de la crise du savoir en afrique: du soupçon au dévoilement

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Page 1: De la crise du savoir en Afrique: du soupçon au dévoilement

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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

LES CAHIERS DE IRDA

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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

LES CAHIERS DE IRDA

Revue semestrielle

LES CAHIERS DE IRDA

Revue Scientifique d’Études Africaines

01 BP 525 Bouaké 01 Côte d’Ivoire

Tel. (225) 07 43 48 96/56 48 11 84/

46 26 26 16/31 63 51 61

http://www.institutirda.org/les-cahiers-de-l-IRDA.html

Courriel : [email protected]

No 001

Numéro Libre janvier 2014

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Les cahiers de IRDA N 001 janvier 2014

Ligne éditoriale L’Afrique est traversée par des crises dont la nature complexe impose de conceptualiser un agir bien pensé, une

pensée qui a conscience de la structure labyrinthique des réalités africaines, qui l’ouvre au regard, qui en remanie le mouvement giratoire. Cette attitude n’est possible que parce que nous avons répondu au rendez-vous frontal et symptomal de la pensée par un questionnement lucide et informé, un questionnement auto-critique. Cette posture se veut l’élan d’une pensée qui résiste, conteste, proteste contre les incertitudes sans lendemain et les certitudes closes comme forme de savoir qui enferment et menacent la pensée. Alors, comment et pourquoi ne pas céder au pessimisme suicidaire encore moins à l’optimisme béat, telle est l’urgence que nous imposent les conditions de notre survie, par une reprise en charge impérative de soi par la pensée. Re-penser l’Afrique, c’est interroger son être et son devoir-être comme devenir, la comprendre de fond en comble, sans tabou ni totem, sans paresse ni précipitation en développant une pensée ferme et rigoureuse de la vigilance informée.

Pour ce faire, il lui faut une terre comme source et un territoire comme ressource de pensée, un lieu théorique pour questionner, intuitionner ses rapports intérieurs et extérieurs aux choses. C’est pour satisfaire à ces exigences que IRDA (Institut de Recherches pour le Développement en Afrique) a créé LesCahiers de IRDA. C’est une revue en ligne qui se veut un espace de recherches et de productions critiques et auto-critiques sur tous les sujets en rapports avec l’Afrique. Ouvert aux chercheur(e)s, enseignant(e)s et étudiant(e)s de toutes disciplines pouvant scruter tous les horizons intellectuels, culturels et scientifiques touchant directement ou indirectement l’Afrique dans sa complexité comme réalité rhizomatique, diversité des possibles épistémiques à buriner au concept. Comme écho à cette urgence du moment comme exigence épistémologique et méthodologique, LesCahiers de IRDA répondent par la présence érectile et féconde de la pensée, comme moyen de re-dynamiser l’espace africain dans son actualité passée et présente.

LesCahiers de IRDA ont une double mission : rétrospective et prospective comme inauguralité d’un jour nouveau pour l’Afrique. Le caractère frontal et inaugural deLesCahiers de IRDA qui le fait donc réfléchir sur des horizons épistémologiques et méthodologiques encore inexplorés dont l’originalité de l’éclat juvénile ramène les Africains à repenser leur trajectoire spirituelle, pour déconstruire les actes manqués et les trous de mémoire de leur agir théorique et pratique entre hier et aujourd’hui. Ce travail exige des remises en question pour valider et consolider les acquis mais aussi tourner à rebours les paradigmes dominants, pour faire advenir de nouvelles préoccupations comme inquiétudes.

LesCahiers de IRDA veulent donc re-penser ce qui a déjà été, tout comme ce qui n’a jamais été comme moyen de scruter l’avenir, de répondre à son appel comme rappel à l’ordre face aux défis et enjeux du développement. LesCahiers de IRDA ont des feuillets où peuvent séjourner des discours théoriques contradictoires et différenciés. Cette métaphore des feuilles donne à penser que l’on remet toujours sur le chantier de la discussion et de la recherche toute forme de savoirs ou de pensées, les amener à révéler les scansions de son indicible secret. Comme tels, LesCahiers de IRDA est espace de dialogue critique, de débats entre différentes postures épistémologiques et méthodologiques agonistiques.

La spécificité de LesCahiers de IRDA est de favoriser le développement de productions scientifiques de qualité en Études Africaines, d’une part. LesCahiers de IRDA est une revue ouverte à des travaux en Études Canadiennes et Québécoises en relation avec des situations épistémologiques, méthodologiques, culturelles et politiques avec l’Afrique, d’autre part. Telles sont les promesses que LesCahiers de IRDA veulent semer sur des terres africaines aussi bien arides que fécondes. Éclater les limites du pensable par une réflexion ferme, rigoureuse et profonde, explorer et retrouver le choc initial épistémique originel, originaire et original comme moment tensionnel d’émergence et de développement des choses, pour que viennent au jour quelques faisceaux lumineux des impensés que l’ombre de l’impensable peut produire, tel est le défi et l’enjeu que se donnent LesCahiers de IRDA pour re-configurer l’Afrique.

LA RÉDACTION

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CONSIGNES DE RÉDACTION

Pour que votre article soit publié, Il ne doit pas dépasser 15pages. (maximun) La police des caractères doit être du Times New Roman et le corps des caractères est de 12. , interligne simple, les marges sont haut : 3 cm, bas : 3cm; gauche 3cm; droite 3cm Les signes de ponctuation uniquement suivis d’un espace sont : , . Ceux précédés d’un espace et suivis d’un espace sont : ? ! ; : - « » Pour les guillemets de ce type " " “ ” et les parenthèses, il n’y a pas d’espace à l’intérieur.

• Quand la citation est comprise dans une phrase, le point final viendra en-dehors du guillemet : Phrase "institut".

• Quand la citation est une phrase complète, le point est dans le guillemet: "Institut de recherches."

