de la morale de plutarque
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Grard, Octave (1828-1904). De la morale de Plutarque. 1995.
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D!; LA MORALE
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PLUTARQUE
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DE LA MORALE
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c
PREFACE
DE LA TROISIME DITION
Depuis que cette tude a paru pour la pre-mire fois, il a t publi en Allemagne, en
Angleterre, en Amrique, des travaux qui attes-tent en faveur de Piutarque un retour d'atten-tion presque universel; et ce qui caractrisecette sorte de renaissance, c'est que, contrai-rement aux traditions de la critique qui s'est.de tout temps attache de prfrence a l'histo-rien biographe, le moraliste en est l'objet.M. Votkmann, dans son Trait didactique,M.Trench, dans ses Confrences, M.Emerson,dans son Introduction la rimpression de lu
traduction de Dryden, pour ne citer que lespublications les plus considrables, laissentdcote l'crivain des ries parallles pour s'oc-
cuper de l'auteur des M~'esMwa/c~.
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PRFACE DE LA TROtSIMt: DITION.!t
La premire en date et la plus importantede ces publications est celle de M. Volk-mann.
Sous ce titre La rie, les crits et la philoso-phie de P/M~n~te', l'ouvrage comprend une bio-
graphie du sage de Chrone, un examen deceux de ses traits dont l'authenticit a t
conteste, et un expos gnral de ses ides.Plus svre encore que Niebuhr pour l'histo-
rien, M. Volkmann ne trouve dans les Ftfsdes hommesillustres d'autre intrt que ce-lui des considrations morales qui sont mlesau rcit. C'est le philosophe pratique dont il
se proposede faire connatre la doctrine. Jus-qu'ici, dit-il, Plutarque n'a t sous ce rapportl'objet d'aucune tude spciale en Allemagne;le cadre de l'histoire gnrale de Zeller ne se
prtait pas l'analyse dtaille que comportentdes traits de morale applique. C'est cettetude analytique qu'il se propose de faire, et il
y dploie une science remarquablement ten-due et sre. Il n'avance rien qu'il ne prouve.Les discussions de pure rudition l'attirent et
quelquefois l'entranent. Entre les deux chapi-
1.Lete):,SchriftenundPhilosophiedesPlutarchvonC/i
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PRFACE DE LA TROfStME DITION. HtII
tres o il retrace l'image de l'homme et du phi-losophe, il ne craint pas d'intercaler un m-moire d'un intrt presque exclusivement phi-lologique. Qu'un nom propre se prsente soassa plume, il ne peut se retenir d'en faire l'his-toire. Cette solide et savante diffusion n'est pasdans le sujet une disconvenance. Ses procdsd'analyse serre et grave sont moins conformesau gnie de Plutarque; il n'y faut pas chercherla grce piquante de l'aimable moraliste. Ilarrive mme qu'en voulant tablir trop ration-ng//e?K6H
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PRFACE DE LA TROISIME DITION.IV
Rien de plus modeste que l'origine des Con-frencesde M.Trench'. En 1872, le savant ar-
chevque de Dublinavait t invit entretenir
de Plutarque une petite socit littraire. Onlui demanda de publier ses entretiens. Il se mit les reviser; et, d'un point un autre, cdantau charme, il en vint sans le vouloir, presquesans le savoir, faire un livre. Un doute leretint avant de le donner l'impression. Cequile rassure, dit-il, c'est que les Traits moraux,si dignes d'tre lus, le sont en ralit si peuque l'ide de les tudier paratra nouvelle. Les Viesparallles, crit-il ailleurs, montrent
ce que la socit antique a vis et accomplidans le monde de l'action; les Morales, ce
qu'elle a vis et accompli dans le monde de la
pense. Onne saurait mieuxdfinir le sujet,et rien ne manquait M. Trench pour le trai-ter. Il a la connaissance profonde et le respectde l'antiquit. Si, comme on en a fait la re-
marque, on retrouve et l dans sa critiqueles habitudes d'esprit du thologien, elles n'al-trent en rien
l'indpendancede son
jugement.1. Pl:~tarcla. His li fe, his parallel Zxvps,and hts morals. Ftae1. P
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PREFACE DE LA TROfSIME DtTfOK. v
Il ne lui dplat pas d'appliquer Plutarque lemot de Tertullien 0 testimonium animaena-turaliter cliristianse e mais il sait combien
cette me est imprgne des ideset des croyances du paganisme. C'est le sage qu'il aime en
lui, l'homme qui a dcrit avec un agrment in-
comparabie les ternelles passions du cur hu-main. il ne se propose point d'ailleurs de faireun examen complet de l'oeuvre morale de Plu-
tarque il n'en prend que la fleur. Il ne s'ap-pesantit sur aucun trait; mais il donne de tousceux auxquels il touche une idejuste et fine.C'est un
psychologuede l'cole cossaise. Ses
analyses, rapides et pntrantes, sont appuyesde citations bien choisies. Plutarque aurait
aim,j'imagine, cette science sans pdantisme,ce got dlicat et lev des choses de la con-science, ce ferme courant de bon sens, et
jusqu' cette forme de la Confrence o lesremaniement.s de l'tude ont laiss subsisterdans son naturel le mouvement de l'improvi-sation.
