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Banque Mondiale REVUE DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT VERS UNE CROISSANCE TIREE PAR L’INNOVATION REVUE DES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT VERS UNE CROISSANCE TIREE PAR L’INNOVATION Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

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Banque Mondiale

REVUEDES

POLITIQUESDE

DEVELOPPEMENTVERS UNE CROISSANCE TIREE PAR L’INNOVATION

REVUEDES

POLITIQUESDE

DEVELOPPEMENTVERS UNE CROISSANCE TIREE PAR L’INNOVATION

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Typewritten Text
50847
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REPUBLIQUE TUNISIENNE

REVUE DES POLITIQUESDE DEVELOPPEMENTVERS UNE CROISSANCE TIREE

PAR L’INNOVATION

Rapport No. 50487 - TN

Janvier 2010

Groupe Développement Economique et SocialRégion Moyen-Orient et Afrique du Nord

Document de la Banque mondiale

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ii

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iii

Accord d’Association

Accord de Libre Echange

Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Eau

Banque Centrale de la Tunisie

Bâtiment et Travaux Publics

Contrat Emploi-Formation

Caisse Nationale de Sécurité Sociale

Cadre de Partenariat Stratégique

Dinar Tunisien

Compagnies des Services Energétiques

Compagnie Nationale de Production de Pétrole

Fonds Monétaire International

Fonds National de Maîtrise de l’Energie

Investissements Directs Etrangers

Institut National des Statistiques

Lampes Fluorescentes Compactes

Licence-Maîtrise-Doctorat

Ministère du Développement et de la Coopération Internationale

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Office National de l’Huile

Politiques Actives du Marché du Travail

Produit Intérieur Brut

Petites et Moyennes Entreprises

Programmes de Modernisation Industrielle

Prêts non Profitable

Productivité Totale de Facteurs

Recherche et Développement

Revue des Politiques de Développement

Stage d’Initiation à la Vie Professionnelle

Compagnie d’Electricité Nationale

Technologie de l’Information

Taux Moyen Mensuel

Union Européenne

United States of America

World Trade and Tourism Council

AA

ALE

ANME

BCT

BTP

CEF

CNSS

CPS

DT

ESCO

ETAP

FMI

FNME

IDE

INS

LFC

LMD

MDCI

MENA

ONH

PAMT

PIB

PME

PMI

PNP

PTF

R&D

RPD

SIVP

STEG

TI

TMM

UE

USA

WTTC

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

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iv

REMERCIEMENTS

Ce rapport a été préparé par une équipe menée par Ndiamé Diop (auteur principal) et composée deDaniela Marotta et Robert Keyfitz. Les collègues suivant ont préparé des notes utiles pour l’étude:Pierre-Richard Agénor (ouverture compte capital), Derek Chen and Tidiane Kinda (productivité),Didier Debals (secteur financier), Salvatore schiavo-Campos (rôle du gouvernement) et PeterWalkenhorst (commerce). Des contributions ont également été reçues de Sophie Brown, JulienGourdon et Silvia Pariente-David.

L’équipe voudrait remercier vivement le Ministère du Développement et de la CoopérationInternationale pour sa précieuse contribution. Elle remercie en particulier Mr. le Ministre duDéveloppement et de la Coopération Internationale pour son intérêt pour cette étude etMr. Abdelhamid Triki pour sa collaboration constructive. Les membres des autres Ministères ainsique les acteurs du secteur privé et social rencontrés au cours de l’élaboration de l’étude sontégalement vivement remerciés.

Farrukh Iqbal a supervisé l’équipe et a fourni des conseils stratégiques. L’équipe a égalementbénéficié du soutien et des commentaires de Ritva Reinikka (directeur du département économiquede la région MENA) et de Mats Karlsson (directeur des pays du Maghreb). L’équipe remerciemessieurs Mongi Boughzala et Jean-Pierre Chauffour, «peer reviewers» de l’étude, ainsi que lescollègues Marouane Abassi, Natalia Agapitova, Auguste Kouame, Adriana Jaramilo, EavanO’Halloran, Mustapha Rouis and Ruslan Yemtsov pour leur commentaires utiles.

Korotimi Silvie Traoré et Narjes Jerbi ont assuré le formatage du rapport.

VICE PRESIDENT Shamshad Akhtar

SECTOR DIRECTOR Ritva Reinikka

SECTOR MANAGER Farrukh Iqbal

TASK TEAM LEADER Ndiamé Diop

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v

TABLE DES MATIÈRES

CADRE STRATEGIQUE DE LA RPD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8RESUME ANALYTIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

APPROCHE ANALYTIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9

RESUME DU CADRE ANALYTIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

RENFORCER LE SYSTEME D’INNOVATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

ELARGIR L’ESPACE D’INTEGRATION DE L’ECONOMIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16

ADAPTER L’ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

L’INNOVATION DANS LES SECTEURS INTENSIFS EN RESSOURCE NATURELLE . . . . . . . .23

1. PERFORMANCE RECENTE: CROISSANCE ET EMPLOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

REDUCTION DE LA PAUVRETE ET REALISATIONS SOCIALES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29

SITUATION DE L’EMPLOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32

LES DEFIS ACTUELS ET FUTURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

2. LA NECESSAIRE ACCELERATION DE LA TRANSFORMATIONDE L’APPAREIL PRODUCTIF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37POURQUOI ACCELERER LE CHANGEMENT STRUCTUREL ?

L’IMPERATIF DE CREATION D’EMPLOI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37

L'IMPERATIF D'UNE PLUS FORTE CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITE . . . . . . . . . . . . . . . .44

3. RENFORCER LA STRATEGIE ET LE SYSTEME D’INNOVATION . . . . . . . . . . . . . .47INNOVATION : CONCEPT ET DETERMINANTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

LE SYSTEME D’INNOVATION TUNISIEN : ATOUTS ET LIMITES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

LES LEÇONS DE L’EXPERIENCE INTERNATIONALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .52

LES OPTIONS STRATEGIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54

4. APPROFONDIR L’INTEGRATION DE L’ECONOMIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59INTEGRATION ET PRODUCTIVITE EN TUNISIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .59

PENETRER DURABLEMENT DE NOUVEAUX MARCHES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61

REDUIRE LES BARRIERES TARIFAIRES ET NON-TARIFAIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .65

POURSUIVRE L’OUVERTURE DU COMPTE CAPITAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .68

5. POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT : GOUVERNANCE ECONOMIQUE,MARCHE FINANCIER ET MARCHE DU TRAVAIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73GOUVERNANCE ECONOMIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73

SECTEUR FINANCIER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75

LE SYSTEME EDUCATIF ET LE MARCHE DU TRAVAIL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .81

6. L’INNOVATION COMME LEVIER DE CROISSANCE DURABLE . . . . . . . . . . . . . . . .86AGRICULTURE ET GESTION DE L’EAU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87

EFFICACITE ENERGETIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89

TOURISME ET ENVIRONNEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .92

REFERENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .94

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vi

FIGURES

Figure 01 : La croissance de la Tunisie et des pays émergents (2000-2008) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

Figure 02 : Evolution des déficits fiscaux (%) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Figure 03 : Dette publique et paiement des intérêts (% PIB) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Figure 04 : Chocs exogènes et croissance en Tunisie (%) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

Figure 05 : PIB par habitant, 1960-2007 (dollars constants de 2000) - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

Figure 06 : PIB par habitant, 1960-2007 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

Figure 07 : Chômage par tranche d’âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

Figure 08 : Taux de chômage par niveau d’instruction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

Figure 09 : La structure de la valeur ajoutée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

Figure 10 : Part sectorielle de l’emploi dans le total par niveau d’instruction des employés . . . . . . . .41

Figure 11 : Proportion des différents niveaux d’instruction dans chaque secteur . . . . . . . . . . . . . . . . .41

Figure 12 : Répartition des diplômés du supérieur par secteur d’activité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

Figure 13 : La chaîne logistique de l’industrie de la confection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

Figure 14 : Croissance de la productivité totale des facteurs (%) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .44

Figure 15 : Croissance de la productivité totale des facteurs (%) :

Tunisie, Malaisie et Corée du Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

Figure 16 : Projections de croissance de la PTF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

Figure 17 : Nombre de diplômés en sciences et ingénierie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

Figure 18 : Nombre de chercheurs en Recherche et Développement (R&D) (par million de population) . . .49

Figure 19 : Dépense totale en Recherche et Développement en pourcentage du PIB . . . . . . . . . . . . . .50

Figure 20 : Nombre de brevets délivrés par l’Organisation des Brevets des USA . . . . . . . . . . . . . . . .50

Figure 21 : Flux nets d’IDE (% PIB) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51

Figure 22 : Allocation des IDE, secteur manufacturier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51

Figure 23 : Tunisie: Décomposition de la croissance (1980-2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60

Figure 24 : Tunisie: Décomposition de la croissance (1995-2006) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60

Figure 25 : Part des pièces et composantes dans les exportations totales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61

Figure 26 : Diversification du panier des exportations (Indice de concentration de Herfindahl)* . . . . .61

Figure 27 : Nombre de produits exportés en 1995 par rapport à 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62

Figure 28 : Origine des changements des exportations tunisiennes, 1997-2007 . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

Figure 29 : Évolution des droits du régime préférentiel de l’UE et de ceux de la NPF (%) . . . . . . . . . .66

Figure 30 : Baisse de l’importance des recettes douanières (en pourcentage) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67

Figure 31 : Barrières non-tarifaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67

Figure 32 : Différents types de régime de bande de taux de change . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .72

Figure 33 : Source de financement extérieur pour les agents économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .79

Figure34a: Nombre d’étudiants- Figure 34 b. Nombre de diplômés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82

Figure 35 : Tunisie : Restriction de l’Emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84

Figure 36 : Coût de la dégradation de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .87

Figure 37 : Intensité énergétique primaire du PIB en Tunisie en tep/1000 DT . . . . . . . . . . . . . . . . . . .90

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TABLEAUX

Tableau 01 : Quelques-uns des principaux indicateurs sociaux tunisiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30

Tableau 02 : Dépenses moyennes par habitant et par région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31

Tableau 03 : Répartition de la population par catégorie de dépenses, 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .32

Tableau 04 : Situation sur le marché du travail par niveau d’instruction et par sexe . . . . . . . . . . . . . .34

Tableau 05 : La structure du secteur productif de la Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38

Tableau 06 : Structure de l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

Tableau 07 : Taux de croissance de la productivité totale, de l’efficience et du progrès

technique entre 2000 et 2005 (%) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60

Tableau 08 : Indicateur de la santé des banques commerciales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .70

Tableau 09 : Pratiques des SICAR versus Capital Investissement en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78

Tableau 10 : Subventions énergiques en 2006 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89

Tableau 11 : Équilibre énergétique pour la Tunisie en 2006 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89

Tableau 12 : Indicateurs du tourisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .92

ENCADRÉS

Encadré 01 : La réponse des pouvoirs publics à la crise financière et économique mondiale . . . . . . . .28

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CADRE STRATEGIQUE DE LA RPD

i. Cette revue de la politique de développement tunisienne (RPD) se propose : i) d’examiner lesdéfis économiques de la Tunisie après avoir franchi des étapes décisives dans son processus dedéveloppement et ii) d’esquisser des options de politiques économiques pour y répondre. Elleanalyse de façon approfondie les défis liés à l’emploi et examine, à la lumière de cediagnostique, un ensemble cohérent de réformes visant à accélérer la transition vers uneéconomie à structure de production plus intensive en technologie et en connaissance conciliantl’impératif de croissance et de compétitivité à celui de la réduction du chômage. En plus desréformes visant à renforcer l’innovation et approfondir l’intégration propres à impulser uneaccélération de la transformation structurelle, d’autres réformes sont examinées. Celles-ciconcernent l’environnement économique (gouvernance économique, réformes du secteurfinancier et fonctionnement du marché du travail), l’environnement macroéconomique etl’interaction entre les ressources naturelles, la croissance et la préservation de l’environnement.

ii. A la demande des autorités du Ministère du Développement et de la Coopération Internationale,l’élaboration de ce rapport s’est alignée sur le calendrier de révision du 11ème Plan deDéveloppement prévue en 2009. Le rapport peut donc servir de soubassement analytique utile àce processus de révision du plan dans le domaine de la croissance, de la transformationstructurelle de l’économie et de l’emploi. La RPD est également un outil important de guidagedu dialogue sur ces politiques entre la Tunisie et la Banque mondiale. Elle couvre plusieurséléments centraux du programme de la Banque en Tunisie et constitue une ressource analytiqueessentielle pour la préparation, actuellement en cours, d’un cadre de partenariat stratégique(Country Partnership Strategy - CPS).

iii. Cette RPD s’appuie sur les études existantes et des analyses nouvelles comme base pouridentifier les défis et les orientations stratégiques. Le chapitre 1 passe en revue les performancesde la Tunisie en matière de croissance et d’emploi ; le chapitre 2 démontre la nécessitéd’accélérer la productivité et le changement structurel de l’appareil productif pour, à la fois,augmenter sensiblement la croissance et réduire le chômage des diplômés de l’enseignementsupérieur ; le chapitre 3 analyse les atouts et limites du système d’innovation tunisien et, à lalumière de l’expérience internationale, propose des options de réformes stratégiques ; le chapitre4 examine les aspects de l’intégration mondiale propres à accroitre davantage la productivité etd’accélérer la transformation structurelle ; le chapitre 5 porte sur les politiquesd’accompagnement au niveau de la gouvernance économique, du marché financier et du marchédu travail; enfin le chapitre 6 discute des défis de changement structurel spécifiques aux secteurstels que l’agriculture et le tourisme, qui sont intensifs en ressources naturelles qui subissent unedégradation graduelle du fait notamment du changement climatique.

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RESUME ANALYTIQUE

i. La Tunisie a franchi une étape décisive dans son processus de développement. Confrontés àdes défis et à des opportunités sans précédents depuis le milieu des années 80, les responsablesgouvernementaux ont cherché, constamment, à (i) approfondir l’intégration de l’économie, enparticulier avec l’Europe ; ii) maintenir la stabilité macroéconomique ; (iii) améliorerl’environnement des affaires et (iv) diversifier l’offre d’éducation. Ces politiques, alliées à desinvestissements constants dans le capital humain et les infrastructures depuis les années 60, ontpermis de mieux résister à des chocs exogènes modérés, d’attirer des investissements étrangers,de maintenir une croissance de 5% et d’accroître le bien-être de la population. L’accès auxservices socioéconomiques de base (eau, électricité, assainissement, etc.) est quasi-universel etl’incidence de la pauvreté est la plus faible de la région.

ii. Toutefois, malgré sa performance enviable, la Tunisie est obligée de faire mieux pourréduire le chômage, notamment celui des diplômés de l’enseignement supérieur. En effet,les résultats en matière d’emploi, particulièrement chez les jeunes, sont faibles et se détériorent.La moyenne nationale du taux de chômage était de 14,1% en 2008 et culmine à 30% pour lesindividus âgés de 20 à 24 ans. En extrapolant les tendances passées, les planificateurs anticipentun besoin de plus de 860,000 emplois supplémentaires au cours des dix prochaines années. Ceciimplique que la réduction du chômage constitue une priorité absolue pour les autorités dans lesannées à venir. L’argument principal développé dans ce rapport est que la résorption du chômageà moyen terme exige une montée en puissance des activités à haute valeur ajoutée et unetransition vers un modèle de croissance tiré par l’innovation.

APPROCHE ANALYTIQUE

iii. La persistance du chômage est due, fondamentalement, à la conjonction de deuxphénomènes structurels. D’une part, la Tunisie enregistre une très forte croissance du nombrede jeunes diplômés de l’enseignement supérieur entrants sur le marché du travail. D’autre part,la structure de production actuelle, dominée par des secteurs intensifs en main d’oeuvre nonqualifiée, ne génère pas, pour des raisons structurelles, une demande suffisante de main-d’oeuvre qualifiée. En 2007, 60,000 diplômés du supérieur étaient produits par le systèmeéducatif et près de 60% des nouveaux entrants sur le marché du travail avaient un diplômed’enseignement supérieur. Cependant, la demande de travail émanant des principaux secteurséconomiques porte davantage sur la main-d’oeuvre spécialisée ou «non qualifiée», dans tous lescas «non universitaire». Seule une faible fraction des 70,000 emplois crées provenaient dessecteurs intensifs en main d’oeuvre qualifiée. En moyenne, seuls 15% des employés des secteursproductifs tunisiens ont un niveau d’instruction supérieur au baccalauréat. Dans les secteursmanufacturiers, «l’espace» actuel pour absorber un diplômé du supérieur est très réduit commele montre le graphique suivant.

iv. Pour réduire le chômage, la qualité de la croissance économique est désormais aussiimportante que le taux de croissance. En effet, les modes de production actuels, surtout dansla manufacture d’exportation et le tourisme, induisent une forte consommation de main d’œuvre

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à faible niveau de qualification et une faible création de valeur ajoutée locale. Si les exportationsreprésentent 47% du PIB en valeur, les secteurs manufacturiers d’exportation génèrent moins de15% de valeur ajoutée. Lorsque la valeur ajoutée est faible, il faut une croissance très forte desvolumes d’exportation pour affecter significativement la croissance. A supposé que laconcurrence internationale le permet, la forte croissance des volumes d’exportation induira unedemande de travail portant davantage sur de la main d’œuvre non qualifiée, ce qui signifie quel’impact sur le chômage demeurera faible puisque celui touche de façon prédominante lesdiplômés du supérieurs. En d’autres termes, l’élasticité de l’emploi à la croissance est faibledans les conditions de production actuelles. Sans une montée en valeur et en gammetechnologique dans les secteurs existants et l’émergence de nouveaux secteurs à haute valeurajoutée, il sera difficile de créer suffisamment de travail pour les travailleurs qualifiés.

v. Le cadre analytique de ce rapport est celui d’un schéma dans lequel la connaissance etl’innovation jouent un rôle moteur à coté de l’accumulation de capital et le travail. Ladiffusion des connaissances et l’innovation permettent de générer de nouvelles technologies, denouveaux procédés de fabrication, de nouveaux produits et de nouveaux marchés et unecroissance soutenue et durable en dépit des rendements décroissants du capital et du travail.Comme le montre le graphique ci-après, l’innovation (chapitre 3) et l’intégration mondiale(chapitre 4) sont les réformes fondamentales. Mais pour être effectives, ces réformes doiventêtre accompagnées d’une adaptation de l’environnement économique en général (chapitre 5).Dans le cas des secteurs intensifs en ressources naturelles (agriculture, tourisme)l’accroissement de la productivité et le changement structurel exigent un cadre plus large, tenantcompte des nombreux arbitrages entre divers objectifs, tels que la croissance, la sécuritéalimentaire et la préservation de l’environnement. Ce résumé analytique reprend et discute lesréformes nécessaires dans le domaine de l’innovation, de l’intégration économique et del’environnement des entreprises pour accélérer la transformation structurelle.

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RENFORCER LE SYSTEME D’INNOVATION

vi. Le renforcement du système d’innovation est nécessaire pour permettre aux entreprisestunisiennes de monter en valeur et en gamme technologique. Plus de 95% des entreprisestunisiennes sont des petites et moyennes entreprises (PME) avec des capacités d’innovationpropres limitées. Alors que l’intégration mondiale de la Tunisie et la proximité de l’Europeexposent ces PME aux innovations technologiques, il faut un système d’innovation efficacedans le pays pour les aider à absorber celles-ci. Le nécessaire renforcement du systèmed’innovation passe par l’adoption d’un concept d’innovation équilibré et adapté, une plusgrande efficience et effectivité des dépenses en recherche et développement et un renforcementdes compétences et des outils de financement de l’innovation.

Adopter une stratégie d’innovation équilibrée et adaptée au contexte du pays

vii. L’innovation n’est pas seulement la création de nouvelles technologies, elle est aussil’adoption et l’adaptation de technologies créées ailleurs. L’économie tunisienne, à l’imagede celles de la plupart des pays émergents, est formée dans chaque secteur productif d’une

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Environnement des affaires

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combinaison de quelques entreprises de moyenne et grande taille, opérant près ou sur lafrontière de technologie mondiale et d’une grande majorité de firmes de petite et moyenne taille,avec des capacités de création technologique limitées. L’adoption et l’adaptation technologiquesont donc les options pertinentes pour la plupart des firmes tunisiennes.

viii. Le concept d’innovation équilibré est celui qui inclut non seulement la création de nouvellestechnologies mais aussi l’adoption et l’adaptation de technologies inventées ailleurs. Cetteconsidération stratégique est importante, car les politiques découlant de différentes définitionsde l’innovation sont différentes. Une conception large de la notion d’innovation, intégrant lespossibilités de montée en gamme technologique et en valeur des firmes dans tous les secteurs,peut produire des effets transformatifs importants tout en permettant une transition sociale plusfacile à gérer. Elle est parfaitement compatible avec la promotion de secteurs considéréscomme stratégiques qui bénéficieraient d’un appui supplémentaire ciblé.

Améliorer l’effectivité et l’efficience du système de recherche-développement

ix. Le rendement à l’investissement public dans la recherche-développement en termesd’innovation concrète est faible en Tunisie à cause de nombreuses contraintes qui réduisentl’efficacité de l’effort public. L’investissement public le plus important est la R&D, un bienpublic dont les externalités positives pour la société dépassent le cadre de la firme. Les travauxde Romer (1990), Grossman et Helpman (1991) et Aghion et Howitt (1992) entre autres ontdémontré depuis longtemps le rôle crucial de la R&D sur la croissance de la productivité. Lesoutien et la subvention de l’Etat sont donc cruciaux.

x. La Tunisie a investit l’équivalent de 1.25% de son PIB dans la R&D en 2009 et le nombre dechercheurs (mesuré en termes bruts) pour chaque million de population y est supérieur à lamoyenne régionale. L’effort de l’Etat se mesure aussi par le nombre important de programmesd’appui à la recherche et à l’innovation.1 Cependant les résultats en matière de brevets etd’utilisation concrète des résultats de la recherche par les entreprises sont faibles même si onnote une augmentation ces dernières années. En 2008, le nombre de brevets déposésinternationalement étaient de 26 au total, dont 10 aux USA (contre 2 en 2006), 4 en France et 4à l’office Européen des brevets. Cela reste inférieur à la moyenne régionale. De nombreusescontraintes réduisent en effet l’efficacité et l’efficience du système :

• Certains programmes d’appui à l’innovation ont des mandats et des modes d’opérationsemblables (tels que la prime d’innovation et la mise à niveau), ce qui implique que certainsdes fonds alloués sont largement sous-utilisés (ex. la prime d’innovation). Ceci crée dugaspillage et de l’inefficacité. Un inventaire exhaustif et critique des programmes s’avèrenécessaire afin de rationaliser le système. Les fonds sous-utilisés peuvent être éliminés oufusionnés avec d’autres et toute introduction de nouveau programme pourrait être assortied’un système de monitoring et évaluation. Ces réformes rendraient le système d’incitation pluslisible et plus efficace ;

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(1) De nombreux centres de recherche (plus de 130 laboratoires de recherche et plus de 600 unités de recherche), descentres techniques, des technopoles, un institut de normalisation et de propriété intellectuelle, une agence de nationalepromotion de la recherche et de l’innovation, une agence de promotion de l’industrie, une agence de promotion desinvestissements agricoles, de programmes de modernisation et de mise à niveau, des incitations à l’innovation sous laforme de primes d’investissement, etc.

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• Les dépenses en matière de R&D sont éclatées sur un ensemble très large de thématiques etd’institutions (ESTIME 2007). Le lien entre dépense (montant et allocation sectorielle) etl’objectif stratégique recherché ou la performance des structures n’est pas clair. Un alignementfort pourrait être recherché dans l’allocation des budgets de recherche entre le contenu de larecherche, la nouvelle stratégie industrielle du pays et d’autres objectifs stratégiques (exempleénergie, gestion de l’eau, agriculture ou santé). En d’autres termes, les secteurs et thématiquesconsidérés comme hautement stratégiques devraient bénéficier d’un apport proportionnellementplus conséquent de moyens pour effectuer de la R&D dans de meilleures conditions de manièreà créer une «masse critique» et une réputation internationale dans quelques domaines clés.Enfin, l’identification du contenu de la recherche pourrait davantage associer le secteur privé.

• La collaboration directe entre la recherche publique et le secteur privé est limitée. Troisfacteurs expliquent cela: (i) la faible demande émanant du secteur privé reflétant unespécialisation vers des créneaux à faible valeur ajoutée et la sous-traitance dans de nombreuxsecteurs ; (ii) l’inadéquation entre les thématiques de recherche et les besoins des entrepriseset (iii) les procédures bureaucratiques complexes qui encadrent la collaboration entre le publicet le privé. Alors que la demande du secteur privé augmentera avec la montée en gammetechnologique des secteurs productifs et se matérialisera au cours du temps, à court terme, lesdeux autres facteurs de blocage peuvent être levés. Les procédures bureaucratiques peuventêtre simplifiées tandis qu’une meilleure adéquation entre recherche et besoin du privé peutêtre obtenu en faisant jouer un rôle plus actif d’interface au Conseil Supérieur de laRecherche.

• Absence de bureau de transfert de technologie. Alors que le système d’innovation tunisienregorge d’institutions, il existe un vide important dans l’appui à la commercialisation desrésultats de la recherche. Par exemple, aucune institution ne semble aujourd’hui jouer le rôlede Bureau de transfert de technologie (BTT). Le BTT est le point de contact primaire pour lescompagnies et les autres organisations qui souhaitent acquérir des technologies et se servir del’expertise et des facilités des structures de recherches aux termes d’une entente decollaboration ou une entente d’octroi de licence. Il serait opportun de favoriser la créationd’un tel bureau.

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Adapter et développer davantage les compétences

xi. La capacité à innover dépend très fortement du capital humain disponible. Pour la Tunisie,le défi de la réduction des gaps de compétence est triple. A court terme, il s’agit d’ajuster laformation pour coller davantage aux profils demandés par les entreprises. A moyen terme, ils’agit de rendre le système éducatif suffisamment flexible et autonome pour répondrerapidement à la demande de nouvelles compétences et de nouveaux métiers. Enfin, le marchédu travail doit être capable d’allouer les meilleurs talents vers les meilleures utilisations, par unefonction d’intermédiation efficace et une mobilité effective des compétences entre secteurs.

xii. Malgré la production massive de diplômés du supérieur, les entreprises tunisiennes sedébattent souvent pour trouver de bons spécialistes financiers, des experts en communication,des ingénieurs en TIC spécialisés ou des techniciens supérieurs dans certains domaines pour lesaccompagner dans leur développement. Selon l’enquête IEQ de 2008 sur les entreprises, «plusde 60 % des entreprises prétendent être limitées dans leur expansion parce que l’ingénierie, lestechniciens ou de profils d’ouvriers qualifiés recherchés ne sont pas disponibles». Il seraitindiqué de mieux adapter les programmes et leur contenu vers l’acquisition d’un savoir pouvantse transformer en savoir-faire. En outre, il est nécessaire de rendre toute sa valeur aux travauxpratiques dans toutes les disciplines et de rapprocher leur contenu à la réalité professionnelle.

xiii.Aujourd’hui, les universités ont encore de faibles marges de manoeuvre en matière degestion, car les procédures en matière de recrutement du personnel et de gestion budgétairedemeurent centralisées. Une plus grande autonomie et flexibilité du système éducatif estcependant actuellement recherchée par les réformes en cours. Les pouvoirs publics ont lancé uneréforme en vue de renforcer l’autonomie des universités et d’adopter le système LMD (Licence-Maîtrise-Doctorat). La nouvelle loi stipule que les universités vont pouvoir concourir pour unfinancement privé de projets. L’objectif est également de combiner l’apprentissage dans lesuniversités et dans les entreprises et d’augmenter le temps alloué aux NTIC, à l’espritd’entreprise et à l’anglais. La réforme est en cours de mise en oeuvre. Son effectivité dépendrade son application efficace ainsi que des mesures visant à améliorer la qualité et la sélectivitéen amont de l’université.

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xiv.Par ailleurs, l’environnement des entreprises est d’autant plus propice à l’innovation que lemarché du travail est capable d’allouer les meilleurs talents vers les meilleures utilisations,par une intermédiation efficace et une mobilité effective des compétences. La règlementationdu travail accorde à l’employeur une flexibilité totale dans le recrutement et le licenciementpendant 4 ans. Une fois cette période passée, les procédures de licenciement deviennent longueset complexes. A l’examen des données d’enquête entreprises cependant, il semble que le soucilégitime du législateur de sécuriser l’emploi est contrarié par le comportement des acteurs faceà ces législations. En effet, un grand nombre d’entreprises offrent des contrats à court termeuniquement (et parfois sans contrat formel), rendant l’emploi précaire pour un grand nombre depersonnes. Autrement dit, une réforme allant dans le sens d’une plus grande flexibilitéencouragerait la formalité et permettrait aux chefs d’entreprises d’acquérir rapidement destalents ou qu’ils se trouvent. En ce qui concerne l’intermédiation, le gouvernement a initié uneréforme de l’ANETI, l’agence publique d’intermédiation pour accroitre ses capacités àcollecter, traiter et diffuser l’information sur les offres et demandes de travail existantes, demanière à réduire les asymétries d’information. La formalisation de l’ouverture del’intermédiation au secteur privé et aux structures associatives, envisagée par les autorités,pourrait également renforcer l’intermédiation.

