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DÉCOUVREZ DU DOSSIER 3 ARTICLES « DÉVELOPPER LES LEADERS DE DEMAIN »

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DÉCOUVREZ

DU DOSSIER3 ARTICLES

« DÉVELOPPER LES LEADERS DE

DEMAIN »

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Plus que jamais, la gestion des talents se maintient au sommet des préoccupations des dirigeants. En effet, dans un contexte d’affaires où il n’y a pas de place pour l’erreur, il revient au comité de direction de chaque organisation

de minimiser les risques d’échec en ce qui concerne l’attraction, la fidélisationet le développement de ses talents prometteurs. Voici quatre questions

qui méritent d’être examinées attentivement pour fins de discussion. ALAIN GOSSELIN ET DOMINIQUE MORVAN

LA GESTION DES TALENTS

QUATRE QUESTIONS À DÉBATTRE AU COMITÉ DE DIRECTION

Alain Gosselin est professeur titulaire et directeur de l’École des

dirigeants de HEC Montréal.

Dominique Morvan est coach et consultante en gestion des talents.

Notre recherche1 montre que, depuis cinq à sept ans, les entreprises ont été nombreuses à mettre en œuvre des « revues de talents ». Il s’agit d’une série de rencontres, généralement deux fois par année, qui impliquent les comités de direction à divers chapitres (usine, fonc-tion, unité d’affaires, région) et qui vont du bas vers le sommet de l’organisation.

Auparavant, les discussions concer-nant la relève se faisaient derrière des portes closes, en groupe très restreint, de façon informelle, sans que ce pro-cessus soit balisé par des critères bien définis. Dans le contexte d’une guerre des talents, de telles pratiques ne sont plus tolérables aujourd’hui.

Lors d’une revue de talents, le comité de direction poursuit plusieurs objec-tifs : clarifier les enjeux liés à la relève,

définir les exigences des postes clés à pourvoir au cours des prochaines années, positionner chaque personne en ce qui a trait à la performance et au potentiel, planifier le développement professionnel des personnes pres-senties pour la relève et, ultimement, décider de leur déploiement optimal (mandats, affectations, promotions) en fonction de leurs ambitions, de leur potentiel et des besoins prioritaires de l’organisation. Ces rencontres com-portent donc un programme très chargé.

Tous ces points de discussion sont pertinents et essentiels, mais d’autres questions cruciales sont parfois négli-gées. Elles sont du ressort du comité de direction et ne peuvent pas être délé-guées aux professionnels en ressources humaines. Nous en aborderons quatre.

QUELLE ESTVOTRE STRATÉGIE

DE GESTION DES TALENTS ?

Tout en gardant à l’esprit la question de la gestion des risques, le comité de direction doit insérer le processus de ges-

tion des talents entre la planification stratégique (orientations, long terme) et la planification opérationnelle (bud-gétaire et annuelle). Le but de l’exercice consiste à s’assurer que l’organisation ait les moyens de réaliser ses ambitions en ayant les bonnes personnes aux bons postes et au bon moment. Réussir cela dans un contexte toujours changeant, avec un marché de la main-d’œuvre sous tension et des talents plus exigeants et plus mobiles que jamais, est un véri-table défi.

Avant d’aborder les questions usuelles, le comité de direction a intérêt à prendre du recul afin de se positionner par rapport à deux décisions cruciales.

SEGMENTER LES INDIVIDUS ET LES POSTES Le but visé consiste à optimiser les investissements en ciblant les talents prioritaires et en adoptant des solutions appropriées à chaque segment. Ici, deux approches s’opposent : l’approche inclu-sive (tous les individus ont du talent et sont donc tous également importants) et l’approche exclusive (seuls ceux qui présentent un potentiel élevé pour assu-rer la relève font l’objet de l’attention de la direction).

Entre ces deux extrêmes non mutuel-lement exclusifs, il y a un vaste terrain que le comité de direction peut explo-rer en deux temps. Premièrement, il doit identifier les individus qui, pour différentes raisons, ont une valeur stratégique pour la direction et dont il faut s’occuper en priorité. Ce peut

être le cas, entre autres, d’experts rares, de membres du personnel hau-tement performants à potentiel limité ou d’individus proches de la retraite détenant des connaissances précieuses. Deuxièmement, il est utile d’étendre la discussion aux postes cruciaux ou stratégiques qui ont un impact dispro-portionné sur les résultats de l’organi-sation (par exemple, les responsables de projets et les leaders de proximité) ainsi qu’aux questions qui pourraient fragiliser l’organisation (par exemple, des départs massifs à la retraite ou de nouvelles compétences requises par un changement majeur).

