crédit Lyonnais, toutes des entreprises nationales, achetèrent aux USA des sociétés en difficulté, dans une période où l’économie Américaine était en difficulté avec un dollar sans cesse fluctuant. Il était monté à 10 francs, avant de retomber en dessous de 4 francs ! Il fallait sauver ce dollar qui s’effondrait et quoi de mieux pour cela que de le faire avec ces entreprises Françaises qui venaient d’être nationalisées et richement dotées par le contribuable Français.

Il faut noter que le rachat d’ANC fut l'objet d’un scandale qui apparaît dans la publication d’un rapport de la Commission des Opérations en Bourses. La C.O.B. annonça, en effet, qu’un délit d’initié entourait ce rachat. On retrouve, à cette occasion, certains noms de collaborateurs du président François Mitterrand : Alain Boublil, Roger-Patrice Pelat et un nommé Samir Traboulsi représentant en France du groupe Triangle (ANC étant une société d’emballage du groupe américain Triangle) Cette sombre affaire aurait ainsi rapportée quelques 8 millions de francs de plus-value sur les actions achetées à bas prix par les "initiés" ! Ils se gavaient ainsi de l’argent des contribuables sur le dos de la fermeture des usines de PUK ! M. Bloubil aurait pu les inclure dans les fameuses "conditions nécessaires qui n’avaient pu être réunies pour le projet de modernisation de Noguères" ! L’argent était parti aux USA et dans des poches d’initiés proches du pouvoir en place !

Bien entendu Michel Rocard avait totalement occulté les promesses faites aux organisations syndicales l’or de sa visite à Mourenx l'année précédente. Je pense que cela a dû choquer le leader CFDT, un fervent rocardien (Je l’ais déjà dit). Un peu plus tard, alors qu’il était premier adjoint d’André Cazetien, maire communiste de Mourenx, il prit ouvertement position en faveur de la modernisation de l’usine. Il venait de bénéficier d’une préretraite FNE et se consacrait à son activité d’élu municipal, tout en s’inscrivant dans l’objectif de faire moderniser Noguères, ce qui avait pour avantage d’être en conformité avec la position du maire…. Vous connaissez, la « Lutte des places », un premier adjoint ça touche des sous  ? Parlant de lui le maire de Mourenx me disait un jour : « il est bien ce garçon, son grand père était communiste », ce qui ne garantissait absolument rien ! Cette position, nouvelle, qu’il défendait, allait à l’encontre de celle de ses camarades CFDT qui s’étaient enfoncés dans la solution des reconversions, on gagne l’emploi sur le tapis vert, disaient-ils !Certaines personnes pensait qu’en fermant notre usine, Pechiney voulait se venger de 1973, nous ne pouvions croire cela, mais à y réfléchir il pourrait y avoir aussi un peu de ça, surtout par la façon sadique qui à été employée ?

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Par décision du précèdent gouvernement, (celui de Jacques Chirac), PUK devait être privatisé. Cependant, des évolutions boursières défavorables en avaient retardé l'exécution. Annoncer la prochaine privatisation de PUK obligeait donc ses dirigeants à tout mettre en œuvre pour rendre la société attractive pour les futurs actionnaires et une fermeture motivée par des sentiments de vengeance ne pouvait pas les mettre en confiance si cela devait s’avérer exact.

Le moins que je puisse dire c’est que le gouvernement de Michel Rocard ne nous aida pas dans notre combat bien au contraire. Il avait tout pouvoir pour s’opposer à la fermeture de Noguères ! Il pouvait revenir sur cette décision de privatiser le groupe PUK ! N’oublions pas qu’en juillet 1986, il leur plaisait bien de dire que c’était le gouvernement de Jacques Chirac qui avait décidé de fermer Noguères ! N’était-il donc pas de pure logique d’annuler cette soi-disant décision de Chirac et de Gandois et de moderniser notre usine ? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Nous ne nous sommes jamais fait d’illusions sur ce personnage, ni sur son gouvernement, la CFDT ne pourrait pas en dire autant. Mais elle avait d’autres raisons inavouables de la fermer !

Nous constations un certain découragement des salariés de l’usine, les divergences syndicales n’y étaient pas étrangères. Cela faisait plus de deux ans que nous luttions, le président Gandois s’était donné de temps pour liquider cette usine, pas bête le monsieur, tout ce temps à lutter ça lasse.Fallait-il que nous abandonnions le projet de modernisation  et notre lutte par lassitude ?  Rentrer dans le rang, ce n’était pas notre conception du mandat syndical. Nous ne sommes pas des déserteurs encore moins des "judas". Nous avions encore des chances de parvenir à faire respecter le projet de modernisation d’autant plus que PUK mettait au point de nouvelles cuves de 220 000 ampères et qu’il aurait besoins d’une nouvelle vitrine. Nous avions en nous la force de la raison.Nous avions un autre avantage, celui de l'énergie nucléaire qui nous assurait une fourniture avantageuse en électricité grâce à une ligne de 400KV nous reliant à la centrale nucléaire de Golfech et une autre ligne de 220 KV nous reliant à celle du Blayais, les deux aboutissaient aux portes de l’usine, des investissements qui avaient coûté fort cher aux contribuables. On ne quitte pas le navire à la CGT, on ne fait pas un trou dans la coque pour le couler, on ne s’aligne pas et on ne subit pas, comme l’écrit Gérard Vindt dans sa thèse. Au contraire, on va au bout du possible pour assurer le meilleur pour l’intérêt des travailleurs et du Béarn, telle est notre conception du combat syndical. Une fois de plus, je rends hommage aux militants CGT de Noguères, à ceux du comité de coordination avec qui nous étions en contact permanent ainsi qu'aux adhérents CGT de Noguères qui furent les acteurs principaux des luttes. Dans l’usine, les autres salariés se

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plaçaient déjà sur des perspectives de mutations, de reclassement ou d’avantages personnels.Il s’engageait même une sorte de compétition afin d'obtenir des postes dans les usines les plus proches. Ils tombaient aussi dans les pièges de la formation continue qui, comme l’avait fait miroiter la direction, devait leur ouvrir de meilleures chances de réemplois, mais c’était surtout pour les détourner de la lutte ! !En fait les budgets formation, après avoir été utilisés pour de l’intox, ils devenaient un instrument démobilisateur afin de faciliter la casse des usines !

Un espoir   : Noguères intéresse une repreneur.

Fin 1989, un soir vers 21 heures, le téléphone sonne à mon domicile. La personne qui me téléphone se présente, M. Michel Castrera. Sur le coup j’ai pensé à un camarade d’Elf En fait il s'agissait du premier directeur de l’usine de Noguères qui fut par la suite directeur de la branche Aluminium et troisième dans la hiérarchie du groupe PUK, avant qu’il ne soit "mis à la retraite" par le PDG Jean Gandois car il devenait gênant à vouloir conserver l’usine de Noguères !. A Noguères, nous avions eu quelques échos sur ce désaccord qui les opposaient, mais ce n’était pas pour me parler de cela que M. Castéra m’appelait, mais pour me demander si j’étais au courant que nous avions un repreneur pour notre usine.

J’étais stupéfait, d’abord par cet appel, puis d’apprendre cette nouvelle. Il ne voulait pas croire que nous n’étions pas au courant de ce projet car il en avait fait part six mois plus tôt   à Monsieur le député-maire de Pau, (devenu aux dernières législatives député de notre circonscription) et au syndicat CFDT de Noguères ! N’ayant jamais reçu la moindre réponse de leur part et n’ayant jamais rien lu dans la presse locale du Béarn qu’il consultait chaque jour, ce monsieur Castéra se demandait ce qui se passait !Vous noterez au passage que la CFDT, dans le pur esprit du syndicalisme rassemblé, ne nous à jamais informés de ce projet de repreneur de notre usine.

Il me présenta ensuite ce projet de rachat de notre usine et ses propres motivations pour que cette usine de Noguères continue sa production. Il avait approuvé le projet de la modernisation et son abandon l’avait contrarié, ce qui était, semble-t-il, la base de son désaccord avec le Président Gandois. Le repreneur, un Monsieur Marc RICH, avait déjà racheté à un groupe Américain deux usines à The-Dalles dans l’Oregon aux USA. Ces usines, de même technologie que la notre, assuraient une production rentable.

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De plus, M. Rich disposait de la commercialisation de toute l’alumine de la Jamaïque. Il y avait donc, selon M. Castéra, le savoir-faire, la matière première et les moyens financiers auxquels s’ajouterait une garantie de production à Noguères d'au moins dix années. M. Castera qui avait démarré notre usine en 1959, semblait y être très attaché malgré tout. Il n’était et en aucun cas responsable du climat délétère que son successeur avait développé après son départ. Monsieur Castéra et son équipe étaient disposés à assurer la présidence et la direction d’une nouvelle société qui serait appelée « Société d’Aluminium d’Aquitaine ». Leur projet était basé sur 450 emplois directs en raison de l'arrêt de la série d’électrolyse C. Ils s’engageaient au maintien des salaires et à la pérennisation de l’accord d’entreprise que M. Castera connaissait parfaitement. En effet, nous avions souvent négocié cet accord avec lui lors des réunions paritaires, alors qu'il était directeur de la société Aluminium Pechiney, je faisais partie de la délégation CGT.Plus d'une heure et demi d’échanges au téléphone m’avait permis de trouver dans ce projet un certain nombre d’avantages. Dans la foulée, une multitude d’idées me traversaient la tête, un peu comme des éclairs dans un ciel d’orage, d'ailleurs il me fut impossible de trouver le sommeil cette nuit-là.

Les avantages de ce projet du repreneur et de la création de la Société d’Aluminium d’Aquitaine.

Le tout premier de ces avantages, c’est qu’il était un levier considérable qui pouvait inverser le processus de fermeture. Le président Gandois ne pouvait accepter qu’un concurrent s’installe sur le sol français et y assure une production d’aluminium avec une usine que lui voulait abandonner. Le deuxième avantage, était que, si nous échouions avec Pechiney, nous conservions avec ce projet 450 emplois directs et 2700 emplois induits et entraînés, comme l’étude économique et industrielle que nous avions confiée au cabinet CIDECOS nous l'avait confirmé. Cette étude se basait sur la production des deux séries restantes.Le troisième avantage, était de recréer une dynamique et un espoir pour continuer à vivre et travailler au pays.Le quatrième avantage, conserver dans ce complexe industriel l’un des trois piliers qui le constituait Avec Rhône-Poulenc, ELF et tous les avantages que notre département et la région Aquitaine en retireraient

Ce qui est désolant et inimaginable était le mutisme total pendant plus de six mois de notre député maire de Pau et du syndicat CFDT de notre usine qui avaient été saisis de ce projet. Je ne pense pas que la CFDT en ait informé ses adhérents car, tôt ou tard, cela aurait filtré, comme cela se produit régulièrement, il y a toujours quelques fuites.

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Par contre, je prendrais le risque de dire que le député maire de Pau en a immédiatement informé le président Gandois, en accord avec le syndicat CFDT, je crois que ce risque est nul !

Comme je le disais précédemment, tout cela s’est bousculé dans ma tête jusqu’au petit matin et il me tardait de rencontrer mes camarades. Nous avons examiné ensemble toutes ces informations, des sourires sont revenus sur nos visages, mélangés à une colère envers ce député et le syndicat CFDT ! Cacher ainsi cette information, y compris aux élus locaux, au maire de Mourenx et à la population, c’est gravissime ! Nous n’en étions plus au stade des récupérations politiques que craignait toujours la CFDT si des communistes se présentaient, nous en étions au stade des dissimulations, des complicités, des compromissions et d’une odieuse collaboration avec des « casseurs » à mettre à leurs actifs ! Nous avons informé immédiatement les membres du comité de coordination, notre fédération ainsi que les UD et UL

J’ai donc repris contact avec M. Castera, comme nous en avions convenu pour prendre un rendez-vous. Nous avons constitué une délégation qui incluait notre délégué syndical central, Mariano Hijar de l’usine d’Auzat. Nous avons recontacté notre fédération pour bien finaliser ce que nous entendions par projet industriel et projet social puis nous avons rencontré M. Castera qui nous a confirmé tout ce que nous demandions. Il nous dit même envisager un piquage ponctuel automatique des cuves, ce qui avait pour avantage de réduire la pénibilité et l’exposition aux températures élevées du personnel affecté à cette tache.

Pour garantir une durée de dix années d’activité, il proposait un dépôt de 150 millions de francs au Ministère de l’Industrie. Tout cela nous paraissait satisfaisant, nous nous sommes donc engagés dans la phase suivante qui consistait à informer les salariés et la population.

Les réactions furent nombreuse et diverses et très favorables dans la plus part des cas. Les seules critiques nous les trouvions au niveau du syndicat CFDT et du PS, qui argumentaient sur le fait que M. Marc Rich aurait été passible de prison aux USA, ce qui l’avait obligé à s’expatrier en Suisse ! Avaient-ils déjà oublié que le PDG de PUK avait acheté aux USA une société en perdition, couverte de dettes, pour renflouer le dollar, opération entachée d’un délit d’initié ?

M. Castera nous avait donné des informations concernant cette affaire. M. Rich était juif allemand d'origine qui avait du s’expatrier aux USA au moment de la guerre pour fuir les nazis. Il avait été l’employé d’une grande entreprise dans laquelle il fut responsable du commerce international pour le secteur pétrolier puis avait ensuite constitué sa propre société pour faire du négoce avec des produits pétroliers. Accusé

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de ne pas avoir respecté un embargo que le gouvernement US avait imposé à l’encontre de l’Iran, il était passible de prison aux USA. Cela nous importait peu, la seule chose qui nous importait, c’était la crédibilité de son projet pour reprendre une activité d’électrolyse d’aluminium au sein de notre usine et les garanties sociales qui l’accompagnaient. S’il nous fallait recenser tous les grands pontes passible d’emprisonnement nous ne serions pas encore sortit de l’auberge !

Je n’ai jamais entendu dire depuis 1990 que M. Rich ait été traduit devant des tribunaux et mis en prison. A ma connaissance, il n’a pas été extradé aux USA pour y purger une peine quelconque. Je n'irai pas jusqu'à dire qu’il était un saint, mais le sont-ils tous ces gros patrons qui s’enrichissent sur le dos des travailleurs et qui le font aujourd'hui plus que jamais avec les « parachutes en or », des « stocks options » ,l’évasion fiscale et qui augmentent leurs salaires honteusement ? Aujourd’hui au moment où j’écris ces lignes le grand patron d’Orange, soupçonné « d’escroqueries en bandes organisées », est mis en examen, et le conseil d’administration soutenu par la présidence de la République et l’administrateur CFDT le confirment dans sa fonction !

Coup de tonnerre   : Notre fédération syndicale (FNIC) change subitement d’avis.

Le secrétaire général de la FNIC Jean Vincent et son adjoint Georges Hervo avec qui nous avions étudié le projet dans un premier temps et qui l’avaient approuvé, ils étaient également d’accord et conscients que le soutenir pouvait faire céder PUK et moderniser Noguères et que dans le pire des cas nous conserverions notre usine au moins dix années de plus avec les repreneurs……. pourquoi donc ce changement brutal   ?

Nous demander de ne pas y donner suite, sans explication et sans un seul argument pour le justifier   !!! C’est quoi ça   ? C’est quoi ça dans la CGT   !!!

Convoqués au siège de notre fédération, Régis Carbonne notre délégué syndical, Roland Lansot notre élus au CCE et moi-même, en présence de notre délégué syndical central, Mariano Hijar on nous a «   dicté   » les consignes à respecter sous peine que nos fédéraux viennent nous «   descendre en flamme   » , (c’est le terme utilisé) et déclarer publiquement que nous étions exclus du syndicat CGT   !!! Qui pouvait s’attendre à vivre un tel épisode dans sa vie de militant ?J’ai déjà fait référence à cette "aristocratie syndicale", qui puise ses information où qui reçoit des directives venues d’ailleurs et qui prend sa bas, les militants de terrain et les adhérents, pour des c… , en était-ce un autre exemple ? A une autre échelle nous avions vécu « l’exception régionale » du PDG Jouven, cela allait-il se renouveler au niveau de notre organisation syndicale ?

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Nous, militants de terrain, nous avons besoin de conseils, de partager nos réflexions, nos analyses et nos expériences sur tous les sujets sociaux et économiques qui peuvent se présenter, c’est pour cela que nous nous sommes dotés de permanents syndicaux. C’est dans ce cadre que nous les avions consultés et ils étaient enchantés. Des « permanents  syndicaux » qui ont tendance à oublier que ce sont les cotisations syndicales des adhérent qui assurent leurs rémunérations, c’est une chose, mais s’attribuer le droit de donner un ordre de cette nature, sans la moindre explication, nous ne pouvions l'admettre que si nos adhérents l’admettaient eux aussi. Nos « Mandats » c’est de la base qu’ils nous parviennent, pas du sommet !

Il ne s’agissait plus là de concertation, ni de conseils, mais d'un ordre sec , sans la moindre preuve que nous étions dans l’erreur . Nous avons bien sur cherché à comprendre ce qui pouvait motiver un tel changement de position subit et inexplicable. Nous avons pensé à des interférences politiques qui auraient pu venir du PCF. Je connaissais et nous connaissions très bien un camarade qui militait au parti dans le secteur économique et industriel, il nous assura qu’il approuvait pleinement notre position et notre analyse et ce projet. Ce n’était donc pas le PCF qui était à l’origine de ce brusque revirement.

Quelles que soient leurs raisons, nous avons continué dans notre démarche, qui faisait l’unanimité avec nos adhérents.

Nous avions par ailleurs des soutiens importants : deux secrétaires confédéraux, le secrétaire général et son adjoint de l’Union Régionale d’Aquitaine, l’Union départementale des Pyrénées Atlantiques, notre Union Locale à Mourenx et bien entendu des syndicats du groupe PUK, et de la société Aluminium Pechiney.

Nous étions confrontés à une situation ennuyeuse, celle d’être en opposition avec des camarades sur un sujet aussi important sans que nous puissions débattre avec eux des raisons pour les qu’elles ils nous imposaient de rejeter le projet des repreneurs ! Avaient-ils des raisons inavouables, ou se croyaient-ils investis d’un pouvoir qui leur serait monté à la tête ? Il y à là une question qui se pose : doit-on être un permanent syndical tout au long d’une carrière, ou faut-il remettre les mains dans le cambouis après deux ou trois mandats ?  Nous étions nous des militants de terrain au contact avec les travailleurs et nous le restons pour la durée des mandats qui nous sont donnés par les salariés, avec toute les conséquences qui en découlent en matière dévolution de carrière, nous donc avons poussé à fond sur ce projet sans nous préoccuper de cet épisode.

M. Castera en suivait l’évolution. Pour le médiatiser davantage, il nous proposa d’envoyer aux USA, à ses frais, des journalistes locaux, de la

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presse écrite et radiodiffusée du Béarn, afin de visiter les usines de Marc Rich.

Ce projet de reprise de notre usine s’est immédiatement renforcé grâce à l’adhésion de la société Montupet qui était partie intégrante du groupe PUK avant que le Président Gandois ne décide de l’abandonner pour cause de non rentabilité !

Reprise par plusieurs ingénieurs, cette société Montupet fit un bond prodigieux, cotée en bourse son action grimpait, celle de PUK dégringolait ! Abandonnée par PUK, cette société se trouvait confrontée aux évolutions spéculatives et cycliques du prix de l’aluminium, ainsi qu'à l'instabilité du dollar. Son activité de fonderie de précision destinée au marché automobile, la contraignait à réaliser les études avec une dizaine d’années d'avance sur le début de la construction d’un nouveau modèle. De ce fait elle était exposée au risque de tomber sur un prix prohibitif de la tonne d’aluminium au moment où elle serait dans l’obligation de l’exécuter.Elle voyait dans l’opportunité de s’inclure dans le projet de reprise de notre usine. L’avantage donc de disposer d’une production facilement maîtrisable permettant d’éviter les effets spéculatifs et cycliques du marché de l’Aluminium. Voilà la raison pour laquelle Montupet s’intéressa à notre usine. Grâce à aux bons résultats de Montupet, cette coopération Franco-française avec la société d’Aluminium d’aquitaine, prenait de l’importance   !

Nous avons rencontré les dirigeants de Montupet, sans négliger de vérifier tout ce qui nous en était dit et qui paraissait dans la presse économique. Dans cette nouvelle configuration, au niveau des repreneurs, la société Montupet s'occuperait de l'exploitation de l’usine de Noguères, tandis que la société Rich assurait l’apport financier et la fourniture en alumine. Cette coopération avait bonne allure, elle n’avait rien à voir avec les « Fonds de pensions » et les « sociétés financières d’investissement » que nous connaissons aujourd’hui ! Tout cela rendait le président Gandois furieux… Il fait des bonds … Il fait des bonds, le président Gandois, nous disait-on, des bonds de colère, nous rapportait-on et nous étions bien renseignés !

La pression sur le président Gandois s’exerçait au maximum, malgré que nous soyons seuls à la faire monter, soutenus par notre coordination, mais toujours en opposition avec notre fédération qui maintenait sa position, mais qui hésitait à venir nous désavouer ! Nous étions toutefois parfaitement conscients que nous pouvions nous attendre à tout d’un adversaire tenu et coriace avec les moyens importants que nous n’avions pas.

La contre attaque ne tarda pas   !

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J’en suis encore indigné aujourd’hui ! Un article de presse paru dans Sud-Ouest le 22/01/1990 signé de Philipe Tugas (c’était l’un des journalistes envoyé spécial aux USA pour constater sur place le fonctionnement des usine de M Marc RICH), un envoyé trop spécial même puisqu’il écrit en conclusion d’un article qui ne pouvait que relater ce qu’il avait constaté aux USA: "Reste à négocier l’investissement et à convaincre les syndicats : la CFDT qui n’a jamais caché son intérêt et qui a été, dés l’origine, associée aux négociations ; la CGT qui, après avoir dénoncé la manœuvre d’un spécialiste de la magouille, fait maintenant référence à l’arrivée de l’US Lexmar à la Ciotat et parle aussi de l’emploi à tout prix"… "Il faudra encore vaincre les réticences des politiques qui auraient bien voulu mener à terme le processus de reconversions avant de sortir la botte Marc RICH. "…

Conclusion plus scandaleuse et mensongère que celle-là, vous ne trouverez pas ! Si ce journaliste n’a pas pu écrire autre chose que la réalité rencontrée à The-Dalles, ce qu’il écrit en conclusion de son article est scandaleux et avait scandalisé M. Castera.On y voit nettement une remise en scelle du syndicat CFDT et des politiques, entendez par là le gouvernement, le député maire de Pau et son suppléant de Mourenx, avec bien entendu la tentative de discréditer le syndicat CGT !