L'admiration de M. Emerson l'aurait peut-tre, quelques gards, embarrass davan-
tage. L'tude de l'minent critique n'est qu'unenotice du genre de celles de Boissonnadc et
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PRFACE DE LA TROIStME DITtON.Y[
de Villemain'; mais une notice trs compltedans son cadre restreint et d'une franchise
pleine de saveur. Le sage de Chrone y est
trait avec une libert tout amricaine.M. Ernersonse raille de l'rudit
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PREFACEDE LA TROtStEMEED)T!0~ V)I
selle qui distingue Plutarque de tous les cri-vains de l'antiquit et qui constitue le fond deson gnie. Nul non plus n'a mieux caractris
que M Emerson cette puissance d'assimilationqui fait que citations, allusions, emprunts detoutes sortes se fondent dans le tissu de sondiscours. Tout est Plutarque, dit-il, par pri-vilge d'occupation souveraine; c'est le droitde Csar. Observation d'un enthousiasme un
peu vif, mais qu'il ramne avec bonheur la
mesure, lorsqu'il ajoute C'est lui qui nousa conserv, embaums dans sa prose, les
fragments prcieux des ouvrages perdus, les
nobles sentences, les sages apophtegmes quisont devenus les proverbes de l'humanit mo-derne. Onsent les affinits qui le conduisent.Cequi lui plat dans Plutarque, c'est le peintreet le conseiller de la vie. Il se dfiede la mta-
physique et des mtaphysiciens, moins
qu'ils ne soient toujours inspirs de la muse,comme Platon, Aristote, Spinosa ou Kant s. Auxidalistes qui raisonnent obscurment sur la
quintessence, il prfre les observateurs sin-
cres et gnreux, '-
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PRFACE DE LA THOtSIME DITION.vin
hommes pour ce qu'ils sont, qui vivent commeleur voisin, font et reoivent des compliments,dnent en ville, et se trouvent par l exposs
quelques compromis, mais qui tiennent tou-jours ouverte la source des prceptes de la sa-
gesse et de la sant . A ses yeux Plutarque se
place au premier rang dans cette catgorie desmatres de la morale d'exprience et de raison.Il le lit et le cultive la manire deFrankIin.Il ne connat pas de meilleure cole pour les
jeunes Amricains qui ont l'ambition de mon-ter sur la plate-forme.
M. Emerson poursuit donc bien le mme
objet que M. Volkmann et M.Trench. Si lecaractre des apprciations de ces trois
critiques varie suivant leur tempramentnational, ils ont un point de vue communc'est le moraliste qu'ils s'attachent mettre enlumire.
Nous avions t le premier frayer la voie,ainsi qu'ils veulent bien le reconnatre. Nousnous sommes notre tour aid de leurs tra-vaux. Leurs recherches nous ont permis de
rectifier quelques indications de dtail; leursconclusions nous ont surtout fourni l'occasionde confirmer nos observations, leur jugement
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PRFACE DE LA TROISIME DITION. )\
i880.
sur tous les points essentiels tant d'accord avecle ntre.
Nous avons galement mis profit les au-
tres travaux de la critique contemporaineIl en est rsult dans cette revision nouvelle
quelques additions et aussi quelques suppres-sions. On ne trouvera plus, par exemple, entte decette troisimedition la lettre d'Henri IV Marie de Mdicis que nous avionsprise pourpigraphe. Le texte en est dcidment apocry-phe, il faut y renoncera Longtemps encore,toutefois, il en sera de ce charmant pastiche,comme de ces lgendes populaires dont Ptutar-
que disait avec tant de grce que, s'il est de-venu impossible d'y croire, il n'est pas interditde les aimer.
1. Voit' entre autres travaux Sj/mto/tB er)tic
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PRFACE
DE LA DEUXIME DITION
En apprciant cet ouvrage, le secrtaire per-ptue! de l'Acadmie franaise, M. Villemain,disait que Plutarque y tait peint avec vrit'.
Le jugement avait d'autant plus de prix, queM. Villemainavait lui-mme fait de Plutarqueune tude particulire. Danscette deuxime di-
tion, qui a t entirement remanie, njusavons fait un nouvel effort pour le justifier.De bienveillantes critiques nous y ont aid\Nous sommes surtout trs redevable M. Ch.
Lvque qui a consacr l'examen de notretravail un Mmoiresavant et dlicat".
1. Rapport l'Acadmie franaise sur les prix Montyon, d8M.
2. Revue d'dimbourg, janvier 1869 Cf. Revue britannique, jan-vier 1870; Revue de Bonn, septembre 1869; Revue contemporaine,5~ novembre 1868. Joifrn~des Dbats, 18 janvier 1867, etc.
