dans la tourmente au sahel

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VOIX D’AFRIQUE VOIX D’AFRIQUE Chrétiens dans la tourmente au Sahel ISSN 0996-6617 o Le jubilé à Tours et à Mours Le jubilé à Tours et à Mours o Pèlerinage en Tunisie Pèlerinage en Tunisie o J J o, membre associé o, membre associé DOSSIER : Revue des Revue des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) n° 124 septembre 2019 3 n° 124 septembre 2019 3 €

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Page 1: dans la tourmente au Sahel

VOIX D’AFRIQUEVOIX D’AFRIQUE

Chrétiensdans la tourmenteau Sahel

ISSN

099

6-66

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o Le jubilé à Tours et à MoursLe jubilé à Tours et à Mourso Pèlerinage en TunisiePèlerinage en Tunisieo JJo, membre associéo, membre associé

DOSSIER :

Revue des Revue des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) n° 124 septembre 2019 3n° 124 septembre 2019 3 €€

Page 2: dans la tourmente au Sahel

Quand l’horreur n’a plus de nom,

quand la bête a tué l’homme,

seul reste le pardon pour survivre.

Pardonner,

c’est oser encore croire

qu’une lueur d’amour,

qu’un éclat d’humanité

peut traverser,

même furtivement,

l’œil du dernier des tortionnaires.

Pardonner,

c’est oser encore croire

contre toute logique

en l’homme.

Père Clément Forestier, M. Afr.

2

Crédit photos :Voix d’Afrique

Couvertures :Recto : de simples villagessont devenus la proie des terroristesVerso : poème.

p. 3 Appel à la communauté internationaleP. Clément Forestier, M. Afr.

p. 4 Pèlerinage à Tours Voix d’Afrique

A. A. P. B. à Moursp. 6 Mission, rencontre et communion

Voix d’Afrique

Éditorial

Voix d’Afrique

Jubilé 150ème

Sommaire

p. 8 Le jubilé en TunisieP. Patrick Bataille, M. Afr.

Pour septembre 2019, un numéro double :Revue + calendrier

Témoignage

p. 13 Angoisse des chrétiens du Sahel.Voix d’Afrique

p. 16 Vivre malgré tout...P. Nyembo Mabaka Delphin, M. Afr.

DOSSIER : Chrétiens dans la tourmente

p. 26 Jihâd au Sahel.Olivier Hanne et Guilaume Larabi

p. 18 Lettre ouverte aux terroristesSignature volontairement cachée

p. 20 Aimez même vos ennemis...P. Clément Forestier, M. Afr.

p. 19 Appel à la communauté interna-tionnale Mgr Dabiré, évêque de Dori.

p. 22 Jo Le Nigen, membre associé P. Clément Forestier, M. Afr.

Livre

Ouverture du 150ème

Horreur et pardon

VOIX D’AFRIQUE -

Page 3: dans la tourmente au Sahel

Mais « Voix d’Afrique » s’est surtout laisséinterpeller par le cri d’alarme lancé par laConférence Épiscopale Régionale de

l’Afrique de l’Ouest (RECOWA/CERAO), réunie àOuagadougou au mois de mai dernier : « Le Burkinaqui nous a accueillis pour une semaine entière estun pays meurtri, dont les fils et les filles sont vive-ment préoccupés par les attentats et actes terrori-stes qui, depuis quelque temps, sèment la désola-tion et le désarroi au sein des populations, en par-ticulier dans les communautés chrétiennes. »

Si les médias français parlent peu de l’actua-lité tragique du Sahel, le sujet revient régulièrementgrâce à l’ « Opération Barkhane » dans laquelle lesforces militaires françaises sont engagées depuislongtemps déjà. Et pourtant le terrorisme djihadisteest devenu une menace terrible pour toute cetterégion, et à moyen terme pour le monde entier, cardes zones immenses de ces territoires échappentdésormais complètement au contrôle des gouverne-ments en place pour faire le nid des extrémistesmusulmans qui, pour régner, sèment terreur etdésolation.

Pour coller au plus près à la réalité, « Voixd’Afrique » a préféré interroger tous ceux qui vivent

au quotidien le drame, tout spécialement les confrè-res en poste là-bas, des chrétiens, des musulmanssincères, bref tous ceux qui vivent la peur au ventre.

Il ne nous restera plus pour conclure qu’àfaire connaissance avec un « cas spécial » de confrè-re, Jo Le Nigen, qui vient de renouveler à Bry soncontrat avec la Société des Missionnaires d’Afriquepour trois nouvelles années. Bizarre penserontbeaucoup ! Non, tout simplement il est le seul mem-bre associé de la Société des Missionnairesd’Afrique qui, à sa demande, s’est engagé parcontrat renouvelable comme « Membre associé » auservice de l’Afrique.

Mais au cœur de ce numéro, demeurera tou-jours en filigrane cette citation du Cardinal CharlesLavigerie reprise par le P.Delphin Nyembo pour clore sontémoignage sur ses difficultés àprendre des décisions qui expo-sent les confrères au Sahel : « Jeveux des saints, je veux desfous ! »

éditorial :

3

« Je lance un appel à la communauté internationale ! »

Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori (Burkina Faso)

Père Clément Forestier, M. Afr.Directeur de Voix d’Afrique

n° 124 septembre 2019

Alors que les festivités pour célébrer le jubilé des 150 ans de lafondation des Pères Blancs et Sœurs Blanches se poursuivent enFrance (à Mours et à Tours ces derniers temps), nous partironsen Tunisie où s’est rendu Patrick Bataille (Délégué Provincial dusecteur France des Pères Blancs) après les béatifications desmartyrs d’Algérie à Oran (cf. Voix d’Afrique n° 123). Il y a ren-contré nombre de confrères et partage avec nous ses émotionsà la découverte des lieux historiques qu’il n’avait pu qu’imaginerjusqu’alors.

Page 4: dans la tourmente au Sahel

4 VOIX D’AFRIQUE -

Pèlerinage à Tours :berceau de la vocation africainede Mgr Lavigerie

Régulièrement dans l’histoirede la chrétienté la volonté deDieu se transmet à des êtres

d’exception à travers un songe, etcelui qu’a fait le Cardinal Lavigerie,en 1866, alors évêque de Nancy envisite à Tours, sera décisif pour lafondation elle-même des PèresBlancs et Sœurs Blanches.Mgr Baunard, directeur des FacultésCatholiques de Lille, dans la biogra-phie qu’il a consacrée au CardinalLavigerie, relate cet épisode assezsurprenant :

« Mgr Lavigerie a souvent racontéqu’un 11 novembre, fête de Saint

JUBILé - 150èME

Autour de Mgr Aubertin, archevêque de Tours, le groupe des Pères Blancs et Sœurs Blanches venus en pèlerinage

Les célébrations du 150ème anniver-saire de la fondation des Pères Blancsse poursuivent. Le pèlerinage à Toursen la basilique St-Martin, haut lieuhistorique de la ville, nous a rappeléqu’il y a un peu plus de 150 ans leCardinal Lavigerie, alors évêque deNancy, a précisé en ce lieu la vérita-ble dimension de sa vocation.

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5n° 124 septembre 2019

Martin, se trouvant à Tours avecquatre autres évêques pour l’i-nauguration du sanctuaire quidevait s’élever sur l’ancien tom-beau, il s’était endormi le soirdans les pensées que lui avaitinspirées cette journée passéeprès des saintes reliques. Cettenuit il eut un songe. Il lui semblaqu’il était transporté dans unpays inconnu, lointain, où desformes humaines, de figure bis-tre ou noire et de langue barbare,se présentaient à lui… Il gardade ce songe une impression sivive que, vingt ans après, racon-tant ces choses, il les avait enco-re, disait-il, devant les yeux.

Or, quatre jours après, le16 novembre, l’évêque d’Alger,Mgr Pavy, était rappelé à Dieu,laissant vacant le siège de cetteville. Dès le lendemain 17 novem-bre, le Maréchal de Mac-Mahon,gouverneur de l’Algérie qui avaitvu l’évêque de Nancy à l’œuvre,lui écrivait de Compiègne une let-tre où il disait : « En réfléchissantbien, j’ai pensé que je ne pouvaislui proposer (à l’Empereur) uncandidat présentant des condi-tions meilleures pour remplir leposte d’Alger que l’évêque actuelde Nancy. C’est ma convictionintime. »

Mgr Lavigerie avait reçu cettelettre le 18 novembre. Le 19 il yrépondait : « Un évêque catho-lique, Monsieur le Maréchal, nepeut répondre qu’une seule choseà une semblable proposition :j’accepte le douloureux sacrificequi m’est offert ; et si l’Empereurfait appel à mon dévouement, jen’hésiterai pas, quoi qu’il m’encoûte. J’autorise volontiers VotreExcellence à faire connaître maréponse à Sa Majesté. »

Pour commémorer ce« rêve » concrétisé quelque tempsplus tard, Mgr Bernard Aubertin,archevêque de Tours, allait prési-der la messe dominicale devant

une assemblée bien fournie, avecla participation d’une dizaine deMissionnaires d’Afrique et dequatre Sœurs Blanches. Il faut direque Mgr Aubertin a été forméchez les Pères Blancs chez qui il aétudié la théologie et approfondison intuition missionnaire. Aprèss’être adonné à la vie contemplati-ve durant de nombreuses années àl’abbaye de Lérins dont il devien-dra Père Abbé, il s’est retrouvéévêque de Chartres et aujourd’huide Tours. Son enthousiasme mis-sionnaire ne l’a jamais quitté.Voilà quelques extraits de sonhomélie : « Luc nous relate l’envoides disciples en mission. Ce textemet en scène Jésus qui ne tient pasun discours pieux, édifiant, mora-lisant, mais qui une fois encore vadroit au but sans s’encombrer depériphrases : « Je vous envoiecomme des agneaux au milieudes loups ». Cette image aquelque chose d’effrayant quandon se la représente concrète-ment… Une telle mission considé-rée à la lettre paraît inhumaine etpourrait suggérer quelque soup-çon sur l’équilibre de celui quiparle ainsi… Mgr Lavigerie tenaitun même langage lorsqu’au coursde l’envoi de ses premiers mis-sionnaires il les déclarait « Prêtspour le martyre ».