• Quand la citation est introduite par deux points, les deux sont possibles : Quand la citation est longue et par exemple : comporte plusieurs phrases, il est nécessaire de mettre le point à l'intérieur du guillemet. Quand la citation est un mot ou très courte, on peut mettre le point à l'extérieur (il dit : "prends".).

• Pour une phrase en français les guillemets doivent être de ce type : « Institut de recherches »

• Pour une phrase en anglais : "institut de recherches" et en italique

• Accentuer les "À", les "É" et "Ê" majuscules. Par exemple : À ce propos, École, Être, etc.,

NOTES DE BAS DE PAGE Deux choix sont possibles (mais il faut choisir l’un ou l’autre pour tout le texte) :

• Les notes sont placées : En bas de page. Le corps à utiliser est de 10 points soit 2 points de moins que le corps du texte. Les appels de note placés dans le texte doivent avoir le même corps que les rappels et le texte des notes. À la fin du texte, elles seront dactylographiées à un interligne et demi, en respectant le protocole suivant (y compris la ponctuation) :

• Livre, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, titre. Lieu d’édition, nom de l’éditeur, année de publication, nombre de pages.. SAMBA DIAKITÉ (dir.) , Dictionnaire des auteurs africains. Abidjan, Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, 2013, 230 pages

• Article, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, « titre de l’article », nom de la revue, volume, numéro, année de publication : première et dernière pages de l’article.

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• Vanier .C. « L’homme qui aime la femme », L’Homme, XVI, 2-3 : 103-128.

• Texte dans un ouvrage collectif, nom de l’auteur, initiale du ou des prénoms, année de publication, « titre du chapitre » : première et dernière pages du chapitre, in initiale du ou des prénoms et nom du ou des directeurs de publication, titre du livre. Lieu d’édition, nom de l’éditeur, année d’édition.

• DUFFRENES M., « Le bleu et le noir » : 79-123, in F. Héritier-Augé et É. Capen et Allenr (dir.), Les margouillats. Volume I : Les mangeurs de mil. Paris, Éditions des Margouillats, 2013.

• Document Internet, comme les rubriques ci-dessus et, à la place du lieu d’édition et du nom de l’éditeur, la mention : Consulté sur Internet (adresse du site), le (date). Conseil africain de Bamako, 2013, introductions de séance, 7, 8 et 9 décembre. Consulté sur Internet (http://africa.ua.int/nations/off/conclu/dec2013/dec2013/_fr.htm), le 15 juillet 2013.

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ORGANISATION

Directeur de Publication :Prof. Samba DIAKITÉ

Directeur de Rédaction :Dr KOUMA Youssouf

Secrétaire de Rédaction : Dr KONATÉ Mahamoudou

COMITÉ DE RÉDACTION

Dr KOUMA YOUSSOUF, Maître-Assistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

Dr SORO DONISSONGUIMaître-Assistant Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR KOUASSI KOUADIO LEONARD, Assistant, Institut National Supérieur d’Action Culturel Abidjan

DR SANGARÉ SOULEYMANEMaître-Assistant,Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR KONATÉ MAHAMOUDAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

Dr KOUAKOU HYANCINTHE, Chercheur, Lycée Moderne d’Adzopé Côte d’Ivoire

DR SOUMAHORO FALIKOUAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR CHANTAL PALÉAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

DR SANOGO AHMEDAssistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké

JACKIE DIOMANDÉ Doctorante,Université Alassane Ouattara de Bouaké

KOUAKOU EDWIGEDoctorante, Université Alassane Ouattara de Bouaké

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CONSEIL SCIENTIFIQUE

PROF. ABOU KARAMOKO, Professeur des Universités,Université Houphouët-Boigny ,philosophie de la culture , théorie critique et philosophie africaine

PROF COULIBALY DAOUDA,Maître de Conférences,Université Alassane Ouattara , études américaines

PROF DANY RONDEAU,Professeure des Universités,Université du Québec à RIMOUSKI, éthique, philosophie de la culture et des religions

PROF. DAVID MUSA SORO,Professeur des Universités,Université Alassane Ouattara, , philosophie grecque et études anciennes

PROF. HOUNTONDJI PAULIN,Professeur des Universités,Université du Benin, , philosophie africaine et philosophie politique

PROF. KOUASSI YAO EDMOND,Maître de Conférences, Université Alassane Ouattara, philosophie politique et sociale

PROF. N'GUESSAN DEPRY ANTOINE, Maitre de conférences, Université F.Houphouet Boigny, philosophie des sciences

PROF. SAMBA DIAKITÉ, Professeur des Universités,Philosophie de la culture, de l’éducation, éthique et philosophie africaine

PROF. TRO DEHO, Maître de Conférences,Université Alassane Ouattara, littérature africaine

PROF. YACOUBA KONATÉ,Professeur des Universités,Université FÉLIX Houphouët-Boigny, esthétique, philosophie de l’art et philosophie politique

PROF. BINDEDOU JUSTINEMaître de Conférences, Université Alassane Ouattara, philosophie politique

PROF. GRÉGOIRE BIYOGO, Professeur des Universités,Université Paris VII; Per Ankh Université Panafricaine de la Renaissance; égyptologie, épistémologie, méthodologie, linguistique historique et comparée, histoire de la philosophie, musicologie, poétique

PROF. MARIE STOLL, Professeur des Universités,Université of Michigan, Science and arts

PROF. NORMAND BAILLARGEON, Professeur des Universités, Université du Québec à Montréal Philosophie de l’éducation

PROF. KOUASSI MARCEL, Maître de Conférences, Bioéthique, éthique des technologies, philosophie pratique

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DE LA CRISE DU SAVOIR EN AFRIQUE : DU SOUPÇON AU

DÉVOILEMENT.