5. Comptes rendus des travaux de l'Acadmie des sciences moraleset politiques, t. LXXXiV. p. 16!); t. LXXXV,p. 285; Cf. Revue desDeux Mondes, 1" octobre t867.
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PRFACE DE LA DEUXIME DITION.Xll
En revoyant nos textes quelque temps d'in-
tervalle, nous esprons en avoir tir des lu-mires nouvelles et une vue gnrale plus
ferme. Plutarque comparait les grands crivains ces horizonsqui ne sedcouvrent au voyageurque peu peu mesure qu'il avance, et il ajou-tait qu'en prsence des matres de moralel'homme trouve en soi ces changements de
point de vue dans les progrs de l'ge, etcommedans les degrs chaque anne plus le-vs de l'exprience de la vie. C'est la bonne for-tune qui lui est chue lui-mme l'admirationcroissante de ses lecteurs familiers, d'Amyot,
de Montaigne, de J.-J. Rousseau, en fait foi.Toujours utile relire, Plutarque est particu-lirement bon mditer dans les temps decrise. Il enseigne prendre conscience de soi-
mme, s'affermir dans le sentiment du de-voir, ne s'attacher qu' la justice, la vrit,et ce qui est le caractre essentiel de la vritet de la justice, la modration. Les Grecsquiavaient tudi et reprsent sous toutes les for-mes les trois grandes expressions des besoinsternels de l'me humaine, le vrai, h' beau,le bien, en rattachaient la rgle suprieure aumme principe la mesure, l'harmonie. L'es-
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t'Mt'ACE DE LA DEUXtME DITION. X!H
!8M.
prit de mesure tait devenu, dans leur simpleet profond langage, la marque de l'honntet,ou plutt l'honntet mme; le nom qu'ils ap-
pliquaient l'homme de mesure leur servait caractriser l'homme de bien. Plutarque est undes reprsentants les plus autoriss de cette
sagesse, hors de laquelle il n'y a, pour les so-
Mts, comme pour les individus, ni vraie di-
gnit, ni force durable.
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INTRODUCTION
< Si nous voulions entreprendre de sonder le
fondque Plutarque
a eu de la mer des lettres
humaines, dit emphatiquement un de ses bio-
graphes, nous nous engagerions sur un ocan
sans port ni rivage'.
Plutarque, en effet,est un polygraphe. Le
nombre de ses ouvrages gale ou dpasse le
nombre des ouvrages des crivains les plus f-
conds de l'antiquit~. Toutefois, dans la varit
1. Frdric Morel, Fte de Plutarque, en tte de la traduction desHommes iUustres, par M. Amyot, 1619. Cf. la Vie en tath), par le
mme. 1612 2 V oir le Catalogue de Lampt'ztM. Le nombre des
Traits plus ou moins considrables que nous aurions perdus, d'aprsce catalogne, s'lverait plus de 130.
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INTRODUCTION..XVI
des sujets sur lesquels son talent s'est dis-
perse, il est ais de reconnatre une pense
unique.
Destrois branches d'tudes qu'on reconnais-
sait chez les anciens, mathmatiques, rhto-
rique, philosophie, il n'en est aucune qu'il n'ait
cultive. Maisil nous apprend que, de bonne
heure, il avait mesur aux mathmatiques soi.
application etson temps C'esten passant qu'iltraite des matires de rhtorique, et non sans
ddain~: louer chezun philosopheles grces de
la diction lui parat une injure; c'est, dit-il, pla-cer sur la tte d'un athlte une couronne de
roses\ Mmeen philosophie, il distingue et
choisit. Toutes les tudes, en un mot, ne sont ses yeux qu'un moyen. La morale, telle est
pour lui la fin de la science. Toute posie est
pernicieuse, son sens, qui ne se rattache pasdirectement la morale* Eschyleil prfre
1.Proposdetable,IX,14,5. 2.Proposdetable,Itf.1 V,1\')!,8; VIII,0;iX.2,4.DelaCessationdesorac)es,6. 3.DelaManired'couter,15,9.Cf.DuBavardage,5. 4.DelaManired'couterlespoe*es,1,2,4,8,14,etc.
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t~TRODUCTIOX. XV!!
6
Sophocleet Euripide, SophocleEuripide, parce
que Sophocle est plus riche qu'Eschyle et
Euripide plus riche que Sophocle eu rgles de
conduite et en prceptes de vertu 1. C'est de lamorale qu'il dduit ses prceptes oratoires~ et
ses rgles de critique historique'. Se trouve-
t-il en prsence d'un phnomne physique quil'tonn, ou d'une questiond rudition qui l'em-
barrasse, aux explications que son savoir lui
suggre il ne peut se retenir d'ajouter celles
que les principes de la morale lui fournissent~.
Sesprceptes
de sant ne sont, pour la plupart,
que des observations d'hygine morale, et les
mdecins lui reprochent de franchir et de
bouleverser les limites de leur domaine". S'il
attaque les Stociens et les picuriens, c'est
surtout pour dfendre contre leurs doctrines le
principe de la Providenceet de son action mo-
rale sur le monde6. La politique enfin, telle1.Dela GloiredesAthniens.5;duProgrsdanslavertu,7.