Heureusement cette per-spective ne se matérialisera pastrop souvent, et c’est dans uneambiance décontractée qu’un potde l’amitié va réunir tous ceux quile souhaitaient sur le parvis de labasilique. Le songe du CardinalLavigerie, 150 ans après, donnait àchacun une petite envie d’évasionau-delà des mers et des images degrands espaces africains flottaientdans le regard de beaucoup. Il fautdire que la statue de Saint Martinérigée tout au sommet du dôme dela basilique invite tout un chacun àprendre de la hauteur pour imagi-ner des horizons lointains. Il est sibon de rêver!

Voix d’Afrique

La statue de St Martin surmonte la coupole de l’édifice.

Le tombeau de St Martin dans la crypte de la basilique.

Mgr Aubertin, archevêque de Tours,prononce l’homélie du pèlerinage.

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VOIX D’AFRIQUE -

En ce mois de mai qui nousrapproche de l’été, le vertaudacieux des prairies

jalonne notre route à l’approchede la Maison des Pères Blancs àMours où sont attendues près de150 personnes pour fêter le150ème anniversaire de la fonda-tion des Missionnaires d’Afrique.Bien plus qu’une vaste maison,c’est un lieu de rassemblement quise dresse telle une forteresse pourtémoigner hier comme aujour-d’hui d’un souhait cher auCardinal Lavigerie : la rencontreentre l’Afrique et le reste dumonde au nom de l’Évangile.

La fraîcheur du petit matinencourage les vaillants bénévolesAAPB à installer les tables et lesbarnums qui préserveront les invi-tés de la pluie comme du soleil. Àcette heure matinale, la maisondes Pères Blancs paraît pourtantencore endormie, étrangère à cettefièvre qui agite le parc pour quetout soit prêt à l’heure. Les fleurssauvages cueillies au petit matins’invitent sur les tables pour rap-peler à leurs futurs convives labeauté du moment présent.

La chapelle est comble pourprier une eucharistie centrée, celava de soi, sur les charismes PèresBlancs : la mission, la rencontre etla communion. Mgr StanislasLalanne, évêque de Pontoise, laprésidera, secondé par le PèreClaude Rault, évêque émérite duSahara accompagné du PèreAndré Ferré, œuvrant toujours enTunisie. L’homélie, toujoursannonciatrice d’un jour nouveau,n’aura de cesse de rappeler quedepuis 150 ans c’est bien un« temps nouveau » qui s’est levésur l’Afrique grâce à l’action desPères Blancs. Et leur hymne« Sancta Maria » à la sortie prépa-rera tous les participants à appré-

L’AAPB célèbre le 150ème anniversaire

Mission, rencontre et communion

L’Association des Amis des Pères Blancs(AAPB) a tenu elle aussi à célébrer le 150ème

anniversaire de la fondation des Missionnairesd’Afrique. D’abord à Mours, au Nord de Paris,puis à Ste-Foy-lès-Lyon. Depuis de nombreusesannées elle œuvre en France pour aider les PèresBlancs à rendre l’évangile crédible à travers tou-tes sortes d’œuvres de développement au servicede la promotion de tout l’homme. Ils saventdepuis leurs origines qu’évangélisation ne peutrythmer qu’avec amour de l’Autre.

Vitrail centralde la chapelle de Mours

Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, durant son homélie.

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cier le pot de l’amitié suivi d’unexcellent repas partagé entre lesdifférentes communautés présen-tes : les Sœurs Missionnaires deNotre-Dame d’Afrique, les PèresBlancs, la délégation des chrétiensBurkinabé, ainsi que la famillediocésaine de Pontoise, les Amisdes Pères Blancs et nombre desympathisants.

La journée peut alors suivre soncours ponctuée de deux tempsforts en la chapelle même pour desraisons pratiques. Une premièreconférence va relater l’historiquede la Villa de Mours bien avantl’arrivée des Pères Blancs, par le P.François Richard, archiviste enFrance. Quant à la seconde, c’estl’historique et le rôle del’Association des Amis des PèresBlancs qui sera au cœur desdébats, animés par Bruno Dupuy.Le président de l’association enrappelle l’origine au sein mêmedes membres des familles des mis-sionnaires. Ces derniers étaientempreints d’une si « grande fer-veur » qu’elle a pu être transmise àleurs proches à travers leurs récitsde voyage. C’est en 1958 que cesmembres des familles des PèresBlancs s’organiseront dans un pre-mier temps en « Comitéd’Assistance aux Pères Blancs ».Son soutien ne faiblira jamais toutau long des années jusqu’à la nais-sance de plusieurs associations enFrance : Angers, Carcassonne,Lille, Lyon, Marseille, Strasbourg,Nantes, Paris, et enfin, Toulouse.Leur enthousiasme aidera ce grainde sénevé à germer.

Aujourd’hui, la présence activedes AAPB œuvrant dans le domai-ne humanitaire, éducatif et pasto-ral, participe à l’élaboration d’unédifice commun pour renforcerl’esprit missionnaire des PèresBlancs. Ainsi, dans son discours,Bruno Dupuy, nous rappelle avecenthousiasme, l’étendue de l’œu-vre des Pères Blancs soutenus encela par les AAPB: « Ils ont axé

leur priorité sur ledéveloppement de lapersonne humaine :conditions de vie,santé, formation,découverte de JésusChrist, tout enrespectant la culturede chaque peuple.Même s’ils ont fondéaussi des petits sémi-naires, ils ont créé enpriorité les premièresécoles secondairesqui formeront unegrande majorité del’élite politique ducontinent. En mêmetemps ils ont dévelop-pé de nombreusesœuvres sociales dansles domaines de lasanté, de l’hygiène, de la promo-tion de la femme, dans l’agricultu-re avec notamment l’installationde l’eau potable par captage desources et la création de coopéra-tives agricoles… ». Bruno Dupuyconclura : « Et voilà que le rêve deMonseigneur Lavigerie se réalise:l’autonomie de l’Église d’Afriquegrâce à la fondation des PèresBlancs et Sœurs blanches ».

Telle est aujourd’hui commehier la tâche des AAPB: permettrematériellement aux Pères Blancset Sœurs Blanches de semer enAfrique d’autres grains de séne-vé…

Laura PegazSecrétaire des AAPB

P. Yves Masquelier, aumônier des AAPB,P. Patrick Bataille, Responsable des P. B. deFrance, Mgr Claude Rault, évêque émérite du

Sahara, et Mgr Stanislas Lalanne.

Mme Francine Guibert, Présidente de l’AAPB.

Ce jour-là, la chapelle de Mours était comble.

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Ouverture du 150ème anniversaire à Tunis

VOIX D’AFRIQUE -

Au lendemain de la béatifi-cation des martyrsd’Algérie à Oran, c’est en

Tunisie que Pères Blancs et SœursBlanches nous nous sommes ras-semblés pour fêter nos 150 ansd’existence missionnaire active.

Si les festivités en Algérieexprimaient la reconnaissance parl’Église et le peuple d’Algérie dutravail humble et caché des chré-tiens de différentes familles etCongrégations qui ont œuvrédepuis un siècle et demi - la fouleinternationale présentée sur lachaîne de télévision catholiquefrançaise, KTO, en a démontré l’u-niversalité - à Tunis, par contre,nous étions “en famille”.

Sur les lieux saints de la Tunisie

C’est donc dans une ambian-ce toute fraternelle que nous noussommes rencontrés, avec à peuprès autant de Sœurs Blanches quede Pères Blancs venus de toutesles Provinces et régions où noussommes présents dans le monde,ainsi que des représentantes desCongrégations féminines fondéespar les Sœurs Blanches.

Mgr Desfarges, archevêqued’Alger, était aussi des nôtres, ettout cela pour un pèlerinage sur leslieux saints de Tunisie tout autantque sur les lieux très chers à lamémoire des Pères Blancs et des

Sœurs Blanches. L’ombre de nosprédécesseurs n’allait plus nousquitter.