DÉTERMINER LA STRATÉGIE POUR CHAQUE SEGMENT À haut niveau, gérer les talents, c’est avant tout choisir parmi trois options :

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Songez au vivier de talents qui existe dans le domaine du sport, par exemple au hockey. Les joueurs s’initient souvent

très jeunes à ce sport et ceux qui se démarquent rapidement grâce à leurs performances et à leur sens du jeu sont invités à se joindre à des équipes d’élite de divers niveaux (par exemple AAA). Des tournois sont organisés non seulement pour leur offrir des expé-riences formatrices mais aussi pour les observer et les évaluer. À mesure qu’ils progressent, ils bénéficient de plus de ressources, d’encadrement et de sou-tien. Observez-vous des ressemblances avec un vivier de talents en entreprise ?

Toutefois, une question intéres-sante concerne la place qu’on réserve à des groupes spécifiques. Prenons l’exemple des femmes. Au hockey, si cet enjeu ne pose pas de problème au début du processus (il y a des équipes mixtes), il survient un moment où on juge nécessaire de créer un vivier différent afin d’assurer une certaine

égalité des chances et de permettre à celles qui ont la volonté et le talent nécessaires de progresser, du moins jusqu’aux Jeux olympiques. Devrions-nous faire la même chose en entre-prise ? Au sein de plusieurs organisa-tions, bien des gens pensent que oui.

Il est vrai que les faits vont dans ce sens. Bien que les femmes soient souvent majoritaires dans les pro-grammes de formation universitaire ou dans certains milieux de travail, elles demeurent nettement sous-représentées aux postes de direction. L’étude récente effectuée par l’uni-versité Harvard4 auprès de plusieurs milliers de diplômés (en majorité des MBA) vient déboulonner les raisons habituelles invoquées pour expliquer cet écart. Les femmes ne diffèrent pas des hommes en ce qui concerne la valeur qu’elles accordent au travail et à la carrière ; par ailleurs, le nombre de celles qui quittent le marché du tra-vail pour prendre soin de leur famille demeure relativement faible.

La firme McKinsey5 explique cette lacune par un manque crois-sant de mixité au sein des bassins de talents au fur et à mesure qu’on gravit les échelons jusqu’à atteindre le comité de direction. Le vivier de talents comporte donc des fuites de plus en plus sérieuses quand on progresse dans la hiérarchie. Cette lacune peut aussi s’appliquer au défi de la diversité culturelle. Avec l’arri-vée massive d’immigrants souvent plus scolarisés que la main-d’œuvre locale, il s’agit là d’un véritable enjeu pour les années à venir.

Il revient au comité de direction de suivre de près l’évolution de groupes spécifiques dans le vivier de talents. Conséquemment, il aurait intérêt à se positionner clairement en ce qui concerne la pertinence d’ajuster les critères d’évaluation du potentiel et de créer des programmes de déve-loppement (formation, mentorat, coaching) spécifiquement conçus pour certains groupes.

1- Embaucher (buy) à l’extérieur de l’or-ganisation, en mode « juste à temps », les individus qui ont déjà le profil recher-ché, la bonne trajectoire professionnelle et le type de réalisations attendues. 2- Favoriser le développement (build) des individus au sein de l’organisa-tion en mettant en place un véritable vivier de talents pour assurer la pré-sence d’une relève qui aura les bonnes qualifications au bon moment. 3- Se lier temporairement (borrow) aux bonnes ressources (des consultants ou des contractuels, par exemple) afin de répondre à des besoins ponctuels en matière de compétences.

Depuis quelques années, la préférence se déplace de l’embauche à l’externe vers le développement à l’interne. Alors que la première option peut s’avérer coû-teuse et perturbatrice, la seconde peut être lente et risquée. Par ailleurs, ces deux options s’appuient sur une rela-tion employeur-employés souvent exigeante. Dans un monde incertain et fluctuant, des observateurs2 font valoir que les organisations préfèrent de plus en plus la troisième option en raison de sa flexibilité et de ses coûts moindres. Les plateformes de talent virtuelles (Upwork, Mechanical Turk d’Amazon) s’aventurent en dehors de la relation employeur-employés et donnent accès à des bassins de talents totalement nou-veaux et inattendus (par exemple, des travailleurs en emploi du type Uber qui valorisent leurs temps libres). Trouver la combinaison optimale entre les trois options pour chacun des segments de talents impose donc une discussion plus poussée et, surtout, plus engageante pour le comité de direction3.

Il arrive un moment où on juge nécessaire

de créer un vivier différent afi n d’assurer

une certaine égalité des chances

Le comité de direction doit identifi er les individus qui, pour différentes raisons, ont une valeur stratégique pour la direction et dont il faut s’occuper en priorité

DEVEZ-VOUS AVOIR UN

VIVIER DE TALENTS RÉSERVÉ À DES GROUPES SPÉCIFIQUES ?

LE COMITÉ DE DIRECTION DEVRAIT-IL

AGIR COMME UN COURTIER EN TALENTS ?