Prof. SAMBA DIAKITÉ∗

[email protected]

Résumé Dans une logique de la pensée, l’homme-africain-traditionnel sait reconnaître

simultanément les propriétés physiques et des propriétés sémantiques. Par les signes ou même par le langage, il peut marquer une différence en dévoilant l’essence cachée des choses. Par ce pouvoir sur les choses et à travers les choses, il a un pouvoir sur les hommes, même si ce pouvoir demeure secret et appartient à une élite. Il est vrai qu’en Afrique, le Savoir se cache, se masque pour se dissoudre comme du sucre dans un verre d’eau, surtout si ce savoir est un monopole. Interpréter les choses de la nature, n’est pas seulement une manière de parler mais une manière de penser et de vivre, une manière de poser des problèmes et d’en trouver des solutions.

Mots–Clés :Afrique-Culture-Dévoilement-Développement-Dire-Ecriture-Formule-

Incantation Tradition-Parole-Puissance- Pharmakon-Savoir-Tradition Abstract In his logical thinking process, the traditional African man simultaneously recognizes

the physical from the semantic properties. Through the signs or even language, he can notice the difference by revealing the hidden essence of things. Through this power over things and through things, he has power over men, even if that power is still secret and belongs to an elite. It is true that in Africa, Knowledge is hidden; it cloaks itself so as to be dissolved like sugar in a glass of water, especially if this knowledge is a monopoly. Interpreting the things of nature is not just a way of speaking, but it is also a way of thinking and living, a way of articulating issues and finding solutions.

Keywords:Africa-culture-unveilling-development-say-writing-formula-incantation-

speech power- Pharmakon-knowledge-tradition Introduction La religion traditionnelle africaine semble avoir pour fondement des présupposés

moraux qui sous-tendent ses objectifs. Adorer Dieu, c’est rechercher le bien, c’est s’éloigner du mal. L’Africain comprend son dieu comme l’être de tous les êtres, qui régularise tout et qui justifie tout. Mais l’ethnologie européenne ferma les yeux sur ce qu’il convient d’appeler la « religion des primitifs ». Elle fut complice de toutes les négations d’Autrui et masqua cette complicité d’une prétention au « Savoir ». Quel Savoir ? Celui de l’Occident, car un primitif ignore encore ce concept ; il ne peut pas

∗ Professeur Titulaire de philosophie de la culture, de l’éducation et philosophie africaine à l’Université de Bouaké, en Côte d’Ivoire , enseignant au département des sciences de l’éducation et au département des lettres et humanités à l’Université du Québec à Rimouski, Canada, Directeur de l’Institut de Recherches pour le Développement en Afrique (IRDA)[email protected]

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savoir. Pour le moment, le nègre est un être dominé, il n’a pas le pouvoir, donc ne peut prétendre au savoir.

N’est-ce pas que tout pouvoir est un savoir ? Le savoir de l’esclave ne dépend-il pas du maître, de son maître, qui a le droit de nommer et de qualifier, qui a le droit de distinguer un vrai savoir du faux savoir ? Le savoir de l’Africain-traditionnel n’est-il pas un faux savoir et ne le demeurera-t-il pas tant qu’il restera un être dominé ? Dans cette lutte pour la reconnaissance des savoirs, l’Afrique ne part-elle pas, déjà, vaincue ? Son savoir n’est-il pas disqualifié et sa pensée considérée comme mythique, prélogique ? Le jugement est scientifique, ethnographique, il est démontré. Comment ? Le Savoir est à eux. Cette Afrique, en marge du Savoir n’est-elle pas encore aujourd’hui plus coloniale qu’elle en était du temps des administrateurs blancs ? La formule incantatoire n’apparaît-elle pas aux yeux de l’Occident et même de certains intellectuels africains comme un savoir démesuré, démoniaque, africaniste et arriéré ?

La question fondamentale serait de savoir l’origine du savoir, disons des savoirs, leurs lieux, les méthodes utilisées pour les acquérir et leurs finalités ? Tout ceci échapperait-il à l’Afrique et aux Africains, qui continuent encore, malgré eux, de circuler aux accotements du développement, la sébile à la main ?

I-Du savoir africain comme épochè En Afrique noire, on croit en un Être plus puissant que les nombreux autres êtres du

monde invisible – esprits des ancêtres, forces naturelles personnalisées – qui est à l’origine du monde et le maintien de l’existence. Les Européens, et plus particulièrement, les missionnaires chrétiens, ont posé beaucoup de questions à ce sujet. Partant des croyances philosophiques et théologiques occidentales de la divinité, ils cherchaient à voir en quelle mesure les croyances africaines s’en rapprochaient ou s’en différenciaient.

L’expérience quotidienne du monde dont il faut tirer la subsistance, a appris aux chasseurs et aux paysans africains que la nature est bienveillante et peut avoir des puissances inestimables, surtout que ses rythmes fondamentaux se répètent, indifférents aux conséquences qu’ils produisent. Malgré l’absence des religions révélées, les Africains croyaient en l’existence d’un Dieu suprême, source de la création d’un monde visible et invisible, proche et lointain. Ce Dieu Tout-Puissant pouvait porter différents noms, selon les ethnies et les tribus. Il était considéré comme si éloigné qu’il était difficile d’accéder à lui-même par des prières. On n’y arrivait que par des intercessions, des intermédiaires de dieux plus proches, des sortes de dieux secondaires tutélaires. Et on ne peut parler à ces intermédiaires que par des incantations.

Pour les Africains, à des périodes très lointaines, et même maintenant dans certaines régions fortement non-islamisées et non-christianisées, l’univers était régi par deux principes contradictoires : le principe du bien incarné par les dieux et le principe du mal, incarné par les génies. Le culte des dieux montre la volonté de l’homme de se subordonner aux forces naturelles et surnaturelles ou, d’exprimer le besoin de mettre la pensée divine en corrélation avec l’intelligence humaine. Le religieux africain sait que « deux vertiges attirent l’homme, quand l’aisance et la sécurité ne le satisfont plus, quand lui pèsent la sûre et prudente soumission à la règle. Il comprend alors que celle-ci n’est là que comme une barrière, que ce n’est pas elle qui est sacrée, mais ce qu’elle met hors d’atteinte et que connaîtra et possédera seul celui qui l’aura dépassée ou brisée. La limite une fois franchie, il n’est pas de retour possible. Il faut marcher sans cesse dans la voie de la sainteté ou dans celle de la damnation, que joignent brusquement d’imprévisibles

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chemins de traverse. Celui qui ose donner le branle aux forces souterraines, est celui que n’a pas contenté son lot, parfois celui qui n’a pu fléchir le ciel. Il demeure qualifié pour en forcer l’entrée. Le pacte avec l’enfer n’est pas une moindre consécration que la grâce divine. Celui qui l’a paraphé, celui qu’elle a comblé, sont également séparés à jamais du sort commun et troublent du prestige de leur destin les rêves des timides et des rassasiés que n’aura tentés aucun abîme »1.

