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Année 2014-2015 MEMOIRE DE MASTER LE ROLE DES AUDITEURS DANS LA PREVENTION ET LA DETECTION DES FRAUDES ET LA PERCEPTION DES INVESTISSEURS Présenté et soutenu par Borie Khoy Sous la direction de Emmanuel Charrier

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Page 1: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

Année 2014-2015

MEMOIRE DE MASTER

LE ROLE DES AUDITEURS DANS LA PREVENTION ET LA DETECTION

DES FRAUDES ET LA PERCEPTION DES INVESTISSEURS

Présenté et soutenu par

Borie Khoy

Sous la direction de

Emmanuel Charrier

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Page 3: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je tiens à remercier Emmanuel Charrier, professeur à l'université Paris-

Dauphine. En tant que tuteur de mémoire, il m'a guidée dans mes recherches et son expertise a

été précieuse pour la conduite de mon mémoire.

Je remercie tout particulièrement les personnes qui ont accepté de participer aux entretiens,

aussi bien les auditeurs que les investisseurs interrogés, grâce à qui mon étude a pu se

concrétiser mais dont je ne peux malheureusement, par souci de confidentialité, révéler les

noms.

Enfin, j’adresse mes remerciements à mon entourage proche pour leur soutien dans la phase

de rédaction du mémoire.

Page 4: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

PARTIE 1 REVUE DE LITTERATURE 8

CHAPITRE 1 La relation entre l’auditeur et la détection des fraudes, aujourd’hui et hier 9

Section 1 : Un constat sur la place de l’audit à l’égard des fraudes aujourd’hui 9

Section 2 : Historique de l’évolution du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes 12

CHAPITRE 2 Un expectation gap qui nuit à la profession 21

Section 1 : L’expectation gap au sein de la relation auditeur investisseur 21

Section 2 : Propositions faites pour réduire l’expectation gap 28

Section 3 : Entretien exploratoire 31

PARTIE 2 ETUDE EMPIRIQUE 36

CHAPITRE 1 Méthodologie de recherche 37

Section 1 : Sélection des personnes interrogées 37

Section 2 : Modalités des entretiens 38

Section 3 : Présentation des cas de fraude 40

CHAPITRE 2 Résultats 47

Section 1 : Présentation des résultats – perceptions des auditeurs et des investisseurs 47

Section 2 : Analyse des résultats – perceptions des auditeurs et des investisseurs 59

Section 3 : Présentation et analyse des divergences d’opinion au sein des auditeurs 66

Section 4 : Limites de l’étude 71

CONCLUSION 72

BIBLIOGRAPHIE 74

ANNEXES 79

Page 5: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

5

INTRODUCTION

Les fraudes ont toujours existé : on retrace des fraudes au troisième millénaire avant Jésus-

Christ, en Mésopotamie, sur les inscriptions du monument cruciform conservé aujourd’hui au

British Museum. Au 14ème siècle en Italie, l‘église bannissait les intérêts mais les marchands

médiévaux trouvaient des moyens de contourner cette interdiction.

Les affaires financières plus récentes, qu’il s’agisse d’Enron, Parmalat, Tyco ou encore

Worldcom, ont mis à l’épreuve la réputation des cabinets d’audit, et reposé la délicate

question du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes et sa responsabilité à l’égard du

public et des investisseurs.

A chaque scandale financier où la fraude est présente, la relation entre l’auditeur et

l’investisseur est mise en danger. Le recul de la confiance accordée aux auditeurs se ressent et

de nombreux auteurs ont évoqué la première question qui vient à l’esprit du public : où est

passé l’auditeur ? (« Where was the auditor? »). Lorsqu’une fraude est dévoilée au grand jour,

la responsabilité de l’auditeur est immédiatement recherchée, parfois même avant celle des

employés ou dirigeants fautifs. Selon Emna Ben Saad (2009), « l’auditeur est considéré

comme gardien en dernier ressort de la crédibilité des informations financières et […] un

auditeur défaillant est moins acceptable qu’un management défaillant ». Dans un autre article,

Emna Ben Saad et al. (2013) utilisent le terme de « blâme » en invoquant que lorsqu’une

fraude comptable est dévoilée publiquement, le public blâme la plupart du temps l’auditeur.

La profession déclare à regret que les auditeurs financiers sont les « boucs émissaires »

favoris du public lorsqu’une fraude est révélée (Guénin-Paracini & Gendron, 2010).

En France, les définitions de la fraude sont nombreuses, car la loi française ne prévoit aucune

définition de ce mot. Elle évoque en revanche les termes abus de confiance, escroquerie, vol.

L’ACFE (Association of Certified Fraud Examiners) donne la définition suivante de la fraude

interne ou occupational fraud : « la fraude interne est l’utilisation de son propre emploi afin

de s’enrichir personnellement tout en abusant ou en détournant délibérément les ressources et

les actifs de la société1.»

1 Traduit de www.acfe.com

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Quant à la fraude comptable, le cabinet d’audit PwC la définit la comme une « manipulation

intentionnelle des comptes dans le but d’en donner une image plus flatteuse sans

nécessairement procurer au fraudeur un gain financier personnel 2.»

Toutes les définitions de la fraude gardent une caractéristique constante, l’intentionnalité.

Cette caractéristique la différencie ainsi de l’erreur, définie comme é tant une inexactitude

involontaire.

Il convient également d’évoquer les principaux acteurs de notre étude : les auditeurs et les

investisseurs. Les auditeurs sont en France les commissaires aux comptes, également appelés

auditeurs financiers ou auditeurs externes. L’audit financier est un examen des états financiers

d’une entreprise qui vise à exprimer une opinion sur la sincérité et la fidélité des comptes.

Cette opinion est délivrée par un rapport annuel qui est rendu public.

Les seconds sujets de notre étude sont les investisseurs. Ce sont des personnes, physiques ou

morales, qui investissent sur des marchés financiers. Ils peuvent être individuels ou

institutionnels. Les investisseurs individuels sont des petits porteurs qui placent leur argent en

Bourse de manière régulière ou occasionnelle. Quant aux investisseurs institutionnels, ils

collectent de l’épargne et placent leurs fonds sur les marchés pour leur compte propre ou pour

celui de leurs clients (particuliers, fonds de pension,…). Ces deux catégories d’investisseurs

font partie des destinataires des rapports du commissaire aux comptes puisqu’ils utilisent les

informations financières auditées afin d’effectuer des décisions d’investissement.

Hier et aujourd’hui encore, la croyance la plus commune du public en général et des

investisseurs est de penser que les auditeurs révisent l’intégralité des comptes et que des

comptes certifiés sans réserve garantissent leur exactitude. Cette perception ne semble pas

partagée par la profession, pour qui le rôle est d’obtenir une assurance raisonnable quant à la

sincérité et la fidélité des états financiers de l’entreprise, et non de garantir leur exactitude. Ce

décalage de conception se nomme l’expectation gap. Sujet très récurrent dans la littérature

comptable et évoqué pour la première fois par Liggio en 1974 3, l’expectation gap est

2 Source : Enquête PwC, « 2014 Globac Economic Crime Survey », 2014, téléchargeable sur

www.pwc.fr/enquetefraude2014

3 Liggio, C. D. (1974), The expectation gap: The accountant’s Waterloo. Journal of Contemporary

Business, 3(3), 27–44.

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également applicable pour le rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes. En effet, les

destinataires des rapports annuels peuvent considérer que les auditeurs endossent un rôle de

détecteur des fraudes. Ils perçoivent l’auditeur comme une garantie certaine contre le risque

de fraude. Cette perception n’est pas celle de la profession, pour qui le risque de fraude doit

être pris en considération lors de la revue des états fi nanciers de l’entreprise, et non

obligatoirement détecté. Cela nous amène à penser que le métier d’auditeur serait devenu trop

procédurier et formaliste, au détriment du scepticisme professionnel censé garantir la qualité

d’un audit.

L’expectation gap dans le domaine de la fraude est un sujet largement abordé dans la

littérature, en particulier dans la littérature anglo-saxonne. Néanmoins, peu d’études de terrain

ont été réalisées sur ce sujet à ce jour.

Partant de ce constat, nous nous sommes orientés vers la problématique suivante : quelle

perception ont les auditeurs et les investisseurs du rôle de l’auditeur dans la prévention

et la détection des fraudes aujourd’hui ?

Notre étude vise à confirmer la présence de cet expectation gap, et à identifier, au-delà de la

théorie, des éléments de divergence plus concrets entre les auditeurs et les investisseurs dans

des situations réelles, ainsi qu’au sein des auditeurs.

Pour ce faire, nous avons réalisé des entretiens directifs ouverts avec des auditeurs et des

investisseurs individuels. Nous avons fait le choix pour cette étude d’interroger une seule

catégorie d’investisseur, les investisseurs individuels. Lors de ces entretiens, nous leur avons

soumis quatre cas pratiques comportant une ou plusieurs situations de fraude (détournement

d’actif, fraude aux états financiers,…).

Notre étude se compose de deux parties : nous présenterons en premier lieu une revue de la

littérature. La relation entre l’auditeur et la détection des fraudes sera d’abord exposée grâce à

une revue historique de l’évolution de son rôle et une revue des normes relatives à la fraude ,

puis nous nous intéressons à l’expectation gap sur le sujet de la détection des fraudes (partie

1). Nous développerons en deuxième lieu notre méthodologie de recherche, les cas pratiques

élaborés et les résultats de nos travaux en mettant en évidence les éléments de perception

divergents entre les auditeurs et les investisseurs (partie 2).

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PARTIE 1

Revue de littérature

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CHAPITRE 1

La relation entre l’auditeur et la détection des fraudes,

aujourd’hui et hier

Nous présenterons d’abord un constat sur la place de l’audit externe dans la fraude

aujourd’hui. Ensuite, nous étudierons l’historique de la relation entre l’auditeur et son rôle de

détection des fraudes ainsi que l’évolution des normes d’audit relatives à la fraude au niveau

international et français.

Section 1 : Un constat sur la place de l’audit à l’égard des fraudes

aujourd’hui

Dans cette première section, nous effectuerons un constat plutôt pessimiste quant à la place de

l’audit à l’égard des fraudes puis nous nous intéresserons au coût de la fraude pour les

diverses parties prenantes que sont les entreprises, les investisseurs et les cabinets d’audit.

1.1. Données de l’ACFE

Le dernier rapport en date de l’ACFE, publié en 2014, montre le faible rôle de l’audit externe

dans la découverte des fraudes. L’ACFE regroupe les fraudes sous trois catégories détaillées

dans le Report to the nations on occupational fraud and abuse (Annexe 1) :

- les fraudes aux états financiers : surestimation ou sous estimation des résultats ou de

l’actif

- le détournement d’actif : que ce soit sous forme de cash ou à travers les inventaires et

les stocks

- la corruption : conflit d’intérêt, attribution de pots de vin

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Le schéma de fraude le plus souvent rencontré est celui du détournement d’actif, qui

représente 85% des cas de fraude recensés en 2013. En revanche, il s’agit de la fraude la

moins coûteuse pour les entreprises, avec une perte médiane de 130 000 dollars. La fraude

aux états financiers est la moins commune des trois, mais celle dont l’impact financier est le

plus élevé. En effet, la perte médiane est d’un million de dollars.

Selon le rapport de l’ACFE, l’audit fait partie des moyens de contrôle les moins efficaces

pour combattre les fraudes. Il est même considéré comme une méthode de détection passive.

En effet, l’audit externe est le moyen de détection primaire dans 3% des fraudes alors que 7%

des fraudes sont découvertes par accident : il y a donc plus de chances de découvrir une

fraude de manière fortuite que par le biais d’un audit externe. Pire, le pourcentage de fraudes

découvertes par le biais de l’audit externe a diminué ces dernières années, si on compare les

données des rapports 2008, 2010, 2012 et 2014 de l’ACFE. Jamal (2008) assimile la détection

de la fraude au « talon d’Achille » de la profession. Selon le rapport 2014 de l’ACFE, l’audit

externe entraîne une réduction des pertes médianes (qui s’élève à 360 000 dollars) et une

réduction de la durée des schémas de fraude (ramenée à 30 mois) mais il s’agit des réductions

de perte et de durée les plus faibles parmi les autres types de contrôle anti-fraude (code de

conduite, audit interne, hotline..). Une entreprise ne peut donc compter sur l’audit externe

comme mécanisme anti-fraude primaire. Or ce même rapport indique que l’audit externe est

l’outil anti-fraude le plus utilisé par les organisations victimes (81,4%), aussi bien dans les

organisations de moins de cent employés que dans celles de plus de cent employés. Il s’agit

également de l’outil le plus utilisé dans toutes les régions du monde, à l’excepté des Etats-

Unis, où le code de conduite est l’outil le plus utilisé, l’audit externe intervenant en seconde

position.

1.2. Le coût de la fraude

Le rapport de l’ACFE fait ressortir le coût élevé de la fraude pour les entreprises : 3 700

milliards de dollars pour l’année 2013. En moyenne, les entreprises victimes de fraude

interrogées estiment perdre 5% de leur chiffre d’affaires chaque année. D’un point de vue

microéconomique, Glover et Aono (1995) énoncent que la fraude implique une mauvaise

allocation des ressources disponibles de l’entreprise. Elle altère l’efficacité et la productivité

de l’entreprise car elle détourne ses ressources vers des activités non constructives. Cela

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menace donc la durée de vie de l’entreprise. Cette dernière est limitée dans sa capacité à se

développer correctement, dans sa crédibilité et dans ses chances de succès.

D’un point de vue macroéconomique, Glover et Aono affirment que la fraude a autant d’effets

parallèles sur l’économie qu’elle en a sur une entreprise. Le montant alloué pour renflouer les

caisses d’épargne et les établissements de prêt (les savings and loans institutions)

représentaient 12,5% de la dette nationale américaine de 4 000 milliards en 1995. Quant au

coût de la fraude pour la société, elle représentait 200 milliards de dollars chaque année soit

5% de la dette nationale en 1995. Cette perte est répercutée sur la société, qui doit payer des

impôts. Glover et Aono précisent que ces 200 milliards de dollars n’incluent pas le coût des

investigations et de la prévention. Un quart du budget du FBI, soit 86 millions de dollars en

1995, a été alloué dans les investigations de fraude.

En outre, on ne peut ignorer le coût de la fraude pour les tiers, à savoir les investisseurs, qui

sont les principaux concernés par la divulgation d’informations financières frauduleuses.

Quant aux salariés de l’entreprise, nombreux sont ceux qui perdent l’intégralité de l’argent

qu’ils ont placé dans des fonds de pension. Ces derniers ont investi dans des entreprises

parfois gangrenées par la fraude. Plus grave, ils peuvent perdre leur emploi : lors de l’affaire

Enron, environ 20 000 salariés se sont retrouvés au chômage.

La fraude est également coûteuse pour les cabinets d’audit : en 2012, le cabinet EY a été

condamné par le PCAOB (Public Company Accounting Oversight Board) à hauteur de 2

millions de dollars pour avoir certifié les comptes de l’entreprise Medicis Phar maceutical

Corporation alors que les principes comptables sur les évaluations de retours de vente n’ont

pas respectés. Une somme particulièrement élevée qui, comme d’autres condamnations,

résulte de litiges sur l’incapacité des cabinets à détecter les fraudes. Les auteurs David

Carassus et Denis Cornier (2003) rappellent qu’en 1992 aux Etats-Unis, la profession

comptable était déjà engagée dans 4 000 poursuites judiciaires pour un montant total de plus

de 30 milliards de dollars. Au-delà du coût financier pour les cabinets, ces derniers peuvent

également perdre leur crédibilité. Dans le cas Enron, le non respect des diligences

professionnelles des auditeurs a conduit à la disparition du cabinet Arthur Andersen. Le cas

Kanebo4 est également un cas extrême de fraude et est considéré comme l’« Enron japonais »

de par le montant record de la fraude (1,5 milliard d’euros) et parce que ChuoAoyama

4 Kanebo est un groupe de cosmétiques et d’alimentaire japonais. Il a reconnu avoir surestimé ses

résultats durant cinq exercices, entre 2000 et 2004. En 2000, le résultat net de 3,1 milliards de yens

dissimulait en réalité une perte de 68,6 milliards.

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PricewaterhouseCoopers, le cabinet qui auditait Kanebo a été obligé de mettre la clé sous la

porte à la suite de cette affaire. Le cabinet d’audit a été reconnu coupable de négligence.

Selon David Carassus et Denis Cormier (2003), « l’incapacité des auditeurs à déceler les

nombreux cas de fraude, et ceci malgré les évolutions engagées sur le plan des normes

professionnelles, remet ainsi en question un modèle d’audit légal centré sur l’objectif plus

global d’image fidèle et sur une approche par les risques ». Dans leur article, Carassus et

Cormier font référence aux rapports de l’ACFE et soulèvent une « incapacité des auditeurs »

en matière de détection des fraudes.

Il nous semble donc important de comprendre l’historique de l’évolution du rôle de l’auditeur

dans la détection des fraudes afin de mieux comprendre les enjeux de la situation actuelle.

Section 2 : Historique de l’évolution du rôle de l’auditeur dans la

détection des fraudes

Dans cette section, nous tâcherons de comprendre comment est prise en compte la notion de

fraude dans le travail de l’auditeur et dans son comportement tout au long des siècles

précédents et jusqu’à aujourd’hui. Nous exposerons l’évolution de la responsabilité de

l’auditeur sur la détection des fraudes, celle de la perception des investisseurs puis celle des

normes américaines, internationales et françaises.

2.1. Evolution du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes

La notion de fraude a souvent été présente voire primordiale dès la naissance de l’audit légal,

que ce soit dans le monde anglo-saxon ou en France. Au fur et à mesure du développement de

la profession, les CPA (Certified Public Accoutant) aux Etats-Unis et les commissaires aux

comptes en France ont vu cette notion se reléguer au second plan au profit de la certification

d’états financiers sincères et fidèles.

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2.1.1. Dans le monde anglo-saxon

Aux Etats-Unis, la relation entre l’auditeur et la détection des fraudes a fait l’objet de

nombreux changements depuis l’origine de la profession. En effet, au 16ème siècle et

auparavant, l’objectif principal de l’auditeur est de détecter les fraudes (Dicksee, 1909 ;

Brown, 1962 ; Montgomery, 1921). A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, le

métier d’auditeur aux Etats-Unis se calque sur celui de Grande Bretagne, orienté sur la

découverte des fraudes et des problématiques de détournement de fonds. Dicksee (1909),

affirme que le rôle premier de l’audit est celui de la détection des fraudes. La capacité à

détecter les fraudes est alors une véritable vertu : « La détection des fraudes est la part la plus

importante des devoirs de l’auditeur, et il ne pourra être contesté que l’auditeur capable de

détecter les fraudes est – toutes choses égales par ailleurs – un homme meilleur que celui qui

n’en est pas capable5. » La détection d’erreurs techniques et d’erreurs de principe sont

respectivement le deuxième et le troisième rôle de l’audit (Dicksee, 1892). Les auteurs Brown

(1962), Flint (1971) et Lee (1979) s’accordent également sur cet objectif premier de l’audit.

Dicksee avance les raisons de cet intérêt pour la détection des fraudes : selon lui, cet intérêt

prend son origine dans les niveaux élevés de banqueroute dans les années 1860 et 1870,

période à laquelle le facteur majeur de banqueroute était la fraude. Les entreprises clientes

démontrent alors leur intérêt et leurs besoins dans les activités de détection des fraudes. En

conséquence, les auditeurs y ont vu une opportunité pour mieux promouvoir leurs services en

s’orientant vers cette démarche.

Pourtant, à la même période, Crewdson (1902) s’oppose à la vision de Dicksee en affirmant

que le devoir d’un auditeur n’est pas de détecter les fraudes mais de vérifier que les comptes

sont corrects tels qu’ils se présentent (notion d’image fidèle). Il ajoute que s’il subsiste des

fraudes non révélées par les travaux d’audit, il estime que l’auditeur a tout de même rempli sa

mission. Cutforth (1914), dans la continuité de la vision de Crewdson, donne une définition

plus moderne de l’audit, en le définissant comme l’examination des comptes d’une entreprise

afin de déterminer si ceux-ci montrent une image fidèle à la réalité de l’activité de

l’entreprise, en fonction de toutes les informations disponibles. Cette définition sera acceptée

de manière générale dans les années 1930.

5 Traduit de Dicksee, 1909, p.23

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C’est donc à partir des années 1930 que le rôle primaire de détection des fraudes se dissout au

profit du rôle de vérification des états financiers. D’après Costello (1991), la raison de ce

changement réside dans le fait que la profession refuse d’accepter une responsabilité primaire

dans la détection des fraudes. Suite à l’affaire McKesson and Robbins qui éclate en 1937 aux

Etats-Unis et remet en cause le cabinet Price Waterhouse, la profession cherche à limiter sa

responsabilité potentielle dans la détection des fraudes en créant les premières normes

professionnelles. Dans cette affaire, l’entreprise McKesson and Robbins, une entreprise de

vente en gros de médicaments, avait créé une filiale canadienne fictive afin d’enregistrer des

ventes factices durant plusieurs années. Les auditeurs avaient convenu d’un arrangement avec

l’entreprise pour ne pas faire d’inventaire physique et ne pas circulariser les clients.

Brown (1962) souligne que la profession en est venue au consensus qu’elle ne devrait pas être

concernée en premier lieu par la détection des fraudes. Ainsi, la première norme, SAP 1

(Statement of Auditing Procedures), « Extension of Auditing Procedure », publiée en 1939,

éloigne l’objectif de détection des fraudes et se concentre sur l’objectif de vérification de la

sincérité et de la fidélité des comptes du client.

Une autre raison de ce changement d’objectif est évoquée par Chandler et al. (1993), qui

s’appuient sur des décisions de justice ayant eu lieu à la fin du 19ème siècle (alors que le rôle

principal à cette époque était un rôle de détection des fraudes). Les juges avaient alors une

vision différente car ils défendaient les auditeurs se reposant sur l’honnêteté du management

et échouant à détecter les fraudes, lorsqu’aucun élément susceptible d’attirer leur suspicion se

présentait. Il y avait donc un décalage entre le rôle de l’auditeur selon les auteurs de l’époque

tels que Dicksee et la justice, qui se montrait plus clémente vis-à-vis des auditeurs assidus.

2.1.2. En France

Sur le plan français, l’audit légal naît avec la loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés

commerciales. A cette époque, les « commissaires de société » étaient en quelque sorte les

mandataires des actionnaires. Ils se prononçaient sur les comptes sociaux des entreprises dans

le but de protéger les actionnaires et autres pourvoyeurs de fonds contre les risques de fraude.

Peu à peu, les objectifs d’audit évoluent progressivement et le commissaire de société devient

commissaire aux comptes avec la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, qui

vient préciser l’objet de la mission principale du commissaire aux comptes : certifier que les

comptes annuels sont « réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine et de la

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situation financière de la société. » Cette loi, ainsi que le décret du 12 août 19696 et la loi du

1er mars 19847 confèrent aux commissaires aux comptes la mission d’intérêt général et de

surveillance au profit des actionnaires et tout tiers intéressé par la situation financière de

l’entreprise (créancier, fournisseur, banquier, investisseur,…).

Aujourd’hui, l’auditeur externe a pour rôle de formuler une opinion sur la régularité, la

sincérité et l’image fidèle des états financiers. L’auditeur n’a pas pour mission de détecter les

fraudes et son travail ne contient pas de démarche spécifique de prévention et de détection des

fraudes. La notion de fraude est inscrite dans une analyse globale des risques (risque d’audit)

où le risque de fraude est considéré au même titre que le risque d’erreur. L’auditeur limite sa

responsabilité à la mise en évidence des seules fraudes et erreurs pouvant avoir un i mpact

significatif dans l’appréciation des états financiers.

2.2. Des références précoces à l’expectation gap

Les références à l’expectation gap apparaissent tôt dans l’historique de la relation auditeur et

détection des fraudes. Chandler et al. (1993) affirment que dès la fin du 19ème siècle, certains

auteurs manifestent leur inquiétude « sur le fait que l’intérêt prononcé à tort sur la détection

des fraudes puisse amener les clients et le public investisseur à placer une croyance injustifiée

dans les pouvoirs de l’audit8 ». Les auteurs craignent ainsi l’apparition d’un expectation gap

avec le fait que les tiers (clients, investisseurs, ou toute personne s’intéressant au rapport

annuel d’audit) confient à la profession cette « croyance injustifiée ». Selon Griffith (1885),

cela est déjà le cas car certains clients se reposent sur l’auditeur sans avoir la moindre idée de

la nature de son travail. Ils considèrent les honoraires d’audit comme une « assurance

premium » les désengageant des pertes, malgré un management parfois téméraire de

l’entreprise. Ces clients estiment que s’il y a des pertes, c’est l’auditeur qu’il faut blâmer et

faire payer. Harvey, membre des Chartered Accountant students de Londres, mettait déjà en

garde la profession en 1897 dans son essai en soutenant que « c’est une erreur de penser que

le système d’audit assure la non occurrence de fraude, et que plus tôt la profession fera

6 Décret n° 69-810 du 12 août 1969 relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel

des commissaires aux comptes. 7 Loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des

entreprises 8 Traduit de Chandler et al., 1993, p. 447

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comprendre cela au public, mieux ce sera pour elle9. » Il reproche aux auditeurs leur manque

de modestie et leur tendance à mettre en avant leur « infaillibilité ». Au 20ème siècle, Chandler

et al. (1993) déplore que le message d’Harvey n’ait pas pénétré le public, pour qui la

principale fonction de l’auditeur reste la découverte des fraudes. L’auteur soutient que la

raison de cet échec de communication est due à la profession elle-même et à des auteurs

renommés qui ont continué à porter un intérêt important au rôle de détecteur de fraude dans

leurs publications. En 1987, la Treadway Commission10 s’adresse aux investisseurs en leur

alertant que bien que la sensibilité des auditeurs à la fraude soit importante, les investisseurs

ne doivent pas s’attendre à ce que les reportings financiers frauduleux soient complètement

éradiqués, ce qui n’est pas sans rappeler la mise en garde d’Harvey près d’un siècle plus tôt.

L’expectation gap sera traité de façon plus approfondie dans la deuxième sous-partie de cette

revue de littérature.

2.3. Evolution des normes d’audit relatives à la fraude au niveau américain,

international et français

2.3.1. Aux Etats-Unis

La norme SAP 1, intitulée « Extension of Auditing Procedure », publié en 1939, éloigne

l’auditeur de son objectif initial de détection des fraudes et le rapproche de celui de la

certification de la sincérité et de la fidélité des comptes du client. Suite à cette norme, la SEC

ainsi que le public font pression sur la profession pour qu’elle clarifie sa responsabilité dans la

détection des fraudes.

En 1961, suite à cette pression, l’AICPA élabore SAP 30, « Responsibilities and Functions of

the Independant Auditor in the Examination of Financial Statement ». Cette norme admet que

les auditeurs doivent être conscients de la possibilité de fraude durant un audit. Ils doivent

considérer la possibilité que, lorsqu’une fraude est significative, elle peut affecter l’opinion du

9 Traduit de Harvey, B.S. (1897), “The Limits Which a Chartered Accountant Should Place on his

Duties and Responsibilities as an Auditor: prize essay”. Document non trouvé dans les recherches

effectuées.

10 Créée par l’alliance de cinq associations professionnelles américaines dont l’American Institute of

Certified Public Accountants (AICPA) et auparavant dénommée the National Commission on

Fraudulent Financial Reporting.

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commissaire aux comptes sur les états financiers. Certains auteurs tels que Scott et Frye

(1997) ainsi qu’Albrecht et Willingham (1993) critiquent cette norme. En effet, pour eux,

celle-ci évoque le sujet de la fraude de façon si négative que les auditeurs ressentent peu ou

pas d’obligation à la détecter.

En 1973, suite au scandale Equity Funding où des polices d’assurances avaient été créées de

manière fictive grâce à un système informatique, la Cohen Commission est fondée. Mandatée

par l’AICPA, elle formule des recommandations pour réduire l’expectation gap et travaille sur

les responsabilités des auditeurs externes. Son rapport publié en 1978 émet des

recommandations concernant la responsabilité des auditeurs dans la détection des fraudes.

Un an avant le rapport de la Cohen Commission, la norme SAS 16

(Statement on Auditing Standards), intitulée « The Independent Auditor’s Responsibility for

the Detection of Errors or Irregularities » est élaborée. Au milieu des années 1980, la

profession se rend compte que SAS 16 est clairement insuffisant. Albrecht et Willingham

(1993) évoquent la mauvaise volonté des auditeurs à accepter plus de responsabilité dans la

détection des fraudes, alors que le public place des attentes élevées auprès de la profession

dans un contexte de crise et de faillites d’entreprises.