Renforcer les outils de financement de l’innovation

xv. Le rôle du secteur financier dans l’accompagnement des efforts d’innovation desentreprises est crucial à plus d’un titre. Les fonds d’amorçage et de capital-risque jouent enparticulier un rôle primordial en accompagnant les promoteurs innovants par un apport en fondspropres dans les phases de développement des produits et procédés. Pour sa part, le marchéfinancier (bourse) peut jouer un rôle utile dans la phase de mise sur le marché des nouveauxproduits, services ou procédés créés ainsi qu’en assurant une plus grande liquidité destransactions du capital-risque.

xvi.Le capital-risque participe encore peu aux financements des investissements innovants enTunisie. Les SICARs qui ont été créées pour développer le capital-risque ont surtout concentré leursinterventions sur la création d’entreprises dans des zones de développement régional et nereprésentent que 1,2% des financements du secteur financier. La quasi-totalité des opérations derétrocession des participations au capital s’effectuent au profit du promoteur initial du projet sousforme de contrats de portage qui peuvent être assimilés à des opérations de crédit. Ce type definancement n’est pas adapté à une entreprise qui cherche à innover et qui, au lieu d’avoir unpartenaire qui prend un risque et lui fournit du fond propre, lui octroie un quasi-endettement bancaire.

xvii.Pour donner une impulsion au capital-investissement, la Loi des Finances 2009 a permis deréformer le cadre juridique des SICARs pour encourager la prise de risque et l’investissementdans les régions. Cependant, des réformes supplémentaires sont nécessaires.

• Une autre révision du cadre juridique et fiscal du capital-risque est nécessaire. En particulier,le cadre juridique pourrait être unifié en transformant les SICAR en sociétés de gestion defonds sous le contrôle du CMF ; La reconfiguration du secteur devrait s’accompagner del’adoption des règles comptables internationales relatives au capital risque ;

• Il pourrait être envisagée la création d’un fonds à capitaux publics qui pourrait participer àdes fonds de capital-risque aux cotés de partenaires privés dans des activités considéréescomme fortement risqués tels que l’amorçage et la création d’entreprises innovantes dans dessecteurs à haute valeur ajoutée ou la Tunisie a un potentiel important.

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• Il convient enfin de renforcer la profondeur et la liquidité de la bourse (pour faciliter/diversifier les sorties). Pour accroitre la profondeur de la bourse, une mesure phare estd’accroitre la proportion d’entreprises publiques privatisées via la bourse.

ELARGIR L’ESPACE D’INTEGRATION DE L’ECONOMIE

xviii.De nos jours, l’innovation, définie comme création, adoption et adaptation de nouvellestechnologies et l’intégration mondiale sont les deux faces d’une même monnaie. L’intégrationmondiale est un facteur puissant de progrès technique et de hausse de la productivité etl’expérience de la Tunisie l’illustre parfaitement (voir Banque mondiale 2008a).2 A travers lapénétration de nouveaux marchés, la pression concurrentielle qui incite les entreprises àinnover et l’accès plus aisé aux équipements à contenu technologique élevé, l’intégration apermis d’accroitre la productivité et la contribution de celle-ci à la croissance en Tunisie (voirgraphique ci-dessous).

xix.Pourtant, la Tunisie est encore loin d’avoir exploité tous les bénéfices attendus d’uneintégration plus poussée. D’abord, un potentiel important d’attraction des IDEs vers dessecteurs à haute valeur ajoutée existe. Ensuite, l’énorme potentiel de croissance à tirer d’uneintégration plus poussée avec les pays de la région MENA, de l’Afrique Sub-saharienne et dansles services, reste largement inexploité. Enfin, l’ouverture maîtrisée du compte capital,annoncée par les autorités, est porteuse d’opportunités pour l’internationalisation des firmestunisiennes et la conquête de nouveaux marchés.

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(2) Banque mondiale (2008a). «Intégration Mondiale de la Tunisie: Une Nouvelle Génération de Réformes pour Boosterla Croissance et l’Emploi», 2008.

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Attirer plus d’IDE vers les secteurs à haute valeur ajoutée

xx. En fonction de leur orientation, les IDE peuvent booster l’innovation, la productivité et lacroissance en introduisant de nouveaux produits ou diffusant de nouveaux procédéstechnologiques. Mais des IDEs élevés ne sont pas forcément synonymes de forte valeur ajoutéeet de hausse de productivité (cas des Philippines par exemple). Les IDEs ont d’autant plusd’impact qu’ils vont dans des secteurs à haute valeur ajoutée, qu’ils participent aux activités deR&D dans le pays, que des capacités locales d’apprentissage et d’absorption existent et que lessecteurs économiques d’exportation ne sont pas déconnectés du reste de l’économie. Ledéveloppement de l’industrie électroménager, de l’industrie des DVD, de la télévision et destéléphones mobiles en Chine en est une illustration parfaite.

xxi.La Tunisie est déjà un site très attractif pour les IDE. L’objectif est maintenant d’orienterdavantage ces derniers vers les secteurs à haute technologie. Sur la période 2000-2007, les fluxnets d’IDE ont représenté en moyenne de 3% du PIB contre 2.1% pour la moyenne régionale.Toutefois, plus de 50% des IDEs dans le secteur manufacturier sont investis dans les industriestextile-habillement-cuir et la manufacture électrique et mécanique. L’industrie chimique et lesindustries diverses attirent relativement moins d’IDE. Par ailleurs, les IDE vont de façon prédominantedans le secteur offshore, qui est assez déconnecté du reste de l’économie. Dans ce contexte, lesexternalités technologiques des IDE sont relativement limitées. Pour attirer plus d’IDE dans lessecteurs à haute valeur ajoutée et maximiser les externalités technologiques, (i) le coded’investissement pourrait davantage refléter un alignement à une stratégie de croissance tirée parl’innovation ; (ii) , la politique initiée par l’agence de promotion des investissements étrangers visantà promouvoir la Tunisie comme plateforme d’innovation pourrait être soutenue et renforcée et (iii) legap réglementaire entre secteur offshore et onshore devrait être réduit davantage.

Renforcer l’intégration régionale et la pénétration de nouveaux marchés

xxii.Le défi pour les entreprises tunisiennes est de pénétrer les nouveaux marchés en dehors del’UE de façon durable. Reflétant une plus grande diversité de l’activité productive, lesexportations de la Tunisie se sont graduellement diversifiées et ont atteint de nouveaux marchésà travers le monde (voir graphique ci-dessous). Partant d’une base très faible (moins de 15% desexportations totales), la croissance des exportations tunisiennes est beaucoup plus forte surl’Afrique et les pays du MENA que vers l’Europe au cours des 10 dernières années. Cependant,l’analyse de la dynamique des exportations montre que le défi est la survie ou l’implantationdurable dans les nouveaux marchés. Le taux de survie sur les nouveaux marchés est faible et laplupart des exportations sur les marchés nouveaux saisissent des opportunités ponctuelles.

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xxiii.Un agenda de réforme à la fois unilatéral, bilatéral et plurilatéral (accords commerciaux)visant à réduire les coûts de pénétration des marchés contribueront à augmenter les expor-tations bilatérales. Plus spécifiquement, la pénétration durable de nouveaux marchés dans larégion MENA, en Afrique Sub-saharienne et au delà peut être déclenchée par les réformessuivantes :

• Réduire les barrières non-tarifaires dans un cadre régional car elles restreignent fortementl’intégration de la région MENA. En Tunisie, des progrès ont été enregistrés et ces barrièressont évaluées comme étant inférieures à ce qu’elles sont au Maroc et en Egypte en 2008.Cependant, elles restent largement plus importantes qu’en Turquie, Jordanie, Roumanie etBulgarie ainsi que dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique Latine (OTRI - BanqueMondiale). La Tunisie ayant l’un des tissus économiques les plus diversifiés et compétitifs dela région est potentiellement le plus grand gagnant d’une réduction régionale des barrières etpourrait non seulement réduire davantage ses barrières non-tarifaires mais jouer un rôleproactif et pionnier pour la levée de ces dernières dans un cadre sous-régional (Union duMaghreb Arabe) et régional (Ligue Arabe).

• Œuvrer activement pour la signature d’un accord Open Skies (transport aérien) avec les paysde l’UE et de la Ligue Arabe. Un accord open skies a déjà été proposée par l’UE à la Tunisie.Néanmoins, comme discuté dans le rapport de la Banque mondiale sur l’intégration (Banquemondiale 2008a), un accord à ciel ouvert uniquement vis-à-vis de l’EU ne doterait pas laTunisie des moyens optimaux pour rentabiliser son propre réseau de services aériensinternationaux, et donc profiter pleinement des économies de coût issues des économies deréseau. Afin de maximiser les économies de réseau et d’échelle et de réduire substantiellementles prix, un accord de ciel ouvert avec les partenaires de la Tunisie faisant partie de la Liguearabe s’avérera également indispensable.

• Conclure des accords de libre échange (ALE) régionaux avec des entités régionales en Afriquesub-saharienne telles que l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et leCOMESA (Marché Commun d’Afrique orientale et Australe). Un ALE avec ces zones estindispensable pour réduire l’incertitude au sujet du régime tarifaire et d’investissement dupartenaire de la Tunisie et pour sécuriser davantage les transactions (les anciens accordsbilatéraux ne sont plus valables depuis la création de marchés communs par ces pays).L’UEMOA est une union économique et monétaire et un marché de 72 million d’habitantsayant connu un processus d’intégration très poussée avec une monnaie commune et desréglementations douanières et commerciales communes et stables. Le COMESA, qui inclutl’Egypte et la Libye, est un marché de 350 million d’habitants. De tels accords permettraientde stabiliser les conditions du commerce pour les operateurs économiques.

• Coordonner avec les partenaires bilatéraux de la sous-région et de l’Afrique Sub-sahariennela mise en place de liaisons maritimes directes. L’absence de liaison maritime directe avecl’Algérie, le Maroc et les pays d’Afrique Sub-saharienne constitue un handicap sérieux pourle développement du commerce régional. Encore une fois, la Tunisie, avec son tissuéconomique diversifie devrait jouer un rôle proactif de promotion de cette politique dans uncadre bilatéral avec les pays concernés.

• Promouvoir la mise en place d’un système de financement du commerce avec les pays de larégion MENA et de l’Afrique sub-saharienne. Cela implique une ouverture de succursalesbancaires ou joint-ventures financiers avec ces régions ainsi que l’adaptation de laréglementation en matière de caution et de change. L’ouverture graduelle et maîtrisée ducompte capital va dans ce sens.

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Poursuivre l’ouverture du compte capital

xxiv.L’ouverture du compte de capital va de pair avec la libéralisation des échanges. Dans unestratégie de croissance tirée par l’innovation, l’ouverture du compte capital peut permettred’augmenter les ressources disponibles pour l’investissement et l’innovation et d’accroître lespossibilités de partage des risques et de lissage de la consommation. La Tunisie est en train delibéraliser petit à petit son compte de capital en supprimant progressivement les restrictions surles transactions financières internationales. Elle a adopté une stratégie graduelle en 3 étapes.

xxv.Dans la première phase qui est sur le point de s’achever : i) la plupart des restrictions à l’entréedes IDE ont été supprimées; ii) les non résidents ont l’autorisation de procéder à desinvestissements limités dans des bons du Trésor en monnaie locale, dans des entreprises cotéesen bourse. Les demandes d’autorisations ont été supprimées pour la plupart des investissementsde portefeuille étrangers dans les entreprises tunisiennes ; iii) enfin, l’emprunt extérieur a étéentièrement libéralisé pour les institutions financières et les restrictions ont été allégées pour lesinstitutions non financières. La seconde phase consiste en la libéralisation de l’IDE versl’étranger et des investissements de portefeuille à l’étranger par des investisseurs institutionnelset des investissements de portefeuille dans des titres de créance par des non résidents. Latroisième phase permettra les investissements de portefeuille à l’étranger et les prêts par desrésidents à des non résidents parallèlement à une convertibilité totale de la monnaie.

xxvi.Pour la Tunisie, une ouverture de capital réussie exige la poursuite de la modernisation et durenforcement du système bancaire. L’ouverture du compte capital comporte en effet des risquespotentiels et la crise financière actuelle le rappelle. La poursuite de la réduction du ratio de créancesnon performantes est donc importante. L’objectif des autorités est de les ramener à 15% en 2009avec un provisionnement à 70%. Pour les réduire davantage, une option est de permettre auxbanques de vendre leurs participations à des entreprises de placement de capitaux. Cette techniquea été utilisée dans de nombreux pays émergents, dont la Pologne, la Corée et le Mexique dans lecontexte des crises financières. L’Égypte s’est inspirée de cette technique lors de la création à labanque centrale, d’une unité spéciale chargée de la restructuration des prêts des banques privées.

xxvii.L’ouverture du compte capital implique aussi le passage à un régime de change plussouple. L’expérience montre que les régimes de taux de change fixe conventionnels deviennentprécaires lors de l’ouverture de comptes de capitaux : un taux fixe «déconnecté» des donnéesfondamentales de l’économie offre la possibilité de spéculer à l’encontre des politiques del’État, sans prendre de risques et sans avoir à craindre des mesures de rétorsion, et pourraitinviter à la spéculation déstabilisatrice.

xxviii.Depuis le début de l’année 2000, dans le cadre de la stratégie d’intégration régionale et globalerenforcée, le régime de parité fixe Tunisien a été graduellement remplacé par des dispositionsplus souples : un flottement dirigé sans trajectoire prédéterminée, ni bande de fluctuationofficielle. Le résultat a été une dépréciation cumulée du dinar de 22 % entre 2000 et 2008. Plusrécemment, les interventions de la Banque Centrale de Tunisie sur le marché des changes ontdiminué, mais la souplesse du taux de change reste limitée. L’écart type du taux de changeeffectif était de 1,3 entre 1998 et 2000, 4,6 entre 2001 et 2004, et 2,3 entre 2005 et 2007. Pouraller plus en avant dans la souplesse, une familiarisation avec les différents régimes de bandede fluctuation du taux de change et la prise en compte de l’expérience internationale enmatière d’application de ces différents régimes (bandes horizontales de fluctuation versusdiagonales, bandes symétriques versus asymétriques par rapport à une parité centrale, bandesà escalier, etc.) sont nécessaires. Le chapitre 4 discute dans les détails ces différentes options.

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ADAPTER L’ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE

xxix.La transformation structurelle d’une économie nécessite de s’assurer que l’allocation du savoir-faire, de la technologie et des autres facteurs vers les secteurs les plus productifs et compétitifsne soient pas bloquées par des réglementations et des procédures bureaucratiques complexes.Apres la signature de l’Accord d’Association avec l’UE en 1995 qui a déclenché des mesuresd’accompagnement importantes dans l’environnement des affaires (mise à niveau, facilitationdu commerce et de nombreuses réformes d’amélioration du climat des affaires), des réformesciblées supplémentaires sont nécessaires pour favoriser la meilleure allocation des ressources etl’entrée facile de nouveaux investisseurs dans le marché.

Rapprocher davantage la réglementation des secteurs offshore et onshore

xxx.L’intégration des secteurs offshore et onshore aurait d’énormes avantages : une plus grandeexternalité des IDEs vers le secteur onshore, une plus grande valeur ajoutée locale et unemeilleure compétitivité provenant d’économies sur les coûts de transport et de logistique. Lacompétitivité de la Chine est en partie due à la forte intégration entre le marché local et lessecteurs d’exportation. En Tunisie, en dépit des réformes visant à réduire la dichotomiesectorielle, l’économie continue d’avoir une structure duale : un secteur totalement orienté versl’exportation (le secteur offshore), bénéficiant de nombreux privilèges fiscaux et financierscoexiste avec un secteur orienté vers le marché intérieur qui s’est beaucoup renforcé, sans qu’iln’existe beaucoup de liens entre eux.

xxxi.Le gap procédural et administratif décourage cependant l’intégration des deux régimes. Lalégislation tunisienne permet déjà aux entreprises offshore de vendre jusqu’à 30 % de leurproduction sur le marché national, en se soumettant aux dispositions qui s’appliquent auxentreprises onshores dans cette proportion. Mais les entreprises offshore ne saisissent presquejamais cette opportunité principalement à cause de l’écart procédural et administratif entre lesdeux régimes. L’interface avec l’Administration est très différente selon que l’on évolue dans lesecteur offshore ou onshore. En l’occurrence, les entreprises du secteur offshore habituées à unrégime libéral, sans interférence administrative et sans fiscalité, sont réticentes à vendre sur lemarché intérieur malgré son caractère plus lucratif pour certains secteurs (les prix sont plusélevés sur le marché intérieur en ce qui concerne le textiles-habillement et les produits dusecteur mécanique). La solution réside dans l’amélioration de la qualité de l’interface entrel’Administration et le secteur privé.

• Réduire et simplifier les contrôles comptables et fiscaux sur les entreprises. Ceci s’avèrenécessaire pour renforcer les liens entre les secteurs offshore et onshore. L’impact de cesmesures dépendront cependant de l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur (ex.concurrence déloyale du secteur informel, voir ci-dessous).

• La législation pourrait évoluer dans le sens de progressivement augmenter la proportion de laproduction que les entreprises offshores peuvent vendre sur le marché national. Cette mesureexigerait l’examen des taxes (notamment TVA) payées par les entreprises onshores, dans lebut d’octroyer aux entreprises répondant à des critères stratégiques nationaux (commel’innovation ou la création d’emploi) d’une suspension de taxe leur permettant deconcurrencer les entreprises offshore sur le même pied d’égalité. Cette réforme pourraitamplifier les retombées des IDE dans tous les secteurs de l’économie, relever la productivitéet aider à s’assurer contre toute chute soudaine de la demande externe.

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• Plus généralement, une rationalisation des textes gouvernant les activités économiquesapporterait plus de lisibilité pour les opérateurs économiques. En effet, les textes législatifs etréglementaires se sont accumulés au cours du temps, créant une incertitude et un manque delisibilité par rapport à la législation spécifique qui s’applique aux différentes opérationsd’investissement. Il serait donc utile d’inventorier les textes législatifs par catégorieéconomique (investissement, exportation, etc.), de repérer ceux qu’il faudrait abroger etcorriger afin d’avoir un corpus législatif simplifie et cohérent.

Lutter contre les pratiques concurrentielles et la concurrence déloyale

xxxii.D’après les enquêtes de firmes, les entreprises tournées vers le marché intérieur éprouventen général le sentiment que leur environnement opérationnel est biaisé à cause de laconcurrence du secteur informel et de la prévalence de pratiques anticoncurrentielles.Dans une récente enquête auprès de 851 entreprises (IEQ 2008), près des trois quarts desentreprises ayant répondu se plaignaient d’une forme de pratique anticoncurrentiellequelconque - soit par le biais de la fixation de prix artificiellement bas (60% des participants),l’abus de position dominante (15%), des accords explicites ou implicites (14% des répondants)ou de l’ensemble de ces éléments. Ces entreprises estiment aussi qu’il est difficile de soutenirla concurrence de celles opérant dans le secteur non officiel ou des entreprises du secteurformel qui se soustraient au paiement des cotisations sociales (35% des entreprises interrogées)ou de celles qui se livrent à la contrefaçon (26% des entreprises). Ces pratiques nuisentévidemment à l’investissement et l’innovation.

• Il est crucial que les entreprises tunisiennes soient mieux informées des activités du Conseilde la concurrence. Ce conseil a, depuis, une loi introduite en 2005, le pouvoir de déclencherlui-même des litiges («auto-saisine») et d’imposer la discipline dans le marché. Cependant,une récente enquête auprès des entreprises (IEQ 2008) montre qu’environ 50 % de celles quise plaignent de pratiques anticoncurrentielles ignorent l’existence d’un Conseil sur laconcurrence. Des campagnes d’information proactives s’imposent.

• Les activités de la Direction générale de la Concurrence du Ministère du Commercepourraient également être examinées en vue de leur donner plus de moyens techniques ethumains pour accroitre leur impact.

Améliorer davantage les services administratifs rendus au secteur privé.

xxxiii.Dans un contexte de concurrence accrue, l’amélioration des services administratifs auxfirmes est cruciale pour la compétitivité. A cet effet, la simplification des procéduresadministratives ainsi que l’amélioration de la qualité de l’interface entre l’administration et lesentreprises et individus et leur caractère égalitaire sont importantes. Pour la Tunisie, cettepréoccupation se retrouve dans la nouvelle stratégie de réforme de l’administration appelée «une administration ouverte plus proche du citoyen». Cette stratégie comporte plusieurs voletspour renforcer les services aux citoyens et aux firmes, y compris : (i) la simplification desprocédures ; (ii) la réduction du nombre de documents requis ; (iii) la simplification des cahiersde charge ; (iv) l’établissement de guichets uniques pour les investisseurs et operateurséconomiques ; (v) un programme spécial de renforcement de la qualité des services etprestations administratifs.

xxxiv.Les priorités du programme spécial qualité sont de (i) fournir des services de meilleure qualitépour accroître la satisfaction de la clientèle ; (ii) publier une charte de la fonction publique ; (iii)

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développer des mécanismes qui permettent aux citoyens d’exprimer leurs opinions etd’améliorer les voies de communication et d’information de l’Administration ; (iv) s’assurer queles citoyens obtiennent des réponses à leurs questions sans délai et de manière satisfaisante ; (v)examiner la qualité de l’accueil du public ; (vi) renforcer la décentralisation régionale et localeafin de rapprocher l’Administration des citoyens ; et (vii) augmenter le nombre de centresd’appel de l’Administration pour la communication et l’information. Prises ensemble, cespriorités témoignent d’un engagement important en vue d’une plus grande participation dupublic, une initiative pionnière dans la région MENA. Sur la base des expériences menées auniveau international, il est évident qu’une plus grande ouverture et une meilleurecommunication avec le public sont des éléments clés de l’amélioration de la qualité desservices publics et de la réceptivité des pouvoirs publics.

xxxv.Cependant, le programme de modernisation des services aura un impact plus importantsi son exécution va de pair avec la modernisation des pratiques de l’administration. Lamise à niveau des services décentralisés en contact direct avec le secteur privé, lacompréhension par ces derniers de l’esprit des réformes décidées au niveau central etl’application uniforme de celles-ci sont importantes. Aussi, sans une plus grande autonomie desstructures décentralisées de fourniture de services (hôpitaux, écoles, etc.), il sera difficile des’adapter rapidement aux désirs des ménages et des entreprises. Ceci bien évidemment pose unensemble de questions, incluant la motivation du personnel (enseignant, personnel de santé,etc.) déployé dans une région jugée éloignée qui a un rapport évident avec la qualité desprestations. La question de la décentralisation mérite une analyse plus poussée.

Améliorer le fonctionnement du marché du travail

xxxvi.Encourager la mobilité du travail à travers les secteurs économiques. Pour une accélérationde la transformation structurelle, l’adaptation de la formation doit être accompagnée d’uneplus grande mobilité professionnelle. En effet, la mobilité des chercheurs et des travailleursconstitue un vecteur important de transfert de technologie et de savoir-faire. La rigidité des loissur le licenciement décourage cependant l’allocation optimale des ressources humaines et créeune situation ou des talents sont « embouteillés » dans des secteurs déclinants au détriment desecteurs dynamiques. Les enquêtes emplois successives montrent que cette situation incite lesentreprises à offrir uniquement des emplois précaires et à court terme, souvent des postes nonofficiels. Autrement dit, elles découragent la création de postes formels dans plusieurs secteursen poussant de nombreuses entreprises à embaucher la main-d’oeuvre de manière non formelleet uniquement pour des contrats à court terme, rendant l’emploi précaire pour un grand nombred’individus. Il convient donc de :

• Rendre les lois sur le licenciement moins rigides. Il serait utile que les pouvoirs publics et lespartenaires sociaux discutent en vue d’adopter des mesures pouvant réduire la rigidité du code.Un avantage majeur d’un relâchement de la rigidité des lois sur le licenciement serait defaciliter la création d’emplois formels et la restructuration des entreprises.

• Conjointement avec une plus grande flexibilité du code, il serait opportun d’introduire uneforme d’assurance-chômage et de formation pendant la période de chômage afin de fournir unminimum de filet de sécurité à ceux qui perdent leur emploi.

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L’INNOVATION DANS LES SECTEURS INTENSIFSEN RESSOURCE NATURELLE

xxxvii.Une croissance forte portée principalement par l’accroissement de la productivité est plusdurable qu’une croissance qui induit une utilisation massive du capital et des ressourcesnaturelles. Toutefois, s’assurer d’une croissance forte et en même temps respectueuse del’environnement est une tache difficile, car elle implique des politiques volontaristes conciliantdivers objectifs parfois contradictoires. Autrement dit, les contraintes liées aux dotations enressources naturelles continueront à forcer les autorités publiques à trouver des compromisentre les objectifs pressants de croissance et de sécurité alimentaire et l’objectif desoutenabilité environnementale.

xxxviii.Pour faire ces arbitrages, l’innovation est un facteur important qui peut permettre uneutilisation efficiente de la terre, de l’énergie et des autres ressources naturelles. Engénéral, la Tunisie a une solide réputation en matière de gestion de l’environnement et desressources naturelles, et un usage efficace a été fait de dotations limitées de terres, deressources en eau et de ressources énergétiques. Cependant, le développement économiquemet l’environnement naturel fragile sous pression et certains ajustements sont nécessairespour assurer la soutenabilité dans le moyen et le long terme.

xxxix.L’eau et les terres sont les deux principales contraintes de ressources de la Tunisie. Lessubventions à l’agriculture ont favorisé la sécurité alimentaire et assuré une redistribution desrevenus aux zones rurales, mais au prix de la dégradation des terres et des ressources en eau deces mêmes zones. Près du tiers des terres agricoles est maintenant fortement dégradé, tandisque le niveau des nappes d’eau souterraines baisse rapidement et que leur salinité augmente.Avec 90 % à 95 % de l’eau disponible déjà en utilisation, l’intensification de l’effort pourmobiliser des ressources supplémentaires ne résoudra probablement pas le problème. Plutôt :

• Une combinaison de conservation, d’efficacité améliorée et d’investissements dans lesinfrastructures est nécessaire pour s’assurer que l’utilisation de l’eau soit soutenable. Vu quel’agriculture est de loin le plus grand utilisateur d’eau, un ralentissement de sa croissance desfilières consommant beaucoup d’eau au profit de filières plus économes en eau et à plus fortevaleur ajoutée sera inévitable à un moment donné.

• Entretemps, le développement urbain et le tourisme des plages sur une étendue relativementfaible du littoral ont mis l’écosystème côtier - tant l’eau que la terre - sous pression, au pointoù certaines plages risquent de disparaitre dans les années à venir. La réponse ici devraitinclure des éléments d’une planification générale, des règlements environnementaux plusstricts, la désalinisation et un passage décisif vers le tourisme culturel dans le but de mieuxexploiter le riche héritage culturel de la Tunisie.

xl. L’efficacité énergétique de la Tunisie est déjà l’une des meilleures de la région MENA et le11ème Plan de développement intensifie les efforts en vue de l’augmenter. Pour améliorerdavantage l’efficacité des initiatives globales en matière d’efficience énergétique, il seraimportant de :

• Renforcer certains aspects du cadre réglementaire existant afin de promouvoir l’investissementprivé ;

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• Accroître l’accès au financement par exemple en plaçant plus de ressources dans le Fondsnational de Maîtrise de l’Energie (FNME) et en appuyant le développement des entreprises deservices énergétiques (ESCO).

xli. La pression sur les ressources naturelles constitue cependant une opportunité pour investir(y compris IDE) dans l’énergie renouvelable, développer la recherche et l’innovation dansle domaine de la gestion de l’eau, des déchets solides, les technologies propres et del’environnement en général. Comme la plupart de ces défis sont communs aux pays de la régionet de l’Europe, un partenariat gagnant-gagnant peut être recherché pour faire face via des projetscommuns.

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1. PERFORMANCE RECENTE : CROISSANCE ET EMPLOI

1.1. Ce chapitre montre comment, grâce à des réformes structurelles continues et une gestionmacroéconomique efficace, la Tunisie a réussi à maintenir sa croissance et à améliorer les conditionsde vie de sa population. Toutefois, malgré une croissance convenable au cours des 10 dernièresannées, les résultats concernant l’emploi restent faibles, en particulier pour les jeunes diplômés desuniversités. Cette situation est due à l’accroissement rapide de la population active diplôméerentrant sur le marché du travail et au décalage entre le profil et le niveau d’instruction desdemandeurs d’emploi et la demande de main-d’oeuvre émanant des secteurs économiques.

1.2. Ce chapitre arrive à la conclusion que pour résoudre le problème du chômage, la Tunisie devramettre en place des réformes qui continueront à stimuler la croissance en orientant l’économie versdes activités à plus forte intensité de compétences et à plus haute valeur ajoutée (ceci sera davantagedéveloppé au chapitre 2).

ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE

1.3. Le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,8 % par an en moyenne au cours des 8 dernières années, cequi fait du pays l’un des plus performants du groupe des économies émergentes (Figure 1). Au sein dela région MENA, seule la Jordanie a fait mieux, son PIB ayant augmenté en moyenne de 5,5 % paran. La performance de la Tunisie est meilleure que celle de la majorité des pays de la région parcequ’elle a entamé des réformes structurelles plus tôt et a maintenu le cap de façon graduelle. Mais denombreux pays émergents, tels que la Malaisie et la Thaïlande, qui partagent un modèle de croissancesemblable ont une meilleure performance que la Tunisie. La mise en place de réformes propres à fairepasser la croissance durablement à 6-7 pourcent est donc cruciale (voir chapitre 2 et 3).