Pour le sage africain qui croit en ses pratiques religieuses, chaque activité du corps social ou culturel est un corps en totalité. Tout a un rôle ici bas. La nature est bienveillante, elle est salvatrice et l’on se doit de la respecter. Respecter la nature, c’est respecter le legs des ancêtres ; c’est se rapprocher de ce qui nous ont quittés en continuant de les adorer ;c’est perpétuer l’espèce humaine. C’est donc se respecter soi-même. Nous sommes, aussi bien signifiés que signifiants, nous sommes « signification» par référence à cette totalité diversifiée, car elle-même est vocation significative et non seulement signifiante, d’autres totalités. Le monde est une chaîne, un enchaînement d’actes, de faits et de mots. Il faut donc combattre, conjurer le mal pour obtenir le salut qui est la même chose que la vie, et ceci, à l’aide d’idées et d’actions religieuses, c’est-à-dire de croyances et de rites, de faits et de gestes, de paroles et d’actes.

« La société, la nature sont censées reposer sur le maintien d’un ordre universel, protégé par de multiples interdits qui assurent l’intégrité des institutions, la régularité des phénomènes. Tout ce qui paraît garantir leur santé, leur stabilité est regardé comme saint, tout ce qui semble la compromettre comme sacrilège. Le mélange et l’excès, l’innovation et le changement sont également redoutés. Ils se présentent comme des éléments d’usure ou de ruine. Les diverses sortes de rites tendent à les expier, c’est-à-dire à restaurer l’ordonnance qu’ils ont troublée et à les admettre eux-mêmes dans cette ordonnance, en neutralisant la force dangereuse, la virulence que révèle le seul fait de leur intrusion, de leur éruption dans un monde qui ne cherche qu’à persévérer dans son être et qui ne rassure qu’immobile »2.

La croyance dans les esprits peut vouloir caractériser l’animisme des civilisations africaines où la vie agricole ne peut se soustraire de la croyance de rites et de sacrifices, qui entraîne un sentiment de la solidarité des hommes, aussi bien des mots que des vivants. Leur participation au « cosmos » est signe de vitalité de la civilisation et des prémisses à la cohésion du groupe et le salut du peuple. Tout est dans la nature. Les sacrifices semblent établir une communication entre le sacré et le non-sacré. Dans toutes les parties du continent africain, la valeur suprême est la vie, et le sacrifice ne supprime la vie (généralement celui des moutons ou des poulets) que pour entrer en contact avec les sources de la vie, pour redonner la vie en la rendant plus vivifiante, plus pure afin de rehausser la vie humaine. Le sacrifice donne la vie, l’entretient, la protège et l’embellit.

« Le sacrifice cherche à établir une connexion souhaitée entre deux domaines initialement séparés : comme le langage le dit fort bien, son but est d’obtenir qu’une divinité lointaine comble les vœux humains. Il croit y parvenir en reliant d’abord les deux domaines par le moyen d’une victime sacralisée (objet ambigu qui tient en effet de l’un et de l’autre ), puis en abolissant ce terme connectant : le sacrifice crée ainsi un déficit de contiguïté, et il induit (ou croit induire), par l’intentionnalité de la prière, le surgissement d’une continuité compensatrice sur le plan où la carence initiale, ressentie par le

1 CAILLOIS (R.).- L’Homme et le sacré (Paris, , Gallimard, 1950), p.76. 2 CAILLOIS (R . ), op. cit., p.171.

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sacrificateur, traçait par anticipation, et comme en pointillé, la voie à suivre à la divinité »3.

Le monde doit ainsi être constamment renouvelé par les activités rituelles de l’homme, de façon que l’homme puisse prospérer en même temps que le monde. Le rituel peut aussi se déployer avec la médecine comme moyen de guérir des maladies ou de prévenir contre des actes maléfiques des ennemis. En passant par le culte et le sacrifice, l’homme peut accomplir sa tâche qui est de fournir à l’univers la force de motivation. Il lui appartient, par une vie droite et généreuse, d’éviter de créer des situations antisociales, anticosmiques et de désunion qui provoquent le désastre, car comme le dit Roger Caillois : « la guérison de toute blessure laisse une cicatrice. La restauration de l’ordre lésé ne rend pas à celui-ci sa stabilité primitive, sa virginité première. La vie ne subsiste que grâce aux accrocs faits à l’immobilité, que par un continuel renouvellement qui n’est pas sans fatiguer l’organisme, contraint pour durer à une incessante assimilation de matière neuve. Les rites d’expiation solennelle des souillures, les diverses pratiques de nettoyage et de purge qui réparent l’ordre du monde constamment attaqué, ne peuvent jamais que ramener une vertu qui ne sera jamais plus l’innocence, une santé reconquise et prudente qui ne sera jamais plus la santé triomphante et insouciante que la maladie n’a pas encore touchée . Il est impossible « que le grain sous la meule soit jamais replacé dans le cœur de l’épi », « que le lourd bourgeon et la jeune nervure perce jamais l’écorce et soit redéployée ».

Il importe de soustraire la nature et la société à l’inévitable vieillissement qui les conduirait à la ruine si l’on ne prenait la précaution de les rajeunir, de les recréer périodiquement »4.