Je vomis cette méthode journalistique qui foule aux pieds l’éthique de cette profession. En fait et je le rappelle, la CFDT et les élus politiques cités ont dissimulé cette proposition du repreneur, ils n’ont rien négocié, ce que M. Castera nous avait bien confirmé. Il regrettait même d’avoir porté son choix sur eux pour leur soumettre ce projet. Mr Castéra oubliait un peu ses habitudes de patron en disant cela, mais il le disait !

Nous avions à surmonter une difficulté supplémentaire venant des médias ! Le directeur de la République des Pyrénées était cousin avec le directeur de Noguères avait-on appris. Je ne citerais pas le nom du journaliste qui m'avait dit : "je veux bien tenter de vous passer un article, mais de grâce ne me demandez pas cela trop souvent, sinon je vais me retrouver aux chiens écrasés" !D'autre part, FR3 Aquitaine nous ignorait totalement, il nous fallut faire un cortège de plusieurs dizaines de voitures, à vitesse réduite sur 200 km et envahir leurs locaux à Bordeaux pour obtenir qu’ils daignent passer des informations sur notre situation.

De nouveaux battons dans les roues   !

Nous n’en avions pas terminé avec les difficultés. Le secrétaire de la section du PC et le maire communiste de Mourenx nous demandèrent si nous voulions bien leur exposer ce projet des repreneurs.

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Notre syndicat désigna Régis Carbonne et moi-même pour cette rencontre, nous trouvions tout à fait normal que ces responsables politiques fassent cette demande. Nous leur avons présenté le projet, durant plus de deux heures, en leur expliquant notre objectif : faire céder PUK qui n’accepterait jamais que cette usine soit abandonnée à des repreneurs concurrents , préférant la conserver ou la moderniser. Toutefois, en cas d’échec sur cet objectif, ce projet représentait une garantie sur dix années pour 450 emplois directs et 2700 induits, ce que les reconversions n’assureraient sûrement pas!

Au fur et à mesure que nous exposions les garanties que nous avions obtenues, ils approuvaient totalement. Le téléphone sonna et le secrétaire de section se leva répondre dans une pièce voisine. A son retour, une quinzaine de minutes plus tard, il nous est apparu moins enthousiaste avant de nous dire brutalement de : "laissez tomber, c’est de la merde". Nous nous sommes regardés Régis et moi, ne comprenant pas. Qu'avait-on pu lui dire au téléphone pour qu'il change d’avis si rapidement ? Le maire semblait vouloir le soutenir sans demander la moindre explication ! Je demandais qui avait-il eu au bout du fil et il me répondit : le secrétaire de la fédération du PCF des Pyrénées Atlantiques. Il était clair que ce coup de fil était à l’origine de ce revirement ! L'argument qu'il nous livra était que Péchiney était une entreprise nationale et que nous ne devions pas la livrer au secteur privé ! Nous commencions à avoir l’habitude d’être pris pour des c…, mais à ce point là jamais, nous servir un argument aussi idiot c’en était trop ! Nous avons considéré cet argument comme il se devait et nous avons continué notre combat car si nous abandonnions ce projet notre usine allait tout droit à la casse. 

L’argument des reconversions, prenait l’eau   !

Pour s’assurer de la complaisance des syndicats et des politiques, Jean Gandois avait depuis 1988 avancé des idées de reconversions, notamment avec le projet d’une fonderie d’aluminium au lithium, un nouvel alliage plus résistant et plus léger qui devait gagner des parts de marché dans le secteur des transports aériens, ferrés et routiers.

Deux cabinets CIDECOS et SECAFI nous conseillaient sur ces sujets, ils avaient attiré notre attention sur les incertitudes qui entouraient de tels projets. En effet, on ne gagne pas du jour au lendemain de nouveaux marchés, que ce soit dans l’industrie du transport, routier, ferré et de l’aviation, d'autant plus qu'il fallait également tenir compte des matériaux composites qui entraient, eux aussi, sur ce marché en concurrence avec l’aluminium. De plus, une fonderie isolée de la production d’aluminium primaire rendait obligatoire le transport et la refonte du métal nécessaire, ce qui entrainerait des coûts supplémentaires très pénalisants ! La CGT demandait que cet investissement soit fait à Noguères en compensation

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de la fermeture de la série C et de conserver la production d’aluminium primaire des halls d’électrolyse A et B. Le projet de fonderie au lithium ne fit pas « long feu ». C’était à ce stade de la poudre aux yeux !

Le président Gandois craignait de voir la CFDT s'éloigner de la perspective des reconversions, d’autant plus qu’il parlait maintenant de construire une nouvelle usine dans une zone portuaire aux bornes d’une centrale nucléaire. Le risque de voir la CFDT revenir sur une position unitaire en faveur de la modernisation s’amplifiait, car sa base commençait à s’inquiéter et semblait sensible aux propositions de la CGT ! Il devait donc trouver une solution pour maintenir cette division syndicale.

Martine AUBRY embauchée par PUK.

Une rumeur circulait en faveur de la zone portuaire du Havre ou de Dunkerque qui se trouvait à portée d’une centrale nucléaire et où le PS avait l’ambition de conquérir une circonscription à la droit, nous avait-on confié ! Concernant la fermeture de Noguères, le président Gandois, qui avait eu contre lui le premier directeur de l’usine de Noguères, ce monsieur Michel Castera ne voulant pas qu’elle soit abandonnée, avait trouvé la solution pour éliminer cet obstacle en éliminant le personnage, l’obligeant à faire valoir ses droits à la retraite ! Il restait donc une place « toute chaude » pour Martine Aubry.

Sans bruit l’accord fut rapidement conclu entre le gouvernement et Jean Gandois en faveur du site de Dunkerque, ce qui donna au Premier Ministre Michel Rocard la possibilité d’annoncer une grande nouvelle : la construction d’une usine d’aluminium à Dunkerque. Ce choix à mettre à l’actif du gouvernement de Michel Rocard se nourrissait de la fermeture de l’usine de Noguères et d’une magouille pour que le PS puisse conquérir une circonscription au RPR dans ce secteur nordiste !

L’investissement à Dunkerque fut estimé à 6 milliards, (7 milliards en fin de compte), il est à comparer avec celui de Noguères estimé à 3 milliards ! Mais voila, Noguères avait un handicap par rapport à Dunkerque, il fallait faire venir l’alumine depuis le port de Bayonne ! De qui se moquait-on encore, voila plus de 30 ans qu’elle nous arrivait depuis Gardanne dans les bouches du Rhône, mais quant on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage !

Notre action devait continuer !Nous avions décidé d’occuper le poste EDF de Marsillon qui assure toute la distribution d’électricité sur tout le complexe et la région. Nous avons bénéficié de la compréhension des responsables du site EDF qui avaient pleinement conscience que la fermeture de Pechiney

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entraînerait des suppressions de postes, cette action fut unitaire sur proposition CGT, décidée en A.G. Cette occupation souleva un vent de panique dans les directions du complexe par crainte que nous puissions mettre en arrêt toute la distribution énergétique du secteur industriel et au delà. La direction de Pechiney fut dépêchée sur place pour nous raisonner, par le préfet sans doutes ! Le directeur a connu la peur de sa vie en entrant dans ce poste où nous étions très nombreux. En effet, son intrusion souleva une révolte que nous pouvions avoir quelque peine à contrôler ! C'était un acte irréfléchi qui aurait pu lui coûter cher, car dans ce genre de situation, l'exaspération étant à son comble, il est difficile de se contrôler. Heureusement que le chef du poste EDF, ayant rapidement analysé la situation et les risques encourus, s’écria : "Ici c’est moi le chef et je vous prie de sortir immédiatement… etc." Le directeur s'en alla, ce qui eut pour effet de calmer les esprits. Je reviens sur l'inconscience de la direction de Péchiney et probablement de l'ensemble des directions du complexe y compris sans doute du préfet, qui guidées par un sentiment de peur occultaient cette ligne de 400 KV construite pour la modernisation de notre usine ! Quel mépris envers les travailleurs et quel gâchis !

La peur de voir un soulèvement général unitaire dans le complexe de Lacq et dans le Béarn avec cette unité d’action syndicale qui s’emblait renaitre, avait-telle donné cette idée lumineuse au président Gandois…. embaucher Martine Aubry ? En tout cas cela n’avait rien d’un hasard et ce choix du président Gandois n’avait rien d’innocent. En effet, embaucher une militante du syndicat CFDT, fille de Jacques Delors un des "éléphants" du PS, était un choix hautement stratégique.

Dès lors, le syndicat CFDT allait se trouver pris dans une situation embarrassante, Martine Aubry au troisième pallier dans la hiérarchie du groupe PUK pour soutenir la construction de Dunkerque et la fermeture de Noguères, tandis que la CFDT serait dans une lutte pour sauver l’usine de Noguères, pensez donc …. Pour la CFDT, le choix fut vite fait ! Notez au passage que le PDG Jean Gandois (que le PS avait tenté de le rendre responsable de la décision de fermer Noguères), réalisait le tour de force de liquider notre usine sous la présidence de François Mitterrand, du premier ministre Michel Rocard, de Martine Aubry et du syndicat CFDT ! Elle est pas belle la vie pour ces PDG avec cette « opposition » politique et syndicale ?

J’ai envi de sourire en repensant à cela car j’entends encore ceux qui clamaient haut et fort « pas de politique dans les syndicats », des « syndicats libres » ou encore : « pas de récupération politique »…quand un communiste se pointait à l’horizon. Dans ce cas là, il ne s’en est pas pointé un seul ! Curieux non ?

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Je n’ai jamais entendu les hommes politiques dire, pas de "récupération syndicale par le CNPF" (ou le MEDEF) qui en est si friand….à condition qu’ils lui mangent dans la main !!

«  PECHINEY DOIT RESTER A NOGUERES »

Tel était le titre de l’avis émis par le C.E.S. (Comité Economique et Social d’Aquitaine), sur le dossier Péchiney Noguères le 6 avril 1990. Basé sur un déficit croissant de la production française par rapport à la consommation et sur les excédents de production en énergie électrique, il précisait aussi que notre usine était toujours reconnue rentable à court terme avec une production pouvant être pérennisée et même augmentée grâce à la modernisation. Cet avis plaçait aussi le savoir faire des salariés de Noguères comme un des atouts majeurs. Nous diffusions cet avis au mois d’avril 1990, précisant bien que les activités dites de reconversions étaient considérées comme des activités complémentaires qui s’appuieraient sur la production d’aluminium de Noguères. Comme une fonderie au lithium par exemple.

« Certains », toujours les mêmes, vous les aurez reconnus, voyaient l'arrivée d'activités nouvelles dans le cadre des reconversions, en remplacement de l’électrolyse, comme une bonne solution. À la CGT, nous considérions les reconversions comme des activités complémentaires. Les deux positions s'affrontaient.

En matière de reconversions, la construction de l’unité NACANCO spécialisée dans la production de couvercles de boites de boissons, envisagée sur la commune de Mont, pouvait fort bien être associée à notre usine en vue d'optimiser ses chances de pérennisation. Ce projet était issu du rachat d’ANC aux USA où PUK avait fermé trois usines. Ce projet fut "dérouté" sur le Béarn alors qu'il était destiné à l’Irlande ! Il ne serait jamais venu en Béarn sans la pression des actions et démarches de la CGT, mais pour nous il s’agissait d’une activité complémentaire qui aurait du être implanté à Noguères. Le fait que cette usine soit installée à une dizaine de km de notre site alors que nous disposions d’une centaine d’hectares disponibles, équipés des infrastructures, gaz, eau, électricité et voies ferrées, nous faisait craindre que cette usine devienne une « usine à roulettes » !A Noguères, nous avions déjà un important savoir faire dans les métiers de l’aluminium. Bien évidemment, ce savoir-faire pouvait être utilisé pour y installer un laminoir en vue de fabriquer ces couvercles et en refondre les déchets sur place. Cela aurait eu un tout autre sens, économique et industriel, et d’éviter les surcouts logistique depuis Neuf-Brisach dans le Nord-est de la France ! L’Europe s’élargissait, l’Espagne et le Portugal allaient y entrer et Noguères détenait une position stratégique en vue du développement vers le sud.

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Tels étaient nos arguments que ni les élus locaux, ni les autres syndicats, ni le gouvernement ne  voulaient  entendre et encore moins admettre ! D’ailleurs, jamais aucun élu ou parti politique ne nous ont convoqués, ou sont venus nous rencontrer pour un échange sur ces sujets. Nous avons même du contrer en Commission Exécutive de notre Union Locale CGT plusieurs camarades qui tentaient régulièrement de nous « casser la baraque » pour n’avoir pas accepté les injonctions du secrétaire fédéral du PCF. A croire que nous avions gêné ce militant du PCF pour des motifs qui sortaient du cadre de notre combat ! C’est la seule explication possible à leur attitude envers nous, mais qu’elle en était donc la raison ?

En fait on comprend mieux aujourd’hui ce choix d’éloigner NACANCO de notre usine, un choix qui confirme que PUK est bien venu en Béarn pour y pomper du fric sur une trentaine d’années, avant de mettre la clef sous la porte. En effet, PUK a rapidement revendu cette usine NACANCO aux Américains pour, nous a-t-on dit, une modique somme ! Cette usine a été revendue ensuite par les USA à un groupe Anglais Rexam qui par bonheur l’a conservée en Béarn. Pour PUK, il s’agissait donc bien d’une « usine à roulettes » installée en Béarn pour rassurer les élus, la CFDT, FO, la CGC et tenter de museler la CGT ! D’autres possibilités de reconversions circulaient. La Fonderie actuelle serait équipée pour la refonte de métal, elle resterait sous la responsabilité de RHENALU, (branche du groupe PUK) pendant quatre ou cinq années. Une unité de fabrication de carrelages pourrait venir s’implanter, les « CARREAUX D’AQUITAINE » projet d’un conte Italien, malgré un important marasme de cette activité dans le BTP ! 

Bien qu’isolés, nous avons continué à soutenir le projet des repreneurs avec l’espoir que cela conduise à la modernisation de l'usine ou à la conserver. Nous persistions à dénoncer le principe des reconversions, même si la nature des projets semblaient prendre un aspect un petit peu plus industriel en comparaison avec la pâtisserie viennoiserie et autres moqueries « bidons » de ce genre ! Nous savions que ces projets ne compenseraient jamais ce que nous perdions, et nous avions de gros doutes sur la pérennité de ces emplois, le plus souvent portés par des chasseurs de primes….

Pechiney ayant provisionné 670 millions de francs destinés à couvrir les couts induits par la fermeture du site, PSE inclus !!

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L’Europe s’élargissait, l’Espagne et le Portugal allaient y entrer et Noguères pouvait devenir une position stratégique en vue du développement vers le sud. Nos arguments avaient du poids. Ils avaient celui de la logique et du bon sens et prenaient en compte l'aspect régional. Le président Gandois continuait à faire des bonds et je le répète, nous étions bien renseignés.

Une importante information nous parvient…

Nous étions si bien renseignés qu’un jour une personne vint à ma rencontre pour me confier une information… « Le président Gandois, avec qui j’étais récemment, m’a dit ceci, parlant de la CGT à Noguères »… "S’ils continuent à m’em…, je déballe tout sur la place publique. L’usine de Noguères, j’ai décidé de la garder avec les autres usines des Pyrénées qui peuvent durer jusqu’en 1997, j’en ai fait part à Michel Rocard et il m’a répondu : vous avez commencé à l’arrêter… allez donc jusqu'au bout". Cette personne m'a ensuite dit : "faites avec cela ce que vous pouvez mais je ne pourrai jamais en témoigner et si vous me citiez je serais obligé de vous démentir." Je n’ai jamais parlé de cette personne à quiconque et je ne le dirai pas davantage à présent. Cette information avait beaucoup d'importance, elle prouvait que nous avions fait céder le président de PUK et qu’un Premier Ministre qui se réclamait de gauche avait décidé de poursuivre la casse   ! Ce qui confirme si besoin est que se réclamer de gauche ne veut pas dire obligatoirement être de gauche.Il nous fallait vérifier cette information mais comment le faire ? J’ai dit précédemment : "il fait des bonds le président Gandois", ce n’est pas une simple image car il était bien connu pour exploser lorsqu'il était contrarié. Je l’ai dit aussi, nous étions bien renseignés sur lui mais nous l’étions bien aussi sur Martine Aubry et sur certaines de ses «   petites habitudes ». Elle n'hésitait pas à se faire passer pour une étudiante qui pour faire une thèse demandait à consulter les archives syndicales de la CGT ! Elle frappait à toutes les portes également, les mauvaises langues auraient dit qu'elle mangeait à tous les râteliers. Je ne veux par être mauvaise langue mais, bien que je n’ai pas fait de longues études, je sais ce que cela signifie "d’être bien élevé", alors je n’en dirais pas davantage.

Nous avons décidé de demander une audience au président Gandois avec la ferme intention de le pousser à bout pour qu’il nous dise à nous ce qu’il avait confié à notre informateur. Sa réponse fut de nous rencontrer avec les autres syndicats. Nous avons refusé. Il avait su rencontrer à sa guise séparément la CFDT, FO, la CGC ainsi que les élus du PS, sans que ces rencontres se fassent en notre présence, c’est ce que nous lui avons fait remarquer.Il devait se demander pourquoi nous voulions le rencontrer, peut-être espérait-il que nous avions changé de cap ! Avant de nous recevoir; il convoqua de nouveau les autres syndicats, sait-on jamais ! S'ils avaient quelques informations que Mme Aubry n’aurait pas pu recueillir à l'aide de ses réseaux.

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M. Gandois, M. Ferrecq et Mme Aubry avaient participé aux précédentes réunions avec les autres organisations syndicales, mais… Mme Aubry était absente pour notre réunion ! J’ai ma petite idée sur les raisons de son absence! Je pense qu’elle ne souhaitait pas se trouver face à nous, craignant peut-être que nous en sachions un peu trop  et que nous déballions tout !Nous étions donc les derniers à rencontrer le président Gandois et M. Ferrecq. Notre délégation était composée de Régis Carbonne, Roland Lansot et moi-même.

D’entrée le président s’est lancé dans un exposé sur ces fameuses reconversions qu’il entendait mettre en œuvre, évitant de nous interroger sur les motifs de notre demande d’audience. Il nous parla essentiellement du projet RHENALU prévu initialement à Neuf-Brisach en Moselle. Bref, nous l’avons laissé s’évertuer, ce n’est pas le cinéma qui nous était fait avec des boites de boissons qui seraient récupérées dans les grandes surfaces qui pouvait nous convaincre que ce projet n’était pas bidon et qu’il pouvait assurer un avenir à Noguères….qui donc allait ramener des boites de boissons vides, gratuitement, et les déposer dans les grandes surfaces du Béarn ? Quant une personne de cette envergure en est réduit à de tels arguments pour valoriser un projet industriel, c’est suspect, ou bien il nous prend pour des c… lui aussi !

Il nous avait préparé tout un dossier sur ce projet, il nous l’expliqua, plan à l’appui. Le fait que nous persistions à lui dire que nous ne pouvions prendre au sérieux ce projet, tout en lui faisant part de notre préférence pour celui des repreneurs, le rendait furieux.  Chacun sa méthode ! Il fit plusieurs fois le tour de son bureau, en rage, et nous menaçait de partir sans chercher à savoir pourquoi nous lui avions demandé audience. Cela nous arrangeait forcément et nous avons continué à le « booster » avec les repreneurs jusqu’à ce qu’il explose et nous dise : "je vais vous dire moi ce que j’en pense de vos repreneurs - ils ne s’installeront jamais à Noguères et pour preuve, je vous dis que j’ai décidé de conserver votre usine avec les autres usines des Pyrénées et c’est Michel Rocard le premier Ministre qui ma dit : vous avez commencé à l’arrêter, allez jusqu'au bout". Nous avions obtenu confirmation de l’information reçue, il restait maintenant à la faire prendre en compte.

L’annonce de cette nouvelle n’a pas produit l’effet espéré !

Le premier ministre d’un gouvernement qui se déclare être de gauche et qui dit, à un PDG d’une Multinationale Française qui lui annonce vouloir conserver une usine plutôt que de la céder à des repreneurs, de la casser. Aussi incroyable que cela puisse paraitre cela n’a pas fait réagir le personnel, ni les populations contrairement à nos espoirs ! Vous voyez, si nous ne sommes pas tout à fait c… pour le moins nous

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sommes un peu naïfs, tenez quand même compte pour nous juger que nous ne sommes jamais aidés par les médias

Le personnel n’a pas saisi cette bouée, pourtant l’inquiétude persistait voyant l’échéance approcher ! Les partis politiques qui auraient dû nous soutenir restaient silencieux, notre confédération également !

Dunkerque ou Noguères… Noguères ou Dunkerque ? L’une ou l’autre ? Pourquoi pas les deux ? Soutenir Noguères faisait-il craindre que Dunkerque puisse être abandonné par PUK ? Voilà à quoi tenait l’avenir de notre usine et des emplois que cette activité industrielle induisait dans un département, ou sans le moindre scrupule ils sont venus puiser ses richesses. Alors que par la lutte, avec la détermination que nous impose l’engagement de défendre l’intérêt des salariés et pour chacun de nous, notre intérêt de vivre et travailler au pays pour y assurer un avenir pour nos enfants, animés tout simplement par la logique de la lutte des classes, sans qu’elle puisse prendre un seul instant la même nature, odieuse et méprisante de celle que mène la patronat à notre égard ! Dans ce domaine il y en a qui ont manqué à leur devoir, ce sera le moins que je puisse dire.

