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Culture, Economie, Médias PALAIS DES PAPES, AVIGNON 16-17-18 NOVEMBRE 2008 Culture, facteur de croissance Discours et extraits

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Culture, Economie, Médias

PALAIS DES PAPES, AVIGNON 16-17-18 NOVEMBRE 2008

Culture, facteur de croissance

Discours et extraits

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Forum d’Avignon

Culture, économie, médias

16 – 17 novembre 2008

Discours et Extraits

16 novembre 2008 : discours d’ouverture Page

Monsieur François Fillon, Premier Ministre 1Madame Christine Albanel, Ministre de la culture et de la communication 6Son Altesse l’Aga Khan 11Madame Viviane Reding, Commissaire européen 15

Extraits – Retranscription des débats :

Klaus Wowereit, Maire de Berlin 20Alexandre Allard, Président Royal Monceau 21Inaki Azukuna-Urreta, Maire de Bilbao 22Jean Nouvel, architecte 23Philippe Starck, designer 24Gilles Lipovetski, philosophe 25Jérôme Clément, Président d’ARTE France 26Nikesh Arora, Vice-Président Google Europe 27Dan Glickmann, Président Motion Picture Association of America – MPAA 28Didier Lombard, Président directeur général Orange-France Télécom 29Hartmut Ostrowski, Président du directoire de Bertelsmann 30Jean-Bernard Lévy, Président du directoire de Vivendi 31

17 novembre 2008 : discours de clôture

Madame Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication 32

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Intervention de Monsieur François Fillon

Premier Ministre

Madame le ministre, chère Christine Albanel Madame le député maire, chère Marie-Josée Roig Mesdames et messieurs,

Cet endroit m'évoque deux souvenirs. Le premier, par la configuration des lieux, c'est l'abbaye de Solesmes ; je pourrais faire mon discours en plain-chant ; le deuxième, c'est la Chambre des Communes, et je trouve que ce sont deux références qui ne sont pas méprisables. Après cette première édition, dont je veux saluer avec reconnaissance les organisateurs et le haut niveau des participants, le Forum d'Avignon va devenir un évènement régulier. Et je pense que c'est une excellente décision parce que les questions culturelles ont besoin de cette remise en question permanente. Certains se sont plus, pendant des années, à croire que la culture représentait l'élément intemporel des sociétés. Le résultat, on le connaît, c'est la schizophrénie mortelle qui s'installe entre un présent vibrant d'énergie créatrice et puis le renvoi constant aux canons d'autrefois. C'est la tentation pour nos sociétés de régler leurs questions culturelles en sanctifiant quelques stéréotypes commodes. C'est la tentation d'opposer le désintéressement prétendu des arts au mercantilisme supposé des industries culturelles. C'est la tentation pour les milieux de la culture de se poser en censeurs, et bien souvent en victimes, d'un marché qui divorcerait d'eux. C'est partout l'inverse de ce que nous désirons réellement. Ce que nous désirons réellement, c'est une culture directement associée aux pratiques et aux valeurs de la société qui l'entoure ; c'est une culture forte de ses énergies, porteuse de ses ambitions, une culture vivante, une culture reconnue comme vecteur du modernisme, du volontarisme et du génie national qui étincelle en chaque peuple.

La culture, facteur de croissance, je crois que l'idée tient de l'évidence, dès lors que l'on accepte de considérer la culture pour ce qu'elle est, c'est-à-dire plus qu'une trajectoire conceptuelle, plus qu'une activité académique, plus qu'une rêverie éphémère, mais bien un pan complet de notre projet de société. Depuis l'élection de N. Sarkozy, la France a décidé plus que jamais de miser sur sa capacité à créer, à innover ; elle a décidé de défendre ce qu'elle produit, elle a décidé d'être fière de sa culture, fière de son patrimoine, mais fière aussi de la modernité de cette culture, des fulgurances de ses artistes, des prouesses de ses architectes et de ses designers, des succès de ses programmateurs et de ses producteurs, de son cinéma d'animation, autant que de "La grande illusion" ou des "Enfants du Paradis", des bosquets de Versailles autant que des murs végétaux du musée du Quai Branly. Le gouvernement croit à la force de la culture ; il ne croit pas seulement en sa capacité de célébrer la vie, il croit aussi à la culture dans la cité, à la culture avec la cité et pour la cité. Et ce faisant, à côté de l'engagement de l'Etat et des collectivités territoriales, il croit en la convergence entre le monde culturel et le monde économique.

L'Etat n'a pas le monopole de la culture, et la culture n'a pas le monopole de l'Etat. D'autres acteurs existent, d'autres énergies doivent être sollicités au service de la culture. Il faut faire tomber une fois pour toute cette idée fausse et sclérosante selon laquelle la culture serait un monde clos et une affaire d'élite. Dans le même élan, il faut arrêter de penser que l'économie serait seulement un monde carnassier. Il faut également repousser cette idée suivant laquelle la culture est un luxe, un luxe que l'on peut s'offrir en temps de douce prospérité, alors qu'en réalité, la culture peut être un instrument pour aller à la conquête de la croissance. Oui, la culture peut contribuer à l'effort de croissance que la situation mondiale exige. Quand je parle de la situation mondiale, je pense évidemment à la crise. Je pense à la crise qui appelle un sursaut de créativité, un sursaut de synergies, un sursaut de productivité et je pense aussi à cette mondialisation dans laquelle nous avons - je veux parler de la France - trop longtemps hésité à chercher notre place et à revendiquer notre rang. Ma vision de la mondialisation part d'un acte de foi culturel. Je crois que notre nation entretient avec la culture une relation de faveur exceptionnelle, et cette relation de faveur exceptionnelle, il faut la défendre. Je

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n'accepte pas le discours sur le prétendu déclin de la culture française. Les diagnostics anglo-saxons de ce soi-disant déclin n'ont pas la lucidité à laquelle ils prétendent. Ces diagnostics reposent sur des visions statistiques et, pire encore, sur des visions statiques de la culture. Statistiques, les rapports de nos détracteurs égrènent les chiffres de tirages, de publications, de fréquentation des salles, sans se poser la question de savoir si le Prix Nobel de J.-M.-G. Le Clézio, si le Prix Prisker de J. Nouvel, si le prix Abel de J. Tietz, décernés la même année, ne sont pas, en eux-mêmes, l'indice d'une densité des milieux de la pensée française. Statiques, ils méconnaissent la valeur de la tradition, de la fierté intellectuelle, de la capacité à se réinventer qui perpétuent cette richesse. Ils méconnaissent la force de nos talents, celui de N. Dessay, d'E. Haïm ou de la musique électro française. Ils oublient le succès de "La môme", ils méconnaissent la puissance de notre attrait culturel : T. Monémambo, le francophone guinéen, Prix Renaudot, A. Rahimi, Afghan de culture française, le Prix Goncourt. Notre réseau culturel, le premier au monde n'est pas la simple traduction d'un chauvinisme désuet ; il est notre réponse à une demande constante issue de dizaines de pays où parler notre langue reste une liberté précieuse de l'esprit. Notre autorité politique, notre rayonnement diplomatique au sein des crises récentes, ne sont pas les simples résultantes de notre poids politique, de notre poids démographique ; ils le dépassent parce qu'ils s'adossent au prestige que notre culture conserve.

C'est pourquoi je crois aussi que la culture dessine une certaine idée de l'Europe. L'histoire de l'Europe, c'est l'histoire de ses frontières, c'est-à-dire de la longue recherche d'un critère commun d'appartenance, d'un critère qui nous rassemble sans nous confondre. Eh bien, je suis convaincu que nous avons intérêt à le chercher du côté de la culture. Il existe en Europe des cultures nationales, mais il existe aussi, tout aussi évidente, une communauté de références et une esthétique partagée.

Sur les diverses cultures d'Europe s'impose le contour d'une civilisation europénne. A côté du gothique français tel qu'il s'incarne à Laon, à Amiens ou à Reims, un gothique allemand se dresse à Cologne, italien, à Milan, espagnol à Séville. Le roman russe, le roman français, le roman anglais trahissent autant de traits propres qu'une origine commune.

Ce n'est pas renoncer à l'originalité de chacun que d'en reconnaître la parenté. Ce n'est pas se montrer sectaire que de dire qu'ailleurs, d'autres esthétiques prévalent. La réussite de l'Europe ne se sépare pas, à mes yeux, d'une revendication culturelle dont la France s'est faite la pionnière. Depuis le Traité de Maastricht, la culture est reconnue comme un domaine d'action communautaire. Plusieurs programmes de soutien massif aux activités culturelles et audiovisuelles ont été mis en place depuis 1991. L'Europe a appris à ménager cette dualité si particulière des biens et des services culturels, à la fois objets de commerce, et en même temps, supports d'identité des Etats. Elle s'annonce comme un niveau crucial pour affronter les défis de l'ère numérique, et en particulier celui de la défense des droits des créateurs. Elle s'engage dans une véritable pédagogie de la responsabilité vis-à-vis des créations originales ; parallèlement, elle offre à tous le bénéfice de ses bibliothèques et de ses archives publiques ; elle organise en réseaux les ressources numériques nationales pour en élargirl'accès ; elle entreprend de mettre en lumière ce patrimoine commun qui est, avec notre pratique démocratique, le fondement majeur de notre sentiment d'appartenance.

La présidence française de l'Union européenne se montre, je le crois, je l'espère, à hauteur de ces enjeux. Elle a accueilli, sous la conduite éclairée de R. Donnedieu de Vabres, toutes les expériences artistiques des Etats membres de l'Union durant cette saison européenne. Le Conseil du 20 novembre doit adopter des conclusions relatives au développement de l'offre légale en ligne et de la lutte contre le piratage. Elle devrait également appeler à la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel dans les relations extérieures de l'Union. Elle devrait appeler à un soutien accru des activités culturelles et audiovisuelles, et je pense notamment aux réseaux indépendants culturels, à une mobilité croissante des artistes et des professionnels européens de la culture hors de l'Union.

Mon propos, Mesdames et Messieurs, participe d'une lecture culturelle de la mondialisation. Je crois que la mondialisation ne se résume pas à la répartition nouvelle des rapports de force économiques. Elle ne se résume pas à une redistribution des cartes militaires, industrielles ou financières. Je crois que la mondialisation est une bataille de l'intelligence, de la connaissance, et qu'à ce titre, elle a pour principale arme l'identité culturelle.

Vous me pardonnerez la tonalité peut-être un peu trop guerrière de l'image, mais je la crois, pour ma part, justifiée. Dans la rivalité mondiale, nos atouts culturels ne seront pas éternels, mais ils sont

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encore puissants, et ils nous donnent quelques années d'avance, peut-être, pour saisir les premiers rangs d'une globalisation qui réclame toujours plus d'ingéniosité, et toujours plus de créativité.

Nous ne serons jamais les gestionnaires tranquilles d'une culture immuable. Et c'est sur la triple conviction que je viens d'exprimer, que le Gouvernement, sous l'impulsion de C. Albanel, a fondé un projet volontaire et global.