C’est en 1998 avec l’élaboration de la norme SAS 82, « Consideration of Fraud in a

Financial Statement Audit », que le mot « fraude » apparaît pour la première fois dans le titre

d’une norme. Cette norme marque une orientation nouvelle dans le domaine : il s’agit d’une

volonté de l’AICPA de clarifier le rôle des auditeurs sur leur responsabilité dans les fraudes.

En l’application de SAS 82, les auditeurs doivent documenter leur évaluation du risque de

fraude et leurs modifications du plan d’audit si des conditions de fraude potentielle

apparaissent durant l’audit. Néanmoins, Mancino (1997) critique l’inefficacité de SAS 82 en

soulevant que celle-ci n’augmente pas la responsabilité des auditeurs dans la détection de

fraude au-delà des concepts de « matérialité » et d’« assurance raisonnable ».

A l’aube du 21ème siècle, les efforts de l’AICPA n’ont pas suffi à éviter le désastre financier

de l’affaire Enron, septième plus grande entreprise américaine à cette époque. Le Congrès

émet le Sarbanes-Oxley Act le 23 janvier 2002 et crée le PCAOB, chargé de superviser les

auditeurs des sociétés cotées sur le marché américain. En effet, l’affaire Enron a entraîné la

Page 18: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

18

chute du cabinet qui auditait ses comptes, Arthur Andersen. Par conséquent, le rôle et les

fonctions des cabinets d’audit ont été remis en question. La loi Sarbanes-Oxley vise à

redonner confiance aux investisseurs et apporte de nouvelles régulations pour la profession

notamment sur l’attention accordée à la fraude. L’indépendance des auditeurs externes

constitue un axe majeur de la loi : afin de réduire les conflits d’intérêts, les auditeurs ne

peuvent fournir aux sociétés dont ils certifient les comptes des services autres que ceux

directement liés à cette prestation (Sarbanes-Oxley, section 201). La loi Sarbanes-Oxley est

considérée comme la régulation la plus importante aux Etats-Unis depuis la crise des années

1930 et le Securities Exchange Act.

En 2002, la norme SAS 99 améliore la précédente norme SAS 82. Elle incite les auditeurs à

avoir une approche proactive pour empêcher et détecter les fraudes, grâce à une connaissance

plus approfondie de leur client et du risque potentiel de fraude. La norme insiste sur la notion

de scepticisme professionnel que doit intégrer chaque auditeur : quel que soit le niveau de

confiance vis-à-vis des dirigeants de l’entreprise auditée, l’auditeur doit toujours garder un

état d’esprit critique dans l’analyse des informations et documents fournis, afin d’obtenir

l’assurance raisonnable que les anomalies résultant de fraudes ou d’erreurs et ayant une

incidence significative sur les comptes soient détectées. Ce scepticisme professionnel doit être

exercé au travers des entretiens réalisés avec les responsables, de la détermination des zones

de risques et de l’élaboration d’un programme de travail approprié. Selon SAS 99, l’auditeur

ne doit pas faire confiance au management en partant du principe que ce dernier est honnête et

agit en toute intégrité, au risque que le management passe au travers des contrôles mis en

place. Les preuves d’audit recueillies doivent faire l’objet d’une analyse pour déterminer si le

risque de fraude est couvert de façon satisfaisante.

2.3.2. Au niveau international

Sur le plan international, les normes d’audit sont représentées par les normes ISA

(International Standards on Auditing) et sont publiées par l’IFAC (International Federation

of Accountants). ISA 240, « The Auditor’s Responsibilities Relating to Fraud in an Audit of

Financial Statements », est publiée en mars 2001. ISA 240 est inspirée de SAS 99 et insiste

également sur la notion de scepticisme professionnel et introduit l’obligation pour l’auditeur

de conduire des entretiens sur le risque de fraude avec l’audité.

Page 19: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

19

L’annexe à la norme ISA 240 mentionne des exemples de circonstances ou d’événements

augmentant le risque de fraude :

- Pressions inhabituelles au sein de l’entité ou subies par l’entité : « Le service

comptable subit des pressions pour établir les comptes dans des délais anormalement

courts »

- Opérations inhabituelles : « Paiements de services qui semblent excessifs par rapport

aux prestations fournies »

- Difficultés pour réunir suffisamment d’éléments probants : « Documents comptables

inadaptés, par exemple : fichiers incomplets, écritures de régularisation en nombre

important,… », « Documentation des transactions inadéquate, par exemple : absence

d’autorisation valide,…».

Quelques éléments diffèrent toutefois entre SAS 99 et ISA 240, sur la formulation ainsi que

sur le contenu de la norme. ISA 240 couvre un périmètre un peu plus large que SAS 99

concernant les facteurs de risques relatifs aux anomalies. Par exemple, ISA 240 ajoute le fait

qu’un dirigeant propriétaire ne fasse pas de distinction entre ses transactions personnelles et

professionnelles comme élément de rationalisation de la fraude11.

2.3.3. En France

Le cadre français du commissariat aux comptes se réfère progressivement aux normes

américaines applicables aux CPA. C’est avec la transposition des normes internationales de

l’IFAC en décembre 2000 que la notion de fraude apparaît. En effet, elle était absente dans

normes professionnelles jusqu’à l’adoption du cadre IFAC.

SAS 99 a inspiré la norme française 2-105 adoptée en juillet 2003 par la CNCC (Compagnie

Nationale des Commissaires aux Comptes). Cette norme intègre le besoin d’un scepticisme

professionnel plus important vis-à-vis de la direction auditée. Elle est aujourd’hui remplacée

par la NEP 240 (Norme d’Exercice Professionnel) - Prise en considération de la possibilité de

fraudes et d’erreurs dans l’audit des comptes. La NEP 240 reprend les caractéristiques de la

fraude, notamment son caractère intentionnel, qui la distingue de l’erreur, et le fait que la

fraude soit généralement accompagnée de procédés destinés à dissimuler les faits, ce qui

accroit le risque de ne pas la détecter lors d’un audit. Joseph T. Wells dit à ce titre que « la

11 Le « triangle de la fraude », ou triangle de Cressey, se compose de trois éléments : l’opportunité, la

pression et la rationalisation.

Page 20: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

20

fraude accidentelle n’existe pas ». NEP 240 s’applique aux fraudes susceptibles d’entraîner

des anomalies significatives dans les comptes, à savoir :

- Les actes intentionnels portant atteinte à l'image fidèle des comptes et de nature à

induire en erreur l'utilisateur de ces comptes

- Le détournement d’actifs

La norme détaille certaines procédures d’audit obligatoires telles que la vérification du

caractère approprié des écritures comptables et des écritures d’inventaire passées lors de la

préparation des comptes, ainsi que la revue des estimations comptables (ces estimations sont-

elles biaisées ou pas ?). De plus, elle prévoit la « présomption de risques d’anomalies

significatives résultant de fraudes dans la comptabilisation des produits ». Ainsi, lorsque le

commissaire aux comptes estime que ce risque n’existe pas, il doit justifier sa position.

Néanmoins, la NEP 240 rappelle que ce sont les dirigeants et les membres du gouvernement

d’entreprise qui sont responsables en premier lieu de la prévention et de la détection des

fraudes.

En France, les évolutions légales assortissent à la mission de certification des comptes des

missions connexes, en particulier la procédure d’alerte et l’obligation de révélation des faits

délictueux. Le commissaire aux comptes doit révéler « au procureur de la République les faits

délictueux dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa mission dès lors que les faits

constatés constituent une infraction visée par les textes de base applicables à l'entité

concernée ou une infraction prévue par d'autres textes ayant une incidence sur les comptes,

sont significatifs et délibérés12 ». La non révélation au procureur de la République est puni

d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 €. Ces interventions procurent

au commissaire aux comptes un rôle qui dépasse le seul cadre des travaux d’audit.

Dans la deuxième partie de la revue de littérature, nous nous intéresserons à la problématique

de l’expectation gap qui existe entre la profession et le public. Puis nous nous focaliserons sur

le fossé qui existe entre la profession et le public investisseur en matière de fraude.

12 Article L. 823-12 du Code de commerce

Page 21: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

21

CHAPITRE 2

Un expectation gap qui nuit à la profession

Dans ce chapitre, nous nous attacherons d’abord aux théories qui soutiennent l’expectation

gap sur le rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes, puis nous étudierons les

propositions faites par différents auteurs qui permettraient de réduire ce fossé.

Section 1 : L’expectation gap au sein de la relation auditeur

investisseur

Nous introduirons d’abord la notion d’expectation gap puis nous nous focaliserons sur la

facette « fraude » de cette notion au travers de la littérature.

1.1. Introduction de la notion d’expectation gap

C’est Liggio qui, en 1974, est le premier à introduire la notion d’« audit expectation gap »

dans la littérature et à donner sa définition. Liggio énonce que la qualité des performances de

la profession est sujette aux critiques depuis la fin des années 60 et suggère deux raisons : la

première est la tendance à tenir les autres, et en particulier les professionnels, pour

responsables en cas de mauvaise conduite ; la deuxième est l’expectation gap, qu’il définit

comme la différence entre les niveaux de performance perçus par les auditeurs indépendants

et les utilisateurs des états financiers (Liggio, 1974).

La définition de Liggio renvoie à la perception des performances de l’auditeur de manière

globale. C’est la Cohen Commission qui, en 1978, étend la définition aux responsabilités de

l’auditeur. En 1993, l’AICPA définit l’expectation gap de la manière suivante : « la différence

Page 22: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

22

entre (1) ce que le public et les utilisateurs des états financiers pensent que les responsabilités

des auditeurs sont et (2) ce que les auditeurs pensent que leurs responsabilités sont 13 ».

D’autres auteurs présentent des définitions similaires de l’expectation gap. Sikka et al. (1998)

le définissent également comme la différence entre d’un côté les attentes du public par rapport

à l’audit, et de l’autre côté les opinions propres à la profession sur ses objectifs. Jennings et al.

(1993) évoquent les attentes du public en matière de responsabilités et tâches tandis que

Porter en 1993 le renomme « expectation-performance gap ».

Nous pouvons donner des exemples de croyances erronées du public à propos du métier

d’auditeur : le public peut considérer qu’un rapport du commissaire aux comptes comprenant

une certification pure et simple (sans réserve) garantit l’exactitude des états financiers, alors

que la certification sans réserve signifie que l’auditeur a obtenu une assurance raisonnable que

les états financiers ne comportent pas d’anomalies significatives suite à ses travaux, ce qui est

sensiblement différent. De la même manière, le public peut penser que les auditeurs effectuent

une vérification complète et exhaustive des comptes, alors que ces derniers se reposent sur

l’appréciation du contrôle interne de l’entreprise afin d’orienter leurs travaux d’audit. Cette

appréciation limite ou augmente les tests qui sont effectués par la suite. Par conséquent il ne

peut y avoir de vérification exhaustive des comptes de l’entreprise.

1.2. Un expectation gap présent dans le domaine de la fraude

1.2.1. Le rôle de l’auditeur n’est pas de détecter les fraudes…

Au sujet de la fraude, il existe et subsiste également un expectation gap. A ce titre, la

croyance la plus commune du public est de croire que les auditeurs sont supposés détecter les

fraudes. Le public perçoit l’auditeur comme une garantie contre le risque de fraude. Une étude

de Steen en 1989 en Angleterre montre que 75% des actionnaires, investisseurs et dirigeants

d’entreprise interrogés estiment que l’auditeur détient une responsabilité dans la détection des

fraudes. Cette étude montre également que 60% d’entre eux croient que l’auditeur se doit de

rechercher activement les fraudes.

13 Traduit de l’AICPA, 1993, iii

Page 23: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

23

En réalité, l’auditeur doit identifier les risques qui existent suite à des erreurs ou à des fraudes

et qui pourraient être à l’origine d’anomalies significatives dans les comptes , mais ils ne sont

pas tenus de détecter toutes les fraudes. De nombreux auteurs tels que Cowe (1989) mettent

en garde le public contre leurs a priori sur le rôle de l’auditeur dans les opérations

frauduleuses de leurs clients : « Il est évident que l’auditeur d’une entreprise doit identifier

des millions de dollars reçus pour une activité fictive, ou qui proviennent de faux clients.

Evident mais faux. Contrairement à la croyance du public et au bon sens, le travail d’un

auditeur n’est pas d’identifier ces types de transactions 14. » Bien que les sommes en jeu

puissent être très élevées, Cowe rappelle que le travail de l’auditeur n’est pas d’identifier les

transactions frauduleuses. L’auditeur a une obligation de moyens et non de résultat, ce qui

signifie qu’il doit mettre en œuvre toutes les diligences prévues dans les normes et pratiques

de la profession. Son rôle est rempli dès lors qu’il a effectué toutes ces diligences.

Nous avons vu dans la première partie que les affaires de fraude endommagent la réputation et

la crédibilité des auditeurs. Le corollaire à cela est l’érosion de la confiance du public, qui se

base sur des états financiers non fiables pour prendre des décisions d’investissement. Cette

perte de confiance amène alors les investisseurs à élever leurs attentes par rapport au rôle des

auditeurs dans la détection des fraudes. Les affaires financières et les crises mettent en

exergue l’expectation gap existant entre les auditeurs et les utilisateurs des comptes,

notamment les investisseurs.

Nous pouvons nous pencher sur les raisons de la persistance de l’expectation gap. Pour

quelles raisons ce fossé persiste-il encore aujourd’hui ?

De multiples causes seraient à l’origine de l’expectation gap. Didier Kling, président de la

CNCC de 1995 à 1999, en évoque certaines : « principes comptables s'éloignant des

approches purement historiques traditionnelles pour tenir compte de situations sans doute plus

actuelles mais aussi plus mouvantes, multiplication des parties intéressées et malentendus d'un

public plus large et moins informé sur la nature exacte de la mission de l'auditeur et le degré

d'assurance qu'elle apporte, […], mais aussi, de la part des professionnels, développement

d'attitudes pouvant créer une confusion entre leurs rôles de censure et de conseil, et mettre en

question leur indépendance. »

14 Traduit de Cowe, 1989, p.16

Page 24: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

24

1.2.2. …et la profession se défend en limitant ses responsabilités

Dans la littérature, de nombreux auteurs ont confirmé l’existence d’un expectation gap

(Arrington et al., 1983; Singleton-Green, 1990; Humphrey et al., 1993; Porter, 1993;

Warming-Rasmussen & Jensen, 1998), mais ils ne s’accordent pas sur une raison unique

quant à sa persistance. Si l’on se place du point de vue de la profession, celle-ci tend à

reporter l’expectation gap sur l’ignorance du public du rôle de l’auditeur et sur ses attentes

déraisonnées en matière de fraude selon Humphrey et al. (1993). Singleton-Green (1990)

indique que selon la profession, les utilisateurs de rapports d’audit sont largement ignorants

de la nature, des objectifs et des capacités des auditeurs.

Néanmoins, dans la grande majorité des articles, des auteurs tels que Chandler et al., (1993),

Costello (1991), Humphrey et al., (1993), Chui et Pike (2013) suggèrent que c’est la

profession qui est à l’origine de cette persistance, et non le public.

Pour Chandler et al. (1993), le problème fondamental réside dans le conflit perpétuel entre

d’un côté l’appétit des cabinets d’audit à vendre leurs services, en surenchérissant leur

potentiel de protection envers les investisseurs, et de l’autre côté leur tentative de minimiser

leur responsabilité quand des fraudes ou des erreurs sont dévoilées, en mettant alors en avant

les limites des fonctions de l’audit. Selon eux, les normes anglaises et américaines ont la

volonté de répondre aux attentes du public, mais dans le même temps essaient de protéger les

auditeurs de responsabilités étendues. Chandler et al. (1993) affirment ainsi qu’il n’est pas

surprenant qu’un expectation gap persiste, qui n’est pas nouveau mais qui semble s’accroître

au fur et à mesure. Ils évoquent ainsi la confusion générale autour du rôle de l’auditeur sur la

détection des fraudes : cette confusion est si grande qu’il est difficile pour la profession même

de se mettre d’accord sur le but de l’audit légal, et sur le message à envoyer au public. Nous

avons en effet constaté dans la partie précédente que la profession a connu des prises de

position variées au cours de l’histoire quant à sa responsabilité de détection des fraudes.

Tantôt la profession adoptait une position mettant sa responsabilité au grand jour, tantôt elle

en adoptait une autre la minimisant. Des auteurs tels que Scott et Frye (1997) et Albrecht et

Willingham (1993) accusent la profession de publier des normes pas suffisamment explicites

et de faire preuve de mauvaise volonté. Il en résulte un échec pour la profession, qui rencontre

des grandes difficultés à satisfaire les attentes du public. Selon Chandler et al. (1993), ce

Page 25: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

25

serait la tentative de satisfaire au maximum à deux catégories de personnes aux objectifs

opposés, les auditeurs et les investisseurs, qui amènerait à la confusion. L’auditeur cherche à

supporter le moins de responsabilité possible alors que les investisseurs cherchent plutôt à

imputer la responsabilité d’une fraude non découverte sur les auditeurs, au nom de l’intérêt

public. Cette confusion ne ferait alors qu’augmenter le fossé entre les utilisateurs des comptes

et les auditeurs.

Costello (1991) rejoint Chandler et al. (1993) sur le fait que la profession a constamme nt

cherché à limiter ses responsabilités, en élaborant des normes d’audit qui définissent des

restrictions sur le devoir de l’auditeur dans la détection des fraudes. Selon Costello, ces

normes d’audit permettent aux auditeurs de définir les contours de leur responsabilité, et par

conséquent le degré sur lequel le public peut les inculquer lors de la révélation de fraudes. Il

prend notamment l’exemple de la norme SAS 53, « The Auditor's Responsibility to Detect and

Report Errors and Irregularities », publiée par l’AICPA en 1988. A travers cette norme,

l’AICPA avait la volonté d’atténuer l’expectation gap. Néanmoins, Costello analyse cette

norme de façon beaucoup plus critique. Selon lui, tandis que le public accroît ses attentes

envers la profession, celle-ci estime avec cette norme que ses responsabilités sont remplies

dès lors que les travaux d’audit ont été réalisés en accordance avec les GAAS (Generally

Accepted Auditing Standards). Costello (1991) met donc également en exergue l’expectation

gap qui existe entre le public investisseur et la profession en évoquant que les normes d’audit

fournissent un refuge (l’auteur utilise le terme « safe harbor ») pour les auditeurs. En effet,

elles leur permettent de s’immuniser contre des responsabilités potentielles. Il en conclut que

SAS 53 ne peut constituer la mesure de responsabilité d’un auditeur, et que les poursuites

judiciaires sont la preuve que l’auditeur doit faire plus que ce qui est requis dans les normes

élaborées par la profession, les normes représentant seulement le minimum requis. Herdman

& Neary (1988) approuvent ce point de vue en concluant également que SAS 53 n’a pas

atténué l’expectation gap comme cela était souhaité.

Chui et Pike (2013) dénoncent également le fait que les auditeurs ne soient pas enclins à

assumer plus de responsabilité dans la détection des fraudes. Ils constatent également la

tendance de la profession à émettre des normes d’audit supplémentaires en réponse aux

fraudes de grande ampleur publiquement dévoilées. Ainsi, Humphrey et al. (1993) remarquent

une correspondance forte entre les périodes de pic de publications de normes et les périodes

Page 26: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

26

de fraudes majeures. Selon eux, la profession joue un rôle proactif dans le cycle « crise –

demandes du public – évolution de la réglementation ». Les normes publiées reflètent donc les

préférences de la profession dans des contextes donnés. Les auteurs constatent que peu de

progrès ont été réalisés malgré l’émission de ces normes car les auditeurs échouent encore à

détecter les fraudes. Chui et Pike (2013) qualifient ces normes de « symboliques » en ce qu’ils

n’ont pas aidé à rendre la profession plus efficace dans la détection des fraudes, malgré

l’engagement « consistant » des élaborateurs des normes à améliorer les performances des

auditeurs. Humphrey et al. (1993) avancent que ces changements dans la règlementation sont

dictés par les intérêts de la profession.

D’autre part, Humphrey et al. (1993) se rallient à Chandler et Costello sur l’étendue limitée

des responsabilités de l’auditeur sur la détection de la fraude, qui a toujours été un problème

récurrent pour la profession. Selon eux, la profession adopte une position qui minimise

l’étendue de la responsabilité des auditeurs sur la détection de la fraude. Cela ne peut résulter

autrement que par un mécontentement du public, qui estime que ses attentes sur ce sujet ne

sont pas satisfaites. Néanmoins, ils apportent également un éclairage différent sur le sujet : ils

remarquent qu’au lieu de discuter des capacités des technologies d’audit, les discussions sur la

fraude font référence au fait que l’auditeur n’est pas suffisamment rémunéré pour

entreprendre le travail nécessaire permettant de détecter les fraudes majeures, ou bien qu’un

environnement menaçant (des litiges par exemple) le gênent dans l’acceptation de

responsabilités supplémentaires. Cela signifie donc selon les auteurs que les auditeurs peuvent

assumer ces fonctions supplémentaires de détection de fraude. Ce seraient en fait les

conditions dans lesquelles les techniques d’audit doivent être appliquées, plutôt que les

techniques elles-mêmes qui empêcheraient les auditeurs de satisfaire aux attentes du public.

1.2.3. Les auditeurs, des personnes influençables ?

Joseph T. Wells, fondateur de l’ACFE, déclare qu’aucune norme d’audit ne peut fournir

l’assurance absolue que les auditeurs puissent détecter toutes les fraudes. Toutefois, il critique

les auditeurs pour leur manque d’expérience, de formation et de réactivité dans la détection

des fraudes. Selon lui, les auditeurs ne sont pas des personnes malhonnêtes mais plutôt des

Page 27: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

27

individus ignorants, trop jeunes et inexpérimentés (pour la plupart) pour faire face à des

employés malhonnêtes ou un management corrompu15.

De leur côté, les perpétrateurs de fraude avouent combien il est facile de duper les auditeurs,

comme le démontre Sam Antar, à l’origine du cas Crazy Eddie. Sam Antar a orchestré dans

les années 80 plusieurs fraudes dans son entreprise de vente de produits électroniques dont

une survalorisation des stocks et un schéma de blanchiment d’argent. Antar rejoint Wells sur

l’utilisation de jeunes diplômés inexpérimentés pour mener la majeure partie des travaux

d’audit. De plus, il assure qu’il est aisé de corrompre le scepticisme professionnel des

auditeurs puisque ces derniers ont souvent tendance à croire sur parole le client sans vérifier

ou sans chercher à remonter à la source des informations.

Au sein de cette confusion générale et des inquiétudes croissantes sur l’expectation gap, Brian

Singleton-Green, l’éditeur d’Accountancy, journal de l’Institute of Chartered Accountants

(publié au Royaume-Uni) lançait déjà au début du 20ème siècle un appel à destination de la

profession : « Le réel problème est la fraude. Nous ne pouvons ignorer que le [public] novice

attend de l’auditeur qu’il détecte toutes les fraudes majeures… Le fait est que si les auditeurs

n’avaient pas la responsabilité de détecter les fraudes, personne ne perdrait de temps ni

d’argent pour poursuivre ceux qui ont échoué à les détecter […]. L’approche par le déni ne

diminuera pas les devoirs de l’auditeur, mais contribuera à discréditer la profession16. » Selon

Singleton-Green, la profession ne peut se désengager auprès du public, qui s’attend à ce que

les auditeurs découvrent les fraudes majeures des entreprises auditées. Ces derniers doivent

donc faire face à leurs responsabilités. Raisonner par la négative sur ce sujet ne contribuera

pas à diminuer leurs responsabilités mais au contraire à donner une mauvaise image de la

profession.

Face au problème persistant de l’expectation gap, de nombreux auteurs ont fait des

propositions pour tenter de le réduire et améliorer la performance et la réputation des

auditeurs.

15 « [a]s a group, CPAs are neither stupid nor crooked. But the majority are still ignorant about

fraud…for the last 80 years, untrained accounting graduates have been drafted to wage war against

sophisticated liars and thieves » (Wells, 2005). 16 Traduit de Singleton-Green, 1990, p.34

Page 28: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

28

Section 2 : Propositions faites pour réduire l’expectation gap

Après avoir effectué une revue de littérature sur le fossé de perception existant entre les

auditeurs et les investisseurs, nous allons nous intéresser aux diverses propositions évoquées

pour tenter de le réduire.

2.1. Un manque de formation sur les démarches spécifiques à la détection des fraudes

Le rapport In the public interest - Measures to improve the quality and independance of the

audit in the Netherlands, rédigé par des auditeurs néerlandais, contient des propositions

audacieuses pour l’amélioration de la qualité de l’audit, notamment sur le sujet de la fraude.

Les auteurs souhaitent que plus d’attention, de temps et de ressources soient alloués au risque

de fraude car ils considèrent que la détection de la fraude est un rôle important qui doit faire

partie du travail de l’auditeur.

Chui et Pike (2013) vont dans le même sens et soulignent que la plupart des cabinets d’audit

fournissent peu ou pas de formation sur la détection des fraudes. Par conséquent, celles-ci

continueront à ne pas être détectées par les auditeurs. Les auditeurs manquent de sensibilité

dans le discernement des signes révélateurs de fraude et des red flags. Ainsi, les auteurs du

rapport In the public interest proposent d’intégrer des procédures forensic, qui sont orientées

vers la fraude et utilisées majoritairement aux Etats-Unis avec des outils et techniques

d’investigations spécifiques, mais surtout avec un état d’esprit particulier à adopter . En effet,

avec les procédures classiques d’audit, l’auditeur peut « tomber » sur une fraude, que le

cabinet canadien Collins Barrow apparente à une aiguille dans une botte de foin. Lors d’un

forensic audit, l’auditeur a déjà identifié l’existence potentielle de cette aiguille et met en

œuvre des procédures spécifiques pour la détecter. C’est ce qui fait la distinction entre l’audit

classique et le forensic audit, distinction que le public ne fait pas lorsqu’il pense au rôle de

l’auditeur dans la détection des fraudes. Selon les auteurs du rapport In the public interest,

dans une équipe d’audit, au moins un individu devrait être reconnu en tant que spécialiste

forensic et devrait être présent toute la durée de la mission. En effet, les auteurs rappellent une

étude du Standing Advisory Group du PCAOB qui énonce que les auditeurs ne sont pas des

spécialistes de la fraude, et qu’il existe des différences majeures entre ces deux métiers. Chui

et al. (2012) montrent que les individus avec un état d’esprit forensic effectuent des

évaluations de risque de fraude plus élevées, ont moins tendance à évaluer les comptes des

Page 29: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

29

clients comme présentés et sont plus à même d’effectuer des investigations plus approfondies

pour examiner les comptes que les individus avec un état d’esprit d’auditeur non forensic. Il

est donc possible selon les auteurs d’améliorer la sensibilité des auditeurs aux fraudes en les

préparant à avoir un état d’esprit de spécialiste de la fraude. Chui et Pike (2013) ont

néanmoins conscience des conséquences financières de cette proposition, mais rappellent

l’importance primordiale de donner des formations dans le domaine du forensic accounting.

Grâce à ces formations, la probabilité que les fraudes soient détectées par des audits externes

serait plus élevée et les parties prenantes accorderaient plus de confiance dans les capacités

des auditeurs à protéger leurs intérêts.

Enfin, en Grande Bretagne, Humphrey et al. (1993) pensent que les changements dans la part

de responsabilité des auditeurs doivent être basés sur une meilleure sensibilité aux fraudes ,

sans donner de moyens concrets. Autrement, les auteurs prédisent que la situation dans une

décennie sera identique à celle décrite par le magazine Accountancy en 1991. Le magazine

prédit une fraude majeure qui, une fois de plus, ne sera pas découverte par les auditeurs. Ces

derniers seront aussi surpris que le public de la révélation de la fraude. Aucun changement

dans la profession n’aura été fait pour éviter cela et comme par le passé, la profession fera

l’objet de lourdes critiques17.