Affirmer donc que la religion africaine n’a pas de contenu moral, c’est ignorer ce qu’est cette religion. L’Africain tient au respect scrupuleux du sacré car on attend de lui, assistance et bénédiction. C’est pourquoi, le sacré est protégé de toute atteinte du profane pour ne pas qu’il perde ses qualités spécifiques, qu’il se vide de sa puissance et de sa fugacité. Le sacré est l’essence d’une communauté, sa sève nourricière. Il n’y a pas de culture sans respect et dévoilement du sacré.

« On accède à la culture comme on accède à quelque chose de lointain, là-bas, quelque part. C’est, à n’en pas douter, la chose la moins partagée. Seule parvient à y accéder une minorité ; de celle-ci se dégage une élite apte à diriger et à commander le peuple »5, disait le sociologue ivoirien Abdou Touré. Toute l’Afrique n’échappe pas à cette règle, malgré la courte paix de l’indépendance.

D’ailleurs, il n’y eut pas indépendance, mais héritage foncièrement colonial. Les systèmes éducatifs africains le témoignent amplement. Notre dépendance de l’extérieur conduit à la stérilisation de nos systèmes éducatifs, à la paralysie de nos cultures et à notre propre aliénation. Le colonialisme vit du dedans de nos États et par le seul fait de leur hétérogénéité, de leur artificialité politique et territoriale, nos États meurent et nos cultures sont enterrées. L’on aurait pu croire que les ethnologues diraient bien haut l’évidence, la justice et la légitimité d’une culture africaine propre, d’une religion qui a des fondements moraux. Mais, on va même prétendre que les Africains regrettent le

3 LEVI-STRAUSS (C. ).- La pensée sauvage ( Paris , Plon, 1962 ), p.270. 4 CAILLOIS (R.).- L’Homme et le sacré (Paris, , Gallimard, 1950) , pp.38-39. 5 TOURE (A.).- ‘’Paysans et fonctionnaires devant la culture et l’Etat’’ in Etat et bourgeoisie en Côte d’Ivoire (Paris, Karthala, 1982), p.240.

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départ des colonisateurs qui ne sont d’ailleurs jamais partis, et l’on continue de croire que la culture africaine est désuète, sa religion, une magie, son savoir, fantasmagorique.

Claude Lévi-Strauss a raison, lorsqu’il dit dans La pensée sauvage que « l’histoire n’est donc jamais l’histoire, mais l’histoire-pour. Partiale même si elle se défend de l’être, elle demeure inévitablement partielle, ce qui est encore un mode de la partialité »6. Pour cet auteur, l’image traditionnelle que l’Occident se fait des sociétés dites primitives doit changer car, « jamais et nulle part, le « sauvage » n’a sans doute été cet être à peine sorti de la condition animale, encore livré à l’empire de ses besoins et de ses instincts, qu’on s’est trop souvent plu à imaginer, et, pas davantage, cette conscience dominée par l’affectivité et noyée dans la confusion et la participation »7.

Si l’Africain se fait une amitié avec la nature, c’est parce qu’il sait que la nature a des secrets que l’on se doit de connaître et de re-connaître, de dévoiler et d’en faire bon usage. Seulement toute la problématique est de comprendre les enjeux de ce «bon usage» de la nature. Cependant, en utilisant la nature, en l’adorant, l’Africain ne fait qu’accomplir un acte de dévotion. C’est aussi parce qu’il est l’héritier d’une longue tradition scientifique. Il sait que la guérison de certaines maladies peut se faire à base des plantes. La pensée religieuse est donc libératrice, par la protestation qu’elle élève contre le non-sens, par sa vocation de réduire le mal des hommes. Tel est le sens ultime du rapport de l’homme-traditionnel –africain à la nature qui l’enfante, le nourrit, le forme, le protège et le reçoit définitivement.

« Ce savoir désintéressé et attentif, affectueux et tendre, acquis et transmis dans un climat conjugal et filial, est ici décrit avec une si noble simplicité qu’il paraît superflu d’évoquer à ce sujet les hypothèses bizarres inspirées à des philosophes par une vue trop théorique du développement des connaissances humaines. Rien, ici, n’appelle l’intervention d’un prétendu « principe de participation », ni même d’un mysticisme empâté de métaphysique, que nous ne percevons plus qu’à travers le verre déformant des religions instituées »8. Notre rapport avec la terre, les animaux et les plantes, pour la célébration des rites, peut être attribué, volontiers, à une philosophie naturelle élaborée par des spécialistes, eux-mêmes, héritiers d’une tradition depuis des millénaires.

L’Africain utilise la terre, non pas pour la dominer, mais pour la comprendre. Il veut comprendre ses mystères. Il sait que la terre est sacrée. N’est-ce pas la terre qui demeure notre dernier hôte ? N’est-ce pas aussi de la terre que nous avons été formés ? Ne sommes-nous pas terre ? La géomancie, qui consiste à expliquer les phénomènes de la vie, le devenir du monde par l’analyse du sable, par des figures, est un moyen de communication entre l’Homme et le Sacré.

L’herméneutique des signes géomantiques, le jet des cailloux, montre la relation de l’Africain, le respect qu’il a pour la terre, sa terre. La terre est un Esprit, elle est Esprit. Elle est un personnage, qui, bien que s’étant retiré pour se plier aux exigences de l’homme, continue d’influencer les hommes. L’Africain se tisse une amitié avec la terre, pour montrer que le savoir théorique n’est pas incompatible avec les sentiments, que le savoir n’est profond que s’il est teinté d’affectivité et de sensibilité, car il est marquant et, un tel savoir, ne s’oublie pas de sitôt ; il s’enracine dans les générations à travers le temps, tel le lait nourrissant de la mamelle de la seule vache du village qui nourrit les orphelins affamés.