2Commentonpeutselouersoi-mme.4.5.DelaMalignitdHro-
dute,3 10. 4.ViedeNicias,25;dePlopidas,18; Proposdetab)e,!H.3;VIII,7;QuestionsgrecquesetQuestionsromaines,p~~tMt.5.Prceptesdesant,1. 6.DuBonheurdansladoctrined'pi-
cureContreColotsDesdotionsdusenscommuncontrelesSto-ciens,passim.Voirplusbas,chu,g3.
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INTRODUCTION.xvm
qu'il la dfinit d'aprs Platon, n'est que le plushaut et le plus complet exercice de la morale
applique l'amlioration des socits'.
Aussivoyons-nousque, ds l'origine, tous ses
Traits, si divers de sujet et de tonne, ont t
runis sous le titre commun d'if~r~smorales.
Les F!'esparallles n'en sont que la suite et le
couronnement. Plutarque n'crit paspour prou-ver ou pour peindre la vrit historique n'est
pas l'objet qu'il se propose; l'histoire n'est pourlui qu'une cole de murs ce qu'il cherche
dans l'exemple des grands hommes, c'est une
leon'.
Considrs dans leur ensemble et dans leur
esprit, les Traces et les Vies parallles ont donc
t. Du Commerce que les philosophes doivent avoir avec les prin-ces, ), 5; A un Prince ignorant, 5. 2. Vie de Paul-Emue, 1 d'A-
texandre. 1. Cf.Mmo:es de l'Acadmie des Mso'tp~oM et ~f//e.?-
lettres, 1753, t. XXV, p. 32. Mmoire de XougainviUe; SchoeH,Histozre e'e la /MA'athique, non historique. Trench, p. 45
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~TMDUCTIOK. X:X
pour commun objet la morale. Lettres et scien-
ces, histoire et philosophie, rudition, mde-
cine, philologie, critique, Plutarque a touch
tous les sujets; la morale n'est pas seulementune des applications de son gnie c'est song-nie mme.
Et tel est le fondement de sa renomme. Ds
les temps les plus anciens, on seplat a voirdans
Plutarque le matre de morale suprieure, le
type gracieux et enchanteur de la sagesse* .
Maisjamais
ce caractre de sapopularit
n'-
plus manifestement qu' la renaissance
des lettres en France. Cesont les bonnes et
louables disciplines du doulx Plutarchus" quicharment tous les esprits et enivrent tous les
curs; c'est aux Moraulx que Rabelaisse d-
lecte ; que la Botieemprunte la mattire etl'occasion de ses discours. ; Montaigne, les
despouilles dont sont purement massonns ses
1.Eunape,Den
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IXTRODUCTMN.XX
Essais' . Le premier traducteur des Parallles
invite, en vers et en prose, les lettrs et les il-
lettrs venir tudier dans sa traduction des
modles de vertu~.Onne lit pas Plutarque, onle pratique; on le rduit en rhythme fran-
oise~, pour le faire apprendre aux enfants; sprs les saintes lettres, on ne connoit pas de
plus digne lecture'. Les dames en rgententles maistres d'eschole s on ne peut plus s'en deffaire" . Ilest le brviaire du sicle,sa lumire, sa conscience.
C'est au mme titre que les traducteurs du
sicle suivant le placent entre pictte et
Marc-Aurle; les rudits, ct de Pline, d'Aris-
tote et de Snque, dans la famille des bons li-
vres les dlicats, parmi les matres de la
1. Montaigne, Essais, I, 52. Piutarcbustotiussapientiseocettus,dit Scaliger.-2. Las Vitas di Plutarcho, per Alessandro Baptista laco-
Bet)o di Riete. Aquila, 1482. Ep.
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IM)tOf)CCTt~. XXI
vie'. An dix-huitime sicle, hommage insigne,Montesquieului emprunte la dfinition de la
loi". Hommageplus caractristique encore, Rol-lin fait presque textuellement passer les rcits
des Parallles dans les descriptions de ses ~:x-
fM'res.Housseaule cite parmi les rares auteurs
qu'il lit encore dans sa vieillesse, cause du
protit qu'il y trouve" . Il est la dernire conso-
lation de Bernardin de Saint-Pierre*. On s'ap-
puie sur son autorit, comme sur la meil-
teure garantie de tout ce qui mrite le nom de
bon et d'honnte' Plutarque, dit La harpeest, peut-tre l'esprit le plus naturellement
moral qui ait exist. De nosjours, enfin, un
critique pntrant a crit avec une grce ing-nieuse Plutarque, dans ses Afora/es, est
bjiothquepresquecomplte.Sil'onyajoutePlutarqueetSnque,toutelafamilledesbonslivresysera,pre,mre,aineetcadet,i)Cf.Gassendi,Deri
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INTRODUCTtON.XXH
l'Hrodote de la philosophie. et ailleurs Je
regarde les t~'escomme un des plus prcieuxmonuments que l'antiquit nous ait lgus. La
sagesse antique est l tout entire'.