2.2. Une alternative à l’approche historique du risque : intégration de la culture

d’entreprise

Glover et Aono (1995) proposent d’aller au-delà de la prise en compte des seules informations

financières et comptables fournies par le client. Les auteurs posent l’hypothèse que la culture

d’entreprise et les caractéristiques du secteur influencent significativement la probabilité de

fraude. Ils se demandent comment l’auditeur peut fournir une opinion non biaisée concernant

les états financiers d’une entreprise sans comprendre la culture qui entoure les événements

économiques enregistrés dans son système comptable. Ils regrettent que les normes, en

prenant l’exemple de SAS n° 55 (Internal Controls) et SAS n° 56 (Analytical Procedures),

17 “There will be a gigantic fraud. The auditors will fail to detect it, and will be surprised when they

read about it, at the same time as everybody else, in the pages of The Sunday Times. The profession

will be heavily criticized. The auditing guideline on fraud will be reviewed…There will be nothing

new under the sun.”(Accountancy Magazine, 1991)

Page 30: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

30

restent concentrées sur les caractéristiques financières de l’organisation. Les trois variables du

risque d’audit (risque inhérent, risque de contrôle, risque de non détection) se concentrent sur

des procédures de contrôle, l’existence d’habilitations, la séparation des tâches, et autres

processus directement liés au système comptable et financier de l’entreprise. Pour les auteurs,

cette approche est trop restrictive. Ils prônent une connaissance plus approfondie de la culture

d’entreprise des firmes auditées pour mieux discerner les fraudes.

Les auteurs proposent une alternative à l’approche historique et intègrent les variables de

culture d’entreprise et les caractéristiques du secteur dans l’identification du risque de

détection des fraudes. Ils proposent l’équation suivante :

Risque de détection des fraudes = (culture d’entreprise x caractéristiques du secteur)

+ risques de contrôle

Ils précisent cependant que cette méthode ne peut assurer la détection de toutes les fraudes.

Néanmoins, elle permet d’identifier des indices susceptibles d’alerter l’auditeur car elle se

repose sur les véritables raisons qui conduisent à commettre des fraudes. Les auteurs plaident

ainsi pour une définition plus large de la fraude qui couvrirait les aspects financiers et

opérationnels, mais également sociaux, moraux et éthiques.

2.3. Un meilleur apprentissage universitaire, combiné à la recherche

Plus récemment, Lenard et Alam (2009) proposent de revoir la méthode d’apprentissage de

l’enseignement sur les fraudes à l’université. Les auteurs suggèrent une approche par laquelle

la fraude serait étudiée de la même manière que l’histoire. En effet, comment anticiper les cas

de fraude si on n’étudie pas l’histoire de la fraude et de sa détection ? Selon eux, les

universités devraient inclure dans leur programme des cas de fraudes et utiliser des modèles

de détection de fraude et d’autres méthodes de prévention et de détection afin que les futurs

auditeurs soient mieux équipés pour les anticiper. Les auteurs soulignent que des modèles

existent pour détecter tous types de fraude. La problématique aujourd’hui se situe sur la façon

de combiner ces découvertes. Ils suggèrent la création d’une base de données globale sur

toutes les fraudes qui ont été découvertes jusqu’à aujourd’hui ; ou encore l’utilisation du data

mining et de programmes statistiques. Pour cela, les chercheurs et les professionnels peuvent

travailler ensemble pour renforcer la réputation professionnelle des auditeurs. Chui et Pike

Page 31: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

31

(2013) rejoignent Lenard et Alam sur le fait que les chercheurs en comptabilité doivent

continuer leurs recherches pour améliorer les capacités des auditeurs à détecter les fraudes,

grâce notamment à des programmes de recherche de fraude. Cependant les modalités de

fonctionnement et l’utilisation concrète de ces programmes dans le travail quotidien des

auditeurs restent floues.

De nombreuses propositions ont été faites par des auteurs pour tenter de contribuer à la

réduction du fossé existant entre les investisseurs et les auditeurs. Ces propositions (non

exhaustives) sont variées et comportent la recherche de modèles et programmes anti-fraude,

la mise en place de formations à la méthodologie du forensic audit, la désignation de

spécialistes dans chaque mission d’audit, et la revue de la méthode d’apprentissage destinée

aux étudiants. Il reste à savoir comment articuler ces propositions afin que le plus grand

nombre de pays puisse en profiter, la fraude n’ayant pas de territoire.

Section 3 : Entretien exploratoire

Afin de compléter la revue de littérature, un entretien exploratoire a été réalisé. Cet entretien a

pour objectif de mettre en lumière d’éventuels éléments essentiels qui n’auraient pas été

abordés lors de la revue de littérature. Il est réalisé avant les entretiens de l’étude empirique de

la seconde partie car il peut amener à modifier les hypothèses choisies ou à les compléter.

L’entretien exploratoire est également l’occasion de faire le pont entre les lectures théoriques

et l’étude empirique.

3.1. Méthodologie de l’entretien exploratoire

Une grille de questions a été établie, dans laquelle les questions ont été regroupées par thème

(qualité, compétence, communication,…). Les questions abordées réunissent des thèmes

inspirés de l’ensemble des lectures gravitant autour du rôle de l’auditeur et de l’investisseur.

Ces questions ont été adressées à un auditeur de niveau senior d’un cabinet d’audit afin

d’obtenir l’avis d’un professionnel sur son rôle et sur la perception des utilisateurs des

Page 32: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

32

comptes (public au sens large et public investisseur). Les questions proposées ne sont pas

exhaustives et n’ont pas vocation à obtenir des réponses strictes. Elles servent de guide afin de

provoquer des discussions et des réflexions sur les thèmes choisis.

3.2. Résultats de l’entretien exploratoire

Les données obtenues suite à l’entretien sont retranscrites dans l’Annexe 2.

Nous avons identifié quelques éléments importants pour la suite de no tre étude à l’issue de cet

entretien.

3.2.1. Qualité de l’audit

D’après notre interlocuteur, les utilisateurs des comptes détiennent un degré de confiance

plutôt élevé en ce qui concerne la qualité des travaux d’audit. Ils n’ont pas le sentiment de

faire face à une baisse de l’efficacité ou de la qualité de l’audit, ni à un manque de scepticisme

de la part des auditeurs. Cela ne reflète pas ce que nous avons pu tirer de la revue de

littérature, dans laquelle nous avons constaté que le scepticisme professionnel est

régulièrement remis en cause par le public et notamment le public investisseur.

3.2.2. Audit et contrôle interne

Notre interlocuteur a rappelé l’importance de la phase de l’intérim dans le travail du

commissaire aux comptes. Durant cette phase, le travail de ce dernier se compose d’entretiens

et de tests au niveau opérationnel et au niveau de la supervision qui permettent de comprendre

l’élaboration des comptes. Quant aux investisseurs, ils ont des attentes en matière d’« esprit

critique » sur le processus d’élaboration et de fiabilisation des comptes.

3.2.3. Compétence

Notre interlocuteur a défendu la structure et l’organisation des équipes d’audit lorsque nous

avons évoqué le manque de compétence et d’expérience pour détecter les fraudes, nota mment

chez les auditeurs débutants. Les travaux des opérationnels débutants sont toujours contrôlés

par des personnes plus mûres, du moins en ce qui concerne les comptes sensibles. De plus, il

Page 33: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

33

ajoute l’existence d’un esprit critique à chaque niveau de contrôle jusqu’en haut de la

hiérarchie.

Il ajoute également que les grands cabinets disposent d’un service Fraude animé par des

associés expérimentés. L’équipe du service Fraude travaille en lien avec la police fiscale, par

exemple dans le cadre de démantèlements de réseaux de blanchiment d’argent, ou encore dans

la résolution de fraudes fiscales en réseau,…Bien qu’il y ait des enquêtes lancées en cas de

suspicion d’irrégularité dans les comptes, il n’y a pas d’audit dédié à la fraude en France (tels

les forensic auditors aux Etats-Unis). A ce titre, notre interlocuteur pense qu’il serait pertinent

de constituer un corps de spécialistes de la fraude sur les missions importantes.

3.2.4. Perception des investisseurs sur les travaux d’audit

Notre interlocuteur rappelle que les travaux d’audit sont par définition non exhaustifs et n’ont

pas vocation à couvrir l’ensemble des comptes. Néanmoins, il ajoute que les investisseurs

peuvent avoir des attentes irréalistes et rechercher une confiance totale dans les états

financiers validés par les auditeurs. Par exemple, ils peuvent attendre un diagnostic exhaustif

sur l’exactitude d’éléments fiscaux, ou bien la conformité d’opérations par rapport à certaines

dispositions légales. Le public investisseur peut ignorer que l’auditeur valide un certain

niveau de confiance et qu’un risque résiduel demeure. Cette ignorance traduit une mauvaise

connaissance ou une méconnaissance des normes d’audit et de la règlementation

professionnelle de la part des investisseurs. Elle traduit également une mauvaise connaissance

des méthodes d’audit : à titre d’exemple, les investisseurs sont loin de se demander quels

échantillons ont été sélectionnés et testés, même dans les agrégats qui l’intéressent.

Néanmoins, même les investisseurs institutionnels, considérés comme ayant des

connaissances plus sophistiqués et étant mieux informés que les investisseurs individuels, ne

pourraient pas remonter à ce niveau de détail car les procédures et méthodes

d’échantillonnage diffèrent selon les cabinets. En conséquence, ils risquent de donner une

importance et une responsabilité trop forte à l’opinion des auditeurs.

En outre, notre interlocuteur ajoute que dans le cas où une fraude serait dévoilée, les

investisseurs chercheraient à rejeter la faute sur le dernier réviseur des comptes avant

émission du rapport annuel, c’est-à-dire le commissaire aux comptes. Cela fait écho aux

propos d’auteurs étudiés dans la revue de littérature sur la recherche de la culpabilité de

l’auditeur en premier lieu.

Page 34: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

34

Enfin, notre interlocuteur rappelle que la direction de l’entreprise reste responsable du

contenu de ses comptes. L’auditeur apporte un regard extérieur sur la sincérité des comptes

mais ne peut en aucun cas en assurer l’exactitude.

3.2.5. Communication

Les cabinets d’audit communiquent un rôle de « watchdog », soit un message de protection

de l’intérêt public. Selon notre interlocuteur, cela influence le niveau de confiance des

investisseurs, en particulier des investisseurs individuels, plus novices. Le métier d’auditeur

est perçu à tort comme un métier appartenant au domaine de la répression des fraudes. Il serait

même parfois confondu avec celui de contrôleur fiscal…ce qui rassure faussement

l’investisseur. Les véritables fonctions d’un auditeur sont donc méconnues pour un

investisseur lambda, voire parfois largement détournées.

Cet entretien exploratoire nous a permis d’obtenir la vision d’un professionnel du métier.

Contrairement à ce que nous avons constaté lors de la revue de littérature, l’interlocuteur

pense que les investisseurs détiennent un degré élevé de confiance sur la qualité des audits et

ne doutent pas du scepticisme professionnel de l’auditeur. En revanche, et cela est peut-être

lié, il avance que les investisseurs peuvent avoir des attentes irréalistes et accorder une

confiance et une importance trop élevée à l’opinion des auditeurs. Les origines de ces attentes

seraient l’ignorance de l’approche par les risques avec l’existence d’un risque résiduel, et la

faible connaissance des normes.

Les questions que nous nous posons à la suite de cet entretien sont les suivantes : les

investisseurs ont-ils un degré de confiance si élevé sur la qualité des audits ? Quelles sont les

limites de leurs attentes soit disant irréalistes ? Qu’attendent-ils concrètement du

comportement de l’auditeur dans un cas de fraude ?

Page 35: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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Il semble qu’aujourd’hui encore la perception du métier d’auditeur et de son rôle dans la

détection des fraudes demeure confuse et imprécise auprès du public et notamment auprès du

public investisseur. La littérature sur l’expectation gap est abondante et bien que le mot ne

soit apparu qu’en 1974 grâce à Liggio, cette notion est discutée depuis bien des décennies.

L’entretien exploratoire nous conforte dans le fait que ce fossé semble toujours présent à

l’heure actuelle. Au-delà des travaux théoriques, nous pouvons nous demander quel est

aujourd’hui l’état actuel de la perception des investisseurs sur le rôle de l’auditeur dans la

prévention et la détection des fraudes, et comment cela se manifeste-t-il de façon concrète ? A

quel point les conceptions de ces deux catégories divergent aujourd’hui ?

Nos travaux sont effectués dans la deuxième partie. Partant du constat que peu d’études

empiriques sur le sujet ont été réalisées en France, nous avons la volonté de mener des

entretiens de terrain auprès d’auditeurs et d’investisseurs. Les entretiens, réalisés sous forme

de cas de fraude, permettront de nous focaliser sur des aspects plus « pratiques » de la fraude.

Les entretiens seront ensuite analysés par rapport à la nature de la fraude, les méthodes de

détection, et les difficultés de détection. En plus de confirmer l’existence d’un expectation

gap, ils permettront de fournir une vision plus concrète de la conception des auditeurs et des

investisseurs.

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PARTIE 2

Etude empirique

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CHAPITRE 1

Méthodologie de recherche

La présentation de la méthodologie de recherche se fait en trois temps. Nous exposerons

d’abord le panel des personnes interviewées puis les modalités des entretiens et enfin les cas

de fraude proposés.

Section 1 : Sélection des personnes interrogées

Nous avons choisi de mener dix entretiens afin de mener à bien notre étude. Pour ce faire,

nous avons sélectionné un panel de cinq auditeurs financiers et cinq investisseurs.

1.1. Auditeurs

Les auditeurs interrogés sont au nombre de cinq :

- Quatre auditeurs de niveau senior

- Un auditeur de niveau senior manager

Parmi les auditeurs sélectionnés, trois auditeurs seniors ne sont pas spécialisés dans un

secteur. Un auditeur senior a travaillé dans le département « Consumer Business » et

l’auditeur de niveau senior manager exerce dans le secteur « Banque ». Cette diversité nous

permet d’obtenir des sensibilités différentes selon les cas abordés ainsi que des

approfondissements pour les auditeurs spécialisés.

1.2. Investisseurs

Les investisseurs interrogés sont au nombre de cinq. Il s’agit d’investisseurs individuels.

Quatre d’entre eux sont de nationalité américaine. Ils investissent sur les grands marchés

Page 38: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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boursiers tels que le New York Stock Exchange et le NASDAQ. Le cinquième investisseur est

un investisseur français qui investit principalement sur Alternext.

Nous précisons qu’aucun d’entre eux n’a exercé la fonction d’auditeur dans sa carrière.

Par souci de confidentialité, l’identité des personnes interrogées n’est pas dévoilée.

Section 2 : Modalités des entretiens

2.1. Objectif des entretiens

Notre étude empirique est basée sur les entretiens effectués auprès des auditeurs et

investisseurs. Au travers des propos recueillis, ces entretiens ont pour but de répondre à notre

problématique de recherche : quelle perception ont les auditeurs et les investisseurs du rôle de

l’auditeur dans la prévention et la détection des fraudes aujourd’hui ?

Au vu de la revue de littérature qui a été réalisée dans la première partie, notre recherche

s’oriente vers une démarche de vérification. En effet, les théories sur les perceptions de ces

deux catégories de personnes sont formelles et de nombreux auteurs s’accordent sur le fait

qu’il existe toujours un fossé de perception et de compréhension. Nos travaux empi riques

permettent de confirmer ces théories et apportent un éclairage pratique par le biais des cas

proposés.

Les entretiens permettent de vérifier en premier lieu les divergences d’opinion entre les deux

catégories d’interlocuteur. Ils permettent également de constater les éventuelles opinions

discordantes au sein de la catégorie des auditeurs.

2.2. Format des entretiens

Les entretiens sont réalisés de manière individuelle. Ils prennent la forme d’entretiens directifs

ouverts, les questions étant préparées et ordonnées à l’avance mais l’interlocuteur pouvant y

répondre de manière libre. La durée des entretiens n’est pas fixée au préalable et

l’interlocuteur peut répondre de façon aussi détaillée qu’il le souhaite. Il peut être recadré ou

relancé lorsque ses propos sont diffus ou pour recentrer le sujet.

Page 39: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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Les entretiens se basent sur quatre cas pratiques faisant ressortir des situations de fraude

(fraude interne ou externe, détournement d’actif, fraude aux états financiers,…) . Les mêmes

situations sont posés à la fois aux auditeurs et aux investisseurs. Chacun des cas pratiques est

suivi de questions qui servent de fil conducteur. Ces questions permettent de guider l’entretien

et d’amener l’interlocuteur à exprimer son opinion. Elles amènent également l’interlocuteur à

relater son expérience professionnelle et les éventuelles situations qu’il a vécues.

L’ordre des entretiens est déterminé de la manière suivante : les entretiens avec les auditeurs

se tiennent en premier. Après retranscription de ces entretiens ont lieu les entretiens avec les

investisseurs. Nous avons choisi ce procédé car il permet de récolter les données des

entretiens avec les auditeurs afin de soumettre les opinions de ces derniers aux investisseurs.

Les questions « fil conducteur » des entretiens sont les suivantes (cette liste n’est pas

exhaustive) :

- Pour les auditeurs

o Quel serait votre comportement dans cette situation / face à cet événement /

face aux explications du client / comptable ?

o Comment traiteriez-vous ce cas ?

o Quel est votre rôle au regard de ce cas ?

o Si le montant est significatif, qu’envisageriez-vous de faire ?

o Etes-vous sensible à ce cas de fraude ?

o Pensez-vous pouvoir aisément la détecter ?

- Pour les investisseurs :

o Quel comportement attendez-vous de l’auditeur dans cette situation ?

o Pensez-vous que ce type d’anomalie / fraude est aisément détectable ?

o Le comportement de l’auditeur est-il satisfaisant de votre point de vue, et pour

quelles raisons ?

o Si vous estimez qu’il n’est pas satisfaisant, que doit faire l’auditeur pour avoir

un comportement satisfaisant ?

o Est-ce que la responsabilité de l’auditeur doit être engagée ?

Des questions supplémentaires spécifiques au contexte de chaque cas sont également posées.

Page 40: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

40

De plus, au début de chaque entretien investisseur, le cadre de référence de l’étude est précisé

et des questions préliminaires sont posées afin d’appréhender son niveau de culture sur le

thème. Après ces questions préliminaires, le cas et les questions sont proposées à

l’investisseur. Les réponses des auditeurs sont présentées aux investisseurs afin d’obtenir leur

avis, d’où l’importance de mener les entretiens avec les auditeurs en premier lieu.

Les cas de fraudes ont été élaborés à l’aide de l’ouvrage Creative Accounting, Fraud and

International Accounting Scandals de Michael Jones (2011) et à l’aide du cours « Fraude,

contrôle et gouvernance » prodigué par le Master 2.

Section 3 : Présentation des cas de fraude

Quatre cas de fraude ont été élaborés pour mener l’étude empirique de cette deuxième partie.

Les mêmes cas sont présentés aux auditeurs et aux investisseurs. Cependant ils sont présentés

en miroir à ces deux catégories de personnes. Certains cas mêlent plusieurs types de fraudes.

Les cas élaborés présentent volontairement peu de données chiffrées pour éviter que les

interlocuteurs ne raisonnent en termes de montant, de dommages et de seuils d’audit pour

donner une réponse. De plus, bien qu’inspirés de faits réels, les cas ont été simplifiés pour

favoriser la compréhension des interlocuteurs. En effet, les cas sont des prétextes pour

recueillir une opinion sur leur perception. L’objectif n’est pas de parvenir à la résolution des

cas.

Nous présenterons ci-après le script des cas destinés aux auditeurs puis celui destiné aux

investisseurs. Bien qu’il s’agisse des mêmes cas, ils ont été reformulés au niveau de la syntaxe

pour s’adapter à chaque catégorie d’interlocuteur.

Seuls les énoncés de cas sont donnés en lecture aux personnes interrogées. Les types de

fraude ne leur sont pas précisés.

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3.1. Cas de fraude posés aux auditeurs

3.1.1. Cas 1 : entreprise Anagri

Types de fraude : - Fraude aux états financiers : enregistrement prématuré des ventes

- Détournement d’actif : double paiement des factures fournisseur

Enoncé du cas

Vous auditez l’entreprise Anagri, qui vend des moissonneuses à des agriculteurs. La date de

clôture est fixée au 30 juin. Les agriculteurs qui achètent des moissonneuses à l’entreprise

aimeraient recevoir la facture en mars afin d’obtenir une réduction d’impôt (leur date de

déclaration est fixée au 1er avril). Ils s’accordent avec l’entreprise pour qu’elle leur livre le

tracteur en août, ce qui les arrange pour une récolte en août. Le paiement est également

effectué au mois d’août.

Certains clients font face à de grandes difficultés financières et ne pourraient de toute façon

payer plus tôt car ils doivent s’assurer que la récolte de l’année sera correcte avant de

s’engager à payer. Le DAF ordonne au comptable d’enregistrer la vente en mars. De plus, il

vous informe que la situation financière de l’entreprise commence aussi à être délicate.

[Une série de questions est posée à ce stade avant d’aborder la suite du cas]

Dans la même entreprise, le comptable paie ses fournisseurs tous les mois par chèque. C’est

lui qui écrit les chèques, mais c’est le responsable comptable qui les valide avant envoi. Ce

dernier quitte la société, un autre va le remplacer mais n’est pas encore arrivé. Le comptable

envoie alors des chèques en double à ses fournisseurs. Puis il appelle les fournisseurs et leur

dit qu’il s’agit d’une erreur et leur demande de lui retourner le chèque en son nom. Pour

mieux dissimuler l’opération, il utilise des chéquiers de comptes bancaires différents. Il reçoit

les chèques directement chez lui, et encaisse les remboursements.

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3.1.2. Cas 2 : entreprise Loisiria

Type de fraude : Détournement d’actif - vol de liquide dans la caisse

Enoncé du cas

Vous faites l’audit d’un centre de loisirs pour enfants. Vous vous apercevez lors de l ’audit des

comptes que le montant de caisse indiqué sur le relevé de caisse est écrit à la main et raturé

plusieurs fois. En essayant de décrypter le montant effacé, vous vous apercevez qu’il ne

correspond pas à celui qui est enregistré en comptabilité. Vous interrogez le comptable, qui

vous explique qu’une des salariées, l’animatrice, a ouvert le coffre car il manquait de l’argent

pour une des sorties avec les enfants. Aucun justificatif d’achat n’a été donné pour les

dépenses effectuées.

[Une série de questions est posée à ce stade avant d’aborder la suite du cas]

Le comptable vous dit que l’animatrice ne détient pas les clés du coffre et doit avoir l’accord

de sa responsable avant de prendre de l’argent dans la caisse. Le comptable vous précise que

la salariée a de graves problèmes de santé et avait oublié d’emporter ses médicaments avec

elle ce jour-là, elle a donc dû en acheter à la pharmacie. Depuis, la salariée n’a pas remboursé

la somme. Le comptable vous explique qu’il s’agit d’un cas exceptionnel qui ne s’est produit

qu’une fois et que, sachant que l’état de santé de sa collègue s’est dégradé récemment, il ne

lui a pas réclamé de justificatif d’achat ni de remboursement.

3.1.3. Cas 3 : entreprise Armarine

Type de fraude : Fraude aux états financiers - enregistrement de chiffre d’affaires fictif

Enoncé du cas

La société cotée Armarine vend des équipements de sécurité pour bateaux. En trois ans son

chiffre d’affaires a triplé. La valeur de ses actions a fortement augmenté depuis son

introduction en Bourse. Le PDG déclare dans le rapport annuel que 50% de son chiffre

d’affaires est effectué avec cinq clients basés en Nouvelle Zélande. C’est un journaliste qui,

en effectuant des recherches sur le marché des équipements de sécurité, interroge une filiale

de la société basée en Nouvelle Zélande. L’employé de la filiale lui annonce que seulement

2% des ventes s’effectuent en Nouvelle Zélande.

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Le journaliste écrit un article critique sur l’entreprise, dont vous avez pris connaissance. Vous

commencez alors à vous poser des questions. Cela vous paraît étrange, d’autant plus que la

société achète auprès de ses trois fournisseurs principaux des produits pour un montant très

faible par rapport au montant de ses ventes. Les années précédentes les équipes d’audit

n’avaient jamais soupçonné que les transactions puissent être fictives et les rapports du

commissaire aux comptes avaient été certifiés sans réserve. Par exemple, les réponses de

circularisation étaient en fait des fax factices envoyés par la femme du PDG.

3.1.4. Cas 4 : entreprise Fraudit

Type de fraude : Détournement d’actif - fraude « au Président »

Enoncé du cas

Vous effectuez l’audit de Fraudit, une entreprise industrielle. Vous venez voir le comptable

pour des demandes de documents. A ce moment, son téléphone sonne. Vous êtes alors témoin

d’une situation délicate. Vous entendez le comptable dire à demi-mot : « Donc ce sera 3

millions et demi ?!… Pour quand vous les faut-il ?…Pour une acquisition en Pologne ?...Ce

sera fait dès que possible ». En raccrochant, le comptable semble tendu. Il s’excuse et

demande à ce que vous passiez le voir plus tard car il doit régler cette situation urgente.

3.2. Cas de fraude posés aux investisseurs

Avant d’aborder les cas de fraude, quelques questions préliminaires sont posées aux

investisseurs afin d’aborder le sujet et d’appréhender leur niveau de connaissance. Les

questions suivantes leur sont posées :

- En tant qu’investisseur, que connaissez-vous du rôle des auditeurs financiers dans la

détection des fraudes ?

- Pensez-vous que la détection des fraudes fait partie de leurs missions ?

- Est-ce que la certification des comptes garantit l’exactitude des comptes d’une

entreprise ?

Les cas de fraude sont ensuite proposés aux investisseurs. Ces cas sont le reflet inverse (au

niveau de la syntaxe et de la tournure des phrases) des cas posés aux auditeurs.

Page 44: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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Les cas ont été traduits en anglais pour les entretiens faits avec des investisseurs américains. Il

n’a pas été jugé utile de transcrire la traduction.

Pour faciliter la compréhension des interlocuteurs et pour que les cas soient accessibles,

quelques précisions explicatives sont ajoutées. Il est proposé aux investisseurs de s’imaginer

qu’ils détiennent des actions dans les sociétés, ou bien de se mettre à la place d’un

investisseur potentiel qui consulte le rapport signé par le commissaire aux comptes avant de

prendre une décision.

3.2.1. Cas 1 : entreprise Anagri

Types de fraude : - Fraude aux états financiers : enregistrement prématuré des ventes

- Détournement d’actif : double paiement des factures fournisseur

Enoncé du cas

Une société cotée dans laquelle vous possédez des actions / souhaiteriez investir vend des

moissonneuses à des fermiers. La date de clôture est fixée au 30 juin. Les fer miers qui

achètent des moissonneuses à l’entreprise aimeraient recevoir la facture en mars afin d’obtenir

une réduction d’impôt (leur date de déclaration est fixée au 1er avril). Ils s’accordent avec

l’entreprise pour qu’elle leur livre le tracteur en août, ce qui les arrange pour une récolte en

août. Le paiement est également effectué en août. Certains clients font face à de grandes

difficultés financières et ne pourraient de toute façon payer plus tôt car ils doivent s’assurer

que la récolte sera correcte cette année avant de s’engager à payer. Cependant le responsable

comptable ordonne au comptable d’enregistrer la vente en mars (mais il se garde bien de le

signaler aux auditeurs). L’entreprise présente elle aussi des difficultés financières depuis

quelques années.

[Une série de questions est posée à ce stade avant d’aborder la suite du cas]

Dans la même entreprise, le comptable paie ses fournisseurs tous les mois par chèque. C’est

lui qui écrit les chèques, mais c’est le responsable comptable qui les valide avant envoi. Ce

dernier quitte la société, un autre va le remplacer mais n’est pas encore arrivé. Le comptable

envoie alors des chèques en double à ses fournisseurs. Puis il appelle les fournisseurs et leur

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dit qu’il s’agit d’une erreur et leur demande de lui retourner le chèque en son nom. Pour

mieux dissimuler l’opération, il utilise des chéquiers de comptes bancaires différents. Il reçoit

les chèques directement chez lui, et encaisse les remboursements.

3.2.2. Cas 2 : entreprise Loisiria

Type de fraude : Détournement d’actif - vol de liquide dans la caisse

Enoncé du cas

Loisiria est un centre de loisirs pour enfants. Les auditeurs financiers s’aperçoivent lors de

l’audit des comptes que le montant de caisse indiqué sur le relevé de caisse est écrit à la main

et raturé plusieurs fois. En essayant de décrypter le montant effacé, ils s’aperçoivent qu’il ne

correspond pas à celui qui est enregistré en comptabilité. Ils interrogent le comptable, qui

explique qu’une des salariées, l’animatrice, a ouvert le coffre car il manquait de l’argent pour

une des sorties avec les enfants. Aucun justificatif d’achat n’a été donné pour les dépenses

effectuées.