Lors de la revue de talents, des efforts considérables sont consentis par les membres du comité de direction pour juger

du potentiel des employés clés, c’est-à-dire de leur capacité perçue à progres-ser au-delà de leurs postes actuels. L’information utilisée pour élaborer ce jugement provient notamment de divers outils d’évaluation : batterie de tests psychométriques, centres d’éva-luation du potentiel, évaluations à 360 degrés, etc. Une pratique fréquente consiste à utiliser l’information amas-sée au sujet de chaque personne pour l’intégrer dans une matrice à neuf cases (nine box grid) construite autour de deux

dimensions : la performance et le poten-tiel. De telles initiatives permettent d’enrichir les discussions au sein du comité de direction et de clarifier les critères d’évaluation du potentiel des employés.

Cependant, il existe un piège redoutable dans lequel les organisa-tions peuvent tomber. Cela survient lorsque l’identification des individus à haut potentiel devient une fin en soi. L’essentiel des efforts est alors consa-cré à l’établissement d’un consensus sur le positionnement d’une personne en tant qu’élément de la relève et à la révision de ce positionnement d’une année à l’autre. L’entreprise finit par

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La plupartdes gestionnaires n’ont pas été préparés adéquatementet certains n’ont pasla fi bre d’un coachpour accompagnerles individusdans leur progression

Notes1. Marie-Ève Cruz-Riendeau, Sarah Dow-Jodoin et Alain Gosselin, L’état de la gestion du talent au Québec – Étude exploratoire auprès de 27 grandes entreprises, document inédit,HEC Montréal, octobre 2013, 26 pages.

Tout au long du processus de gestion des talents, l’attention est grandement tournée vers ceux qui identifient les indi-

vidus au potentiel prometteur. Cela donne l’impression que les patrons (les leaders de proximité) de ces der-niers ont un rôle mineur à jouer. Ceci entre en contradiction avec le dis-cours dominant selon lequel les lea-ders de proximité sont responsables du développement des membres de leur équipe. Certaines organisations vont même jusqu’à les rémunérer en fonction de leur succès à promouvoir leurs employés.

Il faut reconnaître que les orga-nisations investissent souvent des sommes importantes dans des pro-grammes de formation pour rendre les leaders de proximité aptes à gérer la performance. Or, la performance est tournée vers le passé, se situe dans le court terme (souvent un an) et fait référence à un processus de gestion

bien balisé depuis plusieurs années (attentes signifiées, feedback continu, évaluations périodiques, etc.). Gérer le talent, par contre, est souvent nouveau pour eux. Cette responsabilité s’inscrit dans le long terme, fait référence au potentiel, une notion plus ambiguë, et soulève des enjeux encore plus com-plexes (déterminer un cheminement de carrière, par exemple). Les leaders de proximité ont besoin de préparation pour relever ce défi.

Par ailleurs, un enjeu de confiance se pose puisque l’employé pourrait avoir des réticences à divulguer à son ges-tionnaire des informations qu’il juge susceptibles de ternir son image ou de mettre en péril sa progression. De son côté, le leader de proximité pourrait être réticent à soutenir le développe-ment d’un employé prometteur, par crainte de le voir quitter ses responsa-bilités actuelles ou son unité d’affaires, ou encore de voir sa progression se faire au détriment de la sienne.

À cet enjeu de confiance s’ajoute également celui de la compétence du gestionnaire à soutenir adéquatement son employé de talent. Il faut se rendre à l’évidence : la plupart des gestionnaires n’ont pas été préparés adéquatement et certains n’ont pas la fibre d’un coach pour accompagner les individus dans leur progression. Enfin, il ne faut pas non plus négliger le nombre souvent substantiel d'employés directs à diriger. Pour toutes ces raisons, une entreprise peut éventuellement courir le risque de rater le virage de la relève en n’assurant pas, au quotidien, un soutien et un suivi adéquats pour les employés de talent.

Le comité de direction peut alors envi-sager deux options. La première consiste

à valoriser la contribution des leaders de proximité à la gestion des talents, à clarifier leur rôle et leurs responsabilités et, bien sûr, à les former adéquatement pour qu’ils les assument. Ces efforts devraient avant tout porter sur leur capa-cité à déterminer tôt le potentiel, à gérer efficacement le plan de développement individuel (PDI) des employés de talent et à avoir des conversations, parfois dif-ficiles, en ce qui concerne leur carrière, et ce, au moment opportun.

À l’ère 2.0 et du « Moi inc. », une deu-xième option est envisageable. Pourquoi ne pas miser sur la puissance des réseaux et sur l’agilité avec laquelle ceux-ci répondent aux besoins individuels en adoptant une gestion des talents en mode

QUEL RÔLELAISSEZ-VOUS AUX

LEADERS DE PROXIMITÉ DANS LA GESTION DES TALENTS ? gérer des noms dans une grille et crée

ainsi des étiquettes qui s’avèrent dif-ficiles à changer par la suite. La revue de talents devient alors une activité effectuée en vase clos, ce qui occasionne une perception de perte de temps chez les membres du comité de direction.