1.4. La performance de la Tunisie au niveau de la croissance est attribuable à : i) des investissementsconstants dans le capital humain et les infrastructures depuis les années 60; ii) l’intégrationcommerciale et les réformes du marché qui l’ont accompagnée depuis le début des années 90 et ; iii)

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la gestion macroéconomique proactive mais prudente qui a permis à la croissance économique demieux résister à des chocs exogènes modérés. Ces politiques ont permis à la Tunisie d’exploiter saproximité géographique avec l’Europe et d’attirer des investissements étrangers pour ledéveloppement d’industries manufacturières compétitives orientées vers l’exportation.

• Ouverture commerciale et aux investissements étrangers. La mise en place d’un régime«offshore» à partir de 1972 et du code modifié des investissements à partir de 1992 a attiré uninflux important d’IDE. Les flux annuels moyens d’IDE s’élevaient à 2,2 % du PIB entre 1996 et2000, à 2,6 % du PIB entre 2002 et 2005 et à 5 % du PIB entre 2006 et 2008. Le secteur offshoreoffre de nombreux avantages qui attirent les investisseurs : importations de matières premières etd’équipements en franchise de droits, rapatriement libre des bénéfices, exonérations fiscalespendant 10 ans et procédure simplifiée avec l’Administration publique (en termes de contrôlesfiscaux, par exemple). Le développement du secteur textile et habillement (32% des exportations,42 % de la valeur ajoutée industrielle, 48 % des emplois dans le secteur de l’industriemanufacturière et 9 % du total des emplois) et de celui de l’industrie mécanique et électrique (28%des exportations et 3.5% des emplois totaux) est dans une large mesure le fruit des investissementsattirés par les avantages du régime offshore. L’ouverture de l’économie Tunisienne, notammentvis-à-vis de l’Europe avec laquelle elle est en zone de libre échange pour les produits industrielsdepuis 2008, a engendré un renversement positif de la tendance de la productivité globale desfacteurs. D’une croissance nulle sur la période 1980-1990, la productivité globale des facteurs acru de façon constante pour atteindre 1.24% en moyenne dans les années 1990s et 1.38% sur lapériode 2001-2006 (voir chapitre 2).

• Développement du capital humain. La Tunisie tire avantage aujourd’hui des investissementseffectués au fil des ans dans l’éducation, grâce auxquels une main-d’oeuvre éduquée a vu le jouret les connaissances et technologies mondiales ont été plus rapidement acquises et diffusées. En2008, 57 % des nouveaux venus sur le marché du travail détenaient un diplôme universitaire. En2007, 20 % de la population active détenait un diplôme d’études postsecondaires. Le retour surinvestissement en capital humain a fortement augmenté à partir du milieu des années 1990, lorsquel’ouverture commerciale a permis à la Tunisie d’utiliser plus efficacement son capital humain.

• Une politique macroéconomique prudente et proactive. Une politique budgétaire prudente ainsiqu’une gestion monétaire et des taux de change proactif ont également été cruciaux pour soutenirla croissance et maintenir sa stabilité macroéconomique.3 Le déficit budgétaire a été réduit de 4,2% du PIB en 1997 à 1.2 % du PIB en 2008 (Figure 2). La réduction des déficits fiscaux, conjuguéeà un redoublement des efforts pour réduire la dette extérieure entre 2005 et 2008, a contribué à uneforte baisse de la dette publique, qui est passée de 58 % en 2005 à 47,5 % en 2008 (Figure). Cerésultat a permis, à son tour, de réduire les paiements des intérêts et d’offrir une marge demanoeuvre pour faire face aux crises alimentaire et pétrolière mondiales de 2008 (les subventionsalimentaires et pétrolières ont brusquement augmenté de 1,3 % du PIB pour atteindre 3,7 % duPIB en 2008).

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(3) Le taux de création d’emplois (+2,6 % annuellement) n’aurait pas pu être maintenu en l’absence d’une bonne gestiondes chocs.

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1.5. ��� �������������� �������� ����� ���������� ��������� ���� ��� ������������ ��� ������� ��� ������ ������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������������� ��� ������� ��� ����� ��������� ���������� ��� ������� �� ������� ��� ����� ��� �� ������� ������������������������������

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4 Une régression économétrique du PIB réel de la Tunisie sur le PIB réel des quatre principaux partenaires de la Tunisie(prenant soin de contrôler certains chocs exogènes comme Sept 11, 2001 et les chocs climatiques) donne une élasticitéde 0.66.

14 Ce secteur est assez varié et comprend (i) un segment électrique qui fabrique des produits tels que les câblesélectriques (câblage), les batteries et autres composants électriques pour véhicules; (ii) un segment mécanique quifabrique un grand nombre de composants tels que les moteurs, les volants, les filtres, etc., et un segment caoutchoucqui fabrique les pneus et les roues.

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cyclique des affaires entre la Tunisie et ses cinq principaux partenaires européens que sont la France,l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique. Les volumes d’exportation de vêtements et de piècesautomobiles ont chuté au cours du dernier trimestre de 2008, avec pour conséquence une croissancetotale des exportations de 1 % en 2008 contre 12 % en 2007. L’augmentation remarquable des IDEen 2008 (+ 40 %) à 6.5 % du PIB a, de manière significative, atténué les besoins de financementprovoqués par la forte hausse du déficit du compte courant (- 4,6 % du PIB), mais elle n’a puempêcher un ralentissement de la croissance tunisienne.

1.7. Le gouvernement tunisien a réagi à la crise mondiale rapidement (voir l’Encadré 1). Pourl’année 2009, les bons résultats macroéconomiques de 2008 ont rendu possible une relance par lesdépenses publiques sans compromettre la dette. Cette relance est opportune d’autant plusqu’utilisant des données historiques, l’analyse montre qu’un dinar de dépenses d’investissementadditionnelles (titre 2) génère en moyenne 0,12 dinar de PIB réel additionnel la première année, 0,30dinar la deuxième année et 0,50 dinar la troisième année.5 L’investissement public est un instrumentcontra cyclique efficace en Tunisie du fait de l’effectivité de l’Etat.

Encadré 1 - La réponse des pouvoirs publics à la crise financière et économique mondiale Laréponse des pouvoirs publics à la crise financière mondiale témoigne d’une gestion macro-économique proactive. L’économie tunisienne n’a pas été très affectée par la propagation initialede la crise financière en provenance des États-Unis et de l’Europe en septembre 2008. Cela estdû à plusieurs facteurs, et notamment au fait que : (i) les banques locales sont peuinternationalisées, (ii) les prêts immobiliers ne représentent que 10 % du PIB (contre 90 %environ aux États-Unis), (iii) le marché monétaire était très liquide. Au début du mois d’octobre2008, la Banque Centrale avait à disposition 1,2 milliard de dollars EU à injecter, si nécessaire,dans le marché, (iv) la participation étrangère au marché des valeurs est «assez faible», del’ordre de 28 %, et (v) le dinar n’est pas convertible pour la majorité des transactions sur lecompte de capital. Cependant, la réduction rapide de la demande externe due à la récession quisévit en Europe a une incidence négative sur la croissance du PIB tunisien. La croissance desexportations est passée de 12 % en 2007 à 1 % en 2008 et elle a baissé à un niveau de deuxchiffres négatifs pour le premier trimestre de 2009 (- 19 %). Du fait de ces facteurs exogènes,en 2008, la croissance a été en deçà des prévisions (5 % contre 6,3 %) et une baisse plus avantest anticipée en 2009. En effet, près de 80 % des exportations sont destinées à aux marchéseuropéens. Les exportations sont un levier de croissance important pour la Tunisie : ellesreprésentent 47 % du PIB, sont un levier de distribution de revenus important (plus de la moitiédes travailleurs dans le secteur manufacturier travaillent à l’export) et un vecteurd’investissement privé important (l’essentiel des IDE dans le secteur manufacturier sontdestinés à l’export). La baisse des exportations affecte donc fortement la croissance.

En réponse, sur le plan stratégique, alors que beaucoup de pays ont répondu d’une manière quirisque de nuire à la croissance à long terme (exemple en augmentant la protection), la Tunisie arépondu par un renforcement des réformes structurelles, notamment celles relatives àl’intégration de l’économie aux marchés mondiaux (baisse des tarifs douaniers, rationalisationdu contrôle des importations, renforcement de la logistique, entre autres réformes).6 Ceci estpropre à préparer le pays à profiter de la reprise de la croissance mondiale et va dans le sens durenforcement de son positionnement compétitif. La réponse a également consisté à atténuerl’impact de la crise sur l’emploi dans les secteurs d’exportation à travers une série de mesures

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(5) Diop et Abdallah, 2009. «Can Fiscal Policy Help Short-Term Growth? The Dynamic Effects of Fiscal Shocks on Outputin Tunisia», mimeo.

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de politique d’urgence initiées en décembre 2008. Elles comprennent : i) une subvention de lacontribution à la sécurité sociale ; ii) une subvention aux primes d’assurance à l’exportation ; iii)une subvention du coût des intérêts pour les prêts liés aux activités d’exportation et iv) uneaugmentation de 20 % des dépenses d’investissement public dans la loi des finances de 2009.L’approche contingente adoptée dans la réponse à la crise vu l’incertitude sur sa durée a pousséles autorités d’étendre récemment les mesures de décembre 2008 dirigées vers les entreprisesd’exportation aux entreprises partiellement exportatrices et fortement liées aux secteursd’exportation. En outre un accroissement supplémentaire des investissements publicsnotamment dans l’infrastructure - de l’ordre de 700 million de dinars or (+5% des dépensestotales) a été approuvé par le Parlement en fin juin 2009. Cette hausse des dépenses publiquesdevrait engendrer une augmentation du déficit budgétaire en 2009 de 3 à 4.2 %.

REDUCTION DE LA PAUVRETE ET REALISATIONS SOCIALES

1.8. Une des premières études du lien entre croissance et réduction de la pauvreté en Tunisie avaitclairement démontré que la croissance dans le pays avait été favorable aux pauvres (Ayadi, Boulila,Lahouel et Montigny, 1995)7. L’augmentation régulière du revenu par habitant a été le facteurprincipal de réduction de la pauvreté.8 En utilisant une perspective à long terme, les Figures 5a et5b comparent la Tunisie à celle d’un groupe de pays choisis selon deux critères : (i) la similitude deleurs conditions initiales en termes du niveau du PIB par habitant au début des années 1960 : Maroc,Jordanie, Malaisie et, dans une moindre mesure, Égypte (pays du «groupe 1») et (ii) les paysconcurrents d’Europe de l’Est jouissant du même avantage de proximité avec l’UE : Bulgarie,Roumanie et Turquie (pays du «groupe 2»).

1.9. Le PIB par habitant de la Tunisie, en dollars constants de l’année 2000, a été multiplié par 4,2,passant de 624 dollars en 1961 à 2646 dollars an 2007, ce qui correspond à une croissance annuellemoyenne de 3,2 %. En comparaison avec les pays du «groupe 1», le PIB par habitant de la Tunisie(en dollars constants) était plus élevé en 2007 que celui de l’Égypte (1800 dollars), de la Jordanie(2248 dollars) et du Maroc (1693 dollars), qui connaissaient un taux de croissance annuel de 3,1 %,2,4 % et 2,1 % en moyenne respectivement. Toutefois, avec des conditions de départ semblables(sauf la Turquie), le PIB par habitant de la Tunisie se situait loin derrière celui de la Malaisie (Figure5). Des pays concurrents de l’Europe de l’Est qui bénéficient d’une proximité semblable à l’Europe,la Bulgarie et la Roumanie ont toutes deux un PIB par habitant inférieur à celui de la Tunisie, de2401 dollars et 2596 dollars respectivement. Par contre, à 5053 dollars, le PIB par habitant de laTurquie est nettement supérieur (Figure 6).

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(6) Une série de réformes visant à renforcer l’intégration, améliorer l’environnement des affaires et le financement non-bancaire (SICARs et bourse) ont été récemment initiées dans le cadre du programme d’Appui à l’Intégration enpartenariat avec la Banque mondiale, l’Union Européenne et la Banque Africaine de Développement.

(7) Voir Mohamed Ayadi, Ghazi Boulila, Mohamed Lahouel et Philippe Montigny « Pro-Poor Growth in Tunisia ». Banquemondiale, 2005. Pro-Poor Growth in the 1990s. Lessons and Insights from 14 Countries.

(8) Le revenu par habitant a augmenté régulièrement au fil du temps grâce à la croissance du PIB mais aussi suite à latransition démographique de la Tunisie, qui a ramené le nombre d’enfants par famille de 7 à la fin des années 1960 à2 en 2008.

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1.10. En plus de l’augmentation des revenus, les investissements publics dans l’infrastructure et lecapital humain ont joué un rôle important dans la réduction de la pauvreté. Environ 60 % du budgetde la Tunisie est attribué aux secteurs sociaux. Les routes des régions rurales ont joué un rôleparticulièrement important en aidant les populations pauvres en milieu rural à accéder aux marchéset aux services urbains. Des programmes de logements ont permis d’améliorer les conditions de viedes plus démunis et aussi de libérer une partie des revenus et des économies qui ont pu être utiliséspour acheter des produits alimentaires et non alimentaires, ce qui a eu un impact positif sur laréduction de la pauvreté. Les subventions alimentaires, destinées aux pauvres, ont aussi aidé lespauvres en milieu urbain, même si elles n’ont pas été utilisées avec un ciblage optimal. Grace àl’augmentation du revenu par habitant ainsi qu’aux investissements publics soutenus dans lessecteurs sociaux, les indicateurs socio-économiques ont évolué favorablement (Tableau 1). Parexemple, l’espérance de vie à la naissance, un indicateur clé du bien-être, était de 74 ans en 2007.

Tableau 1 - Quelques-uns des principaux indicateurs sociaux tunisiens

Année 2003 2004 2005 2006 2007

Accès à l’électricité (% de connexion au réseau) 98,4 99,0 99,3 99,4 99,5

Accès à l’eau potable (% de connexion au réseau) 78,8 83,3 84,1 84,5 84,8

Accès au réseau d’assainissement en zones urbaines (%) 75,2 78,3 80,0 80,9 81,7

Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances) 21,1 20,7 20,3 19,1 18,7

Espérance de vie à la naissance 73,1 73,4 73,5 74,2

Source: Institut National de la Statistique, Tunis

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1.11. Ces mécanismes ont-ils permis de continuer à réduire la pauvreté dans les années 2000 ? Leschiffres officiels de la pauvreté indiquent que celle-ci a de nouveau baissé entre 2000 et 2005 : de4,2% en 2000 à 3,8% en 2005. En outre, les données issues de la dernière enquête auprès desménages, effectuée en 2005, montrent une augmentation de 37,6% du revenu moyen par habitantentre 2000 et 2005 (Tableau 2). Enfin, l’écart s’est réduit entre le Grand Tunis, la région la plusriche, et les régions du nord-ouest et du centre-ouest, les moins privilégiées.

Tableau 2 - Dépenses moyennes par habitant et par région(en dinars tunisiens courants)

Région 1990 1995 2000 2005

Grand Tunis 1 007 1 289 1 761 2 390

Nord-est 760 958 1 190 1 613

Nord-ouest 501 677 1 103 1 416

Centre-ouest 502 586 909 1 138

Centre-est 806 1275 1 594 2 084

Sud-ouest 521 711 1 017 1 466

Sud-est 600 739 1 097 1 826

Total 716 966 1 329 1 820

Source : Institut National de la Statistique, Tunis

1.12. Cependant, le seuil de pauvreté officiel de la Tunisie, établi à 400 dinars par an, ne prend encompte que les besoins essentiels pour la survie physique. En utilisant un seuil de pauvreté plus élevé,le projet sur la pauvreté mondiale de la Banque mondiale révèle une incidence de la pauvreté de 7 %en Tunisie pour l’année 2005, qui demeure quand même le taux le plus bas de la région MENA. En setournant vers l’avenir, il sera important que les responsables politiques tunisiens aillent au-delà de laprivation absolue actuellement prise en compte pour déterminer l’incidence de la pauvreté et qu’ilsconsidèrent aussi les questions de vulnérabilité et d’exposition aux risques. En effet, 777 000 individusgagnant entre 400 et 585 dinars tunisiens (soit 7,7 % de la population) peuvent être considérés commevulnérables, en particulier dans le contexte de la crise financière mondiale. Une proportion de 46 % dela population dépense entre 995 et 2 250 dinars tunisiens par an, tandis que 7,4 % de la population(747 000 personnes) dépense plus de 4000 dinars tunisiens (Tableau 3)9.

31

(9) Sans approfondir les questions liées à la pauvreté de « seconde génération » (généralement abordées par le biaisd’évaluations de la pauvreté), le besoin d’une analyse plus détaillée afin de définir et d’observer l’évolution del’inclusion sociale serait utile.

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Tableau 3 - Répartition de la population par catégorie de dépenses, 2005

Tranches de dépenses annuelles Nombre de personnes Répartition par habitant (en milliers) en pourcentage (%)

Moins de 400 dinars tunisiens 376 3,8

de 400 à 585 dinars tunisiens 777 7,7

de 585 à 955 dinars tunisiens 1 956 19,5

de 955 à 1510 dinars tunisiens 2 640 26,3

de 1510 à 2250 dinars tunisiens 2 038 20,3

de 2250 à 4000 dinars tunisiens 1 501 15,0

Plus de 4000 dinars tunisiens 747 7,4

Total 10 035 100

Source : Institut National de la Statistique, Tunis

SITUATION DE L’EMPLOI

Données de base sur l’emploi

1.13. Malgré la bonne tenue de sa croissance, la Tunisie continue à faire face à un taux de chômageélevé. Entre 1999 et 2007, les chiffres du chômage n’ont que légèrement baissé, passant de 16 % à14,1 %, la majeure partie de cette baisse s’étant produite avant 2005. Depuis lors, le nombre annuelde créations d’emploi (entre 70 000 et 80 000) reste inférieur au total de main-d’oeuvre entrant surle marché du travail (environ 90 000 personnes par an), et est loin d’être suffisant pour réduire lenombre de chômeurs, qui s’élève à 508 000 personnes environ en 2007.

1.14. Les données de séries chronologiques indiquent que le taux de chômage varie selon l’âge, leniveau d’éducation et le sexe. Le taux de chômage pour les individus âgés entre 15 et 30 ans se situeau-dessus de la moyenne nationale mais il est plus élevé surtout pour les tranches d’âge les plusjeunes, atteignant près de 35% pour la tranche de 15 à 19 ans, 29 % pour les individus âgés de 20 à24 ans et 25 % pour ceux âgés de 25 à 29 ans (Figure 7). Une analyse récente10 indique que lesjeunes diplômés ne font pas seulement face à un taux de chômage plus élevé mais sont aussi plussusceptibles de rester sans emploi pendant longtemps (entre 2 et 5 ans).

32

(10) «Labor Demand, Skills Supply and Employment: Towards an integrated strategy for job creation - Phase II», Banquemondiale, 2008 et «Dynamique de l’emploi et adéquation de la formation parmi les diplômes universitaires», Banquemondiale, 2007.

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entre les sexes, avec un taux de participation de 92 % pour les hommes contre 48 % pour lesfemmes. Cela est dû au faible taux de participation des femmes non diplômées (43 %), puisquel’éducation universitaire efface littéralement les différences de participation entre hommes etfemmes. Bien qu’il soit un peu plus élevé que le taux moyen de la région MENA (mais plus bas, parexemple, que celui du Maroc), le taux de participation des femmes non diplômées en Tunisie restefaible comparé aux pays à revenus intermédiaires en dehors de la région MENA.

1.17. À cause de la forte participation de femmes diplômées des universités (presque à parité aveccelle des hommes), le chômage est bien plus répandu chez les diplômés que chez les non diplôméspour la tranche d’âge de 23 à 29 ans : 40 % contre 24 %. Pourtant, le taux de chômage des diplômésreste plus élevé chez les femmes (46 %) que chez les hommes (33 %). Enfin, les non diplômés(surtout les hommes) ont une attitude plus entrepreneuriale que les diplômés : 19 % des nondiplômés sont des travailleurs indépendants, contre seulement 4,8 % des diplômés, ce qui signifieque la plupart des diplômés préfèrent se trouver dans une situation de recherche d’emploi plutôt quede créer leur propre entreprise.

Tableau 4 - Situation sur le marché du travail par niveau d’instruction et par sexe(Individus âgés de 23 à 29 ans)

Diplômés Non diplômés Total

Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total

Actifs 97,6 92,3 94,7 92,0 43,0 68,5 92,5 48,4 70,7

Sans emploi 32,8 46,1 39,9 23,2 26,3 24,1 24,0 29,9 26,0

Salariés réguliers 58,7 48,7 53,4 44,0 56,8 48,0 45,2 55,4 48,6

Salariés occasionnels 1,8 2,0 1,9 10,5 3,8 8,4 9,8 3,4 7,6

Travailleurs indépendants 6,6 3,2 4,8 22,4 13,1 19,5 2,1 11,3 17,8

Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100

Source : Enquête sur la population active, 2007 ; NB : non diplômés = éducation secondaire ou de niveau inférieur

1.18. Un aspect du chômage en Tunisie est qu’il est en partie dû au succès du pays à scolariser un grandnombre d’individus. Quelque 60 000 étudiants obtiennent chaque année un diplôme universitaire.À cause de l’importante expansion des universités et de l’augmentation rapide du nombred’étudiants du secondaire obtenant leur baccalauréat, environ 60 % des nouveaux venus sur lemarché de l’emploi sont aujourd’hui des diplômés d’université. Ainsi la Tunisie est-elle bienpréparée au changement de la structure de son économie vers des secteurs qui demandent desqualifications plus élevées et vers une productivité plus importante dans le long terme. Toutefois,dans l’immédiat, si l’on compare le nombre annuel de personnes obtenant un diplôme universitaireaux 70 000 à 80 000 emplois créés chaque année par l’économie, il est facile de comprendrepourquoi le taux de chômage parmi les diplômés augmente rapidement. Par exemple, l’écart entrel’offre et la demande de travailleurs détenant un diplôme universitaire était de presque 30 000 11

en 2007, selon les estimations.

34

(11) Le nombre de demandeurs d’emploi issus de l’enseignement supérieur a augmenté pour atteindre un total de 50 000individus environ. Le nombre absolu de nouveaux emplois pour les diplômés de l’enseignement supérieur se situeentre 20 000 et 30 000 par an, ce qui est insuffisant pour satisfaire un groupe de 50 000 personnes.

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Recherche d’emploi et mobilité

1.19. Les enquêtes sur le marché du travail fournissent des informations utiles sur la recherched’emploi et la mobilité. La durée moyenne du chômage est bien plus longue pour les diplômés desuniversités que pour les autres demandeurs d’emploi : 28 mois pour les premiers contre 19 moispour les seconds (enquêtes sur la population active de 2005 et 2006). Alors qu’une certaineproportion des diplômés des universités se portent maintenant candidats pour des emplois moinsqualifiés («déclassement»), ceux qui peuvent se le permettre semblent dédaigner tout travail manuelet préfèrent attendre de trouver un emploi sûr et bien payé.

1.20. Les enquêtes sur le marché de l’emploi révèlent aussi le degré élevé d’instabilité des emplois,hormis ceux de l’Administration publique. Environ la moitié des individus âgés de 23 à 29 anstravaillant dans la construction, la vente au détail et l’hôtellerie ou la restauration n’était plusemployée dans ces secteurs un an plus tard. À l’exception de l’Administration publique, le taux derotation des effectifs se situe entre 40 % et 50 % pour la tranche d’âge de 23 à 29 ans. Cette rotationélevée des effectifs semble indiquer que le recours à des contrats à court terme est courant et qu’ilest utilisé comme moyen pour contourner les lois rigides concernant le licenciement en Tunisie12

(voir le Chapitre 2 pour une analyse plus approfondie).

Migration et disponibilité de main-d’oeuvre

1.21. Dans une économie aussi ouverte que celle de la Tunisie, la capacité des entreprises às’approprier et à utiliser les meilleures compétences disponibles dépend de la migration.L’émigration a joué jusqu’ici un rôle minime mais elle pourrait avoir des conséquencesconsidérables sur l’évolution future du marché de l’emploi. Les chiffres officiels de l’émigrationtunisienne sont peu élevés en termes de nombre absolu. En 2007, l’émigration nette s’élevait à 14350 individus, soit environ 0,4 % de la population active. Toutefois, on peut remarquer qu’unnombre croissant de nouveaux venus sur le marché du travail décide d’émigrer. En 2007, environ13 % de ces nouveaux arrivants ont émigré, ce qui constitue une proportion non négligeable. Desurcroît, le profil des migrants évolue, avec une augmentation sensible des individus diplômés del’enseignement supérieur 13 (20 % du total en 2007 contre 14 % en 2006). La France a signé unaccord avec la Tunisie, dans le cadre de sa nouvelle politique d’ «immigration choisie». Cet accordprévoit que 9 000 Tunisiens pourront obtenir un visa de travail chaque année (1 500 jeunesprofessionnels, 1 500 professionnels expérimentés et hautement qualifiés, 1 500 travailleurs salariéset 2 500 travailleurs saisonniers).

LES DEFIS ACTUELS ET FUTURS

1.22. La Tunisie ayant franchi une étape dans son processus de développement, d’autres défisremplacent les anciens. A court terme, comme tous les pays du monde, la Tunisie doit faire face à lacrise économique mondiale. Le secteur financier, globalement peu exposé internationalement, n’a pasété directement affecté. Cependant, la chute de la demande externe due à la récession qui sévit enEurope a une incidence négative sur la croissance du PIB tunisien. Comme on l’a vu, la croissance desexportations a fortement baissé et menace la croissance en 2009 après avoir réduit la croissance en2008. La Tunisie est cependant bien préparée pour faire face à ce défi puisseque la crise a trouvé le

35

(12) Le classement de la Tunisie par rapport à cet indicateur est mauvais, avec un indice de licenciement deux fois plusélevé que celui de la région MENA ou de l’OCDE.

(13) Source: INS et ETF

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pays dans une situation macroéconomique saine. Le déficit budgétaire est modeste (- 2,1% en 2008),l’inflation est faible (3%) et les réserves sont saines (équivalant à 5 mois d’importations). La detteextérieure a été réduite de 58% en 2005 à 47,5% en 2008. Le gouvernement a également réagirapidement à travers des mesures conjoncturelles et une relance des dépenses publiques. Cela est-t-ilsuffisant ? Tout dépend de la durée de la crise. D’où l’importance de l’approche contingente adoptée.

1.23. Le défi le plus important est cependant celui du moyen-terme : transformer la structure et la«fonction de production» de l’économie de manière à réduire le chômage important des diplômésde l’enseignement supérieur. Malgré une croissance économique décente, les résultats en matièred’emploi, particulièrement chez les jeunes, sont faibles et se détériorent. La moyenne nationale dutaux de chômage était de 14,1% en 2008 et a culminé à 30% pour les individus âgés de 20 à 24 ans.En extrapolant les tendances passées, les planificateurs anticipent un besoin de 860,000 emploissupplémentaires au cours des dix prochaines années. Les implications économiques et sociales d’untaux de chômage élevé parmi une population active jeune peuvent être nuisibles à la croissance àlong-terme en induisant : i) une plus faible incitation à «investir» dans l’éducation et une plus faiblemotivation et ii) un sentiment de gaspillage de ressources publiques.

1.24. Résoudre le chômage par sa racine et non ses manifestations superficielles, tel est le défi. Uneanalyse approfondie, telle que conduit dans ce rapport, montre que la persistance du chômage enTunisie est due, fondamentalement, à deux facteurs essentiels : i) démographiquement, la Tunisieenregistre une très forte croissance du nombre de jeunes entrants sur le marché du travail et ii)économiquement, la structure de production actuelle, dominée par des secteurs à faible tauxd’encadrement et intensifs en main-d’oeuvre non qualifiée, ne génère pas une demande forte demain- d’oeuvre qualifiée. Alors que les entrants sur le marché du travail ont maintenant, en majorité,un diplôme universitaire, la demande de travail émanant des principaux secteurs économiques(textiles et habillement, ingénierie mécanique et électrique, agro-industrie, tourisme et agriculture)porte davantage sur de la main d’oeuvre spécialisée ou «non qualifiée», dans tous les cas «nonuniversitaire». Ceci est examiné plus en détail dans le chapitre 2.

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2. LA NECESSAIRE ACCELERATION DE LATRANSFORMATION DE L’APPAREIL PRODUCTIF

2.1. Ce chapitre présente les arguments justifiant la nécessaire accélération de la transformation del’appareil productif tunisien. Il montre que l’impératif de création d’emploi et de hausse de laproductivité milite en faveur d’une accélération de la transformation du tissu productif envers desactivités plus intensives en main d’oeuvre qualifiée et a plus haute valeur ajoutée. Le changementstructurel recherché permettrait également d’accroitre la productivité sensiblement et donc lacroissance à moyen terme. Des simulations sont effectuées pour montrer que la hausse deproductivité nécessaire pour le rattrapage des pays situés dans le tiers inférieur des pays de l’OCDEest importante. Le chapitre conclut en décrivant le cadre conceptuel de la croissance et del’accélération de la transformation structurelle qui guide l’analyse dans ce rapport.