[Une série de questions est posée à ce stade avant d’aborder la suite du cas]

Le comptable dit aux auditeurs que l’animatrice ne détient pas les clés du coffre et doit avoir

l’accord de sa responsable avant de prendre de l’argent dans la caisse. Le comptable leur

précise que la salariée a de graves problèmes de santé et avait oublié d’emporter ses

médicaments avec elle ce jour-là, elle a donc dû en acheter à la pharmacie. Depuis, la salariée

n’a pas remboursé la somme, qui se révèle être importante. Le comptable leur annonce que

c’est un cas exceptionnel qui ne s’est produit qu’une fois et que, sachant que l’état de santé de

sa collègue s’est dégradé récemment, il ne lui a pas réclamé de justificatif d’achat ni de

remboursement.

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46

3.2.3. Cas 3 : entreprise Armarine

Type de fraude : Fraude aux états financiers - enregistrement de chiffre d’affaires fictif

Enoncé du cas

Une société cotée vend des équipements de sécurité pour bateaux. En trois ans son chiffre

d’affaires a triplé. La valeur de ses actions a fortement augmenté depuis son introduction en

Bourse. Le PDG déclare dans le rapport annuel que 50% de son chiffre d’affaires est effectué

avec cinq clients basés en Nouvelle Zélande. C’est un journaliste qui, en effectuant des

recherches sur le marché des équipements de sécurité, commence à avoir des suspicions et

mène sa propre enquête. Il va même aller en Nouvelle-Zélande pour prouver que certains

clients sont fictifs.

C’est un article critique du journaliste qui met la puce à l’oreille des auditeurs. Les années

précédentes les auditeurs n’avaient jamais soupçonné que les transactions puissent être

fictives et les rapports avaient été certifiés sans réserve. Par exemple, lorsque les auditeurs

envoyaient des lettres de circularisation (demande de confirmation de solde) aux clients,

c’était la femme du PDG qui répondait par des courriers ou des fax factices.

3.2.4. Cas 4 : entreprise Fraudit

Type de fraude : Détournement d’actif - fraude « au Président »

Enoncé du cas

Vous détenez des actions dans l’entreprise Fraudit, une société industrielle. Lors de l’audit

annuel, un auditeur vient voir le comptable de l’entreprise pour des demandes de documents.

A ce moment, le téléphone du comptable sonne. L’auditeur est alors témoin d’une situation

délicate. Il entend le comptable dire à demi-mot : « Donc ce sera 3 millions et demi ?!… Pour

quand vous les faut-il ?…Pour une acquisition en Pologne ?...Ce sera fait dès que possible ».

En raccrochant, le comptable semble tendu. Il s’excuse auprès de l’auditeur et lui demande de

passer le voir plus tard car il doit régler cette situation urgente.

Dans le chapitre 2, les résultats obtenus suite aux entretiens seront présentés et analysés.

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CHAPITRE 2

Résultats

La présentation des résultats se fait en trois temps. Nous exposerons d’abord les réponses des

auditeurs et investisseurs au niveau global ainsi que pour chaque cas puis nous comparerons

et analyserons ces réponses. Enfin, les divergences d’opinion au sein des auditeurs

interviewés seront mises en avant et analysées.

Section 1 : Présentation des résultats – perceptions des auditeurs

et des investisseurs

Des entretiens ont pu être menés avec les cinq auditeurs sélectionnés. Concernant les

investisseurs, quatre ont accepté de répondre par email et une personne a accepté de répondre

par téléphone. Cette dernière n’a cependant pas souhaité répondre aux cas pratiques , mais a

pu apporter son opinion générale et témoigner de son expérience.

Les entretiens ont été retranscrits dans leur intégralité en Annexe 3 pour les entretiens menés

avec les auditeurs et en Annexe 4 pour les entretiens menés avec les investisseurs.

Les initiales SN1 à SN5 sont utilisés pour désigner les auditeurs interrogés, et IN1 à IN5 pour

désigner les investisseurs interrogés.

1.1. Comparaison globale de la perception des auditeurs et des investisseurs

Les entretiens menés nous ont permis d’aborder différents thèmes liés au rôle de l’auditeur

concernant la prévention et la détection des fraudes :

- le rôle global de l’auditeur dans la détection des fraudes

- les normes de la profession

- les limites du rôle de l’auditeur

- sa relation avec les investisseurs

Page 48: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

48

La grille d’analyse ci-dessous expose les réponses obtenues.

Vision auditeur Vision investisseur

Rôle global de l’auditeur dans la détection des fraudes

- La détection des fraudes n’est pas le rôle

premier de l’auditeur, bien qu’elle fasse

partie du métier (SN1).

- Mission première de l’auditeur : déterminer

si les états financiers reflètent une image

fidèle de l’entreprise (SN1).

- Tout mettre en œuvre pour détecter les

fraudes, sans être tenu de les détecter en

totalité. Un risque de non détection subsiste.

L’auditeur ne peut être sûr à 100% car il a

une obligation de moyens et non de résultat

(SN1, SN2, SN3, SN4).

- Montrer que les diligences ont été mises en

place (SN4).

- Constater les fraudes, émettre des

observations mais pas de rôle de conseil

(SN5).

- Informer les dirigeants en cas de détection

de fraude (SN5).

- Protéger les intérêts financiers du public

en investiguant et en détectant les fraudes et

irrégularités qui pourraient avoir des

conséquences financières pour le public

(IN1).

- Examiner les comptes de l’entreprise et

déterminer si les opérations ont été

enregistrées de manière exhaustive

(« determine whether or not everything is

reported accurately », « make sure everything

is accounted for correctly ») (IN2).

- Détecter les fraudes. Revoir les états

financiers et établir un rapport. Devoir envers

l’entreprise de localiser et remonter les

fraudes (IN3).

- Prévenir les fraudes (IN1).

- Remonter les irrégularités observées

(« reporting », « escalating ») aux dirigeants

(IN1) et aux autorités de régulation (IN3,

IN4).

- Avoir un comportement proactif (IN1). Des

investigations plus poussées doivent être

faites en cas de nécessité (IN1, IN3), ou

lorsqu’ils ont une suspicion sur un sujet

(IN3).

Page 49: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

49

Normes de la profession

- Profession très normée. Les auditeurs

doivent effectuer les diligences qui respectent

les NEP. L’investisseur n’a pas connaissance

de ces normes donc cela engendre un

décalage de perception (SN2).

- Peu voire pas de connaissances sur les

normes auxquelles est soumise la profession.

Limites du rôle de l’auditeur

- Risque de non détection qui subsiste

toujours (SN4).

- Fonctionnement par scope et par sélection

donc non exhaustivité (SN1, SN4).

- Si l’auditeur a suivi toutes les diligences et

s’il le prouve, il ne peut être tenu responsable

(SN1, SN2, SN4).

- La lettre d’affirmation engage le dirigeant

et protège le CAC. Elle lui permet de se

défausser sur le client (SN2).

- L’auditeur est probablement limité à la

connaissance des transactions courantes et

à la détection des opérations présentant une

forte irrégularité. Les fraudes peuvent être

dissimulées dans de nombreuses opérations

ou ne peuvent être découvertes qu’après des

investigations poussées (lors de schémas

complexes de fraude). L’auditeur ne détient

alors probablement pas l’obligation de

détecter la fraude (IN1).

- Une certification sans réserve des comptes

ne signifie pas que les auditeurs ont tout

contrôlé (IN2). C’est une opinion générale qui

n’est pas détaillée et peut contenir des

erreurs (IN3).

- C’est le client qui est responsable des

documents qu’il transmet à l’auditeur, ce

dernier ne peut donc avoir pour rôle la

détection des fraudes (IN4).

- Détecter une fraude de petite ampleur peut

prendre du temps (IN3).

Page 50: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

50

Relation avec les investisseurs

- L’auditeur certifie le confort des

actionnaires par rapport aux états financiers

de l’entreprise (SN1).

- L’auditeur est l’interface entre les

dirigeants de l’entreprise et les actionnaires.

En cas d’irrégularité, il en informe les

dirigeants lors de la réunion de synthèse. En

revanche, il ne peut informer directement

les actionnaires (SN1).

- L’investisseur devrait se renseigner sur le

CAC, son mode de travail et les limites de

ses fonctions avant d’investir. Il ne doit pas

se reposer uniquement sur le rapport du CAC

pour prendre une décision mais effectuer un

travail en amont (SN1).

- Le CAC ne s’adresse pas directement aux

actionnaires, il ne peut être dispensateur

d’informations lors des assemblées

générales. C’est la direction de l’entreprise

qui communique avec eux (SN2, SN5).

- Relation très distante voire presque fictive

(IN5).

Nous pouvons à premier abord constater une divergence de point de vue certaine sur le rôle de

l’auditeur quant à la détection des fraudes. Les investisseurs manifestent une vision en

opposition parfois complète avec les propos des auditeurs sur le rôle de ces derniers en

matière de fraude. Les deux catégories de personnes interrogées semblent être très distantes

alors qu’elles sont pourtant reliées par un point commun : la qualité de l’information

financière.

En outre, les investisseurs détiennent peu voire pas de connaissances sur les normes

professionnelles qui encadrent l’exercice de la profession.

Page 51: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

51

Les relations auditeur / investisseur ont peu été évoquées ; lorsqu’elles l’ont été, il s’avère que

les contacts entre ces deux catégories sont quasi inexistants. Ils ne s’effectuent que par

l’intermédiaire du rapport annuel ou par d’autres personnes (direction de l’entreprise). Les

auditeurs interrogés rappellent qu’il n’y a pas d’interaction directe entre eux et les

actionnaires ou le public investisseur. Ces derniers doivent faire preuve de curiosité et de

recul vis-à-vis des rapports du commissaire aux comptes.

Malgré cette distance, les investisseurs ont conscience de certaines limites de la profession par

rapport à la découverte d’irrégularités et de fraudes, notamment en matière de seuils, de

délais, et de risque de non détection.

Les perceptions des deux catégories sont présentées pour chaque cas dans la partie suivante.

1.2. Comparaison de la perception des auditeurs et des investisseurs pour chaque cas

Au cours des entretiens, nous avons demandé aux auditeurs quel serait leur comportement

pour chaque cas concernant la détection des fraudes, leur prévention, la responsabilité de

l’auditeur et les diligences requises. Nous avons également dans un second temps récolté

l’avis des investisseurs sur le comportement qu’ils attendent de l’auditeur dans chaque cas.

Les réponses des cinq auditeurs et des quatre investisseurs sont synthétisées dans le tableau

ci-dessous. Les réponses obtenues permettent de répondre aux questions suivantes : Comment

est-ce que l’auditeur peut détecter cette fraude ? Quelles actions doit-il faire suite à la

détection de la fraude ? Quelles difficultés rencontre-t-il dans chacun des cas ?

Cas 1 – Anagri : enregistrement prématuré du chiffre d’affaires

Comportement de l’auditeur Comportement attendu par l’investisseur

Détection

- Entretiens de contrôle interne (si ce n’est

pas le dirigeant qui est à l’origine de la

Détection

- Les difficultés financières de l’entreprise

sont un red flag qui doit amener l’auditeur à

Page 52: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

52

fraude).

- Revue des procédures.

- Revue analytique.

- Test du bon de livraison (comparer la date

du bon et la date de la facture).

- Test de cut-off.

une investigation plus poussée pour

déterminer la cause des difficultés

financières.

- Faire l’inventaire et comparer le nombre de

moissonneuses en stock et les factures

émises.

- Demander le relevé bancaire pour le

paiement des machines, qui ne peut être

fourni à la date de clôture.

Après la découverte de la fraude

Demander au client de justifier et passer un

ajustement dans les comptes. S’il n’y a pas

de justificatif et que le client refuse de passer

un ajustement, mettre une mention dans le

rapport.

Après la découverte de la fraude

Révéler cet enregistrement prématuré de

chiffre d’affaires aux autorités compétentes.

Difficultés rencontrées

- Les tests de cut-off sont généralement faits

sur le dernier mois de la période (en juin)

donc il est possible de ne pas détecter cette

irrégularité.

- Impossible à détecter dans les petites

structures.

- Le process de contrôle interne sur les ventes

n’est pas revu chaque année pour cause de

budget, de temps, ou pour cause de client non

coopératif.

- Sur une mission de deux semaines il ne

peut y avoir de revue exhaustive de toutes les

opérations de l’année.

Difficultés rencontrées

- Aucune selon les investisseurs : c’est le rôle

de l’auditeur d’identifier qu’il y a une

irrégularité entre l’inventaire et les factures.

Les auditeurs devraient la détecter aisément

grâce aux dates de vente, de livraison et

paiement différents.

- Les causes invoquées par les auditeurs

(manque de budget, de temps, client non

coopératif) ne sont que des alibis pour

masquer les raisons pour lesquelles les

fraudes ne sont pas découvertes.

Page 53: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

53

- Documents difficiles à obtenir : le bon de

livraison est rarement obtenu.

Cas 1 – Anagri : double paiement des factures fournisseur

Comportement de l’auditeur Comportement attendu par l’investisseur

Détection

- Entretien de contrôle interne et revue du

contrôle interne (séparation des tâches :

absence de supérieur hiérarchique).

- Analyse des balances fournisseurs.

- Envoi de lettres de circularisation aux

fournisseurs.

- Revue des états de rapprochement bancaire.

Détection

- Lors du contrôle des chèques envoyés avec

les produits sortis du stock et le nombre de

produits toujours en stock, il y a un décalage.

- Les doublons de chèques et montants

devraient attirer l’attention.

- Les factures envoyées ne correspondent pas

aux paiements reçus.

- Si la fraude dure plusieurs mois, elle devrait

être détectée : l’auditeur devrait remarquer

les doubles paiements sans remboursement.

Les auditeurs doivent être proactifs pour

pourvoir la détecter, les seules procédures de

circularisation ne suffisent pas.

Après la découverte de la fraude

- Signaler le cas à la direction de l’entreprise.

- Faire une révélation au procureur de la

République.

Après la découverte de la fraude

Non évoqué.

Difficultés rencontrées

- Circularisation : les fournisseurs ayant reçu

les paiements en double peuvent ne pas avoir

été sélectionnés pour l’envoi des lettres de

circularisation.

- Utilisation de chéquiers de différents

Difficultés rencontrées

- Selon un des investisseurs, la fraude peut ne

pas être détectée à première vue mais si les

auditeurs sont proactifs, ils devraient

découvrir les doubles paiements effectués.

- Selon les autres investisseurs, cette fraude

Page 54: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

54

comptes bancaires donc difficilement

détectable.

est aisément détectable : il doit sembler

évident que deux chèques d’un même

montant pour la même date aient été

envoyés.

Cas 2 – Loisiria : vol de liquide dans la caisse

Comportement de l’auditeur Comportement attendu par l’investisseur

Détection

- Cadrage du relevé de caisse et du journal de

caisse en comptabilité.

- Revue du contrôle interne : procédure pour

les entrées et sorties d’argent dans la caisse,

présence d’un responsable pour l’inventaire

de caisse.

- Demande d’explications auprès du

comptable en cas de doute.

Détection

- Le comportement décrit dans le cas est jugé

satisfaisant : preuve de la proactivité de

l’auditeur.

- L’auditeur doit être sûr qu’il y a bien eu un

vol avant de demander une quelconque

modification des comptes.

Après la découverte de la fraude

- Remonter le problème aux dirigeants lors

de la synthèse. Le problème sera traité en

interne ou au niveau judiciaire.

- Demander au client d’enregistrer une

écriture d’avance au personnel ou de faire

signer une convention / un contrat avec la

salariée dans lequel elle s’engage à

rembourser. Dans tous les cas, il faut

régulariser la situation.

- Si le montant est significatif : le mentionner

Après la découverte de la fraude

- Remonter le problème au comptable, à la

salariée et à la hiérarchie (DAF, DG).

- Sanctionner le comptable et l’employée

fautive. Son comportement encourage les

violations de la politique de l’entreprise par

les autres employés.

- Déterminer si une éventuelle action en

justice peut être menée par l’entreprise

envers ses salariés. La salariée coupable

devrait être licenciée.

Page 55: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

55

en annexe et émettre une observation dans le

rapport.

- Un des investisseurs souhaite que l’auditeur

enregistre lui-même en comptabilité le

montant dépensé.

- L’année suivante : revoir les procédures

afin de réduire le risque de fraude et d’erreur.

Difficultés rencontrées

- Non obtention ou absence de relevé de

caisse rapport de carence ou réserve.

- La caisse est parfois très mal tenue

(montants écrits à la main, pas de

justificatifs,…).

- Le fait que la salariée soit malade ne

représente pas un obstacle par rapport à la

révélation de la fraude.

Difficultés rencontrées

Non évoqué.

Cas 3 – Armarine : enregistrement de chiffre d’affaires fictif

Comportement de l’auditeur Comportement attendu par l’investisseur

Détection

- Revue du contrôle interne.

- Structure de l’entreprise : voir s’il s’agit

d’une entreprise familiale, ce qui pourrait

être un indice (un directeur qui gère tout de

A à Z et qui ne ferait pas la différence entre

le compte bancaire de l’entreprise et le sien).

- Revue analytique sur le cycle ventes : le

montant des ventes ayant triplé, la fraude

serait facilement détectée.

Détection

- Suivre la procédure « normale » de revue

des comptes. Si des red flags apparaissent,

effectuer une investigation approfondie.

- Contacter les clients par téléphone en plus

des circularisations envoyées.

- Non nécessaire de s’assurer que tous les

clients existent, sauf s’ils sont suspicieux.

Vérifier l’existence d’une partie des clients

chaque année jusqu’à ce que tous aient été

Page 56: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

56

- Analyse de la balance âgée clients et si

besoin demande d’explications au comptable.

- Circularisations ouvertes

- Comprendre l’activité de l’entreprise : test

de cohérence sur son taux de marge, calcul

du délai de paiement client, comparer ces

données avec ses concurrents.

- Puis, lorsqu’il y a une suspicion de fraude :

regarder les mentions dans les factures et leur

conformité, essayer de contacter un tribunal

de commerce pour vérifier si la société

cliente existe.

vérifiés.

Après la découverte de la fraude

- Responsabilité pénale : peut être engagée à

l’initiative des investisseurs car il y a

défaillance des auditeurs. Possibilité de

perdre le mandat.

- Comptes des années précédentes : le CAC

ne peut revenir en arrière. Il peut se défendre

en prouvant que toutes les diligences ont été

mises en place pour s’assurer de la fiabilité

des comptes ; qu’il ignorait que les factures

et fax de circularisation étaient faux ; qu’il

n’a qu’une obligation de moyens.

Après la découverte de la fraude

- Responsabilité : non engagée si le schéma

de fraude était trop complexe et si les

auditeurs ont suivi toutes leurs procédures et

n’ont pas été négligents. La responsabilité

repose surtout sur le dirigeant et sa femme.

- Signaler la fraude aux autorités de

régulation

- Emission d’une certification avec réserve.

- Les investisseurs constatent un manque de

scepticisme professionnel. L’auditeur devrait

avoir un état d’esprit d’investisseur.

- Indiquer où les améliorations peuvent être

faites et résoudre les problèmes et fraudes.

Difficultés rencontrées

- Circularisation : difficile de vérifier

l’authenticité d’une réponse de

Difficultés rencontrées

- Si le schéma de fraude est complexe, la

fraude peut ne pas être détectée.

Page 57: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

57

circularisation.

- Idem pour les autres faux documents.

- Existence des clients : il est impossible de

vérifier que tous les clients existent.

- Si le montant de la fraude est moindre, la

revue analytique ne permettrait pas de la

détecter.

- Malgré les travaux effectués, réussir à

détecter cette fraude (et les autres) est

souvent un « coup de chance ».

- Etant donné que les auditeurs accordent

beaucoup de crédit à leurs clients, il est

difficile d’estimer jusqu’où ils doivent aller

pour découvrir une telle fraude.

- Cela semble excessif de chercher à vérifier

que tous les clients existent.

- Si la fraude est régulière et d’un faible

montant, sa détection peut prendre du temps

et il peut être difficile de vérifier ce qui s’est

passé.

Cas 4 – Fraudit : fraude au président

Comportement de l’auditeur Comportement attendu par l’investisseur

Prévention

- Revue du contrôle interne : blocage des

transactions au-delà d’un certain montant,

double validation, limite dans les

délégations, règle des quatre yeux.

- Revue des formations préventives faites aux

salariés

Prévention

- Revue des procédures pour les transferts

d’argent.

- Formation des employés.

Lors de la réalisation de la fraude

- Situation délicate :

- Un des auditeurs interrogés pense

qu’il ne faut pas interroger le

comptable à moins d’avoir la

certitude qu’il s’agit d’une fraude car

la relation client peut être affectée

Lors de la réalisation de la fraude

- Interroger le comptable car présence de

l’auditeur lors de l’appel téléphonique.

- Le fait que comptable n’ait besoin d’aucune

autorisation pour effectuer la transaction,

ainsi que le montant, le transfert à un compte

bancaire de particulier et le caractère urgent

Page 58: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

58

consulter le journal de banque du

jour, s’assurer qu’il y a bien une

anomalie.

- Un autre pense qu’il faut interroger le

comptable à demi-mot, lui demander

à quoi faisait référence sa

conversation.

- Un autre pense qu’il faut interrompre

le comptable pour ne pas laisser la

fraude se réaliser : lui demander s’il

est au courant de ce qu’il se passe et

s’il compte suivre le schéma de

validation classique.

- Déclaration au procureur de la République

sur la base de la plainte de la société.

- Remontée du problème à la direction pour

que l’entreprise sensibilise ses salariés.

devraient être des alertes pour l’auditeur il

doit immédiatement être suspicieux.

- Stopper le virement si possible, ou alerter

les dirigeants de l’entreprise directement.

- Responsabilité de l’auditeur : peut être

engagée s’il n’agit pas alors qu’il est témoin

car son rôle est d’empêcher les fraudes. Il a

le devoir de stopper la transaction ou de faire

tout son possible pour l’arrêter.

- A la suite de la fraude, l’auditeur doit

établir ou renforcer les procédures de

transfert d’argent.

Difficultés rencontrées

- Situation délicate : dilemme entre interroger

le comptable sur sa conversation

téléphonique en risquant d’abîmer la relation

client ou laisser la fraude se réaliser avant de

réagir.

Difficultés rencontrées

Non évoqué.

Les réponses obtenues laissent apparaître des divergences entre les auditeurs et les

investisseurs. Ces derniers n’ont pas les mêmes attentes en matière de détection et lors de la

découverte de la fraude. Ils orientent leurs attentes sur la détection en fonction des fraudes

décrites dans les cas (il y a enregistrement prématuré de chiffre d’affaires dans tel cas donc il

faut comparer le nombre de moissonneuses en stock et les factures émises). Ces tests plus

précis ne sont pas évoqués par les auditeurs qui prônent l’utilisation de leur démarche

Page 59: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

59

traditionnelle (revue des procédures, revue analytique, test de cut-off,…). De plus, les

difficultés rencontrées semblent minimes du point de vue des investisseurs pour la plupart des

cas voire n’ont pas lieu d’être. Les investisseurs dénotent un manque de sensibilité des

auditeurs dans le discernement des signes de fraude. Seul le cas Armarine (chiffre d’affaires

fictif) amène les investisseurs à accorder de plus de considération par rapport aux difficultés

rencontrées par les auditeurs.

Ces divergences seront analysées de façon plus approfondie dans la section 2.

Par ailleurs, nous pouvons noter une mauvaise compréhension de certaines questions de la

part des investisseurs. Par exemple, la notion de continuité d’exploitation (going concern) n’a

pas été comprise par plusieurs investisseurs (IN1, IN2).

Section 2 : Analyse des résultats – perceptions des auditeurs et des

investisseurs

Nous allons d’abord analyser le langage des interlocuteurs et le vocabulaire utilisé, puis nous

montrerons les perceptions plutôt confuses des investisseurs. Ensuite, nous nuancerons notre

analyse en montrant la reconnaissance des limites de l’auditeur par les investisseurs.

2.1. Analyse du langage et du vocabulaire utilisé

Lorsque nous comparons les données des auditeurs et des investisseurs, nous constatons une

différence de vocabulaire et de champ lexical utilisé. Les auditeurs utilisent de nombreux

termes propres à leur métier : « produits constatés d’avance », « significatif », « actif

disponible », « revue analytique »,... Aucun investisseur n’a utilisé de terme technique. Les

termes utilisés sont plus simples : « remboursement », « inventaire », « facture »,

« irrégularité »,…

De plus, le mot « probably » est souvent utilisé par les investisseurs, ce qui montre leur

incertitude. Les mots « loosely » et « not sure » sont également utilisés. On peut néanmoins

noter qu’un des investisseurs utilise le mot « red flag » à plusieurs reprises, ce qui démontre

sa connaissance en termes de risque de fraude.

Page 60: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

60

Le tableau ci-dessous montre les termes traduisant l’incertitude et la certitude utilisés par les

deux catégories d’interlocuteurs :

Termes traduisant l’incertitude / hésitation Termes traduisant la conviction / certitude

Auditeur : c’est délicat, il faut vraiment être

sûr, je ne sais pas, ce n’est pas évident

n

Investisseur : probably, not sure, loosely,

could, I believe, may

Auditeur : clairement, c’est clair, [fraude]

manifeste, [il faut] absolument, il faut [faire

ceci], on sait bien

Investisseur : [the fraud was] pretty obvious,

I completely agree

Nous avons constaté que les mots « il faut » sont très récurrents chez les auditeurs interrogés.

Ils sont suivis de prescriptions d’actions à faire. Lorsqu’ils témoignent une incertitude, celle-

ci est due à une situation délicate (cas de fraude au président où l’auditeur est témoin). Les

investisseurs expriment quant à eux leur incertitude tout au long des questions (questions

introductives ou situations délicates). Cela contraste avec leur avis sur la détection des

fraudes, qu’ils jugent parfois « évidentes ».

De plus, les entretiens physiques avec les auditeurs ont montré des intonations et une gestuelle

traduisant de la certitude en général. Seul l’auditeur SN5 semble plus incertain (plus de

silences, récurrence des mots « euh.. » et « ben… »). Cela peut s’expliquer par le fait qu’il

n’exerce plus dans un cabinet. En revanche, il est beaucoup plus difficile de détecter les

émotions des interlocuteurs investisseurs, ceux-ci ayant répondu aux questions par email. Le

langage corporel traduisant l’incertitude n’est donc pas visible mais il peut se deviner au

travers des mots utilisés (tableau ci-dessus).

2.2. Une vision encore confuse du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes

Nos entretiens avec les investisseurs révèlent une vision quelque peu confuse du rôle de

l’auditeur dans la détection des fraudes. Nous constatons une simplification du rôle de

l’auditeur à travers la façon de détecter les fraudes et les difficultés qu’il peut rencontrer.

Certains investisseurs attribuent même des rôles supplémentaires aux auditeurs qui vont au-

delà de leurs fonctions.

Page 61: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

61

2.2.1. Une vision imprécise du rôle de l’auditeur

- La détection de la fraude, un sujet majeur ?

Tout d’abord, le mythe de la détection des fraudes comme un des rôles pr incipaux de

l’auditeur financier perdure. Lorsque la question est posée aux investisseurs, ces derniers ont

majoritairement tendance à dire que la détection des fraudes est un sujet majeur pour

l’auditeur, alors que les auditeurs rappellent que leur mission première est de déterminer si les

états financiers reflètent une image fidèle de l’entreprise. Pour les investisseurs, l’auditeur a

un devoir de localisation et de remontée des fraudes envers l’entreprise. Certes, les auditeurs

doivent remonter à la direction les fraudes détectées (s’il s’agit anomalies significatives

pouvant modifier l’opinion du commissaire aux comptes), mais ils n’ont pas ce devoir

de localisation et de recherche de la fraude.

- Protéger les intérêts du public ?

L’investisseur IN1 déclare que l’auditeur doit protéger les intérêts du public, notamment les

intérêts financiers. Il doit détecter les irrégularités et fraudes pouvant engendrer des pertes

financières aux actionnaires de l’entreprise et en informer le public investisseur. Ce rôle n’a

pas été mentionné par les auditeurs interrogés. Ces derniers demeurent neutres par rapport aux

investisseurs et au public en général : ils constatent les fraudes détectées, en informent les

dirigeants et émettent des observations. Ils certifient le « confort » des actionnaires mais n’ont

pas de devoir de protection contre des pertes éventuelles.

- Quel comportement est plus précisément attendu ?

Un certain manque de précision est constaté dans les propos des investisseurs par exemple

dans l’utilisation du mot « proactif » : l’auditeur doit être proactif mais il n’est pas précisé de

quelle manière (IN1). Dans le cas Anagri (double paiement par chèque), l’investisseur

requiert plus de proactivité de la part de l’auditeur, sans indiquer concrètement de quelle

façon. Néanmoins nous avons conscience que les entretiens effectués par email n’incitent pas

l’interlocuteur à donner plus de détails.