Lebut que je me proposeest de recueillir les
traits pars de cette sagesse qui a nourri tant
d'minents ou de charmants esprits, d'en re-
chercher l'origineet lecaractre, d'en expliquerl'action. Cettetude portera donc plus particu-lirement sur les ?V
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)~TRODUCT)ON. XXIII
Sainte-Deuve'. Medgageant de tout sentiment
prconu, je voudrais produire Plutarque, ou
mieux encore le laisser se produire lui-m~me
dans sou attitude naturelle. Parmi les notesde reconnaissant souvenir que Marc-Aurlea
consacres ses matres, voici celle que nous
trouvons sur Sextus de Chrone
De Sextus, j'ai appris ce que c'est quela bienveillance, une famille paternellement
gouverne et le vrai sens du prcepte vivreselon la nature; la gravit sans prtention;
la sollicitude qui devine les besoins de nosamis la patience supporter les fcheux et
leurs propos irrflchis; la facult de s'enten-
dre si bien avec tout le monde que son simplecommerce semblait plus agrable que ne peutl'tre aucune flatterie, et que ceux qui l'entre-
tenaient n'avaient jamais plus de respect pourlui que dans ces rencontres; l'habilet sai-
sir, trouver, chemin faisant, et classer les
prceptes ncessaires la pratique de la vie;
1.f;uM);~du/M):d
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INTRODUCTION.
Grce asservie, Plutarque runit, dans sa vie
commedans ses uvres, tous les contrastes quidonnent l'histoire philosophique et sociale
des deux premiers sicles de l're chrtienne unsi puissant intrt.
Aussi, n'est-ce pas seulement l'interprte des
principes ternels de la morale, c'est en mme
temps, c'est surtout le reprsentant du mou-
vement des ides d'une poque instructive
entre toutes, que nous voudrions taire exacte-
ment connatre. On ne s'tonnera doncpasque nous commencions par chercher dans sa
vie des lumires sur l'esprit et la porte de
son uvre, et que nous rattachions l'exposition
critique de ses prceptes aux besoins qui en ontt l'occasion ou le but nous tudierons en-
suite les causes del'universelle efficacitde ses
leons.
C'esttoujours
uneentreprise
dlicatequede rendre compte de la doctrine d'un moraliste.
On peut analyser un livre de philosophiedogma-tique. Pourfaire comprendre et goterdes traits
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INTRODUCTION.xxvi
de morale pratique qui valent surtout par le d-
taji, il faut entrer dans le dtail. Plutarque, par-ticulirement, est de ceux dont il est malais de
resserrer la pense. Comment soumettre unrsum aride, sans cruindre de la fltrir, toutecette fleur de comparaisons, de traits, de sou-
venirs, d'exemples, qui font le charme inimi-
table et l'originalit de son talent? a Lejour,dit-il, o Thmistocleexil arriva la cour du
roi de Perse, Artaxercs lui ayant demand de
lui dire avec une entire libert ce qu'il lui
semblait des affaires de la Grce, Thmistocle
rpondit que, de mme qu'une tapisserie, le
discours a besoin d'tre dvelopppour taler
les figures qui en font la beaut; qu'il lui fal-lait donc du temps pour exprimer sa pense*,
Lui aussi, il ne'saurait se passer de temps ni
d'espace pour dployer les figures de ses dis-cours et en drouler la riante tapisserie.
Grouperles
remarquesde dtail les
plussaillantes autour des observations fondamen-
1 ViedeTMmistofite,29.
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INTRODUCTION. XXVtt
t~:e.
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DE LA MORALE
DE PLUTARQUE
CHAPITREPREMIERLGENDEET VM DE PLUTARQUE.
PRINCIPES ET CARACTRE DE SA MORALE.
S! 1
LGENDE ET VtE'DePLUTARQUE.
t . Ce que Plutarque nous fait connatre de sa vie. La lgende taquet)'? elle adonn tieu.Comment elle s'est forme.Discus-sion des textes sur lesquels elle repose.Comment elle est en dsac-cord avec l'ensemble de la vie, du caractre et des crits dePlutarque.
2, Vie de Ptutarque.Safami))e.Ses matres: Ammonius.Sonvoyage Alexandrie.-Son sjour Rome. De la culture des let-tres sous les Flaviens dbuts de Plutarque. De l'enseignementde la morate pratique Plutarque tient cole. Sa vie prive, sestudes, ses amis.Retour Chrone; son crdit, ses fonctions,son rle.
1. LGENDE DE PLUTARQDB
Ce que nous connaissons exactement de la \Ie dePlutarque se borne quelques indications parsesdans ses uvres.
U pt.i~nedans'jne pe~te ville de Botie, a Ch-
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LGENDE DE PLUTAHQUE.
rone*. Son bisaeul s'appelait Nicarquea, son aeul.