Ce projet culturel, c'est d'abord la reconnaissance de l'audiovisuel public comme outil de culture populaire. Cette reconnaissance constitue un défi passionnant pour les équipes de France Télévisions. Et je pense que nous pouvons être fiers de ce qui va se passer le 5 janvier prochain à 20 heures 35. Ce jour-là, ce sera le début d'une télévision nouvelle, délivrée du diktat de l'audimat qu'impose la quête des recettes publicitaires, une télévision portée par une exigence de qualité. Bref, ça sera le lancement d'un grand projet culturel. Nos concitoyens regardent la télévision trois à quatre heures par jour en moyenne. Présente dans chaque foyer, elle constitue le plus formidable vecteur d'information, de connaissance et d'émotion. Est-ce que la politique, est-ce que la démocratie, est-ce que la nation peuvent se désintéresser de ce vecteur ? À l'évidence, non. Avec le président de la République, nous faisons le pari que, parmi toutes les chaînes, celles du service public se distingueront par leur singularité, par leur créativité, et par leur éthique.

Nous sommes en pleine discussion du cahier des charges de France Télévisions. Notre ambition, c'est de donner à France Télévisions un mandat clair. Il faut une télévision qui puisse présenter un programme culturel tous les soirs. Il faut une télévision qui prenne le temps d'ouvrir le téléspectateur à l'Europe. Il faut une télévision qui prenne le temps d'ouvrir le téléspectateur à l'environnement, aux métiers, à la vie démocratique, qui consacre ses moyens à la diffusion de la connaissance comme au débat de l'esprit. Une télévision qui fait vivre le meilleur du patrimoine cinématographique, et qui suscite la créativité des fictions télévisées.

Avec la réforme de l'audiovisuel public, nous faisons le pari que la qualité saura se défendre, sur le terrain de l'audience et sur le terrain de l'indépendance. Naturellement, je veux mettre en garde ceux qui seraient tentés de confondre l'exigence culturelle avec une sorte d'élitisme méprisant. Une télévision de qualité, ce n'est pas forcément une télévision qui regarde ses spectateurs d'en haut. C'est d'abord une télévision qui fait l'effort de leur transmettre le meilleur, sans snobisme et sans exclusive. Je pense que cette réforme est à bien des égards révolutionnaire. Et c'est la raison pour laquelle je refuse que l'enjeu soit réduit à un débat technique, à un débat financier ou un débat administratif. L'enjeu, il est culturel, et il est politique dans le meilleur sens du terme.

Notre projet culturel c'est aussi l'économie numérique. C'est la loi "création et Internet", la première au monde à protéger résolument les créateurs tout en préservant le dialogue entre les utilisateurs et les artistes. Cette loi consacre un équilibre entre deux droits absolus : la possession de l'œuvre, reconnue à son créateur, et l'accès à la connaissance et au service numérique, reconnu à l'usager.

A l'évocation de cette loi, je veux vous faire partager ma conviction que l'ensemble des nouveaux moyens de diffusion et leur audience représentent une chance formidable pour la création. Je veux aussi souligner le dynamisme exceptionnel de l'industrie française du jeu vidéo, toujours la première en Europe, quand le chiffre d'affaires mondial du secteur dépasse celui du cinéma.

Notre projet culturel, c'est la préservation d'une Education nationale pour tous et de haut niveau. Cette Education nationale a un coût : nous voulons qu'elle soit performante, mais nous refusons qu'elle abdique ses ambitions humanistes et ses contenus artistiques. Depuis la rentrée 2008, un plan ambitieux met l'accent sur le développement de l'éducation artistique et culturelle. Il fait de l'histoire des arts un enseignement à part entière ; il multiplie par quatre le nombre des classes à horaires aménagés au profit des pratiques artistiques, il prévoit que chaque établissement met en place un partenariat avec une institution culturelle pour favoriser un meilleur contact avec les œuvres.

Notre projet culturel, c'est aussi l'université, débouchée naturelle de cette éducation humaniste que nous voulons continuer d'entretenir. J'attache une importance particulière à l'autonomie des universités que nous avons désormais rendue possible. Du Moyen-Age à l'âge classique, les universités européennes ont tiré de leur indépendance intellectuelle leur indépendance financière, et de leur indépendance financière leur indépendance juridique. Eh bien, aujourd'hui, l'autonomie de nos

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universités, c'est une chance de recouvrer cette liberté ; c'est une chance de nouer avec leur territoire, avec les entreprises, avec les industriels, avec les organismes de recherche, des partenariats d'avenir. Je pense aux partenariats qu'une université comme celle d'Avignon, chère Marie-José, pourra nouer dans le futur avec les industries culturelles, grâce à sa notoriété, grâce à son histoire, grâce à la mise en place de formations ou d'unités de recherche spécialisées. Je pense que nous avons ici, en région, le germe d'une première université française de la culture.

C'est pourquoi notre projet culturel repose aussi sur le partenariat avec les collectivités locales, et au premier rang d'entre elles les mairies. A ces collectivités locales, nous avons décidé de transférer progressivement et en fonction de leurs attentes et de leurs demandes, une partie du patrimoine monumental de l'Etat. Une loi de 2004 en avait ouvert l'occasion à titre ponctuel. Une proposition de loi récente en relance et en élargit la possibilité.

La décentralisation, ce n'est pas le recul de l'action culturelle publique, c'est la redistribution des responsabilités et des moyens vers les territoires, c'est-à-dire vers l'initiative, vers la légitimité politique locale ; c'est l'appel à de nouveaux intervenants, c'est la conséquence naturelle de l'accent mis depuis le début de mon propos sur le respect des identités culturelles originales. Voilà le paysage culturel dans lequel l'Etat vous invite aujourd'hui à prendre votre place. La culture au service de la croissance demande que nous assurions la protection des marchés et des droits culturels, la valorisation des patrimoines matériels et immatériels, le développement de l'emploi dans les métiers de la conservation, du tourisme, des loisirs, du spectacle, et dans tous les secteurs qui y sont associés.

Et, inversement, la croissance au service de la culture suppose que les industriels fassent le pari de l'investissement, qu'ils identifient sans hésitation la culture comme un segment porteur de l'activité économique. Vous savez qu'aujourd'hui, l'encouragement que nous adressons au mécénat, aux fondations privées, est le gage de notre cohérence. Il est le gage de notre ouverture à des intervenants nouveaux et à leur logique. Je veux prendre un exemple très précis : c'est le financement du patrimoine monumental. On sait les besoins colossaux qu'il comporte, et le président de la République l'a souligné récemment, en rappelant qu'il faudrait au moins doubler notre effort. D'où l'importance de ne pas dissuader les acteurs de terrain, au premier rang desquels les propriétaires eux-mêmes. Peut-être que peu de gens savent que la moitié du parc monumental français est entre leurs mains. Ces propriétaires, pour préserver un patrimoine magnifique, acceptent de payer le prix de leur passion. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que la déduction fiscale pour les travaux sur les monuments historiques soit la seule qui échappe au plafonnement des niches. Et d'une façon plus générale, la loi du 1er août 2003, relative au mécénat et aux fondations nous a fait changer d'époque, en reconnaissant le rôle essentiel de la société civile aux côtés des pouvoirs publics, dans la défense de l'intérêt général. Les conditions qu'elle a créées pour ce partenariat sont parmi les plus avantageuses en Europe. Elle a favorisé l'émergence d'une véritable culture du mécénat aux expressions multiples : le mécénat financier, le mécénat de compétence, le mécénat en nature, le mécénat technologique. Aujourd'hui, les particuliers comme les grands groupes, les PME comme les très petites entreprises, tous les acteurs de l'économie ont désormais les moyens de marier leur intérêt à celui de la culture.

En 2003, deux chiffres m'avaient frappé : quand la somme des mécénats privés français plafonnait à 300 millions d'euros, les mécénats américains dépassaient les 12 milliards de dollars. La loi a déjà permis de multiplier le nombre des entreprises engagées par quatre et de passer de 300 millions d'euros à 1 milliard d'euros en deux ans. Eh bien, on voit le chemin qu'il nous reste à parcourir, il est tracé. Cela fait cinq ans que cette loi est votée. Je pense que c'est le moment d'en évaluer les résultats et de voir comment nous pouvons mobiliser davantage les financements privés.

Mesdames et messieurs, à l'échelle du pays tout entier, nous voulons récuser une bonne fois pour toutes l'idée que la culture serait un luxe, que la culture serait un secteur assisté, un investissement à fonds perdus, alors que 500.000 de nos concitoyens en vivent, que des villes comme Lille, Aix ou Avignon, pour ne prendre que ces exemples, ont été métamorphosées par leurs propres ambitions culturelles. Nous voulons donner au pays les moyens de saisir l'essor des nouveaux réseaux de communication, des nouveaux circuits de distribution, de leurs retombées économiques. Nous voulons que les artistes français puissent continuer de croire à la volonté culturelle de leur pays. Nous voulons donner à la France les instruments d'une politique culturelle qui joue à l'avantage de tous, par la

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création de richesses et par la création d'emplois. Eh bien je compte sur vous pour en être les partenaires, et pour en être les acteurs. La culture, ce n'est pas seulement le symbole d'une passion partagée ; la culture - en tout cas, c'est ce que le Gouvernement croit - est une chance économique pour nous tous.

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Discours d’ouverture de Madame Christine Albanel

Ministre de la culture et de la communication

Votre Altesse,Mesdames et messieurs les ministres,Madame le commissaire,Chers Renaud DONNEDIEU DE VABRES et Nicolas SEYDOUX,Cher Louis SCHWEITZER,Mesdames, Messieurs,Chers Amis,

Je suis très heureuse d’inaugurer avec vous ce rendez-vous inédit, le premier forum dédié à l’exploration des relations entre la culture, les médias et l’économie.

Je voudrais tout d’abord remercier Marie-Josée Roig de nous accueillir dans cet endroit merveilleux qui me semble tout à fait adapté au sujet qui va nous occuper pendant deux jours.

Merci ensuite à vous, chers Renaud DONNEDIEU DE VABRES et Nicolas SEYDOUX : avec une poignée de « pionniers », rassemblés dans l’association du Forum d’Avignon – des créateurs comme Jean-Jacques ANNAUD, des hommes de médias comme Axel GANZ, pardon de ne pas les citer tous – vous avez imaginé ce dialogue autour de l’idée que l’investissement dans la culture, pour les acteurs privés comme pour les pouvoirs publics, contribue non seulement au renouvellement de la création, mais également à la richesse matérielle et à la cohésion sociale des nations.

Je voudrais enfin vous remercier, vous tous qui avez répondu présent, d’être venus nous apporter vos expériences et vos expertises, qui sont très diverses : chefs d’entreprise, financiers, intellectuels, créateurs dans tous les domaine, responsables politiques...

J’en suis heureuse parce qu’ainsi la diversité, et le très haut niveau des intervenants et des participants de ce Forum, permettent d’en démontrer toute l’ambition. Cette manifestation tient en effet une place éminente à double titre.

Dans le cadre de la Présidence française de l’UE, tout d’abord. Le Forum d’Avignon sera, je l’espère, l’un des événements les plus marquants dans le domaine de la culture et des médias ; d’autant que ses analyses et ses conclusions ont naturellement vocation à s’épanouir au niveau européen – et au-delà.