Page 62: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

62

Nous pouvons ressentir un certain agacement de la part d’un des investisseurs (IN4) par

rapport aux contraintes énoncées par les auditeurs (budget, temps, client non coopérant),

d’autant plus qu’il juge les honoraires des commissaires aux comptes élevés. Pour lui, il s’agit

de justifications ayant pour seul intérêt de repousser leurs responsabilités sur les fraudes non

découvertes. Les investisseurs attendent des réponses sans détour, des actions concrètes.

- Quid des méthodes de travail de l’auditeur ?

Le manque de précision ressenti traduit également la méconnaissance des méthodes de travail

de l’auditeur. Nous pouvons noter une tendance à penser que les fraudes sont aisément

détectables. Par exemple, dans le cas Anagri concernant le double paiement au fournisseur par

chèque, un des investisseurs affirme que ce double paiement était aisément détectable (IN2).

Selon lui, il devait paraître évident aux yeux des auditeurs que deux chèques du même

montant avaient été envoyés au fournisseur (« Yes, it is easy to detect. It should be clear that

two checks of the same amount went out »). Un autre investisseur (IN3) déclare de même que

ce type de fraude est facilement détectable car l’auditeur verrait dans les comptes deux

écritures à la même date et pour le même montant (« I think that this type of fraud should be

very easy to detect when the financial record is reviewed because the auditor would see two

entries for the same date and amount »). Certains auditeurs interrogés affirment d’abord que

la fraude était facilement détectable (via la circularisation), puis se rétractent en pensant aux

modalités de réalisation (quelle sélection de fournisseur pour la circularisation ? Et si le

fournisseur n’avait pas encaissé les deux chèques ? Son solde serait alors juste…). Les

auditeurs, de par leur fonction, disposent d’une vision plus critique que les investisseurs et

sont plus à même de connaître les aspects d’ordre pratique. Cela montre également que les

investisseurs sont peu informés des méthodes de travail des auditeurs, au-delà de la détection

des fraudes. Aucun investisseur ne fait référence aux méthodes d’échantillonnage, de

sondage, ou bien aux contraintes de délai. Un des auditeurs rappelle qu’il est impossible de

contrôler une année entière en deux semaines de délai de mission.

- Des propos à contresens

Par ailleurs, certains propos énoncés par les investisseurs semblent contradictoires. Un des

investisseurs (IN2) avance que le rôle de l’auditeur est de déterminer si l’ensemble des

opérations de l’entreprise est enregistré de manière exhaustive (« the role of an auditor is to

Page 63: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

63

examine a company’s financial status, and to determine whether or not everything is reported

accurately »). A l’inverse, le même interlocuteur affirme qu’une certification sans réserve ne

garantit pas que l’auditeur n’a rien laissé passer (« An unqualified opinion […] does not mean

they didn’t miss anything »). Cela semble contradictoire car le mot « everything » fait

référence à l’exhaustivité.

2.2.2. Octroi de rôles allant au-delà de la fonction d’auditeur

Nous pouvons également constater au travers des entretiens menés que les investisseurs ont

tendance à conférer des rôles supplémentaires aux auditeurs.

- Résoudre les problèmes et fraudes

Dans le cas Armarine concernant la déclaration de chiffre d’affaires fictif, l’investisseur IN3

affirme que l’auditeur doit identifier les points où des améliorations doivent être faites et

résoudre les problèmes et les fraudes de l’entreprise (« reporting where improvements can be

made and fixing any problems/fraud »). Les auditeurs interviewés ne sont pas de cet avis :

l’auditeur doit constater, faire des observations, en aucun cas il ne doit jouer un rôle de

conseiller.

- Décider d’une action en justice en cas de fraude d’un salarié / Attribuer des sanctions

Plusieurs investisseurs (IN1, IN2) énoncent que l’auditeur doit déterminer si une action en

justice doit être prise par la société à l’encontre de la salariée fraudeuse dans le cas Loisiria

(vol de caisse). La majorité d’entre eux estiment que la salariée doit être licenciée. Les

auditeurs interrogés soutiennent que le vol est un délit et que la salariée encourt un risque de

licenciement, mais que ce n’est pas leur rôle de décider de cela. Leur rôle est uniquement

d’informer le DAF ou le dirigeant de cette anomalie. C’est à l’entreprise que revient le choix

de licencier la salariée et/ou de la poursuivre en justice.

Par ailleurs, concernant le même cas de vol de caisse, l’investisseur IN1 pense que l’auditeur

doit sanctionner à la fois le comptable et l’employée. De même que précédemment, les

auditeurs précisent que leur rôle est d’informer le DAF ou le dirigeant. Etant externes à

l’entreprise, ils ne doivent pas interférer dans la relation entre les employés et leurs

supérieurs.

Page 64: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

64

- Rectifier les comptes du client

Une comptabilisation erronée découverte par un auditeur devrait être rectifiée par l’auditeur

selon l’investisseur IN4. Bien que cela lui assurerait d’avoir des comptes corrigés, l’auditeur

ne doit pas prendre partie à l’élaboration des comptes du client.

Les investisseurs ont aujourd’hui encore une vision imprécise du rôle de l’auditeur dans la

détection des fraudes. Néanmoins, ils reconnaissent certaines des limites des fonctions de

l’auditeur, que nous allons présenter dans la partie suivante.

2.3. Une reconnaissance des limites de la fonction d’auditeur

- Le caractère dissimulé de la fraude

L’investisseur IN1 reconnait le caractère dissimulé de la fraude donc le fait qu’elle ne soit pas

détectable à premier abord. De plus, il avance également l’existence de schémas complexes de

fraude qui peuvent ne pas être découverts par les procédures classiques utilisées par les

auditeurs. C’est notamment l’exemple du cas Armarine (clients fictifs).

Les investisseurs interrogés montrent qu’ils ont conscience de la réalité et qu’il est aisé de

faire porter la charge de la détection des fraudes sur les épaules des auditeurs : parfois les

fraudes faciles à dissimuler sont difficiles à détecter (IN4). Si des doublons de paiement

peuvent sembler flagrants pour certains de nos interlocuteurs, l’investisseur IN4 a conscience

des quantités d’écritures et de montants analysés par les auditeurs et du fait que d’autres

écritures / chèques peuvent s’intercaler entre l’original et son doublon. De même, les faux

documents sont difficilement détectables et les auditeurs ne peuvent avoir l’obligation de

vérifier l’authenticité de tous les documents, de tous les clients,…

- Les fraudes à petite échelle sont difficilement détectables

En outre, lorsqu’il est fait part aux investisseurs que les fraudes de petite ampleur puissent

être plus difficiles et plus longues à détecter (par exemple un cas similaire au cas Armarine

mais avec une évolution du chiffre d’affaires proportionnelle à une croissance modérée de

l’entreprise), les investisseurs montrent leur approbation (IN3, IN4). L’investisseur IN5,

Page 65: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

65

interrogé par téléphone, déclare que les auditeurs « ne peuvent pas avoir l’obligation de

chercher la petite bête ». A ce titre, le juge Lopez, lors d’un procès au 19ème siècle, avait un

dicton : « un auditeur est un chien de garde et n’est pas un chien de police ».

- Un auditeur transparent sur ses diligences n’est pas à blâmer

Les investisseurs se montrent également tolérants envers les auditeurs lorsque ceux-ci sont

transparents et justifient dans leurs rapports les travaux qui n’ont pu être effectués. Dans le

cas Anagri, un des auditeurs interrogés mentionne que la revue du processus de vente ne peut

être réalisée chaque année pour diverses raisons que l’investisseur ignore (budget, temps,

réticence de l’audité). Si ces raisons sont incluses dans le rapport, trois investisseurs sur

quatre se déclarent satisfaits.

Par ailleurs, nous pouvons noter une forme de tolérance par rapport à la responsabilité des

auditeurs envers les fraudes. Dans le cas Armarine, les investisseurs avancent qu’ils

exonèreraient les auditeurs de poursuite pour certification de comptes faux, sauf si ces

derniers ont été négligents ou n’ont pas exécuté les diligences requises. Cela rejoint la réponse

d’un des auditeurs qui admet que les investisseurs peuvent à juste titre se retourner contre les

auditeurs, sauf si ces derniers n’ont pas mené toutes les diligences requises.

Nous pouvons néanmoins ajouter que lorsque l’auditeur est témoin d’une fraude (dans le cas

de l’escroquerie au Président), les investisseurs se montrent intransigeants par rapport à son

degré de responsabilité.

Nous avons vu qu’aujourd’hui encore la perception du rôle des auditeurs dans la détection des

fraudes n’est pas la même que l’on se place du côté auditeur ou du côté investisseur , ce qui

confirme la théorie de l’expectation gap étudiée dans la revue de littérature. Les investisseurs

prêtent aux auditeurs un rôle de détecteur des fraudes en plus de celui de vérificateur des états

financiers. Ils leurs prêtent également d’autres rôles qui sortent du champ des fonctions de

l’audit. Néanmoins, ils font preuve d’une certaine forme de tolérance par rapport aux

auditeurs et montrent qu’ils ont conscience des difficultés de détection des fraudes et des

limites des fonctions des auditeurs, notamment en termes de diligences.

Page 66: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

66

Les entretiens menés ont également permis de mettre en exergue des divergences d’opinion au

sein des auditeurs interrogés, que nous présenterons dans la section 3.

Section 3 : Présentation et analyse des divergences d’opinion au

sein des auditeurs

Au travers des entretiens menés nous avons pu constater des divergences d’opinions entre nos

interlocuteurs auditeurs. Ces divergences se retrouvent à plusieurs niveaux :

- Appréhension de la notion de fraude

- Continuité d’exploitation

- Révélation au procureur de la République

- Immixtion dans le travail du client

- Détection des fraudes

- Relation auditeur / investisseur

3.1. Présentation des divergences d’opinion entre auditeurs

Les divergences constatées lors des différentes rencontres avec les auditeurs sont synthétisées

dans le tableau ci-dessous.

Thèmes Situations Divergences

Appréhension

de la notion

de fraude

Cas 1 (Anagri) :

enregistrement

prématuré des

ventes

- Ce n’est pas une fraude mais une anomalie

comptable (SN1).

- Par comparaison avec un cas vécu, c’est une erreur

de comptabilisation et, si les comptes sont ajustés,

alors il n’y a pas de fraude, même si l’erreur est

volontaire (SN2).

- Il s’agit d’une fraude car le facteur intentionnel est

Page 67: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

67

présent (SN3, SN4, SN5).

Détection des

fraudes

Applicable à tous

les cas

- Faire une revue analytique et comprendre l’activité

du client dans le cas des clients fictifs (cas 3). Cela

permet de détecter la majorité des anomalies (SN3).

- La détection se fait souvent grâce à un « coup de

chance ». Avec la connaissance de l’entreprise,

l’expérience et l’utilisation de l’esprit critique,

l’auditeur peut détecter des fraudes (SN4).

- Il faut toujours avoir « l’œil sceptique », être

suspicieux. L’auditeur contrôle donc il recherche

indirectement les erreurs et les fraudes (SN5).

- L’audit externe ne doit pas chercher les fraudes, c’est

à l’audit interne de les voir (SN1). La détection des

fraudes n’est pas la mission première de l’auditeur.

Continuité

d’exploitation

Cas 1 (Anagri) :

l’entreprise

commence à

présenter des

signes de difficulté

- Le CAC doit s’assurer d’avoir le plan de trésorerie à

12 mois car cela fait partie de ses diligences (SN2).

- Il n’est pas utile de se prononcer sur la continuité

d’exploitation :

- La santé financière de l’entreprise est bonne

au vu du revenu qu’elle va recevoir de ses

ventes, qui sont certaines, et sur le fait qu’elle

détient un avantage en jouant sur le délai

fournisseur (SN4).

- Il est trop tôt pour se prononcer sur la

continuité d’exploitation car la situation n’est

pas suffisamment grave (SN5).

- Pas d’avis sur la continuité d’exploitation, mais il

faut regarder si les indicateurs d’alerte sont présents

(SN1).

Page 68: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

68

Révélation au

procureur de

la République

Cas 1 (Anagri) :

enregistrement

prématuré des

ventes

- Il n’est pas nécessaire de révéler la situation au

procureur de la République car ce cas « n’est pas très

grave » (SN1).

- Il est nécessaire de faire une déclaration au procureur

de la République ainsi qu’à Tracfin car il s’agit d’un

délit (SN3).

- La révélation au procureur repose sur le jugement

professionnel. Il n’y a pas de NEP sur la révélation au

procureur. Par conséquent, les pratiques ne sont pas

claires. Néanmoins, lorsqu’il y a une plainte du client

(contre son salarié), il doit y avoir révélation (SN2).

Immixtion

dans le

travail du

client

Cas 4 (Fraudit) :

fraude au président

où l’auditeur est

témoin de la

situation

- Ne pas interroger le client en cas d’incertitude sur

l’existence d’une fraude. Même si l’auditeur est

témoin de la situation, il est délicat d’interroger le

client car il est primordial de conserver une bonne

relation client (SN1).

- Interroger prudemment le client en lui demandant sur

quelle opération porte l’appel téléphonique (SN5).

- Interroger le client pour savoir s’il est au courant de

ce qu’on lui a demandé et s’il compte suivre le

processus de validation classique. Empêcher le client

d’effectuer la transaction (SN4).

Relation

auditeur/

investisseur

Applicable à tous

les cas

- Lors des assemblées générales : le CAC ne peut être

dispensateur d’informations, il ne peut s’adresser

directement aux actionnaires. C’est la direction de

l’entreprise qui communique avec eux (SN2).

- Lors des assemblées générales : le CAC peut

annoncer les irrégularités aux actionnaires (SN1).

Page 69: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

69

3.2. Analyse des divergences

3.2.1. Appréhension de la notion de fraude

Tout d’abord, la notion de fraude n’est pas appréhendée de la même manière par les

interlocuteurs. Dans le cas Anagri concernant l’enregistrement prématuré du chiffre

d’affaires, trois auditeurs ont déclaré qu’il s’agissait d’une fraude, un autre est allé en faveur

d’une erreur volontaire de comptabilisation, et un dernier a plaidé pour l’anomalie comptable.

Or une anomalie est une information comptable ou financière inexacte, insuffisante ou omise,

en raison d’erreur ou de fraude. Ce sont donc les fraudes et les erreurs qui sont susceptibles

d’entraîner des anomalies significatives dans les comptes. Un des auditeurs rappelle que la

caractéristique d’une fraude par rapport à l’erreur est l’intentionnalité.

3.2.2. Détection des fraudes

Les auditeurs ont répondu chacun à leur manière concernant la façon dont ils abordent le sujet

de la détection des fraudes. L’un d’eux revendique le scepticisme professionnel (« l’œil

sceptique »), il utilise d’ailleurs le mot de « recherche » pour la fraude. Pour lui, examiner les

états financiers revient indirectement à rechercher les fraudes (et les erreurs).

Un autre juge au contraire qu’il ne doit pas les chercher car ce n’est pas son rôle mais celui de

l’audit interne. L’audit externe se contenterait de contrôler les actions de l’audit interne.

Un troisième est plus pessimiste quant à la détection des fraudes : l’auditeur peut en détecter

s’il a de la chance, suffisamment d’esprit critique, et en travaillant donc en ayant de

l’expérience. Cela peut paraître un tant soit peu défaitiste, mais c’est probablement la vision

qui se rapproche le plus de la réalité. En effet, cette vision n’est pas sans évoquer les propos

de Joseph T. Wells, fondateur de l’ACFE, et Sam Antar, auteur de la fraude Crazy Eddie.

Wells indique que les auditeurs sont la plupart du temps des individus ignorants car trop

jeunes et inexpérimentés. Quant à Sam Antar, il proclame que le scepticisme professionnel

des auditeurs peut aisément être corrompu.

3.2.3. Continuité d’exploitation et révélation au procureur de la République

Bien que la continuité d’exploitation n’entre pas directement dans le champ de la détection

des fraudes, elle peut entrer en jeu lors de la découverte de fraudes ayant mis en péril la santé

de l’entreprise.

Page 70: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

70

Nous avons obtenu des réponses opposées quant à la continuité d’exploitation dans le cas

Anagri (enregistrement prématuré des ventes) et quant à la révélation au procureur de la

République dans ce même cas.

Concernant la continuité d’exploitation, une seule personne avance que le CAC doit s’en

assurer. Il s’agit de l’auditeur le plus expérimenté (SN2), qui rappelle que cela fait partie des

diligences. Par son expérience et sa position, il a été sensibilisé à cette question, contrairement

aux auditeurs seniors interrogés.

Concernant la révélation au procureur de la République, les opinions divergent également sur

le cas Anagri. L’auditeur expérimenté apporte une explication à cette divergence : il n’y a pas

de NEP qui prescrit le comportement à adopter. L’auditeur sait simplement qu’il doit exercer

son jugement professionnel. Par conséquent, la mise en pratique peut être confuse et peut y

avoir révélation ou non sur un même cas.

3.2.4. Immixtion dans le travail du client

Le cas Fraudit a été élaboré de manière à mettre les auditeurs interrogés dans une situation

délicate. En effet, ils sont témoins de la fraude au président18. Cette situation incommode

donne lieu à des comportements divergents, certains refusant d’interroger le client sur

l’opération qu’il s’apprête à effectuer pour la détecter plus tard et d’autres voulant empêcher

eux-mêmes le client d’effectuer la transaction.

3.2.5. Relation auditeur / investisseur lors des assemblées générales

Ce point ne relève pas d’une divergence d’opinion, mais plutôt d’un manque de connaissance

sur la communication avec les investisseurs lors des assemblées générales. Un des auditeurs a

affirmé que le CAC pouvait communiquer sur les fraudes avec les actionnaires lors des

assemblées générales, dans la mesure où il en a informé les dirigeants. Or l’auditeur ne peut

être dispensateur d’informations, comme le rappelle un autre auditeur plus expérimenté. Seule

la direction de l’entreprise peut communiquer avec les actionnaires.

18 D’après une étude PwC 2014 sur la fraude en entreprise (Cf note 2), la fraude au président est une

spécificité française qui touche 10 % des entreprises en France.

Page 71: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

71

Dans cette section, nous avons pu constater des divergences individuelles entre des auditeurs,

qui résultent de manque d’expérience face à la notion de jugement professionnel, de l’absence

de norme pour certaines situations, et de situations peu communes et délicates. Les

divergences constatées sur le rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes sont plutôt

surprenantes car chacun des individus a donné une opinion différente, certains allant même

jusqu’à dire de « rechercher » les fraudes.

Section 4 : Limites de l’étude

Le premier biais de notre étude tient au nombre de personnes interrogées. Au nombre de dix,

soit cinq auditeurs et cinq investisseurs, l’échantillon n’est pas représentatif de la population

de ces deux catégories de personnes. La réalisation d’entretiens supplémentaires aurait été

bénéfique pour notre étude. Cependant, les réponses obtenues nous ont permis de mener à

bien notre analyse et confirmer la présence de l’expectation gap.

La deuxième limite de notre étude concerne les investisseurs sélectionnés. De par leur

fonction et leur environnement, ils ont des connaissances et des a priori différents sur le

métier d’auditeur. A ce titre, deux d’entre eux exercent une activité dans le domaine du droit.

Nous rappelons néanmoins qu’aucun investisseur n’a exercé la fonction d’auditeur.

Par ailleurs, pour des questions de praticité, les entretiens avec les investisseurs ont été

effectués par courrier électronique pour les investisseurs américains (IN1 à IN4) et par

téléphone pour l’investisseur français (IN5).

En outre, les cas élaborés, bien que tirés de faits réels, ont été simplifiés afin de faciliter la

compréhension des interlocuteurs. Ainsi, les fraudes peuvent sembler « évidentes » aux yeux

des investisseurs interrogés, ce qui les incite à penser que la détection des fraudes est plus

accessible qu’en réalité.

Page 72: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

72

CONCLUSION

Dans un contexte marqué par des événements de fraudes récents impliquant des cabinets

d’audit, le public et notamment le public investisseur devient de moins en moins confiant vis-

à-vis des auditeurs légaux des entreprises. La faillite d’Enron et plus récemment de Lehman

Brothers ont accentué le débat sur le rôle et les responsabilités des auditeurs. Le législateur

souhaitait avec Sarbanes-Oxley mettre en avant le rôle de gardien des marchés financiers de

l’auditeur. Cela s’est avéré être un échec. Evoqué pour la première fois en 1974 mais existant

depuis plusieurs décennies voire siècles, l’expectation gap est toujours présent aujourd’hui.

La conception du commissaire aux comptes de sa mission diffère de la conception des

destinataires de son rapport. Ces derniers considèrent souvent que son rapport est une garantie

absolue de la sincérité et de la fiabilité des comptes d’une société. Concernant le rôle de

l’auditeur dans la détection des fraudes, il est également inévitablement soumis à un

expectation gap. De nombreux auteurs ont évoqué ce fossé et les diverses raisons de sa

persistance aujourd’hui.

L’objectif de notre étude est de confirmer l’existence de cet expectation gap dans le domaine

de la fraude, et de montrer au travers de cas pratiques à quel point les conceptions divergent

encore aujourd’hui entre les auditeurs et les investisseurs individuels sur différents éléments :

lors de la détection de la fraude, de sa découverte, et au niveau des obstacles dans sa

détection.

Les résultats de cette étude, menée grâce à des entretiens avec cinq auditeurs et cinq

investisseurs, montrent que les investisseurs prêtent effectivement à l’auditeur un rôle dans la

détection des fraudes supérieur à ce qu’il n’est, voire extrapolent son rôle. Localiser les

fraudes, protéger les intérêts financiers du public mais aussi résoudre les affaires de fraude,

attribuer des sanctions aux salariés fraudeurs, rectifier les comptes du client sont des missions

qui ont été évoquées par les investisseurs interrogés. Par ailleurs, nous avons également relevé

des divergences d’opinion au sein de la catégorie des auditeurs. La notion de fraude a

notamment été appréhendée de différentes façons par nos interlocuteurs. De plus, les visions

divergent sur le rôle de l’auditeur au quotidien dans la détection des fraudes : du discours

fataliste au scepticisme voire à la quasi-recherche des fraudes, il y a aussi un fossé… Ces

opinions hétéroclites trouvent en partie leur origine dans le manque de formations dans le

Page 73: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

73

domaine de la fraude dont bénéficie la profession et les différents niveaux d’expérience de

nos interlocuteurs.

Le mot « audit » reflète-t-il fidèlement le métier qui y est rattaché ? Rien n’est moins sûr

selon un des investisseurs, pour qui ce mot est source de malentendu car il fait référence à une

« étude en profondeur », une « expertise ». Il peut alors être difficilement concevable pour les

investisseurs que malgré leur statut d’« expert », les auditeurs ne parviennent pas à détecter

les fraudes majeures (en dehors des problématiques d’indépendance). A l’avenir, la

communication entre les auditeurs et les investisseurs devra se décloisonner et devenir moins

distante afin d’atténuer le décalage de perception des missions de l’auditeur.

L’environnement comptable et financier actuel connaît une complexité croissante, les fraudes

sont coûteuses et deviennent de plus en plus sophistiquées. Malgré un métier souvent qualifié

de procédurier et formaliste, les auditeurs doivent démontrer une plus grande sensibilité à

l’environnement et aux conditions dans lesquelles les fraudes sont susceptibles d’émerger . A

défaut de cela, la confiance entre les auditeurs et les investisseurs ne pourra être maintenue et

l’expectation gap y trouvera matière à s’agrandir.

De notre point de vue, il serait pertinent de réaliser une étude empirique en interrogeant des

investisseurs institutionnels, et de confronter les réponses de ces derniers à celles des

investisseurs individuels. Cela permettrait de préciser les différents niveaux de perception

entre ces deux catégories sur le rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes.

Page 74: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

74

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78

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e=20150914 (consulté le 04/03/2015)

Page 79: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

79

ANNEXES

Annexe I Arbre de la fraude……………………………………………………...p. 80

Annexe II Entretien exploratoire…………………………………………………..p. 81

Annexe III Retranscription des entretiens menés avec les auditeurs……………….p. 87

Annexe IV Retranscription des entretiens menés avec les investisseurs…………..p. 110

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80

Annexe I

Arbre de la fraude (source : ACFE)

Page 81: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

81

Annexe II

Entretien exploratoire

Interlocuteur : auditeur senior d’un cabinet d’audit

Thème Questions Réponses

Qualité de

l’audit

Pensez-vous que les utilisateurs des

comptes ont-ils le sentiment de faire

face à une baisse de l’efficacité et de

la qualité de l’audit ? A un manque de

scepticisme professionnel ?

Le niveau confiance est globalement

plutôt élevé. Néanmoins, dans des cas

rares, les actionnaires peuvent ressentir

un manque de maîtrise sur un sujet que

le CAC aborde maladroitement (par

exemple lorsque le CAC pose une

question inappropriée en assemblée).

Cela arrive rarement mais cette

situation peut générer un malentendu

pouvant porter préjudice à la confiance

des actionnaires vis-à-vis du CAC.

Audit et

contrôle interne

Que pensez-vous de la perception des

utilisateurs des comptes dans le rôle de

l’auditeur concernant l’évaluation du

contrôle interne (implication,

étendue) ?

Les utilisateurs des comptes attendent

du CAC un esprit critique sur le process

de tenue des comptes et leur

fiabilisation. Le travail du CAC lors de

l’intérim est essentiel pour la

compréhension de l’élaboration des

comptes avec des entretiens et des tests

(tests de cheminement, tests de

déversement informatique automatique)

à chaque niveau opérationnel,

supervision, validation.

Page 82: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

82

Indépendance

de l’auditeur

Que pensez-vous et quelle est la

perception des investisseurs par

rapport aux menaces suivantes sur

l’indépendance de l’auditeur :

- Conflit d’intérêt (intérêt

financier ou personnel)

- Prestations de conseil

- Advocacy (agissement dans

l’intérêt du client plutôt que

celui du public)

- Familiarité avec le client

- Intimidation et pression du

management du client

- Conflit d’intérêt : avec les grands

CAC (Big 4), le problème se pose

moins car ils disposent d’une cellule

conformité/contrôle qualité ; tandis que

les cabinets plus petits n’en disposent

pas forcément. Le problème peut donc

se poser pour ces derniers : un petit

CAC peut-il se permettre de perdre un

mandat ? Les investisseurs sont donc

plus méfiants vis-à-vis des cabinets à

taille restreinte.

- Advocacy : le problème récurrent est

que le CAC est rémunéré par le client,

les investisseurs peuvent donc avoir des

doutes sur l’agissement dans l’intérêt du

public. Si cette rémunération est élevée,

l’indépendance est d’autant plus remise

en cause.

- Familiarité avec le client : les liens

familiaux sont interdits entre le CAC et

ses collaborateurs et l’entreprise

auditée. Une déclaration

d’indépendance est signée chaque

année par le CAC et tous ses

collaborateurs.

- Intimidation et pression du

management du client : le management

du client peut exercer une pression au

moment du renouvellement du mandat

(tous les six exercices)

Page 83: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

83

Compétence

Pensez-vous qu’il y a un manque de

compétence et d’expérience (jeunes

auditeurs) pour détecter les fraudes ?

Dans ce cas, un corps de spécialistes

de la fraude tel que les Forensics

auditors aux Etats-Unis doit-il être

développé en France ?

Certes les auditeurs, même

expérimentés, sont jeunes, mais la

structure des équipes d’audit fait que les

postes sensibles sont toujours revus par

une personne plus « mûre » que

l’exécutant des travaux de contrôle, et

un esprit critique est apporté à chaque

niveau de revue jusqu’à l’associé

signataire.

Certains cabinets disposent d’un service

Fraude, fort d’un associé hautement

expérimenté, ainsi que d’une équipe

habituée aux dossiers risqués, ce service

travaille notamment en équipe avec la

police fiscale dans la résolution de

démantèlement de réseaux de

blanchiment, de fraudes fiscales en

réseau,… La plupart des enquêtes sont

lancées suite à une suspicion

d’irrégularité dans les comptes.

Il peut être utile que des auditeurs

spécialisés en fraudes interviennent

dans le cadre de l’audit légal,

notamment sur des missions

importantes.

Page 84: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

84

Perception des

investisseurs

sur les travaux

d’audit

Est-ce que les attentes des

investisseurs sont réalistes /

irréalistes (par exemple en présumant

qu’un audit doit détecter tous les cas

de fraude) ?

Pourquoi ces attentes irréalistes

persistent ? (Harvey mettait déjà en

garde dans un essai à la fin du 19ème

siècle contre l’erreur de penser que

l’audit doit assurer la non occurrence

de fraude)

Les travaux d’audit sont par définition

non exhaustifs, ils n’ont pas vocation à

couvrir l’ensemble des comptes,

notamment dans leurs aspects les moins

significatifs, la méthodologie

d’approche par les risques a vocation à

limiter les risques dont celui de fraude

en adaptant et ciblant ses travaux aux

zones que sa connaissance de

l’entreprise juge comme plus risquée.