Une autre limite importante découle du fait que le principal intéressé, l’em-ployé lui-même, est souvent tenu à l’écart de tout ce processus qui, pour-tant, le concerne au premier plan. Compte tenu du fait que la nouvelle génération valorise l’autonomie, le feedback, la liberté d’action et le partage de l’information, ceci devient particu-lièrement préoccupant. Songez aux nombreux employés de valeur, infor-mellement désignés en tant que relève, qui sont laissés dans l’incertitude en ce qui concerne leur progression, sans véritable plan de développement, et qui quittent l’organisation déçus et frustrés.

Pour le comité de direction, il y a donc un risque, sinon une tendance, à consacrer plus de temps et d’éner-gie à identifier les personnes clés qu’à les développer et à les déployer pour qu’elles aillent au bout du potentiel qu’on perçoit en elles. Agir comme un courtier en talents plutôt qu’en simple évaluateur du potentiel nous semble donc la posture optimale pour le comité de direction. Un courtier remet les inté-rêts et les ambitions des employés au cœur de la revue de talents. Il aplanit les obstacles au développement et faci-lite les mouvements de carrière dans l’ensemble de l’organisation, au-delà du « silo » actuel des individus ciblés.

2. John W. Boudreau et al., Lead the Work – Navigating a World Beyond Employment, Wiley, 2015, 304 pages.3. The Conference Board, Buy, Build, Borrow, or None of the Above?,2015, 30 pages.

4. Robin J. Ely et al., « Rethink what you knowabout high-achieving women », Harvard Business Review, décembre 2014, p. 101-109.5. Lareina Yee, « Fostering women leaders: A fitness test for your top team », McKinsey Quarterly, janvier 2015.

Un courtier en talents aplanit les obstacles au développement et facilite les mouvements de carrière dans l’ensemble de l’organisation

collectif ? Au lieu de s’en remettre au lea-der de proximité, il pourrait être judi-cieux d’offrir à la personne de talent une diversité de moyens et de ressources qui lui permettraient d’accélérer son appren-tissage et de personnaliser son parcours. Toutefois, cela requiert un décloisonne-ment des rôles pour impliquer un plus grand nombre de personnes : collègues, membres de la haute direction, respon-sables des ressources humaines, mentors, coachs et autres experts.

Les quatre questions « négligées » que nous avons abordées ne sont pas les seules. D’autres questions auraient pu s’ajouter à notre liste, par exemple le fait de ne pas accorder suffisamment d’at-tention à la stratégie de fidélisation des individus de talent ou aux indicateurs de performance de la gestion des talents. Ce qui importe, c’est que ce dossier soit jugé prioritaire, qu’il mobilise des ressources suffisantes et interpelle directement les membres du comité de direction.

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Le développement des ressources humaines, tout particulièrement celui des employés dits à haut potentiel, est crucial pour toute organisation. Mais le secret dans un tel processus ne risque-t-il pas de nuire au climat et aux relations de travail ? Doit-on plutôt privilégier la transparence, au risque de démotiver les autres employés ? FRANCINE SABOURIN

EMPLOYÉS À HAUT POTENTIEL : TRANSPARENCE OU SECRET ?

Les entreprises les plus performantes accordent une grande importance au développement de leurs ressources humaines, tout particulièrement les employés désignés par l’expression « hauts potentiels ».

Soucieux d’éviter une perte de savoir qui pourrait être catastrophique pour leur organisation, les comités de direc-tion consacrent du temps à la décou-verte et, surtout, au développement de la relève. Cette tâche délicate requiert un plan bien structuré, fondé sur les compétences recherchées à des postes supérieurs... Car, on le sait, le meilleur vendeur peut faire un bien piètre direc-teur des ventes !

Mais doit-on dire à une personne qu’on mise sur son potentiel ? Doit-on en informer les autres employés ? Les gestionnaires, souvent les premiers concernés, comprennent-ils l’avan-tage de s’impliquer dans la formation de ceux qui seront peut-être appelés à leur succéder ?

Bien qu’une certaine tendance à la transparence se dessine depuis quelques années, il semble qu’on garde toujours le secret à ce sujet dans la majo-rité des milieux de travail.

Les avantages de la transparenceIl faut examiner les avantages de la transparence sous trois points de vue : celui de la personne ciblée, celui du ges-tionnaire et celui de son entourage.

POUR LA PERSONNE CIBLÉEL’impact de la guerre des talents qui sévit à l’heure actuelle – et qui prendra de l’ampleur au cours des prochaines années – sur la rétention des hauts potentiels est un des principaux argu-ments en faveur d’une approche trans-parente. Si l’employé est convaincu que l’organisation s’emploiera à développer ses compétences et lui ouvrira rapide-ment des perspectives d’avancement, il fera preuve de loyauté et de fidélité envers elle. Il ne cherchera pas ailleurs

Francine Sabourin, CRHA,, CRHA,est directrice du développement de la profession à l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec.

ment des ressources humaines, un senti-ment d’iniquité peut aisément s’installer si la communication est défaillante.