POURQUOI ACCELERER LE CHANGEMENT STRUCTUREL ?L’IMPERATIF DE CREATION D’EMPLOI

Structure actuelle de la production et de valeur ajoutée

2.2. A la faveur de l’apparition de nouveaux secteurs à croissance rapide (exemple centres d’appelset des secteurs de composants électroniques et de pièces détachées pour l’industrie automobile), lastructure économique de la Tunisie a un peu changé au cours des 10 dernières années. Mais elle aseulement un peu changé à cause du poids encore faible de ces nouveaux secteurs dans le PIBglobalement. La structure économique est dominée par les services marchands qui représentent 48% de la valeur ajoutée totale. Ce secteur est porté par le dynamisme des transports ettélécommunication (13.7 % du PIB), du commerce (8.8 %) et des banques et assurances (6.4 %) quiconnaissent une croissance forte.

2.3. L’industrie manufacturière, très diversifiée, est dominée par les secteurs d’exportation : textiles/habillement-cuir (4.7 % de la valeur ajoutée totale), l’agro-industrie (4.7 %) et les industriesmécaniques et électriques (4 %). Ces trois secteurs représentent 58% de la valeur ajoutée du secteurmanufacturier. L’industrie textiles-habillement-cuir concentre à elle seule 36% des 5700 entreprisesqui composent le secteur manufacturier tunisien. L’industrie non-manufacturière n’est pasnégligeable. Dominée par le pétrole et le gaz (61% de la valeur ajoutée du secteur), elle contribuepour 7.4 de la valeur ajoutée totale de l’économie. La situation de ce secteur est fortementdépendante de l’activité des grandes entreprises publiques opérant dans le pétrole, l’électricité,l’eau, etc.

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Tableau 5 - La structure du secteur productif de la Tunisie

Secteur Share in GDP a prix constant (%)

Agriculture & pêche 11.5

Industrie Manufacturière 19.7

Agro-industrie 4.7

Industrie des matériaux 2.0

Industrie mécanique et électrique 4.0

Chimie 1.8

Textile & Habillement & Cuir 4.7

Industries Diverses 2.6

Industrie non manufacturière 7.4

Mines & Energie 0.6

Pétrole et gaz 4.5

Electricité 1.8

Eau 0.5

Services marchands 48.4

Travaux Public/Bâtiment 5.5

Commerce 8.8

Transport / Communication 13.7

Hôtellerie & Restauration 5.0

Banques & Assurances 6.4

Autres services marchands 9.0

Services non marchands 13.0

Source : Institut National Statistiques

2.4. En termes de valeur ajoutée, les services et l’agriculture présentent des taux de valeur ajoutéenettement plus élevés que les activités manufacturières. A l’exception du secteur de la construction,les activités de services accusent tous un taux de valeur ajoutée supérieur à 50%, expliquant ainsileur forte contribution au PIB. Par contraste, les activités manufacturières tournées versl’exportation, y compris l’agro-industrie, le textile-habillement-cuir (THC) et les industriesmécaniques (IME) et électriques se caractérisent par un taux de valeur ajoutée faible. Pour le THCet les IME, ceci reflète le fait prés de 90% de ce sous-ensemble travaille dans l’assemblage de pièceset produits intermédiaires fabriqués ou conçus en dehors de la Tunisie.

38

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Répartition actuelle de l’emploi dans les différents secteurs

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4 Une régression économétrique du PIB réel de la Tunisie sur le PIB réel des quatre principaux partenaires de la Tunisie(prenant soin de contrôler certains chocs exogènes comme Sept 11, 2001 et les chocs climatiques) donne une élasticitéde 0.66.

14 Ce secteur est assez varié et comprend (i) un segment électrique qui fabrique des produits tels que les câblesélectriques (câblage), les batteries et autres composants électriques pour véhicules; (ii) un segment mécanique quifabrique un grand nombre de composants tels que les moteurs, les volants, les filtres, etc., et un segment caoutchoucqui fabrique les pneus et les roues.

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Tableau 6 - Structure de l’emploi

Secteur Total

Nombre d’employés %

Agriculture 565 872 18,3%

Industrie Manufacturière 615 448 19,9%

Agro-industrie 66 400 2,2%

Industrie des matériaux 37 336 1,2%

Industrie mécanique et électrique 98 495 3,2%

Chimie 26 857 0,9%

Textile & Habillement & Cuir 264 052 8,6%

Industries Diverses 87 953 2,9%

Mines & Energie 34 355 1,1%

Services 1 197 623 38,8%

Travaux Public/Bâtiment 378 429 12,3%

Commerce 353 445 11,5%

Transport / Communication 177 386 5,7%

Hôtellerie & Restauration 121 707 3,9%

Banques & Assurances 26 478 0,9%

Travaux Immobiliers 110 993 3,6%

Non Déclarés 29 185 0,9%

Services Administratifs 706 199 22,9%

Services Sociaux & Culturels 137 551 4,5%

Education/Santé/Administration 568 648 18,4%

Source : Institut National Statistiques

2.7. La Figure 10 désagrège la part sectorielle dans l’emploi total par niveau d’instructiondistinguant deux niveaux. Un niveau d’instruction qualifié de «faible» pour la Tunisiecorrespondant à une éducation inférieure au niveau baccalauréat et un niveau d’instructionsanctionné par un diplôme d’enseignement supérieur (diplôme universitaire et diplôme délivré parles instituts de sciences et technologie notamment). La plus grande proportion de diplômés dusupérieur se trouve dans l’Administration/ éducation/santé. La part des diplômés dans l’emploi totalest très faible dans tous les autres secteurs. Pour certains secteurs (exemple banque et assurance),cela est dû à la part très faible de l’emploi sectoriel dans l’emploi total.

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2.8. L’analyse de la répartition de la population employée diplômée dans chaque secteur montre quele seul secteur où les employés munis de diplôme d’enseignement supérieur constituent plus de lamoitié des employés est le secteur «banques et assurance» (Figure 12). Tout en étant minoritaire, lesemployés diplômés du supérieur représentent une proportion importante de l’emploi dansl’Administration/éducation/santé (43%), les travaux immobiliers (25.6%), le secteur «mines eténergie» (25.5%) ainsi que le secteur chimique (23%). Les autres secteurs ont une proportion dediplômés du supérieur inférieure à 14%.

2.9. La Figure 12 fait apparaître de manière explicite la pauvreté des secteurs manufacturier etindustriel en cadres formés et la forte domination du secteur public dans l’emploi de personneshautement qualifiées.

41

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Discordance entre l’offre et la demande d’emploi

2.10. L’analyse ci-dessus montre que les secteurs économiques dans leur état actuel emploient unetrès faible proportion de diplômés du supérieur : 14 % de l’emploi total. En d’autres termes, 86 %des 3,1 millions de travailleurs actuels ont un niveau d’étude inférieur au baccalauréat. Cepourcentage est encore plus élevé dans les secteurs manufacturiers (92,5 %). En d’autres termes,sans un changement structurel important, l’espace pour «caser» une forte proportion de cadresdiplômés du supérieur est réduit.

2.11. Il est aisé de montrer que contrairement aux années 1980 et 1990, un schéma de croissancequi maintiendrait les mêmes structures économiques qui n’offrent pas suffisamment «d’espace» auxdiplômés du supérieur ne permettra pas à la Tunisie d’absorber les nouveaux demandeurs d’emploi.En effet, la Tunisie a franchi une étape avancée dans son processus de développement et disposed’un large pool de capital humain dans presque tous les domaines. Les investissements constantsdans l’éducation induisent une production croissante de diplômés de l’enseignement supérieurchaque année. La Tunisie a produit environ 60 000 diplômés universitaires en 2008 et la majoritéde ces derniers ont cherché à entrer sur le marché de l’emploi. Les diplômés du supérieur formentmaintenant la majorité des entrants sur le marché du travail. Par contraste, la majorité des emploiscréés le sont pour des individus de niveau d’instruction inférieur au bac, accentuant davantage lechômage des diplômés du supérieur.

2.12. Qu’est-ce qui explique la faible capacité de recrutement des diplômés du supérieur notammentdans le secteur manufacturier ? Deux facteurs jouent un rôle important dans cet état de fait : lastructure économique et le mode d’intégration mondiale de ces derniers.

Prenons le secteur textile pour illustrer. Ce secteur important est une combinaison d’entreprises degrande taille, innovantes et parfois spécialisées et d’une majorité de petites et moyennes entreprisestravaillant comme sous-traitants. Bien que les pouvoirs publics encouragent une remontée dans lachaîne de valeur et que l’on ait enregistré certains résultats positifs à cet égard, ce secteur est encorelimité, dans une grande mesure, à l’assemblage de pièces envoyées par les clients européens poursous-traitance confinée à la confection.

42

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L’IMPERATIF D’UNE PLUS FORTE CROISSANCEDE LA PRODUCTIVITE

2.16. Un deuxième argument en faveur d’une accélération de la transformation structurelle du tissuproductif tunisien est l’impératif d’augmentation de la productivité, pour pouvoir atteindredurablement des taux de croissance supérieurs à 5%. En dépit du fait que la Tunisie est, parmi lespays de la région MENA, l’un de ceux qui enregistrent les meilleurs taux de croissance, elle est loinde son potentiel. La productivité a certes augmenté sensiblement à la faveur de l’intégration accruede l’économie (Banque mondiale 2008a), mais le pays est en dessous de ce qu’il aurait pu être auvu de la stabilité de son économie, de la disponibilité de son capital humain et de sa proximité avecl’Europe.

2.17. La Figure 10 montre que la Tunisie a connu une rupture structurelle dans l’évolution de sa PTF(productivité totale des facteurs) dans les années 1990. À partir de 1995, les tarifs douaniers vis-à-vis de l’Union Européenne (UE) ont été progressivement démantelés dans le cadre de l’Accordd’Association (AA) entre la Tunisie et l’Union Européenne (UE) et en janvier 2008, les dispositionsde la zone de libre échange avec l’UE ont été appliquées dans leur intégralité pour les biensindustriels. Ces réformes, soutenues par des investissements antérieurs dans le capital humain etphysique ont effectivement entraîné une forte augmentation de la productivité (Banque mondiale,2008a). Alors qu’elle était légèrement négative dans les années 80, la croissance annuelle moyennede la PTF a été de 1,24 % dans les années 1990 et de 1,40 % entre 2000 et 2006.

2.18. La croissance de la PTF reste cependant inférieure à celle de pays comme la Corée et laMalaisie (Figure 15). Au cours des trois dernières décennies, la Corée a connu une croissanceéconomique remarquable grâce notamment à une croissance rapide la PTF. Dans les années 80, lacroissance de la PTF a atteint un niveau record, dépassant la barre des 4% de croissance annuelle 15.Il faudrait une croissance de la PTF supérieure à celle des années 2001-2006 pour rattraper laMalaisie, si cette dernière maintient son rythme de croissance sur cette période.

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(15) Les estimations de la part des salaires dans le revenu national pour la Corée proviennent de Golin (2001) tandis quecelles pour la Malaisie sont de Bernanke et Gu’rkaynak (2001).

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2.19. Quelle est la croissance de la PTF qui permettrait d’accroitre le PIB par tête suffisamment pourrattraper l’échelon inférieur des économies de l’OCDE en 2025 ? Pour répondre à cette question, laFigure 11 montre les projections du PIB par habitant en Tunisie pour les années 2007 à 2025, sur labase de différentes hypothèses relatives au taux de croissance de la PTF 16.

2.20. Manifestement, une croissance de la PTF comparable à celle des 10 dernières années(projection 1) ne permettra à la Tunisie d’atteindre qu’un PIB par habitant de 5126 dollars EUconstants en 2025, un taux inférieur à celui du Mexique en 2007. Une croissance soutenue du revenupar habitant passe par une croissance de la PTF de l’ordre de 3 % (réalisé par la Finlande sur lapériode 1996-2007), ce qui permettra alors à la Tunisie d’atteindre un PIB par habitant de 6502dollars EU en 2025 (2,5 fois le niveau de 2006). En d’autres termes, la Tunisie ne pourra rattraperl’échelon inférieur des économies de l’OCDE en 2025 que si la croissance de sa productivitérattrape celle des pays les plus performants au monde. La question suivante, abordée le long de cerapport, est de savoir quelles sont les options stratégiques et politiques qui seraient susceptiblesd’aider la Tunisie à réaliser une telle performance.

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(16) Pour toutes les 4 projections, le capital, la main-d’oeuvre et la population ont été considérés comme évoluant selonleurs taux de croissance moyenne de 1996-2006 pour la Tunisie, soit 3,61 % ; 2,97 % et 1,12 % respectivement.

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2.21. En conclusion, la transformation structurelle est non seulement nécessaire pour résoudre lechômage, mais également pour atteindre un palier de croissance supérieur. Malgré l’existence d’unexcellent niveau d’expertise et de know-how industriel dans le pays, les secteurs traditionnelsd’exportation (textiles-habillement, fabrication électrique et électronique, tourisme) génèrent unevaleur ajoutée faible du fait notamment de leur spécialisation (assemblage/ domination d’untourisme balnéaire à prix faible). La contribution à la croissance de ces secteurs ne peut être dopéesignificativement que s’ils montent en gamme et dépassent progressivement l’assemblage pourintégrer le design, la conception et le marketing, augmentant ainsi la valeur ajoutée. Ce qui exigel’emploi d’une main d’oeuvre qualifiée et, dans bien des cas, la pénétration de nouveaux marchés.

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3. RENFORCER LA STRATEGIE ETLE SYSTEME D’INNOVATION

3.1. L’accélération du rythme de croissance de la productivité de l’économie tunisienne exige uneamélioration de la stratégie et du système d’innovation et un approfondissement de l’intégrationmondiale de l’économie. Ce chapitre examine l’effort d’innovation en Tunisie, la performanceen matière d’innovation, les défis à relever, l’expérience internationale et les options de réformes.Le chapitre 4 examine à son tour les options de réformes pouvant permettre d’accroitre davantagela contribution de l’intégration à l’innovation et à la hausse de la productivité.

INNOVATION : CONCEPT ET DETERMINANTS

3.2. De façon pratique, nous considérons comme innovation toute activité consistant à produire denouveaux produits, à concevoir de nouveaux processus de production, à pénétrer de nouveauxmarchés et à créer de nouvelles industries (définition Schumpetérienne). Cette définition large duconcept d’innovation recouvre deux types d’activités. La première activité d’innovation est lacréation d’une technologique nouvelle du point de vue du monde. Cette activité est souvent le faitde grandes multinationales ou de petites firmes très créatives opérant à la frontière de la technologie.La deuxième activité d’innovation est l’adoption ou l’adaptation technologique. Elle peut prendrela forme d’une amélioration locale d’une technologie disponible mondialement ou nationalement oula mise en place d’industries compétitives nouvelles basée sur l’adoption ou l’adaptation detechnologies existantes. L’adoption ou l’adaptation sont à la portée de toute entreprise, y compriscelles opérant bien en dessous de la frontière technologie mondiale.

3.3. L’innovation est un phénomène complexe et à facettes multiples. De nombreux facteursinterviennent dans la mise en place d’une capacité d’innovation (système d’innovation) et affectentla performance en matière d’innovation. Un système d’innovation est constitué d’un réseaud’institutions, de règles et de procédures qui déterminent la capacité à créer, acquérir, diffuser etutiliser la connaissance (Fan and Zeng 2009). Les acteurs clés du système incluent les centrespublics et privés de recherche, les centres techniques, les universités, les entreprises, les structurespubliques de conception stratégique et d’appui, les technopôles, etc. La performance du systèmedépend dans une large mesure de la qualité de l’interaction entre ces différentes entités, chacunedevant apporter une valeur ajoutée pour que le système dans son ensemble crée des conditionsfavorables à l’innovation.

3.4. A part l’ouverture économique, qui est un préalable à toute innovation, les principauxdéterminants de l’innovation varient d’un pays à l’autre. Un certain nombre de facteurs communssont tout de même identifiés dans la littérature comme jouant un rôle certain dans la capacitéd’innovation d’un pays même si le contexte local détermine toujours le poids de chaque facteur. Cesfacteurs sont les ressources humaines en nombre et en qualité, l’investissement dans la R&D enqualité et efficacité, les investissements directs étrangers dans certaines conditions, la disponibilitéde mécanismes de valorisation et de diffusion du savoir, le degré de concurrence et la structure desmarchés (monopole, oligopole, concurrence), la protection des droits de propriété et les clustersindustriels.

3.5. Il convient de noter que la relation entre certains des facteurs ci-dessus et l’innovation estcomplexe et pas systématique. C’est le cas par exemple de la concurrence, de la protection de la

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propriété intellectuelle et des IDEs 17. Concernant la concurrence, il est admis que la décisiond’innovation au niveau de la firme dépend du profit supplémentaire attendu de l’innovation(comparaison de la situation avant et après innovation). Dans les secteurs ou sévit une forteconcurrence, l’incitation à l’innovation est forte car le surprofit avant innovation est faible ouinexistant. Pourtant, des études empiriques ont trouvé l’évidence d’une relation non-linéaire (sousforme de U-inversé) entre innovation et concurrence (Aghion and Griffith 2005, Blundell et al.2002). Lorsque l’intensité de la concurrence augmente, la tendance initiale qui consistait à innoverpour survivre peut s’estomper. Aussi, dans les cas ou l’effort d’innovation exige un cout en R&Dtrès élevé avec un résultat incertain, la concurrence peut ne pas aboutir à une innovation.

3.6. Concernant la protection des droits de propriété (PDP, sous forme de licence, de marquedéposée et de copyright), il y a un consensus qu’elle est importante pour l’innovation car fournissantune incitation et une motivation à l’investissement dans R&D. Toutefois, il a été démontré que si laprotection n’est pas bien structurée ou si la période de protection trop longue, la PDP peut nuire àla concurrence, à la diffusion des connaissances et à l’innovation. Un accès relativement aisé à unetechnologie essentielle est une condition nécessaire pour doper l’innovation en aval et ceci n’est paspossible si l’inventeur initial refuse l’accès aux innovateurs potentiels.

3.7. Enfin, en fonction de leur orientation, les IDE peuvent permettre d’enclencher unetransformation structurelle en introduisant de nouveaux produits ou de nouveaux procédéstechnologiques. Mais des IDEs élevés ne sont pas forcément synonymes de forte valeur ajoutée etde hausse de productivité (cas du Mexique et des Philippines par exemple). Les IDEs ont d’autantplus d’impact qu’ils vont dans des secteurs à haute valeur ajoutée, qu’ils participent aux activités deR&D dans le pays, que des capacités locales d’apprentissage et d’absorption existent et que lessecteurs économiques ne sont pas cloisonnés. Le développement de l’industrie électroménager, del’industrie des DVD, de la télévision et des téléphones mobiles en Chine en est une illustrationparfaite.

LE SYSTEME D’INNOVATION TUNISIEN : ATOUTS ET LIMITES

3.8. La Tunisie dispose d’un système complet d’innovation et de soutien technique aux entreprises,composé notamment d’un conseil supérieur pour la recherche scientifique et la technologie chargé dedéfinir les options des politiques, de nombreux centres de recherche (plus de 130 laboratoires derecherche et plus de 600 unités de recherche), de huit centres techniques sectoriels destinés à apporterun soutien technique aux entreprises, de parcs technologiques, de quatre pôles de compétitivité, d’uninstitut de normalisation et de propriété intellectuelle, d’une agence de promotion de la recherche, del’innovation et de la création d’entreprises, d’une agence de promotion de l’industrie, d’une agencede promotion des investissements agricoles, etc.

3.9. Ces institutions sont complétées par un certain nombre de programmes, notamment desprogrammes d’amélioration industrielle comme le programme de «mise à niveau» et le programmede modernisation industrielle (PMI) visant à soutenir l’investissement matériel et immatériel etl’amélioration des capacités organisationnelles, technologiques et de marketing. Des mesuresd’incitation à l’innovation sont également appliquées par le biais d’une prime à l’innovation géréepar le ministère de l’enseignement supérieur, de la science et de la technologie.

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(17) L’examen de la performance de la Tunisie par rapport aux deux premiers facteurs exige une analyse plus approfondieet n’est pas effectué dans le reste du chapitre.

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3.10. L’effort de la Tunisie en matière d’innovation peut être mesuré à l’aune de quelquesindicateurs clés, jugés pertinents en tant qu’inputs nécessaires à l’augmentation des capacitésd’innovation d’un pays. Ces indicateurs inclus les ressources humaines dans les sciences ettechnologie, l’investissement dans la R&D et la mise en place de structures permettant de diffuserla connaissance comme les technopôles.

3.11. Ressources humaines en sciences et technologie. Les enquêtes d’entreprises dans le mondemontrent un lien direct entre la capacité d’innovation et la part des travailleurs qualifiés dans lesdomaines scientifiques et technologique. Le système éducatif de la Tunisie produit des diplômésuniversitaires (ISET, écoles d’ingénieurs, universités) en grands nombres. Dans les matièresgénérales, les sciences et l’ingénierie, le nombre de diplômés croit rapidement (Figure 17). Entermes de nombre de chercheurs en proportion de la population, la Tunisie se situe loin des pionniersde l’innovation mondiale (Finlande, Suède, Japon etc.) mais est au dessus de pays comme le Chili,la Chine et de la moyenne régionale (Figure 18).

3.12. Même si la disponibilité d’une masse élevée de chercheurs est un atout de taille, c’est la qualitéde la formation et la motivation des chercheurs et l’utilisation effective des talents (notamment parle secteur privé) qui comptent pour l’innovation. Si une étude spécifique est nécessaire pour évaluerrigoureusement la qualité de la formation, il apparait clairement que la formation devrait êtrerapidement adaptée aux besoins des secteurs industriels émergents : électronique, aéronautique,plastiques techniques, etc. Ces secteurs non-traditionnels ont besoin de compétences en quantité eten qualité et, anticipant le développement de ces secteurs, un grand nombre d’ingénieurs et detechniciens devraient être formés dans ces domaines.

3.13. Les incitations individuelles/récompenses aux chercheurs sont également jugées insuffisantesrésultant en une motivation et un enthousiasme limités pour les travaux de recherche (Proceedingsof the National Days of Scientific Research and Technological Innovation 2007). Encouragerdavantage les chercheurs des institutions publiques à mettre une partie de leur temps directement àdisposition du secteur privé contre rémunération (une partie de leurs gains revenant au centre derecherche) serait utile.

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3.14. L’investissement dans la recherche-développement. L’innovation requiert des dépenses enrecherche-développement par le gouvernement et le secteur privé. Tous les pays champions dansl’innovation (e.g. Finlande, la Suède, le Japon, Danemark, les USA, la Corée) investissent dessommes importantes dans la R&D au niveau public et privé (Figure 19). La Tunisie a investit 1.25%de son PIB dans la R&D en 2009, se situant au dessus du Maroc, du Chili et de la Turquie. Il estimportant de garder cependant à l’esprit la limite des comparaisons internationales de la R&D. Leclassement des dépenses entre ce qui est R&D et ce qui ne l’est pas n’est pas harmonisé à l’échelleinternationale.

3.15. Plus que le volume de dépense, c’est plutôt l’efficience et le contenu de la recherche qui sontcritiques en matière d’innovation. L’investissement public tunisien dans la recherche (au moins unepart importante de celui-ci) n’est pas clairement aligné sur les priorités de la stratégie industrielle,c’est-à-dire les créneaux industriels jugés stratégiques et porteurs de croissance et ayant des marchésdynamiques à l’échelle internationale. Il reste plutôt éparpillé sur un ensemble très large dedomaines scientifiques (ESTIME 2007). Il en résulte à la fois une production limitée de brevets dufait de la faiblesse des budgets (Figure 20) et une utilisation limitée des chercheurs par le secteurprivé. L’enquête récente de l’IEQ auprès des entreprises fait apparaître un degré significatif dediscordance entre la recherche et la production. En effet, 40 % des entreprises déclarent avoir investien recherche et développement 18. Cependant, seulement 15 % d’entre elles collaborent avec desuniversités et des centres de recherche ou l’essentiel des chercheurs travaillent.

3.16. La relative déconnection entre les centres de recherche et les entreprises est manifestement unobstacle pour l’innovation. Elle est liée en partie à la structure de production manufacturière encoredominée par l’assemblage qui laisse moins de place à l’innovation et à l’absence d’un alignementnet entre le contenu de la recherche et les besoins du secteur privé dans les secteurs de pointeémergents (industrie électronique, automobile, aéronautique, plastiques techniques, etc.). L’un desobjectifs de la nouvelle stratégie industrielle à l’horizon 2016 est justement de renforcer cetalignement ainsi que le partenariat public-privé.

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18 La distribution sectorielle des réponses est la suivante : 55 % pour l’industrie agroalimentaire, 48 % pour l’industrietextile et de la confection, 43 % pour l’industrie chimique, 37 % pour les matériaux de construction, 30 % pourl’ingénierie mécanique et électrique et 28 % pour les «autres» industries (IEQ 2006b).

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3.17. Les investissements directs étrangers. En fonction de leur orientation, les IDE peuventbooster l’innovation, la productivité et la croissance en introduisant de nouveaux produits ou denouveaux procédés technologiques. Mais des IDEs élevés ne sont pas forcément synonymes de fortevaleur ajoutée et de hausse de productivité (cas des Philippines par exemple). Les IDEs ont d’autantplus d’impact qu’ils vont dans des secteurs à haute valeur ajoutée, qu’ils participent aux activités deR&D dans le pays, que des capacités locales d’apprentissage et d’absorption existent et que lessecteurs économiques d’exportation ne sont pas déconnectés du reste de l’économie. Ledéveloppement de l’industrie électroménager, de l’industrie des DVD, de la télévision et destéléphones mobiles en Chine en est une illustration parfaite.

3.18. La Tunisie est déjà un site très attractif pour les IDE. L’objectif est maintenant d’orienterdavantage ces derniers vers les secteurs à haute technologie. Sur la période 2000-2007, les flux netsd’IDE ont représenté en moyenne de 3% du PIB contre 2.1% pour la moyenne régionale. Toutefois,plus de 50% des IDEs dans le secteur manufacturier sont investis dans les industries textile-habillement-cuir et la manufacture électrique et mécanique. L’industrie chimique et les industriesdiverses attirent relativement moins d’IDE. Sous l’angle innovation, la Tunisie gagnerait à attirerdavantage d’IDE dans les secteurs à haute valeur ajoutée. C’est la politique actuelle pilotée parl’agence de promotion des investissements étrangers. Le succès de la promotion dépend cependantdu renforcement du système d’innovation discuté ci-dessus, surtout son volet réduction des gaps decompétence (Figure 22).

3.19. Les pôles technologiques et de compétitivité. L’effort d’innovation de la Tunisie est évidentdans l’investissement constant que le pays consent dans le domaine des pôles technologiques depuisquelques années. L’objectif est de créer une dynamique d’innovation et de développementtechnologique à travers l’intégration de la recherche, de la production et des compétences autourd’une spécialité ou d’un ensemble de spécialités dans une région donnée. En favorisant unevalorisation directe des résultats de la recherche, il est anticipé que le pôle technologique sera unoutil important d’incubation et de création d’entreprises innovantes dans les secteurs industriels(textiles, agroalimentaire, mécanique et électronique), le secteur des TIC, le domaine dudéveloppement durable (eau, énergie, environnement), l’agriculture et la santé. L’investissementdéjà consentit est non négligeable et en 2009, on dénombre 7 technopoles crées à travers le pays.

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Le succès du technopole d’El Ghazala, spécialisé dans les technologies de la communication, estencourageant. En fin 2008, 65 entreprises, employant 1445 employés dont 95% sont des cadressupérieurs, y opéraient.

3.20. Les technopoles tunisiens sont composés des éléments suivants : (i) un centre regroupant desmoyens techniques et des compétences spécifiques (Centre de Ressources Technologiques) destinéà apporter aux entreprises des services, prestations et fournitures technologiques pour la réalisationde leurs activités d’innovation ; (ii) une Pépinière d’entreprises pour héberger et assister lescréateurs d’entreprises ; (iii) des Ateliers relais (avec les bâtiments aménagés) destinés à la locationpour abriter les entreprises ou les projets innovants ; (iv) des espaces aménagés, mis à la dispositiondes entreprises qui peuvent y édifier des locaux industriels. Les terrains aménagés sont cédés auxentreprises pour un bail longue durée ; (v) des institutions d’enseignement et de formation (Ecoled’Ingénieurs, Institutions d’enseignement universitaire et de formation professionnelle) ; (vi) desunités de recherche, dédiées à la R&D dans le domaine sectoriel du Technopole et (vii) un Centrede vie qui abrite les locaux administratifs de la société du pôle de compétitivité ainsi que les locauxpour les services au personnel et les visiteurs.

3.21. Les CRT des technopoles sont des canaux potentiels importants d’innovation à conditionqu’ils réussissent à jouer un rôle crucial de coordination avec les centres techniques (des structuresd’appui technique aux entreprises industrielles sous forme d’assistance technique, de formation,d’expertise et de services et prestations divers (essais de laboratoires, études), les écolesd’ingénieurs et les institutions de recherche externes. Cela exige de leur doter des moyens humainset matériels plus importants.