L’investisseur peut rechercher une toute

confiance dans les comptes et ignorer

qu’il s’agit de valider un niveau de

confiance en laissant un risque résiduel

raisonnable.

Ont-ils des attentes allant au-delà de

ce qui est requis par la

règlementation professionnelle et les

normes ?

Les investisseurs peuvent attendre de la

revue des comptes un diagnostic

exhaustif sur l’exactitude des éléments

fiscaux, la conformité des opérations au

regard de telle ou telle disposition

légale. Le CAC apporte certes une

confiance dans la véracité des comptes

mais n’en est pas exclusivement

responsable.

Ces attentes excessives sur la

confiance accordée aux auditeurs

favorisent-elles le rejet de la faute sur

ces derniers lorsqu’une fraude est

dévoilée ?

Le commun (et sûrement les

investisseurs) chercherait à rejeter la

faute sur le dernier réviseur des

comptes avant signature soit le CAC

signataire.

Page 85: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

85

Via l’affirmation sur les comptes, la

direction de l’entreprise reste

responsable du contenu de ses comptes

sur lequel le CAC apporte un regard

extérieur permettant de le fiabiliser

mais en aucun cas d’en assurer la

parfaite exactitude.

Ont-ils suffisamment de connaissances

concernant les contraintes du

déroulement d’un audit (technique

d’échantillonnage, contraintes de

temps et de coût, méthodologies non

conçues pour détecter les fraudes) ?

Les investisseurs particuliers (petits

porteurs) n’ont probablement pas la

notion de ce qu’est le CAC. Les

investisseurs en entreprise doivent avoir

une meilleure connaissance, mais il est

certain que ceux-ci risquent de donner

une importance et une responsabilité

trop forte à l’opinion CAC.

Les méthodes d’échantillonnage

différant d’un cabinet à l’autre il est peu

probable de s’imaginer un investisseur

se demandant quel scope ou quel

échantillon a été testé dans les agrégats

qui l’intéressent.

Communication

La communication d’un message de

protection de l’intérêt public (rôle de

« watchdog ») de la part des cabinets

influence-t-il la confiance des

investisseurs quant à la détection des

fraudes ?

Le grand public (les personnes en

dehors du métier) a tendance à

confondre audit et contrôle fiscal.

Le métier d’auditeur est donc souvent

vu comme un métier de répression des

fraudes, ce qui est vrai en partie, mais

celles-ci ne sont cependant pas que

fiscales.

Le contrôle du CAC lorsqu’il est connu

Page 86: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

86

peut donc plutôt faussement trop

rassurer le particulier plutôt que le

professionnel averti.

Page 87: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

87

Annexe III

Retranscription des entretiens menés avec les auditeurs

Les entretiens sont retranscrits dans l’ordre où ils ont été menés.

L’identité des personnes interrogées n’est pas dévoilée par souci de confidentialité. Les

initiales SN1 à SN5 seront utilisés pour désigner les interlocuteurs. Les initiales AA sont

utilisées pour désigner l’interrogateur.

Entretien n° 1

Profil de l’interlocuteur : auditeur niveau senior

AA : Lisez le cas numéro 1. Quel serait votre comportement dans ce cas ?

SN1 : C’est une anomalie comptable avec des impacts fiscaux. Il fallait que l’entreprise

enregistre des produits constatés d’avance. Du coup, elle va payer plus d’impôts, des impôts

en avance.

AA : Ce n’est pas une fraude selon vous ?

SN1 : Non, c’est une anomalie. Mais ça doit être mis dans le rapport à la vue des actionnaires

comme c’est un événement significatif. On va voir le DAF, et il doit justifier et modifier ses

comptes. S’il ne nous donne pas de justificatif et ne veut pas passer d’ajustement, on va

mettre une mention dans le rapport. Bon, ça dépend aussi des montants et de notre seuil de

planification. Mais on n’a pas besoin de le révéler au procureur de la République. Ce n’est pas

très grave, il y a pire. En fait, le but de l’auditeur, c’est quoi ? C’est de certifier le confort des

actionnaires.

AA : Est-ce que c’est à l’auditeur de se prononcer sur la continuité d’exploitation de

l’entreprise ?

SN1 : Il y a plusieurs indicateurs qui alertent sur la continuité : les flux financiers, la

trésorerie, le fait qu’il n’y ait pas de capitaux propres, pas d’actif disponible donc lorsque les

Page 88: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

88

créances à moins d’un an sont inférieures au passif réalisable... L’horizon pour la continuité

d’exploitation c’est un an. Les états de gestion assurent que l’activité va continuer au moins

pendant un an. Si les indicateurs sont dans le rouge, il faut le mentionner dans le rapport. S’il

y a une réserve sur la continuité d’exploitation, il faut alerter le mandataire judiciaire. Après,

ça se passe entre l’entreprise et la justice et les créanciers. Bon, le CAC fait aussi partie des

créanciers de l’entreprise donc il est concerné au titre de créancier mais il n’intervient pas

comme le fait le mandataire judiciaire. Et si l’entreprise est en danger au niveau de ses états

financiers il faut évaluer les actifs à leur valeur liquidative.

AA : Lisez la suite du cas. Qu’en pensez-vous ? Que feriez-vous par rapport au client et par

rapport au fournisseur qui ne voit pas forcément ce qui se passe ?

SN1 : Là c’est clairement une fraude. L’auditeur ne dit rien au fournisseur car il n’audite pas

le fournisseur. L’auditeur a des comptes à rendre au client seulement. Il doit le dire au

directeur. Le directeur se retourna contre son salarié. J’eu un cas similaire chez un client,

c’était un centre de vacances genre Club Med mais surtout pour les entreprises qui envoient

leurs salariés dans des séminaires comme pour nous au cabinet. Il y a le siège et plusieurs

établissements en province, et le directeur d’un des établissements a encaissé des chèques de

clients à son nom. Les chèques ne passaient pas par la comptabilité, le directeur rencontrait

des clients, il avait rendez-vous avec eux et ils signaient le chèque et le donnaient directement

au directeur. Ils déjeunent autour d’une table et ça se passe comme ça. Mais c’était grossier

parce que les clients écrivaient le chèque à l’ordre de la société et le directeur mettait un

tampon par-dessus avec son nom. Il a fait ça plusieurs fois. C’était flagrant…Ben la direction

de l’entreprise a été au courant et le directeur s’est fait virer. C’est la direction qui a alerté les

auditeurs, c’est comme cela qu’on a été au courant.

AA : Ce n’est pas vous qui avez découvert la fraude ? La direction vous l’a dit ? Ca se passe

souvent comme ça ?

SN1 : Oui, à l’entretien avant la mission ils nous l’ont dit. Mais ils se sont retournés contre

leur banque parce qu’ils estiment que c’est la faute de la banque qui n’a pas vu le

détournement du chèque et qui a encaissé le chèque sans appeler la société pour lui dire

qu’elle a un doute. Parce que c’était flagrant quand même….

Page 89: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

89

AA : Lisez le cas numéro 2. Comment est-ce que vous traiteriez ce cas de suspicion de vol de

caisse ?

SN1 : L’audit des caisses ce n’est jamais très probant. Le PV de caisse c’est toujours difficile

à obtenir.

AA : Oui…Quelles sont les diligences du CAC sur l’audit des caisses ?

SN1 : Il faut que le PV de caisse colle au centime près au journal de caisse parce que

l’assertion c’est l’exactitude. Il m’est déjà arrivé d’avoir un PV de caisse qui ne colle pas à la

comptabilité. Dans ce cas, il faut le remonter en synthèse. Sur la trésorerie, le CAC doit

investiguer au centime près. S’il n’a pas l’information, il doit émettre une réserve ou un

rapport de carence. Un rapport de carence c’est quand il manque des documents et qu’on n’a

pas pu mener nos travaux. Dans ce cas, il n’y a pas de rapport de carence à émettre, c’est juste

remonté dans les slides, et en lettre d’affirmation.

AA : Lisez la suite du cas. Quel comportement auriez-vous face aux explications du

comptable ?

SN1 : C’est du détournement d’actif. Justificatif ou pas, l’auditeur s’en fiche. Malade ou pas,

on s’en fiche en tant qu’auditeur. On le dit au directeur.

AA : En général dans les cas de vol de caisse, les montants en jeu sont faibles. Ça commence

par des petits montants. Mais après ils peuvent progressivement augmenter. Si le montant

devient significatif, qu’est-ce que vous feriez ?

SN1 : Il y a un problème de contrôle interne : il faut dire aux actionnaires qu’il y a un trou

dans la raquette. Avant le comité d’administration, il y a une réunion de synthèse pour faire le

point sur l’audit des comptes avec les dirigeants. Le CAC ne va pas dire aux actionnaires qu’il

y a un problème avant d’en parler aux dirigeants. La réunion de synthèse sert à ça. Lors du

comité d’administration ou de l’assemblée générale le CAC peut annoncer qu’il y a un

problème de contrôle interne aux actionnaires.

AA : Lisez le cas numéro 3. Que pensez-vous du rôle de l’auditeur dans ce cas ? De sa place

dans la détection de la fraude ?

SN1 : Là il y a une défaillance de l’auditeur. Sa responsabilité pénale peut être engagée.

Page 90: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

90

AA : Qu’est-ce que vous feriez par rapports aux comptes certifiés sans réserve des années

précédentes ?

Pour les rapports des années précédentes où les comptes ont déjà été certifiés on ne peut rien

faire. Pour notre défense on peut prouver que toutes les diligences ont été mises en place, que

tout ce qui était possible de faire pour s’assurer de la fiabilité des comptes a été fait. Mais

même la lettre d’affirmation ne suffit pas. On va se protéger en disant qu’on ne savait pas que

c’était des fausses factures.

AA : Et par rapport aux fausses réponses de circularisation ?

SN1 : C’est difficile de vérifier qu’on reçoit une vraie réponse de circularisation et pas une

fausse. Déjà on est content quand on reçoit des réponses de circularisation...De toute façon

dans ce cas il y a une défaillance du contrôle interne. On aurait dû détecter des choses lors de

la revue du contrôle interne. On doit s’assurer que la machine derrière les informations est

fiable. Mais il y avait un problème dans le fonctionnement de la boîte, un problème

d’indépendance. Le directeur gérait probablement tout tout seul. C’était sûrement une boite

familiale. Il ne fait pas différence entre l’argent de la boite et son argent.

AA : Est-ce le rôle de l’auditeur de s’assurer de l’existence des clients ?

SN1 : Oui, mais on ne peut pas vérifier que tous les clients existent à l’intérim, qui représente

50% de l’audit.

AA : Lisez le cas numéro 4. Ils en ont parlé récemment dans les journaux…

SN1 : (sourires) Pendant l’audit des process internes on est censé le voir. Les montants élevés

devraient être bloqués. C’est à détecter à l’intérim. Au-delà d’un seuil, la transaction doit être

bloquée et une approbation doit être demandée.

AA : Vous êtes témoin de la situation, est-ce que vous allez interrompre le comptable ?

SN1 : On est témoin de la situation, mais c’est délicat d’interroger le comptable sur la

personne qu’il a eu au téléphone, et ce qu’il va faire. En fait, il faut vraiment être sûr de son

coup si on pense qu’il s’agit d’une fraude. On ne doit pas se mettre les comptables à dos car il

y a une certaine relation client à conserver...La première réaction à avoir est de s’assurer de ce

qui est en train de se passer avant d’engager quelque action que ce soit…On peut demander le

Page 91: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

91

journal de banque en fin de journée, dire qu’on va faire une revue approfondie juste sur le

journal du jour (rires)…et identifier la transaction. Mais cela laisse la fraude se réaliser, on

réagit après la bataille…

AA : En conclusion que pouvez-vous me dire sur le rôle de l’auditeur dans la détection des

fraudes ?

SN1 : Ben…Je dirais que détecter les fraudes n’est pas la mission première de l’auditeur, ce

n’est pas la substance même de l’audit, même si ça en fait partie grandement – comme les

diligences qu’on met en œuvre pour s’assurer que le risque de fraude est minime. S’il y a une

présomption de fraude, ou de malhonnêteté, on n’est déjà pas censé accepter le mandat. Notre

mission est de déterminer si les états financiers reflètent l’image fidèle de l’entreprise, et qu’il

n’y a pas de fraudes qui soient venues détériorer les états mais on ne peut pas être sûr à 100%

car on a un devoir de moyen et pas de résultat. C’est seulement en étant interne à la boite

qu’on peut détecter les fraudes. En tout cas, l’auditeur doit avertir les parties prenantes. Et

avant d’accepter le mandat, on doit s’assurer un minimum que la boite est clean. Par exemple,

le cabinet refuse d’accepter des mandats de clubs de sport car leur fonctionnement est trop

opaque, on ne sait pas d’où vient l’argent, ce n’est pas clean… Voilà…Pour résumer, le CAC

doit tout mettre en œuvre pour détecter les fraudes, mais il n’a pas d’obligation de résultat,

qu’une obligation de moyen.

AA : A quel moment l’auditeur est-il pénalement responsable ?

SN1 : Il n’est pénalement responsable que s’il n’a pas mis en œuvre toutes les diligences

nécessaires. Pour moi, c’est le rôle de l’audit interne de voir les fraudes. L’audit externe

contrôle les actions de ces gens. Ce n’est pas l’audit externe qui doit chercher les fraudes.

L’investisseur a dû faire le travail en amont s’il veut investir dans une entreprise, il ne doit pas

attendre le CAC et se reposer que sur le CAC. S’il veut investir dans une entreprise et qu’il

consulte le rapport du CAC, il doit se poser des questions : c’est quoi un CAC ? Comment

est-ce qu’il travaille ? Quelles sont les limites de ses fonctions ? Ça me semble logique, en

tout cas si j’étais investisseur c’est ce que je ferais.

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92

Entretien n° 2

Profil de l’interlocuteur : auditeur niveau senior manager (secteur banque)

AA : Lisez le cas numéro 1. Quel serait votre comportement dans ce cas ?

SN2 : Ce cas m’est arrivé dans une entreprise de mobilier. C’était quand j’étais senior. A

l’époque la société mère vendait des meubles à sa fille. La société mère clôturait au 31 août.

Nous avons effectué un test sur le bon de livraison reçu par la fille. Le bon de livraison était

daté en septembre et la facture datée en août. Le chiffre d’affaires correspondait à de la

marchandise qui n’avait pas été réceptionnée par la fille. C’était visible car le montant était

trop gros, les factures étaient toutes de petit montant alors que chaque bon de livraison

comportait un lot – car les meubles arrivaient par camion sous forme de lots et on avait un

bon de livraison par camion. Donc le total du bon de livraison représentait un montant élevé –

il regroupait plusieurs factures. C’était une erreur de comptabilisation, volontaire mais les

comptes ont été ajustés. Sur dix millions d’euros de ventes, je ne sais plus les vrais chiffres

mais c’était de l’ordre d’un million d’euros, un montant énorme. Avec l’ajustement le chiffre

d’affaires a été minoré d’un million. Nous n’étions pas arrivés à la conclusion que c’était une

fraude.

AA : D’accord, c’est très similaire. Donc même si c’était volontaire ce n’était pas une fraude

selon vous ?

SN2 : La fraude n’a pas de montant, on ne parle pas de seuil pour la fraude. Pour moi, c’est

indépendant du montant. La fraude sort du champ du seuil.

AA : Que feriez-vous pour détecter cette anomalie ?

SN2 : On utilise deux types de diligence. Il faut faire des entretiens de contrôle interne et des

revues analytiques c’est-à-dire regarder mois par mois les ventes. Les revues analytiques sont

essentielles. La plupart du temps, les auditeurs sont avertis par la société de fraudes grâce aux

entretiens de contrôle interne.

AA : Est-ce que c’est à l’auditeur de se prononcer sur la continuité d’exploitation de

l’entreprise ?

Page 93: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

93

SN2 : Il faut s’assurer qu’on a le plan de trésorerie à 12 mois. Le CAC doit regarder si la

société peut faire face à ses échéances dans les 12 mois, et que sa trésorerie est suffisante car

cela entre dans les diligences du CAC. Si le plan de trésorerie à 12 mois est remis en cause, il

faut établir les comptes à la valeur liquidative, faire comme si ses actifs devaient être mis en

vente. Dans une entreprise industrielle telle que celle qui est dans le cas, oui c’est possible.

AA : Lisez la suite du cas. Quel comportement auriez-vous ? Que feriez-vous par rapport au

client ?

SN2 : C’est la règle des quatre yeux. Si le client s’en rend compte, il dépose une plainte

contre son salarié. Sinon, il faut le révéler au procureur de la République. On est dans le cas

d’une fraude manifeste… Il faut regarder les balances fournisseurs et faire des

circularisations car on verrait un problème de décalage…pas de mouvement de fonds dans la

société, et le cash aura transité dans le compte du comptable. Le fournisseur dira que c’est

soldé alors que chez le client, il y aura toujours des sommes en trop. Ce type de fraude est

facilement détectable via la circularisation - le contrôle externe. Mais encore faut-il avoir

sélectionné le fournisseur concerné… Sinon, cela pourrait passer inaperçu en effet.

AA : Lisez le cas numéro 2. Comment est-ce que vous traiteriez ce cas de suspicion de vol de

caisse ?

SN2 : L’animatrice et sa responsable sont complices. Pour s’assurer que le contrôle de caisse

est bon, il faut cadrer la comptabilité avec le relevé de caisse ou état de caisse et le coffre.

C’est au client de trouver une solution en interne. Le responsable de l’animatrice qui

l’autorise à prendre de l’argent pour des dépenses personnelles se rend complice de vol.

AA : Quelles sont les diligences du CAC pour la caisse ?

SN2 : La caisse est un thème sensible, il faut qu’elle soit correcte au centime près. On ne fait

pas de révélation au procureur de la République dans ce cas. Il faut se placer sous l’angle du

contrôle interne et faire une revue de la procédure, notamment en ce qui concerne la

séparation des fonctions. Et il faut qu’un état des entrées et sorties des sommes en caisse soit

fait plus régulièrement. La caisse, c’est parfois très mal tenu par les boîtes…Pour te donner un

exemple, j’étais allé faire l’audit de la filiale de la banque X à Cayenne en Guyane. La caisse

était tenue sur un cahier d’écolier…C’était écrit à la main, avec des sommes dans tous les

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94

sens, et on avait plein d’écarts, dix euros par ci, quinze euros par là…On a remonté le point en

demandant à ce qu’un état des entrées et sorties des sommes en caisse soit fait plus

régulièrement.

AA : Que pouvez-vous dire sur la responsabilité de l’auditeur vis-à-vis des investisseurs dans

ce cas ?

SN2 : L’investisseur peut remettre en cause la responsabilité de l’auditeur car dans ses

diligences il doit s’assurer au centime près que tout cadre. A juste titre l’investisseur peut se

retourner contre l’auditeur pour manquement à ses diligences et certification de comptes faux.

AA : Lisez le cas numéro 3. Que pensez-vous du rôle de l’auditeur dans ce cas ? De sa place

dans la détection de la fraude ?

SN2 : J’ai du mal à comprendre comment ils ont pu faire ça. Ce peut être le cas une année

mais pas plus, car il faut le cash lié aux équipements de bateaux vendus. La circulari sation

valide le chiffre d’affaires, mais ce ne peut pas tenir sur le long terme car l’entreprise doit

avoir une trésorerie positive.

AA : La responsabilité de l’auditeur peut-elle être mise en cause par rapports aux comptes

certifiés sans réserve des années précédentes ?

L’investisseur peut se retourner contre l’auditeur pour publication de faux bilan ou pour

certification de comptes faux. Mais si le CAC a montré qu’il a mené toutes les diligences dont

la circularisation, il peut ne pas être mis en cause. Le CAC pouvait ne rien voir si la société a

produit des faux, car ce n’est pas facilement détectable. Mais le CAC doit voir la continuité

d’exploitation à travers des plans de trésorerie prévisionnels.

AA : Lisez le cas numéro 4. Cette fois, l’auditeur est témoin. Qu’en pensez-vous ?

SN2 : Ah ce cas me plaît…Ce cas arrive plutôt dans des entreprises de taille moyenne dans le

secteur industriel. Souvent, une personne externe à l’entreprise appelle le comptable et lui

demande de virer quelques millions pour financer une acquisition en urgence dans un pays

étranger comme la Pologne ou l’Israël. C’est assez fréquent en Israël : le fraudeur parle

français, il a fait des études en France puis est retourné dans son pays. Il parle parfaitement

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95

français, et le comptable ne connaît pas la voix du dirigeant. Les fraudeurs savent se montrer

très persuasifs en disant au comptable « j’ai confiance en vous », « vous êtes un homme de

confiance ». Le fraudeur contacte le comptable directement car c’est une personne plus

manipulable, et il n’osera pas forcément appeler le DAF ou le directeur directement pour leur

faire part de ses inquiétudes et demander leur approbation. Les montants se chiffrent souvent

en millions d’euros. En principe, le responsable comptable ou le DAF doit approuver le

virement car le comptable n’a pas de délégation de pouvoir ou de signature, en tout cas dans

les grandes structures. Mais dans les petites entités et les entités de taille moyenne, il n’y a pas

de montant maximum.

AA : Que doit faire le CAC pour prévenir ce genre de cas ?

SN2 : Le CAC doit revoir les procédures de contrôle interne et la procédure des quatre yeux

pour valider les virements. L’entreprise doit faire des formations préventives pour dire aux

opérationnels ce qu’ils doivent faire dans ce genre de cas. Elle doit aussi mettre des limites

dans les délégations, et instaurer la double validation.

AA : Que doit faire le CAC si la fraude a lieu ?

SN 2 : Le CAC voit la conséquence de cette fraude, une sortie de cash sans contrepartie réelle

en face. La société va déposer plainte, le CAC va faire une déclaration au procureur de la

République en se basant sur la plainte de la société.

AA : Pouvez-vous m’en dire plus sur les fraudes dans le secteur bancaire ?

SN2 : On a deux types de fraude : la fraude externe et la fraude interne. J’ai fait sept

révélations au procureur en neuf ans, depuis 2006 - je suis au cabinet depuis 2000. Dans le

secteur bancaire, c’est la fraude externe la plus courante, on a souvent le client ou groupe de

client qui utilise des faux justificatifs pour souscrire des prêts pour des fausses acquisitions

immobilières ou des faux biens. Souvent les notaires sont complices. Dans d’autres cas, ce

sont des personnes qui ont des bulletins de paie avec un petit salaire indiqué dessus mais des

gros revenus de cash (ils sont restaurateurs ou autre et gardent une partie du chiffre d’affaires

payé en cash pour eux). Ils donnent des fausses fiches de paie et des faux justificatifs de

domicile pour avoir le crédit. Mais comme ils ont des revenus confortables en réalité, ils

peuvent payer les échéances de crédit, et ils le font. Ils donnent des faux documents car s’ils

donnaient leur bulletin de paie avec leur revenu déclaré, ils ne pourraient pas obtenir un prêt

de la banque. Même s’ils remboursent le crédit, il y a fraude, car ils utilisent des faux

Page 96: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

96

justificatifs de fiche de paie. J’ai aussi vu des cas de fraude interne, où les directeurs

d’agences constituent un faux dossier en complicité avec des notaires. Ils utilisent un prê te-

nom pour constituer le dossier. On a aussi la fraude Apollonia, où il y a un banquier, un

courtier, et un notaire qui sont de mèche pour faire surpayer les clients.

AA : Comment sont détectées les fraudes ?

SN2 : Comme je le disais, pour la fraude on est souvent averti par la société au travers des

entretiens. On n’a pas de notion de seuil de signification de la fraude, on doit utiliser notre

jugement professionnel pour déterminer si c’est une fraude et pour décider si on la révèle au

procureur de la République ou pas. La fraude sort du champ du seuil : c’est volontaire, pas

comme les ajustements. On utilise deux types de diligence, les entretiens de contrôle interne

et les travaux de revue analytique et sondages.

AA : Pouvez-vous m’en dire plus sur la révélation au procureur de la République ?

SN2 : Pour la révélation au procureur de la République il n’y a pas de seuil, on révèle

lorsqu’il y a une anomalie ou lorsque le client dépose plainte contre le directeur d’agence [de

banque] en cas de fraude interne. On porte à la connaissance du procureur telle irrégularité.

En tout cas dès qu’il y a une plainte, on la révèle au procureur. Dans certains secteurs comme

la banque assurance où les fraudes externes sont récurrentes, en général on a rendez-vous avec

le procureur une fois par an, et on rassemble toutes les fraudes similaires par client, au lieu de

l’abreuver de fraudes tout le temps car elles sont très nombreuses. On ne va pas faire une

révélation à chaque fraude.

AA : En audit on entend régulièrement parler de l’expectation gap entre la perception des

investisseurs et celle des auditeurs sur leur rôle. Si on étend l’expectation gap au sujet de la

fraude, pensez-vous qu’il y a un décalage de perception ? Et pour quelles raisons ?

SN2 : Je ne connais pas ce terme mais oui, il y a un décalage car la pratique n’est pas

forcément claire : il n’y a pas de NEP sur la fraude et sur la révélation au procureur. Il y a une

bonne pratique via le H3C. La profession est très normée, on effectue les diligences qui

respectent les NEP. L’investisseur n’a pas connaissance de ces normes, d’où ce décalage de

perception probablement.

AA : Avez-vous déjà connu des cas où l’investisseur se retourne contre le CAC ?

Page 97: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

97

SN2 : Jusqu’à présent, je n’ai pas vu de cas où l’investisseur se retourne contre le CAC. Le

CAC est tenu au secret professionnel, il ne peut pas être dispensateur d’informations aux

assemblées générales, il ne s’adresse pas directement aux actionnaires. Mais l’investisseur

peut tout à fait se retourner contre le CAC, oui. Le dirigeant s’engage par une lettre

d’affirmation où il dit « on a communiqué tous les éléments au CAC, etc ». Si l’investisseur

nous reproche d’avoir pas vu de fraude, on montre la lettre d’affirmation. Ça permet de se

défausser sur le client.

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Entretien n° 3

Profil de l’interlocuteur : auditeur niveau senior

AA : Lisez le cas numéro 1. Quel est votre comportement dans ce cas ?

SN3 : On va détecter ce genre de fraude via des tests de cut-off sur le dernier mois de la

période, mais on peut passer à côté car les autres mois n’ont pas été checkés. On va plutôt

faire du contrôle interne et pas du cut-off sur toute l’année pour détecter cette fraude. En

contrôle interne on va checker qu’il y a un comptable, un autre qui émet les factures, donc une

séparation des tâches. Il y a des procédures, le DAF ne peut pas couper les process ! On va

voir les incidences fiscales car là il y a fraude fiscale. On doit faire une déclaration à Tracfin

et une révélation au procureur de la République car c’est un délit.

AA : Est-ce que grâce au contrôle interne on peut détecter cette fraude à chaque fois ?

SN3 : C’est impossible à détecter dans des petites structures. Oui, c’est clair qu’on peut passer

à côté. Pour le process de contrôle interne, encore faut-il revoir le process cette année. On

devrait le faire mais on ne le fait pas parce qu’on n’a pas le budget pour, le temps pour, à

cause d’un client qui ne veut pas. L’auditeur a une obligation de moyen qui est inhérent au

métier, les diligences sont prévues dans les normes et pratiques de la profession. Mais en deux

semaines, on ne peut pas voir tout ce qui se passe en un an complet et ça, l’investisseur n’en a

pas forcément conscience.

AA : Lisez la suite du cas. Qu’en pensez-vous ? Etes-vous sensible à ce genre de fraude ?

SN3 : Je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer ce cas car je n’audite que des grandes

structures. Dans une grande structure, cela ne peut pas arriver car on [le comptable] n’a pas la

main sur tout le process : les activités sont cloisonnées par exemple entre l’enregistrement des

factures et le paiement ce sont deux services séparés, alors que dans les petites structures les

activités ne sont pas aussi cloisonnées voire pas du tout. Parfois une personne peut avoir

beaucoup de pouvoir à elle seule. Dans ce cas, ce type de fraude est susceptible d’arriver. Si

une seule personne fait tout, cela peut largement arriver. On remet en cause les process du

client et du fournisseur, qui n’a pas à envoyer un chèque au nom du comptable.

AA : Comment est-ce que vous détecteriez la fraude ?

Page 99: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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SN3 : On pourrait s’apercevoir de la fraude avec les réponses de circularisation, mais pas

forcément si le fournisseur n’a pas encaissé les deux chèques. Ce sont les process du contrôle

interne qu’il faut impérativement revoir.