Pour éviter tout dérapage poten-tiel, il faudra présenter la situation en termes clairs et démontrer que le choix des hauts potentiels est fondé sur des critères objectifs de performance et de conformité avec les valeurs et les attentes organisationnelles.

et sera moins sensible aux manœuvres de séduction de la concurrence.

Selon le Center for Creative Leadership1, 33 % des hauts potentiels qui ignorent leur statut au sein de l’organisation se cherchent un nouvel emploi, compara-tivement à seulement 14 % de ceux qui en sont informés.

La transparence peut aussi favoriser l’attraction de hauts potentiels. Selon la firme californienne de recrutement de cadres dirigeants Korn Ferry, 97 % des personnes dotées d’un tel profil recherchent un employeur qui offre un programme de développement.

La performance des hauts poten-tiels peut aussi être influencée par un programme de développement. En effet, l’attention particulière dont ils jouissent et les défis qui leur sont pré-sentés les pousseront fort probablement à se surpasser.

POUR LE GESTIONNAIREL’adhésion du gestionnaire est essen-tielle à la réussite du plan de relève. S’il se sent menacé dans sa fonction ou si on lui impose un choix qui n’a pas obtenu son aval, il risque, au mieux, de ne pas s’impliquer et, au pire, de faire obstacle à la bonne marche du développement professionnel de la personne ciblée. Il doit donc être consulté dans tout le processus de découverte et de formation de cet employé à haut potentiel.

Le gestionnaire impliqué à part entière se sent en sécurité tout au long de ce processus. La transparence, à laquelle il contribuera grâce à une communication à tous les niveaux, constituera un avantage certain pour l’organisation et pour lui-même. Bien préparé, il assumera de bonne grâce le rôle de coach auprès de cet employé à haut potentiel.

POUR L’ENTOURAGELes réactions de l’entourage de la per-sonne à haut potentiel requièrent une approche nuancée et diligente. Même si la majorité des personnes recherchent un milieu de travail où on reconnaît les talents et où on favorise le développe-

Est-il possible de faire preuve de transparence sans susciter, chez les autres employés, de la frustration, de la démobilisation ou un sentiment d’iniquité ?

Les risques liés à la transparenceLes détracteurs de la transparence évoquent ceci comme principal argument : puisque les hauts poten-tiels représentent environ 15 % des employés, il est préférable de garder le secret afin de préserver la motivation des 85 % restants.

De plus, ils croient qu’il est presque impossible de faire preuve de trans-parence sans susciter, chez les autres employés, de la frustration, de la démo-bilisation ou un sentiment d’iniquité, ce qui peut même aller jusqu’à la perte de certains éléments performants.

Les personnes concernées repré-sentent aussi un risque pour la bonne marche d’un programme de développe-ment des hauts potentiels. La qualité de la communication sera déterminante pour elles. Il faut à tout prix éviter de créer des attentes irréalistes et accom-pagner ces employés tout au long de leur cheminement.

C’est là une facette cruciale du rôle du gestionnaire. Il doit s’assurer de commu-niquer avec les dirigeants à toutes les étapes du plan de relève ainsi qu’avec

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tous ses employés pour les tenir au cou-rant, sans cachotteries, des change-ments futurs au sein de l’organisation.

Profiter des avantages sans les risquesLa première chose dont il faut s’assurer pour éviter des inconvénients comme la démobilisation des employés non rete-nus à titre de hauts performants, c’est de mener le processus de découverte et de sélection des hauts potentiels de façon objective.

Il ne doit subsister aucun doute quant à l’équité de la démarche. Pour ce faire, les critères doivent être clairs, concrets et expliqués à l’ensemble des employés, de telle sorte que chacun sera en mesure de bien se situer dans l’évaluation pro-posée. Si le programme offre en outre des possibilités de développement à tous les membres du personnel en fonc-tion de leur potentiel, chacun y trouvera une source de motivation qui se traduira par un meilleur rendement.

Des pratiques de reconnaissance desti-nées à tout le personnel nourriront aussi les sentiments d’équité, d’appartenance et d’importance qui régneront au sein des équipes de travail.

Du côté des personnes à haut poten-tiel, la gestion du programme de déve-loppement requiert autant de doigté et de prudence. Les fausses promesses et les attentes irréalistes peuvent conta-miner le processus et le faire échouer.

L’organisation décide d’investir temps, énergie et argent dans une personne qui, en retour, doit s’engager à exploiter le mieux possible son potentiel et à le faire fructifier pour l’organisation.

Pour sa part, le gestionnaire suivra presque au quotidien l’évolution de l’employé à haut potentiel. Il lui incom-bera de rappeler que le plan a une durée limitée et qu’une évaluation continue sera effectuée de manière à ajuster le processus lors des prochaines étapes. Il devra faire preuve de courage et d’honnêteté pour souligner tant les bons coups que les moins bons.