Nous avions pu lire dans la Vie Ouvrière, l’hebdomadaire de la CGT, un important reportage sur le projet de Dunkerque. Ce site se doterait d’une nouvelle organisation du travail avec la mise en place de modules tournants dans lesquels chaque ouvrier serait, tour à tour, rattaché à la production, puis à la maintenance simple, assurant aussi à tour de rôles la fonction d'agent de maîtrise, etc. Cette nouvelle organisation était présentée comme une valorisation des tâches qui mettrait fin au taylorisme. Les ouvriers allaient percevoir un supplément de rémunération, léger bien sur. En contre partie, car il y en a toujours une, les chefs d’équipes seraient réduits au maximum, les A.M. en moins grand nombre également. D'autre part, cette nouvelle organisation supporterait difficilement les absences, les salariés ayant des délégations syndicales seraient moins enclins à s’absenter et donc moins disponibles pour les fonctions syndicales ! Le « tutoiement » serait généralisé, y compris avec la direction, (ça ce n’était pas dans la VO) mais cela fut tenté au démarrage de l’usine de Dunkerque.De plus, la masse salariale en serait ainsi diminuée … qui a dit que les patrons sont tous de c…. ? En tout cas dans cette affaire la confédération CGT semble n’y avoir vu que du feu ! Faut bien les excuser un peu. A mon niveau c’est compréhensible, si je demandais à voir sur le moment, aujourd’hui j’ai vu et forcement compris qui sont les gagnants de cette histoire, pas besoins de l’écrire je pense.

Ce projet était celui de Martine Aubry et de Jean Gandois. Il aurait mérité une autre analyse que celle qui en était faite dans cet article de la

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VO ! Qui, de plus, ne présentait même pas ses "condoléances" à Noguères !

Un syndicat CGT, seul contre tous, qui parvient à faire céder un PDG de la trempe de Jean Gandois, au point de le contraindre à décider de conserver une usine destinée à la casse, (c’est déjà ça), plutôt que de la céder à des acquéreurs qui auraient démontré sa rentabilité d’une part et permis de conserver plus de 3000 emplois directs et induits d’autre part, dans un département où la multinationale PUK était venue se gorger, une usine que quelques années avant on avait décidé de moderniser , d’y installer une nouvelle technologies issue du savoir faire Français, une usine Nationalisée, richement dotée par le contribuable.…. Ouf, j’en reste là…. Et pas un mot dans la VO, pas le moindre coquerico de la CGT ! Que devenions nous et que sommes nous devenus aujourd’hui et en deux décennies ? 

Je précise pour en rester là, que ce qui se produisait était ni plus ni moins que ce que nous avions prévu, nous petits militants de la base et du terrain, sans que cela nous soit « soufflé » par les « cerveaux » que nous financions avec nos cotisations syndicales.

Il nous fallait poursuivre seuls notre combat ?

Pour faire "   bon poids", une nouvelle reconversion…: les Carreaux d’Aquitaine

Le président Gandois rajoute un peu de sel dans le potage, lui-même craignant qu’il soit trop fade.Ce n’était pas une unité des "Carreaux d’Aquitaine", qu’un comte Italien voulait installer à Noguères, qui allait nous faire changer d’objectif. Ce projet était celui d'un véritable « chasseur de primes ». Il proposait une activité sur un secteur en déclin dans lequel d’autres industriels engageaient des fermetures d'usines, Villeroi et Bosch pour n'en citer qu'un.Immédiatement, la fédération des verres et céramique CGT, que nous avions consulté, nous faisait un exposé sur la situation de cette activité industrielle pour nous confirmer qu'elle était en pleine crise ! Dans l’hypothèse la plus optimiste, il était impossible d’envisager un redressement de cette activité, même à moyen terme ! Approuver cette implantation, en laissant croire qu’elle apporterait une solution pour l'emploi, était une tromperie envers nos camarades et les demandeurs d’emplois du secteur. Nous les avons alertés et nous avons été entendus car, sur notre site, personne n’a opté pour cette solution de reconversion.Il était purement scandaleux de voir que le président Gandois, sa collaboratrice Martine Aubry, le député Maire de Pau et son suppléant adjoint du maire de Mourenx avaient accepté puis proposé cette solution sans avenir, sachant parfaitement à quoi elle allait conduire : de l’argent jeté par les fenêtres et des drames pour les travailleurs et leurs familles dans un proche avenir !

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Obstinément, nous avons continué à soutenir les repreneurs qui, de leur coté, décidaient de tenir une conférence de presse à Mourenx. Nous avons eu la surprise d’y rencontrer des élus du département qui jusqu’à ce jour s’étaient tenus en retrait de notre action ! En général les caméras de télévision attirent des élus comme le sucre attire les mouches. C’était une excellente occasion pour eux de profiter d’une médiatisation sur un sujet qui ne laissait personne indifférent en Béarn et même au delà… il y a toujours des élections à l'horizon , n’est-ce pas Monsieur Bayrou ?

Assurer la responsabilité des actions n’est pas toujours évident   !

Notre syndicat avait programmé, en gare d’Artix, une action qui consistait à bloquer un train d’aluminium afin de provoquer l’arrêt des trains de voyageurs. Le but était de distribuer aux voyageurs une information sur la casse de notre usine. Nous obtenions la participation des autres usines du complexe notamment de la société ELF qui revendiquait la construction d’un « vapocraqueur flexible » pour assurer la continuité industrielle du complexe de Lacq. Nous étions également soutenus par des entreprises sous-traitantes de Pechiney, premières victimes en cas de fermeture. Il s’agissait pour ces entreprises, d’apporter non seulement un soutien à nos actions, mais aussi d’agir pour leur avenir. En préparation de cette action en C.E. de l’UL CGT de Mourenx, la décisions en avait été prise en réunion d’adhérents de l’usine, un camarade proposa de vider le chargement de ce train sur les rails SNCF   ! Il s’agissait des plaques d’aluminium pesant 7 et 9 tonnes chacune, les faire chuter sur les voies ferrées entrainerait des dégradations importantes ! Une « rumeur » nous avaient alertés de ce projet, nos adhérents et nous-mêmes étions opposés à ce type d’action qui pouvait entrainer des recours en justice et dévier le sens de notre action, (nous avions l’expérience de 1973) et nous ne pouvions exclure que l’origine de cette idée ait pu naitre dans le camp patronal ! Bien que nos camarades de la C.E. de l’UL aient compris et respecté notre démarche, nous vîmes arriver, le jour de cette action en gare d’Artix… un commando armé de barres de fer et de câbles en vue de procéder au déchargement du train   !

Cette équipe de « gros bras » était inconnue dans le complexe. Ces individus venaient de Pau chargés de cette mission et tout particulièrement, avec l’objectif de nous y entrainer ! Nous avons vite compris que ce « commando » agissait sous l’influence de celui qui avait inspiré cette opposition aux repreneurs le jour où nous rencontrions le secrétaire de la section du PCF et le maire de Mourenx, en l’occurrence le secrétaire de la fédération départementale du PCF et nous savions que cela allait nous conduire dans une impasse !

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J’ai tenu à faire respecter l’action telle que nous l’avions prévue, de plus elle était soutenue par notre UL. Le ton a monté rapidement, des mots qui n’avaient pas lieu d’être furent prononcés, je fus comparé à Edmond MAIRE secrétaire général de la CFDT, nous étions sur le point d’en venir aux mains…. ! Notez que j’étais un adhérent du PCF et je le suis resté jusqu’en 2010. Ce jour là j’avais tenu à participer à la mise en route de cette action avant de me rendre à Tarbes ou j’avais rendez vous avec un avocat pour des motifs personnels. Nos actions se devaient de rester dans les limites du correct, éviter le vandalisme et mériter le soutien des populations. Les vandales ce n’est pas les travailleurs qui se battent pour leurs droits et dont celuii de vivre et travailler au pays, face à un patronat qui détruisait leur outil de travail.

Ceux qui avaient fait le choix de décharger ce train, qu’ils en assument pleinement la responsabilité. Nous les avons laissé faire. Curieusement la police se trouvait sur place pour constater les actes et les conséquences de cette action…. Qui les à convoqués ? On ne bascule pas facilement des plaques d’un tel poids et ils n’y sont pas parvenus, néanmoins une plainte fut déposée par Pechiney. Curieux non ?Plus curieux encore, l’objectif que visaient ces « irresponsables qui voulaient décharger ce train sur les voies ferrées, c’était justement d’obtenir ce dépôt de plainte pour que la lutte puisse s’orienter sur la défense des libertés des travailleurs. Je ne l’invente pas, c’est bien ce qui nous à été dit ! Mais qui donc avait intérêt à nous faire passer pour des irresponsables ?

Ce train traversa ensuite la France avec nos slogans exigeant la modernisation de Noguères peints sur chaque face des plaques d’aluminium.Il n’était pas simple d’assurer des actions efficaces en préservant l’outil de travail, en respectant les installations, en protégeant les intérêts des salariés, tout en étant confronté à l'opposition du patronat et à ses pièges, à ces gouvernements soumis au patronat, à ces syndicats réformistes et à aux « politiques » qui ne sont guidés que par des ambitions personnelles et électoralistes, « la lutte des places » prenant le dessus sur la « lutte des classes » pour la plus part d’entre eux.

Il était difficile pour nous aussi militants, d’être tenaces, dignes et respectables tout en sachant que nous exposions des adhérents fideles ainsi que leurs familles, (nos familles également), à de lourdes conséquences. Mais, coûte que coûte, nous devions nous y tenir jusqu’au bout !

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Quelle déception de constater qu'un gouvernement, qui se dit de gauche, qui s'est engagé à défendre et préserver les intérêts des travailleurs, tourne ainsi le dos à ses engagements et laisse le patronat détruire des usines en France pour en reconstruire à l'étranger dans le seul but d’y accroitre la marge des profits financiers, d’échapper aussi à la fiscalité en utilisant pour cela des paradis fiscaux au mépris des intérêts de la France et des Français !

Quelle déception aussi de s’entendre dire par un énergumène qui se disait membre du PCF, que le but du commando qui voulait décharger ce train, était de nous faire traduire en justice pour pouvoir mener un combat pour la défense des libertés, comme si notre lutte contre la casse des industries n’était pas un motif suffisant. Je n’ai jamais pu croire qu’une telle idée ait pu émaner du PCF, tout au plus d’un irresponsable local qui voulait faire parler du communisme selon sa conception ! Mais c’était déjà trop !

La notion d’éthique en matière de journalisme, de politique, d'action syndicale, enfin plus généralement, du comportement de chacun dans sa profession et dans ses engagements, doit nous guider dans tous nos actes. N’est-ce pas la seule valeur à laquelle nous devons nous accrocher ?

Avoir la satisfaction de pouvoir se regarder dans une glace tous les matins et se dire que nous avons fait le maximum, proprement et avec dévouement en tant que militants et adhérents d’un syndicat qui s’est engagé à défendre les intérêts des travailleurs sans y nuire et sans rechercher un avantage personnel, comme nous l’avions fait en 1968 puis en 1973, et durant ces cinq années de combat pour que notre usine ne soit pas livrée aux « vautours », pour qu’elle soit modernisée ou du moins conservée par PUK ou les repreneurs.

En poursuivant nos actions nous espérions acculer PUK et les adeptes des reconversions dans leurs derniers retranchements. En effet, il leur était difficile de soutenir qu'en matière d'emploi, la somme des projets de reconversion : Nacanco, Rhénalu et Carreaux d’Aquitaine serait suffisante et puisse répondre à leurs exigences. En particulier à celles de la CFDT qui disait constamment vouloir obtenir des emplois en quantité et en qualité au moins identiques à ceux que nous laisserions. Mais, en étudiant de prés les emplois proposés, le compte n'y était pas et de loin. Ce syndicat se trouvait donc pris à son propre piège.

Le député maire de Pau volait une fois de plus à leur secours. Il avait comme ami le patron de la société, CALLIOPE. Cette entreprise, située à Port la Nouvelle elle avait pollué l’environnement et fut obligée, sous la pression populaire, de quitter le site. Elle avait été repoussée de tous les villages de l’Hérault ou elle avait tenté de s’implanter.Une aubaine pour Noguères, avait dû penser le député maire de Pau. Immédiatement nous nous sommes renseignés sur la nature de ce projet

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et sur les conséquences qui pouvait en découler, si elle venait s’installer sur Noguères. Nous apprenions qu’il faudrait créer une zone "SEVESO" !Sans se concerter, la CGT et la section du PC de Mourenx réagirent vivement car l'installation de cette entreprise présentait de réels dangers pour les travailleurs et pour l’environnement. En plus, elle serait pénalisante pour les populations avoisinantes, interdiction de construire, y compris de modifier les habitations à l’intérieur de la « Zone Seveso » qui serait à déterminer, etc..

. Mais, comment expliquer à la population que cette zone Seveso était la conséquence de la venue de Calliope ! Tel devait être le tourment de Monsieur le député maire de Pau et de son suppléant Mourenxois ! Ils ont eu l'idée géniale de créer la zone SEVESO par rapport à un stock de chlore de la société SOBEGI. Ce stock, comme celui de Pechiney, existaient depuis fort longtemps. Ils auraient du entraîner la création de cette zone bien avant, bien qu’il eut été plus simple en pareil cas, plus efficace, moins couteux et moins pénalisant pour les populations de réaliser un confinement   de ces stocks de chlore sur place , chose impossible à réaliser pour une usine de la taille de Calliope.

Pour faire admettre cette création de zone, les élus rassemblèrent les habitants des villages concernés afin de leur donner les explications nécessaires et leur promettre quelques compensations pour faire avaler la pilule !Informés, sans être invités de la tenue de ce rassemblement avec les habitants, nous y sommes allés avec d’autant plus de détermination que nous ne pouvions accepter un « parachutage » aussi dangereux pour les salariés qui y seraient affectés ! Nous venions également d’apprendre, que le député maire de Pau, qui s’était permis de n’informer personne du projet de reprise de notre usine, avait écrit à M. Marc RICH le repreneur. Ecrire à Marc Rich alors qu’il avait méprisé son projet au point d’en dissimuler son existence, c’était plus que douteux, surtout venant de ce personnage ! D’ailleurs, cette lettre eut pour effet de rendre M. Marc RICH furieux ! Dans cette lettre il demandait à M. RICH des garanties sur les conditions sociales du projet qu’il partageait avec Montupet….. Nous les avions nous ces garanties et nous les avions rendues publiques ! En fait ce « cher monsieur », tout député-maire qu’il était, avait sûrement une autre idée en tête. En effet, en orthographiant son prénom de la façon suivante : Mark, comme en Allemagne, il l'offensait gravement, car il n'était pas sans savoir qu'il s'adressait à un juif d'origine Allemande qui avait dû, pour les raisons que tout le monde connaît, fuir son pays et le nazisme pour se réfugier aux USA. ! M. Rich avait pris une telle colère qu’il voulait tout abandonner, nous rapporta M. Castera. Il fut très difficile de le faire revenir sur sa décision. On notera au passage que ce député de notre circonscription et maire de Pau aura tout fait pour faire capoter ce projet et soutenir les casseurs !

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Durant cette assemblée, où ce « parlementaire » s’évertuait à rassurer la population sur cette zone SEVESO, un intervenant, qui avait du mal à dissimuler sa complicité avec ces « responsables » organisateurs de cette assemblée, suggéra une baisse des impôts locaux à titre compensatoire de la dévalorisation des habitations incluses dans la zone Seveso. Voila qu’elle est bonne l’idée venue de « monsieur n’importe qui ». Mais, une compensation dérisoire comparée au préjudice que subiraient les propriétaires des habitations et des terrains inclus, cela peut faire bon effet et pas long feu.. De plus, à cause de cette zone, il serait désormais impossible d’obtenir un permis de construire, même pour une simple modification des habitations !

J’intervenais donc aussitôt pour dire qu’il serait bien plus avantageux de conserver une usine d’aluminium, moins dangereuse pour les salariés, moins polluante pour l’environnement où les stocks de chlore pouvaient être facilement confinés sur place. J'indiquais également que notre usine employait cinq fois plus de personnel que Calliope, et qu’il ni avait aucune raisons de ne pas la moderniser si besoins était, en tout cas, nous pouvions la conserver avec les autres usine des Pyrénées ou avec le repreneur….. Bref, je lui reprochais d’être à l’origine de la venue de Calliope en dévoilant son amitié avec M. Marchal PDG de cette société CALIOPE. Je l'accusais donc de se rendre responsable de son implantation, des risques encourus par le personnel qui y serait affecté et pour l’environnement et le gave de Pau. Toutes ces raisons pour les qu’elles ce projet était repoussé par plusieurs villages de la région de Béziers et je terminais en lui rappelant qu'il n'avait pas soutenu notre lutte pour moderniser Noguères et encore moins le projet du repreneur.

La colère se lisait sur son visage. Ne sachant trop quoi répondre à ces accusations, il était particulièrement inquiet de constater que nous savions beaucoup trop de choses à son goût sur cette affaire, il commençait donc à paniquer. Inquiet et furieux il le fut encore davantage quand je lui reprochais publiquement d’avoir envoyé une lettre à M. Marc Rich, avec l’intention de le blesser pour les raisons que j'ai évoquées. J'avais une copie de cette lettre et je lui précisais qu'il aurait très bien pu s'adresser à nous pour avoir les réponses aux questions posées dans ce courrier concernant les garanties sociales- nous nous serions fait un plaisir de le rassurer. Furieux, il quitta la réunion en me criant : "qu’il ne continuerait pas à débattre avec un raciste" ! Je ne sais pas s’il est raciste, en tout cas, moi je ne le suis pas, je pense l'avoir suffisamment démontré.

Son départ brutal fut, selon moi, motivé par la crainte que nous en sachions beaucoup plus sur lui, et que s’il restait nous allions l’étaler en public !

Les habitants et les élus des petites communes concernées par cette zone SEVESO, de qui nous pouvions espérer un soutien pour renforcer notre lutte, se sont alignés majoritairement sur les "puissants", pour de

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modiques compensations financières et quand je dis modique je suis large. La seule satisfaction que nous pouvions en retirer est que nous étions les seuls à avoir fait quitter une réunion à ce triste personnage, comme cela nous fut rapporté !

Calliope a  donc pu s’établir en Béarn mais en mettant en œuvre une production et un conditionnement de produits phytosanitaires sécurisés. Toutes les actions et cette intervention contre ce projet, si elles n’ont pas abouti à son abandon, ont, pour le moins, permis que cette unité soit construite dans le respect des normes sécuritaires les plus strictes. Il n’en demeurait pas moins que travailler dans cette usine n’est pas sans conséquences pour la santé des salariés, d'ailleurs plusieurs d’entre eux ont dû stopper leur activité et d’autres m'ont récemment fait part de leur inquiétude sur leur état de santé, corroborée par des analyses de sang inquiétantes. D’autres, suite à des malaises répétés ils ont quitté leur emploi !

En était-il terminé des projets de reconversion   ?  Récapitulons ce que l'on nous proposait en matière de reconversion :

une usine détournée d’un projet Irlandais, Nacanco qui fabriquerait des couvercles de boites à boissons ; une fonderie Rhénalu qui allait fonctionner avec des

déchets de laminage d’aluminium, qui arriveraient de Moselle pour y retourner sous forme de plaques d’aluminium et qui reviendraient ensuite sous forme de feuilles d’aluminium à Nacanco pour y faire ces couvercles ! Avec en complément la récupération des « canettes » dans les grandes surfaces.

une usine de production de carrelage, avec peu d'espoir de débouchés (Les Carreaux d’Aquitaine) :

une usine de production phytosanitaire qui présentait des risques pour l’environnement et pour le personnel (Calliope) ;

Seulement 171 emplois demeuraient sous la responsabilité du groupe PUK, représenté par Rhénalu et Nacanco ! Nous étions loin des 575 que nous comptions encore à l’effectif au début de l’année 1990 après l’arrêt de la série C et des 760 emplois avec les trois halls d’électrolyse Nous étions inquiets pour la pérennisation de ces emplois en particulier ceux de Rhénalu et Nacanco ! Nous avions de la crainte pour ceux de Calliope vu leur exposition au danger et aucune confiance concernant ceux des Carreaux d’Aquitaine.

Devions-nous accepter les reconversions ou continuer à soutenir le projet des repreneurs ?

Dans la poursuite de notre combat en soutenant le projet des repreneurs, nous avions une crainte majeure, c’est que Pechiney mette hors d’usage les redresseurs du courant nécessaire à

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l’électrolyse, c’était une condition première des repreneurs, qui ne pourraient pas supporter l’investissement ! La logique étant que PUK livre l’usine en état de production et je dirais même en fonctionnement. Nous nous doutions bien que les cuves seraient vidées et mises à l’arrêt. Redémarrer les cuves était supportable pour les repreneurs… mais les redémarrer et reconstruire la salle des redresseurs dans une usine de plus de 30 ans rendait le projet obsolète ! Il nous aurait fallu occuper l’usine, mais il n’était pas possible à nous seul de renouveler le mouvement de Mai 68.Détruire les salles de redresseurs équivaut à un acte de sabotage bien entendu, mais avec qui et comment nous y opposer ?

Le cynisme du président Gandois persistait. Il s’opposait toujours aux repreneurs et continuait à ne rien dire de la scandaleuse décision de Michel Rocard ! Il annonça donc l’arrêt de la prochaine série d’électrolyse en octobre 1990 !

Les études économiques que nous avions en notre possession et les informations qui nous parvenaient, malgré un dollar qui faisait du "yoyo" et des spéculations influençant les cours de l’aluminium, confirmaient bien que notre usine était toujours rentable…. J'en ai pour preuve que, 20 ans après, les usines utilisant la technologie Soderberg, identique à celle de Noguères, étaient encore en production dans le monde entier, au Japon, aux USA et au Canada. Pour autant je ne crois pas que leurs actionnaires soient des philanthropes.Nous avions nous aussi la possibilité d’obtenir une tarification préférentielle du KWh, avec PUK, encore plus aisément qu’avec les repreneurs. Cette tarification préférentielle a bien été obtenue pour Saint Jean de Maurienne jusqu’en 2014 et pour Dunkerque jusqu’en 2017 ! Pour qu’elle raisons n’aurait-elle pas été possible pour Noguères alors que nous avions largement contribué à l’épuisement du gisement du gaz Béarnais ?

Puisqu’ils disaient que le projet des repreneurs n’était pas viable, pourquoi ne les ont-ils pas laissé s’enfoncer ?Surtout que l’on ne vienne pas nous dire que c’était pour nous sauver, pauvres de nous si cela  existait ça se saurait et nous ne compterions pas 1000 chômeurs de plus chaque jour comme c’est le cas actuellement.