AA : Lisez le cas numéro 2. Comment est-ce que vous traiteriez ce cas de suspicion de vol de

caisse ?

SN3 : Pour la caisse les travaux de l’auditeur se résument au cadrage entre l’inventaire de

caisse et la comptabilité et c’est tout. On ne s’interroge pas plus que ça et on ne demande pas

de justificatif. L’inventaire de caisse doit être fait par un responsable, il faut s’en assurer. Et

cet inventaire est à rapprocher de la comptabilité.

AA : Que serait votre comportement face au comptable ?

SN3 : Je demanderais une explication rationnelle au comptable. Il me faut absolument une

explication. Il faut absolument que la salariée rembourse. Le vol est un délit. Ou alors le

comptable doit passer une écriture d’avance au personnel, en tout cas il doit comptabil iser

quelque chose. On a une créance envers cette personne, qui doit la rembourser quand elle part.

On peut demander une sorte de convention signée entre la salariée et l’entreprise. C’est

comme un contrat dans lequel la salariée s’engage à rendre l’argent.

AA : Lisez la suite du cas. Quel comportement auriez-vous face aux explications du

comptable ? La salariée est gravement malade…

SN3 : Elle doit régulariser la situation. Il faut qu’elle signe quelque chose avec l’entreprise.

Tant que c’est dans légalité et qu’il y a une convention avec la salariée c’est bon et pour moi il

n’y a pas de problème. Dans une des associations que j’audite qui envoie des salariés dans des

pays émergents pour développer des projets, une convention est signée avec les salariés qui

empruntent l’argent de l’association pour leurs dépenses sur place. Là j’alarmerais le

dirigeant car ce n’est pas un process normal, ça ne doit pas arriver.

AA : Lisez le cas numéro 3. Que feriez-vous dans ce cas ? En tant qu’auditeur quel serait

votre rôle dans la détection de cette fraude ?

Page 100: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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SN3 : Il faut faire une revue analytique : voir les comptes 7 et le compte 411. Lors de cette

revue analytique, on s’apercevrait que comme les ventes augmentent, le compte 411

augmente aussi. Je demanderais la balance âgée clients. J’y verrais les montants à forte

antériorité pour lesquels je demanderais des explications. Comment se fait-il que vous n’ayez

pas encore été payé pour cette vente ? Pouvez-vous me donner des explications ? Car même si

l’entreprise n’a pas été payée, elle a enregistré une vraie écriture en classe 7 et en classe 411,

ce qui fait croire aux parties prenantes que son chiffre d’affaires est réel. De plus, il faut aussi

comprendre l’activité du client : son activité génère plus de résultat alors que le montant des

achats reste constant : si c’est vrai, alors j’investis tout de suite dans cette entreprise ! Qu’est-

ce qu’il vend et qu’est-ce qu’il achète ? Quel est son taux de marge ? Il est important de se

poser des questions sur son activité. C’est une des premières choses que je regarde lorsque j’ai

un nouveau client. Avec la revue analytique et la compréhension de l’activité du client, on

voit beaucoup de choses. C’est grâce aux revues analytiques que je détecte la majeure partie

des anomalies. C’est extrêmement important et ça donne l’alerte notamment sur les clients

fictifs. Je ferais un intérim pour creuser là-dessus. Il faut voir les mentions dans les factures,

regarder leur conformité. Si le client en question était basé en France, on demanderait au

tribunal de commerce si la société existe. Surtout que dans ce cas, le montant des ventes a

triplé donc on détecte facilement l’anomalie. Par contre, si le montant est plus discret, cela

peut passer inaperçu lors de la revue analytique puisqu’on ne constate pas de grandes

variations. A petite dose et si le montant est proportionnel à l’évolution de la croissance de

l’activité de l’entreprise, ça ne se voit pas et ça peut durer plusieurs années. Dans ce cas, on

met en avant notre obligation de moyen et non de résultat et nos procédures de seuils.

AA : Quelles techniques d’audit utiliseriez-vous pour vous assurer de la réalité d’une vente ?

SN3 : Comme technique d’audit, on peut utiliser la circularisation ouverte pour tester la

réalité des créances clients. Mais il est très difficile de détecter une fausse réponse de

circularisation. On peut aussi utiliser des procédures alternatives : demander les balances

auxiliaires de décembre et janvier, et comparer les clients pour lesquels les créances ont

diminué, ce qui signifie un paiement, et demander la preuve du paiement. Il faut toujours

remonter à la banque car c’est ce qu’il y a de plus probant. Malheureusement dans ce cas, les

créances ne diminuent pas car aucun paiement n’est fait.

Page 101: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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AA : Lisez le cas numéro 4. Cette fois, vous êtes témoin de la situation. Qu’en pensez-vous ?

Quel rôle doit jouer l’auditeur dans ce cas ?

SN 3 : Dire qu’il y a eu ce genre de cas, ça me paraît étrange. Au cabinet, ils ont envoyé des

mails en prévention aux clients, pour leur dire de ne jamais envoyer un document à quelqu’un

qu’ils ne connaissent pas, qui n’a pas une adresse mail conforme aux adresses mails des

auditeurs. Il est déjà arrivé que quelqu’un appelle et se fait passer pour un auditeur. Il

demande à ce que le comptable lui envoie la balance auxiliaire fournisseur. Puis il rappelle et

se fait passer pour un des fournisseurs, et il demande un virement. Il faut aussi que

l’entreprise sensibilise ses salariés, et que les process soient respectés. Il faut remonter tout ça

au chef. Il faut qu’il forme ses équipes.

AA : Et par rapport aux procédures d’autorisation de virement ?

SN3 : Il faut revoir les procédures d’autorisation donc bloquer les transactions à partir d’un

certain montant. La banque doit elle aussi intervenir si elle suspecte une transaction

frauduleuse.

AA : Comment est-ce que vous détecteriez cette fraude (si vous n’aviez pas été témoin de la

situation) ?

SN3 : Par rapport au journal de banque : les écritures y sont automatiques. S’il y a des OD

manuelles en 512, ce n’est pas bon. Et dans ce cas, comment le comptable justifie ?

AA : Qu’en est-il de la responsabilité de chacun ?

SN3 : Les auditeurs, oui…mais l’entreprise est encore plus responsable d’une fraude : c’est

elle qui se doit de former les gens, les prévenir. Il est arrivé une fraude similaire chez KPMG.

Apparemment ça s’est passé une dizaine de fois avant qu’ils ne s’en rendent compte…

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Entretien n° 4

Profil de l’interlocuteur : auditeur niveau senior

AA : Lisez le cas numéro 1. Que feriez-vous si vous rencontriez ce cas ? Est-ce facile à

détecter ?

SN4 : Ils anticipent leurs produits. Ce n’est pas forcément facile à détecter car quand on teste

la réalité de la facture, car on n’a pas de moyen de contrôler la correcte affectation à

l’exercice. Mais le test qui doit être fait c’est de récupérer le bon de livraison - l’entreprise l’a

envoyé mais l’a en copie. Si on suspecte un souci, on teste la réalité du chiffre d’affaires. Là il

faut constater une réservation – un contrat d’acquisition signé - et enregistrer une écriture

d’acompte plutôt qu’un chiffre d’affaires. Il y a un souci de réalité du chiffre d’affaires. Tant

pis pour l’entreprise car fiscalement, elle anticipe l’impôt.

AA : Est-ce que ce test du bon de livraison est souvent fait ? En général on demande

uniquement la facture ?

SN4 : Oui, le test du bon de livraison est très rarement fait car le responsable ne fournit pas

les documents…

AA : Devez-vous vous prononcer sur la continuité d’exploitation de l’entreprise ?

SN4 : On a un souci à court terme car quand sera réalisée la vente ? Comptablement, ce n’est

pas juste car le produit n’est pas rattaché au bon exercice mais pour sa santé financière, on

peut dire que c’est rassurant car il aura des machines à vendre. S’il joue sur le délai

fournisseur, il peut vendre la machine avant d’avoir payé son fournisseur.

AA : Lisez la suite du cas. Est-ce que ce type de fraude est facilement détectable ?

SN4 : Une revue de l’état de rapprochement bancaire devrait permettre de voir la fraude.

AA : Lisez le cas numéro 2. Comment est-ce que vous traiteriez ce cas de suspicion de vol de

caisse ?

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SN4 : Il faut faire une déclaration à la direction car c’est une employée. Après c’est traité en

interne ou en judiciaire. Et demander au comptable comment il traite la contrepartie charge.

Ben oui, il doit bien y avoir un problème de contrepartie. Il faut le mettre en observation selon

le montant dans le rapport. Si le montant est significatif, on va demander une mention en

annexe. Il y a toujours un risque de non détection. Le comptable doit le remonter à la

hiérarchie comme anomalie. Là, je ne sais pas pourquoi il ne l’a pas fait…

AA : Lisez la suite du cas. Quel comportement auriez-vous face aux explications du

comptable ? La salariée est gravement malade…

SN4 : Il faut lui dire qu’il aurait pu faire une autre écriture comme une avance au personnel

avec possibilité de la déprécier – et avec un impact au bilan. Au lieu de faire ce qu’il a fait…

Comme ça, ça devient quelque chose de traité et régularisé. Sinon, ça pose des soucis de

contrôle interne.

AA : Lisez le cas numéro 3. Que feriez-vous dans ce cas ? En tant qu’auditeur quel serait

votre rôle dans la détection de cette fraude ?

SN4 : Je ferais une revue analytique et un test de cohérence sur le taux de marge. C’est

simple, on divise les ventes par les achats. Et il faudrait aussi tester le délai de paiement

client en faisant le rapport entre les créances client et le chiffre d’affaires. Une entreprise qui a

plusieurs années de créances de chiffre d’affaires client…l’entreprise devrait enregistrer des

dépréciations client et des dotations d’exploitation en temps normal.

AA : Ce type de fraude est-il aisément détectable ?

SN4 : C’est souvent un coup de chance qui vient avec l’expérience et la connaissance de la

boîte, plus l’esprit critique. En audit externe on fonctionne par scope donc on ne regarde pas

tout. Les personnes qui font les comptes ont une bonne connaissance de la comptabilité, elles

ont été des anciens auditeurs. Et on sait bien qu’il n’y a pas de meilleur fraudeur qu’un ancien

auditeur !

AA : Lisez le cas numéro 4. Cette fois, vous êtes témoin de la situation. Qu’en pensez-vous ?

Page 104: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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SN4 : Ca dépend du niveau. On ne va pas le laisser faire. On va lui demander s’il est au

courant de ce dont on lui a parlé. Lui demander s’il va suivre le schéma de validation

classique. Tout virement doit être validé même s’il est urgent. Aujourd’hui c’est plus difficile

avec SEPA de frauder : il y a de moins en moins de fraudes avec les virements car avant, on

rentrait sur le site de la banque, on mettait son RIB et on faisait le virement. Avec SEPA, le

virement doit suivre le schéma obligatoire propre aux virements même s’il est urgent.

AA : En conclusion que pouvez-vous dire sur le rôle de l’auditeur dans la détection des

fraudes ? Dans la prévention des fraudes ?

SN4 : En conclusion, ben…s’il a de la chance, l’auditeur peut trouver des fraudes. Et s’il a

suffisamment d’esprit critique, il peut en trouver sachant que la fraude interne est

volontairement cachée donc c’est du travail et surtout de la chance. Un actionnaire lésé peut

se plaindre auprès de la police. Le H3C fait l’enquête demandée par la police. Si le H3C

montre que le CAC n’a pas mis en place les bonnes diligences, le CAC peut être tenu

responsable. Le problème, c’est de ne pas avoir mis les diligences et non de pas avoir trouvé

de problème. On peut avoir fait très correctement le boulot sans avoir vu le sujet de fraude.

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Entretien n° 5

Profil de l’interlocuteur : ancien auditeur niveau senior (analyste financier en entreprise)

AA : Lisez le cas numéro 1. Est-ce une fraude selon vous ? Que pensez-vous de ce cas ?

SN5 : Oui, là c’est intentionnel. Ils veulent faire passer la vente avant le 30 juin pour que les

agriculteurs bénéficient de la réduction d’impôt. La vente gonfle leur chiffre d’affaires. Le

vendeur est défaitiste car il dit « de toute façon » [certains clients ne pourraient payer plus

tôt]. Mais lui il prend un risque car il n’a pas reçu le paiement et il dit que certains clients sont

en difficulté. Tant que le fait générateur n’a pas été effectué, on ne peut pas enregistrer.

AA : Pour quelles raisons selon vous l’entreprise ferait ce type de manipulation ?

SN5 : Pour quelles raisons ? Le pilotage des résultats qu’ils présentent au public et aux

actionnaires.

AA : Est-ce que l’irrégularité est facilement détectable ? Via des tests de cut-off par

exemple ?

SN5 : Oui. Il n’y a pas que le cut-off. On regarde les ventes et on sélectionne et on remonte au

justificatif... (silence). Mais ce n’est pas forcément évident. Je ne sais pas si on peut le voir

comme ça d’un seul coup d’œil.

AA : Quel est votre comportement dans ce cas ?

SN5 : Il faut aller voir le DAF, lui dire que ce n’est pas normal. On fait une observation, on

lui demander de passer un ajustement.

AA : Devez-vous vous prononcer sur la continuité d’exploitation de l’entreprise ?

SN5 : On peut lui dire qu’il faut faire attention. Se prononcer sur la continuité de

l’exploitation pas encore car c’est beaucoup plus grave, là il est juste dit que la situation

financière de l’entreprise « commence » à être délicate. Mais il faut qu’il fasse attention.

AA : Lisez la suite du cas. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que c’est une fraude ? Est-ce qu’elle

est facilement détectable ?

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SN5 : Oui c’est une fraude. Oui, c’est facilement détectable, il faut regarder tous les chéquiers

et les paiements – les relevés bancaires. En plus, vu qu’il n’a pas de chef, c’est encore pire car

on lui demande qui signe les chèques. SOX fait référence à la séparation des tâches. Le gars

fait les chèques, les signe… Là où c’est important, c’est qu’il n’y a pas de chef. Il est tout

seul.

AA : Mais si le comptable utilise plusieurs chéquiers de banques différentes, on ne verra pas

les montants en double sur un même relevé. Est-ce si facilement détectable ?

SN5 : Ah oui..Dans ce cas…Ce n’est pas évident. Mais même si c’est difficile à détecter, on

se pose des questions. On a un indice. Qui signe les chèques, qui les valide ? Personne, on

peut faire ce qu’on veut. Ça me rappelle la fraude qu’il y a eu dans un supermarché où l’aide

comptable a détourné des chèques pendant plusieurs années. [près de 700 000 € entre 2003 et

2013]. L’aide comptable faisait tout, elle faisait les chèques, les signait, faisait la comptabilité.

La confiance n’exclut pas le contrôle, c’est une erreur de la part de son employeur d’avoir

trop fait confiance.

AA : Quel serait votre comportement si vous découvriez ça ? Par rapport au fournisseur et

par rapport à l’entreprise auditée ?

SN5 : Ne rien dire au fournisseur, chacun son problème, et puis lui aussi il doit être audité, de

leur côté ils [les auditeurs du fournisseur] vont faire des tests sur ses paiements. Il faut dire au

DAF qu’il n’y a pas de signataire. Et l’année prochaine, être plus vigilant pour voir si ça a été

bien pris en compte et si ça roule. Le comptable est renvoyé pour faute grave, on n’a plus

confiance ! On ne va pas le garder ! Enfin si je me mets à la place du DAF…

AA : Êtes-vous sensible à ce type de fraude ?

SN5 : Oui mais il faut faire attention à tout quand on audite. C’est du SOX. Après si c’est

fréquent…je n’ai pas vu ce problème dans des grosses sociétés. Mais il faut faire attention.

C’est plus sur les petites structures où généralement il n’y a qu’un seul comptable.

AA : Lisez le cas numéro 2. Comment est-ce que vous traiteriez ce cas de suspicion de vol de

caisse ?

SN5 : S’il n’y a pas de justificatif c’est chaud…parce que toutes les sorties d’argent, il faut les

justifier. On peut se demander si le comptable n’est pas complice.

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AA : Etes-vous sensible à ce genre de fraude ?

SN5 : Oui, ça arrive régulièrement dans les magasins et dans les restaurants.

AA : Quelles sont les diligences du CAC sur l’audit des caisses ?

SN5 : Il faut le noter, faire une observation et le dire au DAF. Il faut justifier toutes les sorties

d’argent. Il faut que la comptabilité cadre au centime près avec les relevés. Et s’il y a un écart,

il faut le justifier. Est-ce que c’est justifié ? Non.

AA : Avez-vous déjà rencontré des difficultés pour obtenir les documents nécessaires (relevé

de caisse,…) ?

SN5 : Non, j’ai toujours eu les relevés de caisse, je n’ai pas eu de problème.

AA : Lisez la suite du cas. Quel comportement auriez-vous face aux explications du

comptable ? La salariée est gravement malade…

SN5 : La responsable n’aurait pas pu lui donner son argent à elle ? Au lieu de prendre l’argent

de la société. Ben on s’en fiche qu’elle soit malade, ce n’est pas à la boîte de payer ses

médicaments.

AA : Et donc que feriez-vous face à ce cas ? Et quel serait votre rôle dans la prévention de ce

genre de cas ?

SN5 : Je les vire tous (rires). Non, je leur dis que ce n’est pas normal que ce soit la boîte qui

paie, qu’il faut justifier toutes les sorties et entrées d’argent. Dire au DAF de leur faire un

rappel. La décision de licencier ou pas revient au DAF. Nous, on est juste l’interface, on parle

au DAF mais on ne prend pas de décision.

AA : Lisez le cas numéro 3. Que pensez-vous du rôle de l’auditeur dans ce cas ? De sa place

dans la détection de la fraude ?

SN5 : Il y a des clients fictifs…donc il y a un gonflement du chiffre d’affaires. Le fait qu’elle

achète pour un montant faible…pour moi ce n’est pas étrange… C’est plus par rapport à

l’introduction en bourse. Pour les actionnaires, ils veulent montrer des états financiers propres

et beaux pour que les investisseurs investissent encore plus…. L’auditeur doit voir si c’est

cohérent avec le marché, voir les sociétés équivalentes et comment sont les concurrents.

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AA : Que devez-vous faire par rapport aux tiers et investisseurs concernant les comptes déjà

signés les années précédentes ?

SN5 : Par rapport aux années précédentes, c’est trop tard. C’est la société qui communique, il

faut qu’ils le disent [aux investisseurs]. Nous, on ne dit rien. De toute façon le journaliste va

sortir son article. Les investisseurs vont voir ça… Bah il [l’auditeur] a mal fait son travail. Il

faudrait que la direction congédie les CAC. L’auditeur il n’a rien vu…A partir de là, les CAC,

ils partent.

AA : La responsabilité pénale de l’auditeur peut-elle être engagée ?

SN5 : Oui. C’est comme le cas Carrefour Brésil et Deloitte. Carrefour a changé d’auditeur et a

poursuivi le cabinet. Là, les investisseurs peuvent aussi se retourner contre les CAC. Car là on

leur a menti sur la fiabilité et le réel des comptes.

AA : Lisez le cas numéro 4. Cette fois, l’auditeur est témoin. Qu’en pensez-vous ?

SN5 : On lui demande plus d’explications. Gentiment. « Je vous ai entendu parler de ça… ».

On peut lui demander c’est quoi comme deal [acquisition, cession, fusion]. Chez nous, les

auditeurs auditent les changements de périmètre. Il y a les sorties de cash et entrées de cash

qui doivent être justifiés avec des contrats d’acquisition, de cession, des chèques, des

virements qui sont validés par les signataires en fonction des seuils. Chez nous [là où je

travaille depuis que j’ai quitté le cabinet], quand on a une acquisition ou une cession, on doit

toujours avoir un contrat, un justificatif du deal entre les deux parties, et ensuite il doit être

signé par les deux parties. Et après, la demande de virement ou chèque c’est un feuillet, il y a

trois feuillets gardés par le juridique, la trésorerie, et la consolidation. Sur les feuillets on doit

avoir des données : paiement par chèque ou virement pour retracer le paiement, le

destinataire, par qui c’est fait, le montant. On a trois signatures : le service juridique, et selon

les seuils le DAF, le VP, ou le PDG, et par le service comptable.

AA : Quel rôle doit jouer l’auditeur dans ce cas ?

SN5 : L’auditeur constate, il ne va pas donner des conseils. Il fait des observations, mais ne

conseille pas, ce n’est pas son rôle. C’est l’entreprise. Elle en fait ce qu’elle veut [des

observations].

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AA : En conclusion que pouvez-vous dire sur le rôle de l’auditeur dans la détection des

fraudes ? Dans la prévention des fraudes ?

SN5 : Humm…L’auditeur il audite, donc il contrôle. S’il voit une fraude c’est à lui d’informer

les dirigeants. Indirectement en contrôlant les comptes il cherche les fraudes. Ils nous disent

toujours d’avoir l’œil sceptique, « skepticism » (rires), d’être toujours suspicieux. Pour moi, tu

recherches quelque chose. On contrôle les comptes, si ce n’est pas fiable c’est une fraude.

Enfin pas forcément une fraude, ça peut aussi être une erreur. Il n’y a pas toujours des

fraudes. C’est contrôler que tout est bon, mettre des observations.

AA : Pensez-vous que ce rôle est perçu différemment par les investisseurs ?

SN5 : Ce n’est pas que l’auditeur, c’est la société qui doit mettre en place des points de

contrôles pour elle et pour rassurer les investisseurs… Normalement ils ont confiance. Ce sont

les auditeurs qui valident les comptes. Mais ils ne se basent pas que sur ça quand ils

investissent. La fraude…si ça les ébranle…tant pis, ils n’investissent plus dans la boîte. C’est

à la boîte de donner confiance aux investisseurs aussi. Il y a des réunions d’investisseurs où

les dirigeants doivent répondre sur les comptes de la boîte.

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Annexe IV

Retranscription des entretiens menés avec les investisseurs

Les entretiens n° 1, 2, 3 et 4 soumis aux investisseurs américains ont été effectués par email.

Les cas de fraude ont été traduits en anglais. Il n’a pas été jugé nécessaire d’inclure en annexe

le texte des cas en anglais. L’entretien n° 5 a été effectué par téléphone.

L’identité des personnes interrogées n’est pas dévoilée par souci de confidentialité. Les

initiales IN1 à IN5 seront utilisés pour désigner les interlocuteurs. Les initiales AA sont

utilisées pour désigner l’interrogateur.

Pour les entretiens n° 1, 2 et 3, le contexte est posé avant les questions :

The subject of my thesis is the investor’s perception of the role of the financial auditor

regarding corporate frauds. In my thesis, I highlight the expectation gap between auditors

and investors (which is the difference between what the investors and financial statement

users believe auditors are responsible for and what auditors themselves believe their

responsibilities are).

In each case, pretend that you are an investor who buys stocks from companies listed on the

stock exchange / who has money to invest in companies and you refer to the annual report

certified by the company auditors before you decide whether you should invest or not. Please

answer the questions according to your point of view as an investor.

Page 111: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

111

Entretien n° 1

Profil de l’interlocuteur (IN1) : investisseur individuel américain détenant des actions au

NYSE et au NASDAQ dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie solaire, des

véhicules électriques, et de la banque.

[Introduction questions]

AA: What do you know about the role of a company’s financial auditor concerning fraud

(financial statement fraud, corruption, embezzlement, cash or asset misappropriation)? Is it

his role to detect frauds? Does an unqualified auditor report on a company guarantee that all

financial statements are true or exact?

IN1: I believe that it is the auditor’s role is to protect the public from losing money due to

corporate fraud. The auditor’s duties should include investigation into the company’s finances

and detection of irregularities that could lead to financial losses for the public. I believe the

auditor should be tasked with reporting any irregularities that s/he observes. However, the

auditor’s role is probably limited to an awareness of the day to day transactions and detection

of highly irregular financial activities. The detection of fraud that is buried in numerous

transactions or can only be discovered with a thorough investigation is probably not an

obligation that an auditor owes to the public.

[Case No. 1]

AA: Please read case no. 1. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN1: The auditor should have detected this irregularity and reported it because the company is

prematurely recording sales that have not taken place. The fact that the company has shown

financial difficulties for the past years should be red flag that a more thorough investigation

should be taking place to determine what is causing the financial difficulties. During the

investigation, the auditor should have come across this premature recording of sales and

reported it to the appropriate authorities to protect the public’s interest (for those that invest in

the company).

AA: Do you think the financial auditor of the company can detect this irregularity?

Page 112: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

112

IN1: Yes. The auditor should be able to identify that there is an irregularity between the

inventory of the harvestors and the sales receipts (more harvestors in the inventory than the

sales receipts show). This is the type of information that auditors should be charged with

reviewing.

AA: What is the role of the financial auditor about the going concern of the company?

IN1: The auditor should always have the interests of the company in mind as s/he performs

his/her job. One of the top priorities for the auditor should be to prevent the company from

violating any laws. I suspect that recording sales prematurely violates some law.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should revise

the internal control process, and especially the sales process, but he cannot always do it

because of several reasons: not enough budget allowed by the audit firm, not enough time,

and sometimes reluctance from the company. Are you satisfied with this answer? What do you

think?

IN1: The ultimate failing is probably on the company then because it does not prioritize their

responsibilities properly. The auditors must advise the company that it must find the resources

to commit to these activities or else risk being shut down for violating the laws (I am working

under the premise that there is a law that prohibits these actions).

AA: Please read the second part of the case. According to you as an investor, what do you

think the role of a financial auditor should be in this case? Do you think this fraud is easy to

detect? How?

IN1: The role of the auditor is to prevent these type of fraud. The fraud may not be easily

detectable at first, but should be noticeable after a few months if the auditor is checking the

company’s financial sheets. The auditor should notice the double payment to the suppliers

without any corresponding refund.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he asked for

external confirmations from suppliers about the amount the company owes them.

Nevertheless, he cannot ask all the suppliers so he selects the most important ones (regarding

the volume of purchase). And if the supplier doesn’t cash in the two checks, there are

Page 113: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

113

possibilities that auditors do not see any irregularity in the external confirmations. What do

you think?

IN1: The auditors cannot simply rely on the suppliers to help them detect fraud. They must

be proactive and check the company’s financial sheets. After a few months, the pattern of

double payment to suppliers without any refunds should stand out.

[Case No. 2]

AA: Please read case no. 2. According to you as an investor, what do you think the

role/behavior of a financial auditor should be in this case?

IN1: The auditor is doing his/her job in this case because the auditor noticed the discrepancy

in the physical amount and recorded amount of the petty cash and investigated by questioning

the accountant. The next logical step would be for the auditor to question the employee and

request voucher or proof of how she spent the petty cash.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would ask the

accountant for an explanation and tell him to modify the records and make the employee sign

a sort of contract in which she say she will reimburse the company. What do you think?

IN1: I believe this is an example of the auditor being proactive in their duties by discovering

fraud and coming up with a solution to prevent future fraud of this type.

AA: Please read the second part of the case. How should the financial auditor react

according to you as an investor?

IN1: The auditor must discipline the accountant and employee as this is fraud. Although this

may be a good reason to allow this one time violation of company policy, it encourages future

violations by other employees and future violations by the same employee. As an investor, I

am not happy because this will affect my investment.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would alarm the

CEO because the internal process is inefficient, and ask the employee to pay back. What do

you think?

Page 114: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

114

IN1: I believe this is an example of the auditor fulfilling their duties by escalating this

violation to up the chain of command.

[Case No. 3]

AA: Please read case no. 3. What do you think the role/behavior of financial auditors should

be in this fraud case?

IN1: The role of the auditor remains the same as any other matter: protect the p ublic by

investigating and detecting fraud. However, a complex scheme such as the one mentioned

above may not be detectable by an auditor.

AA: Should the auditor ensure that all clients/suppliers are real or not?

IN1: I believe this is a close one as the auditor attempted to confirm the authenticity of the

company’s clients by requesting balance confirmations. However, the auditor could have

attempted to call the clients rather than just send requests for balance sheets. Additionally, the

auditor should have noticed that there was a discrepancy between the company’s reported

sales and the profits.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should apply

analytical audit procedures (analyze sales’ evolution, ask for unpaid old sales...) to detect any

irregularities. In this case the CEO cheated on large amounts but if the amount of fictitious

sales is smaller and goes along the growth of the company, the auditor said the fraud is likely

to continue during several years without anyone noticing it. What do you think?

IN1: I think the auditor’s plans for preventing future fraud of this kind is appropriate. The fact

that the fraud might not be detected for years is not the fault of the auditor as some frauds are

hard to detect. In this situation, the auditor is not to blame.