Monastère Charles de Foucauld

Le premier soir, notre petitgroupe arrivé directement d’Algers’est rendu à la « Marsa » où unequinzaine de chambres nous atten-daient au Monastère Charles deFoucauld. Ainsi avons-nous étéplongés immédiatement dans lesouvenir puisque c’est dans ce lieumême que Mgr Lavigerie a fixé,en avril 1880, son premier pied-à-terre en achetant la villa d’un den-tiste nommé Odo avant de faireconstruire, en 1882, sur un terrain

Après son témoignage dans le dernier numéro de « Voixd’Afrique » sur les « Béatifications à Oran » auxquelles il avait eu lachance d’assister, le P. Patrick Bataille, responsable des Pères Blancsdu secteur France, poursuit son témoignage sur la suite de son voyageen Tunisie, à l’occasion de l’ouverture du 150ème anniversaire sur lestraces des pionniers de la Société des Missionnaires d’Afrique.

Témoignage

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n° 124 septembre 20199

adjacent un bâtiment plus impor-tant qui deviendra sa résidenceépiscopale (l’Archevêché) avantd’abriter le petit séminaire diocé-sain.

Logés près de l’ancien petit séminaire

Le lendemain, avec ceux quilogeaient ailleurs et qui nousavaient rejoints, nous avons com-mencé officiellement notre pèleri-nage en nous recueillant dans lachapelle de l’ancien petit séminai-re blottie au cœur d’une bâtisseimposante qui allait nous assurerpour toute la durée de notre séjourtoit et couvert.

La chapelle LavigerieÀ la chapelle Lavigerie, toute

proche - dans laquelle nous n’a-vons pas manqué de remarquerque le vitrail de gauche représen-tant Saint Cyprien avait les traitsmême de Mgr Lavigerie - nousnous sommes rappelé les citationsdu Pape François : « Regarder lepassé avec gratitude » et« Cueillir l’étincelle créatricedans la lecture du passé ».

Inconsciemment, c’est la gra-titude et l’action de grâce quiallaient emplir nos cœurs tout aulong de notre pèlerinage, extériori-sées à travers la joie et la bonnehumeur qui régnaient entre nous.

C’est en bus que nous som-mes alors partis sur les traces denos « ancêtres ». Un livret explica-tif, fabriqué par un groupe qui afait un travail remarquable, a étéremis à chacun pour mieux com-prendre les différentes étapes quenous allions vivre.

Sur les vestiges des premiers martyrs chrétiens

Je retiens entre autres la plan-tation des vignes autour de

l’Archevêché, et surtout le magni-fique travail du Père Delattre qui,à partir de 1875, a contribué àfaire réapparaître les vestiges despremiers martyrs chrétiens tout endémontrant la vitalité de l’Église àcette époque-là.

CarthageCela nous a conduits à l’am-

phithéâtre de Carthage, lieu dumartyre des Saintes Perpétue etFélicité et de leurs compagnons.C’était émouvant, d’abord par labeauté et la majesté des lieux bienconservés, ensuite par la possibili-té qu’on nous a accordée d’accé-der à la salle souterraine où sontsauvegardés les vestiges de l’é-poque.

En errant ensuite dans lesgradins durant un long temps desilence et de recueillement, nousnous sommes laissés imprégner

par tout ce passé à jamais marquépar la foi et le martyre de ces pre-miers chrétiens.

L’ancien noviciat des Sœurs Blanches

Parmi les nombreuses anec-dotes entendues, je retiendrai l’ins-tallation du noviciat des SœursBlanches en 1887. Lavigerie en abéni la chapelle « sans aucunapparat, sans même convier lesPères Blancs, … afin de constaterque l’œuvre qui se fera ici seral’œuvre de Dieu et non celle deshommes ». Puis quelques moisplus tard, il ajoutera : « Vous êtesici sur les ruines de Carthage, surune terre sainte dont on peut direque toutes les pierres ont été tein-tées du sang des martyrs. C’est icique deux grandes saintes, SaintePerpétue et sainte Félicité, ontsouffert tous les tourments pour leChrist. Africaines toutes les deux

Près de l’ancienne résidence épis-copale le Cardinal Lavigerie avaitfait construire une petite chapelledans laquelle il célébrait l’eucha-ristie quotidienne. Dans cette cha-pelle le vitrail le St Cyprien a prisles traits du Cardinal

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mais de condition diverse, l’uneesclave et l’autre patricienne, ellesétaient étroitement unies par lamême foi, par le même courage,par la même soif de dévouement etde sacrifice, par la même mort glo-rieuse ». D’entendre ces mots surles lieux mêmes où ces évènementss’étaient déroulés était émouvanttout en nous rendant tous plus pro-ches du Cardinal.

L’AcropoliumArrivés ensuite sur l’esplana-

de de la Primatiale transformée enespace culturel et renommée«Acropolium» d’où nous avionsune vue imprenable sur Carthage,Tunis et la mer, nous avons puapercevoir l’ancien séminaire desPères Blancs face à la mer, grandebâtisse imposante de style oriental,toute blanche, celle-là même qui aaccueilli et formé des centaines deconfrères, de quoi faire vibreraussi mon cœur.

L’ancien collège des Sœurs Blanches

Et puis ce fut la visite de l’an-cien collège des Sœurs Blanchesde 1925 à 1966. Malgré le nombrede visiteurs que nous étions, il fautsouligner l’accueil chaleureux des

responsables et des élèves à l’inté-rieur de ce qui est devenu une sim-ple école. La joie des quelquesSœurs qui avaient été formées ences lieux a été partagée par tous.

La chapelle Ste MoniqueNous avons été tout aussi bien

accueillis à l’université pour visiterla chapelle Ste Monique, transfor-mée aujourd’hui en salle de confé-rences. Les vitraux sont toujoursintacts, et une sœur de notre groupe,la sœur Josette, a vite été entouréepar un petit groupe d’élèves dont lesmamans avaient été formées autre-fois par elle. Inutile de dire que cefut pour tous un moment d’échangeet de joie: nous n’étions plus tout àfait des étrangers!

Le cimetièreLe soir venu, dans un coucher

de soleil radieux, le cimetière nous

a tous plongés dans le souvenirmais surtout dans cet esprit decommunion profonde avec ceuxqui nous ont montré le chemin.Une petite lampe allumée a étéalors déposée sur chaque tombe enun geste de reconnaissance : lacontinuité est assurée.L’eucharistie pouvait alors clôtu-rer cette magnifique journée !

ThibarLe lendemain nous sommes

partis pour Thibar. Au ScolasticatSainte Croix, devenu depuis uneécole d’agriculture, l’accueil a étélà aussi extraordinaire ; mais mal-heureusement la pluie nous aempêchés de sortir, et malgré laprojection d’un film retraçantl’historique des lieux, nous n’a-vons pas vu grand-chose de l’ex-tension de la propriété.

VOIX D’AFRIQUE -

L’amphithéâtre de Carthage, lieudu martyre des Saintes Perpétueet Félicité et de leurs compa-gnons.

L’IBLA est une maison d'études etde recherche fondée par les PèresBlancs pour faire connaître la lan-

gue et la culture arabes.

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L’ouvroirÀ la visite de l’Ouvroir, cen-

tre de formation agricole fémininetenu par les sœurs, l’ambiance estrevenue très vite grâce à la visitedes caves où nous avons pu dégus-ter la liqueur Thibarine, élaboréepar les Pères Blancs à l’époque.De magnifiques meubles fabriquéspar les Frères habillent toujoursles murs ; ainsi avons-nous pu tou-cher du doigt l’immensité de leurtravail et la qualité de leur savoir-faire

Le temps du jubilé à l’IBLALes derniers jours allaient

nous aider à entrer dans le tempsdu Jubilé. Dès le samedi 15 nousnous sommes retrouvés à l’IBLA,« Institut des Belles-LettresArabes » au centre de Tunis, dansun quartier traditionnel où lesPères ont tissé des liens d’amitiésolides avec la population locale.Nous avons admiré la grande éru-dition de nombre de nos confrèresqui se sont donnés entièrement àl’étude du Coran et au dialogueIslamo-chrétien.

La visite de la Médina qui asuivi introduisait avantageusementles conférences de l’après-midi.Toutes nous ont plus ou moinsreplongés dans l’esprit des célé-brations que nous venions de vivreà Oran. Le sommet de la journée aété la célébration de la messe jubi-laire par Mgr Desfarges, arche-vêque d’Alger, dans la chapelle dela Marsa, animée par une choraled’Afrique noire. Leurs danses etleurs youyous ont vraiment donnéun air de fête et de joie missionnai-res à toute la célébration.

ConclusionLe dimanche 16 a clôturé

magnifiquement notre pèlerinage.Après la messe solennelle en lacathédrale de Tunis présidée parl’Archevêque de Tunis IlarioAntoniazzi, un buffet festif sous lacathédrale nous a permis de ren-contrer nombre de paroissiens, letout dans une ambiance joyeuse etbon enfant. C’est la même ambian-ce qui nous a accompagnés l’après-midi pour notre deuxième visite àl’« Acropolium » de Carthage, car

la première fois nous n’avions puvisiter l’intérieur. C’est un endroitabsolument fabuleux, très bienconservé, avec de magnifiquespeintures orientales. En bons PèresBlancs, nous avons constaté à quelpoint le Cardinal Lavigerie y étaitomniprésent avec notamment sonécusson comme vitrail ainsi que lamise en valeur du siège qu’il occu-pait. On ne pouvait pas non plus nepas nous souvenir que c’est sousces dalles qu’a reposé, de 1892 à1964, la dépouille mortelle duCardinal Lavigerie. Un concertinterculturel africain, très profes-sionnel, aux voix de toute beauté,clôturait le pèlerinage.