6 LEVI-STRAUSS (C. ).-op. cit., p.307. 7 LEVI-STRAUSS (C. ), op. cit. , p.58. 8 LEVI –STRAUSS (C.), op. Cit., p.53.

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Le déséquilibre entre le Tiers-Monde et l’Occident peut tirer son origine dans la familiarité que le premier a conservé avec le sol, la terre, la poussière, la nature. Ainsi donc, « le propre de la pensée sauvage est d’être intemporelle ; elle veut saisir le monde, à la fois comme totalité synchronique et diachronique, et la connaissance qu’elle en prend ressemble à celle qu’offrent, d’une chambre, des miroirs fixés à des murs opposés et qui se reflètent l’un l’autre (ainsi que les objets placés dans l’espace qui les sépare), mais sans être rigoureusement parallèles. Une multitude d’images se forment simultanément, dont chacune, par conséquent, n’apporte qu’une connaissance partielle de la décoration et du mobilier, mais dont le groupe se caractérise par des propriétés invariantes exprimant une vérité. La pensée sauvage approfondit sa connaissance à l’aide d’images mundi. Elle construit des édifices mentaux qui lui facilitent l’intelligence du monde pour autant qu’ils lui ressemblent. En ce sens, on a pu la définir comme pensée analogique »9.

Pour avoir méconnu ce fait, certains ethnologues européens, dans le but de faire perdurer la domination culturelle sur l’Afrique, ont dû classer deux types de société ; la société primitive dans laquelle se trouvent l’Afrique et les Africains d’une part, et la société civilisée dans laquelle se trouve l’Occident, d’autre part. Ces sociétés, selon ces ethnologues et ethnographes, diffèrent de par leurs manières opposées de penser, car il y a entre elles, non seulement une différence de degré, mais aussi une différence de nature. Ils tendent à s’appesantir sur les différences entre peuples civilisés et peuples primitifs. L’Occident est conscience du monde et moteur de l'histoire. Les critères de primitivité et de civilisation s’apprécient selon les critères archétypaux de l’Occident. L’Afrique ne rentre dans la civilisation qu’à l’aube des temps de l’Occident ou après le zénith scie-vilisationnel. Seul l’Occident a la foi, seul il connaît Dieu et le sent ; les autres peuples s’abolissent dans la superstition et dans l’animisme. N’est-ce pas que Dieu même a choisi son camp ? Tout se passe comme si Dieu a choisi l’Occident pour se révéler. N’est-pas que Jésus est représenté par l’Homme blanc et le diable par l’Homme noir ? Cette représentation n’est-elle pas partagée par les Africains eux –mêmes ?10 L’ésotérisme blanc n’est- il pas le fait des illuminés et l’ésotérisme noir, l’expression d’une pensée démoniaque ?

II-Du soupçon au savoir : de l’écriture comme l’écrit–qui-tue L’Ethnologie occidentale se veut de juger les autres peuples par rapport à

l’occidental. Mais ce jugement n’est-il pas superflu, partial et partiel ? Peut-on juger sans parti pris ?

« Démarche de connivence avec l’impérialisme, l’ethnologie est agression totale et insidieuse. Puisque l’Occident est le seul moteur de l’histoire et seul sujet historique, il s’agit pour lui de découvrir les autres peuples dans la négation de leur historicité. Car leur insertion dans l’histoire se paie au prix de leur objectivation dans la grande lumière inventive de l’Occident. Les rapports sont de sujet à objet et pour connaître un objet il faut d’abord constater son existence dans ses rapports à soi et dans ses rapports à son environnement. Alors apparaît l’ethnologie dans toute son efficience objectivant. Mais il faut d’abord vaincre la distance qui sépare le sujet de l’objet(…) Le contact est établi,

9 LEVI –STRAUSS (C.), op. cit., p.313. 10Dans son titre «Victoire», les chanteurs ivoiriens du Zouglou,(Musique urbaine ivoirienne) Yodé et Siro, représentent Jésus par l’ Homme Blanc et Satan par l’Homme Noir.Le Blanc incarné par Jésus réussit à vaincre le Noir incarné par Satan, responsable de tous les maux. L’image représente bien l’Occident et l’Afrique. Voir :http://www.youtube.com/watch?v=Na5wL70xAEE

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non pas contact de collaboration de civilisations, mais contact de destruction qui se fait inquisitoire et qui doit amener ces peuples représentatifs de l’humanité silencieuse à rompre leur silence pour se faire connaître, se révéler dans leur totalité »11.

Selon ces chercheurs -ethnologues, la notion de croyance n’existe pas chez les primitifs, elle est contenue dans l’ombre, elle est l’ombre même car la réalité dans laquelle vivent les primitifs est elle-même mystique et ombrageuse. Leurs représentations mystiques suscitent les perceptions et ils ne remarquent que ce qui présente un caractère d’affectivité dans tout ce qu’ils voient et entendent. Afin de faire ressortir le caractère particulier de la mentalité primitive, ces auteurs-ethnographes finissent par admettre que la pensée primitive diffère totalement de la pensée« scie-vilisée» occidentale. Mais ils pèchent en ne faisant pas de distinction entre les différentes couches sociales de la société européenne elle-même. En opposant la société primitive à la société civilisée, la question qui se pose est la suivante : qui est le primitif, et qui est l’occidental ?

À la vérité, ces préjugés ne sont pas seulement européens, ils sont aussi africains. Il n’est pas surprenant de voir des intellectuels africains se targuer encore d’avoir fait les universités européennes, en s’affichant, et en affichant sur la porte de leur bureau, docteur de l’Université de Francfort, de la Sorbonne, etc. Certains mêmes finissent par se gausser de leurs collègues africains qui ont les mêmes grades qu’eux et certainement qui ont plus de compétence qu’eux, et qu’ils considèrent comme des « docteurs indigènes, de docteurs locaux », tandis que ces prétendus maîtres, se font appeler des spécialistes, des maîtres du savoir de Francfort, de la Sorbonne, de Pennsylvanie, de Harvard ou d’Oxford parce que, simplement, ils ont pu visiter les locaux de ces Universités ou ont pu y avoir effectué une partie de leurs études. Cela montre que pour ces Africains-là, le Savoir, le vrai Savoir, ne peut se trouver qu’en Occident. C’est ce que Niamkey Koffi appelle le « procès d’agrégation » et qui est défini, selon Abou Karamoko, comme « un rituel idéologique de reconnaissance permettant à la classe des intellectuels, des savants, des maîtres de pensée d’agrandir leur cercle. C’est un procès par lequel telle ou telle société, tel ou tel individu reçoit ou non son brevet d’invention ou la forme – sujet dans la production des connaissances et des idées »12.