Dans le cadre national, ensuite, puisque les problématiques que nous allons aborder rejoignent les priorités qui sont les miennes : comment stimuler l’économie de la Culture et renforcer la part de celle-ci dans la croissance de l’activité ? comment créer les conditions de la diversité de l’offre culturelle dans un contexte qui est celui du marché, sans porter atteinte au fonctionnement de celui-ci et à la compétitivité de ses acteurs ?

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« Culture et croissance économique » : Ce sujet peut surprendre, tant les deux univers de la culture et de l’économie peuvent sembler, à première vue, antinomiques – voire antagonistes. D’un côté, on parle de publics ou d’amateurs, quand de l’autre on évoque des clients ; ici, on s’appuie sur des institutions quand là on fait confiance à des marques ; ici, enfin, on vise l’élévation quand là on recherche la croissance… Et si, de part et d’autre, on parle de « valeur », la signification n’est pas la même…

D’où deux caricatures particulièrement tenaces, qui font régulièrement l’objet d’une abondante littérature ; entre, d’un côté, partisans de la « libéralisation » – entre guillemets – de la culture et, de l’autre, défenseurs de la liberté de créer, qui ne serait garantie que par l’intervention de l’Etat.Les premiers dénoncent une culture officielle, une vie artistique maintenue sous respiration artificielle à grand renfort de subventions publiques, un secteur budgétivore, incapable de créer des richesses propres.

Les seconds fustigent la logique de marché qui sacrifie l’audace et le génie créateur sur l’autel du marketing. La méfiance est de règle envers le monde économique. Jetant au passage le soupçon sur ces « industries culturelles » qui naviguent depuis longtemps entre deux écueils, à la fois soutenues à certains égards mais obligées, comme toute entreprise, de faire des bénéfices pour survivre.

On voit bien, aujourd’hui, le danger d’un tel soupçon : alors que les industries de la musique, du cinéma, bientôt du livre, s’écroulent à cause du piratage des œuvres sur Internet, certains applaudissent des deux mains, ravis de voir les artistes enfin libérés d’investisseurs ou de diffuseurs « vampires », obsédés par leur rentabilité et fondant celle-ci sur l’exploitation des créateurs.

C’est le mythe d’une absence d’intérêts communs entre les différents acteurs des filières économiques qui permettent la création et la diffusion de la littérature, de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel, des arts plastiques…

Il est vrai que la logique de la culture et les spécificités des biens et des services culturels, constituent à bien des égards un défi aux lois traditionnelles du marché :

• Pour jouer Tartuffe en 1664, il fallait deux heures et douze acteurs et il faut toujours deux heures et douze acteurs en 2008 ; autant dire, zéro gain de productivité en plus de trois siècles…

• Aucune garantie de rentabilité non plus, puisque le risque est l’essence même de toute production artistique. Il n’y a, en la matière, jamais aucune certitude, aucune recette, aucune clé de succès. Tout le monde connaît l’histoire d’André Gide qui refusa d’éditer « Du côté de chez Swann » …

• Pire, il n’existe pas réellement de « demande » préexistante, du moins pas au sens où on l’entend habituellement, celui d’un besoin clairement identifié, quantifiable, analysable.

Comment un investisseur, dans ces conditions, peut-il être assez fou pour miser sur un produit par essence risqué, qui ne correspond à aucun besoin caractérisable?

Et pourtant, les activités culturelles au sens large représentent aujourd’hui plus de 2,6% du PIB de l’Union européenne et un chiffre d’affaires de plus de 650 milliards d’euros. L’Europe est même une exportatrice nette de biens et de services culturels, puisqu’en 2006, la balance du commerce extérieur de l’Union avec le reste du monde était, dans ce domaine, excédentaire de 3 milliards d’euros.

Près de 5 millions de personnes travaillent dans le secteur culturel en Europe, ce qui représente 2,4 % de l’emploi total. Pour la France, ce sont près de 500 000 personnes qui sont concernées.

Et encore, ces chiffres ne mesurent-ils que la contribution directe de la culture à la croissance. Ils ignorent les retombées économiques indirectes, et pourtant substantielles, qui découlent par exemple d’un festival, tel que celui d’Avignon, sur les échanges locaux, mais également sur l’image de la ville à

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l’international et son attractivité touristique. Nous avons sous les yeux des exemples frappants de villes où la culture a dynamisé l’économie, métamorphosé un paysage : le musée Guggenheim de Bilbao, l’opéra de Sydney, le Louvre à Abou Dhabi… Et pourquoi pas le MUCEM à Marseille ?

Qu’est-ce que cela signifie, et quelles leçons en tirer ?

Tout d’abord que la culture est aujourd’hui un secteur particulièrement important de notre économie. Particulièrement dynamique aussi. Et donc un secteur d’avenir.

Mais surtout, que ce sont les spécificités propres à la culture qui font la force et la vitalité de ce secteur. Et que le but n’est donc pas, pour les pouvoirs publics, de faire en sorte que les créateurs soient contraints de s’adapter servilement aux règles de l’économie. Car en tuant la diversité culturelle on remet en cause la source même de la création et, à terme, la pérennité des filières économiques concernées. Le but, c’est au contraire de faire jouer les forces de l’économie, la puissance des grandes entreprises mais également des réseaux d’innombrables PME, à l’avantage des artistes et des amateurs de films, de musique, de livres, de peintures, etc.

Pour cela, il faut connaître intimement les acteurs de la création, ceux de l’économie, leurs logiques propres et leurs besoins respectifs, afin de mettre en place un cadre qui facilite leurs rapports à la fois coopératifs et équitables.

Tel est le but de ce colloque : dépasser les caricatures, les a priori, se rencontrer, échanger, réfléchir ensemble à des solutions concrètes pour soutenir des secteurs qui doivent aujourd’hui relever des défis immenses et inédits.

Et ces défis sont encore plus difficiles à relever dans le contexte de crise financière internationale. Celle-ci pose en effet, dans des termes d’une acuité sans précédent, la question de l’accès au crédit et aux marchés des entreprises des industries culturelles – et nous savons qu’elles sont, dans leur immense majorité, des PME.

La rencontre des mondes de la culture et de l’économie me paraît donc plus nécessaire, mais aussi plus urgente, que jamais.

Alors oui, pendant deux jours, nous allons parler culture… et crédit, modèles économiques, profits, marché, concurrence.

Et oui, il ressortira de ces discussions que la culture est un facteur de croissance et d’emplois. Et même si cela n’est pas son but premier, c’est une conséquence bien réelle et nous devons plus que jamais le valoriser à l’heure où les investisseurs hésitent à prendre des risques, à l’heure où les entreprises qui font la richesse et la diversité de notre vie artistique ont du mal à obtenir des crédits, ou simplement à accéder aux marchés et aux consommateurs.

De très nombreuses questions vont être soulevées pendant ce forum, qui a effectivement pour but d’aborder tous les aspects de la rencontre entre la culture et l’économie.

• Comment, concrètement, la culture contribue-t-elle au développement local d’un territoire, à son attractivité ?

• Comment concilier la liberté du créateur et les moyens ou partenaires nécessaires à la pérennité et au renouvellement création ?

• Quel rôle pour les pouvoirs publics en matière de soutien à la création artistique ? Quelle articulation entre les interventions locales, nationales et européennes ?

• Comment favoriser le développement culturel des pays en situation économique difficile ? En d’autres termes, la culture peut-elle être un facteur de développement durable ? Et sur ce point, je compte particulièrement sur le forum d’Avignon pour contribuer à donner sa

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dimension concrète à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée à l’UNESCO le 20 octobre 2005 ;

• Enfin, le grand défi de la politique culturelle au XXIe siècle : comment tirer le meilleur profit de la révolution numérique au bénéfice des artistes mais aussi des publics ?

Vous le savez, la révolution numérique a bouleversé les termes du problème de la diffusion et de la distribution des œuvres. Certes, elle constitue une chance historique pour l’accès de tous à la culture, en permettant une circulation accélérée des produits de la création. Mais elle menace également de tarir la source même de cette création, en offrant des moyens techniques inédits de contourner les droits des artistes et des entreprises qui les soutiennent.

Dans tous les pays européens, il y a urgence à retrouver ou à inventer de nouveaux équilibres. Aucun acteur, pris isolément, qu’il appartienne au monde de la Culture ou à celui de l’Internet, ne détient la solution globale. Et je dirais même qu’aucun pays, pris isolément, ne la détient – puisqu’Internet ne connaît pas de frontières.

D’où la nécessité de réfléchir tous ensemble à la façon d’aider nos industries culturelles et de réseaux à s’adapter à cette nouvelle donne, à trouver des solutions adéquates, qui respectent les intérêts de tous les acteurs.

Sur ce point comme les précédents, j’attends du Forum d’Avignon une grande liberté de ton, et surtout beaucoup d’imagination pour répondre à la préoccupation qui doit être celle des pouvoirs publics : comment faire en sorte que les entreprises du secteur culturel puissent disposer de tous les outils nécessaires pour amplifier leur double rôle, à la fois dans la création et dans l’économie ?

Pour ma part j’ai tenté, depuis 18 mois, de développer une action cohérente à travers notamment deux actions transversales, qui concernent tous les secteurs de la culture.

Le premier combat est celui d’un taux de TVA réduit applicable à l’ensemble des biens et services culturels ; et, en premier lieu, au disque, aux services en ligne (dont la presse) et au marché de l’art. C’est un travail de long terme et de longue haleine, qui nécessité un consensus avec nos partenaires européens.

La seconde action est la lutte contre le piratage des œuvres sur les réseaux numériques, afin de permettre l’essor de l’offre légale en ligne et l’émergence des nouveaux modèles économiques de diffusion de la culture.

Vous le savez, j’ai présenté voici trois semaines devant le Sénat le projet de loi Création et Internet, projet pour lequel je me bats depuis un an.

Il a pour ambition de définir un nouveau cadre juridique pour la distribution de la musique, des films, et bientôt de l’écrit, par Internet. Il doit permettre la transition des industries culturelles vers un modèle économique fondé sur le numérique.

La diminution sensible du piratage, grâce au changement de mentalité que veut provoquer ce texte de loi en responsabilisant les internautes, est pour moi le pré-requis de toute politique publique en faveur des industries culturelles et des créateurs : il s’agit tout simplement de veiller à ce que les investissement et le travail de chacun soient justement rémunérés.

Mais j’attends de votre part des propositions innovantes. Notamment sur les relations qui devront s’établir, dans l’univers numérique, entre créateurs, producteurs, éditeurs et diffuseurs. Nous sommes tous conscients que la mise en place de rapports équitables entre ces différents acteurs est la prochaine étape, indispensable, pour faire de l’Internet une vraie chance pour la création et la diffusion des œuvres. Et je compte sur vous pour commencer à tracer des pistes, des perspectives.

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Avant de céder la parole à son Excellence l’Aga Khan, puis à Vivian Reding, je tiens à remercier très chaleureusement l’ensemble des partenaires et mécènes du Forum d’Avignon.