OUI, tout cela nous poussait encore à poursuivre la lutte.

La CGT de Noguères peut s’honorer d’être la seule des quatre organisations syndicales à avoir fait opposition à cette stratégie du malheur, aux incohérences politiques et aux chasseurs de primes.Début juillet 1990 nous appelions encore à des arrêts de travail, limités pour ne pas endommager notre outil de travail. Pechiney aurait été trop

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heureux de pouvoir nous imputer l’arrêt de l’usine. Néanmoins tandis que nous poussions, au maximum de nos possibilités, les actions et les démarches, la CFDT, qui prétendait avoir obtenu sur tapis vert les reconversions, faisait diversion en faisant grève pour soutenir Solidarnosc. Lors de réunions du C.E., petits sourires à l’appui les élus CFDT nous narguaient en arborant des badges de ce syndicat polonais, ce qui malgré tout paraissait inquiéter la direction. Mais était-elle inquiète ou espérait-elle une réaction violente de notre part ? Qui osera nous dire que tout cela n’était pas orchestré ? Quant on revoit tout cela avec le recul que j’ai maintenant, on y découvre une possible « manigance » !

Je voudrais indiquer un fait qui, à mes yeux, démontre ce que pouvait être les dirigeants de PUK…. A quel type d’individus nous avions à faire !Au démarrage de notre usine en 1959 un enseignant avait quitté l’éducation Nationale pour s’engager dans une autre carrière. Il avait été embauché au niveau ouvrier de production à l’usine Pechiney de Noguères. Puis il postula pour gravir un à un les échelons hiérarchique jusqu’à parvenir à celui d’ingénieur. Sa carrière se poursuivit dans plusieurs usines, y compris hors de France dans le cadre de l’assistance technique. Ces « Messieurs d’en haut » eurent une brillante idée…. Muter cet ingénieur à Noguères où il avait laissé un très bon souvenir de son passage. L’y affecter comme sous directeur technique chargé de préparer la modernisation de l’usine   ! Non, ne vous frottez pas les yeux, vous avez bien lu, pour préparer la modernisation de l’usine.

Une grave maladie mit ses jours en danger, pendant 8 ou 10 mois il fut absent de l’usine ! La direction générale attendit son retour pour le nommer directeur en remplacement du précédent qui avait-on dit, ne voulait pas participer à l’arrêt de l’usine. Confier cette mission à une personne qui avait laissé un excellent souvenir à Noguères et qui s’était lié de sympathie voire d'amitié avec de nombreux ouvriers pour avoir démarré les cuves à leur coté c’est lamentable. Compter sur lui pour réussir une casse industrielle en douceur, comment peut-on qualifier cela ?

Ce nouveau directeur était très abordable et l’on pouvait aisément débattre des sujets les plus délicats. Je me suis donc permis de lui dire ce que j’en pensais en tête à tête. Je lui dis mon écœurement de constater que la direction générale l’avait muté pour moderniser notre usine et qu’en fait il s’agissait de lui confier la charge de «   coupeur de tête   »  ! Surpris sans doute de constater que j’avais mis le doigt là où ça fait mal, il me répondit : "qu’il n’avait pas dit son dernier mot"… Cela se passait en Mai ou juin 1990,  trois mois plus tard il m’annonçait qu’il avait fait valoir ses droits aux FNE, Des FNE programmés au siège de notre société Alu Pechiney en solidarité avec Noguères, en fait pour y libérer des postes de reclassement. Les directeurs des usines de notre société étaient rattachés aux effectifs du siège.

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Il quitta donc son poste et fut remplacé par un nouveau directeur à qui incomberait «cette honorable » mission.

Toujours bien renseignés, nous apprenions que le président Gandois avait l’intention de démolir le plus rapidement possible les installations d’alimentation des cuves pour couper l'herbe sous les pieds des repreneurs. Nos craintes se confirmaient ! M. Legrand, directeur de la branche aluminium du groupe, avait en conséquence demandé au directeur de l’usine de Noguères de prévoir le démontage immédiat des goujons des cuves et des alimentations électriques ! Ce qui n’était ni plus ni moins que les actes de sabotages évoqués.

Nous redoutions que cela se produise mais en avoir la confirmation était choquant et ça nous a fait mal. Nous revivions le même scénario de juillet 1986. Le même sentiment, la même douleur, que le jour où nous avions confirmation que l’usine serait cassée. Décider de détruire des installations que d’autres voulait acquérir, alors que cela représente pour des salariés un moyen de vivre et de vivre au pays, c'est écœurant. Aurait-il eu cette même insolence ce Monsieur Legrand si face à lui s’était trouvé unis TOUT le personnel de Noguères sur un seul et unique projet de modernisation de notre usine ? Non, certainement pas ! Alors à quoi et à qui les syndicats réformistes sont-ils utiles ? Je laisse le soin à mes lecteurs d’en donner la réponse.

N’oublions jamais que dans une telle usine la plupart d’entre nous, y avions laissé nos forces, notre jeunesse et notre vitalité, et surtout pour beaucoup d’entres nous, notre santé. C’est justement en 1990 que nous découvrions que l’amiante était à l’origine de deux cas de maladies graves dans notre usine, cela nous avait été soigneusement caché, y compris par la médecine du travail ! Nous savions que dorénavant, nous avions TOUS, salariés des services de production et de maintenance, une épée de Damoclès pendue au dessus de nos têtes pour avoir ingurgité un poison pouvant être mortel à petit feu !

CASSER UNE USINE : Cela devrait être formellement interdit par des lois ! Pourquoi les salariés n’ont-ils pas un droit de véto sur de telles décisions, un droit de véto, argumenté bien sur, est absolument logique dans un état républicain soi-disant démocratique ?Il s’agit d’actes criminels, car toutes ces casses industrielles entraînent des maladies, des dépressions, voire parfois des suicides, quoiqu'il en soit, toujours des drames familiaux…. Combien de divorces et autres misères ?

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Nous avions maintes fois alerté les élus de la région sur le risque de sabotage de nos installations. Seuls les élus communistes, qui avait soutenu jusqu'à ce jour uniquement la solution de la modernisation, ont subitement réagit : En déclarant :   " toute possibilité sérieuse de préserver une activité de production d’aluminium à Noguères devait être examinée et prise en compte" …. ( telle était l’expression du secrétaire de la fédération départementale du PCF parue dans un article de presse suggérant, pour Pechiney, une coopération franco-française) " pourquoi ne pas la concevoir avec Montupet, qui se déclare intéressé, et avec les industries aéronautiques et automobile"   avait-il ajouté ! Ce qui dissimulait très mal une tentative de « récupération » de ce projet  de repreneurs qu’il avait jusque là rejeté !

Mieux vaut tard que jamais ! Mais quand il est trop tard c’est plutôt idiot…. et je suis indulgent !

Surpris ? Il y avait de quoi l’être ! Oui, nous étions surpris de ce revirement en faveur d’un seul des repreneurs. En fait, Montupet n’était pas repreneur « seul » de notre usine ! Ignorer Marc RICH, cela n’avait rien d’innocent, mais c’était du n’importe-quoi, pour ne pas dire plus. En tout cas, ce curieux ralliement de dernière minute, c’était nous prendre encore pour des c… dont nous ne comprenions pas sur le moment ce qui le motivait. En tout cas, ce n’était pas de nature à inquiéter le président Gandois qui y voyait toujours une opposition à Marc Rich, sachant fort bien qu’avec Montupet seul le projet ne tenait pas. Notez que ce secrétaire fédéral du PCF n’était jamais venu s’entretenir de ce projet avec notre syndicat, bien qu'il n’avait aucune obligation à le faire, il restait, bien entendu libre de ses analyses et de ses prises de positions, mais ça fait vraiment mal, très mal même quand on c’est battu en mettant TOUT sur la table, comme on le dit.

Je tiens à préciser qu’aucun des élus, de droite comme de gauche, ne sont jamais venus nous demander la moindre explication concernant ce projet ! Il n’est pas dans leur culture de s’abaisser à rencontrer la CGT ! Le CNPF n’aurait pas apprécié !

Le 19 octobre 1990, au moment où l’arrêt des cuves de la série A devait débuter, nous avons engagé une autre forme d’action qui ne consistait plus à manifester une réprobation mais à nous opposer à l’arrêt des cuves. Le moment d’agir fermement avec détermination et de venir se joindre à nous ne devait échapper à personne. Des responsables de toutes sortes d’organisations, des salariés du complexe (conscients de l'effet boule de neige que pouvait entrainer la disparition d'un des piliers du complexe), des militants syndicaux et des élus se sont déplacés pour nous soutenir. En ce qui concerne les politiques, les élus du PC de la Ville de Mourenx étaient tous à nos cotés, mais pour les élus du PS, seul l’ancien leadeur de la CFDT parti en préretraite FNE était également présent.

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Pour éviter le sabotage qui se préparait, celui d’une usine nationalisée, un bien public toujours rentable qui intéresse d’autres industriels, le seul moyen que nous avions de nous opposer à cette destruction était l'occupation des points stratégiques de l’usine, le blocage des installations et du matériel nécessaire à la procédure d’arrêt et de l’alimentation des cuves d’électrolyse en énergie électrique et en minerais. Il s’agissait là d’une forme d’action qui présentait certains risques d’électrocution.La direction locale, poussée par la direction parisienne, refusait de négocier estimant que notre action était illégale ! Pour eux le sabotage était légal sans doute ?

Si je ne parle pas des autres syndicats de Noguères pour cette opposition à la destruction de l’usine, c’est qu’il n’y a pas lieu d’en parler, ils n’y ont pas participé !

Tenir dans la durée une telle action, avec l'aide de personnes extérieures, devenait de plus en plus difficile. Les dangers électriques étaient très présents partout et la surveillance des personnes qui n’en connaissaient pas ce risque nous inquiétait ! Une évacuation par les  forces de l’ordre  pour des raisons de sécurité pouvait se présenter ! Fallait-il pour autant nous avouer vaincu ? Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, donc, tant que les installations, même mises à l’arrêt, étaient utilisables par les repreneurs, nous gardions l’espoir qu’un sursaut de bon sens et de respect puisse surgir. Les hommes font leur propre histoire. Ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. En tout cas, à ce stade de notre combat il était important pour nous de manifester jusqu’au bout notre attachement à notre outil de travail et d’en prendre les risques qui pouvaient en découler.  Les industries de tous les pays, entrainées de plus en plus dans la lutte de la concurrence et la course aux profits financiers, veulent produire à bon marché, en achetant au plus bas prix la matière première et les bras qui la transformeront en richesses. Peu leur importe le vide et le désespoir et la misère qu’ils laissent derrière eux, parfois aussi les morts qui s’en suivent ! Seul compte le taux des profits financiers et sa croissance.

Le syndicat CGT de cette usine d’aluminium des Pyrénées Atlantique, a écrit dans l’honneur et la fidélité à la lutte des classes, sa propre page d’histoire.

Arrêter un hall d’électrolyse de 146 cuves, en prenant soin de récupérer le bain et le métal qu’elles contiennent, il faut beaucoup de temps. Cela nous laissait encore une chance. Nous avons donc adapté notre combat à cette chance après avoir manifesté une fois de plus notre exigence, conserver nos installations en état de fonctionner.

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Nouvelle réaction du camp adverse.

Durant cette période, sans doute pour sceller la fin de Noguères et pour aller dans le sens de la CFDT qui voulait toujours que des personnalités descendent à Noguères (ils ont toujours aimé faire la une des médias), on nous annonça la venue à Pau de Messieurs Fauroux, Ministre de l’Industrie et de Jacques Chérèque, Secrétaire d’Etat aux reconversions. Cette entrevue devait avoir lieu en décembre, à la Préfecture…. peut-être par crainte d'une séquestration dans notre usine avaient-ils choisi ce lieu protégé ? Tous les syndicats de Noguères étaient conviés à cette entrevue. Nous n’avions aucune illusion à nous faire, ils venaient pour "l’extrême-onction" de l’usine avec une probable enveloppe au titre des condoléances. Avec une gerbe ce serait mal vu !Monsieur Jacques Chérèque, ancien secrétaire National du syndicat CFDT, avait été nommé Préfet de Région en Lorraine pour y assurer les reconversions de la sidérurgie. Il avait eu une inspiration divine en Lorraine en y créant les Schtroumpfs, allait-il en avoir une autre en Béarn  

Il nous restait une carte à jouer et nous allions la jouer. Nous avons convoqué une assemblée générale du personnel pour envisager la poursuite de l’action sous une autre forme. Pechiney avait fait beaucoup de tapage autour du démarrage de la nouvelle usine Nacanco où le personnel embauché constatait, dès le 1er salaire, une baisse des rémunérations loin d'être négligeable (souvenons-nous que la CFDT exigeait des emplois en qualité et en quantité équivalents à ceux de Noguères). Par ce fait sans doute, nous avons remarqué une importante participation à cette assemblée. Tous les syndicats étaient représentés mais seule la CGT proposa une action.Cette proposition consistait à procéder à un blocage des expéditions du métal produit encore sur le site. Ce blocage serait assuré par des volontaires qui, de repos ou de postes contraires, devaient assurer un piquet de surveillance jours et nuits, tandis que la production d’électrolyse se poursuivrait, plus une tonne de métal ne sortirait de l’usine. Les militants CFDT attiraient l’attention du personnel sur les risques encourus par cette action ! Des risques pour qui ? Pour l’employeur qui ne voulait plus produire ce métal et qui mettait à l’arrêt un Hall ? Ou des risques pour nous qui le produisions ? Si l’incohérence était un risque mortel nous aurions perdu à jamais des militants CFDT ce jour là.Par un vote majoritaire cette proposition CGT fut acceptée par l’assemblée. Certains adhérents et sympathisants des autres syndicats avaient voté pour ce blocus, ce qui n’avait pas fait sauter de joie leurs responsables, notamment ceux de la CFDT. Sitôt l'assemblée terminée, selon nos habitudes, nous sommes allés informer la direction de la décision qui venait d’être prise.

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Nous pouvions espérer que les autres syndicats respecteraient ce vote majoritaire. Un vote démocratique et responsable, du personnel sans influence externe. Ce vote devait être respecté par tous, comme la CGT avait respecté les décisions issues des votes lors du conflit de 1973. Mais voilà ce que le délégué CFDT se permettait de dire au directeur après que nous, militants CGT l’ayons informé de la décision prise démocratiquement et majoritairement par l’assemblée : "Nous n’y sommes pour rien a-t-il déclaré et nous avons la crainte que cette décision puisse vous conduire à porter plainte en justice"… !  La direction avait parfaitement comprit le message, la CFDT ne ferait rien pour l’en dissuader, bien au contraire, ce qu’elle venait de déclarer c’était même lui conseiller de porter plainte !

Monsieur VINDT qui écrivait en 1973 : « que la CFDT était suivie par une CGT réticente qui se pliait à une décision démocratique directe….La CGT qui défendait sa position mais n’abandonne pas la grève…   » qu’en dirait-il en 1990 de cette lâcheté du syndicat CFDT qu’il badait et ce n’est pas terminé   !

Vu les regards que la direction nous adressait, nous comprenions qu’elle était gênée par l'attitude de la CFDT….. De tels actes de  lâcheté les inquiètent plus qu’elle ne les rassure, ils n’ont pas leur place dans ce type d’affaires, pas plus que leurs provocations avec Solidarnok !

La décision de bloquer les expéditions, prise le 22 novembre, fut confirmée par le personnel cinq jours plus tard, au cours d’une nouvelle assemblée générale, en dépit des réticences de la CFDT qui avait eu l’initiative de cette nouvelle assemblée générale avec l’espoir d’être entendue, de retourner la situation en sa faveur et de faire cesser ce blocage.

Peine perdue l'occupation fut confirmée et dura 21 jours, avec la participation volontaire du personnel en repos ou de postes contraires. Des plaques d’aluminium furent placées sur la voie ferrée.Des syndiqués CFDT s'étaient joints à nous et les stocks d’aluminium s’entassaient sur les parkings, jusqu'au jour où… le syndicat CFDT se livra à de nouvelles et honteuses manœuvres. Nous n’étions pas dupes, des pressions venant du gouvernement et de la confédération CFDT devaient s’abattre sur la CFDT de Noguères ! Le jour de la rencontre avec le ministre de l’industrie et le secrétaire d’état aux reconversions approchait ! 1°/- D’abord, la CFDT réunit ses adhérents afin de légitimer sa position et être confortés dans leur exigence : que Pechiney reste en Béarn ! Cette question ne pouvait avoir de sens que si elle était accompagnée d'une proposition concrète aidant au maintien de la production d'aluminium à Noguères. En vérité c'était une question prétexte.

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2°/-- Puis la CFDT expliqua à ses adhérents que le syndicat CGT avait proposé le blocage des expéditions de métal afin de gagner les prochaines élections professionnelles !

Pensez donc si on s’en foutait des élections professionnelles à moins d’un an de l’échéance, il fallait vraiment qu’ils n’aient pas autre chose à leur dire et qu’ils aient la trouille de voir ces deux messieurs venir durant cette action !

En fait, la CFDT cherchait à bousiller cette action avant la venue de Fauroux et Chérèque à Pau, en détournant l’attention de leurs adhérents de son importance ! Peut leur importait qu’elle ait été votée par la majorité du personnel, dont une partie de leurs adhérents ! Ils avaient lourdement insisté sur les suites possibles du blocus, à savoir : l'éventualité de conséquences techniques, juridiques et sociales ! Si ce n'est pas la politique de la peur ça y ressemble ! La CFDT venait de rencontrer, seule, M. Legrand, le directeur de la branche aluminium. Ils avaient dû se faire remonter les bretelles pour n’avoir pas pu empêcher ce blocus ! Il fallait donc que la CFDT se rattrape.

3°/- Enfin la troisième de ces manœuvres débuta deux jours avant

la venue de ces personnalités à Pau. De service de nuit au service électrique, le secrétaire du C.E. militant CFDT et un mécanicien, également militant CFDT, qui assuraient en service de nuit la maintenance des installations encore en production, reçurent, pendant plusieurs heures, la visite de l'ingénieur du service mécanique, un cadre qui se manifestait en exécuteur zélé du PSE et de la fermeture de l’usine…. Que se sont-ils dit ? Quelle stratégie ont-ils mise au point ? Précision : ces deux militants CFDT n’ont jamais mis les pieds sur le blocus des expéditions, où se relayaient une vingtaine de salariés jours et nuits.Dès l’embauche du lendemain matin les réponses à ces questions nous sont apparues : nous apprenions que cette « entrevue » avait eu lieu entre 20h et minuit. Aucun incident technique n'avait justifié la venue de cet ingénieur et la tenue de cette « entrevue », totalement inhabituelle.

Nous n’avons pas tardé à en connaître la raison : à l’embauche de 7h30, ces deux militants CFDT étaient présents sur le blocus. Non, pas pour le soutenir, mais pour le bousiller ! Dès leur arrivée, un huissier se pointa pour dresser un constat, les deux premiers à donner leur nom furent ces deux militants CFDT. Résultats une plainte fut déposée en justice par Pechiney. Dix sept agents furent assignés, dont Régis Carbonne et moi-même qui n’étions pas présents sur le blocus ce jour là, occupés aux activités syndicales… Ces deux militants CFDT avaient eux mêmes donné nos noms à cet huissier. Nous avions prévenu les camarades assurant les blocus de refuser de donner leurs noms au cas où un huissier se pointerait, c’est ces deux « zèbres » qui les ont donné également.

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Cela nous importait peu, à nous militants CGT d’être listés, mais pour les autres salariés les risques relatifs à leur reclassement étaient importants, c'est pourquoi nous avons décidé la levée du blocus.Vous noterez que la CFDT avait, dés l’annonce du blocus évoqué ce risque d’être assignés en justice. La direction de l’usine n’ayant certainement pas voulu accéder au souhait de ce syndicat, je pencherais donc plutôt pour dire que des directives politiques sont venues du sommet. N’oublions pas que : la CFDT venait de rencontrer, seule, M. Legrand le directeur de la branche aluminium….N’oublions pas non plus Martine Aubry ! Un « coup monté » à l’initiative de qui ? Mais, un coup monté !

Ce fut en n’en pas douter une grande victoire, obtenue par les traitrises de la CFDT, pas pour l’honneur du syndicalisme !

Les représentants CFDT pouvaient se présenter le sourire aux lèvres le lendemain devant le Ministre de l’Industrie et devant leur "camarade" Chérèque, pour sceller une grande victoire… Celle des reconversions gagnées sur tapis vert et par la « lutte des classes » version patronat ! Que pouvions-nous attendre de cette réunion à la Préfecture ? Rien - pour ne pas nous laisser repartir les mains vides, ils ont annoncé une obole de 30 millions de francs qui seraient ajoutés aux 670 millions de la direction du groupe pour finaliser la casse de notre usine. De toute façon c’était l’état qui payait cette casse industrielle. Le but essentiel de cette visite était de faire de la publicité pour la solution des reconversions, ça peut toujours servir à d’autres.

Je retiens de tout cela un triste exemple de complicité et de collaboration de classe, entre élus politiques, certains syndicats et un gouvernement irresponsable, avec un patronat rétrograde, qui trahissaient un électorat ouvrier, leurs adhérents et en fin de compte le syndicalisme qui est devenu une peau de chagrin avec moins d’un salarié adhérent sur dix, tous syndicats confondus !. Ils ont osé fouler aux pieds les intérêts des travailleurs, ceux d’une région qui a donné tant de richesses au pays et aux entreprises privées et nationales, dont Péchiney était un des fleurons.

Ces complicités et cette collaboration de classe seraient sûrement récompensées un jour ou l'autre et elles l’ont étés !Nous ressentions un sentiment de trahison avec mes camarades, ils avaient tant œuvré et pris de gros risques pour obtenir cette modernisation !

La CFDT était embarrassée par l’attitude à adopter devant ces messieurs à la préfecture de Pau, d’autant plus qu’elle avait fait paraitre un article, où figuraient quelques menaces, pour donner le change à l’opinion publique. Un article de presse avait paru dans le journal Sud-ouest du 12/12/1990, où figuraient quelques menaces, mais il concluait que la CFDT était satisfaite du résultat !