3.22. De manière générale, les clusters industriels ont aidé certains pays à intégrer enseignementsupérieur, recherche et production permettant ainsi innovation, adaptation des technologiesétrangères et diffusion technologique par externalités (e.g. Silicon Valley aux USA) mais n’ont pasdonné les résultats escomptés dans d’autres. L’expérience internationale indique que les clustersmarchent lorsque le processus de production est décomposable en plusieurs segmentsinterdépendants, le produit facilement transportable, l’environnement favorable avec une forteculture entrepreneuriale, l’existence d’un pool de main d’oeuvre très qualifiée et un climatd’investissement favorable. Pour des raisons techniques (process de production décomposable etproduit transportable facilement), il n’est pas possible de créer un technopole pour tous les produitset dans toutes les régions. Il est important d’en tenir compte dans le processus de déploiement detechnopoles à travers le pays.

3.23. Bureau de transfert de technologie. Il existe quelques vides importants dans l’appui àl’invention à la commercialisation des résultats de la recherche. Par exemple, aucune institution nesemble aujourd’hui jouer le rôle de Bureau de transfert de technologie (BTT). Le BTT est le pointde contact primaire pour les compagnies et les autres organisations qui souhaitent acquérir destechnologies et se servir de l’expertise et des facilités des structures de recherches aux termes d’uneentente de collaboration ou une entente d’octroi de licence.

LES LEÇONS DE L’EXPERIENCE INTERNATIONALE

3.24. L’expérience de nombreux pays en développement peut être utile dans le raffinement de lastratégie d’innovation de la Tunisie. Le rapport de la Banque mondiale sur le développementtechnologique (2008c) pointe sur quelques leçons générales importantes :

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• L’ouverture, la mobilité internationale des talents et l’achat de technologies. Le rapportindique que les progrès récemment accomplis en matière de diffusion technologique dansles pays en développement reflètent une exposition accrue aux technologies étrangères. Enpourcentage du PIB, les importations de produits de haute technologie ainsi que les apportsd’investissement direct étranger dans ce domaine ont doublé depuis le début des années 90.L’essor des contacts en matière commerciale et d’investissement avec les pays à revenuélevé, facilité dans bien des cas par les groupes de migrants, a été essentiel au progrèstechnologique dans les pays en développement (Banque mondiale 2008c).

• La diffusion technologique au sein des pays mêmes telle que influencée par les servicesbackbone (télécom, transport, etc.). Le faible niveau de diffusion des technologies au seindes pays restreint, dans bien des cas, leur niveau de progrès technologique global. Dans despays comme le Brésil, l’Inde ou la Chine, par exemple, des entreprises de pointefonctionnent sur ce qui se fait de mieux dans le monde au plan technologique, tandis que laplupart des entreprises de ces pays fonctionnent à moins d’un cinquième du niveau deproductivité optimal. En Inde, par exemple, le secteur des services qui s’est développé grâceà l’informatique en milieu urbain emploie ce qui se fait de mieux au monde en matière detechnologies ; par contre, moins de 10 % des ménages en milieu rural avaient accès autéléphone en 2007. Des gains importants peuvent être réalisés par une plus grande diffusiontechnologique au sein des pays (Banque mondiale 2008c).

3.25. Une autre analyse, plus spécifique, examine la manière par laquelle des pays émergents ont puutiliser l’adaptation technologique pour hisser des secteurs spécifiques parmi les plus avancés auplan mondial. (Banque mondiale 2007). Il s’agit (a) de l’industrie de logiciel indien qui a cru à unrythme annuel supérieur à 30% ces dix dernières années et qui maintenant assure plus de 6% del’outsourcing informatique mondial ; (b) de l’industrie électronique taïwanaise qui satisfaitmaintenant 6% des besoins mondiaux en semi-conducteurs ; (c) l’industrie électroniqueMalaisienne qui est devenue l’un des plus grands exportateurs mondiaux fournissant semi-conducteurs, équipement électriques et appareils électroménagers ; (d) l’industrie Malaisienned’huile de palme devenue un leader mondial en huile et graisse après plus de 30 ans d’exportationde produits non transformés / non conditionnés ; (e) l’industrie chilienne de saumon, devenue latroisième au monde avec 35% de part de marché contre 1.5% en 1987 ; (f) l’industrie chilienne devin devenue le cinquième mondial et (g) l’industrie kenyane de fleur coupée devenue la troisièmemondiale et le premier exportateur en Europe. Bien que l’expérience de chaque pays soit unique,quatre facteurs communs se retrouvent dans tous les cas étudiés :

• Une vision politique claire et un soutien gouvernemental fort. Pour des raisonsdifférentes (souci de transformer la structure de l’économie, hausse du revenu des paysans,besoin de réserves de change, etc.), les gouvernements de ces pays ont fortement valorisél’apprentissage technologique perçu comme une manière d’augmenter la valeur ajoutéedans les secteurs en question. Dans la plupart des cas (particulièrement au Chili et enMalaisie), les secteurs appuyés étaient des le début une partie importante d’une visionnationale de transformation industrielle. Dans d’autres cas, l’engagement politique enfaveur du secteur s’est affirmé des que son potentiel a été mis à nu.

• Un appui dirigé vers les secteurs performants. A l’exception de l’électronique à Taiwan,du saumon au Chili et de l’huile de palme en Malaisie, les gouvernements n’ont pas«choisi» les industries qui se sont développés plus tard. Ils ont plutôt accompagné dessecteurs émergents dont le potentiel ne faisait aucun doute. Le gouvernement Chilien asoutenu tout le secteur horticole du pays, mais a appuyé davantage le secteur viticole

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lorsqu’il a constaté que celui-ci se développait plus rapidement. A l’intérieur du secteurappuyé (exemple, vin), l’Etat a apporté un soutien identique à tous les acteurs et s’estabstenu de perturber la discipline du marché (par exemple en laissant les moins bons sortirdu marché naturellement).

• Un rôle facilitateur du gouvernement. Dans la plupart des cas, le secteur privé a joué unrôle initiateur et le gouvernement un rôle facilitateur, en aidant à diffuser les nouvellestechnologies. Dans certains cas, le rôle du gouvernement a été plus marqué (électronique àTaiwan et saumon au Chili) mais les structures publiques qui ont donné l’impulsion ont étéprivatisées aussitôt qu’elles sont devenues viables, commercialement. Le rôle dugouvernement s’est alors transformé d’incubateur en facilitateur de clustering, régulateur,coordinateur, etc.

• Un respect des droits de propriété et des réglementations. Sans exception, les droits depropriété ont été respecté partout et ont joué un rôle important pour attirer des multinationalesopérant avec de nouvelles technologies ou des firmes nationales cherchant à adapter cesnouvelles technologies pour produire des produits exportables de meilleure qualité.

3.26. L’expérience des pays développés peut également apporter certains enseignements en matièrede stratégie d’innovation et de développement technologique. Une observation importante est quedifférents pays ont mis l’accent sur différents moteurs d’innovation, en fonction du contexte et descapacités du pays en question, et n’ont pas tenté de tout faire d’emblée. Ainsi, des pays comme laFinlande et la Suède, opérant dans de nombreux secteurs à la frontière technologique mondiale, sesont basés, dans une grande mesure, sur la recherche et le développement et la formation. L’Italie etl’Espagne ont atteint rapidement des niveaux technologiques et de revenus élevés grâce aux IDE etaux retombées des transferts technologiques provenant de l’UE. En Espagne, le système des centrestechniques a également joué un rôle essentiel dans le renforcement de la capacité des PME par le biaisdu regroupement, de l’organisation en réseaux et coopératives. Au Japon et en Corée, les exportationset la concurrence internationale ont suscité une forte demande d’innovation dans le pays et lesactivités de recherche et développement ont suivi massivement. Enfin, la Nouvelle Zélande s’est axéevers le mentorat des entreprises, la politique concurrentielle et les exportations.

LES OPTIONS STRATEGIQUES

Adopter une stratégie réaliste et équilibrée en matière d’innovation

3.27. Le renforcement du système d’innovation est nécessaire pour permettre aux entreprisestunisiennes de monter en gamme et de maintenir leur compétitivité. Les PME tunisiennes, qui pourla plupart sont compétitives sans forcément innover, vont devoir dans les années à venir innover oufaire face à des difficultés de survie sur un marché ouvert à la compétition. En même temps, cettestratégie permettrait d’absorber la main d’oeuvre formée quantitativement plus abondante que dansles années 1970s et d’accélération la transformation structurelle de l’économie. Le nécessairerenforcement du système d’innovation passe par l’adoption d’un concept d’innovation équilibré etadapté, une plus grande efficience et effectivité des dépenses en recherche et développement et unrenforcement des compétences et des outils de financement.

3.28. L’innovation n’est pas seulement la création de nouvelles technologies, elle est aussil’adoption et l’adaptation de technologies créées ailleurs. L’économie tunisienne, à l’image de cellesde la plupart des pays émergents, est formée dans chaque secteur productif d’une combinaison de

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quelques entreprises de moyenne et grande taille, opérant près ou sur la frontière de technologiemondiale et d’une grande majorité de firmes de petite et moyenne taille, avec des capacités decréation technologique limitées. L’adoption et l’adaptation technologique sont donc les optionspertinentes pour la plupart des firmes tunisiennes.

3.29. Ainsi, seule une conception large de la notion d’innovation, intégrant les possibilités de lamajorité des firmes, peut produire des effets transformatifs dans le pays. Le concept d’innovationéquilibré est celui qui inclut non seulement la création de nouvelles technologies mais aussil’adoption et l’adaptation de technologies inventées ailleurs. Cette considération stratégique estimportante, car les politiques découlant de différentes définitions de l’innovation sontdifférentes. Si l’objectif est aussi d’aider la majorité des firmes dans tous les secteurs à monter engamme technologique alors l’accent doit être également mis sur l’adoption et l’adaptation. Cetteapproche est parfaitement compatible avec la promotion de secteurs considérés comme stratégiquesou à (re) positionner qui bénéficieraient en plus d’un appui ciblé.

Améliorer l’efficience et l’effectivité du système d’innovation

3.30. Le rendement à l’investissement public dans la recherche-développement en termesd’innovation concrète est faible en Tunisie à cause de nombreuses contraintes qui réduisentl’efficacité de l’effort public. L’investissement public le plus important est la R&D, un bien publicdont les externalités positives pour la société dépassent le cadre de la firme. Les travaux de Romer(1990), Grossman et Helpman (1991) et Aghion et Howitt (1992) entre autres ont démontré depuislongtemps le rôle crucial de la R&D sur la croissance de la productivité. Le soutien et la subventionde l’Etat sont donc cruciaux.

3.31. La Tunisie a investit l’équivalent de 1.25% de son PIB dans la R&D en 2009 et le nombre dechercheurs (mesuré en termes bruts) pour chaque million de population y est supérieur à la moyennerégionale. L’effort de l’Etat se mesure aussi par le nombre important de programmes d’appui à larecherche et à l’innovation 19. Cependant les résultats en matière de brevets et d’utilisation concrètedes résultats de la recherche par les entreprises sont faibles même si on note une augmentation cesdernières années. En 2008, le nombre de brevets déposés internationalement étaient de 26 au total,dont 10 aux USA (contre 2 en 2006), 4 en France et 4 à l’office Européen des brevets. Cela resteinferieur à la moyenne régionale. De nombreuses contraintes réduisent en effet l’efficacité etl’efficience du système :

• Certains programmes d’appui à l’innovation ont des mandats et des modes d’opérationsemblables (tels que la prime d’innovation et la mise à niveau), ce qui implique que certainsdes fonds alloués sont largement sous-utilisés (ex. la prime d’innovation). Ceci crée dugaspillage et de l’inefficacité. Un inventaire exhaustif et critique des programmes s’avèrenécessaire afin de rationaliser le système. Les fonds sous-utilisés peuvent être éliminésou fusionnés avec d’autres et toute introduction de nouveau programme gagnerait à êtreassortie d’un système de monitoring et évaluation. Ces réformes rendraient le systèmed’incitation plus lisible et plus efficace ;

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(19) De nombreux centres de recherche (plus de 130 laboratoires de recherche et plus de 600 unités de recherche), descentres techniques, des technopoles, un institut de normalisation et de propriété intellectuelle, une agence depromotion de la recherche, de l’innovation et de la création d’entreprises, une agence de promotion de l’industrie,une agence de promotion des investissements agricoles, de programmes de modernisation et de mise à niveau, desincitations à l’innovation sous la forme de primes d’investissement, etc.

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• Les dépenses en matière de R&D sont éclatées sur un ensemble très large de thématiques etd’institutions (ESTIME 2007). Le lien entre dépense (montant et allocation sectorielle et entreles structures correspondantes) et l’objectif stratégique recherché n’est pas clair. Unalignement fort devrait être recherché dans l’allocation des budgets de recherche entre lecontenu de la recherche, la nouvelle stratégie industrielle du pays et d’autres objectifsstratégiques (exemple dans le domaine de l’énergie, de la gestion de l’eau, de l’agriculture oude la santé). En d’autres termes, les secteurs et thématiques considérés comme hautementstratégiques devraient bénéficier d’un apport proportionnellement plus conséquent demoyens pour effectuer de la R&D dans de meilleures conditions. Enfin, l’identification ducontenu de la recherche pourrait également davantage associer le secteur privé.

• La collaboration directe entre la recherche publique et le secteur privé est très limitée. Troisfacteurs expliquent cela : (i) la faible demande émanant du secteur privé reflétant unespécialisation vers des créneaux à faible valeur ajoutée et la sous-traitance dans denombreux secteurs ; (ii) l’inadéquation entre les thématiques de recherche et les besoins desentreprises et (iii) les procédures bureaucratiques complexes qui encadrent la collaborationentre le public et le privé. Alors que la demande du secteur privé augmentera avec lamontée en gamme technologique des secteurs productifs et se matérialisera au cours dutemps, à court terme, les deux autres facteurs de blocage peuvent être levés. Lesprocédures bureaucratiques peuvent être simplifiées tandis qu’une meilleure adéquationentre recherche et besoin du privé peut être obtenu en faisant jouer un rôle plus actifd’interface au Conseil Supérieur de la Recherche et aux associations du secteur privé.

Adapter la formation et développer davantage les compétences

3.32. La capacité à innover dépend très fortement du capital humain disponible. Pour la Tunisie, ledéfi de la réduction des gaps de compétence est triple. A court terme, il s’agit d’ajuster la formationpour coller davantage aux profils demandés par les entreprises. A moyen terme, il s’agit de rendrele système éducatif suffisamment flexible et autonome pour répondre rapidement à la demande denouvelles compétences et de nouveaux métiers. Enfin, le marché du travail doit être capabled’allouer les meilleurs talents vers les meilleures utilisations, par une fonction d’intermédiationefficace et une mobilité effective des compétences entre secteurs.

3.33. Malgré la production massive de diplômés du supérieur, les entreprises tunisiennes sedébattent souvent pour trouver de bons spécialistes financiers, des experts en communication, desingénieurs en TIC spécialisés ou des techniciens supérieurs dans certains domaines pour lesaccompagner dans leur développement. Selon l’enquête IEQ de 2008 sur les entreprises, «plus de60 % des entreprises prétendent être limitées dans leur expansion parce que l’ingénierie, lestechniciens ou de profils d’ouvriers qualifiés recherchés ne sont pas disponibles». Il serait indiquéde mieux adapter les programmes et leur contenu vers l’acquisition d’un savoir pouvant setransformer en savoir-faire. En outre, il est nécessaire de rendre toute sa valeur aux travauxpratiques dans toutes les disciplines et de rapprocher leur contenu à la réalité professionnelle.

3.34. Aujourd’hui, les universités ont encore de faibles marges de manoeuvre en matière de gestion,car les procédures en matière de recrutement du personnel et de gestion budgétaire demeurentcentralisées. Une plus grande autonomie et flexibilité système éducatif est cependant actuellementrecherchée par les réformes en cours. Les pouvoirs publics ont lancé une réforme en vue derenforcer l’autonomie des universités et d’adopter le système LMD (Licence-Maîtrise-Doctorat). Lanouvelle loi stipule que les universités vont pouvoir compétir pour un financement privé de projets ;

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L’objectif est également de combiner l’apprentissage dans les universités et dans les entreprises etd’augmenter le temps alloué aux NTIC, à l’esprit d’entreprise et à l’anglais. La réforme est en coursde mise en oeuvre. Son application efficace sera déterminante.

3.35. Par ailleurs, l’environnement des entreprises est d’autant plus propice à l’innovation que lemarché du travail est capable d’allouer les meilleurs talents vers les meilleures utilisations, par uneintermédiation efficace et une mobilité effective des compétences. La règlementation du travailaccorde à l’employeur une flexibilité totale dans le recrutement et le licenciement pendant 4 ans.Une fois cette période passée, les procédures de licenciement deviennent longues et complexes. Al’examen des données d’enquête entreprises cependant, il semble que le souci légitime dulégislateur de sécuriser l’emploi est contrarié par le comportement des acteurs face à ceslégislations. En effet, un grand nombre d’entreprises offrent des contrats à court terme uniquement(et parfois sans contrat formel), rendant l’emploi précaire pour un grand nombre de personnes.Autrement dit, une réforme allant dans le sens d’une plus grande flexibilité encouragerait laformalité et permettrait aux chefs d’entreprises d’acquérir rapidement des talents ou qu’ils setrouvent. En ce qui concerne l’intermédiation, le gouvernement a initié une réforme del’ANETI, l’agence publique d’intermédiation pour accroitre ses capacités à collecter, traiter etdiffuser l’information sur les offres et demandes de travail existantes, de manière à réduire lesasymétries d’information. La formalisation de l’ouverture de l’intermédiation au secteur privé etaux structures associatives est envisagée par les autorités.

Renforcer le financement de l’innovation

3.36. Le rôle du secteur financier dans l’accompagnement des efforts d’innovation des entreprisesest crucial à plus d’un titre. Les fonds d’amorçage et de capital-risque jouent en particulier un rôleprimordial en accompagnant les promoteurs innovants par un apport en fonds propres dans lesphases de développement des produits et procédés. Pour sa part, le marché financier (bourse) peutjouer un rôle utile dans la phase de mise sur le marché des nouveaux produits, services ou procédéscréés ainsi qu’en assurant une plus grande liquidité des transactions du capital-risque.

3.37. Le capital-risque participe encore peu aux financements des investissements innovants enTunisie. Les SICARs qui ont été créées pour développer le capital-risque ont surtout concentré leursinterventions sur la création d’entreprises dans des zones de développement régional et nereprésentent que 1,2% des financements du secteur financier. La quasi-totalité des opérations derétrocession des participations au capital s’effectuent au profit du promoteur initial du projet sousforme de contrats de portage qui peuvent être assimilés à des opérations de crédit. Ce type definancement n’est pas adapté à une entreprise qui cherche à innover et qui, au lieu d’avoir unpartenaire qui prend un risque et lui fournit du fond propre, lui octroie un quasi-endettementbancaire.

3.38. Pour donner une impulsion au capital-investissement, la Loi des Finances 2009 a permisréformer le cadre juridique des SICARs pour encourager la prise de risque et l’investissement dansles régions. Cependant, des réformes supplémentaires sont nécessaires :

• Une autre révision du cadre juridique et fiscal du capital-risque est nécessaire. Enparticulier, le cadre juridique pourrait être unifié en transformant les SICAR en sociétésde gestion de fonds sous le contrôle du CMF. La reconfiguration du secteur devraits’accompagner de l’adoption des règles comptables internationales relatives au capitalrisque ;

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• Il existe quelques vides importants dans l’appui à l’invention à la commercialisation desrésultats de la recherche. Par exemple, aucune institution ne semble aujourd’hui jouerle rôle de Bureau de transfert de technologie (BTT). Le BTT est le point de contactprimaire pour les compagnies et les autres organisations qui souhaitent acquérir destechnologies et se servir de l’expertise et des facilités des structures de recherches auxtermes d’une entente de collaboration ou une entente d’octroi de licence ;

• Il pourrait être envisagée la création d’un fonds à capitaux publics qui pourrait participer àdes fonds de capital-risque aux cotés de partenaires privés dans des activités considéréescomme fortement risquées tels que l’amorçage et la création d’entreprises innovantes dansdes secteurs à haute valeur ajoutée ou la Tunisie a un potentiel important.

• Il convient enfin de renforcer la profondeur et la liquidité de la bourse (pour faciliter/diversifier les sorties). Pour accroitre la profondeur de la bourse, une mesure phare estd’accroitre la proportion d’entreprises publiques privatisées via la bourse.

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4. APPROFONDIR L’INTEGRATION DE L’ECONOMIE

4.1. De nos jours, l’innovation, définie comme création, adoption et adaptation de nouvellestechnologies et l’intégration mondiale sont les deux faces d’une même monnaie. Pour un payscomme la Tunisie, l’intégration globale est un facteur puissant de progrès technique et de hausse dela productivité. A travers la pénétration de nouveaux marchés, la pression concurrentielle qui inciteles entreprises à innover, l’accès plus aisé aux équipements à contenu technologique élevé et lesIDEs, l’intégration permet d’accroitre la productivité et d’accélérer la transformation du systèmeproductif.

4.2. Ce chapitre montre que l’intégration a déjà grandement contribué à la hausse de la productivitéet de la croissance en Tunisie. Pourtant, la Tunisie est encore loin d’avoir exploité tous les bénéficesattendus d’une intégration plus poussée. D’abord, l’énorme potentiel de croissance à tirer d’uneintégration plus poussée avec les pays de la région MENA, de l’Afrique Sub-saharienne et dans lesservices, reste largement inexploité. Ensuite, l’agenda de réduction des barrières tarifaires et non-tarifaire est inachevé. Enfin, l’ouverture maîtrisée du compte capital, annoncée par les autorités, estporteuse d’opportunités pour l’internationalisation des firmes tunisiennes et la conquête denouveaux marchés.

4.3. Ce chapitre couvre ces points essentiels. Avant cela, il discute des liens étroits entre intégrationet productivité en Tunisie.

INTEGRATION ET PRODUCTIVITE EN TUNISIE

4.4. Par des canaux divers (pression concurrentielle, mise à niveau, importation d’équipements àfort contenu de technologie et de connaissance, IDE, etc.), l’intégration mondiale de l’économietunisienne depuis le milieu des années 90s a contribué à la hausse de la productivité et à lacroissance (voir Banque mondiale 2008a). Les figures ci-dessous montrent clairement quel’intégration de l’économie a permis un renversement positif de la tendance de la productivitéglobale des facteurs.

4.5. La Figure 23 décompose la croissance économique tunisienne selon les facteurs traditionnelsde production, le capital et la main-d’oeuvre et la productivité totale des facteurs sur la période 1980à 2006. La Figure 24 décompose la croissance selon les mêmes facteurs mais pour la période de1995 à 2006 uniquement. L’examen de ces deux figures montre clairement que le milieu des années1990s représente une rupture, car c’est les années où la productivité a commencé à jouer un rôledéterminant dans la croissance tunisienne, par rapport aux autres facteurs traditionnels. Celaexplique pourquoi la croissance s’est maintenue à un niveau proche de 5% par an de 1995 à 2006malgré la faiblesse relative des investissements privés locaux.

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4.6. L’apport de l’ouverture à la productivité peut aussi être mis en évidence sur le planmicroéconomique. Au niveau de la firme, la productivité peut augmenter du fait de l’adoption denouvelles technologies (progrès technologique) ou en utilisant une même technologie et desquantités d’intrants de manière plus efficiente (efficience technique). Une analyse de l’évolutiondécomposée de la productivité des différents secteurs manufacturiers sur la période 2000-2005montre le résultat suivant : i) la croissance de la productivité est principalement expliquée par leprogrès technique, c’est-à-dire par un déplacement vers le haut de la frontière technologique et, enmême temps, ii) l’écart par rapport à cette frontière est grandissante sur la période (pertesd’efficiences). La politique de mise à niveau semble avoir permis aux entreprises de renouveler oud’adopter des équipements et technologies nouvelles. Toutefois, un challenge demeurel’amélioration de l’efficience des firmes par une gestion plus optimale des ressources existantes.

Table 7 : Taux de croissance de la productivité totale, de l’efficienceet du progrès technique entre 2000 et 2005 (%)

Secteur/Sous-secteur PT** Efficience PTF*

Industries alimentaires et tabac 4,6 0,0 4,6

Industrie du textile, habillement et cuir 3,0 -4,5 -1,6

Industrie chimique, caoutchouc et des plastiques 2,4 -3,2 -0,8

Produits métalliques et électriques 2,1 -0,1 1,9

Matériaux de construction 4,5 -2,6 1,8

Autre industries 4,2 -5,5 -1,5

*PTF : Productivité Totale des Facteurs**PT : Progrès Technique

4.7. La mise en place de la zone de libre échange avec l’UE dans le cadre de l’accord d’associationa permis une augmentation croissante des IDEs, apportant à la Tunisie du capital et du know-howdécisifs pour participer aux réseaux de production mondiaux : de 2,2 % du PIB en 1996/00, les IDEsont passés à 2,6 % du PIB en 2002-05 et à 5 % du PIB en moyenne en 2006-2008. A causenotamment du secteur des IME (qui a connu une croissance des exportations à deux chiffres de 1997

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PENETRER DURABLEMENT DE NOUVEAUX MARCHES

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4.10. Le grand défi pour les entreprises tunisiennes est de pénétrer les nouveaux marchés en dehorsde l’UE de façon durable. Reflétant une plus grande diversité de l’activité productive, lesexportations de la Tunisie se sont graduellement diversifiées et ont atteint de nouveaux marchés àtravers le monde (voir graphique ci-dessous). Partant d’une base très faible (moins de 15% desexportations totales), la croissance des exportations tunisiennes est beaucoup plus forte surl’Afrique et les pays du MENA que vers l’Europe au cours des 10 dernières années. Cependant,l’analyse de la dynamique des exportations montre que le défi est la survie ou l’implantation durabledans les nouveaux marchés. Le taux de survie sur les nouveaux marchés est faible et la plupart desexportations sur les marchés nouveaux saisissent des opportunités ponctuelles.

Sources de l’augmentation des exportations

4.11. La Figure 28 révèle les sources de changement des exportations tunisiennes vers différentesparties du monde entre 1997 et 2007. Pour chacune des destinations d’exportation, nous distinguonsdiverses sources de changement dans les exportations : exportation de nouveaux produits vers desmarchés existants, exportation de nouveaux produits vers de nouveaux marchés, exportation deproduits existants vers de nouveaux marchés et exportations de produits existants vers des marchésexistants (ce qui est désigné sous le nom de marge intensive dans ces publications récentes) 20. Uneconclusion qui s’impose est que les entreprises tunisiennes ont été capables de s’introduire sur denouveaux marchés (pays où elles n’exportaient pas auparavant) dans toutes les régions du monde aucours des 10 dernières années mais pas de façon durable sur la plupart de ces marchés.

4.12. Dans la région de l’UE, l’augmentation des exportations entre 1997 et 2007 était dueprincipalement aux augmentations des exportations de produits existants vers les marchéstraditionnels situés en Europe (la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne). Toutefois, lesentreprises sont parvenues à expédier quelques nouveaux produits vers des marchés non-traditionnels situés en Europe (la Belgique et le Royaume-Uni).

4.13. La pénétration la plus importante de nouveaux marchés avec des produits existants a étéenregistrée en Afrique, en Asie et dans la région du MENA en ordre décroissant. De même,l’augmentation la plus importante des exportations de nouveaux produits vers de nouveaux marchésa été observée en Afrique et dans le Maghreb. Environ 90 % de l’augmentation des exportations versl’Afrique correspondait à une pénétration de nouveaux marchés. Cela indique que ces marchés sontconsidérés comme des terrains d’essai que les entreprises tunisiennes utilisent avant d’attaquer desmarchés plus exigeants en Europe, aux États-Unis et dans d’autres régions du monde.

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(20) Voir Brenton, Pierola et Von Uexkull (2009) et Brenton et Newfarmer (2009).

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4.14. Une analyse plus fine montre que la pénétration de nouveaux marchés dans la région du MENAa été la plus importante pour l’industrie agroalimentaire, l’ingénierie mécanique et l’industriechimique. Les exportations de nouveaux produits vers de nouveaux marchés en Afrique ont étéenregistrées uniquement dans les secteurs de l’ingénierie mécanique et de l’industrie agroalimentaire.Toutes les exportations vers les États-Unis concernaient la catégorie des produits existants.

Facteurs explicatifs de la difficulté d’exporter de nouveaux produits

4.15. Deux arguments principaux sont avancés dans la littérature pour expliquer les difficultés liéesà la mise sur le marché, par les pays en développement, de produits nouveaux. Pour certains auteurs,la raison principale est que les entreprises opérant dans ces pays ont tendance à sous-investir dansla découverte de nouveaux produits, étant donné que les pionniers potentiels sur les marchésd’exportation craignent que leurs rendements initialement élevés ne se voient réduits à la suite desnouvelles entrées postérieures de produits, ce qui les dissuade d’investir dans de nouveaux produits(Haussman et Rodrik 2003). Les implications au niveau des politiques de ce type d’argumentindiquent que les gouvernements doivent jouer un rôle primordial par l’intermédiaire de politiquesindustrielles destinées à stimuler la découverte de nouveaux produits. Klinger et Lederman (2004),par exemple, constatent que les politiques industrielles qui réduisent la menace de l’imitationpeuvent être mises en rapport avec une augmentation de la découverte et de la diversification.