Je pense en premier lieu à son partenaire officiel, VIVENDI, mais également à Air France, la Caisse des dépôts, Bertelsmann, Ernst & Young, Neuflize OBC, Artcurial, la SACEM, la FNAC, le Figaro et la SNCF. Leur engagement et leur diversité constitue à mes yeux la meilleure preuve de l’intérêt et de la nécessité de cette initiative.Je remercie enfin tous les participants et animateurs des séances plénières et des tables rondes : Louis Schweitzer, Jean-Jacques Annaud, Emmanuel Chain, David Kessler, Guillaume Cerutti, Jean Musitelli, Pascal Rogard, Alain Kouck, Bernard Miyet, Jacques Séguéla.

Chers amis, j’espère vous avoir convaincus que pour moi, le Forum d’Avignon ne sera pas une réunion de plus parmi tant d’autres. Il suffit de parcourir la liste des personnalités présentes pour voir que ce forum est déjà un événement en soi ! Mais je souhaite qu’il soit surtout un point de départ, une première pierre pour la construction d’une vision renouvelée et ambitieuse de la culture et de sa contribution à la richesse de l’Europe, dans tous les sens du terme.

Je cède à présent la parole à son Excellence l’Aga Khan, qui m’a fait le grand honneur de répondre à mon invitation aujourd’hui.

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Intervention de Son Altesse l’Aga Khan

Madame le Ministre de la culture et de la communication,

Madame le Commissaire européen responsable de la société de l'information et des médias,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les hauts représentants de l’Union Européenne,

Mesdames et Messieurs les hauts représentants d’organisations et institutions internationales,

Mesdames et Messieurs les hauts représentants de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département du Vaucluse,

Madame la députée maire d’Avignon,

Mesdames et Messieurs les représentants du monde de la culture et de l’économie, Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Président de la République et vous-même, Madame le Ministre, m’avez fait un grand honneur et une grande joie en m’invitant à dire quelques mots à l'occasion de ce Forum d’Avignon.

Vous m'avez demandé de vous dire un peu de mon expérience sur un sujet dont vous savez qu'il me tient très à cœur :

"La valeur et l'importance de la diversité culturelle et son rôle en faveur de la paix et du développement".

En effet, il y a cinquante ans exactement, lorsque j’ai succédé à l’Imamat de mon grand père, j’ai constaté que les guerres, l’indifférence, la négligence, la volonté d’uniformiser les cultures à l’occasion des colonisations, ou encore le désir de moderniser le bâti, avaient entrainé des pertes irrémédiables de traits distinctifs importants de la culture des pays en voie de développement, en particulier celles des pays musulmans.

Autrement, dit les traits distinctifs des cultures de ces pays, dont la définition de l’UNESCO soulignent le caractère fondamental, périclitaient.

Il fallait réagir.

C’est ma défense de ces cultures, au travers du Réseau Aga Khan pour le Développement, et plus particulièrement son agence spécialisée, le Trust Aga Khan pour la Culture, que je souhaite évoquer aujourd’hui.

Ce Trust pour la Culture déploie ses activités dans trois domaines principaux :

- le Programme de soutien aux villes historiques,

- le Prix Aga Khan d’architecture, et

- le Programme d’éducation et culture.

Toutes ces activités, chacune se déclinant en de nombreux sous programmes dans des dizaines de pays, obéissent à trois principes fondamentaux :

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- développer l’autonomie des bénéficiaires,

- impliquer les communautés locales, et

- s’assurer du concours de partenaires publiques et privés.

Il m’a semblé que le mieux, dans le temps imparti, serait de vous présenter trois exemples de projets réalisés au sein de cette institution, mon souhait étant qu’ils constituent une référence utile pour les débats qui animeront ce Forum au cours des prochains jours.

Trois aspects sont communs à nos programmes :

- ils se déroulent dans un monde pauvre qui se trouve en présence d’importantes forces centrifuges, parfois même conflictuelles ;

- ils sont conçus pour maximiser leur impact favorable sur les économies, et la qualité de vie au sens le plus large, des populations concernées ;

- ils sont pensés dans la durée, même jusqu’à vingt-cinq ans, de manière à leur permettre de devenir autosuffisants tant sur le plan des ressources humaines que financièrement.

Ceci étant posé, j’évoquerai comme premier exemple un programme dans le domaine des œuvres de l’esprit, la musique.

Je voudrais que vous imaginiez l’histoire complexe, la diversité et la richesse des musiques de pays comme le Kazakhstan, la République Kirghize, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan ou l’Afghanistan.

J’ai malheureusement constaté que ces cultures musicales d’Asie Centrale étaient en perdition, pour les raisons que j’exprimais il y a un instant. Non seulement leur mémoire se perdait, mais les schémas musicaux imposés de l’extérieur, souvent avec des arrières pensées politiques, étaient en passe de créer une uniformité, une grisaille culturelle.

Ces processus ont conduit, dans le domaine de la musique que j’évoque ici, mais comme dans bien d’autres, à une perte d’identité.

Dans un monde qui se dit globalisé, certains peuvent trouver normal, voire souhaitable, une uniformisation des cultures.

Je crois pour ma part que les repères identitaires culturels de la personne et du groupe sont la source d’une force intérieure propice à des relations apaisées. Je crois également à la force de la pluralité, sans laquelle aucun échange ne peut avoir lieu. Cette notion fait pour moi partie intégrante de la définition même d’une réelle qualité de vie.

Dans l’exemple de la musique que j’évoque ici il s’est agi, avec le Trust, de relever le défi en créant l’Aga Khan Music Initiative. Nous avons donné à ce projet le nom de « Route de la Soie », tous les pays en question se trouvant sur cette route, à nulle autre pareille, qui reliait la Chine et l’Europe.

L’objectif à long terme est celui-ci :

- donner une impulsion décisive à l’étude et à la recherche ;

- former de nouvelles générations de jeunes artistes ;

- permettre la renaissance de festivals, concerts et représentations dans les pays d’origine de ces musiques ;

- faire connaître ces musiques non seulement dans les pays voisins, mais également dans d’autres pays Musulmans et en Occident;

Aujourd’hui nous assistons à une véritable renaissance de la musique dans ces pays lointains. Ce type de programme a au surplus l’immense qualité de promouvoir le pluralisme culturel, et,

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ce qui est peut-être plus difficile à appréhender, la légitimité du pluralisme en tant que principe d’organisation d’une société.

Ce résultat n’est pas mesurable avec les outils de l’économiste, mais contribue, je le vérifie à chaque fois, à une renaissance de la conscience des spécificités culturelles et à des progrès sensibles en termes de qualité de la vie. C’est certainement la raison pour laquelle, lorsqu’une collectivité a été témoin et acteur d’une expérience en faveur du pluralisme, elle aspire à la voir se développer dans d’autres domaines.

De même qu’il est bon que les musiques traditionnelles soient retrouvées et diffusées de par le monde, de même il est important, ce sera mon second exemple, que les jeunes architectes aient la faculté de puiser leur inspiration librement dans toutes les traditions en commençant par la leur. Les architectes de l’orient doivent avoir accès aux meilleures sources de l’occident et vice versa.

C’est dans ce but que le Trust Aga Khan pour la Culture a conçu ARCHNET, le situant au Massachusetts Institute of Technology afin d’en assurer le devenir sur le plan technologique.

Il s’agit encore une fois d’une œuvre de l’esprit, un forum en ligne, une encyclopédie électronique de l’environnement bâti.

Cet outil permet notamment aux architectes des pays en voie de développement d’accéder à des connaissances et des techniques qui leur permettent de construire des bâtiments sans précédent dans leur histoire, par exemple des aéroports, des hôpitaux ou des complexes modernes de bureaux, sans interdire l’intégration d’éléments de leur propre culture. Autrement dit, il est exclut de rejeter les apports techniques de la modernité, mais d’autre part il est essentiel de les assimiler dans le cadre socio-culturel qui les accueille.

L’objectif recherché lorsque nous avons conçu ARCHNET, aujourd’hui atteint, était de susciter une communauté mondiale d’architectes, d’urbanistes, de professeurs et d’étudiants partageant leurs connaissances, en ligne, dans le domaine de l’environnement bâti. Selon les derniers chiffres, cette communauté compte plus de 60.000 membres. A octobre, la croissance, par rapport à l’année dernière, en ouverture sur le site et de pages visitées était en augmentation de 30%.

Mon troisième exemple est celui de la restauration par le Trust Aga Khan de villes historiques et de leurs parcs. Nous sommes intervenus dans ce registre en Afghanistan, au Tadjikistan, en Bosnie Herzégovine, en Egypte, en Syrie, aux Indes, au Pakistan, au Kenya, à Zanzibar et au Mali. Nous avons ainsi contribué à faire revivre des économies rurales et urbaines en mobilisant des sites et des bâtiments historiques qui constituent le cadre de vie des populations qui sont parmi les plus pauvres des pays concernés.

Dans ce contexte il convient aussi de parler du moteur extraordinaire que constituent les partenariats public-privé. Je citerai ici le Dr Manmohan Singh, Premier ministre indien en 2004, qui avait déclaré : « J’espère que plus de partenariats public-privé pourront prospérer pour conserver et restaurer les monuments de nos ancêtres, qui sont malheureusement délaissés et négligés dans nos cités et nos villes. » J’ai été, je dois vous le dire, particulièrement heureux qu’il fasse cette déclaration au Mausolée de l’Empereur Humayun, près de Dehli, restauré grâce à un efficace partenariat entre l’Etat indien et le Trust Aga Khan pour la Culture.

Nous avons appris la richesse et l’efficacité des partenariats public-privé. C’est précisément cette leçon que j’applique dans le cadre de la réhabilitation du domaine de Chantilly, programme que je conduis à titre personnel, la main dans la main, avec l’Institut de France, la ville de Chantilly, le Département de l’Oise, la Région Picardie et France-Galop.

Ces exemples comptent parmi ceux dont l’impact peut être mesuré en utilisant les outils traditionnels de l’économie, tel l’impact sur une démographie donnée et l’amélioration quantifiée dans les paramètres de la qualité de la vie. Ceci me permet d’espérer, pour la première fois, que ce type d’intervention pourra être financé par les grandes agences financières internationales, sans encourir le risque qu’elles nous qualifient de carnivores budgétaires.

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Mon expérience va ainsi tout à fait dans le sens de ce que disiez tout à l’heure, Madame le Ministre : « La culture n’est pas dans un monde à part, elle s’insère dans un environnement économique bien réel ».

Pour terminer je voudrais vous dire sous une autre forme ce à quoi j’ai déjà fait allusion indirectement : je suis très soucieux du vide qui sépare les cultures.

Ce vide n’est cependant pas ce que l’on appelle à tort le choc des civilisations.

Le vide est tout aussi dangereux potentiellement qu’un choc, car l’ignorance de l’autre et la méconnaissance de la richesse que constitue la pluralité peuvent déboucher sur le mépris, la haine et la guerre.

Le vide cependant peut être comblé, alors que le choc est irrémédiable.