On comprend mieux alorspourquoi peu d’entre nous ont pudormir ensuite tellement leuresprit était agité d’images et desentiments divers. Au matin cha-cun pouvait alors retourner chezsoi, heureux de ces quelques joursmerveilleux. Rendez-vous dans 50ans ! »

P. Patrick Bataille M. Afr.

VOIX D’AFRIQUE - n° 124 septembre 2019 11

L’Acropolium de Carthage est l’ancienne Cathédrale Saint Louis. La cathédrale était devenue primatialed'Afrique lorsque le titre de primat d'Afrique fut restauré au profit du Cardinal Lavigerie. À sa mort, le CardinalLavigerie y a été inhumé et un monument funéraire élevé en sa mémoire. (Son corps repose aujourd'hui dansla crypte de la Maison Généralice à Rome.) Le monument, désaffecté pour le culte, est connu depuis 1993 sousle nom d'Acropolium comme un lieu culturel accueillant rencontres, expositions ou concerts.

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122 VOIX D’AFRIQUE -

Chrétiensdans la tourmenteau Sahel

La Province d’Afrique de l’Ouest (PAO) englobe la quasi-totalitédu Sahel, avec notamment la Mauritanie, le Mali, le BurkinaFaso et le Niger. C’est dans cet immense territoire que sévis-sent des groupes d’extrémistes musulmans appelés Djihadistes,ainsi que Boko Haram, une de leurs branches active principale-ment au Nigéria avec des ramifications au Tchad et au Niger.Dans cette immense étendue dite du Sahel, depuis plus d’un siè-cle déjà, ce sont les Pères Blancs principalement qui ont implantél’évangile. Aujourd’hui ils sont confrontés chaque jour et partoutau terrorisme aveugle. Ils témoignent avec d’autres victimes deleurs difficultés, de leurs peurs, des risques personnels qu’ilsencourent, des nombreux problèmes de conscience qui se posentà eux, des choix douloureux qu’ils ont à prendre, de leurs dif-ficultés voire de leur impossibilité à vivre leurs croyances, dessouffrances des populations avec lesquelles ils font corps depuistoujours, de leurs désespérances comme de leurs espérances, etpar-dessus tout de leur foi qui les porte et les soutient… Pourdes raisons sécuritaires, leurs noms ne sont pas souvent cités ;mais il n’en reste pas moins vrai que leur vécu nous plonge toutautant au cœur de la tragédie que vit le Sahel depuis trop long-temps que dans le secret des victimes qui ne cachent pas leursouffrance ni leur désarroi.

DOSSIER :

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Que s’est-il passé à Dablo,et ailleurs?Peu de personnes en Europe

savent ce qui s’est passé le diman-che 12 mai à 9 heures du matindans la ville de Dablo, au nord duBurkina Faso : plus de 50 « per-sonnes non identifiées et lourde-ment armées », montées sur 27motos, sont arrivées à toute vites-se. Un groupe d’entre eux a brûlédeux maquis (bars), un autre a misle feu à l’ambulance du dispensai-re et volé les médicaments ; le

reste s’est rendu à l’église et l’aencerclée.

La messe venait juste de com-mencer et les terroristes ont toutd’abord tiré en l’air. Les gens s’en-fuyaient comme ils le pouvaient ;

alors ces terroristes sont entrés etont fermé les portes, en exigeantde chacun de ne pas bouger. Ils ontvolé ce que les gens portaient sureux et cherché les responsables del’église. Le jeune prêtre SiméonNiampá a eu le courage de cacherles servants de messe sous l’autelet a tenté de fuir par la sacristie ;mais ils l’ont vu et ils l’ont abattuà quelque 50 m de là.

Ensuite, dehors, les terroristesont fait allonger par terre les cinqautres responsables et les ont tuésà bout portant ; parmi eux se trou-vait celui qui jouait du tam-tamainsi que le jeune chef scout de 23ans. Avant de partir, ils ont brûléles livres de la chorale et tiré sur letabernacle.

Cette barbarie ne date pasd’hier. Depuis 2015 déjà, gendar-

13n° 124 septembre 2019

Dans un village, maisons incendiées par un groupe de terroristes djihadistes.

Le point sur les destinations plus ou moins déconseillées au Sahel.

Terrorisme au Sahel

L’angoisse des chrétiens du Sahel

La communauté catholique pleureses morts au Burkina Faso.

Plusieurs attaques ont fait des vic-times dans le nord du pays. La pre-mière, survenue lors d'une messe àDablo, a coûté la vie à six chrétiensdont un prêtre. Alors que l'inquiétu-de gagne les croyants, responsa-bles politiques et religieux appel-lent à ne pas céder à la division.

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14 VOIX D’AFRIQUE -

mes, policiers et bâtiments d’écoleavaient subi les premières attaquesd’islamistes dans la région duSahel. En 2016, le groupe djiha-diste « Ansarul Islam » a revendi-

qué plusieurs offensives mortellescontre l’armée. En 2017 il y avaiteu de nombreuses agressions etdes victimes. Mais ce n’est pascomparable avec ce qui s’est passédepuis 2018. Après Djibo, lesactes terroristes se sont déplacésvers Aribinda puis progressé versDori. Des groupes d’autodéfensese sont constitués entraînant aprèsNoël des représailles qui ont pro-voqué près de 200 victimes.

Conséquences dramatiquespour la populationTous ces raids ont semé la pani-

que dans les populations qui ontfui en abandonnant leurs villages.Les gens se sont réfugiés dans lesvillages protégés par des gendar-mes, créant des problèmes huma-nitaires compliqués.

Si un catéchiste et un pasteurprotestant ont été kidnappés l’andernier, cette année, en mars, c’estle curé de la paroisse de Djibo,

l’abbé Joël, qui a été enlevé alorsqu’il venait de visiter un village eton n’a plus aucune nouvelle de lui.Plus de 2000 écoles et collèges duSahel sont fermés car les ensei-

gnants se sont enfuis craignant desincursions. En effet les terroristesne veulent pas que le français soitenseigné ; pour eux les enfantsdoivent apprendre l’arabe et leCoran. Mais est-ce possible de for-cer toute une population à seconvertir à l’islam?

Le terrorisme a ouvert un nou-veau front depuis le VendrediSaint en attaquant des églises. Cejour-là, ils sont entrés dans la cha-pelle de Djika, un village proched’Aribinda, pleine de gens venuspour prier le Chemin de Croix.Après avoir expulsé tout le monde,les terroristes ont tiré sur les cinqhommes qui restaient et les onttous tués. Avant de partir ils ontincendié une école en construc-tion. Deux semaines plus tard, lesprotestants subirent eux aussi unenouvelle attaque faisant 6 morts.Deux jours plus tard on comptaitquatre morts parmi les hommesqui transportaient une image de laVierge, près de Baam. Et le

26 mai, dans un village de larégion de Ouahigouya, une nou-velle attaque dans une église acoûté la vie à quatre fidèles, dontle catéchiste.

Conséquences dramatiquespour les populations chrétiennesDonc la situation dans le Sahel

burkinabé est triste tout autantpour les communautés chrétien-nes que pour les non chrétiennes :les villages se sont vidés oupresque, car les gens ont pris lafuite.

La paroisse d’Aribinda, serviepar les Missionnaires d’Afrique, adû être fermée et les pères sontpartis ainsi que les religieuses deNotre Dame du Lac qui tenaientun petit centre de santé (PMI). Ilen a été de même à la paroisse deGorgaji. Les autres paroisses dudiocèse de Dori tournent au ralentiet le travail pastoral se limite auxCentres car personne n’ose s’aven-turer sur des routes devenues tropdangereuses.

Il faut que le monde entier sachequ’au Sahel nous avons désormaisde nouveaux martyrs : la vingtainede chrétiens tués alors qu’ilsétaient en prière. Et parmi eux,deux prêtres, un Salésien espagnolet un abbé burkinabé. « Puissent-ils intercéder pour nous ! »

Situation très difficile à AribindaÀ Aribinda, en raison des nom-

breuses offensives perpétrées parles forces terroristes sur différentsvillages de la région, les popula-tions se sont mises là aussi sous laprotection de la gendarmerie, aban-donnant leurs quelques biens, mai-sons, vivres, bétail… Tous les caté-chistes des villages où existaientdes Communautés Chrétiennes de

C’est d’abord et avant tout l’Église que les terroristes cherchent à atta-quer. Au Burkina Faso, les chrétiens, locaux ou étrangers, catholiquesou protestants, sont devenus une cible : en témoignent les multiples

attaques, enlèvements, intimidations que ceux-ci subissent.