Ici encore, la communication entre les partenaires en présence est cruciale. Elle doit être constante et franche. L’employé doit comprendre que sa progression est conditionnelle à son développement et à ses performances, d’où l’importance pour lui d’être pleinement conscient de sa responsabilité dans le processus. Certaines organisations demandent même un consentement écrit aux per-sonnes sélectionnées pour participer au programme de développement.

Enfin, la transparence accentue la pression non seulement sur l’employé à haut potentiel mais également sur l’or-

ganisation, qui doit manifester de façon concrète le gain que représentent les efforts consentis par l’individu. Même si le développement constitue le but premier d’un programme de dévelop-pement des hauts potentiels, l’organi-sation a intérêt à leur offrir concrète-ment des chances de progression, que ce soit au moyen de l’enrichissement des tâches ou d’une promotion. Autrement, elle risque de souffrir de démobilisation et de subir une perte de crédibilité.

Après avoir exploré les facteurs qui influencent la mise en œuvre d’un pro-gramme de développement des hauts potentiels, il apparaît que la transpa-rence s’avère plus favorable au succès de cette démarche et au bon rendement de l’investissement que le secret.

Toutefois, la vigilance est de mise tout au long du processus afin d’instaurer un climat de confiance en établissant des critères de sélection objectifs et des attentes réalistes, et ce, en s’assurant de l’engagement de la direction et des gestionnaires envers le développement des talents et en adoptant des pratiques de reconnaissance pour tous.

Si tous ces éléments sont réunis, l’organisation a de bonnes chances de réaliser son programme de développe-ment des hauts potentiels à son profit et au bénéfice de ses employés les plus performants.

Note1. Campbell, M., et Smith, R.,High-potential

Talent – A View from Inside the Leadership Pipeline, Center for Creative Leadership, 2014.

33 % des hauts potentiels

qui ignorentleur statut au sein

de leur organisationse cherchent

un nouvel emploi

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Suzanne Dansereau

est journaliste.

DU LEADER DE DEMAIN

Bien malin celui qui saurait prédire avec exactitude à quoi ressemblera le monde en 2025. Comment alors développer aujourd’hui nos talents pour qu’ils deviennent les leaders dont nos organisations auront besoin dans un avenir rapproché ? Nous avons interrogé près d’une dizaine d’experts à ce sujet. Tous s’accordent à dire que dans un environnement volatile, incertain, complexe et ambigu, le choix d’un leader ne portera pas tant sur des compétences précises que sur son potentiel de réussite. Voici dix qualités qui l’aiderontà accroître ce potentiel. SUZANNE DANSEREAU

HUMBLEContrairement au leader héroïque des années 1980, le leader de demain sait qu’il ne pourra pas relever seul tous les défi s auxquels il sera confronté. Deborah Ancona, directrice du centre de leadership du Massachusetts Institute of

Technology, aux États-Unis, parle de « leader incomplet ». Ce leader sait que, dans un monde numérique où tout est interrelié, son infl uence sera limitée et qu’il ne sera plus le seul à détenir les réponses. Linda Hill, professeure à la Harvard Business School, utilise l’expression « leading from behind » (le « leadership en retrait », si on veut) pour décrire un leader qui se met non pas à l’avant mais plutôt à l’arrière de ses troupes, son rôle ne consistant pas à diriger mais bien à créer un contexte où chacun pourra jouer un rôle de leadership, prendre sa place et réaliser des projets. Auteur du blogue « Rethinking Leadership » pour la revue Forbes, le professeur Karl Moore, de l’Université McGill, prédit que le leader de demain aura un côté introverti. « L’introverti ne cherche pas à être le centre de l’attention et sait mieux écouter les autres », explique-t-il. Cela ne signifi e pas pour autant qu’il ne se mettra jamais en avant. « Il portera son chapeau d’extraverti pour apparaître en public, mais il redeviendra introverti en rentrant au bureau. » Le leader de demain ne demandera pas qu’on nourrisse son ego, ajoute Karl Moore. Il voudra apprendre des autres, notamment auprès des plus jeunes que lui. Le mentorat inversé fera partie des pratiques courantes. De cette façon, le leadership dans l’organisation de demain sera mieux distribué. « Il y a un leader au sommet, mais il y en a partout dans l’organisation et même à l’extérieur, ajoute Mme Ancona. Ils collaborent pour relever un défi , que celui-ci soit relié à l’organisation ou à tout leur secteur d’activité. » Le leader de demain ne contrôlera pas l’organisation : il contribuera à lui donner forme.