Ce vide nous en avons éminemment conscience et c’est la raison profonde pour laquelle nous agissons. Je vous ai donné quelques exemples mais il en est bien d’autre, tel le musée Aga Khan qui sera construit à Toronto pour devenir le centre spécialisé en Amérique du Nord de l’art islamique et échanger avec tous les grands musées d’occident.

J’espère beaucoup que ces partenariats pourront se développer avec les Etats, les organisations internationales et leurs agences de développement. Ils nous ont considérablement soutenu et aidé dans le passé et je suis sûr qu’ils trouveront dans cet outil de nouvelles voies pour poursuivre leur action.

Puisque ce Forum d’Avignon se déroule sous l’égide de la Présidence française de l’Union Européenne, je saluerai en terminant la coopération efficace qui existe entre l’Union Européenne et les agences de développement de nombreux Etats de l’Union, d’une part, et le Réseau Aga Khan pour le Développement, d’autre part. Et puisque nous sommes en France permettez que je me réjouisse particulièrement de la coopération qui existe avec l’Agence Française de Développement et son réseau.

J’espère avoir démontré les effets éminemment bénéfiques d’initiatives sérieuses dans le domaine de la culture, qu’ils soient mesurables en termes économiques ou perceptibles en termes de progrès du pluralisme, et donc de la qualité de la vie. La culture n’est décidément ni un simple complément, ni un luxe. CQFD.

Je vous remercie.

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Intervention de Madame Viviane Reding

Commissaire européen

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse de participer aujourd'hui au Forum 'Culture, facteur de croissance' car c'est un sujet qui me tient particulièrement à coeur et sur lequel j'ai eu le privilège de pouvoir m'engager, d'abord comme Commissaire européen en charge de la culture et de l'éducation, et maintenant en ma qualité de Commissaire à la société de l'information et aux médias. Permettez-moi, dans ce contexte, d'évoquer un événement très attendu cette semaine: le lancement d'Europeana, la bibliothèque numérique européenne. Ce projet européen d'envergure est le fruit d'une collaboration sans précédent entre plusieurs centaines d'institutions culturelles des Etats membres de l'Union européenne. Lancée sous l'impulsion de la Commission européenne, Europeana représente une alliance inédite entre les nouvelles technologies et le monde de la culture. Je suis convaincue qu'elle modifiera profondément la façon dont chacun – étudiant, chercheur, professionnel ou passionné d'art et d'histoire – accédera désormais au patrimoine culturel européen.

La perspective historique Jorge Luis Borges, grand écrivain argentin et directeur de la bibliothèque nationale de Buenos Aires, écrivait au milieu du siècle dernier, une nouvelle intitulée 'La Bibliothèque de Babel'. Il y décrivait l'univers d'une gigantesque bibliothèque pourvue d'une multitude d'informations, dans toutes les langues possibles et imaginables, mais qui, faute d'organisation, était totalement inutilisable. Entre-temps, Internet a fait son apparition et les nouvelles technologies ont fondamentalement modifié notre relation à l'information. Il y a quelques années, lire des livres entiers sur un écran d'ordinateur semblait encore surréaliste. Depuis, le livre électronique a fait son entrée dans notre vie quotidienne: il a maintenant toute sa place à côté des ouvrages en format papier. Et pour les jeunes, Internet est devenu la première source d'information.

Nous sommes tous témoins du développement des technologies de l'information et de la communication. Elles ont créé de nouveaux modes d'expression et de communication. Prenons l'exemple des réseaux sociaux: l'année dernière, leur utilisation a augmenté de 35 % en Europe et on estime que le nombre d'utilisateurs réguliers devrait plus que doubler en quatre ans, passant de 41,7 millions aujourd'hui à 107 millions en 2012. Nous assistons parallèlement à une véritable explosion des contenus créés et partagés par les utilisateurs.

La fiction de Borges aurait-elle été prémonitoire ? La multitude des contenus sur internet crée-t-elle une version contemporaine de la Bibliothèque de Babel? Autant de questions que nous pouvons nous poser et auxquelles nous nous attacherons à répondre avec le lancement d'Europeana.

Europeana, du rêve à la réalité L'idée de créer une bibliothèque numérique européenne est donc née dans ce contexte. Dès ses débuts, il y a trois ans, Europeana était à la fois rêve et nécessité: faire entrer notre patrimoine culturel européen dans l'ère numérique, le mettre à la disposition de tous et rendre son usage interactif, notamment pour les générations futures.

Europeana, que j'aurai l'honneur d'inaugurer le 20 novembre avec le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et la Ministre française de la Culture, Christine Albanel, marque le

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début d'une fabuleuse aventure. Elle offrira à tout un chacun un accès facile et immédiat aux oeuvres culturelles, une comparaison entre ces oeuvres et des discussions entre internautes. Et cela, en 21 langues!

Europeana offrira un visage à la culture européenne sur internet. Elle facilitera l'accès aux richesses qui constituent la culture et l'histoire de l'Europe, qu'il s'agisse d'ouvrages de la littérature française tels que les manuscrits de Zola ou Balzac, de magazines provenant de la bibliothèque nationale de Luxembourg, de la reproduction numérique d'un autoportrait de Rembrandt authentifiée par le Rijksmuseum à Amsterdam, de cartes ou de plans détenus par la bibliothèque nationale slovène, ou encore de partitions musicales hongroises. Europeana, c'est l'illustration concrète de l'unité dans la diversité, devise de l'Union européenne. Europeana créera un espace culturel nouveau: pour la première fois, de vastes collections, dont les versions numériques auront été authentifiées par les institutions culturelles, seront virtuellement réunies sur un seul portail d'information. Europeana permettra aussi de comparer la manière dont les grands épisodes de l'histoire d'Europe ont été vécus et analysés, à travers les documents, les journaux et les objets de l'époque et cela, d'un pays à l'autre. Les utilisateurs pourront recomposer virtuellement des oeuvres d'art jusque là dispersées aux quatre coins du monde.

Prenez l'exemple du 'Codex Sinaiticus'. Il montre toute la force d'Internet dans cet exercice de reconstitution. Le 'Codex Sinaiticus' est un des exemplaires de la Bible les plus anciens du monde. Ce document, qui date du quatrième siècle, a été découvert en Egypte au 19ième siècle. Depuis lors, les 350 pages du Codex ont été dispersées: une partie se trouve au British Library, une autre à l'université de Leipzig et à la bibliothèque nationale russe à Saint-Pétersbourg, et une dernière dans un monastère en Grèce. La numérisation et l'accessibilité en ligne de ces différentes parties permettront aux scientifiques, d'étudier, pour la première fois, le texte dans son intégralité.

Les exemples de ce type sont nombreux. Ils soulèvent des questions intéressantes sur la dimension géographique de la bibliothèque numérique européenne. Si l'on revient au Codex Sinaiticus, c'est un document écrit en Grec ancien, qui a été retrouvé en Egypte et dont certaines parties se retrouvent maintenant en Russie : preuve qu'Europeana ne peut se concevoir sans une coopération à l'échelon international. Il en est de même pour les écrits de Borges, présents dans les bibliothèques d'Espagne et d'autres pays d'Europe, ou encore pour les documents relatifs aux ‘conquistadores’ qui sont disséminés dans les bibliothèques et les centres d'archives d'Amérique latine. Pourraient-ils figurer dans la bibliothèque numérique européenne? Je le souhaite, car j'envisage une bibliothèque numérique européenne qui soit ouverte sur le monde, dans un esprit de dialogue et d'échanges entre tous les utilisateurs.

L’engagement des institutions culturelles

Si le rêve de la bibliothèque numérique européenne est devenu réalité, c'est avant tout grâce à la détermination et à l'engagement des acteurs culturels, que la Commission européenne a accompagnés et soutenus, leur permettant ainsi d'oeuvrer ensemble au-delà des frontières. Tous sont partis du même constat qu'Europeana offrait de nouvelles perspectives aux nouvelles générations en augmentant la visibilité de toutes les richesses cachées de nos bibliothèques, archives et musées.

Car même si elles sont numérisées, ces richesses ne sont pas toujours disponibles en ligne. D'autres sont même introuvables dans la masse d'informations d'Internet. Laissez-moi vous donner deux exemples: sur 1000 musées allemands qui ont numérisé leurs collections à ce jour, seuls 250 ont effectivement mis leurs contenus en ligne. Ailleurs, en Pologne, seul 1% des documents numérisés par les archives est actuellement accessible en ligne. Vous le voyez, le chemin à parcourir pour la numérisation et l'accessibilité en ligne des oeuvres culturelles est encore long.

Europeana, un véhicule culturel et économique.

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S’il est facile d'estimer l'apport culturel d'Europeana, ne négligeons pas pour autant son impact économique et, plus généralement, l'impact économique de la politique de numérisation et de la diffusion du patrimoine. Le retour sur investissement de la numérisation, tant pour les utilisateurs que pour l’économie en général, est un élément majeur. Certains pays réalisent des analyses coûts/bénéfices détaillées. Ainsi, l'étude d'impact d'un important projet de numérisation des archives audiovisuelles aux Pays-Bas a conclu que les bénéfices, estimés à 176 millions d'euros, seraient bien plus élevés que l’investissement évalué, lui, à 148 millions d'euros. Ces bénéfices obtenus grâce à une utilisation accrue du matériel numérisé reviendront autant aux institutions qui le détiennent qu’aux ayants droit et aux utilisateurs. Un des avantages économiques de la numérisation est le potentiel considérable qu'elle offre pour le développement de nouveaux services d'information. A titre d'exemple, la diffusion des informations traditionnellement détenues par les institutions publiques, comme les informations géographiques et météorologiques, a permis de développer, à l’ère numérique, toute une série de nouveaux produits tels les systèmes de navigation ou les services météorologiques personnalisés. A l’avenir, le même phénomène se produira peut-être pour certaines collections historiques de nos institutions culturelles, qui pourront être à l'origine de produits et services innovants dans des secteurs clés comme l'éducation ou le tourisme. Pensons par exemple aux guides 'intelligents' des musées, qui fournissent aux visiteurs des informations personnalisées sur leur téléphone portable ou leur assistant personnel.

Les nouvelles technologies offrent, là aussi, des possibilités incroyables: en combinant des informations de différentes sources, elles donnent une valeur ajoutée à toute visite culturelle.

Le respect des droits d'auteur

Bien évidemment – et c'est un élément très important – la numérisation et l'accessibilité en ligne des oeuvres doivent s'effectuer dans le plein respect des droits d'auteur. Pour numériser et mettre en ligne des oeuvres sous droit, l'accord des ayants droit est indispensable. Nombreux sont toutefois les documents, livres et peintures des institutions culturelles qui relèvent du domaine public. Ces contenus libres de droit peuvent être utilisés par tous. Il est essentiel qu'il en soit de même dans le monde numérique. Dans un premier temps, Europeana offrira tout d'abord un accès gratuit à des oeuvres du domaine public. A terme, elle mettra à disposition du public de plus en plus de contenus sous droits, grâce à une collaboration avec les ayants droit.