4.16. Le deuxième argument, de nature différente, naît de l’observation selon laquelle, comme celasemble être le cas pour la Tunisie, le problème ne réside pas dans l’incapacité des entreprises àdécouvrir de nouveaux produits pour les exportations, mais plutôt dans leur incapacité à maintenirles activités d’exportation de façon durable dans le temps. Brenton, Pierola et Uexkull (2009), parexemple, constatent que les pays en développement ayant des revenus faibles obtiennent d’assezbons résultats dans la génération d’exportations de nouveaux produits, mais qu’une part élevée nesurvit pas à la phase de maturité. Par conséquent, la question consiste davantage à savoir commentréduire la disparition des activités d’exportation, plutôt que de savoir comment générer desexportations de nouveaux produits. Des politiques visant à réduire les frais fixes qu’implique la

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pénétration des marchés étrangers et les frais commerciaux variables (comme les taxes douanières,les frais de dédouanement, les coûts des évaluations de conformité aux normes et standards envigueur sur les marchés étrangers et les coûts de transport) contribueront à augmenter lesexportations bilatérales 21.

4.17. Pour la promotion des exportations, le gouvernement tunisien a créé plusieurs institutionschargées de promouvoir le commerce (CEPEX, FAMEX, PCFG, etc., voir Banque mondiale 2008apour une analyse exhaustive). Afin d’adapter et d’ajuster les institutions tunisiennes de promotioncommerciale au monde en évolution, l’expérience internationale peut offrir une orientation utile.Macario (2000), par exemple, a identifié les politiques responsables tant des réussites que deséchecs au Brésil, au Chili, en Colombie et au Mexique. Se basant sur ses entretiens avec desentreprises ayant réussi leur projet d’exportation, elle définit une série de principes pouvant guiderla politique des agences de promotion des exportations :

ces agences devraient s’adresser aux entreprises présentant de nouveaux produits ou auxentreprises qui pénètrent de nouveaux marchés;

elles devraient mettre l’accent sur le partage des coûts afin de garantir que les programmes sontutilisés exclusivement par les entreprises à vocation véritablement exportatrice;

l’aide devrait être allouée pendant une période de 2 à 3 ans au plus afin d’éviter qu’elle ne seconvertisse en une subvention permanente;

les programmes devraient être soumis à une évaluation externe; et

les agences sont plus efficaces lorsque leur direction combine le secteur public et le secteur privé.

Accentuer l’intégration avec les pays de la région MENA etAfrique Sub-saharienne

4.18. Un agenda de réforme à la fois unilatéral, bilatéral et plurilatéral (accords commerciaux) visantà réduire les coûts de pénétration des marchés contribueront à augmenter les exportationsbilatérales. Plus spécifiquement, la pénétration durable de nouveaux marchés dans la région MENA,en Afrique Sub-saharienne et au delà peut être déclenchée par les réformes suivantes :

• Réduire les barrières non-tarifaires dans un cadre régional car elles restreignent fortementl’intégration de la région MENA. En Tunisie, des progrès ont été enregistrés et ces barrières sontévaluées comme étant inférieures à ce qu’elles sont au Maroc et en Egypte en 2008. Cependant,elles restent largement plus importantes qu’en Turquie, Jordanie, Roumanie et Bulgarie ainsi quedans les pays émergents d’Asie et d’Amérique Latine. La Tunisie ayant l’un des tissuséconomiques les plus diversifiés et compétitifs de la région est potentiellement le plus grandgagnant d’une réduction régionale des barrières et pourrait non seulement réduire davantage sesbarrières non-tarifaires mais jouer un rôle proactif et pionnier pour la levée de ces dernières dansun cadre sous-régional (Union du Maghreb Arabe) et régional (Ligue Arabe).

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(21) Certaines des questions fondamentales discutées dans Brenton et Newfarmer (2009) méritent d’être soulignées pourdes analyses futures: (i) À quel moment du cycle d’exportation les entreprises décident-elles de chercher de nouveauxmarchés géographiques - à un moment où la croissance sur les marchés existants a commencé à diminuer ou à unephase précoce d’accélération ? Comment peut-on expliquer la proportion élevée de disparition des exportationsobservée dans de nombreux pays ? Comment faire pour mieux exploiter la marge intensive (exporter davantage versles marchés existants) - investir pour augmenter la qualité et la différenciation pendant la phase de maturité ou quelleautre solution ?

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• Œuvrer activement pour la signature d’un accord Open Skies (transport aérien) avec les paysde l’UE et de la Ligue Arabe. Un accord open skies a déjà été proposée par l’UE à la Tunisie.Néanmoins, comme discuté dans le rapport de la Banque mondiale sur l’intégration (Banquemondiale 2008a), un accord à ciel ouvert uniquement vis-à-vis de l’UE ne doterait pas laTunisie des moyens optimaux pour rentabiliser son propre réseau de services aériensinternationaux, et donc profiter pleinement des économies de coût issues des économies deréseau. Afin de maximiser les économies de réseau et d’échelle et de réduire substantiellementles prix, un accord de ciel ouvert avec les partenaires de la Tunisie faisant partie de la Liguearabe s’avérera également indispensable.

• Conclure des accords de libre échange (ALE) régionaux avec des entités régionales en Afriquesub-saharienne telles que l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et leCOMESA (Marché Commun d’Afrique orientale et Australe). Un ALE avec ces zones estindispensable pour réduire l’incertitude au sujet du régime tarifaire et d’investissement dupartenaire de la Tunisie et pour sécuriser davantage les transactions (les anciens accordsbilatéraux ne sont plus valables depuis la création de marchés communs par ces pays).L’UEMOA est une union économique et monétaire et un marché de 72 million d’habitantsayant connu un processus d’intégration très poussée avec une monnaie commune et desréglementations douanières et commerciales communes et stables. Le COMESA, qui inclutl’Egypte et la Libye, est un marché de 350 million d’habitants. De tels accords permettraientde stabiliser les conditions du commerce pour les operateurs économiques.

• Coordonner avec les partenaires bilatéraux de la sous-région et de l’Afrique Sub-sahariennela mise en place de liaisons maritimes directes. L’absence de liaison maritime directe avecl’Algérie, le Maroc et les pays d’Afrique Sub-saharienne constitue un handicap sérieux pour ledéveloppement du commerce régional. Encore une fois, la Tunisie, avec son tissu économiquediversifie devrait jouer un rôle proactif de promotion de cette politique dans un cadre bilatéralavec les pays concernés.

• Promouvoir la mise en place d’un système de financement du commerce avec les pays de larégion MENA et de l’Afrique sub-saharienne. Cela implique une ouverture de succursalesbancaires ou joint-ventures financiers avec ces régions ainsi que l’adaptation de laréglementation en matière de caution et de change. L’ouverture graduelle et maîtrisée ducompte capital va dans ce sens.

REDUCTION DES BARRIERES TARIFAIRES ET NON-TARIFAIRES

4.19. Des progrès importants ont été réalisés concernant les procédures de passage de la frontière aucours de ces dernières années. Les formalités douanières sont en train d’être rationalisées de manièreexhaustive dans l’optique d’une réduction du délai total d’attente pour l’enlèvement desmarchandises, de 9 jours en 2006 à 3 jours en 2009. Le régime tarifaire est également en cours desimplification. Le nombre de bandes tarifaires a été réduit par étapes de 54 en 2003 à 6 en 2008. Aucours de la même période, la moyenne simple des taux tarifaires relatifs à la clause de la nation laplus favorisée (NPF) a été réduite de plus de 9 points de pourcentage. Ces efforts de transition versun régime d’importation moins complexe et plus ouvert cadrent avec les développements dans larégion et dans le monde entier.

4.20. Et pourtant, la politique tarifaire de la Tunisie reste caractérisée par une distorsion et l’est sansdoute devenue encore plus avec la libéralisation préférentielle à l’égard de l’UE. Comme le montrela figure 29 ci-dessous, la moyenne des tarifs douaniers à l’importation hors régimes préférentiels

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(droit «Nation la Plus Favorisée») reste très élevée comparée aux moyennes mondiales et de cellesdu MENA. En outre, le passage au libre-échange avec l’Union européenne pour les produitsindustriels a creusé un écart important entre les droits auxquels sont soumises les importations enprovenance de l’UE et celles des pays tiers (figure 29). Dans les cas extrêmes, les importations enprovenance de pays tiers sont assujetties à des droits de 36 %, alors que les mêmes produits enprovenance de l’UE peuvent entrer sur le marché tunisien en franchise de droits.

Moyennes simples des lignes tarifaires du SH à 6 chiffres. Les calculs prennent en compte les droits de douance et lessurcharges. Source: Fonds Monétaire International et autorités nationales

4.21. La grande marge préférentielle accordée aux exportateurs de l’UE est de nature à favoriser desdéviations commerciales et une incitation aux activités illicites. Si des barrières élevées sontimposées au commerce extérieur, il y a un risque que le commerce soit détourné des paysproducteurs tiers à bas prix (par exemple, les fournisseurs indiens de produits pharmaceutiquesgénériques) vers les producteurs chers de l’UE (par exemple, les fournisseurs européens de produitspharmaceutiques de marque). L’écart tarifaire peut également favoriser la contrebande et la fraudesur les certificats d’origine. Afin d’éviter ou de maîtriser les pertes fiscales et économiques quis’ensuivent, le processus de réduction des droits de la NPF doit continuer et être renforcé dans lebut d’offrir aux opérateurs économiques un choix valable de fournisseurs nationaux ou étrangers,sur la base du prix et de la qualité du produit plutôt que sur des considérations de régimes douaniersparticuliers.

4.22. Les contraintes fiscales ne devraient pas constituer un obstacle majeur à la mise en oeuvred’autres réformes tarifaires au vu du peu d’importance des taxes d’origine commerciale pour lesfinances des pouvoirs publics. L’ajustement fiscal réalisé par la Tunisie a été remarquable (c’est undéfi encore énorme pour nombres de pays !), puisque la part des recettes des droits à l’importationsur le total des recettes fiscales a chuté de plus de 20 % en 1997 à moins de 10 % depuis 2007(Figure 30). En fait, à cause des accords préférentiels, des exemptions de droits et des mesuresincitatives pour l’investissement, les droits de douane moyens qui y sont associés sont de l’ordre de2,7 % en valeur d’importation (données de 2007), et donc nettement plus bas que la moyenne des

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taux indiqués. Ainsi, les risques fiscaux associés à une poursuite de la réforme tarifaire sontgérables. En fait, la réduction des droits de la NPF pourrait bien générer des revenus additionnelsen favorisant une augmentation des importations des pays tiers en remplacement des consignationsen franchise de droits en provenance de l’UE.

4.23. Mais avec la réduction des droits de douane, les barrières non tarifaires deviendront plusvisibles comme obstacles à la concurrence et à l’efficacité sur le marché intérieur. La Figure 31montre jusqu’à quel point les barrières tarifaires et non tarifaires sont inexistantes en Tunisie et dans12 autres pays de comparaison en 1995 et en 2008. En dépit des nombreuses améliorationsenregistrées depuis 1995 et un indice proche de celui du pays le mieux classé dans l’échantillon (laTurquie), la Tunisie occupe un rang quelque peu défavorable dans la moyenne des pays decomparaison. Même si elle est mieux notée que l’Égypte et le Maroc, elle se classe derrière laJordanie, la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie ainsi que derrière d’autres pays émergents de larégion de l’Amérique Latine et des Caraïbes et de l’Asie, ce qui implique que ces derniers ontrelativement moins de barrières commerciales.

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POURSUIVRE L’OUVERTURE DU COMPTE CAPITAL

4.24. La libéralisation des échanges va de pair avec l’ouverture du compte de capital. Dans unestratégie de croissance tirée par l’innovation, l’ouverture du compte capital peut permettred’augmenter les ressources disponibles pour l’investissement, un accès accru à de nouvellestechnologies à travers les IDE sans compter l’opportunité d’accroître les opportunités pour lepartage des risques et le lissage du niveau de consommation. La Tunisie est en train de libéraliserpetit à petit son compte de capital en supprimant progressivement les restrictions sur les transactionsfinancières internationales. Elle a adopté une stratégie graduelle en 3 étapes.

4.25. Dans la première phase qui est sur le point de s’achever: i) la plupart des restrictions à l’entréedes IDE ont été supprimées; ii) les non résidents ont l’autorisation de procéder à des investissementslimités dans des bons du Trésor en monnaie locale, dans des entreprises cotées en bourse. Lesdemandes d’autorisations ont été supprimées pour la plupart des investissements de portefeuilleétrangers dans les entreprises tunisiennes ; iii) enfin, l’emprunt extérieur a été entièrement libéralisépour les institutions financières et les restrictions ont été allégées pour les institutions nonfinancières. La seconde phase consiste en la libéralisation de l’IDE vers l’étranger et desinvestissements de portefeuille à l’étranger par des investisseurs institutionnels et desinvestissements de portefeuille dans des titres de créance par des non résidents. La troisième phasepermettra les investissements de portefeuille à l’étranger et les prêts par des résidents à des nonrésidents parallèlement à une convertibilité totale de la monnaie.

4.26. L’ouverture du compte capital comporte cependant des risques potentiels et la crise financièreactuelle le rappelle. Pour la Tunisie, une ouverture de capital réussie impose la poursuite de lamodernisation et du renforcement du système bancaire. L’ouverture du compte capital impliqueaussi le passage à un régime de change plus souple. L’expérience montre que les régimes de taux dechange fixe conventionnels deviennent précaires lors de l’ouverture de comptes de capitaux : untaux fixe «déconnecté» des données fondamentales de l’économie offre la possibilité de spéculer àl’encontre des politiques de l’État, sans prendre de risques et sans avoir à craindre des mesures derétorsion, et pourrait inviter à la spéculation déstabilisatrice.

Poursuite du renforcement du système financier

4.27. Pour soutenir un compte capital ouvert, il faut un système bancaire solide. Les autoritéstunisiennes se sont lancées depuis plusieurs années dans la libéralisation et la modernisation dusecteur bancaire. La part du secteur public dans le système bancaire, qui constitue une partimportante du secteur financier, a été considérablement réduite. Au nombre des récentes réformesdu système bancaire, figurent : (i) les privatisations, (ii) les nouvelles lois visant à améliorerl’autonomie opérationnelle du secteur bancaire, (iii) la modernisation du marché monétaire, desinstruments de gestion des liquidités et des systèmes de paiement, (iv) la loi de 2005 portant sécuritéfinancière et visant à améliorer la qualité des informations provenant des entreprises, et (v)l’amélioration des procédures de recouvrement des actifs.

4.28. Néanmoins, d’autres réformes du système bancaire restent, nécessaires :

• Les efforts visant à réduire davantage les PNP doivent être intensifiés. Les autorités visent unratio de PNP de 15 % et un taux de provisionnement de 70 % d’ici 2009. La réalisation de cetobjectif est importante pour renforcer davantage les capacités du système bancaire à amortir leschocs éventuels. Aujourd’hui, une grande part des fonds bancaires est allouée à la couverturedes risques non-provisionnés associés aux prêts non recouvrables. La réduction des PNP

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permettra aux banques de consacrer plus de fonds à la couverture des risques sur de nouveauxflux de crédits, et soutenir ainsi le secteur productif. La restructuration des prêts pour desdébiteurs qui pourraient rembourser leurs prêts si les intérêts à payer étaient réduits constitueun instrument clé, susceptible de réduire les PNP (et les besoins en provisionnement). Afin desurmonter ou atténuer le phénomène des risques moraux, l’annulation partielle du prêt se ferasous forme de swap d’actions, c’est-à-dire, une conversion de prêts en prises de participation.Les banques pourraient éventuellement vendre leurs participations à des entreprises deplacement des capitaux. Cette technique a été utilisée dans de nombreux pays émergents, dontla Pologne, la Corée et le Mexique dans le contexte des crises financières. L’Égypte s’estinspirée de cette technique lors de la création à la banque centrale, d’une unité spéciale chargéede la restructuration des prêts des banques privées.

• La gestion des crédits par les banques pourrait être améliorée par une modification de lacirculaire sur le contrôle interne (2006-19). Aujourd’hui, le crédit est instruit et accordé sur labase d’informations relatives au bilan, au plan d’affaires, à la situation de trésorerie et à larichesse du demandeur. Toutefois, ces informations sont souvent de qualité douteuse, de sortequ’en cas de renseignements incomplets ou non cohérents, les banques rejettent généralementles demandes par mesure de protection. Une des solutions à ce problème est de faireauthentifier les états financiers par le tribunal du commerce, ce qui permettrait aux banques derecevoir au moins les mêmes informations que celles fournies à l’administration des impôts.

• La qualité de l’audit pourrait être améliorée par la mise en application efficace de la loi du18 octobre sur la sécurité des relations financières. Ce texte de loi rend obligatoire lacertification des comptes des PME et exige que les entreprises soumises à la consolidation descomptes, les fassent auditer par 2 auditeurs («commissariats aux comptes»). Un organismeindépendant pourrait être créé, avec pour responsabilité de veiller à la crédibilité des audits età l’application effective du code d’éthique professionnelle. Cette réforme devraits’accompagner d’une modernisation et d’une amélioration des fonctions de contrôle de qualité.

• Enfin, dans le domaine des garanties, qui constituent un obstacle majeur à l’accès aufinancement, la législation tunisienne relative aux garanties mobilières doit être modernisée etharmonisée avec les normes internationales.

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Tableau 8 - Indicateur de la santé des banques commerciales

2003 2004 2005 2006 2007 2008*

Capital adequacy ratio 9.3 11.6 12.4 11.8 11.6 11.7

Private banks 8.4 12.4 13.5 12.1 9.7 11

Public banks 10.8 10.1 10 9.3 9.9 9.6

Former development banks 54.3 55.3 50.3 46 38.5 36.2

NPLs (% of total loans) 24.2 23.6 20.9 19.3 17.6 15.5

Private banks 21.6 20.4 20 19 18.1 15.3

Public banks 26.7 27.4 22.1 19.7 17.3 15.9

Former development banks 29.6 21.5 21 19.6 16 15

Provisions (% of NPLs) 44.1 45.1 46.8 49 53.2 56.8

Private banks 39.9 43.5 45.9 48.4 52 55

Public banks 46.2 47.6 49.1 50.2 55 58.1

Former development banks 62.3 23 28.5 42.9 48.1 63.1

Return on assets 0.5 0.5 0.6 0.7 0.9 1

return on equity 4.6 4.8 5.9 7 10.1 11.2

Source: Autorités tunisiennes

* Preliminaire

Souplesse du taux de change

4.29. Dans les années 90, la politique tunisienne a eu comme objectif de stabiliser le taux de changeréel par des ajustements réguliers du taux nominal (Fanizza, Laframboise et al2002). Depuis ledébut de l’année 2000, dans le cadre de la stratégie d’intégration régionale et globale renforcée, lerégime de parité fixe a été graduellement remplacé par des dispositions plus souples : un flottementdirigé sans trajectoire prédéterminée, ni bande de fluctuation officielle. Le résultat a été unedépréciation cumulée du dinar de 22 % entre 2000 et 2008. Plus récemment, les interventions de laBanque Centrale de Tunisie sur le marché des changes ont diminué, mais la souplesse du taux dechange reste limitée. L’écart type du taux de change effectif était de 1,3 entre 1998 et 2000, 4,6 entre2001 et 2004, et 2,3 entre 2005 et 2007.

4.30. Pendant toute cette période, la politique de taux de change a généralement soutenu la stabilitémacroéconomique, avec pour résultat une inflation modérée et l’équilibre de la balance despaiements. Toutefois, l’expérience montre que les régimes de taux de change fixe conventionnelsdeviennent précaires lors de l’ouverture de comptes de capitaux : un taux fixe «déconnecté» desdonnées fondamentales de l’économie offre la possibilité de spéculer à l’encontre des politiques del’État, sans prendre de risques et sans avoir à craindre des mesures de rétorsion, et pourrait inviterà la spéculation déstabilisatrice. De plus, une plus grande souplesse du taux de change atténue nonseulement la volatilité des flux de capitaux, mais plus généralement les impacts de chocs externes.

4.31. On dispose aujourd’hui de preuves empiriques qui montrent clairement que les coûts desajustements aux chocs des termes de l’échange sont considérablement plus élevés lorsque le taux de

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change est fixe (ou lorsque le flottement de la monnaie est fortement dirigé) que lorsqu’il estflottant. Dans le premier cas, un ajustement à un choc commercial adverse se traduit habituellementpar une dépréciation réelle faible et progressive et une importante contraction du volume deproduction. Dans le second cas, par contre, la dépréciation pourra être immédiate et soutenue, ets’accompagner d’une contraction plus faible de la production 22.

4.32. Un taux de change fixe présente un attrait évident pour les responsables politiques. Il aide eneffet à contrôler l’inflation en fournissant un point d’ancrage nominal aux prix. Il peut aussipromouvoir la discipline financière en forçant implicitement les autorités monétaires à soutenir letaux de change par une augmentation des taux d’intérêts, et par un financement des déficits parl’emprunt plutôt que par la création monétaire. Un taux complètement flottant entraîne par contrele risque de grandes fluctuations du taux de change nominal. Il n’en reste pas moins, qu’enpratique, des réformes institutionnelles garantissant l’indépendance de la Banque Centrale ouinterdisant le financement automatique des déficits budgétaires sont plus efficaces pour construirela crédibilité que le fait de lier la monnaie à celle d’un pays où l’inflation est faible. De plus, l’effetdisciplinaire d’un taux de change fixe sur la politique budgétaire est loin d’être prouvé (Duttaguptaet Tolosa 2006).

4.33. La gestion macroéconomique orientée vers le marché implique que le secteur privé doit gérercertains risques. Il devient alors important de stimuler le développement des marchés à terme etd’encourager une meilleure gestion des risques de façon à offrir aux opérateurs privés unecouverture adéquate. Les autorités peuvent aussi souhaiter explorer les avantages et lesinconvénients de l’introduction (à un stade ultérieur) de mécanismes de contrôle fondés sur lemarché des flux de capitaux à court terme, comme l’ont fait le Chili et d’autres pays au cours desannées 90, et plus récemment la Colombie. Cependant, la conception et la mise en oeuvre de cestypes de mécanismes de contrôle se sont avérées difficiles. L’expérience de la Thaïlande endécembre 2006 n’a pas donné de bons résultats et devrait faire l’objet d’une étude approfondie pourpouvoir en tirer des leçons.

4.34. Spécifiquement, la transition vers un taux de change flottant est faite soit par un passage directdu fixe au flottant ou par l’adoption d’une bande dans laquelle le taux de change fluctue avec unemarge implicite ou explicite. Comme le montre la figure 32, la bande elle-même peut êtrehorizontale ou diagonale, avec ou sans une parité centrale, symétrique ou asymétrique, avec ou sansmarge variable dans le temps, etc. Les bandes avec une marge suffisamment large se sont avéréestrès utiles dans beaucoup de cas pour ancrer les anticipations tout en donnant suffisamment deflexibilité pour permettre une spéculation dans les deux directions (dépréciation ou appréciation).Quoi qu’il en soit, les réserves de change qui ont atteint aujourd’hui des niveaux confortables (4-5mois d’importation) permettent d’engager sereinement cette transition.

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(22) Dans une autre étude basée sur des régressions effectuées sur les données d’un panel couvrant 157 pays pendant lapériode 1970-2001, Edwards (2004) a trouvé que les pays ayant des régimes de taux de change plus souples étaientmieux à même de s’adapter aux chocs causés par un renversement du compte courant (défini comme une réduction dudéficit du compte courant d’au moins 4 % du PIB en un an) que les pays ayant des régimes de taux de change plusrigides.

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5. POLITIQUES D’ACCOMPAGNEMENT :GOUVERNANCE ECONOMIQUE, MARCHE

FINANCIER ET MARCHE DU TRAVAIL

5.1. La transformation structurelle exige une adaptation de l’environnement économique et socialqui implique à son tour un changement qualitatif dans le mode d’interaction entre l’Etat et le secteurprivé. La gouvernance économique, le secteur financier et le fonctionnement du marché du travailsont les éléments clés de l’environnement de la production qui nécessiteraient des adaptations.

GOUVERNANCE ECONOMIQUE

5.2. La transformation structurelle de l’économie tunisienne nécessite de s’assurer que l’allocation dusavoir-faire, de la technologie et des autres facteurs vers les secteurs les plus productifs et compétitifsne soient pas bloquées par des réglementations obsolètes et des procédures et interactionsbureaucratiques complexes. Dans une économie ouverte, les avantages comparatifs sont dynamiques.La réglementation doit s’adapter pour accélérer la transformation structurelle. La signature del’Accord d’Association avec l’UE en 1995 a déclenché un changement graduel dans le régimed’incitations aux activités commerciales et à l’investissement. Les pouvoirs publics ont joué un rôleutile depuis lors, en aidant le secteur privé à faire face à la concurrence accrue des importationsprovenant des fournisseurs européens et ceci a contribué à la croissance et l’émergence de nouveauxsecteurs (mise à niveau, facilitation du commerce et amélioration du climat des affaires). Cependant,une réforme supplémentaire du cadre des incitations et des pratiques bureaucratiques est nécessaire.

Réduire les pratiques anticoncurrentielles sur les marchés.

5.3. D’après les enquêtes de firmes, les entreprises tunisiennes tournées vers le marché intérieuréprouvent en général le sentiment que leur environnement opérationnel est biaisé à cause de laconcurrence du secteur informel et de la prévalence de pratiques anti-concurrentielles. Dans unerécente enquête auprès de 851 entreprises (IEQ 2008), près des trois quarts des entreprises ayantrépondu se plaignaient d’une forme de pratique anticoncurrentielle quelconque - soit par le biais dela fixation de prix artificiellement bas (60 % des participants), l’abus de position dominante (15 %),des accords explicites ou implicites (14 % des répondants) ou de l’ensemble de ces éléments. Cesentreprises estiment aussi qu’il est difficile de soutenir la concurrence de celles opérant dans lesecteur non officiel ou des entreprises du secteur formel qui se soustraient au paiement descotisations sociales (35 % des entreprises interrogées) ou de celles qui se livrent à la contrefaçon(26 % des entreprises). Ces pratiques nuisent à l’investissement et à la création d’emplois formels :

• Il est donc crucial que les entreprises tunisiennes soient informées des activités du Conseil dela concurrence. Ce conseil a, depuis une loi introduite en 2005, le pouvoir de déclencher lui-même des litiges («auto-saisine») et d’imposer la discipline dans le marché. Cependant, unerécente enquête auprès des entreprises (IEQ 2008) montre qu’environ 50 % de celles qui seplaignent de pratiques anticoncurrentielles ignorent l’existence d’un Conseil sur laconcurrence. Des campagnes d’information proactives s’imposent.

• Les activités de la Direction générale de la concurrence du Ministère du Commerce pourraientégalement être examinées et évaluées de manière à la rendre plus efficace.

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Rapprocher davantage la réglementation des secteurs offshore et onshore

5.4. L’intégration des secteurs offshore et onshore aurait d’énormes avantages: une plus grandeexternalité des IDEs vers le secteur onshore, une plus grande valeur ajoutée locale et une meilleurecompétitivité provenant d’économies sur les coûts de transport et de logistique. La compétitivité dela Chine est en partie due à la forte intégration entre le marché local et les secteurs d’exportation.En Tunisie, en dépit des réformes visant à réduire la dichotomie sectorielle, l’économie continued’avoir une structure duale : un secteur totalement orienté vers l’exportation (le secteur offshore),bénéficiant de nombreux privilèges fiscaux et financiers coexiste avec un grand secteur orienté versle marché intérieur, sans qu’il n’existe beaucoup de liens entre eux.

5.5. Le gap procédural et administratif décourage cependant l’intégration des deux régimes.La législation tunisienne permet déjà aux entreprises offshore de vendre jusqu’à 30 % de leurproduction sur le marché national, en se soumettant aux dispositions qui s’appliquent aux entreprisesonshores dans cette proportion. Mais les entreprises offshore ne saisissent presque jamais cetteopportunité principalement à cause de l’écart procédural et administratif entre les deux régimes.L’interface avec l’Administration est très différente selon que l’on évolue dans le secteur offshore ouonshore. En l’occurrence, les entreprises du secteur offshore habituées à un régime libéral, sansinterférence administrative et sans fiscalité, sont réticentes à vendre sur le marché intérieur malgré soncaractère plus lucratif pour certains secteurs (les prix sont plus élevés sur le marché intérieur en ce quiconcerne le textiles-habillement et les produits du secteur mécanique). La solution réside dansl’amélioration de la qualité de l’interface entre l’Administration et le secteur privé.

• Réduire et simplifier les contrôles comptables et fiscaux sur les entreprises. Ceci s’avèrenécessaire pour renforcer les liens entre les secteurs offshore et onshore. L’impact deces mesures dépendront cependant de l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur(ex. concurrence déloyale du secteur informel, voir ci-dessous).