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Je retiendrais de cette entrevue, le peu de respect que ce Monsieur Jacques Chérèque avait envers les militants CGT, qui ne ménagèrent personne à juste raison. Curieuse culture de ce personnage qui avait accomplit des mandats syndicaux… c’est vrai, tout s’achète, je l’oublie toujours !

Certes il avait changé de camp, si tant est qu’il ait pu se trouver un seul instant dans celui des travailleurs où il n’a pas du laisser limage d’un militant dévoué à leur cause. Lutter pour travailler et vivre au pays, il ne connait pas et ne respecte pas ! Sa "grande gueule" fit sale impression à la préfecture de Pau et comme les chiens ne font pas des chats…. Vous voyez ce que cela veut dire !

Une usine meurt   !

L’arrêt de la série A terminé, il arriva ce que nous pouvions craindre le plus c'est-à-dire la destruction de l'alimentation électrique des cuves, ce qui ruinait tout espoir de redémarrage avec les repreneurs ! La déception fut grande au sein de la CGT et de tous ceux qui ont lutté avec l’espoir de gagner une bataille juste.Une véritable lutte de classe que nous avons soutenue durant plus de cinq années avec détermination, confiance et dignité, tout en ayant une conscience élevée des risques encourus.Nos militants et nos adhérents sont allés jusqu’au bout, au risque de ne pouvoir accéder qu’à des solutions de reclassement abandonnées par les autres salariés!

C’est notre lutte et notre détermination qui ont permis qu’un PSE atteigne un niveau supérieur à ce qui était proposé au départ, tant au niveau des indemnités, trois à cinq fois supérieures à celles du départ, que pour la nature et le nombre des quelques reconversions, ainsi que pour le nombre de reclassements dans d’autres usines du complexe ou dans les usines Pechiney les moins éloignés. Ce n’est pas autour d’un tapis vert que ce résultat a été atteint, même s’il n’était pas satisfaisant, (un PSE ne l’est jamais), n’en déplaise à la CFDT !

Nous avions envisagé la possibilité d’échouer et nous nous étions engagés à alerter nos camarades en lutte une fois atteint le point de non retour. Je dois avouer que ce n’est pas si simple que ça d’obtenir d’arrêter une lutte et de renoncer à des objectifs justes et mérités, l’honneur était dans notre camp, le désespoir aussi .

Immédiatement certains cadres se sont mis à sélectionner les salariés qui selon eux avaient les aptitudes requises pour prétendre à des postes de reclassements dans d’autres usines dont certaines étaient très éloignées

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du Béarn. Curieusement les « mieux servis » n’étaient pas ceux qui avaient lutté. J’ai dit « curieusement » ? Comme c’est curieux. Le plus acharné de ces cadres était celui qui avait rencontré les militants CFDT la fameuse nuit pour organiser la venue de l’huissier, un personnage qualifié de « coupeur de tète » sur l’usine de L’Argentière où il sévissait avant de venir le faire sur Noguères, il y en a qui aime ça, mais ils n’aiment pas voir leur tête sur le billot !Il était venu à Noguères ce triste personnage sitôt cette l’usine l’Argentière fermée avec, dans ses valises, une entreprise de maintenance qui venait concurrencer celle qui assurait tous les gros travaux de réfection des cuves et diverses autres tâches depuis le démarrage de l’usine de Noguères, l’entreprise Sabria devenue SITM, elle était un peu comme une filiale de Pechiney !Pour faciliter la casse de notre usine, il était primordial pour Pechiney de faire disparaître d'abord cette entreprise sous-traitante fortement structurée syndicalement.

Une autre surprise nous attendait.

Alors que le projet des repreneurs venait de tomber à l’eau, c'est le moment où la section du PCF de Mourenx annonçait qu’elle apportait son  soutien au projet des repreneurs en déclarant : « Marc Rich, 450 emplois on prend ». Oui, oui vous avez bien lu… Marc Rich. Des affiches fleurissaient dans tout le complexe !!!Peu de temps avant, seul Montupet avait retenu l’attention de ce secrétaire fédéral…. comprenne qui pourra !

Bêtise, provocation ou une contrainte venue d’ailleurs pour cette section du PCF de Mourenx ? Je penchais d’abord pour la bêtise. Mais le secrétaire de cette section, quitta rapidement la région, faisant le choix d’enseigner à la Réunion, avait-il été contraint de faire cette absurdité ? Probablement, je vais y revenir !

Le maire de Mourenx lui, semblait nous apporter un soutien qui paraissait entier et sincère, en aucun cas nous ne pouvions supposer qu’il nous critiquait dans les assemblées lorsque nous faisions état des repreneurs. Je fus très déçu et choqué de cette hypocrisie venant de sa part ! Lui aussi quitta le PCF pour les verts !Il ne suffit pas que l'on soit un militant élu d’une ville, d’un département ou d’une région, ou que l’on soit un responsable politique et se dire défenseur des intérêts des travailleurs, pour se permettre de ne pas respecter ce qui se passe dans une usine où les salariés sont en lutte, fussent-ils soutenus par un seul syndicat, pour en critiquer les formes d’actions choisies démocratiquement par eux, si d’aventure   « quelqu’un » voit les choses autrement !

Nous sommes syndicalement indépendants et personne ne peut nous soumettre à une décision qui n’est pas la notre. Si ces « décideurs »

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occupent une fonction hiérarchiquement supérieure à la votre et qui plus est dans une organisation différente, ont-ils une autorité sur une décision prise démocratiquement part les travailleurs directement concernés par le sujet ? Nous ne sommes pas à la CFDT ni à FO. Je site FO dans ce cadre car au niveau du syndicat de Noguères aucune décision n’était jamais prise si elle n’avait pas été avalisée par un responsable hiérarchique qui se trouvait à Gardanne !

Si le PCF, ses élus et ses responsables nous avaient soutenus porteurs du projet des repreneurs, je ne dis pas que cela nous aurait permit de vaincre, mais cela aurait pesé beaucoup plus lourd dans la balance. Et peut-être même que le dénommé Michel Rocard, qui a eu bien besoins des communistes pour être élu, n’aurait pas osé dire au PDG de PUK, « vous avez commencé à l’arrêter cette usine, allez donc jusqu’au bout » ! Peut-être aussi que nous n’en serions pas rendus aujourd’hui à plus de 5 millions de chômeurs et au point où nous en sommes… pas nécessaire de faire la liste des usine cassées, j’en oublierais !

On nous a laissé seuls dans cette lutte et nous sommes parvenus seuls à faire capituler le président Gandois !

Nous avons fait honneur à la «   lutte de classe   » en nous opposant avec ténacité à une politique de casse industrielle baptisée « Restructurations », qui n’a qu’un seul objectif les profits financiers au détriment de l’intérêt national et de celui des travailleurs créateurs des richesses !Nous avons lutté finalement contre cette politique des compromis « politico-financiers » et de « lutte du pouvoir » ou « lutte des places » ou se sont compromis de plus en plus d’élus ou et mandatés du PCF ! Du PS, n’en parlons pas !

Nous avons lutté de fait aussi contre ce « syndicalisme réformiste », (pour ne pas dire plus) qui trahit les intérêts des travailleurs et combat le syndicalisme révolutionnaire, pour satisfaire les intérêts du patronat ! Tels sont les conclusions que nous pouvions tirer à ce stade du combat que nous avions engagé contre cette fermeture d’usine et pour que soit respectée la décision de la moderniser ! Notons au passage que ce patronat qui à pu craindre un instant revenu en 1945 avec un Président de la République qui se disait de gauche, venu au pouvoir en 1981, grâce aux voix des communistes, qui avait du inclure par force quatre ministres communistes dans son gouvernement, un gouvernement qui a nationalisé les plus grandes entreprises françaises et qui les a richement dotées , cette crainte à eu tôt fait de disparaitre se rendant compte au contraire qu’il y avait du « grain à moudre.

Pour quoi donc les communistes sont-ils restés au gouvernement et pourquoi la CGT n’a pas demandé à ces administrateurs de démissionner

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des conseils d’administrations quand le « revirement » c’est produit d’autant plus qu’il était prévisible et que la casse industrielle s’abattait sur PUK et sur d’autre aussi ? La réponse je la connais aujourd’hui.

Il est incontestable que le gouvernement a fait un revirement total dans sa stratégie politique de gauche annoncée sur la base des 110 propositions du programme présidentiel ! Ce revirement était-il prévu, orchestré ? La réponse à cette question je ne la connais pas !Mais ce revirement des 180° a entrainé le PCF qui restait au gouvernement à le soutenir, solidarité oblige disait-on !

Ceci étant dit au passage comme je le pense, il nous restait du pain sur la planche concernant les conséquences de la casse de notre usine.

Reclasser nos adhérents, nos militants et ceux qui avaient lutté, devenait une priorité   ! Ne leur

devait-on pas déjà le mérite d’avoir fait évoluer le PSE   ?

Depuis le mois d’avril 1991, cet objectif devenait donc une priorité et je me sentais coupable d’être allé aussi loin dans ce combat alors que j’étais concerné par un FNE. Je n’étais pas le seul à partir en FNE, mais j’étais le secrétaire de l’organisation syndicale.Nous avons fait un constat qui peut surprendre. Tous ceux qui ont lutté pour une cause aussi juste, en l’occurrence sauver une usine où ils ont souffert, face à un patronat ignoble et à des gouvernements corrompus, ne parviennent pas à abandonner le combat facilement !Trois mois ont été nécessaires pour nous convaincre que nous ne pouvions plus parvenir au résultat espéré. La modernisation, certes était toujours possible, mais dans un département et dans une région où les élus et des syndicats sont acquis au patronat, la tache devenait trop ardue et risquée si nous allions trop loin !

Archimède a dit : « donnez moi un levier et un point d’appuis, je vous soulève le monde ». Le levier, nous l’avons eu avec le projet des repreneurs. L’appui c’était la lutte des classes et nous l’avons engagée. Et nous l’avons soulevé puisque le PDG Gandois avait flancvhé. Mais cet appui a été fragilisé par la collaboration de classe de certains, par la soumission et les ambitions personnelles de certains autres, par le manque de soutien des élus et de la population en général, sous l’influence de médias à la solde des puissants  et pas le coup de grâce de Michel Rocard !!

Nous nous sommes battus avec courage, dignité et sincérité, pour une cause juste, et ça personne ne nous l’enlèvera !

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Nous en sortions vaincus, mais la tête haute. Nous n'avons ni scrupule ni remord, nous sommes bien mieux dans cette peau de combattants que dans celle des militants des autres syndicats, soumis, complaisants et collaborateurs !Il se trouve qu’à ce jour encore, 22 ans plus tard, on peut lire dans des journaux locaux au sujet de certains de ces militants qui se sont vendus, qu’ils étaient et sont toujours intransigeants ! Avec leurs propres intérêts certes, mais pas contre ce patronat casseur. Il faut bien redorer le blason de cette espèce de militants syndicaux, les médias s’en chargent car le patronat en a toujours besoin.

Ce n’est qu’au mois de juillet que nous avons pu présenter les dernières requêtes concernant les reclassements de nos camarades, alors que l’arrêt de la dernière cuve d’électrolyse était prévu pour le 7 novembre 1991.

La direction nous avait annoncé qu’elle avait négocié, avec les entreprises du complexe comptant plus de 200 salariés, seulement 25 emplois qui serait réservés aux ex-agents de Pechiney obligés de rester dans région pour raisons familiales.Plusieurs camarades ont accepté d’être reclassés dans d’autres usines de la société, d’autres allaient bénéficier du FNE et de congés de fin de carrière durant l’année 1992, où ils seraient occupés à des travaux post-fermeture, mais il restait encore quelques cas pour qui nous devions obtenir un reclassement sur le secteur pour ces raisons familiales, souvent la garde de parents âgés ou d’emplois du conjoint.

D’autres camarades atteints par des maladies, notamment dues à l’amiante et à qui on refusait d’êtres mis en invalidité et pour cause, Pechiney sentait venir le danger, celui de la faute inexcusable de l’employeur pour avoir exposés ses salariés aux particules de ce produit dangereux. Mais, peu leur importait l’état de santé de ces salariés, ils étaient eux aussi harcelés par le fameux « liquidateur », le « coupeur de têtes » venu de l’Argentière qui voulaient en débarrasser Pechiney en les mutant au plus loin ! J’ai passé des heures avec des camarades en larmes, en pleine déprime pour leur redonner confiance, remonter leurs dossiers d’invalidité, m’adresser au CPA (Comité Permanent de l’Amiante), ce qui aurait mis le Président Gandois en fureur….Pensez donc Pechiney de l’amiante, jamais de la vie !

Pour la fonderie, qui allait rester en activité, des ouvriers d’électrolyse étaient formés au métier de couleurs pour y être affectés, tandis que des couleurs de fonderie allaient être mutés à Saint Jean de Maurienne. Paradoxalement ceux qui devaient s’expatrier étaient militants ou adhérents CGT. Des cas de cette nature se produisaient dans plusieurs services ce qui nous avait conduits à intervenir auprès de la direction de l’usine et du président Gandois à qui nous avons présenté sept demandes de

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reclassement sur le complexe de Lacq pour des salariés ne pouvant quitter la région. Tout cela étant parfaitement vérifiable.

D’autres problèmes surgissaient   : Accrochez vous ! En prévision d’une réduction du budget du Comité d’Etablissement le secrétaire (CFDT) avait trouvé la parade, supprimer la participation financière du comité à la mutuelle des retraités, supprimer les participations aux voyages organisés et la participation aux obsèques de membres du personnel et des membres de leurs familles   ! Pendant que « ce personnage » faisait sa déclaration solennelle (il avait fait un stage d’expression orale, imaginez les effets de langage),  le directeur nous regardait d’un air surpris. Surprise réelle ou pas, peu importe, c’est un syndicaliste qui propose de supprimer des aides à des salariés à qui on supprime l’outil de travail, alors que 670 millions (+ 30) de francs, sont provisionnés pour la fermeture de l’usine ! En toute logique, il aurait fallu que le C.E. demande au contraire une attribution exceptionnelle. Ce directeur en aurait mangé son chapeau de surprise s’il en avait porté un ! Mais, vous allez voir par la suite que cette surprenante proposition du secrétaire du C.E. n’était pas si innocente que cela.

Coup de tonnerre à l’avant dernière réunion du C.E.   !

Le nombre de problèmes s’intensifiaient donc, certains prenaient le sens de l’horreur !

Durant ces derniers mois d’existence de notre usine les réunions du Comité d’Etablissement étaient consacrées en priorité au suivit des reclassements du personnel, nous étions donc attentifs aux résultats de nos démarches, notamment concernant le cas des 7 camarades militants CGT. Certains d’entres eux ayant du accepter des plans de formation, en l’occurrence Régis CARBONNE et Roland LANSOT étaient absents de l’usine au moment ou le CE du mois d’octobre fut convoqué.Avant la tenue de ce Comité nous savions que concernant le reclassement des 7 camarades, des solutions étaient trouvées, deux d’entres eux devaient être reclassés chez ELF dans le complexe de Lacq. Ces reclassements concernaient, Régis CARBONNE et Roland LANSOT qui ne pouvaient s’éloigner du département pour ces raisons familiales évoquées.

A ce Comité d’Etablissement, un mois donc avant l’arrêt total des installations, le Directeur et le DRH étaient inhabituellement en retard ? La secrétaire de direction est venue me chercher, la direction voulant me voir. Surpris certes mais surtout inquiet, je me suis rendu dans le bureau où le directeur m’annonçât une nouvelle qui disait-il l’avait surpris et l’ennuyait.

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Mais voila me dit-il : « Nous sommes sous des pressions intérieures et extérieures concernant deux de vos camarades qui doivent être reclassés dans l’usine d’Elf à Lacq, pour que ces reclassements ne se réalisent pas   ! ! Ceux qui les exercent les justifient par votre opposition syndicale à la fermeture et aux reconversions, cela pourrait conduire à leurs licenciements   ! Pour l’un deux Roland Lansot, (notre élu au CCE) le contrat a été signé hier, donc il n’est pas question d’y revenir dessus. Mais concernant votre camarade Régis Carbonne il devait être signé ces prochains jours et ce ne sera certainement pas possible. Je vous propose d’annoncer en réunion du C.E. que l’on engage une procédure de licenciement à l’encontre de Régis Carbonne, ce qui aura pour effet de les tranquilliser et de gagner du temps pour trouver une autre solution… »  Puis il ajouta : «  vous avez mené un combat juste et digne et il n’est pas question d’abandonner un de vos militants » Colère, chair de poule et palissement sans doute aussi, m’ont envahit, cela a même dû les impressionner. Je posais cette question : «   Pressions internes et externes dites vous, venant de qui ces pressions « ? Bien sûr ils ne pouvaient répondre à la question que je leur posais ! Je disais donc interne : CFDT ? C’est vous qui le dites ! m’a répondu le directeur sans cherche à me démentir. Externes qui ? Le PS ? Même réponse de la direction et ils ajoutaient un « Cadre aussi d’Elf qui est intervenu auprès de sa direction ! Concernant Régis Carbonne, qui était et qui est toujours un excellent camarade et un ami… Nous avons vécu tant de moments dramatiques ensemble, c’était un drame, ma tête allait en exploser !

Cette proposition d’annoncer en C.E ; d’engager une procédure de licenciement à l’encontre de Régis Carbonne pour gagner du temps et trouver une autre solution ! C’était un deuxième coup de poignard.

J’ai refusé en disant au directeur : Je veux bien croire en votre parole, mais au dessus de vous il y à des personnes qui vont sauter sur cette occasion… licencier le délégué syndical CGT de Noguères avec l’accord du secrétaire du syndicat CGT et représentant syndical au CE, qui lui va bénéficier d’un FNE… Tout cela consigné dans un procès verbal ! Qu’elle aubaine pour ces messieurs. Pas questions. Nous avons donc convenu de ne rein dire concernant Régis Carbonne.

Bien sûr je mettrais mes camarades au courant dés que possible, (les « portables » n’existaient pas) je mettais notre camarade Roger Blanc-Garin élu du CE au courant avant que ne débute cette réunion. Comme convenu la direction fit le point sur les différents cas de reclassements et annonçait celui de Roland Lansot à Elf, mais n’annonçait rien concernant Régis Carbonne !

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A deux reprises un élu CFDT demandait : et concernant monsieur Carbonne monsieur le président ?

Je ne digérerai jamais de ma vie cet épisode, mes camarades non plus sans aucuns doutes. Des « Syndicalistes, du moins des « individus » qui se réclament du syndicalisme, soutenus et appuyés par des élus du Parti Socialiste, (un parti politique exerçant le pouvoir dans le pays) qui font une entrave au reclassement de militants syndicaux pour s’être engagés dans une action pour sauver une usine qui devait être modernisée avant quelle ne soit destinée à la casse ! Une action pour sauver donc les emplois directs et indirects qui en dépendaient, sachant obligatoirement que cela allait conduire à leurs licenciements… à vomir !!! Quelle honte et qu’elle belle référence pour un syndicalisme rassemblée dont on nous rabat les oreilles aujourd’hui, comme si « ces gens là » avaient changé, eux qui ont signé l’accord ANI de janvier 2013 !!!

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La dévolution des biens immobiliers et mobiliers du CE

La CFDT était pressée de liquider les biens du C.E. Certes il nous fallait le faire, mais le moment venu. Un article du code du travail prévoyait que la dévolution des biens d’un comité d’établissement pouvait être attribuée à l’entreprise si son existence n’était pas remise en cause elle aussi ou bien à des organismes d’intérêt social (je dis cela de mémoire, n'ayant pas retrouvé ce texte). L’entreprise étant la société Aluminium Pechiney, l’inspection du travail était d’accord avec nous sur ce point, les biens de notre comité devaient logiquement lui être attribués.Nous possédions 44 mobil-homes, un terrain de camping sur le bord de l’océan, une bibliothèque et des équipements pour le ski.Le syndicat CGT proposait de donner tous ces biens aux usines de la société Alu Pechiney moyennant que les anciens salariés de Noguères, actifs et retraités, puissent en bénéficier. La Bibliothèque serait donnée à celle de la ville de Mourenx, avec un avantage tarifaire pour les retraités de l’usine et les salariés affectés dans le secteur de Lacq. Le syndicat CFDT proposait de léguer tous nos biens aux entreprises qui assureraient la reconversion, en "cadeau de mariage ", avait osé dire le secrétaire, en réunion du C.E. ! Les chasseurs de primes allaient être contents !

L'inspection du travail nous donnait raison, mais ne pouvait dresser un procès verbal craignant de ne pas respecter le code du travail, du fait de la possibilité d'interprétation du mot "entreprise". Qui répondait à ce

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terme « entreprise », le groupe PUK ou la Société Aluminium Pechiney ? Pour nous CGT ce ne pouvait être que la société, l’inspecteur du travail nous conseilla malgré tout de faire juger ce texte pour que le jugement fasse jurisprudence par la suite.

Quand la CGT annonça sa décision de mettre cette affaire en justice, la CFDT fut bien obligée de revoir sa copie. Elle proposa de répartir les mobil homes entre Nacanco et Rhénalu (faisant partie du groupe PUK) et les usines de la Société Aluminium Pechiney, plus particulièrement aux usines de Lannemezan et de L’Ariège. La bibliothèque serait transférée à la prison de Pau, peut leur importait que les préretraités et retraités du secteur en soient privés…. le maire de la ville de Mourenx était communiste et celui de la ville de Pau socialiste, vous avez tout compris !Mutisme sur l'avenir du terrain de camping ! Impossible de savoir à quel stade en étaient les pourparlers avec la mairie d’Ondres qui avait envisagé de l’acheter, mais qui curieusement ne se manifestait plus. Concernant ce terrain, le comité d’établissement de l’usine de Saint Jean de Maurienne était disposé à l’acquérir dans des conditions à définir. Achat avec droits d’usages pour les anciens de Noguères ? Cette proposition souleva une opposition farouche de la CFDT, pensez donc une usine de la société où la CFDT devenait exsangue et en priver la municipalité d’Ondres dirigée par un maire PS.