Terrorisme au Sahel

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15n° 124 septembre 2019

Base (CCB) se sont réfugiés euxaussi à Aribinda. C’est ainsi que,ces derniers temps, la populationde la ville a plus que doublé. Selonun recensement fait par la mairied’Aribinda le 3 février, il y avaitalors 12000 réfugiés ; mais depuislors il faut compter chaque jourquelque 250 personnes supplé-mentaires ; selon les statistiques dudispensaire, plus de 300 femmesenceintes et 3000 enfants se trou-vent parmi eux… On devine alorsles difficultés d’une telle situation ;il n’y a plus d’administration ; ellea fui. Ne restent sur place que lesautorités coutumières et religieusesavec la gendarmerie. Le CentreMissionnaire d’Accueil (CMA)d’Aribinda est débordé. Dans lesvillages alentour, le bétail a étépillé et les récoltes incendiées…Les extrémistes procèdent à desécoutes téléphoniques et ciblentceux qui dénoncent une telle situa-tion… d’où le silence total sur cequi se passe !

Des violences devenuesinterethniques.Le plus grave c’est que ces vio-

lences sont devenues intereth-niques : les Mossis et Foulse d’uncôté qui fuient leurs villages et del’autre les Peulhs qui prennent pos-session de ces mêmes villages… Ilfaut remonter plus loin dans letemps pour trouver les raisons deces conflits, provoqués et exacer-bés volontairement par les djiha-distes : retour de bâton des injusti-ces subies par les Peuhls autrefoispour des raisons socioculturelles etéconomiques, oppression par lesforces de l’ordre, discriminations,moqueries interethniques, et mêmeexacerbation de la haine par le rap-pel historique de la structure mêmede la culture peulh : les nobles, lesguerriers, les « rimaïbès » anciensesclaves…; à cela s’ajoute, dansun passé beaucoup plus récent,l’esprit de vengeance pour l’assas-sinat des ascendants directs de tousbords par les forces de l’ordre.Alors les enfants partent au Mali

pour se procurer des armes, se for-mer et revenir pour venger leursmorts ; pour se financer, ils pillentle bétail ; mais cela ne suffit pas àexpliquer la provenance de toutl’argent ! Disons qu’à partAribinda en raison de la présencede la Gendarmerie, les terroristessont les maîtres de l’ensemble dela région. Aribinda est ainsi deve-nu le point le plus ‘chaud’du Faso,alors que c’est la ville quiaccueille le plus de réfugiés.Même les équipes des télévisionsnationales et étrangères n’osentpas s’aventurer jusque là-bas.

Seul point positif si l’on osedire, Aribinda a reçu en 2018 uneaide consistante de l’État et unecentaine de gendarmes y ont étédéployés ce qui a transformé cetteville en un sanctuaire sécurisé.C’est pourquoi, alors que des cen-taines d’écoles ont dû fermerdepuis janvier dans tout le Nord, àAribinda, tant bien que mal, leLycée, le CEG et les écoles ou-vrent toujours leurs portes aux élè-ves.

« Pas facile de vivre sa vocation missionnaire…»Un missionnaire qui était à

Aribinda mais a dû lui aussi seréfugier ailleurs témoigne : « Nous,les pasteurs, nous partageons lessouffrances des populations aveclesquelles nous vivons. Le couvre-feu dans la ville d’Aribinda et danstoute l’étendue de la contrée a étéimposé, ce qui nous a obligés àrester dans les bâtiments de laparoisse. On ne peut même plusaller saluer les gens. Nous avonsdû prendre un gardien 24 heuressur 24. Peu à peu, les tournéesdans les villages se sont faites

rares jusqu’àêtre par la forcedes choses abandon-nées. Notre pastorale adû en tirer les conséquen-ces. Beaucoup de sentimentsd’incompréhension et même decolère contre ceux qui sont à l’ori-gine de ces violences se font res-sentir partout, et pas seulementchez les chrétiens. Finalement, aulieu de nous rendre dans les diffé-rents villages, nous avons été ame-nés à accueillir les réfugiés surplace en cherchant à satisfairetous leurs besoins primaires desurvie : l’eau, la nourriture, lestentes, le sanitaire. »

En conclusion, citons ces deuxpropositions d’un missionnaire luiaussi réfugié et qui formule deuxsouhaits :

« Premièrement, que lesOccidentaux de bonne volontén’oublient pas les réfugiés duSahel et que, par le biais de pro-jets de développement et le travaildes associations continuent à sou-tenir la population en dehors detoute religion. Les terroristes veu-lent provoquer la guerre entremusulmans et chrétiens. Ils negagneront pas car nous tous conti-nuerons de travailler en faveur dudialogue et de la cohésion sociale.

Ensuite que nous cultivions lapaix « don que nous devonsdemander à Dieu » comme ditMgr Philippe, le Cardinal arche-vêque de Ouagadougou: paix dansles familles et paix dans la sociétédans cette magnifique région. »

L’abbé Joël Yougbaré, le 16 mars,curé de la paroisse de Djigbo, a été

enlevé par des individus armés.Un peu plus d’un mois plus tôt, le

père César Fernández, missionnairesalésien, avait été tué lors d’une

attaque djihadiste dans le centre-estdu Burkina.

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Terrorisme au Sahel

16 VOIX D’AFRIQUE -

Vivre malgré tout sa vie missionnaire« J’ai peur quand je suis seul… »En tant que responsables, quels

sont nos sentiments lorsque noussommes appelés à répondre à desinvitations dans des périphériesexistentielles où règne l’insécuri-té ? L’appel à la rencontre de l’au-tre demeurera toujours un défi àaccueillir avec humilité. Il est vraique la rencontre nous fascine,mais, parfois, nous surprend, etnous questionne.

Les événements de ces dernierstemps dans notre région nous amè-nent à nous poser beaucoup dequestions et à se dire que certainsconfrères vivent des situations oùse mêlent la peur de l’inconnu, lapeur de l’autre et des fanatismes.D’autres vivent avec le sentimentd’être abandonnés, d’autres encoreavec la peur au ventre chaque foisqu’arrive la mauvaise nouvelled’attentats à proximité. Nousentendons leurs angoisses tellesque : « J’ai peur quand je suisseul », ou encore « Aujourd’hui aété une journée traumatisante ».Un minimum de paix est unenécessité pour vivre aujourd’hui lamission de l’Église. La paix dansle monde et en particulier dans lesrégions où nous exerçons notreministère est vraiment une grâce àdemander.

« Culpabiliser, alors qu’il n’y a pas le choix… »Accepter de rejoindre des

régions dangereuses c’est accepterde vivre parfois des situations trau-matisantes, et même de culpabili-ser quand, pour des raisons impé-ratives de sécurité, nous obligeonsdes confrères à partir tout en lais-sant derrière eux des communautéschrétiennes sans pasteur. La peur

Carte de «vigilance terrorisme» au Burkina Faso : Voici la nouvelle carteque le ministère des affaires étrangères français envoie aux expatriés.

La zone rouge s'est élargie à l'est surtout.

Les Peuhls sont essentiellement des éleveurs et s’ils commencent à sesédentariser, ils sont encore bien souvent en transhumance.

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est un mécanisme de défense quise manifeste souvent par le retraitstratégique, ou la fuite pure et sim-ple.

Accepter de vivre dans lesrégions insécurisées, c’est consen-tir également à se sentir impuis-

sant face à une tragédie qui évoluetous les jours. « Combien de tempscette situation durera-t-elle? », sedemandent certains. « Faut-il lais-ser des confrères continuer leurapostolat dans des zones àrisque? Faut-il leur demander dese replier pour quelque temps? ».

Nous com-prenons mieuxce qu’éprouve unévêque obligé, par lesévènements, de deman-der à ses prêtres de partirailleurs !

Face à toutes ces tragédies rap-portées par les médias et qui sesoldent par un grand nombre demorts et de blessés, c’est la ques-tion de la dignité humaine et durespect de l’autre qui priment.

« Je veux des saints, je veux des fous… »

Le Cardinal Charles Lavigerie,notre fondateur, disait, à ce pro-pos : « Je veux des saints, je veuxdes fous ! ». Si nous sommes dessaints, je n’en sais rien, mais desfous, oui certainement.

P. Nyembo Mabaka Delphin,Assistant Provincial de la PAO.

VOIX D’AFRIQUE - n° 124 septembre 2019 17

À Aribinda, les populations environnantes se sont mises sous la protection de la gendarmerie, abandonnantleurs quelques biens, maisons, vivres, bétail…Le Centre Missionnaire d’Accueil d’Aribinda est débordé.

Quand tout est paisible, vivre au village est agréable !

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18 VOIX D’AFRIQUE -

J e suis musulman pratiquant, né d’un père songhaï de Gao au Mali et d’unemère peuhl de Thiou au nord du Burkina Faso. Durant mon adolescence, àKoumassi progrès, il y avait une église du nom de St François d’Assise où

des salésiens pendant les vacances encadraient tous les jeunes du quartier. J’aiconnu Père Franco, Père César et bien d’autres.

On jouait à la paroisse à des activités socioculturelles telles que des tournoisde football, un marathon et des cours de vacances étaient chaque fois organisés.Ainsi J’ai pu lire plus d’une centaine d’œuvres littéraires grâce à la bibliothèque decette paroisse. Les petits musulmans du quartier que nous étions étaient en parfaiteharmonie avec les chrétiens de l’église. Mes meilleurs amis étaient des garçons etdes filles “Cœurs vaillants-Âmes vaillantes”.

Aux heures de prière, nous, les musulmans, on nous autorisait à prendre nosablutions et faire nos “rakats” dans un coin aménagé au sein de l’église.Aujourd’hui il existe même le Centre Don Bosco où tous les jeunes de toutes les reli-gions vont pour un encadrement à tous les niveaux. Comme moi, il y en a beaucoupà être d’une autre confession religieuse mais vivant en parfaite harmonie avec lesautres religions.