Lamprias~. Il parle souvent de son pre, mais sans le
dsigner par son nom\ Il avait deux frres Timons5
et Lamprias". Parmi ses matres, il nomme le mde-
cin Onsicra~e\ un rhteur, Emilianus8, et le piti-losophe Ammonius". Il tudiait les mathmatiques
Athnes, sous la direction d'Ammonius, l'anne o
Kron visita le temple de Delphes' Ses relations
d'tudes, de fonctions et d'amiti le conduisirent dans
la plupart des villes de la Grce", Alexandrie",
et peut-tre Sardes. Athnes lu i avait confr le
droit de c it' !1 fit plusieurs voyages en Italie" et
sjourna diverses poques Rome, o il tint cole'"
et rassembla les matriaux de ses Parallles C'est
Ghrone qu'il se maria. Il avait pous une femme
d'une famille honorable,Timoxne, qui lui donna cinq
enfants quatre fils, Soclarus, Autobule, Plutarque,
1. De la Curiosit. I; Vie de Sylla, 15 et 16; Vie de Dmosthne.2. Nous suivons le texte de l'dition Didot. 2. Vie d'Antoine. U8.
3. Propos de table, livre t, 5 Cf. V, 5; IX, 2 IV, 4, 4 V, (f.g 1 8, g 3; Vie d'Antoine, 28. -4. Propos de table , 2, 2; Il, 8,g 2; Ut, 7, gl 8, g 1 Corsini suppose, avec raison, que le pre de
Ptutarque s'appelait Kicarque du nom de son aeutfFt~ P/M/arcA:,2). Cette vie se trouve en tte d'une dition du Trait des 0;?:')!!Msdes philosophes (1750). -5. De l'Amour fraternel; 16. Propos detable, 1, 2. g 1 Il, 5, g 1; Des dlais de la justice divine, t, 4, 12.C. Propos de table, t. 2, g 5; 4, 4 et 5; 8, g 5; Il, 2 , 1 ; IV,4. g 4; VII, 5, g 1; 10, g 2; \MI, H,g5; tX.O.gl, 15; gl. 5, gl;H, g 2 de l'Inscription du temple de Delphes. 3 et 4; de t.) Cessationdes oracles, 1,5, 7, 22. 7. De la Musique, 2; Il, 4; XLIII,2 Cf. Propos de table, V, 5, g 1. 8. De la Cessation des oracles,17. 9. Du Datteur et de t'Ami. 31. Voir plus bas, chap. g 2.10. Dertnscriptinn du temple de Delplies, 1. 1). Vie d'Agsitas,19; Propos de table, M, 2; IV, 1, 2,4. 5; V, 2, 3; VII, 2, 5; VIII, 4,10: de l'Amour, 2. 12. Propos de table, V,5. g 1. 13. Proposde table, t. 10, g 5. 14. Propos de table, V)H, 7. g t Vie de D-
EM.thne, 2. 15. De la Curiosit, 15. 16. Vie de Dmosthno. 2
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LEGENDE DE PLUTARQUE. 3
Chron, et une fille qu'il perdit en bas ge. ainsique le dernier de ses fils'. Envoy, tout jeune en-core en mission auprs du proconsul d'Illyrie, ilfut aussi charge, pendant ses sjours en Italie, de
suivreles intrts desa villenatale~.AChronemme,il commenapar remplir un obscur emploi de policemunicipale', puis il devint archonte~. Enfinpendantplusieurs pythiades, il exera prs du temple de Del-
phes les fonctionsde grand prtre d'Apollon~.Tels sont, dans leur brve simplicit, les rensei-
gnements sans lien ni date que Plutarque nous four-nit sur les circonstances de sa vie, et nul crivain,grec ou latin, n'a fait pour lui ce qu'il avait fait pourtant d'autres le biographe de l'antiquit n'a pas debiographie.
Cependant,s'il convient de chercher dans l'histoire
d'un crivain des lumires sur l'esprit de ses uvres,c'est particulirement, sans doute, lorsqu'il s'agitd'un moraliste qui faisait professiond'tudier dansles moindres propos des hommes les signes de leurme' et il est d'autant plus utile de faire Plutar-
que l'application de sa propre mthode, qu'une tradi-tion, qui aujourd'hui encore n'a pas perdu tout cr-dit, nous semble avoir dnature le caractre de sa vie.