Ce terrain de camping, nous l’avions fait estimer en vue de le mettre en vente, sa valeur étant fonction de la nature du sol, constructible 3 millions de francs, non constructible 900 000 francs, je dirais pour faire cour et simple, que nous nous sommes heurtés à une escroquerie en bande organisée ! Il aurait été vendu à la mairie d’Ondres 200 000 francs une fois l’usine fermée, par un comité d’établissement réuni en totale illégalité, et il fut impossible de trouver un seul PV des six dernières réunions du CE ! C'est au mois de mars 1992 que le Comité d’Etablissement aurait été réuni pour la vente de ce terrain, sans que les deux élus CGT, encore inscrits à l’effectif et présents dans l’usine,  ne soient convoqués, l’un était un élu du C.E. et l’autre désigné représentant syndical dés mon départ !Cette réunion n’avait aucune légalité, un préretraité CGC, rayé des effectifs, y aurait participé  en présence du maire d’Ondres, cela faisait sérieux, c’était un agent de maitrise !

Le jugement rendu fait aujourd’hui jurisprudence, ce qui nous obligea à pousser cette affaire jusqu’en cassation et d’en couvrir les frais avec nos caisses syndicales !La CFDT couvrit ses propres frais sur le budget du C.E. Qui plus est, elle trouva 800 000 francs de reliquats financiers pour les "offrir" (en cadeau de mariage) aux deux entreprises Nacanco et Rhénalu ! Souvenez-vous, la CFDT avait supprimé la participation financière du comité d’établissement car le budget serait réduit par la baisse

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des effectifs, en fait c’était pour en faire don aux entreprises des reconversions   !!!

Cette stupidité avait même déçu leurs camarades retraités et préretraités qui avaient créé une association d’anciens salariés de Noguères. Une association, soit-dit en passant, initiée par la direction générale  pour « canaliser » le mécontentement des retraités le moment venu où le patronat s’attaquera à nous reprendre tout ou partie de nos acquis sociaux,  nous y sommes en plein !!!

L’usine d’Aluminium Pechiney est totalement mise à l’arrêt le 7 novembre 1991 !

Le Bilan des emplois de qualité et en quantité si chers au syndicat CFDT est le suivant :L’usine Macanco, activité de reconversion, 150 emplois environ, revendue deux fois, elle est toujours présente en Béarn, miraculeusement pourrait-on dire, mais certainement pas grâce à PUK.Les Carreaux d’aquitaine, ont duré 3 ans et encore, parce que PUK en couvrait les salaires, des salaires très inferieurs à ceux de Pechiney. 90 emplois au mieux qui furent licenciés sitôt que PUK cessa d’en payer les salaires ! Calliope, phytosanitaires, 90 emplois environ, toujours présente sur le site, mais plus comme base technique que productive, cette entreprise où sont conditionnés des produits extrêmement dangereux, a changé plusieurs fois de propriétaires. Ce bilan est plus à mettre à l’actif des luttes que la seule CGT a mené durant 5 années, qu’à celui des parlottes sur tapis vert, s’il n’est en rien un succès, il est toutefois supérieur aux viennoiseries et autre élevage de saumon et salaison de jambon de Bayonne ! Des emplois en qualité inférieure et en quantités insuffisantes, sont très éloignés du résultat qui pouvait être obtenu par la modernisation du site, ou si l’usine avait été conservée avec les autres usines du secteur des Pyrénées qui ont durées 17 ans de plus, (bien plus longtemps que 1997 comme l’avait envisagé le PDG Gandois), sinon par le projet des repreneurs qui devait, pour le moins, durer 10 ans !

Certes la CFDT dirait que tous les emplois ont été sauvés, par des mutations, par des reconversions, par des créations d’activités et par des préretraites et des congés de fin de carrières, mais c’est sans compter les emplois induits et entrainés, qui ont disparus dans une proportion considérable ! L’usine d’aluminium induisait 3200 emplois dans un rayon de 30 km, il serait intéressant de pouvoir déterminer le nombre des licenciements induits par cette fermeture.

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Autant que je sache les FNE, les retraités et les congés de fin de carrière, ne sont pas des emplois   conservés ! Ces emplois aussi ont disparu du complexe, ils auraient satisfaits les générations montantes !

Concernant notre camarade Régis Carbonne   :

Suite au C.E. du mois d’octobre, il fut convoqué ainsi que Roland Lansot par le DRH qui les informa de ce « blocage » concernant leur reclassement chez ELF, pour avoir soutenu le projet de modernisation et combattu la fermeture de l’usine et le principe des reconversions, ce qui ne pouvait que conduire à leur licenciement. Il rassura Roland Lansot et indiqua à Régis Carbonne que l’avis sur le projet de son licenciement serait demandé au CE du 5 novembre. Il ajouta : « vous allez voir que cette bande de cons, ils vont se prononcer contre votre licenciement ».

Dans les jours qui suivirent, Régis Carbonne a été convoqué à Paris par le secrétaire général de la FNIC.Venait d’avoir lieu une rencontre entre Jean Gandois PDG, Georges Hervo et Jean Vincent.Constat avait été fait qu’un barrage important contre son reclassement s’exerçait au niveau du complexe comme l’aurait dit à Jean Gandois, Le Floc Pigent PDG d’ELF. Un accord avait été conclu entre les deux parties en attendant que ce climat s’apaise. Régis serait « prêté » à la fédération.

Cette annonce faite, la rencontre entre Régis Carbonne et Georges Hervo s’est poursuivie sous forte tension.Régis avait pris le soin de se faire accompagner par Robert Dupont élu CGT au Conseil d’Administration du groupe. Il faut dire que Régis faisait l’objet depuis quelques temps de sollicitations de la fédération pour qu’il s’occupe des syndicats de la chimie du Sud-Ouest.Suite aux questions répétées de Régis sur les conditions de cette proposition de « prêt », contre toute attente, le secrétaire général de la fédération chimie, Georges Hervo qui avait succédé à Jean Vincent eu ces mots, prononcés sur un ton menaçant ; « je n’ai qu’un coup de fil à donner à Gandois et tu retrouve à l’ANPE   ». Scandaleuse attitude de ce secrétaire fédéral !Outré, écœuré Robert Dupont quitta spontanément le bureau d’Hervo ! Au C.E. du 5 novembre la question N°5 relative à son licenciement fut retirée de l’ordre du jour !Régis, chargé de famille, devint suite à ces événements inqualifiables et dans l’ambiance que vous comprenez, permanent syndical chargé de l’Aquitaine et de Midi Pyrénées rattaché administrativement à l’usine Aluminium Pechiney de Lannemezan qu’il intégra physiquement en janvier 1996.

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Que dire de ce triste épisode sinon que le pouvoir monte « aussi » à la tête de certains militants permanents CGT !Que ces propos seraient inacceptables venant d’un adversaire de classe, alors venant d’un responsable CGT qui a devant lui un « camarade » qui traverse une période de sa vie particulièrement difficile et délicate, je vous en laisse juge.

Je dirais OUI, il est temps de modifier nos statuts pour limiter ces mandats de permanents.Revenir mettre les mains dans le cambouis ne fera aucun mal et le syndicalisme ne s’en portera que mieux.Quant à régis Carbonne, il resta 11 ans à Lannemezan distant de 140 km de son domicile. Un aller et retour par semaine, se loger dans une caravane pendant plusieurs années avant de pouvoir bénéficier d’une chambre dans un baraquement, (on appelait ces chambres, le cantonnement). Telles ont été les conséquences des pressions exercées par le syndicat CFDT, le PS local, celle d’un cadre Elf militant du PS lui aussi  !!! Merci « camarades », pour ce bel exemple du « syndicalisme rassemblé », de la solidarité version CFDT et de la fraternité version Georges Hervo !

Aujourd’hui ENCORE on voudrait nous faire croire que pour que nos luttes soient efficaces, il nous faudrait passer par le « syndicalisme rassemblé » !!!

Le « syndicalisme d’accompagnement » cher aux partisans de la « collaboration de classe », des tueurs de la « lutte de classe », l’avaient déjà bien engagé ! Certainement même que les adeptes de ce syndicalisme ont caressé l’espoir que des militants CGT seraient licencié pour avoir lutté avec entêtement contre les casses industrielles et les reconversions bidons !

Par contre : Un militant CFDT, ouvrier de maintenance, secrétaire du Comité d’Etablissement, fut reclassé DRH de la reconversion Rhénalu, pour le temps qu’elle resterait à Noguères. Vous savez, celui « qui se faisait la main » en supprimant les aides du CE aux retraités, en vue de les « offrir » aux patrons des entreprises des reconversions, il connaissait visiblement son reclassement et « quelque chose » déjà lui était monté à la tête !Puis il fut affecté à son domicile jusqu’à sa retraite, muni d’ordinateurs pour assurer un télétravail, dés que Rhenalu quitta Noguères.

Un autre militant CFDT, ouvrier de production, fut affecté permanent syndical régional avec voiture de fonction jusqu'à sa mise en retraite au bout d’une dizaine d’années, rémunéré comme cadre par PUK.

Un troisième, ouvrier de maintenance ayant suivit une formation BP, fut muté à Dunkerque dans un emploi administratif sous conditions d’y créer

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le syndicat CFDT,  le professeur du GRETA à qui il avait fait cette confidence avait du trouver cette combine peu orthodoxe pour nous en avoir fait part. Comme le disent souvent les entraineurs sportifs, « On ne change pas une équipe qui gagne » !

Bien sûr vous me diriez que c’est de la Bibine à coté des Chereque père et fils, mais c’est déjà pas mal.Au delà de ces quelques « gratifications », des victimes de cette « casse industrielle » sont à compter aussi parmi les adhérents du syndicat CFDT, de Force Ouvrière et de la CGC ! Ces syndicats, qui ont fait le choix de se ranger du coté patronal et de se tenir à l’écart du syndicat CGT, ont donc fait des victimes dans leur propre camp, mais ils s’en tapaient, du moment que les capitaines et leurs adjoints étaient eux récompensés ! L’unité c’est à la base qu’elle se fait, directement avec les travailleurs et sur des objectifs clairement définis. C’est là que l’unité atteindra toute son efficacité, je crois que nous en avons fait la démonstration à certaines occasions, même si on nous a mis des bâtons dans les roues. Si nous ne sommes pas parvenus à atteindre l’objectif, nous pouvons bien sur faire quelques mea-culpa, on n’est jamais parfait, mais ce n’est pas notre syndicat qui en aura le plus à faire. 

En tout cas, sitôt notre usine fermée, l’inquiétude s’est  emparée de nos adhérents partis en préretraites, en congés de fin de carrière et en retraite…. Plus d’usine, plus de service administratif, plus de Comité d’Etablissement, plus de dossiers médicaux et plus de syndicat, alors que des séquelles physiques et des problèmes de santé apparaissaient ! Cela les a conduit à me demander de créer un syndicat des retraités de notre ex usine. Les dirigeants de Pechiney ne s’y trompaient pas en favorisant la création des associations en vue de détourner l’inévitable inquiétude et le mécontentement des salariés en cessation d’activité.

Un syndicat de retraitésNous avons donc créé un syndicat des retraités en 1992. Après toutes ces années de luttes et de démarches sans interruption pour défendre notre usine et assurer les meilleures chances de réemplois pour le personnel, il n’est pas évident de se retrouver du jour au lendemain sans contact avec les camarades, nous avions une sensation de vide qu’il fallait combler. Très rapidement nous nous sommes rendu compte que Pechiney nous avait laissé un héritage terrifiant issu des conditions de travail ! La survenance de maladies qui en découlaient, y compris celle dues à une exposition aux particules d’amiante et à l’utilisation produits dangereux, tous cancérigènes. Simultanément à la création de ce syndicat de retraités et pour répondre aux souhaits de l’Union Fédérale des Retraités de la Chimie (UFR), j’ai

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postulé au conseil national de cette UFR à la demande d’un camarade qui allait en être le secrétaire, Serge Tomassi. Cela m’a permis de bien me documenter et de témoigner de ces maladies professionnelles ou à caractère professionnel que nous commencions à constater à Noguères. Je me rendais compte également que ce problème surgissait dans le pays par son ampleur et que s’organisait les réactions syndicales.

Nos travaux se sont donc rapidement orientés vers les maladies professionnelles et notamment sur celles provoquées par l’amiante, le fluor et l’alumine. J’ai donc pris conscience que Pechiney ne devait pas se débarrasser de nous ainsi. Nous avons entrepris de demander à la société Aluminium Pechiney d’assurer un suivi post-professionnel des anciens de Noguères et de leur remettre une attestation d’exposition aux particules d’amiante. Demandes refusées bien entendu !Notre syndicat de retraités était le tout premier à s’inscrire à l’union locale CGT de Mourenx ou seulement trois adhérents isolés étaient venu s’inscrire.

Pechiney nous avait dissimulé la dangerosité de l’amiante, il était donc doublement coupable et voila que maintenant il manifestait un mépris inqualifiable (un de plus) envers nous tous en nous refusant ces attestations.Je leur faisais le reproche de n’avoir jamais informé les instances syndicales ni le CHSCT des dangers aux quels nous avions été exposés. Nous avons étés contraints de conseiller à nos adhérents de consulter des pneumologues au moindre doute sur leur état de santé et de constituer les dossiers.

Ce n’est pas aussi simple que nous pouvions le croire, la peur de découvrir cette maladie en soi et la crainte qu’elle engendre un cancer si elle était découverte, décourageait les victimes, les conduisant à renoncer aux procédures qu’il faut engager pour qu’elles soient reconnues maladies professionnelles et indemnisées comme il se doit, y compris pour le bénéfice du conjoint survivant. Combien en sont décédés sans avoir reçu la moindre indemnisation ?

Un de nos camarades, décédé d’un cancer du poumon, très certainement du à l’amiante, fut emporté en quelque mois, il avait demandé à son cancérologue de déterminer les origines de sa maladie du fait de son exposition aux particules d’amiante, le spécialiste lui répondit : "à quoi cela peut vous servir puisque vous n’avez aucun droit " ! 

Les enfants d’un autre salarié décédé suite à cette exposition aux particules d’amiante ont promis à leur père avant son décès de demander réparation à Pechiney. Nous les avons aidés à constituer le dossier et nous les avons soutenus dans la procédure judiciaire : Première instance, cour d’appel, cassation et cour d’appel encore, jusqu’à ce

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que Pechiney soit condamné pour faute inexcusable de l’employeur.

Nombreux sont les camarades qui nous ont quittées encore bien jeunes. Les toutes premières années nous faisions un voyage annuel et des repas fraternels tous ensemble avec les conjoints, le poids des disparus est devenu tel que nous avons cessé ces journées de réjouissances, le cœur n’y était plus.

La participation des anciens CGT de Pechiney a toujours été remarquée dans les manifestations, si elle s’est considérablement amoindrie (et pour cause), cette fidélité à la lutte des classes, se manifeste encore aujourd’hui par des « survivants » encore valides, elle a forcé à un certain respect ce qui fait que quelques langues se sont déliées !

On finit toujours par tout savoir   :

Ainsi ais-je appris que le secrétaire de la fédération départementale du PCF, (celui qui avait sans doute obligé le secrétaire de la section de Mourenx et le maire communiste de Mourenx à nous demander d’abandonner le projet des repreneurs), celui avait fait convoquer au siège du PCF à Paris les camarades qui persistaient à nous soutenir   ! En l’occurrence deux secrétaires confédéraux, deux secrétaires régionaux, les secrétaires de l’UD 64 et de l’UL de Mourenx, le but de cette «   entrevue   » était de les convaincre à nous abandonner   ! Notez (au passage) que je n’ai pas été informé de cette lamentable initiative, il aura fallu attendre deux ans pour que j’en sois informé ! Certains militants sont durs à la détente ou alors sont-ils soumis aux injonctions que certains qualifieraient de staliniennes, en tous cas très « fragiles » concernant la fraternité.En fait le responsable du secteur industriel du PCF (j’ai oublié son nom) après les avoir entendu, a estimé que notre position était juste et responsable, ce fut l’échec pour ce secrétaire fédéral. Le ridicule ne tue pas, heureusement pour lui, car en plus nous n’avons pas eu le droit de nous justifier, nul doute qu’il avait recommandé de ne pas nous en tenir informé.

Une autre information concernant ce secrétaire fédéral du PCF nous est parvenue.

Le député maire de Pau, ne pouvant être élu sans l’apport des voix du PCF, caressait donc dans le sens du poil ce « camarade » très spécial du PCF, bien que secrétaire fédéral ! MAIS, c’est lui, le maire de Pau qui choisissait   : qui et combien de communistes seraient en position éligible sur les listes de gauche du conseil municipal de sa ville et ce choix du député maire se faisait en faveur de ce membre du PCF et de son épouse   !!

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C’est certainement lui qui a exigé que ce secrétaire fédéral nous fasse lâcher le projet des repreneurs que lui-même avait dissimulé durant six mois en complicité avec le syndicat CFDT de Noguères ! J’imagine la rage du maire de Pau lorsqu’il a vu que nous annoncions ce projet des repreneurs. On comprend mieux maintenant pourquoi, pour qui et sous qu’elle influence se trouvait ce secrétaire fédéral du PCF, qui avait fait le choix de « la lutte des places » ! D’ailleurs, n’envisageait-il pas de présenter aussi sa candidature en position éligible au conseil régional ? Tout cela a dû provoquer quelques tensions au sein de cette fédération du PCF ! Tensions qui l’ont conduit à démissionner. Une démission qu’il voulait traduire en licenciement abusif pour se faire indemniser ! Il réclamait 55 000 euros, une somme que certains camarades envisageaient de lui verser pour éviter un procès. Heureusement que par un vote majoritaire les sections qui furent consultées et qui s’y opposaient, cette somme n’a pas été versée. Le procès a donc eu lieu et il ce militant à été débouté !!! Bon débarras, mais cela ne nous rend pas l’usine.

Pour être un révolutionnaire il faut être anticapitaliste et pour être anticapitaliste on ne s’associe pas au parti socialiste, on ne cour pas derrières des places ! Il ne peut y avoir de positions intermédiaires à cette règle…. On voit où cela conduit ! Une usine qui disparait ? NON…des usines qui disparaissent avec des milliers d’emplois et tous les drames qui accompagnent toujours ces casses industrielles.

On comprend mieux maintenant d’où nous parvenaient les « directives ». Le PDG de PUK - Le Gouvernement - Le député maire de Pau – Le secrétaire fédéral du PCF - notre fédération syndicale chimie et la boucle était bouclée pour mettre à genou notre syndicat, celui des gogos du bas de l’échelle !!!

C’est ainsi que c’est joué notre avenir, alors que notre lutte avait atteint un but pour le moins respectable, conserver notre usine avec celles des Pyrénées. Celles d’Auzat dans l’Ariège, a duré 14 années de plus, celle de Lannemezan dans les Hautes Pyrénées, 17 années de plus, une paille ! Ce qui de plus maintenait ouverte la possibilité de la moderniser une fois son obsolescence atteinte.

Je n’ai pas les moyens de faire le bilan du   «   passage   » de Pechiney en Béarn   ! Combien de milliards de mètres cubes de gaz brulé par Pechiney pour lui fournir des kwh à un tarif préférentiel, donc à pertes, 135 hectares de terres agricoles de première catégorie, à proximité du gave de Pau, soustraites à l’agriculture depuis une soixantaine d’années, terres rendues incultes et polluées par des centaines ou des milliers de mètres

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cubes de béton enfouis sous cette terre pour des dizaines d’années, sinon des centaines d’années, qu’elles en sont les conséquences économiques ?

Toutes ces « liquidations », toutes ces « casse industrielle », ont affaiblit le groupe PUK. Le PDG Jouven au lendemain de Mai 1968 craignait que l’avenir de ce groupe soit en bois vermoulu, si on suivait les syndicats, en fait si on suivait le syndicat CGT, c’est plus clair ainsi et c’est ce qu’il avait dans sa tête!Aujourd’hui ce groupe est totalement démantelé, détruit, ou vendu à des sociétés d’investissement. L’usine de Saint Jean de Maurienne, le fleuron du groupe était en passe d’être fermée en 2014, elle vient d’être vendue à Trimer une société Allemande. L’usine de Dunkerque serait (ou sera) fermée au terme du contrat avec EDF en 2017, conséquences de la disparition des services publics, en l’occurrence d’EDF et surtout conséquence de la politique ultralibérale de la CEE !

Nous n’aurions pas créé ce syndicat de retraités sitôt la fermeture de notre usine, je pense que nous n’aurions jamais eu connaissance de ces épisodes désastreux. Le fait de nous réunir, le fait d’en débattre, à fait que les retraités de Pechiney en Béarn étaient nombreux dans les manifestations et ils le sont encore au niveau des survivants, je parle bien entendu des retraités adhérents du syndicat CGT ! D’où la nécessité de créer PARTOUT des sections syndicales de retraités et des syndicats de retraités là où des usines disparaissent.

Des veuves spoliées d’un acquis social   !

Certains de nos militants décédés prématurément, suite aux conditions du travail, à l’exposition aux particules d’amiante, à l’utilisation de produits dangereux et cancérigènes, à conduit leurs épouses, en général des « femmes aux foyers », à se syndiquer en hommage au combat qu’ils ont mené.

Cette participation féminine à nos réunions et aux assemblées générales nous ont permis de découvrir qu’elles étaient victimes du détournement d’une pension de réversion issue d’une «   retraite Maison Pechiney   » que leurs époux ne percevaient pas   !

Cela peut paraitre curieux de nos jours, mais s’agissant de « femmes aux foyers », à la survenance du décès de leurs conjoints retraités, ces épouses qui n’ont jamais ou que très peu travaillé salariées dans des entreprises, se trouvaient plongées dans une situation irréversible et dramatique, n’ayant pas de retraites personnelles. Il avait donc été établit en 1964, qu’il ne serait pas tenu compte de la pension de réversion du régime général du conjoint décédé pour qu’elles puissent bénéficier de la réversion d’une Retraite Maison Pechiney que leurs conjoints décédés ne percevraient peut-être pas !