J’oubliais… en ce mois de ramadan, dans notre “grin” à Somgande, à l’heurede la rupture de jeûne, le jus de gingembre était apporté par deux chrétiens, unmusulman apportait les galettes ; deux autres musulmans préparaient le thé et unautre chrétien, “mon esclave”1°, aimait se charger d’apporter l’eau glacée. Justepour dire que nous faisons notre rupture de jeûne entre chrétiens et musulmanspour ne pas dire en famille.

Tout cela, pour dire à ces terroristes qui ont sauvagement assassiné le PèreNiampa et cinq de ses fidèles et mis le feu à leur église que je peux leur assurer que,comme toutes les années, je verrai avec joie encore la présence des prêtres et pas-teurs à la grande prière de l’Aïd-el-Fitr marquant la fin du ramadan. En conclu-sion, vous, les terroristes, vous avez échoué car votre barbarie ne nous diviserajamais. Bien au contraire on reste soudé.

Signature volontairement cachée

Lettre ouverte aux terroristes

Terrorisme au Sahel

Les petits musulmans du quartier étaient en parfaite harmonie avec les chrétiens de l’Église.

1° - La relation à plaisanterie est une pratique sociale typiquement d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique Centrale quiautorise certaines ethnies ou des habitants de même région, à se moquer ou s'insulter, et ce sans conséquence.

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En exhortant les gouvernements du monde entier à interve-nir pour mettre fin à la fourniture d’armes à feu aux extré-mistes islamistes, Mgr Dabiré écrit : « Les armes qu’ils uti-

lisent n’ont pas été fabriquées ici, en Afrique. Ils ont des fusils,des mitrailleuses et tant de munitions, plus que l’armée burkina-bé a à sa disposition : quand ils arrivent dans les villages, ilstirent pendant des heures. Qui leur fournit ces ressources? S’ilsn’obtenaient pas ce soutien de l’extérieur, ils seraient obligés decesser. C’est pourquoi je lance un appel aux autorités internatio-nales. Quiconque en a le pouvoir, peut-il faire cesser toute cetteviolence? ».

Il continue : « Lorsque les habitants du village de Bani se sontréunis pour parler entre eux, les islamistes sont arrivés et ont

forcé tout le monde à se coucher face contre la terre. Puis ils les ont fouillés. Quatrepersonnes portaient des crucifix. Alors, ils les ont tuées parce qu’elles étaient chrétien-nes. Après les avoir assassinées, les islamistes ont averti tous les autres villages ques’ils ne se convertissaient pas à l’islam, ils seraient également tués. »

Selon lui, il s’agit de la cinquième attaque contre des chrétiens dans le nord-est dupays depuis début 2019, ce qui porte à 20 le nombre de chrétiens tués.

Mgr Dabiré témoigne : « Au début, ils n’étaient actifs que dans la région frontalièreentre le Mali et le Niger. Mais ils se sont peu à peu déplacés vers l’intérieur du pays,attaquant l’armée, les structures civiles et les gens. Aujourd’hui, leur cible principalesemble être les chrétiens et je crois qu’ils essaient de déclencher un conflit interreli-gieux. »

Mgr Dabiré d’ajouter que le Père Joël Yougbaré, un prêtre de son diocèse, avait étéenlevé par des extrémistes le 17 mars et qu’il avait été contraint de fermer deux parois-ses pour des raisons de sécurité. Selon lui tou-jours un certain nombre de mouvements isla-mistes ont été accusés d’avoir orchestré unnombre croissant d’attaques au Burkina Faso,notamment le Groupe de soutien à l’Islam etaux musulmans (GSIM) et l’État islamiquedans le Grand Sahara.

Appel à la communauté internationale,

Mgr Laurent Birfuoré Dabiré, évêque de Dori, a déclaré : « Si le mondecontinue à ne rien faire, le résultat sera l’élimination de la présence chrétiennedans cette région et très probablement, à l’avenir, à l’ensemble du pays. »

Mgr Laurent Dabiré,évêque de Dori.

Par Mgr Laurent Birfuoré Dabiré (évêque de Dori)

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7avril 1994, 5h 00 du matin,Kigali, au Rwanda… Aupetit matin d’une longue

nuit écrasée sous une chape desilence angoissant – l’avion duPrésident avait été abattu la veilleau soir – Kigali et tout un paysbasculent soudain dans l’horreuravec les premiers obus venus denulle part et les premières rafalesde kalachnikov qui vont déclen-cher l’un des pires génocides denotre époque.

Très vite hommes, femmes etenfants par dizaines franchissentpêle-mêle les haies de notre bana-neraie, fuyant, complètement pa-niqués, les premières tueries per-pétrées par des génocidaires bienorganisés mais sans pitié.

À 7h 00, plusieurs centainesde réfugiés remplissent déjà notreconcession et se figent lorsquesoudain, juste de l’autre côté de lahaie, des rafales de kalachnikovaboient dans un silence bien plusangoissant que le fracas des obus.Parce que n’appartenant pas à la“bonne ethnie”, plusieurs étudian-tes du “Home des jeunes filles” dela JOC viennent d’être froidementabattues dans une chambre par

deux soldats ivres de sang et dechanvre que nous pouvons dis-crètement observer de notre ter-rasse. Ils s’éloignent enfin en riantaux éclats, bras dessus bras des-sous.

Avec Irénée un confrère cana-dien et quelques volontaires, nousnous approchons en nous glissantsous la haie car les balles sifflent;mais ce n’est rien à côté du specta-cle que nos yeux écarquillés parl’horreur vont découvrir, spectacled’ailleurs impossible – et indécent -à décrire. Les corps ensanglantéssont peu après traînés sur des bran-cards de fortune vers notre petit jar-din où une fosse a été rapidementcreusée. Seuls des essaims de mou-ches donnent macabrement vie àces jeunes corps mutilés alignés aufond de la fosse béante, vite recou-verts d’une natte.

La foule des réfugiés se pres-se, hagarde, dizaines de visagestendus, dévorés par des yeux dila-tés par la terreur. Il faut faire vitecar nous sommes à découvert.Pourtant Irénée prend le temps detirer de sa poche une bible et semet à lire lentement et très posé-ment un passage d’Évangile que je

n’oublierai jamais, mais quipourtant sur le coup m’a faitcraindre le pire face aux réac-tions imprévisibles destémoins au bord de la crise denerfs : « Moi je vous dis :aimez même vos ennemis ; fai-tes du bien à ceux qui voushaïssent, bénissez ceux qui vousmaudissent, priez pour ceuxqui vous diffament… ».

Les visages ont alors com-mencé à se détendre ; plusaucun signe de révolte chez cesmalheureux. D’ailleurs, dequelle religion étaient les vic-

times? Et qui en cet instant-là s’enpréoccupait-t-il ? « C’est avec lamême mesure de votre pardon quevous serez vous-mêmes pardon-nés… »

Et les premières pelletées deterre de faire disparaître à toutjamais les jeunes corps torturés.Au cœur de l’enfer qui incendie laville, un petit paradis éphémèrevient de naître, allant jusqu’à ébau-cher des rides de paix aux coins dequelques yeux humides…

Face à l’indescriptible, Irénéeavait spontanément apporté laseule réponse adéquate qui conve-nait, puisée en Saint Paul :« Vivante en effet est la Parole deDieu, efficace et plus incisivequ’aucun glaive à deux tran-chants, elle pénètre jusqu’aupoint de division de l’âme et del’esprit, des articulations et desmoelles, elle seule peut juger lessentiments et les pensées ducœur. »

P. Clément Forestier

Un missionnaire, face à la violence, se trouvelui aussi désemparé, partagé qu’il est entre safoi en un Dieu aimant et donc en la fraternitéentre tous les hommes, et sa « chair » quihurle un appel à la vengeance. Dans le témoi-gnage qui suit, la seule attitude qui aboutit àla paix et au bonheur est celle de l’écoute deParoles qui viennent d’ailleurs.

Génocide à KigaliAimez même

vos ennemis !

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Un baobab se moque des termites qui rongent son écorce.

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Tu n’es pas prêtre, tu n’es pasfrère, qu’est-ce qui a pu t’influen-cer à ce point-là pour avoirconsacré toute ta vie de laïc à laMission en Afrique, et cela bienavant de signer ton premier‘contrat de membre associé’ avecles Pères Blancs ?

Les années 60 ont été parti-culièrement agitées politiquementet socialement en France; avec leConcile Vatican II l’Église n’a pasété en reste : à mes yeux ce Concilea remis enfin certaines chosesessentielles à leur place. Au sémi-naire de Ste Anne d’Auray(Morbihan), il y avait à notre dispo-

sition une revue lancée le 1er mai1961 « Croissance des JeunesNations ». À l’heure des décoloni-sations et en conséquence de l’é-mergence de jeunes nations, elleattirait l’attention sur les réalitésdu Tiers-Monde, la nécessité d’unevraie solidarité entre le Nord et leSud, les conditions d’un vrai déve-loppement. Je ne pouvais pas aucours de mes études universitairesrester insensible à ce vaste mouve-ment. Le temps du service militairevenu, j’ai opté tout naturellementpour la Coopération, et c’est ainsique je me suis retrouvé pendanttrois années à enseigner dans unCentre de Formation Profession-

nelle en Algérie, à Tizi-Ouzou.J’avais sous les yeux au quotidienle témoignage de Pères Blancs queje rencontrais pour la premièrefois : l’Afrique m’avait déjàconquis.