Vers le milieu du moyen ge, en effet, et sept ouhuit cents ans aprs la mort du sage de Cherone.deux compilateurs en renom, Georgesle Syncetle~et
1.Lettre Timoxene,5. Quant I.amprias,l'auteurducata-ioguedesuvresdePtutarque.c'esttortqueSuidaslecomprendparmisesenfants. Prceptespolitiques,2n. 5. \'iedeDc-mosthne,2. 4. Prceptespolitiques,15. 5. Proposdetable,Vt,8, t).QuellepartlevieiKarddoitprendreaugouver-nementdesaffairespubliques,17 Proposdetable,\if.2.7. Vied'Alexandre,1.8. lUcuryp~o,XK~M';eu;c~Mfe~ MtT~e-
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LEGENDEDE PLUTARQUE. 5
tablir'. Et ds lors il passa pour constant que Plu-
tarque, prcepteur de Trajan, avait t, dans sa vieil-lesse, honor par ce prince des fonctions du consulatavec de pleins pouvoirs pour le gouvernement de la
Grce.Toutefois, ce n'tait l que le couronnement de la
carrire de Plutarque; il fallait mettre en harmoniele reste de sa vie. Ses diteurs ou traducteurs de ~)Renaissance, Xylander, Amyot, S. Goulard, Fd.More!, Decius Celer et Ruauld s'en chargrent al'envi2. Le rcit biographique qu'ils s'empruntentsuccessivementl'un l'autre en l'amplifiant ne man-
que pas d'agrment, et nous devons en reproduiretextuellement les principaux traits:
Nobleet n de nobles parents, encore que nousne sachions le nom de son
pre quine laissoit pas
d'tre trs clbre philosophe, Plutarque fit ses pre-mires tudes Alexandrie; puis il visita toutes lesvilles de la Grce et particulirement Athnes de lil se transporta de nouveauen Egypte,pour y appren-dre les mystres de la thologie. D'Egypte, il poindsa route Sparte, chez les Lacdmoniens, pour
xLV;i,DePtutarchoTrajaniprceptore.Cf.cap.xLvti;,DelibroPlu-tarchimissoadTrajanum.
1. t'httat'chus siquidem Grsecushomoet Trajaniprincipismagi~-ter. (t'trarque.~oM
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prendre l'instruction de leurs prceptes moraux;
puis, charg de ces honorables dpouilles, il s'enretourna en son pas, riche d'un thrsor incompara-ble et l, il commenadeparoistre, commeun beau
soleil esclatant et lumineux, sur tout le reste de laGrce. Mais comme son bel esprit ne le pouvoitlaisser croupir en un lieu si bas, touch d'une nobleambition, il se dlibra de voir l'abrg du mondeen une ville, ou plutt une ville qui contenoit en soyl'estendue de tout le monde il s'achemina donc Rome. Estant l, il commenade faire profession dela philosophie, et d'en tenir escole ouverte, o il ne
manqua pas d'avoir incontinent une grande chaisned'amis, qui s'estudirent le pousser en avant surles aisles de son grand mrite et de son exprience;
jusques tel degr qu'il vnt estru prcepteur de
Trajan et son amy fort particulier et intime; mesmeque Trajan usoit particulirement de ses conseils etadvis en ses affaires les plus importantes, tant pourles domestiques que pour celles qui touchaient l'ad-ministration de l'Empire. Ainsi crivit-il pour lui lesvies des hommes illustres, les dicts des Grecset desRomains, le traict qu'il est requis qu'un prince soitsavant, les instructions pour ceux qui manient lesaffaires d'tat et le discours qu'un philosophe doitconverser avecles princes. Dudepuis, Trajan estantvenu mourir, et luy jugeant bien qu'il ne pourroitpas faire grande fortune de l en avant Rome,joinctqu'il toit content de la sienne et qu'i) commenoittirer sur Faage, il se souvint qu'il avoit une patrie.11y avait quarante ans qu'il avoit quitt Chrone,et il avoit prs de soixante-dix ans. Durant cette lon-
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Tacitement ou explicitement accepte pendant \e
dix-septime sicle~ par tes rudits et tes lettres,
cette biographie idale rencontra pour la premire
fois dans Dacier un critique rsolu dire la vrit".
Mais la vrit, quand il s'agit de combattre une erreur
sculaire, a besoin tout la fois d'tre prsente avec
mnasement et place hors de c ontestation. Dacier
eut le double tort de porter dans son argumen-
tation une sor te d'impatience, et de la faire re-
poser en partie sur des calculs errons ou sur des
raisonnements en c ontradiction avec les faits'.
La tradition subsista. Dryden 5, Fabricius, Corsini,
1. Voir Samuel Petit, U&se)f
l'ie de P
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Brucker, Ricard la reprirent. N'osant plus simple-ment l'adopter, mais osant encore moins la dtruire,on chercha des moyens termes pour l'expliquer. Peut-tre, insinua Ricard, pourrait-on concilier les
sentiments oppossde ceuxqui veulent que Plutarqueait t )e prcepteur de Trajan, etdeceuxqui le nient,en disant que, si Plutarque n'a pas t l'instituteurde Trajan, ce qui, en effet, n'est pas ais prouver,il a pu. pendant son sjour Rome, donner a ce
prince, lui aimait s'instruire, des leons particu-lires de philosophie et depolitique, soit avant qu'ilmontt sur le trne, soit depuis qu'il fut parvenu
j'Empire~. D'autres cherchrent interprter letexte de Suidas. C'est d'Adrien, dit Fabricius2, quePlutarque a t le prcepteur, non de Trajan, Adrien
ayant pris, par suite de son adoption, le nom de
Trajan de l l'erreur de Suidas. L'erreur ft-eiieprouve, ou seulement rendue vraisemblable",et les renseignements prcis que l'on possde aujour-d'hui sur la vie d'Adrien sont formellement con-traires cette hypothse, il resterait l'accorderavec la seconde moiti de la tradition qui n'est quela consquence de la premire, je veux dire avecleconsulat de Plutarque. Or c'est l'anne 109 queGeorges le Syncelle rapporte expressment la date
denotrephilosophe,sousprtextequecetteprofincen'avaitaucunrapportni Chrone,nilaGrce.D
1. Ricard. Vie de Plutarque, dO. Cf. Amyot, d. Cussac, 1785-i787, rimprime en ISOt-~SOB, avec des notes de Ctavier.2. Fabricius, B:Mio
5. Voir Tennemann, MaHM~/de
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de ce consulat, et l'on sait qu'Adrien ne parvint a
l'empire qu'en 117.Poser la question en ces termes, c'tait donc seu-
lementen comptiquer la solution; et pour larsoudre,
n'ct-il pas suffi d'examiner les textes qui avaientdonn lieu la discussion?