Plusieurs modèles de collaboration peuvent être envisagés. En France, la BNF travaille déjà avec les éditeurs dans le cadre de Gallica 2. Celle-ci donne un accès gratuit aux contenus du domaine public numérisés par la Bibliothèque Nationale de France et permet la consultation des oeuvres sous droits que l'utilisateur peut acquérir à travers les sites des éditeurs. Il revient alors aux éditeurs de décider quelle partie des contenus peut être consultée gratuitement en ligne. A l'avenir, je souhaite que des accords similaires entre Europeana et les éditeurs européens puissent voir le jour.

Un autre modèle consiste à obtenir une licence des ayants droit pour rendre les contenus accessibles à travers leur site Internet. Pour être efficace dans le contexte d'Europeana, ce type d'accord devra prendre une dimension transfrontalière. Autrement dit, les licences ne pourront être limitées au seul territoire de l'Etat membre de l'ayant droit. Enfin, penchons-nous sur le cas particulier des oeuvres dites 'orphelines', c'est-à-dire celles pour lesquelles il est impossible de retrouver les ayants droit. Après de longues recherches, une institution culturelle peut en arriver à la conclusion qu'il n'est pas possible d'obtenir une licence, pour la bonne et simple raison qu'il a été impossible de retrouver les ayants droit. C'est regrettable. La British Library estime, par exemple, que 40% de ses oeuvres sous droit sont des oeuvres orphelines. Je suis d'ailleurs très heureuse que les institutions culturelles et les ayants droit (y compris les éditeurs) aient conclu un accord sur les oeuvres orphelines en juin dernier, dans le cadre du "Groupe à haut niveau sur les Bibliothèques Numériques" que j'ai créé en 2006.

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J'invite donc toutes les parties prenantes à faire preuve d'ouverture et de créativité afin de développer de nouveaux modèles de coopération capables d'apporter des solutions concrètes et équitables pour tous.

Europeana, fruit d'une large collaboration

La création d'Europeana a reçu le plein appui des ministres de la Culture et de l'Audiovisuel. Elle a aussi recueilli le soutien enthousiaste du Parlement européen qui a adopté, en septembre 2007, une résolution pour soutenir Europeana, sur la base du rapport de Mme Marie-Hélène Descamps.

Je salue aussi le travail et l'extraordinaire collaboration des institutions culturelles des 27 Etats membres. Cette coopération n'allait pas de soi. Les institutions, parfois peu habituées à coopérer, avaient développé des traditions différentes pour la présentation et la description de leurs contenus. Avec une clairvoyance extraordinaire, elles ont su identifier leur chance et relever le défi.

Mais ne commettons pas l'erreur de croire que ces efforts, aussi considérables soient-ils, puissent suffire. Europeana a été conçue comme un projet fédérateur, une entreprise commune. Elle a pu voir le jour grâce à la volonté conjointe des acteurs culturels et politiques. A l'avenir, je souhaite que les partenariats entre acteurs publics et privés se multiplient et que de nouvelles formes de coopération voient le jour afin d'assurer la pleine expansion et la pérennité d'Europeana. Notre volonté d'innover doit être à la hauteur des enjeux actuels ! Ce jeudi, le lancement d'Europeana sera un moment historique pour la culture européenne et les citoyens européens. J'attends des Ministres qu'ils apportent un soutien clair à Europeana et à son développement futur.

Perspectives et défis

Dès la fin de la semaine, Europeana ouvrira l'accès à plus de deux millions d'objets culturels issus de toute l'Europe. Que représentent 2 millions d'objets? C'est un formidable début. Est-ce suffisant? Je n'en suis pas sûre et je pense, en particulier, à nos jeunes générations. Pour qu'un service de qualité attire les utilisateurs et les fidélise, il faut constamment alimenter les collections, les mettre à jour et ajouter des contenus. Un effort soutenu sera donc nécessaire pour numériser davantage de

matériel. Notre objectif pour 2010 est d'atteindre, voire dépasser, les 10 millions d'objets. Il reste beaucoup à faire. Prenons les chiffres des bibliothèques nationales – pourtant parmi les institutions les plus avancées en termes de numérisation – elles ont numérisé environ 1% de leurs collections à ce jour. Et d'après leurs prévisions, ce chiffre atteindra 4% en 2012. La route est encore longue !

Un autre défi pour Europeana est le multilinguisme. Les premiers utilisateurs pourront effectuer leurs recherches dans 21 langues à partir d'un écran et de sources multilingues. Par la suite, ils pourront saisir leur recherche dans leur propre langue et recevoir des résultats pertinents. Lorsqu'il s'agira de matériel écrit, une traduction automatique sera également possible. Europeana servira donc aussi de laboratoire pour tester ces nouvelles technologies. Il en va de même pour les applications 'Web 2.0' qui permettent de partager du contenu entre internautes. Europeana deviendra un outil interactif, où les internautes qui partagent un intérêt commun – littérature médiévale, sculpture ou musique par exemple – pourront se rencontrer et échanger leurs points de vue.

Quelle est notre vision pour le futur?

Le lancement d'Europeana est une chance inouïe pour tous les amoureux de la culture d'aujourd'hui et de demain. A elle seule, Europeana présente un agenda d'activités extrêmement riche en matière de numérisation, d'accessibilité en ligne et de conservation numérique. L'effort de tous est donc indispensable.

Je suis très heureuse de constater qu'Europeana et la nécessité, pour les Etats membres, de l'alimenter font partie des priorités de la Présidence française dans le domaine culturel et audiovisuel.

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La Commission européenne est déterminée à déployer tous les efforts nécessaires pour garantir le succès de ce "rêve devenu réalité". Dans les deux années à venir, nous investirons environ 120 millions d'euros dans les technologies et le développement de la bibliothèque numérique et quelque 40 millions d'euros par an dans les outils du multilinguisme, comme la traduction automatique.

Conclusion

Mesdames et Messieurs, dans sa 'Bibliothèque de Babel', Borges décrivait un univers vertigineux où un nombre incalculable de livres attisait les désirs des hommes et leur faisait même perdre la tête. S'éloignant de cette métaphore, Europeana crée un univers du possible où des informations simples et de qualité seront offertes à tous les citoyens en quête de nouvelles connaissances.

Laissez-moi conclure en rappelant qu'en son temps, la Bibliothèque d'Alexandrie rassemblait entre 30% et 70% des connaissances de l'humanité. Notre défi à l'ère numérique est de nous en rapprocher et de pouvoir conserver les ouvrages d'Europeana aussi longtemps, sinon plus !

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Extraits de certaines interventions (1)

Klaus Wowereit

Maire de Berlin

« Est-ce que les grandes industries ont leur place dans les grandes villes européennes avec des milliers d’emplois et des installations industrielles ? Ce n’est pas la tendance. On sait qu’en Europe les centres industriels quittent les villes, voire même quittent les régions, et quittent l’Europe carrément. Pour ce qui est des chiffres, à Berlin, nous avons un domaine culturel, une politique de la culture qui essaye de travailler sur une base réaliste. Les chiffres pour 2006 nous montrent 22 900 entreprises culturelles, de la petite à la moyenne entreprise, 17,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour toutes ces entreprises réunies, 13 % du PIB de la ville de Berlin : l’économie de la culture, ce sont 160 500 personnes qui travaillent. […] 160 500 personnes, qui contribuent à la croissance, 10 % des Berlinois qui travaillent dans la culture, ce sont des chiffres considérables. Cela montre très clairement qu’on ne peut plus parler de culture passive, mais véritablement de culture active et d’économie de la culture. La culture est véritablement un moteur de la croissance. Développer la culture, ce n’est plus simplement une question culturelle. C’est aussi un choix économique. [...] Il faut travailler pour faire en sorte que cette économie créative soit soutenue. »

(1) Ces extraits sont les retranscriptions partielles, et le cas échéant les traductions, des interventions. Elles n’ont pas été revues par leurs auteurs.

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Alexandre Allard

Président Royal Monceau

« On est en train de quitter la civilisation occidentale à laquelle nous appartenons tous pour laisser la place à une nouvelle civilisation, celle donc des « BRIC» (1). Je les appelle «MBRIC», car il y a aussi le Moyen Orient parmi ces pays. On va assister dans les dix années, même plutôt dans les cinq années qui viennent, à la création de cinq Europe, puisque chacune de ces puissances dans les 5 à 10 ans sera aussi puissante que l’Europe d’aujourd’hui. Alors imaginez notre vieille Europe qu’on a eu tant de mal à rassembler, qui a mis tant de siècles à exister ! Imaginez qu’il y en a cinq qui sont en train d’exister aujourd’hui ! C’est tout le modèle auquel on doit réfléchir aujourd’hui. En fait, cette crise qu’on appelle crise aujourd’hui, c’est juste un passage avec des opportunités extraordinaires dans ces changements de modèle. Il y a de la création de valeur absolument phénoménale qu’il faut savoir exploiter. On voit que naturellement, parce qu’il faut qu’on arrête de réfléchir, les choses se font sans nous. Il faut qu’on arrive à se raccrocher à tous ces modèles-là. On voit naturellement que ces cinq grandes puissances l’ont compris : la culture est au cœur de la réussite et au cœur de la stabilité et d’un modèle économique progressiste. On le voit très bien cette semaine : il y aura plus de gens à Abu Dhabi qu’à la FIAC à Paris – c’est quand même paradoxal – c’est-à-dire que ces gens-là ont compris depuis longtemps que la culture faisait partie de leur modèle. Lorsqu’on voit ce qui c’est passé à Shanghai en octobre pour le forum de la culture, on sent un dynamisme, une énergie qu’on ne sent plus depuis longtemps, hélas, dans nos vieux continents. Donc, il faut savoir exploiter cela, il faut savoir inventer de nouveaux modèles, il faut savoir exploiter le fait que ces pays vont donner naissance à des entrepreneurs comme il n’en a pas existé depuis longtemps chez nous. Ce sont des conquérants, des gens qui ont beaucoup d’argent – il faut parler d’argent aussi -, des gens qui ont une énorme énergie : ils ont compris qu’ils allaient valoriser leurs patrimoines dans une relation au travers de la culture. Cela va donner de nouveaux mécènes, qui vont créer des musées. On parle de la Chine avec son programme de 1000 musées dans les 5 à 10 ans. On voit que ces pays là ont une énergie autour de la culture qu’on n’a plus depuis longtemps. Par contre, ce qui est important, c’est qu’ils créent d’après notre modèle, ils recopient notre modèle, ils s’inspirent de nous. C’est pour cela que je suis revenu après de longues pérégrinations. Je travaillais avec Bruno RACINE, avec Jean NOUVEL dans des pays, dans plusieurs pays, et finalement j’ai décidé de revenir en France, parce qu’en réalité la clé, pour moi personnellement, de l’exploitation de ce qui se prépare aujourd’hui, c’est de pouvoir mettre au service de tous ces pays notre expérience occidentale. »

(1) BRIC = Brésil, Russie, Inde, Chine.