Et puis tu as signé ton premiercontrat de « Membre Associé »avec les Pères Blancs, cas uniqueje crois dans notre Société.Qu’est-ce qui t’a poussé à signerce contrat ?

Lorsque je me trouvais enRépublique Démocratique duCongo engagé par le Diocèse deKalémié, je me sentais seul.Certes je gardais contact avec lesPères Blancs en charge de laparoisse voisine qui s’occupaientà la fois des zones urbaines etaussi de zones en brousse. S’ilstenaient le coup, c’était biengrâce à leur vie de communautéau sein de laquelle ils échan-geaient souvent et fraternelle-ment sur l’évangélisation, le

Découverte

22 VOIX D’AFRIQUE -

Jo Le NIGEN, un « Membre Associé » desPères Blancs, vit sa retraite à Bry sur Marne aprèsde nombreuses années au service de l’Afrique. Ilvient de renouveler une fois de plus son « Contratde Membre Associé » en la chapelle de Bry surMarne. C’est le secret de sa vie en tant que « laïcmissionnaire » qui vaut d’être contée.

Jo Le Nigen : “Membre Associé”

Jour de l’Ascension, dans la chapelle de Bry, Jo renouvelle pour trois ans son contrat d’Associé.

Page 23: dans la tourmente au Sahel

développement, les problèmesde santé et de l’enseignement, dela catéchèse, … Je sentais au fondde moi le besoin de faire partied’une communauté ; je pourrais yéchanger mes propres idées,confronter mes points de vue,chercher des lignes d’action com-munes. Et puis il y avait ce « man-ger ensemble », ce « prier ensem-ble », ce « détendre ensembleautour d’un verre de bière », ce« partager un repas festif » …C’est alors que j’ai signé mon pre-mier contrat fait sur mesure pourmoi. C’était parti !

Quelques années à Tizi-Ouzou,puis cinq ans au Cameroun, enfinlongtemps dans l’est de la RDC, tuas dû rentrer définitivement pourraison de santé. Ces annéesd’Afrique t’ont marqué à vie àtout jamais selon tes dires. Enquoi cette expérience de laïc mis-sionnaire en Afrique influence-t-elle encore aujourd’hui ton quoti-dien, toi qui t’es créé comme nou-veau défi de faire « pousser desfleurs » ici dans notre EHPAD?

Désormais pour moi,l’Europe n’est plus le centre dumonde ; sa culture ne peut enaucun cas être imposée aux au-tres peuples. Laissons à l’Afriquela liberté de s’approprier sa prop-re culture, de vivre ses propresvaleurs sur lesquelles elle veut seconstruire. De retour en Europetous les deux ans pour mescongés en Bretagne, je retrouvaisdans mon petit village mes pro-pres racines et par le fait même laforce de repartir tout en restantmoi-même. Je ne pensais désor-mais plus comme auparavant. Jeme réjouissais et me réjouis enco-re de voir en Afrique ces foules dejeunes manifester dans les rues,risquer leur liberté ou pire la mortdans des affrontements avec lapolice ou l’armée pour réclamerune solidarité plus grande, plus

juste, rester « hommes ».

Aujourd’hui mon horizons’est rétréci, et mon obsession estle devenir de notre planète. Moiun passionné de la terre, je suispersuadé qu’il est plus que tempsde nous engager pour la protec-tion de la nature partout où noussommes à travers les gestes sim-ples du quotidien. Un coup debalai sur une allée dans notreparc ne vaut-il pas un chapelet ?

Dans « Voix d’Afrique » en 2006,tu expliquais alors ton engage-ment missionnaire par cettephrase de Paul aux Philippiens :« Je m’élance pour tâcher de sai-sir le Christ, parce que j’ai étémoi-même saisi par lui ». Au soirde ta vie, peux-tu dire que cettecitation demeure toujours tonleitmotiv ?

Mes trois années universi-taires ont été autrefois décisivespour moi. D’abord à la recherchede ma vocation au sein d’un grou-pe universitaire, j’avais déjà lasensation que le Christ marchait àmes côtés. J’étais convaincu quele chemin de la sainteté n’étaitpas réservé à une élite : tous lesbaptisés sont appelés à marchersur une route pas forcément gou-dronnée… Oui, « je m’élanceencore aujourd’hui pour tâcher desaisir le Christ, parce que j’ai étémoi-même saisi par lui. »

Propos recueillis par

n° 124 septembre 2019

Avec ses mots à lui, Jo a reprisl’évangile du jour pour nousraconter comment le Christ, enenvoyant ses apôtres, l’avaitaussi envoyé à son tour.

À la fin de la cérémonie nousentonnons le “Santa Maria”chant à la Vierge des PèresBlancs et Sœurs Blanchesentonné à la fin de toutes nosfêtes.

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24 VOIX D’AFRIQUE -

Quel est le meilleur souvenir de ta jeunesse?Le meilleur souvenir de ma jeunesse est sans hési-

ter mon enfance passée à la campagne, auprès de mesparents et de mon frère. Me reviennent en mémoireces vers d’un poète breton J.P. Calloc’h, ex-sémina-riste, mort au front pendant la guerre de 14-18 :

Que la séparation était dure quand il fallait aprèsles vacances, regagner le séminaire !

Quel est le pire souvenir de ta jeunesse?Le décès de ma Maman alors que j’étais encore au

grand-séminaire interdiocésain de Rennes : elle étaittout pour moi, et priait tous les soirs pour que je soisprêtre un jour. Elle avait confié ces mots à une autreMaman de séminariste : « Jo? Je ne sais pas s’il seraprêtre un jour !... » Prémonition d’une mère !

Quel est le meilleur souvenir de ta vie en Afrique?

C’est l’Algérie. Dans un pays alors en paix, j’aiparcouru des milliers de Kms. à la découverte desrichesses de ce pays : paysages grandioses du désertet des Hauts Plateaux, oasis surgissant subitementdes sables, vastes ruines romaines, la côte méditerra-néenne…

Quel est le pire souvenir de ta vie en Afrique?L’arrivée des troupes de Kabila à Kalémie, via le

Foyer-Séminaire Pie XII où restaient encore unedizaine de séminaristes. Un soldat me braque avec saKalachnikov en disant : « Toi le blanc, tu vas nousmontrer le chemin de l’aéroport ! » Je réponds : « Pasquestion ! » Heureusement, le soldat, fâché, n’a pasinsisté. Ça aurait pu être bien pire…

Quel a été le plus beau jour de ta vie?C’était le jour qui a marqué l’inauguration de la

fontaine de mon village en Bretagne. C’était justeaprès mon expulsion du Cameroun. Avec un maçondu quartier à la retraite j’ai donné presque une annéede mon temps pour restaurer cette fontaine. Un festincopieux sous un hangar (un cochon grillé, je m’ensouviens encore) a rassemblé les gens du quartieravant la photo souvenir… Trente-six ans déjà !

Quel a été le pire jour de ta vie?Mon expulsion du Nord-Cameroun sans nul

doute, après cinq années de présence auprès desenfants dans le cadre de l’ACE (Action Catholiquede l’Enfance). Des policiers sont venus me cherchertôt le matin pour me déposer au commissariat. Ils

Après son interview (pages précédentes), Jo aaccepté aussi de répondre au questionnaire iden-tique pour tous (cf. les numéros précédents).Beaucoup de fatigue pour lui et pour nous unregard si différent sur lui.

Témoignage

Tout hommeest aimé de Dieu

Jo Le Nigen :

O déieu mem bugalereh,Pen den, dilui,Get mam de rédek en éruiPé get ma zad d’er beskerehMen é oh-hui, men é oh-hui ?

Na dous e oeh !

Ô jours de mon enfance.Quand j’allais, alerte,Avec ma mère courir les sillonsOu avec mon père à la pêche,

Où êtes-vous?Où êtes-vous?

Que vous étiez doux !

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m’ont fait attendre toute la mati-née. Un coup de fil du Consul deFrance : « Attendez, j’arrive ! » Ilm’apprend alors que je suis sousun mandat d’expulsion, qu’il a pum’obtenir deux jours supplémen-taires et que je dois signer mademande de « volontaire pour ledépart »…

Quelle est selon toi ta plusbelle réussite en Afrique donttu peux être fier?Avoir permis à des jeunes de

devenir prêtres. De 20 à 30 le sontencore aujourd’hui. Certains sontvenus me rendre visite en Francepour me remercier de la formationqu’ils avaient reçue.

Dans quelle situation la pluscocasse t’es-tu trouvé enAfrique?J’arrivai pour la première fois à

Kalémie en provenance deBujumbura. J’avais prévenu parcourrier le responsable du Foyer-Séminaire de mon arrivée.« Papiers, s’il vous plaît ! … Ah!Mais vous n’êtes pas en règle !Vous n’avez pas le tampon contre

le choléra ! » - « Mais à Paris onm’a dit que ce n’était pas néces-saire ! » - « Monsieur, si vous vou-lez, on vous remet dans l’avion quiest encore sur le tarmac… » C’estalors que s’est approché le respon-sable du Foyer-Séminaire : « C’esttoi, Jo? » - « Oui, c’est moi ! »Tout était réglé !