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Ce qui explique que les salariés décédés ne percevaient plus ce complément, c’est que le montant de leur pension de retraite était supérieur au plafond d’attribution de cette Retraite Maison. Qu’elles en sont les raisons en fait : 1°/ Mais, ce plafond n’a pas été indexé aux augmentations des salaires suite à Mai 68 ! 2°/ Suite à la fusion Pechiney avec Ugine Kuhlmann tout un « tripatouillage » de la réglementation des droits acquis, RO-IPC-ACR, par ces différentes sociétés à été opéré pour créer PUK, sans oublier d’en réduire au passage le cout financier ! 3°/ Ensuite, pour abolir ces droits pour tous ceux qui seraient embauchés à compter du 01/01/ 1973, ils auraient décidé de versé une cotisation plus importante concernant l’ARRCO ce qui aurait eu pour effet que les pensions de retraites devenait supérieures au plafond d’attribution de cette RO qui concernait le personnel ouvrier et les collaborateurs non titulaires ! Notez au passage que l’ARRCO concerne les ouvriers et que les cadres, bien qu’ils n’aient pas bénéficié de cette largesse, les cotisations (patronales comme ils le disent) qui les concernait étant déjà quatre ou cinq fois supérieure, (en pourcentages des rémunérations) bien sur). De plus ce droit leur restaient acquis alors qu’il disparaissait pour les ouvriers ! Tout cela ayant eu pour conséquences qu’au fil des années, l’oubli et l’ignorance de ces droits acquis dans le cadre de la prévoyance se sont installés ! Ainsi donc, avons-nous constaté que des conjoints survivants (des veuves d’ouvriers retraités) n’en bénéficiaient pas ! Ou qui en bénéficiaient dans une faible proportion, selon un choix qui n’a rein du hasard … Vous me comprenez ? Attention   ! Je ne dis pas que la tentation était grande de garder ces sommes dans les caisses ni dans certaines poches, mais l’apparition des « parachutes en or » et des « somptueuses indemnités de départ » pour des cadres supérieurs, ayant fait leur apparition, peut-être suite à ces spoliations, ceci pouvant expliquer cela  !!! Ne cherchez pas les dindons des farces, ils sont toujours au bas de l’échelle. La Société Aluminium Pechiney et le groupe PUK se débarrassaient donc ainsi de cet acquis social en le supprimant pour tous les nouveaux embauchés à compter du 1er Janvier 1973, sous ces prétextes et ces manipulations. Le supprimer également pour tous ceux qui furent embauchés avant le 31 décembre 1972, y compris pour leurs ayant droits, notamment les conjoints survivants des « femmes aux foyers », c’était trop risqué dans cette époque, surtout concernant les usines les plus anciennes ou les retraités étaient nombreux et les veuves également, (ce qui n’existait pas pour celle de Noguères) ! Viendrait le temps ou cette possibilité se présenterait….. Avec la fermeture de Noguères peut-être ? Qui sait ?

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Qui pouvait se souvenir de tout cela une trentaine d’années plus tard   ?

D’autant plus que l’organisme gestionnaire de ces droits, le GIE-GPC, qui avait cessé d’écrire tous les deux ans aux retraités pour leur demander une fiche d’état civil afin de justifier qu’ils étaient toujours vivants ! Drôle de coïncidence, cette cessation des lettres envoyées par le GIE-GPC semble se situer après la première vague de fermeture des usines, dont celle de Noguères. ou il semble qu’aucune de ces lettres ne soit jamais parvenue, il faut dire que dans notre usine il n’y avait pas de retraités.

Le « Hasard fait souvent bien les choses ! Curieusement  ils ont cessé d’envoyer ces lettres aux familles de retraités au début des années 1990, période de la fermeture de notre usine, ou il n’y avait pas encore de retraités ! Vous croyez aux coïncidences vous ? Moi je n’y crois pas ! Notons aussi le dur conflit de Noguères en 1973, n’oublions pas la grosse manifestation des épouses des salariés de Noguères en 1973 et l’occupation de l’usine en 1968. Si nous on oublie, les patrons, eux n’oublient pas ! Y a-t-il une relation de causes à effets ? Des camarades me disent que OUI !

S’ils avaient voulu le faire exprès pour ne plus verser ce complément aux veuves, ils ne pouvaient pas mieux faire ! Ou alors faut-il croire qu’ils l’ont fait exprès ? OUI, vous le croyez ? Moi aussi.

De ce fait, qui d’entres elles étaient en mesure de faire une demande spécifique de cette pension de réversion ? Comme tous les conjoints survivants, elles ont fait cette demande à tous les régimes, le régime général et le complémentaire : CNAV - MSA et l’ARRCO - l’AGIRC et le GIE GPC qui sont gérés par le groupe Médéric-Malakoff ou se trouve également la CAPIMMEC avec qui une convention de gestion à été établie. Mais cela ne leur suffit pas… il faut qu’elle fassent une demande spécifique pour la réversion de cette retraite maison adressée au GIE GPC   ! Ces pauvres veuves qui ont la douleur de perdre un conjoint, elles qui l’ont vu s’éteindre dans les douleurs d’une maladie qui trouve ses origines dans l’activité professionnelle, elles qui sont âgées , il faut qu’elle pensent à une démarche qu’elles ignorent Pour la qu’elle 8 sur 10 n’ont pas trouvé le moindre indice la concernant dans les dossiers du conjoint décédé ! Mentiraient elles ces personnes souvent très âgées, souvent malades aussi, qui de toute leur vie n’ont jamais élevé la moindre protestation, hormis peut-être une manif en 1973 .

Notez bien que la loi en la matière est bien faite, toujours en faveur du « Seigneur et Maitre » bien sûr, puisqu’elle dit que « la retraite est quérable et non portable » ! Autrement dit, si vous ne les demandez pas vos pensions de retraites et vos pensions de réversion,

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vous ne les aurez pas   ! Même si le conjoint décédé à travaillé 47 ans, comme c’est souvent le cas et qu’il est peut-être décédé prématurément des suites de son travail !Notez aussi (et c’est l’un des arguments phare des patrons, bien que le GIE GPC gestionnaire des ces compléments de retraites maison soit inclus depuis 1997 dans le groupe Malakoff-Médéric, ils ignorent la survenance des décès de leurs anciens salariés !Les dossiers des anciens salariés PUK sont tous dans ce groupe Malakoff- Médéric et peut-être même dans le même ordinateur !Je dis cela parce qu’un des enfants d’une veuves d’un ancien salarié de notre usine qui avait téléphoné aux régimes complémentaires obligatoires ARRCO ou AGIRC pour être renseigné sur les démarches à faire en vue de venir en aide à sa mère bouleversée par le décès de son conjoint, est tombé sur un-e- interlocuteur-rice- qui lui a conseillé : de téléphoner au GIE-GPC car votre maman a droit à une réversion de plus…. C’est de là que nous avons découvert cette arnaque et cette personne savait que cette arnaque existait. Mais, tenez vous bien, la raison serait (ne riez pas), que si une demande spécifique n’est pas faite par le conjoint survivant, on ignore s’il est vivant, on ignore s’il existe, on ignore s’il réside à la même adresse que le retraité qui vient de décéder   ! Ce sont les réponses que nous ont adressé, Monsieur le PDG et Monsieur de directeur des relations du travail des sociétés Rio-Tinto- Alcan, repreneurs du groupe PUK !

Tiens – tiens PUK à des repreneurs maintenant ? Serait-ils moins « Brigands » que Marc Rich et Montupet ? Bon passons.

Notez bien quand même que toutes ces veuves ont bien fait leurs demandes de pensions de réversion au groupe Médéric-Malakoff ! Ce groupe est aussi le gestionnaire de la retraite Maison Pechiney, le GIE-GPC est une antenne PUK au sein de ce groupe   ! Tout cela nous démontre a quel point un syndicat de retraités est indispensable.

Ben voyons, il faut les comprendre ces pauvres patrons de l’ex PUK, ils ne sont pas forcement au courant, dans une même maison, dans un même bureau, peut-être même dans le même ordinateur, que le conjoint du défunt est bien vivant pour l’ARRCO ou l’AGIRC, pourquoi ne serait-il pas décédé ou n’aurait pas changé d’adresse pour le GIE-GPC bien qu’ils détiennent ensemble tous les dossiers des salariés de l’ex groupe PUK, (ne riez pas )même si ça fait du bien de rire, je vous assure c’est vrai, c’est pour cela que je le répète, car on pourrait croire que j’affabule..

Vous savez, à l’heure où on peut nous suivre partout par satellite, où nous sommes filmés à chaque coin de rues, dans les magasins, peut-être même aux toilettes, où ils peuvent écouter toutes nos conversations téléphoniques, où ils espèrent pouvoir nous mettre une puce sous notre peau et prendre notre ADN si nous avons fait une manifestation, nous devons les comprendre ces pauvres gens qui payent !

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Je sais, en lisant cela vous allez dire qu’ils nous prennent pour des c… Non non détrompez vous, ils savent fort bien qui nous sommes, comment nous sommes et ce qu’ils font.Souvenez-vous, j’ai déjà évoqué ces associations. Le groupe PUK a d’abord crée l’association AAPUK, patronnée par d’anciens dirigeants, cette association assurait un suivi de cette Retraite Maison dans les établissements où cette association existait. Dés que la casse industrielle s’est développée dans les années 1980, dans chaque société du groupe, du moins dans la notre, les dirigeants se sont efforcés de trouver des militants syndicaux, (je n’ose pas dire véreux) qui accepteraient de créer dans ces établissements des associations dépendantes de l’AAPUK groupe, dans l’une d’elles ils ont même trouvé un ancien militant CGT et là je dirais « véreux », autrement trouver des CFDT des FO et des CGC, c’est monnaie courante.

Je me suis rendu compte que ces associations d’usines, dépendantes de l’AAPUK groupe, disposaient de toutes les réglementations concernant cette Retraite Maison, alors qu’elles ont été refusées   au syndicat CGT de Noguères ! Je me suis rendu compte que ces associations qui ont pour la plupart constitué des groupes mutualistes (on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre), organisaient aussi le suivit des réversions de cette Retraite Maison sous le contrôle de l’association mère dés la survenance des décès !

Ainsi à Noguères nous ne trouvions que deux veuves sur dix qui percevaient ce complément.   Il s’agit d’anciennes employées des services administratifs de l’usine, ou de quelques «   complaisances   » faites envers des personnes que l’on gratifiait ainsi   !

Dans un premier temps notre action a permis de faire régulariser 27 veuves en leur faisant faire la demande soi-disant spécifique et de constater que cela avait pour effets d’augmenter leur pension de réversion de plus 15 % à plus 47 %, des sommes attribuées en fonction de l’ancienneté du conjoint décédé et de son classement.

La plupart de ces veuves se trouvaient au seuil de la pauvreté sinon en dessous ! Mais, car il y a toujours un « Mais », la rétroactivité de cette régularisation a été limité arbitrairement à quatre trimestres par le GIE-GPC alors que la durée du veuvage de ces personnes s’étalait de 5 à 17 années   ! Dans un deuxième temps nous avons réussit à informer une centaine de veuves à qui nous avons conseillé de faire cette demande. Ces personnes ont été également régularisées comme les précédentes, c’est ce qui a conduit Rio-Tinto-Alcan à adresser par la suite 1670 lettres aux anciens salariés de la société Aluminium Pechiney, non décédés, vivants encore en couple pour les informer de ce droit.

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Cela nous a permis de constater qu’ils sont parfaitement au courant de la survenance des décès, alors qu’ils prétendent le contraire, mais ce n’est pas pour autant que les conjoints survivants sont régularisés automatiquement ! Néanmoins cela aura permis qu’à ce jour plusieurs centaines de veuves ont été (ou seront) régularisées sur l’ensemble des usines de la société Aluminium Pechiney.

A Noguères 16 veuves n’ont pas accepté d’avoir ainsi perdu plusieurs années, elles nous ont mandatés pour agir en justice. Apprenant cela, les dirigeants de l’ex PUK (qui d’autre pourraient l’avoir fait), ont exercé des pressions sur certaines de ces veuves ! Quatre d’entres-elles, visiblement prises de panique, y ont renoncé ! J’ai ma petite idée sur qui et comment cela a pu se faire, mais passons.

Un jugement a été rendu le 25 septembre 2012 par le conseil des prud’hommes de Pau donnant raison aux veuves et condamnant Rio-Tinto-Alcan, La Société Aluminium Pechiney et Médéric- Malakoff à leur verser en dommages et intérêts la totalité des sommes perdues et aux dépend.

MAIS, LE PATRONAT LUI, N’ABANDONNE PAS LA LUTTE DES CLASSES ! LE COMBLE DE L’IGNOMINIE EST ATTEINT !

Ils ont osé faire appel d’un jugement qui rendait justice à ces veuves septuagénaires et octogénaires !

Les sociétés RIO-TINTO ALCAN – ALUMINIUM PECHINEY et le GIE-GPC de MEDERIC MALAKOFF ont fait appel du jugement rendu le 25 septembre par le conseil des prud’hommes de Pau concernant la réversion de cette retraite maison. Pour faire appel, ils ont attendu le dernier jour de recevabilité   ! Pourtant ce jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Pau est en tout points remarquable par son argumentaire, bien référencé il rend justice à des personnes qui pour la plupart sont très âgées, malades aussi et qui vivent sous le seuil de la pauvreté.

Nous avons eu la faiblesse de croire que l’attitude de ces patrons serait  empreinte  d'un peu d'humanisme et qu'ils renonceraient à faire appel. Mais, ils viennent de nous remettre dans le droit chemin de nos certitudes.... Il ne faut rien attendre d’eux, même si cela doit leur couter les yeux de la tête, ils feront tout pour ne pas céder, c’est une question de principe plus qu’une question de droits ou espèrent-ils que ces plaignantes puissent décéder entres temps   ?   Leur but serait-il alors de gagner du temps ?Dans un cas comme dans l’autre cet ignoble !

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Une fois de plus ils font le choix de l’affrontement. Après le black-out qu’ils nous ont imposé durant quatre années et plusieurs reports d’audiences à leur actif ! Après avoir tenté de nous faire croire qu’ils allaient traiter chaque dossier à l’amiable en vue de désamorcer notre vigilance, puis de demander que ces plaignantes soient déboutées pour des causes de prescriptions en faisant référence à des loi nouvelles votées ces dernières années   !

La justice devra donc se prononcer une deuxième fois   . L’audience en cour d’appel aura lieu le 4 novembre 2013 à 14 h au palais de justice de Pau.Nous avons relevé le défit et fait appel aux multiples soutiens que méritent ces personnes âgées, qui au terme d’une vie de labeur et de privations n’entendent pas laisser aux générations montantes l’image d’un renoncement, mais qu’elles entendent faire respecter un droit acquis de haute lutte par leurs conjoints, dans une usine ou des conditions de travail étaient désastreuses et souvent à l’origine de leurs décès prématurés !

Les conclusions des appelant devaient être déposées le 14 juin 2013, elles l’on été avec trois mois de retard ! Cherchent-ils à nous conduire à demander un report d’audience ? Que nous préparent-ils encore ? Tout cela nous démontre que le syndicalisme est nécessaire. Que ce soit celui des actifs ou celui des retraités, ils sont absolument indispensables et complémentaires, à une condition : que ce soit un syndicalisme de lutte des classes et tant mieux s’il est possible qu’il soit unitaire sans que cela devienne une condition   !.

Comment pourrions-nous admettre un syndicalisme d’accompagnement et de compromis ?

CONCLUSIONS

Je n’ai aucune prétention en écrivant ce mémoire. Ma culture est celle d’un ouvrier qui a acquis une formation professionnelle, elle est donc limitée sur le plan intellectuel, la seule chose que je revendique, c’est la sincérité et l’honnêteté de mon expression, celle d’un vécu et de déductions logiques. Je n’ai donc pas la prétention d’écrire un livre. Je raconte tout simplement des faits et actes comme je les ai vécus, comment je les ai ressentis et comme ils nous apparaissent aujourd’hui. L’espoir qui m’anime c’est que cela puisse être utile pour le présent et pour l’avenir.

Sortant du régiment fin janvier 1958, après deux ans, (18 mois plus 6 en ADL, pour cause de guerre coloniale en Algérie), bien que marié et père

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d’un enfant j’ai du faire le régiment. Ce fut une période très difficile durant laquelle mon épouse fut malade ainsi que notre fils, tous les deux avaient nécessité des soins, ce qui nous avaient endettés, la Sécu ne nous avait rien remboursé durant ces deux années (trop long à expliquer). Elle me devait environ l’équivalent de 4 fois le SMIC ! Oui oui c’est vrai, je faisais le service militaire, prolongé de six mois pour cause de guerre coloniale et la sécu ne me remboursait rien ! J’ai donc été obligé de me battre, au propres comme au figuré, pour récupérer ce qui nous était du.

Sitôt libéré, je suis venu m’embaucher comme monteur électricien sur le complexe de Lacq où se construisaient 6 usines et la ville de Mourenx. Gros boulot, très varié, intéressant, plus de 54 heures hebdo en moyenne, (j’en avais besoin) d’autant plus que mon projet était de m’installer artisan électricien dés que possible. Ainsi donc j’ai travaillé à la construction des usines de ce complexe industriel de Lacq, y compris dans les deux usines de Pechiney, qui pour le démarrage de son usine pilote ne parvenait pas à embaucher son équipe d’électriciens !

L’entreprise pour qui je travaillais a dû leur céder deux monteurs, j’étais l’un de ces deux. Seul durant 15 nuits, de 20 heures à 8 heures, pour démarrer une usine à haute technicité, ce n’est pas un cadeau ? Mis ainsi à l’épreuve j’ai retenu leur attention, ils ont décidé de m’embaucher, proposition que j’ai refusée durant une quinzaine de jours pendant lesquels ils revenaient à la charge. Ils sont allés jusqu'à me proposer le coefficient le plus élevé de la grille des ouvriers qualifiés, me faisant espérer une fonction d’agent de maitrise dans d’autres unités qu’ils allaient construire. Voila comment je suis devenu un salarié de la Compagnie Pechiney au mois d’avril 1961, après y avoir occupé la fonction d’électricien de maintenance durant les six mois qui précédèrent cette embauche dans le cadre d’un prét.

Deux mois plus tard mon embauche, l’ingénieur du service maintenance était changé, ne croyez pas que ce soit le fait d’un hasard ! Ce nouveau promu est venu me trouver me disant qu’il était dans l’obligation de me rétrograder d’une catégorie car on n’embauche jamais au niveau où je l’ai été. Il m’assura que je serais rétabli dans les six mois suivants, car, disait-il chez Pechiney c’(est un peu comme dans l’armée, il faut suivre une procédure !

Bref, j’abrège. Par la suite, une fois tout le personnel embauché dans les deux usines, les grilles des classifications qui les couvraient, furent tripotées en vue d’en doubler le nombre des échelons et celui des coefficients, ce qui devait favoriser des promotions tous les six mois   nous avait-on assuré¨ ! En fait, dans la pratique ce fut tous les deux ans et à la cote d’amour !

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Notez que dans ces deux usines, on y trouvait seulement les syndicats CFTC  et FO ! Plus actifs certes pour placer les cartes d’adhérents que pour réagir à cette agression sur les rémunérations, telle devait-être en fait leur mission !

Je vais vous raconter mes premiers contact avec deux militants syndicaux embauchés à cette usine pilote. L’un, du syndicat CFTC et l’autre du syndicat FO, tous les deux me proposèrent d’adhérer à leur syndicat, proposition que je repoussais, leur disant que j’adhérerais au syndicat CGT .

Sitôt sédentarisé dans ce nouvel emploi, la venue de notre deuxième enfant, espéré, posa d’énormes problèmes à mon épouse qui du subir plusieurs hospitalisations et rester alitée durant 7 mois, avec tout ce que cela entrainait, un enfant en bas âge, dans un logis sans confort de moins de 20 m2 !Le militant CFTC qui travaillait au même service que moi, électricien lui aussi, parfaitement au courant comme les autres collègues de cette situation familiale, ne m’a jamais parlé de ce qui suit !

Dés la création du syndicat CGT, je suis allé prendre la carte d’adhérent et j’ai accepté de figurer sur une liste des délègues du personnel et des membres de la commission des œuvres sociales du Comité d’EtablissementL’or de la première réunion de cette commission où l’ordre du jour était, « l’aide aux mères », je me suis acharné à demander au président de cette commission et à l’assistante sociale, ce qu’était cette aide aux mères, dans quels cas elle était utilisée et dans quels buts…… Etc, je tenais absolument à l’entendre de leur bouche.Le président de cette commission était le délégué CFTC cité plus haut qui, tête baissée, ne parvenait pas à me regarder en face, pas plus que cette assistante sociale qui utilisait cette « aide aux mères » pour garder les enfants des épouses des ingénieurs pour qu’elles puissent aller chez le coiffeur ! Mais chez moi, aucune aide aux mères n’est jamais venue durant cette période !Une belle entrée en matière pour le syndicalisme rassemblé ! N’en déduisez pas que je suis contre l’unité des luttes, vous feriez erreur. Par contre, oui je suis contre ces militants véreux et contre « les rassemblements » sans objectifs communs clairement établis. Il y à donc dans notre combat un adversaire et ses complices !

Souvenez-vous, dans ce complexe, c’est Pechiney qui proposait les salaires les plus élevés et très rapidement c’est Pechiney qui les avaient réduits au plus bas   ! Ceci peut expliquer cela ! C'est-à-dire, que le patronat choisit les syndicats complaisants car il sait qu’il en aura besoin. Que l’on cesse donc de nous bassiner avec le syndicalisme rassemblé, cela se passait en 1963 et rien n’a changé à ce jour, bien au contraire ! le syndicalisme rassemblé et l’unité d’action sont deux choses différentes selon moi.

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division ! Dés le tout début dans cette usine Pechiney des mesures discriminatoires et la régression sociale se mettaient en place dans un climat féodalisé et abominable.La régression sociale ne se négocie pas elle se combat ! il faut bien distinguer ceux qui la combattent de ceux qui s’en accommodent, moyennant des intérêts personnels.Ces deux militants, CFTC et FO ont quitté très tôt cette usine, pourquoi ? Peut-être pour accomplir ailleurs la même mission ? En tout cas sur place ils étaient flambés, ils allaient nuire à leurs organisations.

J’ai mis 9 ans pour retrouver le taux d’embauche au lieu des six mois annoncés et je n’étais pas le seul.

Je rends hommage aux camarades qui ont crée le syndicat CGT, dans un tel contexte suivis et poursuivis par les RG durant toute cette période de la création.