Mais que nous donnent ces intellectuels, sortant de Francfort, d’Oxford et de la Sorbonne ? Que nous apportent-ils de plus que des docteurs et agrégés locaux, indigènes ?

Rien véritablement, sauf que des apologies de l’Occident, des mystifications pour se croire toujours meilleurs que les autres qui sont restés sur place et qui ont été enseignés par des maîtres dont les Occidentaux eux-mêmes ne peuvent douter un seul instant de leurs valeurs et de leurs connaissances. On continue encore de penser que le savoir qui se donne en Occident est le vrai savoir et que celui qui se donne en Afrique est un faux savoir. La fin du complexe des Nègres n’est donc pas pour demain. La cure devrait commencer d’abord par nos intellectuels, maîtres de nos Universités, dispensateurs du Savoir ! Quels Savoirs ! Et dans quelles langues ?

Le but essentiel de l’Africain, c’est de produire et de jouir de sa propre culture. En revendiquant sa liberté, il revendique sa culture arrachée, dépouillée, marginalisée et froidement enterrée. Il se révèle à soi et à son peuple comme un individu dont l’identité a

11 KOUASSIGAN (G..A.).- Afrique : Révolution ou diversité des possibles ? (Paris, L’Harmattan, 1985), pp.44-45. 12KARAMOKO (A.), Les enjeux du discours philosophique sur l’Afrique, Thèse d’État (Abidjan, Université de Cocody, 1995-1996), p.158.

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été détruite par des frustrations économiques, politiques et culturelles. Son écriture devient ainsi le cri d’alarme de son peuple, le cri du désarroi ; il se substitue à son peuple et devient son porte-parole. Il vise à travers son peuple tous les hommes afin que l’universalité du genre humain soit rétablie une fois pour toutes.

« Il jouit de cette chance extraordinaire qu’il lui suffit de défendre son métier pour servir de guide aux aspirations de la classe montante.

« Il le sait. Il se considère comme un guide et un chef spirituel, il prend ses risques. Comme l’élite au pouvoir, de plus en plus nerveuse, lui prodigue un jour ses grâces pour le faire embastiller le jour suivant, il ignore la tranquillité, la médiocrité fière dont jouissaient ses prédécesseurs. Sa vie glorieuse et traverséeavec des crêtes ensoleillées et des chutes vertigineuses, est celle d’un aventurier »13.

Mais pour qui ces écrivains-traditionnels-africains écrivent-ils ? Car si la littérature est un moyen de communication, elle exige un public averti. Or, malheureusement, l’écrivain africain ne dispose pas d’une audience. Il arrive fréquemment de comprendre que l’écrivain et son audience ne parlent pas souvent le même langage. Les raisons sont multiples. Le langage est ésotérique. En plus, il faut reconnaître qu’en Afrique, l’écriture n’a pas acquis un caractère de masse. Elle n’a toujours été réservée qu’à une certaine élite minoritaire. C’est dire que les Savoirs de nos peuples n’ont été consignés que rarement dans les livres.

« Dans ces conditions, tout le savoir du passé, qu’il se laisse classer dans le domaine de l’économie, de la science ou du droit, toute notre littérature profane ou sacrée, en somme, tous les faits de civilisation de nos sociétés anciennes, ou bien s’exprimaient oralement et appartiennent de ce fait au monde de la tradition orale, ou bien se manifestaient sous des formes concrètes et visibles qui, parce que non classifiées et commentées par des ouvrages, ne peuvent nous être révélés aujourd’hui que par des témoignages oraux. Est donc document de tradition orale toute parole juridique, historique, artistique, etc. non pétrifiée par l’écriture mais également tout discours sur la pratique scientifique, technologique, économique ou autre de notre société ancienne. Le langage transcodé du tambour et du cor parleur relèvent également de la tradition orale »14.

Par ce qui précède, l’on remarque que si la société traditionnelle africaine est riche en tradition orale, elle est par contre déficitaire en écriture, disons en ce qui est écrit, la littérature européenne. Cette littérature n’est pas la nôtre, et l’on nous juge par rapport à elle. Tout ce qui est écrit comme signe, comme moyen de communication entre l'homme et l'homme et entre l'homme et le divin, est considéré comme non sens. Il faut écrire européen pour appartenir à l’humanité. La grande domination de l’Europe commence par là. Exclusion pour exclusion, ségrégation pour ségrégation, qui ne sait lire et écrire les langues européennes est inférieur aux Européens. La création des écoles évangéliques, des écoles primaires ont pour seule vocation de détenir des appareils idéologiques culturels et de maintenir la domination. Le maître donne le savoir, il en est le seul détenteur et ce maître était blanc. L’école devient le lieu non seulement du savoir européen, mais aussi de l’apprentissage de sa culture. Le jeune africain connaît les gaulois, Napoléon, mais ne sait rien sur Shaka le Zulu ; et s’il le connaît, c’est de manière négative, parce que considéré comme un sanguinaire par les Blancs. Cette école

13 SARTRE (J.P), op. cit. , p.135. 14 ZADI (Z.B.), « De la parole artistique proférée », in Revue de littérature et d’esthétique négro-africaine(Abidjan, NEA, 1977), n°1, p.120.

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de la grande civilisation européenne formera aussi des frustrés. Combien d’enfants a-t-elle abandonné dans la rue ? Combien d’Africains aujourd’hui suivent leurs traditions et apprennent leurs civilisations ? Et les langues maternelles, combien d’Africains les parlent-ils ?