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Inaki Azukuna-Urreta

Maire de Bilbao

« Le musée Giggenheim reçoit en moyenne environ 1 million de visiteurs par an, 60 % sont étrangers. Beaucoup vont visiter le Casco Viejo de Bilbao. Quand on commença à construire le musée, c’est bien simple, seuls étaient d’accord le gouvernement basque, le gouvernement provincial, la députation et la mairie. Le reste, médias, syndicats, administrateur général, tout le monde était contre. Ils ne comprenaient pas qu’en pleine crise on puisse décider de construire un musée d’art contemporain, au point que nous-mêmes, nous qui faisions le pari du musée, nous commencions à nous demander si nous parviendrions au chiffre de 400 000 visiteurs. La première année, il y a eu 1 360 000 visiteurs et, depuis, 1 million de personnes en moyenne par an se présentent pour visiter le musée. A mesure que la construction avançait, certains commençaient à changer d’avis, surtout, je dois le dire, certains médias. Le revirement fut complet quand on commença à voir la beauté de l’œuvre de Frank Gehry. […]

A mon avis les Américains ne savaient pas où se trouve Bilbao. Mais il y eu un concours de circonstances. Plusieurs villes européennes repoussèrent le projet. Il y avait un bon feeling et ils virent que nous étions des gens sérieux et responsables, et respections notre parole. Le musée coûta 132 millions d’euros de 1997, qui peuvent se ventiler en 3 chapitres : construction pour 84 millions, achat d’œuvres d’art pour 36 millions, contribution à la fondation pour en être membre de 12 millions, payés par le gouvernement basque et le gouvernement provincial sur des terrains cédés par la mairie. Nous n’avons pas reçu un centime du gouvernement central. En revanche, nous avons pris le temps d’expliquer aux administrés que le musée, loin d’être une dépense, était un investissement. L’Etat nous a donné raison : c’était un pari très risqué, par bonheur c’était un pari gagnant. A Bilbao il n’y avait pas de touristes, aujourd’hui il y en a. Le Guggenheim a réactivé aussi l’amour pour la culture. Le musée des Beaux Arts, le musée centenaire, le musée de toujours de Bilbao, a retrouvé une seconde jeunesse, en parti grâce au musée d’avant-garde. »

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Jean Nouvel

Architecte

« Je contribuerai à ce débat par quelques remarques simples sur le rapport « économie et architecture ». […] Architecturer, c’est modifier temporairement mais souvent pour longtemps un lieu, généralement en le construisant ou en l’aménageant. Cette modification peut être à l’échelle de la ville, du quartier et d’un immeuble, d’un logement ou d’un lieu de travail. Chacun des lieux à chaque échelle, chaque futur habitant, qu’il soit propriétaire ou locataire, a droit à une vraie réflexion architecturale, à une analyse spécifique et à une proposition en découlant. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : à l’échelle urbaine, le zoning et l’absence de quantification entre l’offre et la demande créent des ravages. Les crises immobilières sont le résultat d’un refus de prévision. Regardez aujourd’hui la situation en Espagne, souvenez-vous de la situation en France en 1993. Il faudrait arrêter de sous-penser et de sous-décider la ville, il faudrait en finir avec le simplisme de la planification urbaine qu’on a hérité de la chartre d’Athènes. Il faudrait remplacer les règles aveugles par des règles sensibles, déduites de l’analyse du contexte géographique et historique. Il faudrait penser plus et mieux, pour dépenser moins et mieux. Il faudrait dépenser plus avant et dépenser moins après, car mal penser coûte cher. L’exclusion, le zoning, la mono fonctionnalité, la ghettoïsation ont un coût social colossal en sécurité, en santé. Pour résoudre ces problèmes, l’architecture est la première arme. Architecturer, c’est construire, matérialiser des idées. L’architecte est maître d’œuvre, maître de l’œuvre, sur un plan éthique, il devrait remettre les clés à un client le jour où l’œuvre est terminée. Assumer l’activité de l’acte de construire.»

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Philippe Starck

Designer

« Je ne suis pas un professionnel de la culture, je vais vous parler tout simplement de moi, c’est ce que je sais faire le mieux. Un petit peu d’expérience. Je vais d’abord vous faire un petit panoramique de ce qu’est aujourd’hui un Européen, lorsqu’il fait un petit peu dans le design. Et c’est assez rigolo, vous allez voir. En Belgique, je suis un producteur de produits bio, à manger. En Hollande, je suis un architecte naval. En Angleterre, je suis un internetteur, architecte, un développeur, un dessinateur de fusées. Et en Allemagne, je suis un architecte naval et un designer industriel. En Suisse, je suis un dessinateur d’avions. En Italie, je suis un écologiste et un designer de meubles. Et en France, je suis un directeur artistique de diverses choses, un décorateur hôtelier, un designer électronique. Je fais des lunettes, des motos. En Espagne, je suis un architecte de musées et aussi un producteur d’huile d’olive. Vous voyez, il ne manque plus qu’un raton laveur pour faire de la poésie. Alors, pourquoi je vous dis ça ? Cela veut dire quand même que l’Europe existe. »

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Gilles Lipovetski

Philosophe

« Si la culture est devenue un monde économique à part entière, le monde économique devient également de plus en plus culturel. C’est particulièrement manifeste dans les industries de la consommation, qui ne cessent d’intégrer dans leurs offres une dimension culturelle, celle du style, de l’art, de la créativité, de la mode, mais aussi des valeurs et du sens. Le nouvel âge culturel est celui où le culturel se diffracte en grand dans le monde de l’univers de la consommation, dans la publicité, le design, l’architecture des magasins. Pour construire une image de marque, pour assurer sa communication et sa diffusion, on sollicite de plus en plus des créatifs, des artistes, des architectes, des réalisateurs de cinéma, des designers, des stylistes. Les grandes marques ne se contentent plus de mettre en avant l’excellence objective de leurs produits, elles parlent d’éthique, de racisme, de protection de l’environnement. C’est ainsi que le nouvel âge hyper moderne de la culture ne signifie pas seulement la marchandisation de la culture, il signifie en même temps culturalisation de la marchandise. Il ne faut pas voir dans ce processus une dépense inutile, mais précisément un investissement, une possibilité de s’imposer sur les marchés concurrentiels, bref une source de profit en tant que la culture est ce qui crée de la différenciation, de la différence, de la singularisation sur les marchés compétitifs où les produits tendent à se ressembler. »

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Jérôme Clément

Président d’ARTE France

« Quant au marché, on voit aussi que les choses ne sont pas aussi simples qu’on le croit, on voit parfois l’Etat comme gaspilleur d’argent public, soutenant des actions qui n’ont aucune rentabilité, le marché au contraire s’investissant uniquement sur des actions rentables et sur ce qui représente la possibilité de gains et d’investissements productifs. En fait, on s’aperçoit aussi qu’il y a un certain nombre d’actions qui sont montées par des fondations, par des entreprises. On citait Velux et la Sainte Chapelle, Vinci et la galerie des Glaces à Versailles (13 millions d’euros) où l’on voit bien que, même s’il y a une question d’image qui est très importante pour ces entreprises, les actions importantes qui sont engagées ici et là de plus en plus par les entreprises donnent une notion un peu floue de l’idée de la rentabilité. Donc je pense que les deux termes sur lesquels on doit réfléchir ont beaucoup évolué, et je suis toujours surpris et un peu perplexe quand je vois un certain nombre d’analyses qui donnent des versions caricaturales et dépassées de ces deux sujets. »

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Nikesh Arora

Vice-Président Google Europe

« Chez Google, souvent on nous demande c’est quoi la culture de Google et comment vous allez la faire évoluer ? Et ce que nous disons, c’est que la culture de Google, ce n’est pas nous qui la définissons, c’est vous. La culture est définie par ceux qui l’utilisent et qui la consomment. Ce n’est pas nous qui pouvons définir comment doit être ressentie notre culture. Donc, en fait, ce que nous sommes, c’est un endroit de symbiose entre les contenus et la distribution. Si on a une bonne distribution, la meilleure au monde, et pas de contenus, ça ne sert à rien. Et si on a les meilleurs contenus du monde, et qu’on ne peut pas les diffuser, ça n’a aucune valeur non plus. Donc est-ce que c’est les contenus qui comptent, ou bien la distribution ? Je pense qu’en fait il faut trouver le bon équilibre pour s’assurer que les meilleurs contenus puissent être accessibles dans le monde entier. »

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Dan Glickmann,

Président Motion Picture Association of America – MPAA

« Pour pas mal de gens qui suivent la vie de Shakespeare, c’est la pièce qui compte. La distribution, c’est important, la technologie qui permet de transmettre la pièce au consommateur, c’est essentiel. Si vous n’avez pas la pièce, si vous n’avez pas le contenu, si vous n’avez pas la matière première, et bien, sans doute que vous n’avez eu aucun impact sur la civilisation telle qu’elle existe depuis bien longtemps. Mais cela dit, si vous n’arrivez pas à transmettre la pièce aux gens, et bien personne ne connaîtra la pièce à l’origine et c’est précisément là qu’interviennent les nouvelles technologies. Comment faites-vous le lien entre la pièce et les gens ? Pour le faire, c’est par le biais de ces nouvelles technologies qui évoluent très, très rapidement. Et je pense que le secteur du cinéma et de la télévision aux Etats-Unis et dans le monde est en train d’évoluer rapidement. Des nouveaux business models se mettent en place pour répondre à une demande des consommateurs qui est de plus en plus diversifiée. Les prestataires de service Internet son aussi en train de rentrer dans cette question de transmission de contenus et envisagent toutes les capacités haute fréquence. Donc, ce sont les intérêts partagés de tous les acteurs, des créateurs, les créateurs de contenu à l’origine, les distributeurs du contenu et les consommateurs et ceux aussi qui détiennent la ligne, qui détiennent le média qui va transmettre aux consommateurs. Tous ces maillons doivent travailler ensemble vers ce commerce électronique pour promouvoir le développement de nouveaux services. »

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Didier Lombard

Président directeur général Orange – France Télécom

« Les gens se précipitent sur les vidéos partout. Les chiffres de trafic sont extraordinairement élevés. C’est un sujet, pour nous, opérateurs, parce que tous les réseaux qui étaient dimensionnés pour passer des mails et des choses relativement peu consommatrices de débit, doivent maintenant être élargis pour que passent les vidéos, plus consommatrices. Et il y a une propagation virale de cette maladie, c'est-à-dire que les internautes se recommandent les vidéos les uns aux autres. […] Cela file sur le net et cela fait le tour du monde à toute vitesse. Nous allons nous retrouver avec ces contenus de nature vidéo qui sont soit issus de film, de chaînes de télé, de création personnelle, etc. On est en face d’un même phénomène de jungle que ce qu’on a eu sur le texte il y a quelques années, il y a 3 ou 4 ans. La prochaine bataille, cela va être la bataille des moteurs de recherche vidéo et je ne sais pas qui va la gagner. Mais celui qui va la gagner va être le quatrième pouvoir du monde de l’Internet, c’est cela qui va arriver. Peut-être que Google va candidater ? Ils ont des équipes absolument extraordinaires, ils ont apporté des choses, d’ailleurs je suis sûr que vous avez des applications Google sur vos mobiles et que vous vous en servez tous les matins. Mais, cela étant, les moteurs de recherche vidéo qui ont la qualité des moteurs de recherche habituels, on ne les a pas encore. C’est dans les quelques mois qui viennent qu’ils vont sortir. Cela va être assez déstabilisant et cela va passer par des « tags » d’images, par tout un tas de « process » qu’il va falloir mettre en place : encore une nouvelle époque qui arrive. Autant dire que ceux qui croient qu’on est arrivé se trompent. Nous sommes en train de changer d’ère, c’est en train de se passer en ce moment. »