CURIEUXLa curiosité sera une qualité essentielle, car avec la rapidité des changements actuels

et à venir, le leader devra constamment être à l’affût de nouvelles connaissances. Son rôle consistera à cibler les nouvelles idées, à les absorber et à les traduire en actions concrètes qui permettront de changer les règles du jeu. « Alors que le leader d’hier était un expert dans son domaine et avait une vision claire des actions à entreprendre, celui de demain manifestera une curiosité insatiable », croit Robert Dutton, ancien président de Rona et professeur associé à l’École des dirigeants de HEC Montréal. Le développement de ses capacités intellectuelles et de ses connaissances sera un travail de tous les jours, et ce, non seulement dans le domaine touchant son entreprise mais aussi dans plusieurs autres domaines. En effet, qui sait d’où viendra la concurrence et où seront les nouveaux marchés ? Ce leader apprenant posera beaucoup de questions plutôt que d’offrir des réponses.

AGILE« On dit souvent que le leader doit penser en dehors du cadre, mais demain, il s’agira de

penser dans plusieurs cadres », indique Ingo Holzinger, qui enseigne le leadership au MBA à l’école des affaires Schulich de l’université York. « L’organisation n’est plus une machine mais un organisme », ajoute-t-il. Elle est bien révolue, l’époque où un leader pouvait tracer un chemin que tous suivaient ensuite : le leader de demain devra affronter des imprévus, de

l’opposition, de nouveaux paramètres, et c’est pourquoi il sera plus agile. Dans un article du McKinsey Report de mars 2015, Jennifer Garvey Berger, auteure de Simple Habits for Complex Times – Powerful Practices for Leaders, dit que le leader de demain devra aimer l’ambiguïté. Elle défi nit ainsi les « nouvelles habitudes mentales » qui lui permettront d’aborder la complexité : « Plutôt que de gérer le probable, le leader dirigera le possible ; au lieu de tenter de mettre tout le monde d’accord, il adoptera plusieurs

perspectives ; au lieu de simplifi er et d’optimiser les activités une à une, il apprendra à distinguer des systèmes ; enfi n, au lieu de décider pour ensuite déployer une stratégie, il expérimentera à la périphérie, dans le cadre d’expériences qui pourront échouer sans menacer l’entreprise. Selon cette nouvelle approche, le leader n’aura pas besoin de réconcilier des visions différentes, car il verra plusieurs solutions, pas une seule. » Les esprits rigides, qui craignent les paradoxes, devront s’abstenir.

LES DIX CARACTÉRISTIQUES

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Il devra exceller dans tous les moyens de communication, que ce soit en personne, dans les médias sociaux, en conférence devant

un auditoire de 300 personnes ou en s’adressant à des employés travaillant à des dizaines de milliers de kilomètres de chez lui

et qu’il n’aura jamais rencontrés

MOBILEAu cours de sa carrière, le leader de demain occupera peut-

être une vingtaine de postes, prédit Roger Duguay, président de la fi rme de chasseurs de têtes Boyden à Montréal. « Il entre dans une entreprise, a un impact et s’en va. Le long terme, c’est trois ans ! » dit-il. Au sein de l’entreprise, les ressources sont réparties par projets. Le leader curieux, agile et mobile va d’un projet à l’autre. Le leader de 2025 se déplacera partout dans le monde et saura fonctionner dans diverses cultures. Il ne se cantonnera plus à son pays, d’autant plus qu’une bonne partie des marchés seront dans les pays émergents, fait valoir Nathalie Francisci, partenaire au bureau de Montréal de la fi rme de recrutement Odgers Berndtson. « Son réseau dépassera les frontières », dit-elle. Ce changement est déjà entamé :les étudiants font déjà fréquemment des stages à Shanghai, Delhi ou Bangalore. Et ce sera la même chose pour les leaders des pays émergents.

INCLUSIFPuisqu’il saura naviguer d’une culture à l’autre, le leader de demain sera

plus ouvert à la diversité. Il cherchera à s’entourer non pas de gens qui lui ressembleront mais de gens qui lui seront complémentaires et qui ne penseront pas comme lui, croit Roger Duguay. Fini, le old boys’ network ? Il semble que oui. La diversité sera un levier. Pour progresser, une organisation évoluant dans un monde complexe et ambigu a besoin de diversité, de « dissidences constructives », selon l’expression d’Alain Gosselin, directeur de l’École des dirigeants de HEC Montréal. Il s’agit autant ici de diversité culturelle, ethnique et sexuelle que de diversité des valeurs. Le leader de demain aura donc un plus grand respect des différences. Sa force résidera dans sa capacité de faire le pont entre des idées ou des gens.

COURAGEUXAvoir le courage d’agir, ne pas avoir peur de quitter le confort pour avancer, ne pas

reporter les décisions diffi ciles, déplaire à certaines parties prenantes, oser dire la vérité et non ce que les autres veulent entendre, savoir reconnaître qu’on s’est trompé : voilà ce qu’on attendra du leader en 2025. Il en fera un trait culturel de son organisation. Dans son ouvrage Find Your Courage, Stop Playing Safe, l’auteure américaine Margie Warrell suggère aux leaders de « poser des questions diffi ciles, qui portent plus sur le pourquoi que sur le comment ». Selon elle, le leader en 2025 devra encourager tous les membres de son personnel à parler franchement et leur donner de multiples occasions d’apprentissage en n’ayant pas peur qu’ils échouent ou changent d’organisation. Toute l’attitude face à l’échec doit être différente : l’échec permetd’apprendre et rend humble.