Le comble est que les intellectuels africains, une fois arrivés chez eux, ne s’expriment qu’en français à une population qui ignore tout de ce qu’ils disent. « Centre autour duquel gravitent les autres institutions, l’école est devenue un fétiche qu’il faut adorer de gré ou de force. Car son verdict est impitoyable. À preuve la supériorité dont le système social auréole les diplômés qui, du coup, se trouvent investis d’un pouvoir et chargés de la mission d’éduquer ( ?) les « analphabètes » dont l’infériorité vient du seul fait de n’avoir pas fréquenté cette société d’initiation « moderne », qu’est l’école. À preuve aussi l’exclusion des « analphabètes « c’est-à-dire de la grande majorité des populations africaines de la sphère des conceptions et des décisions politiques. Quel que soit le degré de son intelligence et de son dévouement à la cause d’un Parti, un « analphabète » est condamné à demeurer à l’ombre des lettrés et à exécuter leurs décisions. Il porte en lui la marque indélébile de la non-fréquentation de l’école, une sorte d’impureté congénitale correspondant à l’état de l’incirconcision dans certaines sociétés devenues traditionnelles. De même que la circoncision, l’école purifie et libère l’adolescent »15.

Ainsi, se rend-on compte que l’écriture européenne est sacralisée au point d’être la clé qui ouvre les frontières de l’Occident aux non civilisés, aux analphabètes. Il n’est donc pas étonnant que ceux qui avaient appris l’écriture européenne, que ceux qui sont allés à l’école européenne aillent chez eux pour savoir comment ils vivent, pour se perfectionner dans leur civilisation, pour faire comme eux et être, selon le mot de Towa, semblables à eux, incolonisables par eux, dans la mesure où qui ne connaît pas leur langue, qui n’est pas allé chez eux, est colonisable, et assimilable à un sauvage ; il n’a pas d’histoire. N’est-ce pas qu’ils sont les seuls juges habilités, de par leur position dominante, à décréter que tel peuple appartient ou non à l’histoire ? L’écriture devient ainsi critère d’historicité : « Vous ne savez ni lire ni écrire-selon la juridiction occidentale ? Eh bien, on a le devoir ou la mission de vous rééduquer afin de faire de vous des individus éclairés, c’est-à-dire alphabétisés. Ce que vous saviez et conceviez hier n’a plus de valeur, des idées neuves et seules dignes d’intérêt vous aideront à vivre en vous adaptant à la société « moderne » d’aujourd’hui. Le développement, mot magique devant lequel toutes les contradictions se taisent, panacée universelle inventée par l’Occident capitaliste pour marquer sa supériorité, ne saurait se réaliser sans alphabétisation »16.

Mais l’écriture est aussi critère de civilisation. Ne pas aller à l’école des Européens est une maladie, a-t-on coutume de dire en Afrique, et le remède, c’est le savoir européen ou l’Europe elle-même. Ainsi après les départs des chercheurs du savoir dans les écoles et les Universités européennes, c’est le tour des « chercheurs » d’argent qui prennent les chemins de l’immigration, de l’eldorado. Mais là encore, il faut avoir un visa d’entrée sur leur sol. On ne rentre pas au paradis les mains vides, il faut présenter des biens et il faut avoir le savoir et les spécialités requises. À défaut, vous devenez des « sans-papiers », soumis au rapatriement, c’est-à-dire au retour au purgatoire. L’Afrique semble être ce purgatoire où les hommes sont considérés comme des choses, c’est ce continent vers lequel, les hommes sont entassés dans un charter comme des bêtes sauvages pour leur

15 TOURE (A.), La civilisation quotidienne en Côte d’Ivoire, Procès d’occidentalisation, Paris, Karthala, 1981, p.55. 16 TOURE (A.), op. cit., p.82.

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rapatriement. C’est ce continent qui manque de légitimité mais aussi de légalité. Partout, en Afrique, tout est à l’envers. C’est ce continent à qui l’on a tout refusé même la culture, et à qui on impose tout. Les Africains eux-mêmes semblent accepter cette idéologie de reniement.

Conclusion Le monopole du savoir par l’Occident, c’est aussi l’acceptation volontaire par les

intellectuels africains de la conception élitiste et ethnocentrique de l’écriture, qui comme le dit Derrida, est un concept vulgaire qui n’a pu historiquement s’imposer que par la dissimulation de l’archi-écriture. Refuser l’écriture à un peuple, c’est une tendance à la domination dont le but essentiel est la négation de ses valeurs, c’est mettre en jeu des facteurs d’inhibition. Le fétichisme de l’écriture, c’est la manipulation des consciences pour empêcher l’autre de prendre la parole et de s’expliquer. « Dans le fétiche, le substrat politique est là, tout proche. Ainsi, l’ « écriture-fétiche » ou (fétichisée) fournit un code de représentation signifiant/signifié dans lequel le signifiant se joue continuellement du signifié. De fait, en empruntant la double voie de la représentation métaphorique et métonymique l’écriture positive s’impose d’autant mieux et engendre les modèles d’un raisonnement autoritaire : autorité et domination des lettrés sur les illettrés. C’est sur ce type de domination que se développent les sociétés africaines modernes et cela s’appelle du beau nom de civilisation »17.

Mais quelle est cette civilisation où on écrit pour faire mal, où on refuse les valeurs de l’autre pour organiser une violence au service de la reproduction de rapports de domination ? La civilisation de l’écriture est aujourd’hui encore largement élitiste, et les paradigmes culturels dominants sont diffusés vers les classes subalternes avec parcimonie et avec forte publicité. L’élite au pouvoir se signale par des discours bruyamment philanthropiques qui masquent des réalités de dépendance, des dépenses de prestiges, de la possession des biens mal acquis. Et la civilisation , cette écriture nouvelle devient l’image de cet intellectuel qui prend ses distances vis-à-vis du monde rural, qui se méfie de sa culture, qui s’éloigne de la voie qui lui aurait sans doute permis de forger les armes solides de sa libération.

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