LaDdicacedu recueil desApophthegmes, les deux
phrases de Suidas et de Georgesle Syncelle, la Lettrede Jean de Salisbury et l'analyse de l'/Ns
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ports avec Trajan. Enfin, s'il faut descendre au dotai!du style, le tour de !a phrase trahit manifestementla
gaucherie de l'imitation; c'est le langage du plushumble des sujets; combien diffrent du langage
d'un ancien maitre et d'un ami!L'hsitation n'est pas moindre sur les textes de
Georges le Syncelle et de Suidas. Quelques-unsseraient disposs en tirer les consquencesles plustendues, Ruauld par exemple, qui induit de la
phrase de Suidas que Plutarque a t investi du con-sulat Rome, et Vossius,qui nedit pas que Plutarqueait exerc le pouvoir consulaire Rome, mais quiadmet qu'il en a effectivement possd l'autorit enGrce. D'autres, au contraire, en restreindraient vo-lontiers le sens il ne s'agit, selon Fabricius etCorsini', que d'un consulat honoraire. Au fond, les
uns et les autres ne rapportent les textes qu'avectoute sorte de rserves On dit. on croit. c'estune tradition~. Et quelle pouvait tre, la vrit,l'autorit de deux compilateurs, rapportant sans
preuve, plusieurs sicles de distance, un fait con-traire l'esprit mme de lu politique de Rome? Sansdoute, il n'est pas sans exemple qu'au deuximesiclede l're chrtienne, des Grecsaient t investis
par les empereurs de certaines charges. Tels furentnotamment Appien et DionCassius. Maison sait que
). Quod.Plutarchoipsiconsulareshonoresconcessit,nonitapro-fectointelligidebet,ut observavitFabricius,quodi'futarchusHy-pathiamThessaliscurbemLarestranstulerit,ut ineptissimeinterpre-taturPetitus,autaliquandoconsulprocesserit,sedquodeosolumconsu~atusgeneredecoratusfuertt,qui honorariusdicebatur.0Corsini,10. 2.Opiniovetusoccupavit.(Ruauid). e Famaest. ~(UeciusCeter),etc.
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LGENDE DE PLUTARQUE.n
On a dit, il est vrai', et c'est le dernier retranchement des partisans de la tradition, que, pouravoir plus d'un motif de ne pas accepter ces textes,nul n'avait le droitdeles rejeter absolument n'avons-
nous donc, en effet, rien leur opposer?C'est d'abord, assurment, une chose digne de re-
marque que l'incertitude laquelle nous rduit, au
sujet d'vnements si considrables dans la vie dePlutarque, le silence absolu des tmoignagescontem-
porains.Eh quoi! Plutarque aurait vcu, hors de sa pa-
trie, pendant quarante-sept ans; il y serait parvenuaux honneurs, la rputation; selon Ruauld, il au-rait vu, dans tout l'clat de leur gnie, en sa jeu-nesse, Perse, Cornutus, Lucain, Snque; dans samaturit, Quintitien, ValeriusFIaccus, Martial, Plinel'Ancien; dans sa vieillesse. Tacite, Sutone, Plinelejeune et Florus~; il aurait t le maitre, l'ami,le ministre du plus populaire des empereurs et decette existence passe tout entire au grand jourde la vie publique' , il ne serait pas demeur tracedans les uvres de ses contemporains C'est jus-qu'au troisime sicle qu'il faut descendre pour ren-contrer la premire mention de sa renomme pen-dant sa vie; et quelle mention La 14" anne du
rogne de Nron, dit Eusbe, Musoniuset Plutarquetaient tort connuschezles Romains*. Or Plutarque
1.Traductiond'Annot,Vies.ditiondeClavier(1818).Eptreauxlecteurs,notedel'diteur. 2. Ruauid,4. 3. Ruauld,10.q. Plutarchumin publicalucetotaferevitaoccupatissimum.t
4. Enl'an120. ditailleursEusbe, sousl'empereurAdrien,te pbHosophePlutarquedeChrone,SextusetAgathobulustaient
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LEGENDEDEPLL'TA! ).'