[Case No. 4]

AA: Please read case no. 4. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

Page 115: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

115

IN1: The auditor should have questioned the accountant because the auditor was present

during this transaction. The fact that the accountant failed to get authorization for such a large

sum or verify the CEO’s identity should have been a red flag to the auditor that a fraud may

be occurring.

AA: Whose responsibility is engaged (the auditor or the company)?

IN1: The auditor’s responsibility is engaged because their job is to prevent fraud. In this case,

the fraud was pretty obvious.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that it is the

responsibility of the company to train the employees and make sure they follow the process.

He will mention this to the chief financial officer. What do you think?

IN1: I believe the auditor is correct. However, the auditor is also liable for this fraud because

the auditor failed in his/her duties to prevent fraud when the fraud was occurring in the

auditor’s presence.

Page 116: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

116

Entretien n° 2

Profil de l’interlocuteur (IN2) : investisseur individuel américain détenant des actions au

NYSE et au NASDAQ. Les détails des investissements n’ont pas été communiqués.

[Introduction questions]

AA: What do you know about the role of a company’s financial auditor concerning fraud

(financial statement fraud, corruption, embezzlement, cash or asset misappropriation)?

IN2: Loosely, the role of an auditor is to examine a company’s financial status, and to

determine whether or not everything is reported accurately

AA: Is it his role to detect frauds?

IN2: Yes.

AA: Does an unqualified auditor report on a company guarantee that all financial statements

are true or exact?

IN2: No, an unqualified opinion means that an auditor believes the reports are an accurate

representation of the company, it does not mean they didn’t miss anything.

[Case No. 1]

AA: Please read case no. 1. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN2: Checks and Balances. Make sure everything is accounted for correctly. I do not think

you can claim profits in this situation.

AA: Do you think the financial auditor of the company can detect this irregularity?

IN2: Yes.

AA: What is the role of the financial auditor about the going concern of the company?

IN2: If they already have financial difficulties, it may be useful to dig in to make sure

everything is reported correctly.

Page 117: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

117

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should revise

the internal control process, and especially the sales process, but he cannot always do it

because of several reasons: not enough budget allowed by the audit firm, not enough time,

and sometimes reluctance from the company. Are you satisfied with this answer? What do you

think?

IN2 gave no answer.

AA: Please read the second part of the case. According to you as an investor, what do you

think the role of a financial auditor should be in this case? Do you think this fraud is easy to

detect? How?

IN2: Their role is to take correctional action. Yes, it is easy to detect. It should be clear that

two checks of the same amount went out. Especially if this company is small.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he asked for

external confirmations from suppliers about the amount the company owes them.

Nevertheless, he cannot ask all the suppliers so he selects the most important ones (regarding

the volume of purchase). And if the supplier doesn’t cash in the two checks, there are

possibilities that auditors do not see any irregularity in the external confirmations. What do

you think?

IN2: If the check was not cleared then it’s possible there is no fraud.

[Case No. 2]

AA: Please read case no. 2. According to you as an investor, what do you think the

role/behavior of a financial auditor should be in this case?

IN2: As an investor, they [the employee] should have taken the appropriate actions to take out

money. An auditor should look into it and see if any legal action should be taken.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would ask the

accountant for an explanation and tell him to modify the records and make the employee sign

a sort of contract in which she say she will reimburse the company. What do you think?

Page 118: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

118

IN2: I believe what happened is still an infraction. Not sure what action should be taken

though.

AA: Please read the second part of the case. How should the financial auditor react

according to you as an investor?

IN2: Needs to take legal action. She should be fired. That is illegal.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would alarm the

CEO because the internal process is inefficient, and ask the employee to pay back. What do

you think?

IN2: The CEO should be notified. It is up to the company whether or not they ask for their

money back. The company is legally entitled to the money, but can choose not to take action.

[Case No. 3]

AA: Please read case no. 3. What do you think the role/behavior of financial auditors should

be in this fraud case?

IN2: Issue a qualified opinion.

AA: Should the auditor ensure that all clients/suppliers are real or not?

IN2: Yes.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should apply

analytical audit procedures (analyze sales’ evolutions, ask for unpaid old sales...) to detect

any irregularities. In this case the CEO cheated on large amounts but if the amount of

fictitious sales is smaller and goes along the growth of the company, he said the fraud is likely

to continue during several years without anyone noticing it. What do you think?

IN2: No. If there are irregularities and fictitious sales, the fraud cannot continue.

Page 119: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

119

[Case No. 4]

AA: Please read case no. 4. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN2: Employee needs to follow procedures in place to protect the company.

AA: Whose responsibility is engaged (the auditor or the company)?

IN2: The company.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that it is the

responsibility of the company to train the employees and make sure they follow the process.

The auditors will mention this to the chief financial officer. What do you think?

IN2: Agreed. The company is liable.

Page 120: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

120

Entretien n° 3

Profil de l’interlocuteur (IN3) : investisseur individuel américain détenant des actions

américaines et chinoises dans le secteur des technologies, médias, et du commerce en ligne.

[Introduction questions]

AA: What do you know about the role of a company’s financial auditor concerning fraud

(financial statement fraud, corruption, embezzlement, cash or asset misappropriation)?

IN3: I don’t know much about the role of a company’s financial auditor concerning fraud. I

think the auditor’s main role is to review and report the numbers. The auditor should not care

why numbers were fraudulent if they were fraudulent.

AA: Is it his role to detect frauds?

IN3: I would assume that it is the financial auditor’s duty to detect frauds. I would also

assume that they have a fiduciary duty to the company to locate and report frauds. In the U.S.

there are also laws such as the Sarbanes-Oxley act that deal with reporting fraud.

AA: Does an unqualified auditor report on a company guarantee that all financial statements

are true or exact?

IN3: I don’t think an unqualified audit opinion on a company would guara ntee that all

financial statements are true or exact. I think that would be a general opinion that was not

detailed or in depth and because of this there could be mistakes.

[Case No. 1]

AA: Please read case no. 1. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN3: In my opinion the auditor has the duty to locate this discrepancy and report it to their

superiors and if it will cause serious financial harm to anyone they have the duty to report it to

authorities if their superiors did not.

AA: Do you think the financial auditor of the company can detect this irregularity?

Page 121: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

121

IN3: In my opinion the auditor should be able to easily detect this irregularity because that

dates of sale, delivery and payment would be different.

AA: What is the role of the financial auditor about the going concern of the company?

IN3: Yes, I think that auditor should include whether or not the company can survive or is

viable in its report.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should revise

the internal control process, and especially the sales process, but he cannot always do it

because of several reasons: not enough budget allowed by the audit firm, not enough time,

and sometimes reluctance from the company. Are you satisfied with this answer? What do you

think?

IN3: I would be satisfied with the answer if the auditors included these suggestions and

reasoning in their reports.

AA: Please read the second part of the case. According to you as an investor, what do you

think the role of a financial auditor should be in this case? Do you think this fraud is easy to

detect? How?

IN3: In my opinion the auditor’s role is to review the financial records and in this case the

approval procedure/process to ensure that the records are correct and that the procedures

reduce the risk of fraud as much as possible. I think that this type of fraud should be very easy

to detect when the financial record is reviewed because the auditor would see two entries for

the same date and amount which should raise an alarm and start an investigation.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he asked for

external confirmations from suppliers about the amount the company owes them.

Nevertheless, he cannot ask all the suppliers so they select the most important ones

(regarding the volume of purchase). And if the supplier doesn’t cash in the two checks, there

are possibilities that auditors do not see any irregularity in the external confirmations. What

do you think?

IN3: I do not agree. I think that a thorough review of the financial figures would show

irregularities which should cause a more thorough investigation. Crosschecking checks sent

out with records of inventory sent out and records of inventory remaining should show any

discrepancies.

Page 122: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

122

[Case No. 2]

AA: Please read case no. 2. According to you as an investor, what do you think the

role/behavior of a financial auditor should be in this case?

IN3: The role of the financial auditor should be to investigate this case to try to find the

answer. The financial auditor should interview people and analyze the procedures for

physically obtaining the money, for recording expenses and for access to the money. The

financial auditor should then revise the procedures if necessary to reduce the risk of fraud and

mistakes.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would ask the

accountant for an explanation and tell him to modify the records and make the employee sign

a sort of contract in which she say she will reimburse the company. What do you think?

IN3: In my opinion the accountant cannot modify the records unless he was sure of what

happened. Additionally, they cannot ask the employee to sign anything unless they are sure

the employee stole the money. If they verified these facts through their investigation I think

the auditors that were interviewed are correct.

AA: Please read the second part of the case. How should the financial auditor react

according to you as an investor?

IN3: The financial auditor has a duty to report both the employee and the accountant

regardless of the reason for stealing and making false reports.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would alarm the

CEO because the internal process is inefficient, and ask the employee to pay back. What do

you think?

IN3: I completely agree with the auditors that were interviewed.

.

[Case No. 3]

AA: Please read case no. 3. What do you think the role/behavior of financial auditors should

be in this fraud case?

Page 123: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

123

IN3: In my opinion the auditors should follow their normal procedure for review and

investigation.

AA: Could you tell me more about it? I haven't detailed all the story but a lot of red flags

were present (no customer complaints,...). The auditors said they could find no evidence that

transactions were fake. They only dug deeper about inflated sales when the journalist

released critical press reports on the company. Do you think the auditors lack professional

skepticism? Do you still think the auditors should follow their normal procedure for review?

IN3: I think if there were a lot of "red flags" then the auditors have a duty to do a more

thorough investigation compared to their normal procedures. I think in this case the auditors

lacked professional skepticism. I think that auditors should have a mindset of an investor in

the company. Thus, the auditor should try to improve the company by investigating it and

reporting where improvements can be made and fixing any problems/fraud.

AA: Are you surprised that it was a journalist that discovered the fraud and not the auditors?

IN3: I am a little surprised. I would wonder what caused the journalist to investigate and if

the auditors had that same information.

AA: Would you sue the auditors for misleading information?

IN3: I would not sue the auditors for misleading information unless they were negligent or

failed to follow their procedures.

AA: Should the auditor ensure that all clients/suppliers are real or not?

IN3: In my opinion the auditor should not have to ensure that all client/suppliers are real or

not. They should only do so when/if there is something suspicious or they should gradually

check a few at a time over a long period of time so that eventually all will have been

investigated.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should apply

analytical audit procedures (analyze sales’ evolutions, ask for unpaid old sales...) to detect

any irregularities. In this case the CEO cheated on large amounts but if the amount of

fictitious sales is smaller and goes along the growth of the company, he said the fraud is likely

to continue during several years without anyone noticing it. What do you think?

Page 124: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

124

IN3: I agree that it could take a long time to detect a small amount of fraud. The only defense

would be to create sound procedures to prevent fraud as much as possible.

AA: The auditor also said about the previous years that he will try to protect himself from

responsibility by saying they met the entire audit requirements but couldn’t guess the

invoices/transactions were fake. What do you think?

IN3: I think that is ok if it is true. If there was nothing suspicious then and the auditors

followed their procedures they should not be blamed.

[Case No. 4]

AA: Please read case no. 4. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN3: In my opinion the auditor should have immediately been suspicious due to the amount of

money requested, the request to transfer to a personal bank account, the lack of authorization

for the transfer and the timing of the transfer. The auditor should have stopped the transfer if

possible or immediately reported it to someone. The auditor should then establish or reinforce

the procedures for allowing transfers of money.

AA: Whose responsibility is engaged (the auditor or the company)?

IN3: In my opinion the auditor and employee are responsible. The auditor is responsible

because he/she was present and witnessed the event. Thus, they have the duty to stop it or do

their best to stop it. The employee seemingly acted negligent because they did not verify the

information, did not become suspicious and did not gain authorization before action.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that it is the

responsibility of the company to train the employees and make sure they follow the process.

The auditor will mention this to the chief financial officer. What do you think?

IN3: I agree that it is ultimately the company’s responsibility. However, I also think it is the

auditor’s responsibility to use their experience to stop this since they personally witnessed it.

Page 125: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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Entretien n° 4

Profil de l’interlocuteur (IN4) : investisseur individuel américain détenant des actions sur le

NASDAQ.

[Introduction questions]

AA: What do you know about the role of a company’s financial auditor concerning fraud

(financial statement fraud, corruption, embezzlement, cash or asset misappropriation)?

IN4: I am a corporate attorney practicing securities law so I don’t know very much about

auditor responsibilities when reporting financial statements to investors.

AA: Is it his role to detect frauds?

IN4: I do not necessarily believe it is the auditor’s role to detect frauds as the company and

management thereof are responsible for providing the work papers which the auditors creates

their opinion from. While at times it may be easy to assume they could detect fraud I also

believe when it is occurring it is difficult to detect and may even be considered “easy to hide”.

AA: Does an unqualified auditor report on a company guarantee that all financial statements

are true or exact?

IN4: Not necessarily.

[Case No. 1]

AA: Please read case no. 1. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN4: I think this fact pattern requires a financial disclosure as to the matter that the sale and

was recorded but actual funds/products were not exchanged until X date.

AA: Do you think the financial auditor of the company can detect this irregularity?

IN4: This would be easy to detect as no bank statement for the payment could be shown

unless forged. As for delivery of the product the auditor may never see proof of such as its not

always relevant to the financial preparation.

Page 126: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

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AA: What is the role of the financial auditor about the going concern of the company?

IN4: Significant, however, I find it to be common place to always issue a going concern

unless a company is years into revenue and has a steady history of sales/production etc.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should revise

the internal control process, and especially the sales process, but he cannot always do it

because of several reasons: not enough budget allowed by the audit firm, not enough time,

and sometimes reluctance from the company. Are you satisfied with this answer? What do you

think?

IN4: I personally think audit fees are high but I do understand they require a significant

amount of work and expertise. I think this answer isn’t a solution rather an excuse as to why

things go un-discovered. I would recommend internal control processes and an actual review

of its implementation at the onset of an engagement to establish the expectations of the

auditor with the Company.

AA: Please read the second part of the case. According to you as an investor, what do you

think the role of a financial auditor should be in this case? Do you think this fraud is easy to

detect? How?

IN4: I believe the duplicate checks and amounts should raise the attention of the auditor but it

would be affected by such factors as amounts and time passed between duplicates. Invoices

that don’t match payments would also trigger awareness to this fraud. Here, the fraud should

be detectable more so by the CFO or whomever is supervising the accountant on an ongoing

basis.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he asked for

external confirmations from suppliers about the amount the company owes them.

Nevertheless, he cannot ask all the suppliers so they select the most important ones

(regarding the volume of purchase). And if the supplier doesn’t cash in the two checks, there

are possibilities that auditors do not see any irregularity in the external confirmations. What

do you think?

IN4: I agree with this approach.

Page 127: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

127

[Case No. 2]

AA: Please read case no. 2. According to you as an investor, what do you think the

role/behavior of a financial auditor should be in this case?

IN4: The auditor can discuss with the accountant and take it straight to the CEO/CFO if no

valid explanation is found.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would ask the

accountant for an explanation and tell him to modify the records and make the employee sign

a sort of contract in which she say she will reimburse the company. What do you think?

IN4: I think the employee should be fired for stealing…

AA: Please read the second part of the case. How should the financial auditor react

according to you as an investor?

IN4: It is still stealing, as an investor I would want the auditor to record the true amount of the

expense at 800 and deal with the explanation however they see fit; and the company taking

action against the employee would suffice to rectify the situation in my opinion.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he would alarm the

CEO because the internal process is inefficient, and ask the employee to pay back. What do

you think?

IN4: Agree.

[Case No. 3]

AA: Please read case no. 3. What do you think the role/behavior of financial auditors should

be in this fraud case?

IN4: This fraud scheme seems elaborate and well planned and it’s the financial auditors’ job

to report it, whether to the SEC or other regulatory agency.

AA: Are you surprised that it was a journalist that discovered the fraud and not the auditors?

IN4: Yes, however, auditors give a lot of credit to their clients and when provide with fake

papers it’s hard to say how far an auditor must go to uncover such fraud.

Page 128: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

128

AA: Would you sue the auditors for misleading information?

IN4: This was not wrong doing on the auditors’ part, rather on the CEO and his wife.

AA: Should the auditor ensure that all clients/suppliers are real or not?

IN4: I believe cold calling, physical meetings and such should be randomly done to ensure

clients are real. But ALL clients / suppliers is excessive.

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that he should apply

analytical audit procedures (analyze sales’ evolutions, ask for unpaid old sales...) to detect

any irregularities. In this case the CEO cheated on large amounts but if the amount of

fictitious sales is smaller and goes along the growth of the company, he said the fraud is likely

to continue during several years without anyone noticing it. What do you think?

IN4: This is feasible, I am in agreement.

AA: The auditor also said about the previous years that he will try to protect himself from

responsibility by saying they met the entire audit requirements but couldn’t guess the

invoices/transactions were fake. What do you think?

IN4: I would have to agree. If something is so small and regular it may be hard to ascertain

what actually happened.

[Case No. 4]

AA: Please read case no. 4. According to you as an investor, what do you think the role of a

financial auditor should be in this case?

IN4: The accountant clearly should know who the CEO is and have documented this

transaction in writing, with board resolutions signed by a majority of directors etc. the auditor

should alert the company and the company should pursue legal recourse.

AA: Whose responsibility is engaged (the auditor or the company)?

IN4: Both.

Page 129: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

129

AA: Several auditors were interviewed on this case. One of them said that it is the

responsibility of the company to train the employees and make sure they follow the process.

The auditor will mention this to the chief financial officer. What do you think?

IN4: I agree with this.

Page 130: Dauphine KHOY Borie VO – Mémoire prix APDC

130

Entretien n° 5

Profil de l’interlocuteur (IN5) : investisseur individuel français détenant des actions dans des

sociétés cotées sur Alternext.

Notre interlocuteur n’a pas souhaité répondre aux cas proposés. En revanche, il a accepté de

répondre à des questions d’ordre plus général sur le rôle du CAC et de relater son expérience.

AA : Que connaissez-vous me dire sur le rôle du commissaire aux comptes par rapport aux

fraudes ? Pouvez-vous me parler de votre expérience personnelle par rapport à vos divers

investissements ?

IN5 : Je me suis rendu compte tout récemment et à mes dépends des limites de la certification

apportée par les CAC, au moins sur les marchés non règlementés. J’ai en effet « laissé des

plumes » dans la déconfiture récente de Lets Gowex, entreprise espagnole cotée sur Alternext.

L’importance de la fraude et sa durée dans le temps m’ont fait douter de l’absence de

complicité du CAC, mais, après tout, s’il s’en est tenu à une vérification strictement

comptable, et que les comptes, quoiqu’imaginaires, était cohérents...

AA : Pouvez-vous m’en dire plus sur cette affaire ?

IN5 : J’avais acheté des actions Lets Gowex, une entreprise espagnole. Je ne donnerai pas de

détail sur le montant…Il y a des communautés sur internet, où des gens discutent de leurs

investissements. Les dirigeants nous présentaient ça comme un succès merveilleux, on

investit, ils nous ont présenté le nouveau bâtiment à LA flambant neuf. A ce moment là je ne

savais rien, rien !... C’était une start-up qui promettait beaucoup de choses. Brutalement, il y

eu un lanceur d’alerte à Taïwan. Le chiffre d’affaires par personne était immense, et il était

faux. Sur le moment l’entreprise a démenti et trois jours plus tard, ils ont avoué que les

comptes étaient faux. Je suis choqué car il y avait bien des études faites par des personnes qui

ont chapeauté l’introduction en bourse ! Peut être que les dirigeants ont été honnêtes au début

puis qu’ils ont changé, ça je ne sais pas… La femme du dirigeant a aussi participé à tout ça. Il

y avait des personnes liées au directeur, et ils ont bidouillé. La valeur a été multipliée par

quatre ou cinq, l’augmentation a été exponentielle puis…puis du jour au lendemain rien ! J’ai

tout perdu, tout, aujourd’hui ça vaut zéro. On se demande ce que font les CAC dans ce cas.

J’ai déjà vu d’autres histoires pareilles. Ce qui est étonnant, c’est que l’AMF impose des

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pénalités à l’entreprise, mais l’investisseur ne reçoit pas un sou ! Cette histoire m’a mangé

mes bénéfices de l’année.

AA : Aviez-vous des doutes ?

IN5 : Oui, Gowex ne disait rien, c’était un signe. J’y suis resté car il y avait un abattement

fiscal intéressant au bout de deux ans de conservation des titres. Donc je voulais attendre les 2

ans. Il ne restait plus que quelques mois. Bon j’avais des doutes. Les dirigeants ne faisaient

qu’envoyer des mails enthousiastes comme s’ils n’avaient rien d’autre à faire, à propos du

succès de leur entreprise. Maintenant je ne suis que les une ou deux publications sérieuses que

je ne citerai pas. Avec ça, je sais que je ne perds pas ; d’ailleurs je me demande pourquoi est-

ce qu’ils publient ça, ils feraient mieux de le garder pour eux.

AA : Pourriez-vous me donner d’autres exemples de cas de fraude que vous avez vécu ?

IN5 : Loyaltouch, une société d’avocat. Ils avaient un faux chiffre d’affaires, plutôt un

gonflement des résultats donnés aux actionnaires, ce qui revient au même. Ils présentaient des

résultats mirifiques qui étaient faux.

AA : Alors quand vous voulez investir dans une entreprise, est-ce que les rapports du CAC

vous rassurent toujours ?

IN5 : Ça me rassurait avant. Sincèrement, je ne pensais pas qu’on pouvait avoir des comptes

certifiés avec un chiffre d’affaires bidouillé. Je pensais qu’ils avaient les moyens de détecter

les fraudes. Je pensais leur rôle plus fort qu’il n’est. Je n’avais aucune idée et je n’ai pas

grande idée de comment travaille le CAC. Si on présente au CAC un bilan parfait, des pièces

parfaites, personne ne peut rien voir. En même temps, ils ne peuvent pas avoir l’obligation de

chercher la petite bête, surtout dans des petites sociétés. Dans les sociétés du CAC 40, c’est

différent.

AA : Est-ce que vous pensez que la certification des comptes garantit l’exactitude des

comptes d’une entreprise ?

IN5 : Oui c’est ce qu’on pense. Mais je pense qu’il y a un malentendu : pour moi, le mot audit

c’est un mot sérieux, profond. Ca signifie faire une étude en profondeur. C’est sérieux. Ca me

fait penser au mot latin auscultare. Oui, pour moi c’est un examen, une expertise. La plupart

des petits porteurs sont bien loin de connaitre le sujet : ils ne savent pas lire un bilan. Moi non

plus je ne sais pas. Je le regarde avec un comptable, qui me dit en trois secondes si la société

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est rentable ou pas. Les petits porteurs sont amateurs, ils font ça pour le plaisir du jeu. Ils ne

sont pas toujours bien au courant. Bon il y a aussi des gens qui investissent et qui sont dans le

milieu.

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 5

PARTIE 1 REVUE DE LITTERATURE 8

CHAPITRE 1 La relation entre l’auditeur et la détection des fraudes, aujourd’hui et hier 9

Section 1 : Un constat sur la place de l’audit à l’égard des fraudes aujourd’hui 9

1.1. Données de l’ACFE 9

1.2. Le coût de la fraude 10

Section 2 : Historique de l’évolution du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes 12

2.1. Evolution du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes 12

2.1.1. Dans le monde anglo-saxon 13

2.1.2. En France 14

2.2. Des références précoces à l’expectation gap 15

2.3. Evolution des normes d’audit relatives à la fraude au niveau américain, international et français 16

2.3.1. Aux Etats-Unis 16

2.3.2. Au niveau international 18

2.3.3. En France 19

CHAPITRE 2 Un expectation gap qui nuit à la profession 21

Section 1 : L’expectation gap au sein de la relation auditeur investisseur 21

1.1. Introduction de la notion d’expectation gap 21

1.2. Un expectation gap présent dans le domaine de la fraude 22

1.2.1. Le rôle de l’auditeur n’est pas de détecter les fraudes… 22

1.2.2. …et la profession se défend en limitant ses responsabilités 24

1.2.3. Les auditeurs, des personnes influençables ? 26

Section 2 : Propositions faites pour réduire l’expectation gap 28

2.1. Un manque de formation sur les démarches spécifiques à la détection des fraudes 28

2.2. Une alternative à l’approche historique du risque : intégration de la culture d’entreprise 29

2.3. Un meilleur apprentissage universitaire, combiné à la recherche 30

Section 3 : Entretien exploratoire 31

3.1. Méthodologie de l’entretien exploratoire 31

3.2. Résultats de l’entretien exploratoire 32

3.2.1. Qualité de l’audit 32

3.2.2. Audit et contrôle interne 32

3.2.3. Compétence 32

3.2.4. Perception des investisseurs sur les travaux d’audit 33

3.2.5. Communication 34

PARTIE 2 ETUDE EMPIRIQUE 36

CHAPITRE 1 Méthodologie de recherche 37

Section 1 : Sélection des personnes interrogées 37

1.1. Auditeurs 37

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1.2. Investisseurs 37

Section 2 : Modalités des entretiens 38

2.1. Objectif des entretiens 38

2.2. Format des entretiens 38

Section 3 : Présentation des cas de fraude 40

3.1. Cas de fraude posés aux auditeurs 41

3.1.1. Cas 1 : entreprise Anagri 41

3.1.2. Cas 2 : entreprise Loisiria 42

3.1.3. Cas 3 : entreprise Armarine 42

3.1.4. Cas 4 : entreprise Fraudit 43

3.2. Cas de fraude posés aux investisseurs 43

3.2.1. Cas 1 : entreprise Anagri 44

3.2.2. Cas 2 : entreprise Loisiria 45

3.2.3. Cas 3 : entreprise Armarine 46

3.2.4. Cas 4 : entreprise Fraudit 46

CHAPITRE 2 Résultats 47

Section 1 : Présentation des résultats – perceptions des auditeurs et des investisseurs 47

1.1. Comparaison globale de la perception des auditeurs et des investisseurs 47

1.2. Comparaison de la perception des auditeurs et des investisseurs pour chaque cas 51

Section 2 : Analyse des résultats – perceptions des auditeurs et des investisseurs 59

2.1. Analyse du langage et du vocabulaire utilisé 59

2.2. Une vision encore confuse du rôle de l’auditeur dans la détection des fraudes 60

2.2.1. Une vision imprécise du rôle de l’auditeur 61

2.2.2. Octroi de rôles allant au-delà de la fonction d’auditeur 63

2.3. Une reconnaissance des limites de la fonction d’auditeur 64

Section 3 : Présentation et analyse des divergences d’opinion au sein des auditeurs 66

3.1. Présentation des divergences d’opinion entre auditeurs 66

3.2. Analyse des divergences 69

3.2.1. Appréhension de la notion de fraude 69

3.2.2. Détection des fraudes 69

3.2.3. Continuité d’exploitation et révélation au procureur de la République 69

3.2.4. Immixtion dans le travail du client 70

3.2.5. Relation auditeur / investisseur lors des assemblées générales 70

Section 4 : Limites de l’étude 71

CONCLUSION 72

BIBLIOGRAPHIE 74

ANNEXES 79

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LE ROLE DES AUDITEURS DANS LA PREVENTION ET LA DETECTION DES

FRAUDES ET LA PERCEPTION DES INVESTISSEURS

Borie KHOY

Résumé : Le rôle de l’auditeur financier dans la prévention et la détection des fraudes est souvent

remis en cause lors d’affaires financières. Les attentes des utilisateurs des comptes grandissent et de

nombreux auteurs ont montré l’existence d’un expectation gap dans le domaine de la fraude.

L’objectif de notre étude est de confirmer la présence de ce gap, et d’identifier, de manière concrète,

des éléments de perception divergents entre les auditeurs et les investisseurs dans des situations

réelles, ainsi qu’au sein de la catégorie des auditeurs. Pour cela, des cas de fraudes sont soumis à des

auditeurs et à des investisseurs afin de recueillir leur point de vue.

Mots clés : expectation gap, audit, détection des fraudes, comportement de l’auditeur, investisseur

THE ROLE OF AUDITORS IN FRAUD PREVENTION AND DETECTION AND

THE INVESTORS’ PERCEPTION

Borie KHOY

Abstract: The role of the external auditor in fraud prevention and detection is often challenged when

fraud scandals occur. The expectations of the users of financial information have widened and several

authors have demonstrated the existence of a fraud expectation gap. The goal of this study is to

confirm the existence of this gap and to identify concrete elements of perceptions that are diverging

between auditors and investors and within auditors in real situations. To do so, fraud cases have been

submitted to both auditors and investors in order to collect their opinion.

Key words: expectation gap, audit, fraud detection, auditor’s behavior, investor