• La législation pourrait évoluer dans le sens de progressivement augmenter la proportion de laproduction que les entreprises offshores peuvent vendre sur le marché national. Cette mesureexigerait l’examen des taxes (notamment TVA) payées par les entreprises onshores, dans le butd’octroyer aux entreprises répondant à des critères stratégiques nationaux (comme l’innovationou la création d’emploi) d’une suspension de taxe leur permettant de concurrencer lesentreprises offshore sur le même pied d’égalité. Cette réforme pourrait amplifier les retombéesdes IDE dans tous les secteurs de l’économie, relever la productivité et aider à s’assurer contretoute chute soudaine de la demande externe.

• Plus généralement, une rationalisation des textes gouvernant les activités économiquesapporterait plus de lisibilité pour les opérateurs économiques. En effet, les textes législatifs etréglementaires se sont accumulés au cours du temps, créant une incertitude et un manque delisibilité par rapport à la législation spécifique qui s’applique aux différentes opérationsd’investissement. Il serait donc utile d’inventorier les textes législatifs par catégorieéconomique (investissement, exportation, etc.), de repérer ceux qu’il faudrait abroger etcorriger afin d’avoir un corpus législatif simplifie et cohérent.

Améliorer davantage les services publics aux entreprises et aux ménages

5.6. Dans un contexte de concurrence accrue, l’amélioration des services administratifs aux firmesest cruciale pour la compétitivité. A cet effet, la simplification des procédures administratives ainsique l’amélioration de la qualité de l’interface entre l’administration et les entreprises et individus et

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leur caractère égalitaire sont importantes. Pour la Tunisie, cette préoccupation se retrouve dans lanouvelle stratégie de réforme de l’administration appelée « une administration ouverte plus prochedu citoyen». Cette stratégie comporte plusieurs volets pour renforcer les services aux citoyens et auxfirmes, y compris : (i) la simplification des procédures ; (ii) la réduction du nombre de documentsrequis ; (iii) la simplification des cahiers de charge ; (iv) l’établissement de guichets uniques pourles investisseurs et operateurs économiques ; (v) un programme spécial de renforcement de laqualité des services et prestations administratifs.

5.7. Les priorités du programme spécial qualité sont de (i) fournir des services de meilleure qualitépour accroître la satisfaction de la clientèle ; (ii) publier une charte de la fonction publique ; (iii)développer des mécanismes qui permettent aux citoyens d’exprimer leurs opinions et d’améliorer lesvoies de communication et d’information de l’Administration ; (iv) s’assurer que les citoyensobtiennent des réponses à leurs questions sans délai et de manière satisfaisante ; (v) examiner la qualitéde l’accueil du public ; (vi) renforcer la décentralisation régionale et locale afin de rapprocherl’Administration des citoyens ; et (vii) augmenter le nombre de centres d’appel de l’Administrationpour la communication et l’information. Prises ensemble, ces priorités témoignent d’un engagementimportant en vue d’une plus grande participation du public, une initiative pionnière dans la régionMENA. Sur la base des expériences menées au niveau international, il est évident qu’une plus grandeouverture et une meilleure communication avec le public sont des éléments clés de l’amélioration dela qualité des services publics et de la réceptivité des pouvoirs publics.

5.8. Cependant, le programme de modernisation des services n’aura un impact que si sonimplémentation va de pair avec la modernisation des pratiques de l’administration. La mise à niveaudes services décentralisés en contact direct avec le secteur privé, la compréhension par ces derniersde l’esprit des réformes décidées au niveau central et l’application uniforme de celles-ci sontimportantes. Aussi, sans une plus grande autonomie des structures décentralisées de fourniture deservices (hôpitaux, écoles, etc.), il sera difficile de s’adapter rapidement aux désirs des ménages etdes entreprises. Ceci bien évidemment pose un ensemble de questions, incluant la motivation dupersonnel (enseignant, personnel de santé, etc.) déployé dans une région jugée éloignée qui a unrapport évident avec la qualité des prestations. La question de la décentralisation mérite une analyseplus poussée.

SECTEUR FINANCIER

5.9. Le rôle du secteur financier dans l’accompagnement des efforts d’innovation des entreprises estcrucial à plus d’un titre. Les fonds d’amorçage et de capital-risque jouent en particulier un rôleprimordial en accompagnant les promoteurs innovants par un apport en fonds propres dans lesphases de développement des produits et procédés. Pour sa part, le marché financier (bourse) peutjouer un rôle utile dans la phase de mise sur le marché des nouveaux produits, services ou procédéscréés ainsi qu’en assurant une plus grande liquidité des transactions du capital investissement. Touten étant important dans la phase de création et d’exploitation des entreprises (donc complémentaireaux autres formes de financement), le système bancaire n’en est souvent pas moins frileux quand ils’agit d’innovation. Le fait qu’il domine largement le système financier tunisien (20 banquescommerciales et 70% des actifs du secteur financier) indique donc qu’un effort particulier doit êtredéployé pour développer le financement non-bancaire afin de favoriser l’innovation.

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Les différents mécanismes financiers d’appui à l’innovation des PME

Le capital-investissement

5.10. Le capital-investissement n’est pas uniquement dédié à appuyer l’innovation mais il en estl’outil le plus adapté. La vocation première du capital-investissement est de renforcer les fondspropres de l’entreprise à certaines étapes de sa vie : investissements de développement ou de miseà niveau, mise en oeuvre d’innovations, transmission ou difficultés. En Tunisie, l’activité de capitalinvestissement a réellement démarré en 1995 avec la création des sociétés d’investissement à capitalrisque (SICAR). En 2005, des sociétés de gestion de fonds (fonds communs de placement à risqueou FCPR et des fonds d’amorçage, FA) sont créées.

5.11. La loi ayant donné naissance aux SICAR en 1995 a précisé l’objet de ces derniers : «...laparticipation, pour leur propre compte ou pour le compte de tiers et en vue de leur rétrocession, aurenforcement des fonds propres des entreprises et notamment des entreprises promues par lesnouveaux promoteurs tels que définis par le code d’incitation aux investissements, des entreprisesimplantées dans les zones de développement régional, telles que fixées par ledit code, desentreprises objet d’opérations de mise à niveau ou rencontrant des difficultés économiques etbénéficiant de mesures de redressement conformément à la législation en vigueur, ainsi que desentreprises qui réalisent des investissements permettant de promouvoir la technologie ou sa maîtriseainsi que l’innovation dans tous les secteurs économiques». La loi précise que les participations desSICAR doivent faire l’objet de conventions avec les promoteurs fixant les modalités et les délais dela réalisation des rétrocessions. Ces participations ne doivent pas constituer la majorité du capital.

5.12. Les FCPR partagent le même objet que les SICAR. Par contre, pour les FA, il est précisé queleur objet est «le renforcement des fonds propres des projets innovants avant la phase de démarrageeffectif. Ces fonds interviennent essentiellement pour aider les promoteurs à (i) exploiter les brevetsd’invention, (ii) achever l’étude technique et économique du projet, (iii) développer le processustechnologique du produit avant la phase de commercialisation et (iv) achever le schéma definancement». Les FA constituent donc théoriquement un dispositif crucial du système d’innovation.

5.13. La Tunisie compte aujourd’hui 38 SICAR (dont certaines ont aussi le statut de société degestion) auxquelles s’ajoutent des sociétés de gestion pure. Sept sont des SICAR régionales, i.e.ayant pour vocation le développement régional (capitaux publics et privés), 23 sont des filiales debanques et 8 émanent de grands groupes industriels et financiers tunisiens. Il existe deux sociétésde gestion actuellement. IKDAM qui gère un fond d’amorçage public de 1 MDT et ACP qui gèreun fond d’amorçage de 10 MDT constitue avec la participation de bailleurs de fonds internationaux.

Les programmes de financement public

5.14. La Tunisie a mis en place un ensemble de programme de soutien financier à l’activité d’innovationdes entreprises, au delà du financement direct public de la R&D en amont (voir chapitre 3).

• Le Régime d’Incitation dans le domaine des Technologies de l’Information (RITI), créé en1998, est un fonds dédié aux projets innovants dans le domaine de la technologie del’information. Le montant maximum des projets éligibles est de 500 000 DT. Le RITI intervientprincipalement sous forme de participations et de dotations en capital. La gestion desinterventions du RITI est confiée par convention à une SICAR ou une société de gestion,lorsqu’il s’agit d’une participation, à une banque lorsqu’il s’agit d’une dotation. Lesparticipations et dotations du RITI doivent être remboursées par le promoteur sur une durée de12 ans, dont 5 ans de délai de grâce, avec un taux d’intérêt de 3% l’an.

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• La Prime d’Investissement en Recherche et Développement (PIRD) : Ce programme accorde,dans le cadre d’un Contrat Programme, des primes pour la prise en charge partielle des chargesafférentes aux études et aux réalisations des PME associées avec un organisme de recherche.Ces primes sont destinées à couvrir 50% des dépenses subventionnées;

• Le Programme National de Recherche Intégrée (PNRI) : Ce programme associe une Unité derecherche, une PME industrielle et un Centre Technique Sectoriel sur un projet de rechercheprédéfini. Les subventions sont accordées aux structures de recherche et aux CTS. L’entrepriseprend en charge 20% minimum du coût du projet de recherche;

• Le Programme de Valorisation des Résultats de la Recherche (VRR), qui a pour objet lefinancement d’actions et de projets de recherche émanant de structures publiques de recherche,et vise à favoriser un transfert d’innovation (en amont donc de l’amorçage et des pépinières)pouvant déboucher sur une exploitation industrielle;

• Les subventions accordées par le FODEC directement aux entreprises industrielles. Les taux desubventions atteignent 50% pour les investissements matériels (avec un plafond à 100000DTpar entreprise) et 70% pour les investissements immatériels (avec un plafond à 70000DT parentreprise).

L’effectivité des instruments de financement existants

5.15. En mobilisant les données d’enquête de l’ATIC, l’étude de l’API citée ci-haut fournit desinformations utiles sur l’activité des SICAR, des FCPR et des FA. Les observations suivantes sontfaites :

• Entre 2005 et 2007, le nombre de dossiers réalisés a augmenté mais le montant investi par lesSICAR a baissé, se situant à 56,8 MDT. Cet investissement est équivalent à 5% desinvestissements totaux du secteur manufacturier en 2006 (1134.6 MDT) ;

• Les SICAR à capitaux majoritairement publics ont réalisé 130 investissements, soit 71% dunombre total, correspondant à 27,5 MDT, soit 59% du total investi. Douze SICAR assurent83% de l’activité en nombre et 84% en montant;

• En 2007, les créations ont représenté 64% du total, 77% pour les SICAR régionales. Les 7SICAR régionales assurent à elles seules près de 40% du nombre des créations ; les créationsconcernent encore très peu les créations d’entreprises innovantes ;

• Contrairement aux pratiques observées à l’échelle internationale, le montant moyen desinvestissements en création (106 000 DT) n’est pas très différent de celui des développements(114 000) contrairement aux pratiques internationales ;

• Aucune sortie n’a été réalisée en bourse, 94% se sont faites pour le compte du promoteur/ chefd’entreprise à 90% sous forme de « portage »;

• Depuis 2000, les SICAR ont soumis 23 dossiers au Comité de sélection, et 17 d’entre eux ontété approuvés. Deux dossiers ont été déposés à ce jour au titre de 2008. Les 17 dossiers ontreprésenté une intervention globale du RITI de 1,1 MDT en huit ans (392 755 DT en 2007, pour5 dossiers), soit un montant unitaire moyen de 64 000 DT. Les SICAR ont investi dans cesprojets un montant du même ordre de grandeur.

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5.16. L’étude citée ci-haut a procédé à un benchmarking des pratiques de SICAR tunisiens. Lespratiques de la majorité des SICAR sont comparées à celles des capital « risqueurs » en Europe. Letableau suivant résume les différences observées :

Tableau 9. Pratiques des SICAR versus Capital Investissement en Europe

Pratiques des SICAR Capital investissement

Critère de choix du dossier Optimiser l’avantage fiscal Perspective de plus-valueCapacité de remboursement

Types d’opérations principalement Création, Transmission,réalisées Extension Développement

Compétence de l’équipe Crédit bancaire Capital investissement

Type d’accord entre l’investisseur Convention de rétrocession Pacte d’actionnaireset le promoteur

Gestion de la ligne Minimale Active

Accompagnement du promoteur Faible Fort

Type de sortie pratiquée Promoteur Bourse, groupe industrielou financier, manager

Valorisation à la sortie Valeur nominale plus intérêt Valeur nette comptableou prix de marché

Risque Prise éventuelle de garanties Risque plein

TRI actionnaire Dû en grande partie à Dû à la création de valeurl’avantage fiscal à l’entrée

Politique de levée de fonds Passive Dynamique, sur la based’un track-record

Capitaux mis en jeu Fort pourcentage de Pour l’essentiel privéscapitaux publics

Effet in fine sur le financement Pas de capitaux nouveaux Apport de capitaux extérieursde l’investissement

Source : Etude ATIC 2008

5.17. Au total, le capital-investissement participe encore peu aux financements des investissementsinnovants en Tunisie. Les SICAR qui ont été créées pour développer le capital-risque ont surtoutconcentré leurs interventions sur la création d’entreprises dans des zones de développement régionalet ne représentent que 1,2% des financements du secteur financier. La quasi-totalité des opérationss’effectue sous forme de contrats de rétrocession des participations au capital au promoteur duprojet sous forme de contrats de portage qui peuvent être assimilés à des opérations de crédit 23. Cetype de financement n’est pas adapté à une entreprise qui cherche à innover et qui, au lieu d’avoirun partenaire qui prend un risque et lui fournit du fond propre, lui octroie un quasi-endettementbancaire. Mais ce mode de financement est à la fois commode pour les banques qui bénéficient de

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(23) Le prix de cession est calculé en faisant référence au TMM assorti d’un échéancier. Des garanties complémentairessont généralement demandées au chef d’entreprise.

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l’avantage fiscal et pour nombre de chefs d’entreprises qui ont une réticence à céder une partie ducontrôle de leurs sociétés (capitalisme familiale).

Options de réforme du système de financement de l’innovation au niveau des PME

Améliorer la profondeur de la bourse

5.18. Le marché boursier tunisien a une capitalisation boursière de 15 % du PIB, dont 70 % enactions du secteur financier. Cette petite taille implique que le marché boursier n’a contribué qu’àhauteur de 8 % au financement de la formation brute de capital en 2007. La petitesse du marcheboursier handicape également le développement du capital investissement en favorisant des sortiespré-négociées entre SICAR et promoteur, réduisant ainsi la prise de risque et la liquidité de larétrocession.

5.19. Le marché des actions est peu actif et l’essentiel des transactions se concentrent sur certainstitres. La demande provient essentiellement des particuliers.24 Ainsi en 2007, les dix valeurs lesplus actives de la côte ont accaparé 61,6 % des transactions. Par ailleurs, la part des actions etvaleurs assimilées dans le portefeuille des OPCVM restent négligeable en raison de la persistanced’une appréhension à l’égard des titres de capital. En effet, la part des actions cotées ne représenteque 1,4 % de l’actif net des OPCVM distribués en 2006 et 2 % en 2007. Ainsi, les SICAV mixtesont réalisé en 2006 un taux de rendement de 9,8 % très inferieur au taux de croissance de Tunindexet ce en raison de leur faible engagement sur le marché des actions. Toutefois, l’émission récente deBons du Trésor à coupon zéro a permis la création de fonds structurés avec une composante actionpermettant à l’investisseur de bénéficier d’une éventuelle hausse des cours sans risque de perte encapital. Un premier fonds d’un montant de 40 millions de dinars réservé aux institutionnels dont laCNSS25 et auquel ont également souscrit les banques et les assurances est entré en activité au coursdu 3ème trimestre 2007. Un autre fonds du même type destiné aux particuliers a été agréé en 2008.

5.20. Le développement du marché des valeurs mobilières a été entravé par la dépendance excessivedes grandes entreprises vis-à-vis du financement bancaire et les faiblesses des PME. Parmi lesautres facteurs qui ont entravé le développement des marchés des valeurs mobilières, on peut citerla faible proportion de privatisation réalisée en bourse. Une réforme importante qui, à elle seule,permettrait d’accroître la liquidité et la profondeur du marché des capitaux serait de faire entrer une

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plus grande partie des entreprises privatisées sur le marché boursier. Le gouvernement entendemprunter cette voie.

5.21. Plusieurs autres mesures pourraient être prises pour améliorer la liquidité du marché. Celle-cipourrait être accrue par l’autorisation des prêts/ emprunts de titres ainsi que le développement descontrats d’animation et de l’activité de contrepartie. Les autorités de marché pourraient envisagerégalement une cotation d’un contrat sur indice boursier (exchange trading fund) pour favoriserl’animation de la bourse. Enfin, le rôle joué par les systèmes d’épargne contractuelle etd’investissements collectifs pourrait être renforcés.

5.22. Dans la perspective d’un développement de l’épargne institutionnelle, les banques et lesintermédiaires en Bourse ont un rôle crucial à jouer mais il leur faut pour cela accroitre leurprofessionnalisme. Les banques ont jusqu’à présent peu développé le métier du titre qu’elles ontsouvent laissé à leurs filiales spécialisées (la moitié des intermédiaires en bourse sont des filiales debanques). De même, le secteur des intermédiaires en bourse nécessite une restructuration carplusieurs sociétés n’ont pas la taille critique: 7 à 8 intermédiaires en bourse sur 24 représentent 80% du marché. Une mise à niveau des compétences professionnelles serait favorisée par lagénéralisation des cartes professionnelles. La formation doit être poursuivie, notamment en analysefinancière et en gestion des risques afin de rehausser la crédibilité de la place tunisienne.

Revoir le cadre juridique et fiscal du capital investissement

5.23. Comme le souligne le rapport de l’ATIC, « on peut penser qu’un certain nombre de SICARn’auraient pas vu le jour en son absence, et qu’en conséquence, certaines SICAR ont été créées dansun souci d’optimisation fiscale, et non pour faire du capital investissement une activité stratégique.L’avantage fiscal assure une bonne rentabilité au portage. En effet, compte tenu des risques dedéfaillance des entreprises, ou simplement de « collage », le portage ne serait pas rentable pour lesouscripteur s’il n’y avait l’avantage fiscal, qui assure d’entrée de jeu un TRI substantiel àl’actionnaire de la SICAR (TRI qui a été évalué, sous certaines hypothèses, à 9%). En outre,l’avantage fiscal étant donné une seule fois, c’est-à-dire pour des emplois correspondant àl’acquisition de nouvelles actions (ce qui est bien légitime), les SICAR ne sont pas incitées àracheter des participations détenues par d’autres 26. On se prive ainsi de la fluidité que procurel’existence de fonds spécialisés (pour certaines étapes de la vie de l’entreprise) qui se rachètent lesparticipations jusqu’à ce que celles-ci soient mûres pour une vraie sortie» (p.39).

5.24. Le cadre juridique fiscal et comptable du capital-investissement mérite donc d’être revu. Ilserait souhaitable de ne plus lier l’avantage fiscal au champ d’activité et de modifier les lois de 1995et 2005 pour s’orienter vers la constitution de pactes d’actionnaires dont la rétrocession du capitalau promoteur ne serait qu’une modalité parmi d’autres. Le cadre juridique du capitalinvestissement pourrait être unifié en transformant les SICAR en sociétés de gestion de fondssous le contrôle du CMF. Cette organisation, mieux adaptée à un suivi de la performance des fondset à leur contrôle, permettrait une reconfiguration du secteur27 autour de véritables professionnels.

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(24) Il en résulte une faible liquidité de la côte qui est accrue par un flottant limité. Le marché des actions est,essentiellement, animé par des particuliers qui bénéficient d’avantages fiscaux substantiels, notamment, à travers leC.E.A (compte-épargne-action). La loi de finances pour 2007 a même étendue aux personnes morales l’exonérationtotale des plus-values réalisées sur les cessions d’actions cotées en Bourse. La faible présence d’investisseursinstitutionnels sur le marché des actions provoque un engouement ou une désaffection de certains titres qui nes’explique pas par des raisons rationnelles et augmente la volatilité du marché.

(25) Caisse Nationale de Sécurité Sociale

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5.25. La reconfiguration du secteur devrait s’accompagner de l’adoption des règles comptablesinternationales relatives au capital risque. Dans le même ordre d’idée, il pourrait être envisagée lacréation d’un fonds à capitaux publics qui pourrait participer à des fonds de capital risque auxcotés de partenaires privés dans des activités considérées comme fortement risqués tels quel’amorçage et la création d’entreprises innovantes. Cette société de gestion pourrait égalementgérer les fonds spécialisés comme le FOPRODI et le RITI.

Enfin, il serait souhaitable d’étudier l’opportunité de réformer le système de garantie de laSOTUGAR afin de s’orienter vers un système d’indemnisation des moins values avec intéressementde la SOTUGAR aux plus-values.

Mettre à niveau les SICAR

5.26. L’impact limité des SICAR reflète, en partie, des contraintes institutionnelles liées à la genèsede celles-ci. En effet, les SICAR régionaux doivent réconcilier des objectifs divers assignés par lelégislateur, à savoir, la création d’entreprises et d’emploi dans les régions et l’appui à l’innovation.A l’observation, de nombreux SICAR bancaires semblent poursuivre plusieurs objectifs à la fois, ycompris la création d’entreprises, la transformation de créances douteuses en participation en capitalet l’attrait fiscal (exonération). Ce dernier élément est également présent dans les SICAR industriels.

5.27. L’orientation particulière des SICAR a induit un sous-investissement dans la recherche decompétences en matière de gestion du risque et d’accompagnement de l’innovation pour la gestiondes SICAR dans de nombreux cas. Le personnel des SICAR bancaires a par exemple typiquementle profil d’un banquier classique optimisant son portefeuille sur des considérations de couts degestion et de garantie. Une réforme d’envergure du système (sur le plan fiscal et autre) pourraitpermettre le recrutement de professionnels du capital investissement plus prompts à prendre desrisques et à accompagner les investisseurs.

LE SYSTEME EDUCATIF ET LE MARCHE DU TRAVAIL

5.28. La transformation structurelle dans une stratégie de croissance tirée par l’innovation exige unebonne adéquation entre la formation et les besoins des secteurs traditionnels montant en gamme etdes secteurs émergents à haute intensité de main d’oeuvre qualifiée. Pour la Tunisie, le défi de laréduction des gaps de compétence est double. A court terme, il s’agit d’ajuster la formation pourcoller davantage aux profils demandés par les entreprises. A moyen terme, il s’agit de rendre lesystème éducatif suffisamment flexible et autonome pour répondre rapidement à la demande denouvelles compétences et de nouveaux métiers. Par ailleurs, l’innovation des entreprises est d’autantplus propice que le marché du travail est capable d’allouer les meilleurs talents vers les meilleuresutilisations, par une fonction d’intermédiation efficace et une mobilité effective des compétencesentre secteurs.

5.29. Réduire les gaps de compétence. Le système éducatif de la Tunisie produit des diplômésuniversitaires en grands nombres. Dans les matières générales, les sciences et l’ingénierie, le nombrede diplômés croit rapidement (Figures 35a et 35b). Pourtant, les entreprises tunisiennes se débattentsouvent pour trouver de bons spécialistes financiers, des experts en communication, des ingénieurs IT

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(26) La loi de 95 ne permet pas aux SICAR de racheter des parts de fonds, mais rien ne leur interdit de racheter les lignesdétenues par une autre SICAR ou par un fonds ; cependant, un tel investissement ne rentre pas dans les emploisouvrant droit à l „avantage fiscal.

(27) 20% des SICAR assurent 80% de l’activité

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spécialisés ou des techniciens supérieurs pour les accompagner dans leur développement. Selonl’enquête IEQ de 2006 sur les entreprises «plus de 60 % des entreprises prétend être limité dans leurexpansion parce que l’ingénierie, les techniciens ou de profils d’ouvriers qualifiés recherchés ne sontpas disponibles». Plus de 50 % des entreprises sont limitées parce que la formation d’un dirigeant oud’un ouvrier qualifié ne répond pas à leurs besoins. En décomposant les données en fonction dessecteurs, plus de 70 % des employeurs de l’industrie manufacturière font état de pénuries de «ouvriersqualifiés», et près de 60% des techniciens supérieurs 28.

5.30. Selon la Banque mondiale (2008b), la pénurie de compétences est essentiellement imputableà la non-disponibilité de certains profils et à l’inadéquation de l’enseignement. Par nature, uneéconomie en transition exige des compétences cognitives et comportementales ainsi que desaptitudes pratiques en anglais, Information et Technologies ainsi que des compétences techniquesspécifiques. La Tunisie étant en train d’approfondir l’intégration à l’économie mondiale, descompétences de base incluant le raisonnement critique, la résolution des problèmes et l’espritd’entreprise devraient être développées en plus des compétences cognitives.

• Il serait indiqué de mieux adapter les programmes et leur contenu vers l’acquisition d’unsavoir pouvant se transformer en savoir-faire. En outre, il est nécessaire de rendre toute savaleur aux travaux pratiques dans toutes les disciplines et de rapprocher leur contenu à la réalitéprofessionnelle.

• En outre, pour accompagner la croissance des entreprises et l’émergence de nouveauxsecteurs/métiers, il convient d’accroitre le mix des compétences produites. Aujourd’hui, lesuniversités ont encore de faibles marges de manoeuvre en matière de gestion, car les procéduresen matière de recrutement du personnel et de gestion budgétaire demeurent centralisées. Lespouvoirs publics ont lancé une réforme en vue de renforcer l’autonomie des universités etd’adopter le système LMD (Licence-Maîtrise-Doctorat). La nouvelle loi stipule que lesuniversités vont pouvoir concourir pour un financement privé de projets. L’objectif estégalement de combiner l’apprentissage dans les universités et dans les entreprises etd’augmenter le temps alloué aux TI, à l’esprit d’entreprise et à l’anglais. La réforme est encours de mise en oeuvre. Son application efficace sera déterminante.

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(28) Ces positions sont les qualifications professionnelles de niveau intermédiaire et avancé dans le système tunisien(Banque mondiale, 2008b).

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• Enfin, il serait utile d’introduire une réforme similaires en amont (aux niveaux primaire etsecondaire) puisque la nature transitoire de l’économie exige qu’en plus de compétencestechniques spécifiques, les compétences comportementales - professionnalisme, interactionavec le client, etc. soient acquises avant d’entrer à l’université.

5.31. Améliorer le fonctionnement du marché du travail. Le fonctionnement du marché du travailtunisien a été examiné de manière approfondie dans un certain nombre de publications récentes(Banque mondiale 2008b, Banque mondiale 2004, Nabli 2007). Il est intéressant d’examiner lamanière dont l’offre et la demande de main d’oeuvre s’adaptent aux règles spécifiques qui régissentle fonctionnement du marché. Les enquêtes sur le marché du travail révèlent un niveau élevéd’instabilité des emplois sauf dans l’administration publique. Près de la moitié des individus de23-29 ans travaillant dans le secteur de la construction, de la vente au détail et des hôtels -restaurants y étaient toujours employés une année plus tard. À l’exception de l’administrationpublique, les taux de renouvellement du personnel varient entre 40 et 50% pour la frange des 23 à29 ans. Ce taux élevé de renouvellement du personnel semble traduire un recours excessif auxcontrats à court terme, comme moyen de contourner les contraintes imposées par la rigidité des loistunisiennes relatives au licenciement 29. La Tunisie est très mal classée dans le «Doing Business» surcet indicateur avec un indice de licenciement qui est deux fois plus élevé que celui de la région duMENA et de l’OCDE. (Figure 32).

5.32. La règlementation du travail accorde à l’employeur une flexibilité totale dans le recrutementet le licenciement pendant 4 ans. Une fois cette période passée, les procédures de licenciementdeviennent longues et complexes. La flexibilité est confirmée par les enquêtes sur les entreprises quimontrent que seul un faible pourcentage des directeurs de compagnie dénonce la rigidité des loisapplicables au licenciement. Selon la dernière enquête IEQ sur les entreprises (IEQ 2008), seuls20% des entreprises qui ont répondu, considèrent la rigidité de la législation du travail comme unecontrainte majeure. Les seuls secteurs ayant enregistré des pourcentages élevés sont l’enseignementsupérieur privé et l’architecture. Il est fort possible qu’il soit plus difficile de contourner le code dutravail dans ces secteurs qui emploient un personnel hautement qualifié qui négocie des contratsformels.

5.33. Il existe également d’autres explications. Stampini et Chouchane (2008) lient les taux élevésde renouvellement du personnel au décalage des compétences et à des attentes contradictoires enmatière de qualifications et de salaire. Pour ces auteurs, les gestionnaires ne veulent pas payer dessalaires élevés à cause du faible niveau de qualification et les relations de travail cessent rapidementlorsque ce décalage devient évident. Cet argument est également en cohérence avec les résultats desenquêtes sur les entreprises. Dans la dernière enquête de l’IEQ sur les entreprises, un cinquième desentreprises qui ont répondu, considèrent le déséquilibre des compétences comme une contraintemajeure. Cette situation est particulièrement grave dans le secteur du textile et du vêtement où lamoitié des entreprises qui ont répondu, ont déclaré éprouver des difficultés à trouver le niveau decompétence exigé. C’est également le cas dans le secteur du génie mécanique (37%), celui destechnologies de l’information (TI) (45%) et le secteur de la santé (38%). Dans tous les cas, les tauxélevés de renouvellement du personnel battent en brèche l’idée de rendre plus rigide les loisrelatives au licenciement (protection de l’emploi).