De quel syndicalisme ont besoin les travailleurs ?D’un syndicat de lutte des classes. La lutte des classes n’est pas une utopie, elle est un fait et un besoin. Renoncer à la mener équivaut à se livrer pieds et poings lies à l’écrasement.Nier que nous sommes confrontés à des divisions profondes, dire que la gauche actuellement au pouvoir est différente de la droite, tout cela relève de l’irresponsabilité syndicale et ceux qui persistent à l’affirmer ne font que tromper les travailleurs, ce qui conduit un nombre grandissant d’entre eux à se rapprocher inconsciemment du FN !

Mon premier mandat syndical débuta en 1963. Je n’avais pas fait le choix de militer. Rien au départ ne me poussait à prendre cet engagement, tout simplement je n’étais pas de nature à la fermer et je trouvais dans la CGT une analyse et des propositions qui me paraissaient justes, équilibrées, pouvant être efficaces. C’est donc Pechiney qui m’a propulsé dans le militantisme, c’est la seule raison qui me pousse à leur dire merci. Merci d’avoir pu agrémenter ma vie professionnelle de cette activité militante et d’avoir pu ainsi rencontrer des personnes admirables et de découvrir ce qui fait horreur !

Je lisais encore récemment des extrais d’un discours prononcé par Benoit Frachon, alors secrétaire général de la CGT. Dans ce discourt prononcé en 1974, il dénonçait les mensonges qui présentaient la constitution du Marché Commun comme répondant aux nécessités du développement économique et social et comme une réalisation qui apporterait le bien être des peuples intéressés. Il mettait à jour le caractère impérialiste de cette opération des monopoles, qui ne

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visait ni au bien être des peuples ni à l’amélioration des conditions de vie et de travail des prolétaires, mais uniquement aux intérêts du capitalisme….. Etc. Nous étions donc prévenus et nous étions guidés dans la bonne voie, ne serait-ce que par cette partie de son discours.

Il ne voulait pas de ce projet qui allait détruire nos conquêtes sociales soit mis en application, ce qui est malgré tout arrivé avec les différents traités européens. Des traités qui nous imposent l’austérité permanente au détriment de la démocratie, qui réduisent nos salaires et notre pouvoir d’achat, qui détruisent nos services publics. Nous avons combattu pour construire une société juste et nous en arrivons, en tournant le dos à la lutte des classes, en nous soumettant à cette Europe du capitalisme et en nous incluant dans cette C.E.S. à rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres et chaque jours plus nombreuxJ’ai tenté personnellement de faire tout ce qui pouvait être fait pour ne pas dévier de cette voie et plus j’avançais dans cette activité militante et plus je me rendais compte combien il avait vu juste. J’ai eu la chance que les camarades de notre syndicat de Noguères aient la même détermination, ce qui est remarquable à notre niveau de militants du terrain. Je ne parviens donc pas à comprendre que nous soyons partie prenante de cette Confédération Européenne des Syndicats qui cautionne aujourd’hui ce que Benoit Frachon dénonçait il y à cinquante ans !!!Ce que je comprends me fait peur pour l’avenir du syndicalisme indépendant et me fait craindre le pire !

.L’esclavage : S’il a bien existé, ce n’est pas qu’une histoire du passé, il existe toujours  et il existe de plus en plus ! On vient de fêter dernièrement son abolition pour donner le change et en dissimuler sa forme nouvelle, comme s’il s’agissait d’un passé. Le travailleur esclave n’est plus transporté ligoté, il n’est pas contraint au travail par la force et par des violences physiques, il y est contraint pour acquérir le minimum vital, pour lui et sa famille, pour honorer ses engagements, souvent des crédits ! Je ne pense pas que sa table soit mieux servie pour tous ceux qui travaillent ainsi, que celles qui était servie aux esclaves des siècles passés !L’esclavage, ou l'asservissement (pour faire plus modern), présentent plusieurs degrés mais aucun d'eux ne sont acceptables.

Mes premiers emplois, avant Pechiney, m’avaient permis de mesurer les différences qui existent entre un employeur qui vous estime et vous respecte, avec celui qui vous manipule, vous prend pour un objet, vous méprise et vous exploite. La Compagnie Pechiney était à classer dans cette dernière catégorie ! Mais, en ce début de millénaire, nous entamons un retour aux pires périodes du passé !

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La confiance, l’estime et le respect réciproque produisent des effets sensationnels qui rendent le travail agréable et forcément plus efficace. Une vie de travail peut être très agréable, elle peut aussi devenir un enfer si nous relâchons la pression. Dans ce dernier cas c’est catastrophique, ça ne conduit qu’à la révolte, c’est ce qui se produisait dans cette usine des Pyrénées Atlantiques à son début mais à une très petite échelle avec une petite explosion en 1973, mais c’est ce qui va forcement se produire un jour, la violence en plus et à grande échelle !

Il faut s’organisent pour se défendre et pour obtenir ce qui est juste ? Ce qui est juste c’est un partage honnête des richesses créées par le travail en général, la spéculation financières est créatrice de misère ! Ce qui est juste aussi c’est d’être respectés et ce qui est logique c’est de se syndiquer dans un syndicat avec qui nous irons de l’avant, c’est pour cette raison que j’ai refusé d’adhérer aux syndicats CFTC et FO et que j’avais fait le choix de la CGT.

La CGT répondait à mes attentes, conscientes et inconscientes, elle avait un passé glorieux, elle doit maintenant retrouver son indépendance et revenir sur ces fondamentaux abandonnés en chemin, pour offrir rapidement aux générations nouvelles l’espoir qu’elle nous avait offert et récupérer toute cette « protection sociale »ce que nous avons abandonné ces dernières années.

On ne fait pas carrière dans le syndicalisme, on n’est pas syndicaliste pour satisfaire des ambitions personnelles, ce qui finirait par faire de nous des adeptes du compromis et de la collaboration. Si le syndicalisme rassemblé par des accords au sommet était la solution, il y a longtemps que nous n’aurions qu’un seul syndicat. L’unité c’est autre chose, elle se fait sur des objectifs clairement et des orientations établies dans le respect de la démocratie, nous l’avons démontré à Noguères à petite échelles certes mais sur des enjeux importants et nous ne sommes pas les seuls ! Les syndicats réformistes, (j’en ais fait l’expérience maintes fois), ils nous utilisent pour se donner une identité de syndicalistes, mais leur principal adversaires c’est toujours la CGT ! C’est la certitude que je garde des 32 années passées dans cette usine où les syndicats « réformistes » étaient plus mobilisés à détruire le syndicat CGT et le communisme plutôt que ceux qui nous exploitaient. Leurs militants espérant en retour une augmentation, des promotions. Etc.Ces constats, je les ai faits dans cette usine et dans cette multinationale Pechiney, cela m’a conforté dans le choix que j’avais fait en faveur de la lutte des classes et en optant pour le syndicat CGT, ma première carte d’adhérent CGT je l’ai eu à l’âge de 19 ans, en 1954. Je suis toujours militant CGT et mon souhait c’est de pouvoir le rester jusqu’au bout de ma vie, à une condition toutefois, c’est que notre CGT redevienne un syndicat de lutte de classes,

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révolutionnaire et anticapitaliste, pour y contribuer j’ai adhéré au Front Syndical de Classe (FSC). Ces derniers jours j’écoutais notre nouveau secrétaire confédéral Le Paon, sur RMC. Il dénonçait parfaitement tout ce qui ne convient pas et ce qui ne va plus du tout. Bon, c’est bien de le rappeler, mais là n’est pas sa mission. Lorsqu’il en vient à dire en conclusion qu’il faut que ce nouveau gouvernement et le président de la République respectent leurs engagements, (promesses de campagnes électorales) soit il n’a rien compris et il n’est pas à sa place dans cette fonction, soit il nous prends lui ausdsi pour des idiots et nous devons le virer rapidement.

A Pechiney, j’ai rencontré, l’indigeste, mais j'ai connu aussi, la fraternité, la solidarité et l’honneur d’être un ouvrier doublé d’un militant et de pouvoir passer partout la tête haute.

Dois-je le regretter ? Si je me place sur l’aspect financier et du déroulement de ma carrière je dirais OUI.Si je me place sur le plan humain et fraternel, je dis NON.

Je dois à cette activité syndicale le bonheur d’avoir rencontré des camarades extraordinaires, en tout premier lieu, des camarades formidables qui font honneur à la générosité, aux sacrifices, à la fraternité et à la solidarité.

Tous les camarades à qui je pense se reconnaîtront s'ils sont amenés à lire ce récit, j’aurais trop peur d’en oublier en les citant. Je leur rends hommage, je leur voue une amitié fidèle et sincère et une reconnaissance jusqu’à la fin de ma vie.Je pense aussi très fort à tous ceux qui nous ont quittés, qu’ils soient de l’usine de Noguères, de la société Aluminium Pechiney et des 15 usines qui la composait, ainsi que de la fédération et du complexe de Lacq, avec qui j’ai partagé des moments extraordinaires, je leur rends le même hommage. Je ne suis pas pressé de les rejoindre dans cet autre monde que l’on annonce mirifique, en qui je ne crois pas, il n’y a pas d’autre monde mirifique. S’il y en a un c’est celui dans lequel nous vivons et il ne peut-être mirifique que si nous l’en rendons. Nous nous sommes éloigné du bon chemin en changeant de voie, l’adversaire est coriace et ses complices sans scrupules, mais rien n’est perdu.

Les conquêtes sociales gagnées par la CGT, par le Parti Communiste Français et par le CNR, avec leurs dimensions anticapitalistes, sont un tremplin considérable pour nous engager de nouveau dans ce combat de classe afin qu’il nous ouvre l’avenir pour une tout-autre valeur économique et sociale. Rien n'est jamais perdu d’avance, la lutte de classe doit être permanente, notre avenir sera ce que nous en ferons tous ensemble... Cette

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société, il faut absolument la changer si nous voulons que nos enfants et nos petits enfants puissent y vivre décemment. Ne perdons pas de vue que de grandes conquêtes sociales ont été arrachées dans une période particulièrement difficile, au terme d’une guerre mondiale, avec un pays à reconstruire…. Mais grâce à des travailleurs engagés et syndiqués, (plus de 3 millions au syndicat CGT), sans un seul retraité syndiqué à cette époque, avec des camardes qui ne plaçaient pas leur nombril avant celui des autres, c’est à dire, la solidarité avant tout.

La colère gronde actuellement sous nos pieds, une force est en train de s’accumuler ! Mais tant que notre classe ne se sera pas dotée d’un Parti Politique Révolutionnaire, la situation va continuer à s’aggraver ! C’est notre problématique actuelle et la résistance sera insuffisante sur le front de la lutte de classes.

En écrivant tous ces épisodes de cette vie de militant, je repense encore à tous ceux qui nous ont quittés bien trop tôt et je sais qu’ils seraient horrifiés de voir à quel point nous en sommes rendus aujourd’hui, chômage, précarité, misère, mise à mort de la protection sociale, du système des retraités par répartition, du code du travail, conduisant au désespoir et aux suicides….. Etc. Bref, alors moi avant de rejoindre ces camarades qui nous ont quittés, (j’ai 78 ans +), je pose les questions qu’ils me poseraient s’ils le pouvaient. Que fait la CGT…. Que fait le PCF ... pourquoi en être arrivé là ? Quand allons nous nous redresser?

Je serais bien obligé de leur dire , même en sachant que je vais leur faire la plus grande peine, que la CGT sombre dans le réformisme, limite étage supérieur ! Que la CGT appelle bien de temps à autre à des manifs dans le cadre d’un « syndicalisme rassemblé », ce qui veut dire avec ceux qui nous l’ont toujours mis bien profond, mais qu’elle n’appelle plus jamais au niveau confédéral à des grèves reconductibles, ni au soulèvement général, elle ne parle jamais plus de la lutte des classes, de bloquer le pays, ses « mots d’ordres » sont toujours flous ! Nos permanents sont devenus des fonctionnaires du syndicalisme ! Ont-t-ils peur de remettre les mains dans le cambouis…… ? Il va falloir réfléchir à cela, sans doute limiter le nombre de mandats, en tous cas changer de cap.

Mais « c’est bien sûr » me diraient mes camarades disparus, c’est pour cela qu’en 1983 il y en avait qui, déjà, nous disaient que nous devions admettre que nous avions des usines obsolètes, tandis que notre gouvernement de « goche » pour qui nous avions voté, laissait casser nos usines qu’il venait de nationaliser, laissait le patronat partir à l’étranger avec notre technologie de pointe. Cette technologie qui nous appartenait plus qu’elle ne leur appartenait… Car, qu’est-ce qui a le plus de valeur, le travail et la matière grise ou les billets de banques ? Et

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d’où viennent-ils les billets de banques sinon du travail et de la matière grise !

Mais il faudra bien leur dire aussi que nos gouvernements, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont détruit tous les services publics, y compris les autoroutes du pays que nous avions amplement financées par la fiscalisation des carburants, elles sont actuellement aux mains de privés qui s’en font les c….. en or et qui se font engraisser encore régulièrement par le contribuable..

Leur dire aussi qu’on replonge dans les guerres coloniales et que pour ces guerres du fric ils en trouvent alors qu’une soit disant crise financière et une dette (qui n’est pas la notre), servent de prétexte pour nous reprendre tous nos acquis sociaux, notre retraite par répartition et la Sécurité sociale afin d’engraisser encore plus les riches, qui sont de plus en plus riches, +25 % en 2012, tandis que les salariés perdent du pouvoir d’achat ! Elle est pas belle la vie….. pour certains ?

Leur dire aussi qu’en suite ils vont s’attaquer aux congés payés, quand ils auront ratiboisés tout le reste, pour faire une « épargne temps » pour re avancer l’âge du départ en retraite qu’ils sont en train de reculer à 67 ans, voire 70 ans ! Sans oublier que l’argent placé dans les fonds de pension sera tout bénef pour les banques et les entreprises, car peu d’ouvrier pourront atteindre vivant l’âge de 70 ans. Bref, j’en reste là.

Je leur dirais aussi que notre confédération ne voulait pas appeler à voter NON au référendum en 2005 pour que soit repoussé le TCE ! Un document « ultra réac » pondu par Giscard d’Estaing.

Le NON l’a emporté certes, il nous a fallu mettre les pieds dans le plat confédéral pour qu’il en soit ainsi, mais le patronat a su y voir notre faiblesse !

Puis, Sarkozy est arrivé au pouvoir et nous l’a refilé deux ans plus tard sous le nom « Traité de Lisbonne » sans que personne ne réagisse vraiment.

En ce moment, 6 ans plus tard l’austérité est à son comble sur toute l’Europe ! La Grèce est en partie vendue aux Chinois, l’Espagne en prend le chemin, le Qatar achète nos hôtels et autres monuments, y compris des équipes de Foot …… ! On nous saigne pour renflouer les banques d’affaires, les paradis fiscaux regorgent de fric, la misère se développe et prend des proportions horribles !!! Des « gugus » qui savent taper des coups de pied dans un ballon ou dans une balle de tennis, deviennent des milliardaires et des ouvriers qui ont bossé en 3 x 8 une

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quarantaine d’années dans des conditions horribles gagnent tout au plus 1800 euros brut par mois et ce n’est pas ces ouvriers qui sont à plaindre dans cette nouvelle société moderne !

Le PCF n’est plus ce que nous avons connu dans notre jeunesse, on a mis un guignol à sa tête, qui s’est fait élire ensuite sénateur avant de filer dans le camp adverse. Le communisme est inexistant. Il reste bien un PCF mais sans communistes, sauf peut-être un ou autre qui se demandent ce qu’ils font encore dans cette institution qui se préoccupe de la « lutte des places » et non plus de la « lutte des classes ». Les communistes que nous sommes se sont répartis en 5 ou 6 groupuscules à gauche de la goche !

Mais cette goche qui se nomme (encore) Parti Socialiste nous est (encore) revenue au pouvoir en 2012… avec bien entendu (encore) les voix du PCF (pas la mienne en tout cas), le PCF a même été jusqu'à consulter ses adhérents pour savoir s’il fallait aller (encore) au gouvernement, au cas ou il (le PS) leur laisserait un ou deux strapontins ! Et puis il y a la « survenance de Mélenchon un fidèle de François Mitterrand avec son « parti de gauche » ! Un anti communiste mais qui a séduit les dirigeants du PCF… mais pas les communistes de cœur ! Il exprime quelques bons trucs, mais qui ne sont que des réformes, alors que nous devons tout révolutionner !

Ils ont fait ensemble le « front de gauche » alors que nous avons besoin « d’un front populaire » ! Assez, assez me diraient mes camarades s’ils le pouvaient ! Tu te moques de nous ! Mais si ce que du dis est vrai viens vite nous rejoindre.Vous n’aurez pas trop à attendre, la dernière ligne droite est bien entamée !

Bref, tout cela me taraude l’esprit, il fallait que je vide mon sac qui devient trop lourd et je voudrais bien qu’en le vidant, cela serve à quelque chose.

Au sujet des irréductibles de la soumission.Je sais, je sais il y en a certains qui, toujours « le petit doigt sur la couture des pantalons », diront « pas étonnant qu’à cet âge il écrive des conneries pareilles » ! Ce ne sera pas très convainquant, bien évidement, pour me contrer, c’est vrai, parce que je n’ai fait que raconter des choses vérifiables, qui se sont produites et qui n’ont pas pu se produire autrement, nous en supportons les conséquences tout les jours.

Ces réalités sont pourtant incontournables en cette période d’offensive globale contre nos acquis sociaux!Ces enseignements historiques, véritables références pour l’ensemble des travailleurs et pour les jeunes générations sont pourtant occultés par les

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directions confédérales au profit d’une vague référence au "syndicalisme rassemblé " qui serait la panacée, mais qui de fait entraîne l’ensemble du mouvement syndical vers un syndicalisme d’accompagnement et de gestion de la crise du système capitaliste.

Peut-être même que et dans pas longtemps, le « Front National » serra au pouvoir, si nous tardons encore à réagir ! Ou si nous persistons à faire nos petites promenades de rues, de temps à autres, sur des objectifs indéfinis ! Alors là, attention si le FN venait au pouvoir. Attention bonjour le drame ! ! !

Le monde du travail en à ras le bol, il ne fait plus confiance aux syndicats ! Moins de 8 % de syndiqués entre tous les syndicats représentatifs ou non représentatifs ! Morts de trouille les patrons, il n’y a qu’à voir leurs valets au pouvoir, l’UMP et le PS se chamaillent sur le thème, « qui ponctionnera le plus la classe ouvrière » en vue de conserver ou reprendre le pouvoir. Au milieu il y a les B B (non pas Brigitte Bardot), Borloo-Bayrou, qui attendent de voir qui sortira vainqueur ou fragilisé du duel pour choisir leur camp, mais ils risquent de se retrouver marron. Non, dans la Marine, enfin vous m’avez compris, ils seront tous fragilisés car la « Marine » arrive au port.Il faut vite redonner confiance aux travailleurs, confiance dans la lutte, confiance avec des objectifs politiques clairs et dénoncer ce passé réformiste et de compromis !

Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir ! La fermeté doit s’exercer là où se trouvent les responsabilités, y compris sur nous-mêmes.

Je ne suis pas d’accord avec tous ceux qui disent que les syndicats n’ont pas à donner des conseils de votes lors des élections. Ne pas le faire, c’est entretenir la confusion qui profite à nos adversaires de classe… Oui, j’ai bien dit "adversaires de classe" ce n’est pas moi qui l’ai voulu mais eux et eux surtout ! On nous a recommandé de voter pour Jacques Chirac au second tour des présidentielles en 2002 pour faire barrage au candidat du FN, ça ne mangeait pas de pain, OK. On nous dit de battre Sarkozy pour nous faire voter Hollande en 2012, mais c’est voter pour « le bonnet blanc » afin de chasser « le blanc bonnet » comme aurait dit (ou redit) un Bigourdan comme moi, Jacques Duclos !! En fait c’était faire le choix d’être poignardé par une main gauche plutôt qu’avec une main droite. On appelle à ne pas voter en pareil cas, le « vote utile » est une manière de nous détruire nous même !

ATTENTION ! Ceci n’est qu’un témoignage et en aucun cas une vengeance, envers des employeurs et envers leurs serviteurs. Ils sont ce qu’ils sont et ce que nous les laissons être et nous nous

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sommes ce que nous sommes, pas suffisamment ce que nous devrions être…… Tachons de le redevenir le plus rapidement possible, nous n’avons plus de temps à perdre.

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TABLE DES MATIERES……………………………………. Pages Une usine d’Aluminium s’implante en Béarn………………………………………….. 1Mai 68 a Noguères……………………………………………………………………. 3Les acquis de Mai 68 …………………………………………………………………... 6L’après Mai 68………………………………………………………………………… 8Mai 68 n’a pas ruiné la Compagnie Pechiney…………………………………………… 9L’année 1973 une année historique……………………………………………………... 12L’année 1973, une année historique……………………………………………………. 16Une « déferlante » de gauchistes sur Noguères…………………………………………... 19Les acquis de 1973…………………………………………………………………….. 26L’après 73……………………………………………………………………………… 29Un espoir est né……………………………………………………………………….. 33Pechiney nous présente un projet de modernisation……………………………………. 34La fermeture de l’usine de Noguères…………………………………………………… 41Un espoir : Noguères intéresse un repreneur………………………………………….. 51

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Coup de tonnerre, notre fédé change d’avis……………………………………………. 55La contre attaque ne tarda pas…………………………………………………………. 52L’argument des reconversions prend l’eau…………………………………………….. 56Martine Aubry embauchée par PUK…………………………………………………. 57Une usine meurt……………………………………………………………………… 74 Reclasser nos militants et nos adhérents…………………………………………........ 76Coup de tonnerre à l’avant dernière réunion du CE …………………………………. 78La dévolution des biens du CE ………………………………………………………. 80L’usine est totalement arrêtée…………………………………………………………. 81Concernant Régis Carbonne………………………………………………………….. 82Un syndicat des retraités…………………………………………………………….... 84On finit toujours par tout savoir……………………………………………………… 85Des veuves de salariés spoliées d’un acquis social……………………………………. 86Le patronat, lui, n’abandonne pas la lutte de classes…………………………………. 90Conclusions ……………………………………………………………………… 91Table des matières………………………………………………………………… .

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