Quelle est à tes yeux lameilleure qualité que doit pos-

séder un confrère de commu-nauté?Sans hésiter, la tolérance. Ne

pas chercher à imposer ses idées.Servir avec le sourire les autressans attendre d’être servi !

Parmi tous les saints ougrands hommes de l’Église,lequel t’a le plus influencé?Jean XXIII, le Pape qui a eu l’i-

nitiative du Concile Vatican IIpour un aggiornamento del’Église, son ouverture au monde ;et Paul VI, le Pape qui a eu ensuitele courage de poursuivre les tra-vaux et de commencer à les mettreen application tout en surmontantde vives oppositions.

Quelle est ta plus grandecrainte aujourd’hui?La peur de perdre mon autono-

mie, d’être totalement dépendantdes autres tout en perdant lamémoire et le sens des réalités.

Pour toi, en trois mots maxi-mum, être missionnaire c’estquoi?Témoins de la Bonne

Nouvelle : tous les hommes sontaimés de Dieu et appelés au bon-heur dès ici-bas.

Propos recueillis parP. Clément Forestier, M. Afr.

Jo a changé la maison de retraite de Bry en paradis fleuri.

Jalons de la vie de Jo Le Nigen :

- 1951, le 7 octobre, naissance à Meslan (56) Morbihan. - Après ses études, temps de coopération avec la DélégationCatholique à la Coopération, au titre du « Service National » - De 1974 à 1977, en Algérie, à Tizi-Ouzou (C.F.P.A.) en lien avecles Missionnaires d'Afrique.- De 1977 à 1982, au Nord - Cameroun, diocèse de Garoua. - D'octobre 1983 à mai 1998, au Zaire (République Démocratiquedu Congo), au diocèse de Kaleme ¬Kirungu.- Du 1er mai 1998 au 30 juin 2003, engagement comme « MembreAssocié des Missionnaires d'Afrique » au service de la Province duSud Est Congo, comme économe et professeur au Centre deFormation Missionnaire de la Ruzizi.- De juillet 2003 à décembre 2005, engagement comme MembreAssocié des Missionnaires d'Afrique au service de la Provinced'Afrique Centrale dans le Centre de Formation des Missionnairesd'Afrique et le nouveau Consortium Inter - Instituts.- En décembre 2005, revenu en France, nommé à la Provincecomme économe de notre maison Friant à Paris.- En mars 2019, il rejoint notre maison de retraite de Bry-sur-Marne où il réside.

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Nous prions pournos défunts

Chez nos confrèresÀ Billère :* P. Vincent Doutreuwe, 92ans, du diocèse d’Orléans ; P. François Nonnon, 94 ans, dudiocèse du Havre.À Bry-sur-Marne* P. Augustin de Clebsattel, 97ans, du diocèse de Lille.

En Espagne :* P. José Tomás Gómez (français et espagnol), 70ans, du diocèse de Valencia.

Dans nos familles :Le frère du P. Adrien Laur (+ 2000) et du P. BernardLaur (Billère) ; du P. Édouard Duclos (Billère)La sœur du P. Jacques Cusset (Mours) ; du P. OlivierLecestre (Friant). Le beau-frère du P. Claude Galmiche (Tassy).La belle-sœur du P. Jacques Amyot d’Inville(Verlomme).L’oncle du P. Michel Ouédraogo (Marseille).La tante du P. Patrick Bataille (Verlomme).La nièce du P. Raphaël Deillon (Marseille).La cousine du P. Henri Blanchard (Marseille).

VOIX D’AFRIQUE -

Jihâd au Sahel :menaces, opération Barkhane,

coopération régionaleAuteurs : Olivier Hanne et

Guillaume Larabi.

Depuis la chute du colonelKadhafi en octobre 2011, leSahel est devenu l'une des plusgrandes zones de déstabilisa-tion du monde: essor des tra-fics, enlèvements, attentats.Les groupes terroristes,impulsés par le jihadismeinternational, ont fait des

pays du Sahel leur terrain decontrebande et de violence, jusqu'à

envahir le nord du Mali en 2012. Depuis 2014, enraison des dangers qui les menacent, les pays duSahel ont lancé avec le concours de la France unecoopération régionale qui se démarque des démar-ches antérieures infructueuses et tentent d'élaborerune ambitieuse stratégie de contre-terrorisme.Malgré ses difficultés et sa discrétion, ce front com-mun peut, à terme, constituer une clé de pacificationpour toute l'Afrique. Olivier Hanne est islamologue et professeur agrégéaux Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan.Docteur en histoire. Guillaume Larabi est Saint-cyrien et coopérant militaire

Les éditions du Bernard Giovanangeli- 190 pages, septembre 2015 - Prix : 14,97 € -

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Mme, Mlle, M .............................................................................Prénom ..........................................................Adresse..................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Code postal….................................Ville..................................................................Pays…..................................à renvoyer à : “Voix d’Afrique”

31, rue Friant75014 PARIS - Tél. : 01 40 52 18 40Règlement à l’ordre de : SMA Voix d’Afriquepar chèque bancaire

Honoraire de messe : 17 €Reçu fiscal sur demande explicitepour vos dons de plus de 20 €(abonnement et honoraires de messes exclus)p Désire recevoir un reçu fiscal

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Le numéro: 3 € - Abonnement un an : 15 €4 parutions par an

dont un numéro double.

Règlement à l’ordre de :SMA - Voix d’AfriquePar chèque bancaire

Directeur de publicationRédaction

Clément Forestier

Maquette :Jean-Yves Chevalier

Abonnements / RoutageLaura Pegaz

Comptabilité :Laura Pegaz

Conseil de rédaction :Jean-Yves Chevalier, Gérard

Demeerseman, Clément Forestier,Michel Groiselle, Francine Guibert,Gilles Mathorel, Laura Pegaz,Huguette Régennass.

éditeur :Missionnaires d’Afrique5 rue Roger-Verlomme 75003 Paris

Imprimerie :Imprimerie Vincent37000 TOURSTel : 0247393952Fax: 0247380895

Dépôt légal : à parutionCommission paritaire :n° 1123 G 83867

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Ile-de-France 5 rue Roger-Verlomme, 75003 Paris Tél. : 014271067031 rue Friant, 75014 Paris Tél. : 01405218407 rue du Moulin, 95260 Mours Tél. : 0130346850

Centre 7 rue du Planit, 69110 Ste-Foy-lès-Lyon Tél. : 0478592042

Méditerranée 51 bd de Casablanca, 13015 Marseille Tél. : 0491519024

Sud-Ouest 22 rue du Général Bourbaki, 31200 Toulouse Tél. : 0561225368

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Dons pour la santé des Pères Blancs malades et âgés

Envoyer vos dons à la Fondation Nationale pour le Clergé

3, rue Duguay-Trouin 75280 Paris CEDEX 06

• aide pour la prise en charge des confrères âgés et malades• aide pour leurs cotisations assurances maladie et vieillesse• aide pour la mise en conformité de nos maisons de retraite

Notre Société Missionnaire est habilitée à recevoir des Donations et des Legs

depuis le 2 avril 1971 - n° 85 

Je vous envoie un don de : -------------------- €

Au bénéfice des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs)

à l’ordre de :Fondation Nationale Pour le ClergéReçu fiscal sur demande explicite

pour vos dons de plus de 20 €N Désire recevoir un reçu fiscal

Mon adresse :

Mme, M. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Proverbe d’Afrique (Togo) : « Quand tu ne sais pas où tu vas, n’oublie jamais d’où tu viens. »Sens : Ne jamais renier ses origines. !

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« Je ne veux pas t’embêter avec mes histoiresde violence, Seigneur, Toi qui as tout de même prisun fouet pour chasser les vendeurs du Temple, maisqui t’es étendu de toi-même sur la croix un peu plustard pour faciliter le travail aux bourreaux. Aide-moi tout de même à me faire « violence » à moi-même…

Je ne te demande pas de faire de moi unagneau, mais canalise mes instincts primaires jusqu’àce que de la laine me pousse petit à petit sur le dos.Et quand je serai prêt à être tondu par tous les bou-chers de l’humanité, rappelle-moi un certain« agneau » qui s’appelait « Pascal » et qui te res-semblait étrangement. Alors nous pourrons ensembleaffronter l’éternité sur un chemin pavé de joliesfleurs des champs, celles-là mêmes que j’avaisrageusement décapitées avec mon bâton de bergeraux jours de colère, et parmi les mouches torturéesgratuitement encore par moi-même à la mêmeépoque, toutes ressuscitées pour avoir eu la force depardonner… de me pardonner.

Je pourrai enfin sourire du sourire radieux deFrançois d’Assise, de Gandhi, de Martin Luther King,et de tant d’autres qui eux déjà sur terre étaientincapables de faire du mal à une mouche. Mais n’ou-blie pas Seigneur qu’eux, contrairement à moi, n’a-vaient pas beaucoup de mérite : on dit que c’était des« non-violents ! »

Père Clément Forestier, M. Afr.