5.34. En somme, les lois tunisiennes relatives au licenciement n’encouragent pas la créationd’emplois formels sécurisés dans de nombreux secteurs; elles incitent un grand nombre

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(29) La Tunisie est mal classée dans le «Doing Business» par rapport à cet indicateur, avec un indice de licenciement estplus du double de celui de la région du MENA et de l’OCDE.

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d’entreprises à recruter leurs employés de manière informelle ou pour des contrats à court termeuniquement, rendant l’emploi précaire pour un grand nombre de personnes. La gravité del’instabilité de l’emploi, semble s’être accrue avec la prévalence d’un décalage des compétences quiamène les entreprises à avoir de faibles attentes sur les qualifications des employés et à ne pasvouloir leur offrir des contrats à long terme ou de meilleurs salaires.

i. Pour une accélération de la transformation structurelle, l’adaptation de la formation doit êtreaccompagnée d’une plus grande mobilité professionnelle. En effet, la mobilité des chercheurs et destravailleurs constitue un vecteur important de transfert de technologie et de savoir-faire. La rigiditédes lois sur le licenciement décourage cependant l’allocation optimale des ressources humaines etcrée une situation ou des talents sont «embouteillés» dans des secteurs déclinants au détriment desecteurs dynamiques. Les enquêtes emplois successives montrent que cette situation incite lesentreprises à offrir uniquement des emplois précaires et à court terme, souvent des postes nonofficiels. Autrement dit, elles découragent la création de postes formels dans plusieurs secteurs enpoussant de nombreuses entreprises à embaucher la main-d’oeuvre de manière non formelle etuniquement pour des contrats à court terme, rendant l’emploi précaire pour un grand nombred’individus. Il convient donc de :

• Rendre les lois sur le licenciement moins rigides. Il serait utile que les pouvoirs publics et lespartenaires sociaux discutent en vue d’adopter des mesures pouvant réduire la rigidité du code.Un avantage majeur d’un relâchement de la rigidité des lois sur le licenciement serait defaciliter la création d’emplois formels et la restructuration des entreprises.

• Conjointement avec une plus grande flexibilité du code, il serait opportun d’introduire uneforme d’assurance-chômage et de formation pendant la période de chômage afin de fournir unminimum de filet de sécurité à ceux qui perdent leur emploi 30.

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(30) Selon la Banque mondiale (2008b), les indemnités de licenciement figurent parmi les plus bas de la région et ne sontrèglementés que pour les licenciements généraux, les tribunaux décidant des autres cas. C’est seulement dans les casdes mises à pied collectives que les gens bénéficient d’avantages aussi élevés que le salaire minimum, pendant 6 moisau maximum. Cette indemnité est payée par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, et financée à travers unecontribution de 0,4 % sur les salaires

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5.35. Améliorer davantage les services d’intermédiation. L’intermédiation est l’un des élémentsclés de la politique active d’emploi en Tunisie. Cette politique vise à (i) encourager l’insertion desjeunes demandeurs d’emplois en réduisant le cout du travail pour les firmes ; (ii) diffuserl’information sur les offres et demandes de travail et (iii) gérer des programmes de placement demain d’oeuvre financés par divers fonds publics 31.

5.36. Aujourd’hui, l’intermédiation est largement domine par une agence nationaled’intermédiation. Toutefois, pour améliorer l’efficience et l’efficacité de l’intermédiation unerécente réforme annonce l’ouverture formelle de l’intermédiation au secteur privé et aux structuresassociatives. Ceci va dans le sens d’une meilleure collecte, traitement et diffusion de l’informationsur les offres et demandes de travail existantes, de manière à réduire les asymétries d’information.

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(31) Par exemple le stage d’initiation à la vie professionnelle (SIVP) subventionne le salaire pour une période limitée demanière à encourager l’insertion des diplômés du supérieur. Le Contrat Emploi Formation (CEF) encourage l’emploides jeunes ayant un niveau d’étude secondaire. Pour une analyse de l’impact des politiques actives d’emploi, voirMarouani (2009) et World Bank (2008b).

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6. L’INNOVATION COMME LEVIERDE CROISSANCE DURABLE

6.1. Les résultats de la gestion des ressources naturelles affichés par la Tunisie sont exemplaires.Depuis 1980, la Tunisie est une pionnière dans ce domaine parmi les pays en développement, grâceaux efforts qu’elle a déployé pour la conservation, la rationalisation de l’utilisation de l’énergie etla promotion des énergies renouvelables. L’intensité énergétique y est de 0,08 ktep par 1000 $ USde PIB, bien en dessous de la moyenne de 0,18 de la MENA (Région Moyen-Orient et Afrique duNord), et même inférieure à la moyenne mondiale de 0,13. Bien que ses ressources d’eaurenouvelables par habitant sont moins de la moitié de la moyenne de la MENA, l’eau en zoneurbaine est disponible 24 heures sur 24 avec une couverture universelle. Son utilisation destechnologies de conservation de l’eau dans le secteur agricole a entraîné une utilisation plus efficacede l’eau, plaçant la Tunisie au deuxième rang dans la région 32. La densité de la population estrelativement élevée, en particulier dans certaines parties de la côte, cependant le coût de la pollutionatmosphérique a été le plus faible des 8 pays de la MENA pris en compte par une étude de la Banquemondiale (Sarraf 2004).

6.2. L’environnement naturel de la Tunisie est fragile et ses ressources naturelles sont limitées. Ces20 dernières années, les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme, tous grandsconsommateurs de ressources, ont été les principaux moteurs du développement. La dégradationconsidérable des sols et de l’eau est la preuve évidente du stress qui en résulte sur l’environnement.Les responsables politiques doivent donc affronter les compromis avec lucidité et veiller à ce que ledéveloppement reste soutenable à long terme. Par exemple, les jours de pointe, l’irrigation pargravité de 1.000 hectares consomme l’équivalent d’une ville d’un million d’habitants (MAHR2006), ce qui génère un coût d’opportunité élevé de l’affectation de l’eau à des cultures sans grandevaleur sur des terres peu productives. Ailleurs, même avec des prix nettement inférieurs auxsommets récemment atteints, une dépendance croissante vis-à-vis des hydrocarbures importésexpose les marchés nationaux et/ou les caisses de l’État à la volatilité des marchés énergétiquesinternationaux. Bien que l’efficacité énergétique soit déjà élevée, le rapport 2009 de la Banquemondiale estime qu’un gain supplémentaire de 10 % élèverait le PIB de 0,4 %, suggérant ainsi quede nombreux investissements seraient rentables.

6.3. Selon une étude de la Banque mondiale datant de 1999 (et donc relativement ancienne), le coûtde la dégradation de l’environnement serait de 2,1 % du PIB, tant en termes de réduction de laproduction que de perte de bien-être causée par la détérioration de la qualité de vie.

6.4. Les contraintes pesant sur les ressources devenant de plus en plus fortes, ce chiffre estsusceptible de croître, augmentant du même coup les gains résultant de choix judicieux. Legouvernement a répondu à ce problème en augmentant les dépenses dans la protection del’environnement, l’investissement dans l’infrastructure et en intensifiant ses efforts dans laconservation. Le défi principal consistera à mettre en place un cadre politique clair et cohérent pourl’agriculture, l’industrie, l’énergie et le tourisme.

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(32) Eau, p. 44

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AGRICULTURE ET GESTION DE L’EAU

6.5. La superficie des terres de la Tunisie est de 15,5 millions d’hectares, dont 63 % sont classéscomme adaptés à l’agriculture et à l’élevage («surface agricole utile»). Les surfaces cultivéesoccupent 4,9 millions d’hectares, les cultures annuelles, 2,7 millions d’hectares et les culturespérennes, 2,2 millions d’hectares (dont plus de la moitié pour la culture des olives, le reste étantréparti entre les fruits et les vignes). Les espaces forestiers couvrent 1,1 million d’hectares, et0,7 million d’hectares sont en friche. Les précipitations sont faibles et variables, à la fois sur le plantemporel et géographique. 2,3 % seulement de la terre arable se trouve dans des zones humides ousubhumides avec au moins 600 mm de pluie par an et 78,6 % dans des zones arides ou désertiquesavec des précipitations annuelles inférieures à 300 mm.

6.6. Malgré les ressources limitées en terres et en eau, l’agriculture joue un rôle important dansl’économie : elle représente un dixième du PIB, des exportations et des investissements et emploiepresque un cinquième de la population active. Elle constitue une source principale de revenus pour ungrand nombre de ménages vivant dans les zones rurales, qui souvent complètent leur revenu par desactivités non agricoles. Au cours du 10ème Plan, la croissance moyenne en termes réels de laproduction a avoisiné 2,6 %, mais la production globale a largement suivi le rythme de la populationcroissante et de l’économie. Le taux de couverture de l’ensemble des besoins de nourriture est passéde 65 % entre 1987 et 1991 à 78 % entre 2002 et 2006. La stratégie de développement agricole s’estconcentrée sur quatre priorités : i) la mobilisation et l’utilisation efficace des ressources en eau ; ii) laconservation des ressources naturelles et des sols ; iii) l’amélioration de la productivité agricole ; et iv)l’intensification de la production et le développement des industries agroalimentaires.

6.7. Si les performances récentes ont été impressionnantes, elles se sont accompagnées de signes deplus en plus visibles de stress sur l’environnement. Entre 90 et 95 % des ressources en eau sontactuellement utilisées comme eau courante et une surexploitation des eaux de surface a entraîné unebaisse des nappes aquifères de 0,38 m et des eaux souterraines profondes de 0,74 m (Sarraf et al.2007). Un tiers de la nappe aquifère du pays est fortement surexploité, et l’extraction excessive deseaux souterraines se poursuit malgré des efforts visant à réglementer et à assurer la conservation. Cettesurexploitation a affecté la qualité de l’eau et augmenté sa salinité. De plus, elle a sérieusementdégradé les ressources en terre. Près de 3,5 millions d’hectares de terre ont été plus ou moins affectéspar l’érosion éolienne et hydrique, et 31% des terres arables sont actuellement sérieusement érodés.On enregistre chaque année, une perte de 30.000 hectares de terres productives.

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6.8. L’eau représente la contrainte la plus pressante sur la croissance agricole. Sa disponibilitéannuelle actuelle est d’environ 4,7 milliards de m3, dont 2,7 milliards de m3 d’eau de surface et de2,0 milliards de m3 d’eau souterraine (Besbes, Hamdane 2005). Le traitement des eaux usées permetde rajouter 200 millions de m3 par an. La disponibilité de l’eau par habitant est de 438 m3, ce quicorrespond à moins de la moitié de la moyenne régionale de 1.100 m3. Il est prévu qu’elle se réduiseà 373 m3 par habitant d’ici à 2030. L’infrastructure de l’eau, bien développée en Tunisie, mobiliseactuellement entre 90 et 95 % de la surface et de l’eau souterraine disponibles pour l’utilisationcourante, et quelques options sont envisageables pour trouver de nouvelles sources. L’accent est missur le stockage d’importants volumes en prévision des années de pénuries. Mais les ressources eneau se concentrent principalement dans le nord et dans l’intérieur du pays, ce qui entraîne des coûtsélevés de transport pour les utilisateurs vivant sur le littoral. Le dessalement, bien qu’il soit uneprocédure coûteuse, semble inévitable pour desservir les zones urbaines du littoral.

6.9. L’agriculture reste au centre des politiques en matière de gestion de l’eau. Environ 82 % desressources mobilisées en eau sont utilisées dans ce secteur, la plupart pour l’irrigation. Les terresirriguées couvrent approximativement 394,000 ha et contribuent à un tiers du PIB agricole et à 20 % dela valeur des exportations agricoles. Malgré les taux déjà élevés de mobilisation de l’eau, l’État apoursuivi sa construction de réservoirs et de forage de puits profonds dans le cadre de sa stratégienationale pour augmenter le potentiel d’irrigation et pour réduire la dépendance de la productionagricole à l’égard de la pluie. Mais le potentiel d’expansion est considérablement limité, et la baisse dela fertilité des sols affecte maintenant la majorité des zones irriguées, provoquant des baissesconsidérables de la production, malgré l’utilisation d’engrais. La baisse des résidus organiquesprovenant de la production agricole accélère le déclin de cette fertilité. La salinité et l’engorgement sontdes problèmes généralisés, particulièrement dans les zones à faible drainage. Presque la moitié deszones irriguées ont actuellement des niveaux élevés de salinité et 29 % supplémentaires ont une salinitémoyenne. Environ 22% des surfaces irriguées sont affectées par un certain degré d’engorgement.

6.10. La conservation, le dessalement, le recyclage et la rationalisation de l’agriculture doivent fairepartie des mesures à prendre afin de garantir une utilisation durable de l’eau à moyen et long terme.Selon tout scénario raisonnable, la disponibilité de l’eau restreindra la croissance future du secteuragricole. Des mesures doivent absolument être prises pour conserver et augmenter l’efficacité del’utilisation de l’eau. Sur le plan technique, une gestion efficace des ressources en eau demande uncontrôle strict des pertes par la mise en place de bons systèmes de pompages et de réseaux dedistribution efficaces. Mais la structure complexe du régime foncier, de l’absentéisme, des systèmes decrédits à l’agriculture, combinée à l’insuffisance des services de vulgarisation rend plus problématiqueune augmentation considérable de l’efficacité de l’irrigation dans un avenir prévisible. La mesure la plusefficace que pourrait prendre les pouvoirs publics pour rehausser cette efficacité consiste à utiliser dessignaux des prix de façon plus énergique et plus cohérente. Les factures d’irrigation couvrent les coûtsopérationnels et d’entretien, mais ne reflètent pas la valeur de rareté. Entre-temps, la technologie del’économie de l’eau d’irrigation a été subventionnée, mais son effet est contrebalancé par une réductionde 50 % du prix des céréales. Ces programmes ont eu pour conséquence un transfert de ressources enfaveur d’une production insoutenable de céréales, qui contribue à épuiser des ressources en eau déjàrares et d’une manière plus générale, à dégrader les ressources de la terre et en eau.

6.11. La culture trop intensive a contribué à la dégradation du sol, aussi bien sur le plan desressources en eau que de la qualité de la terre. Ceci a eu des répercussions considérables sur lesecteur agricole qui a enregistré une baisse des rendements, ainsi qu’une perte de production. Cecireflète partiellement le cas de la production de céréales sur des terres peu productives et celui de lasurexploitation des pâturages pour les besoins de l’élevage de bétail. À la lumière des impacts

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écologiques, il se peut que l’État décide de revoir les cibles de production pour le secteur dans sonensemble. Non seulement cette production excessive soumet la terre et les ressources en eau à unepression exagérée, mais sa logique économique n’est pas toujours claire. La production de céréalessur des terres sèches n’est ni économique, ni soutenable du point de vue de l’environnement : lesrendements sont comparativement faibles et exigent beaucoup d’eau. La politique d’autosuffisanceappliquée aux produits de l’élevage de bétail a été soutenue par divers systèmes de tarification et desubventions, et la production de viande bovine et de lait en Tunisie est presque deux fois plus chèreque leur importation. De plus, la taille du bétail augmente la pression sur les ressources despâturages. Il serait bon de procéder à un examen complet des subventions agricoles en vue d’un arrêtprogressif des activités non soutenables et non viables économiquement.

EFFICACITE ENERGETIQUE

6.12. Dans les années 70 et au début des années 80, grâce à la découverte de ressources importantes degaz et de pétrole, l’énergie a commencé à jouer un rôle primordial dans le développement économiqueet social de la Tunisie. Cependant, comme le reste de l’économie s’est développé, et que la productiona stagné, la part de l’énergie dans le PIB s’est réduit à seulement 5 % en 2004, comparé à 13 % en 1980.L’énergie continue à constituer un secteur économique important avec des revenus tirés des exportationsatteignant 5,2 milliards de DT en 2007, comparé à 5,2 milliards de DT pour le textile et 0,7 milliard deDT pour l’huile d’olive. En même temps, les redevances sur la production de pétrole brut contribuentde manière importante aux recettes publiques. Mais, l’équilibre entre l’offre et la demande s’estprogressivement resserré et vers la fin des années 90, la Tunisie est devenue un importateur netd’énergie. Les importations couvrent aujourd’hui un quart des besoins énergétiques.

Tableau 10 - Subventions énergiques en 2006(en billions de dinars tunisiens et %)

Valeur Pourcentage

Agriculture 88 6.7

Industrie 491 37,1

Transport 220 16,7

Résidentiel 342 25,9

Services 181 13,7

Total 1.321 100

Tableau 11 - Équilibre énergétique pour la Tunisie en 2006

Offre et Pétrole Produits Énergieconsommation brut pétroliers renouvelable

Production 3430 2028 1162 6632

Importations nettes -1552 2311 1414 2173

ATEP 1806 2319 3442 1162 8741

Source IEA, Remarques, ATEP - Approvisionnement en énergie primaire ; la différence avec la somme des colonnes estdue à l’omission de faibles volumes d’approvisionnement en énergie hydraulique, géothermale et en diesel marine, ainsiqu’à des changements ans les stocks

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6.13. Le déclin de l’énergie en tant que secteur productif s’est accompagné d’un recentrage despolitiques énergétiques sur l’efficacité 33. Au milieu des années 80, la Tunisie a été une pionnière,parmi les pays en développement, dans le domaine de la mise en place d’un cadre institutionnel etjuridique pour la promotion de l’efficacité et de la conservation. L’Agence Nationale pour laMaîtrise de l’Energie (ANME), créée en 1985, a dirigé les efforts par le biais de recherche, deplanifications stratégiques, de surveillance et par un programme d’incitations et de démonstrationstechniques, ainsi que par la sensibilisation du public 34. Le mandat de l’ANME s’est élargiprogressivement, plus récemment en 2004 et 2005, avec la fondation des Compagnies de servicesénergétiques (ESCO) qui fournissent une gestion intégrée des projets, et le Fonds national pour laconservation de l’énergie» (FNME) dont l’objectif est de faciliter les investissements pour lefinancement de l’économie d’énergie. L’accélération des progrès en matière d’efficacité énergétiquedepuis le début des années 90 est une preuve du succès de ces initiatives (Figure 27). La tendancereflète à la fois l’évolution structurelle de l’économie vers des services à plus faible intensitéénergétique, ainsi que des succès au niveau sectoriel. Même si en matière de performances, laTunisie se positionne favorablement par rapport à la plupart des autres pays de la région MENA, iln’en est pas de même par rapport à d’autres pays méditerranéens (la Grèce et le Portugal). Sesperformances peuvent donc s’améliorer.

6.14. Le 11ème Plan de développement (2007-2011) présente les grandes lignes de la politiqueénergétique, y compris l’objectif de réduction de l’intensité énergétique de 2 ou 3 % par an etl’augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables de 4 % par une plus grande concentrationsur l’investissement dans l’efficacité énergétique et dans l’énergie renouvelable. Les pouvoirs publicsont élaboré un programme de gestion de l’énergie sur 4 ans (2008-11) pour mettre en évidencel’importance de la conservation de l’énergie. Ce dernier a été adopté par le Conseil des ministres etprésenté au public au début des années 2008. Les objectifs principaux du plan sont les suivants :

• Promotion de la cogénération et de l’auto-génération de l’énergie renouvelable dans le secteurindustriel (énergie éolienne essentiellement).

• Utilisation plus large des audits énergétiques dans le secteur industriel et l’obtention obligatoired’une autorisation pour la mise en place de nouvelles installations industrielles.

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(33) Bien que l’exploration de pétrole et de gaz reste à l’ordre du jour, y compris le 11ème Plan.

(34) Se référer à www.anme.nat.tn.La Figure 38 montre la consommation d’énergie par unité de production. L’efficacitéde l’énergie augmente au fur et à mesure que la courbe diminue.

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• Amélioration de l’isolation thermique des bâtiments.

• Développement des normes pour les appareils électroménagers et retrait graduel deséquipements non conformes à ces normes. Généralisation de l’utilisation des lampesfluorescentes compactes (LFC).

• Incitations financières pour l’utilisation du chauffage de l’eau par l’énergie solaire.

• Amélioration de l’efficacité énergétique dans les transports

• Augmentation de l’utilisation du gaz naturel dans les secteurs résidentiels et commerciaux

6.15. De plus, grâce au soutien de la Banque mondiale et d’autres partenaires de développement, lesressources et la couverture du Fond national pour la maîtrise de l’énergie (FNME) sont en coursd’expansion. Enfin, une administration de réglementation de l’énergie sera créée pour superviser lamise en place et la conformité du programme de gestion de l’énergie.

6.16. Les grandes lignes du plan ainsi que des éléments particuliers, comme la promotion desinvestissements privés, les audits énergétiques et l’étiquetage des produits sont le reflet d’uneamélioration des méthodes internationales et représentent un effort louable qui permettra à laTunisie de conserver sa longueur d’avance dans le domaine de la conservation de l’énergie.Cependant, il se peut que les pouvoirs publics soient en mesure de renforcer l’environnementfavorable :

• Renforcement du cadre juridique pour la cogénération et le développement de l’énergieéolienne confié à des producteurs d’électricité indépendants.

• Accroissement d’échelle du FNME (Fonds national pour la maîtrise de l’énergie) etélargissement de ses champs d’application, y compris dans le domaine de la cogénération et dela puissance éolienne. Le FNME et d’autres sources publiques ne couvrent actuellement que16 % des exigences en investissements mentionnés dans le 11ème Plan et s’élevant à 1,3milliards de DT.

• Soutien des SSE (Sociétés de services énergétiques) et prise de conscience de leurs rôles

6.17. D’autres mesures politiques continuent de contrecarrer l’objectif d’efficacité énergétique. Lespouvoirs publics, en particulier, devraient examiner l’utilisation des subventions. Ces dernières sontaccordées aux différents niveaux de la chaîne de valeurs, ne sont pas transparentes et créent desdistorsions. Par exemple, l’ETAP (la compagnie nationale de production de pétrole) vend du pétrolebrut à STIR (la raffinerie nationale) à un prix inférieur au tarif international, ces remises serépercutent sur les distributeurs et sur les utilisateurs finaux 35. Les tarifs nationaux du gaz sontsubventionnés à deux niveaux : i) par le biais des prix du pétrole et du gaz facturés à la STEG (lacompagnie d’électricité nationale) et ii) par les tarifs de l’électricité fixés en dessous du niveau derécupération des coûts de la STEG. Les subventions ont totalisé 1,3 milliards de DT en 2006, soit3,2 % du PIB ou 27 % du coût énergétique.

6.18. Tableau 13 montre que la moitié des subventions en 2006 a été consacrée aux secteursindustrie et transport ; le secteur résidentiel est également un bénéficiaire important. Cessubventions ont eu pour impact de décourager les investissements dans l’efficacité énergétique et deréduire les coûts opérationnels.

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(35) Bien que des déclins récents dans les tarifs internationaux ne se soient pas reflétés sur le marché local et que lessubventions se soient considérablement réduites.

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TOURISME ET ENVIRONNEMENT

6.19. Depuis 1960, le tourisme est devenu un volet important de l’économie, à la suite de sacroissance considérable. La Tunisie reçoit environ 7 millions de touristes par an, dont 60 % viennentd’Europe et le reste du Maghreb. Le WTTC (World Travel and Tourism Council - Conseil mondialdu voyage et du tourisme) estime que les exportations liées au tourisme et aux voyages ont atteint3,6 milliards de DT en 2008, soit 17,3 % des exportations de biens et services non facteurs. La partdirecte de ce secteur dans le PIB est de 4,4 % et dans l’emploi de 8,8 %, et sa part indirecte est ledouble. L’importance particulière du secteur touristique s’explique par son potentiel de créationd’un grand nombre d’emplois relativement peu qualifiés.

Tableau 12 -Indicateurs du tourisme(en milliards de DT et %)

Milliards de DT Pourcentage

Exportations (milliards de DT) 4,4 17,3

PIB (en milliards de DT) 8,6 17,4

- Direct (en milliards de DT) 4,4 8,8

Emploi (en milliers) 508,8 16,2

- Direct (en milliers) 270,8 8,6

Source : WTTC 200936.

6.20. Suite aux évènements de septembre 2001 et d’avril 2002 (à Djerba), le nombre de touristes enprovenance des marchés européens traditionnels s’est réduit drastiquement, et en particulier celui del’Allemagne. Ces derniers ont été remplacés avec l’émergence de nouveaux marchés en Europe del’Est, tels que la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque. Cependant, la croissance au coursdu 10ème Plan (2001-2006) était d’environ 3,4 %, comparée aux chiffres de 5.4 % prévusinitialement par les pouvoirs publics, ce qui met en évidence la vulnérabilité du secteur par rapportaux conditions externes. À la lumière de la récession économique mondiale, la croissance prévue de6,1 % au cours du 11ème Plan peut se révéler tout aussi difficile à atteindre. Cependant, dans lamesure où la période actuelle est une période de récession, les pouvoirs publics pourraient saisircette opportunité pour développer une stratégie à plus long terme pour rendre le secteur viable.

6.21. Le tourisme est majoritairement (à 70-80 %) un tourisme de masse, avec des forfaits pourvacances en bord de mer bon marchés, ce qui a entraîné la congestion de certaines régions. LaTunisie a 1.200 km de côte avec 525 km de plages sablonneuses. Cependant, en 2004, 65 % dudéveloppement urbain (environ 4 millions d’habitants) et 94 % de la capacité hôtelière (environ200 000 lits) se concentraient sur 250 km de littoral, soit moins de 20 % de la zone côtière.Seulement 80 km de littoral a été développé pour le tourisme et les densités sont très élevées danscertains endroits. Par exemple, 25 000 lits et une marina sur moins de 7 km de bande littorale sontconcentrés dans le sud de Hammamet 37. Bien que le tourisme n’entraîne pas de demandes élevées

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(36) http://www.wttc.org/bin/pdf/original’pdf’file/tunisia.pdf.

(37) Un modèle de développement similaire à forte densité a été utilisé dans les pays méditerranéens du nord depuis lesannées 50, par exemple dans la région de Costa Brava en Espagne et dans celle du Languedoc en France, mais a étédepuis abandonné.

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en eau : seulement environ 1 % de son utilisation globale, sa consommation augmente plusrapidement que dans n’importe quel autre secteur, et les réserves ont été localement surexploitéesdans les régions à fort développement.

6.22. Au delà des implications inhérentes au surpeuplement, le tourisme a souffert d’un manque decontrôle et de mise en place ou de mise en application de réglementations environnementales. Bienque les pouvoirs publics considèrent la gestion de la zone littorale comme une de leurs premièrespriorités, les zones et les réseaux touristiques ne sont soumis à aucune réglementation orientée versla protection de l’environnement. Selon le CEA, la densité, la hauteur et la taille des bâtimentsconsacrés à l’hôtellerie, ainsi que la proportion de zones vertes naturelles ou développéesartificiellement sont laissés à la seule discrétion de promoteurs intéressé avant tout à larentabilisation de leurs investissements 38. Des constructions trop proches de la mer ont étéautorisées, ce qui a contribué à une érosion du littoral en modifiant des courants, en détruisant desdunes naturelles et en supprimant la végétation. Les réglementations concernant l’eau sont rarementrespectées et des hôtels voisins utilisent la même nappe aquifère en dépit de restrictions sur lepompage. Si les tendances actuelles se poursuivent, les plages sur les îles de Djerba et de Kerkannehpourraient disparaitre dans quelques dizaines d’années, menaçant directement l’infrastructuretouristique et le gagne-pain des communautés locales. Une estimation datant de 1999 (et doncrelativement ancienne) évalue à 0,2 % du PIB le coût de la dégradation de l’environnement sur lesecteur touristique (Sarraf 2004). Cependant, les impacts locaux pourraient être beaucoup plusélevés.

6.23. Pour réduire quelque peu la pression sur les ressources côtières, le 11ème Plan présente unenouvelle stratégie fondée sur l’exploitation de niches dans le tourisme de santé, la thalassothérapie,les vacances de golf, les conférences, l’écotourisme et le tourisme culturel. Il propose aussi dediversifier l’hébergement par le développement de sites de camping, d’hôtels-boutiques et d’hôtelsrésidentiels. Sans cette diversification, la rentabilité future du tourisme est susceptible de baisser dueà la dégradation du littoral. De plus, les coûts de la protection de l’environnement augmenteront lesprix dans ce segment de marché dont la compétitivité dépend grandement des coûts. Il n’en restepas moins que le tourisme de masse en bord de mer restera le secteur dominant de l’industrie sur lemoyen terme au moins. Un plan de développement intégré de la zone littorale, ainsi que la mise enplace et l’application de mesures adéquates pour la protection de l’environnement est primordialpour garantir la viabilité de ce secteur.

6.24. Il est toutefois important de noter en guise de conclusion que la pression sur les ressourcesnaturelles constitue cependant une opportunité pour investir (y compris IDE) dans l’énergierenouvelable, développer la recherche et l’innovation dans le domaine de la gestion de l’eau, desdéchets solides, les technologies propres et de l’environnement en général. Comme la plupart de cesdéfis sont communs aux pays de la région et de l’Europe, un partenariat gagnant-gagnant peut êtrerecherché pour faire face via des projets communs.

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(38) Les effets externes négatifs seront donc sous-estimés dans un contexte d’équilibre compétitif.

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