Le nécessaire équilibre travail-famille est devenu un enjeu important pour la

génération X. Le leader de demain, lui, sera encore plus multidimensionnel. En effet, « comment embrasser la complexité de notre monde et d’une organisation, saisir la multitude des points de vue et des opinions et bien comprendre des environnements qui sont souvent multifacettes et multiculturels tout en étant soi-même un leader doté de peu de relief ? » demande Robert Bonneau, président

PROCHELe leader de demain sera proche des gens qui l’entoureront et saura non seulement créer des liens mais aussi les entretenir. Il ne voudra pas tant remporter une discussion qu’être en relation avec les gens, indique Jennifer Garvey Burger.

« Il n’évitera pas le confl it, mais il fera preuve de respect et d’empathiepour les autres tout en n’ayant pas peur de l’affrontement », ajoute-t-elle.Il sera prêt à en donner plus et saura qu’il en recevra de la part des autres.Plus que jamais, les relations seront signifi catives et authentiques.En effet, la fi n du leadership héroïque annonce l’arrivée d’une cultured’étroite collaboration. Dans ce contexte, la proximité est primordiale.

COMMUNICATEURDans une entrevue vidéo intitulée « Le rôle des leaders de demain ? », produite par la Harvard Business Review en septembre 2010, Daisy Wademan Dowling, alors directrice du développement du leadership pour l’institution fi nancière

Morgan Stanley, prédisait qu’une des grandes différences entre le leader de demain et celui d’hier portera sur le fait « qu’il devra exceller dans tous les moyens de communication, que ce soit en personne, dans les médias sociaux, en conférence devant un auditoire de 300 personnes ou en s’adressant à des employés travaillant à des dizaines de milliers de kilomètres de chez lui et qu’il n’aura jamais rencontrés ». Ces habiletés sont déjà plus recherchées que jamais, corrobore Nathalie Francisci. « L’organisation demande au dirigeant de savoir bien faire passer les messages, de la vendre au public. » De son côté, l’auteur de Démarquez-vous ! parle « d’explorer le plein potentiel de sa personnalité numérique ». Comment y échapper ? Les communications numériques permettent de bonifi er l’image de marque et d’échanger rapidement.Mais attention : l’authenticité est cruciale, dit-il.

de la fi rme Décarie, recherche de cadres. Un bon bagage d’expériences et de parcours variés devient extrêmement profi table dans ce contexte.Roger Duguay croit que la richesse d’un candidat à un poste de leadership vient autant de sa vie personnelle que de ses expériences de travail, qu’il entrevoit plus variées que par le passé. Il prédit que le leader de demain saura nourrir « autant sa tête que son corps et son esprit ». Chez Google, l’ingénieur Chade-Meng Tan a récemment mis en œuvre un programme de méditation avec l’appui de la haute direction. Et il jure que cela

augmente la créativité et la productivité. Selon lui, l’état de pleine conscience qu’on atteint en méditant augmente le quotient d’intelligence émotionnelle et éclaire l’esprit. S’ensuit alors une plus grande capacité d’attention, c’est-à-dire la base des grandes habiletés cognitives et émotionnelles, écrit-il. La méditation permet d’observer des situations avec plus de détachement et confère une plus grande maîtrise de soi. Méditatif, le leader de demain ? En tout cas, il devra savoir gérer son énergie, car le monde « VICA » qui nous attend lui en fera voir de toutes les couleurs !

RESPONSABLE« Le leader de demain ne voudra pas seulement gagner de l’argent, il voudra que son entreprise ait un impact positif sur la société, l’environnement, la planète, en plus de créer de la valeur pour les actionnaires », clame Ingo Holzinger. « Le

monde réclame un leader plus responsable, plus éthique, intègre et généreux, renchérit Roger Duguay qui, dans son livre Démarquez-vous !, invite les dirigeants qui négligent la philanthropie à « faire leur examen de conscience ».De plus en plus, les employés choisissent une organisation employeuse en fonction de sa mission, de sa responsabilité, de ses produits, bref des impacts que celle-ci aura sur le bien commun, avance-t-il. « Les citoyens sont préoccupés par le déséquilibre entre les riches et les pauvres, de même que par la détérioration de l’environnement. La classe privilégiée est consciente que la consommation à outrance représente une menace pour la société », ajoute-t-il. Y aura-t-il une exigence croissante de moralité en 2025 ? Il y a fort à parier que, dans dix ans, les risques sociaux et humains de tout projet seront aussi calculables que les risques environnementaux. Agir de façon responsablesera dans l’intérêt de chaque entreprise.

MULTIDIMENSIONNEL

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