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Hartmut Ostrowski

Président du directoire de Bertelsmann

« Lorsqu’on parle des perspectives dans un monde médiatique numérisé, beaucoup pensent d’abord à des entreprises qui, il y a quinze ans, n’existaient pas encore ou peut-être qui étaient actives dans d’autres secteurs. Or, aujourd’hui, nous nous posons naturellement la question « qu’y aura-t-il après Google ? » et c’est une question naturelle. Cela résonne toujours un peu comme si le secteur des médias traditionnels n’existait plus. […] Au cours des dernières années, à mon avis, il s’est passé pas mal de choses. Regardez le nombre des canaux de communication, ils se sont multipliés, ils ont explosés, des Ipods, des Iphones, des appareils terminaux multifonctions pour les utilisateurs, cela est devenu tout à fait banal. Maintenant, les habitudes d’utilisation de notre public se sont adaptées, il y a des offres individuelles pour des groupes de personnes de plus en plus segmentés. Mais nous avons aussi appris que le consommateur a changé, il souhaite être plus actif, il veut participer, aussi dire son mot dans la création des contenus et nous avons pris note du fait que nous devons désormais nous mesurer à des nouveaux concurrents, qu’ils s’appellent Google, Apple ou Microsoft. Malheureusement, nous avons aussi appris à nos dépens que les contenus créatifs peuvent être facilement victimes de reproduction et de transmission illicite. Cela a eu des conséquences désastreuses, par exemple pour la musique, le cinéma, pour les artistes autant que pour les entreprises. C’est un fait, la numérisation nous a changé et continuera à nous changer. Mais nous, médias classiques, devons-nous pour autant trembler ? Devons-nous avoir peur ? Mais pas du tout, car je suis profondément convaincu que c’est à nous, précisément, que la numérisation offre de nombreuses chances de croissance nouvelle. Alors pourquoi suis-je si optimiste ? Et bien je pense que les médias classiques, avec toutes leurs chaînes de création de valeur, ont toutes les conditions réunies pour remporter des succès dans un monde numérique. […]. Dans un tel environnement, il y a deux éléments qui seront avant tout demandés : un contenu et une orientation. C’est cela qu’on demandera à l’avenir et c’est précisément ce qu’une entreprise des médias peut apporter à ses clients. Alors, que cherchent les gens du soir au matin sur Google ? Ils cherchent des contenus évidement, tous ces nouveaux canaux recherchent des contenus de grande qualité, tout le monde est à la recherche de ces contenus. »

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Jean-Bernard Lévy

Président du directoire de Vivendi

« Vous avez vu que nous n’investissons pas que dans les artistes de la Star Academy. Nous investissons aussi dans la diversité culturelle de façon, et c’est peut-être une transition, à faire en sorte qu’avec les nouvelles technologies, les gens qui sont dans le monde entier puissent retrouver leurs bases culturelles, puissent retrouver leur identité et puissent se faire plaisir, avoir du plaisir, avec ce qui leur rappelle leur propre culture - et c’est grâce à cet investissement permanent dans les artistes, investissement qui est à haut risque. Je vous rappelle que moins d’un disque sur 10 qui est lancé rembourse ses frais de production. Upetit peu comme les molécules dans un laboratoire, il faut savoir sélectionner les bonnes, car même quand vous en sélectionnez 10, il y en a 9 qui ne vont pas donner lieu à un médicament réussi. Ce pari, cette foi dans la capacité des artistes à toujours renouveler l’intérêt des consommateurs pour la musique, c’est ce que nous avons cru en permanence et ce que je crois. Nous donnons le ton de ce que doit être l’industrie musicale à l’avenir. Elle ne peut se bâtir que si elle continue à se renouveler et à croire dans les artistes. »

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Discours de clôture de Madame Christine Albanel

Ministre de la culture et de la communication

Votre Altesse,Mesdames et messieurs les ministres,Chers Renaud DONNEDIEU DE VABRES et Nicolas SEYDOUX,Cher Jacques SEGUELA,Cher Jacques ATTALI,Mesdames, Messieurs,Chers Amis,

Je voudrais tout d’abord vous remercier tous, très chaleureusement, d’avoir contribué à la réussite de ce rendez-vous inédit – et pionnier, à n’en pas douter.

Vous remercier d’avoir apporté vos regards, vos expertises, vos expériences, en provenance de tous les horizons – et d’abord de tous les horizons géographiques : de la France, de l’Europe et du monde. Je salue au passage nos hôtes les plus lointains, venus du Cambodge et de Corée du Sud.

De tous les horizons professionnels, ensuite : représentants des pouvoirs publics et de la société civile ; créateurs de toutes les disciplines : architecture, arts plastiques, cinéma, danse, design, littérature, musique, théâtre ; mais aussi acteurs de la finance, de l’Internet, et de toutes les industries culturelles et de médias ; ou encore de la philosophie et de la réflexion prospective.

Sans oublier la gastronomie dont nous avons pu constater à quel point elle pouvait réunir, en un bouquet éblouissant pour les papilles, innovation et patrimoine, terroir et mondialisation. Je crois que nous ne sommes pas prêts d’oublier « l’oeuvre culinaire totale » d’Heston Blumenthal, dont les saveurs marines associées au cri des mouettes nous ont offert une version – savoureuse, cette fois – de la cuisine futuriste de Marinetti, qui préconisait d’associer le goût des olives au bruit d’un aéroplane.

Toutes les parties prenantes de la création étaient donc présentes, celles de la distribution et de ladiffusion des oeuvres également, tous ceux qui interviennent dans la chaîne de valeur des biens culturels, tous ceux dont les décisions et les politiques ont une influence sur la culture et son économie.

Toutes les générations, également, étaient représentés, celles qui ont grandi avec le numérique et celles pour qui il constitue un développement récent.

De ces deux journées d’échanges a émergé une image plus claire, plus exacte des relations entreculture, économie et médias. Le foisonnement des idées et des conceptions ont donné naissance à une perception originale, d’autant plus fidèle qu’elle ne néglige aucun aspect de la relation entre ces différents univers.Surtout, et je m’en félicite tout particulièrement, vos débats ont permis de formuler une série de lignesdirectrices, destinées à guider la coopération des acteurs eux-mêmes mais également l’action despouvoirs publics. Ces principes, et leurs possibles déclinaisons concrètes – je reviendrai plus en détailsur leur contenu –, je m’engage à en assurer la promotion, tant auprès de mes collègues des Etatsmembres de l’Union européenne que des institutions communautaires. Car c’est là – et même au-delà –que se situe le niveau le plus pertinent d’action.

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Cher Louis SCHWEITZER, lorsque vous avec tiré hier matin les enseignements de notre séanced’ouverture, le premier point sur lequel vous avez insisté c’est le dynamisme et le perpétuelrenouvellement de la culture comme activité économique.

Et certes, ce Forum nous en a donné la certitude : d’Angkor à Liverpool, la culture, véhiculée par l’action des médias, est un secteur particulièrement créateur de richesses et d’emplois, à la fois directement et indirectement, dont bénéficient les destinataires des oeuvres, les territoires et les citoyens.

Ce n’est pas à proprement parler un scoop que je vous livre – nous l’avions observé chacun de notrecôté, chacun à notre niveau. Mais c’est la première fois qu’une assemblée aussi représentative et, de ce fait, aussi légitime que la vôtre se réunit pour l’affirmer haut et fort. Avec, à l’appui, des exempleséloquents dans tous les domaines et – je tiens à insister fortement sur ce point – dans tous les pays. Carla première des nombreuses vertus de ce Forum a bien été de replacer les enjeux des industriesculturelles dans leur véritable contexte, qui est celui des flux mondiaux de circulation des richesses, des oeuvres et des hommes.

J’ai, bien entendu, été frappée, comme nous tous, par les chiffres dont faisait état Klaus WOWEREIT :13% du PIB et de 10% de l’emploi de la ville de Berlin sont désormais imputables à la culture.L’exemple de Bilbao, développé par son maire Inaki AZUKUNA-URRETA, est tout aussi remarquable : un taux de chômage qui plonge de 24% à 6% en dix ans, 45 000 emplois directs créés, et au total, plus d’un milliard et demi d’euros de retombées économiques – à rapporter aux 150 millions d’euros qu’a représenté la construction de son musée.

Quel « junk bond » douteux pourrait se targuer d’un pareil retour sur investissement.

Jean NOUVEL nous l’a dit : le coût, économique et social, des erreurs commises par les architectes etles urbanistes est colossal, car le cadre de vie structure l’identité de chaque individu et la perception –valorisante ou non – que celui-ci peut avoir de lui-même.

Mais les bienfaits, pour la société et l’économie, des réussites en matière de qualité architecturale etenvironnementale sont tout aussi considérables – même s’ils restent le plus souvent invisibles car« fondus », indissociablement, comme ingrédient de la cohésion nationale.

Loin d’être le vilain petit canard de l’activité économique, le secteur culturel en serait donc plutôt, comme dans la fable de La Fontaine, la poule aux oeufs d’or.

Certes, le processus de création et la rencontre avec le public – ou avec la foule des citoyens, dans lecas de l’architecture – restent quelque chose de mystérieux, dont il est difficile d’identifier chacune descomposantes.

Le d’Alembert qui aurait, en ce domaine, découvert la « martingale » n’est pas encore né – bien quecertaines personnalités ici présentes soient considérées, dans leurs spécialités respectives, comme des magiciens du chiffre !

Même si la fonction naturelle, première, de l’art et de la culture n’est pas de produire de la richessematérielle, mais spirituelle et esthétique, le résultat est bel et bien là, incontestable.Ce constat est d’autant plus frappant qu’il peut être dressé au cours de la période de crise économique sévère que nous traversons. En France par exemple, la culture constitue un poste de dépense des ménages qui, globalement, ne donne aucun signe de fléchissement : plus de 30 Mds d’euros annuels. Le budget total du ministère de la Culture représente, pour mémoire… un dixième de cette somme !

Malgré les inquiétudes de nos concitoyens quant à leur pouvoir d’achat, la fréquentation des cinémas, des musées, des grandes expositions de la rentrée, des salles de concert, est plus qu’encourageante. La valeur produite par l’édition représente 5 Mds d’euros, celle de la presse 5,3 Mds d’euros, la télévision 6,6 Mds d’euros…

Et il ne faut pas oublier les retombées économiques indirectes sur une ville, une région, c’est-à-dire

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l’ensemble des dépenses connexes réalisées par le public à l’occasion d’une sortie culturelle ou d’un voyage pour découvrir un monument.

« Culture et croissance économique » : lorsque le projet du Forum d’Avignon a été lancé par ses précurseurs, aucun ne pensait que le thème choisi serait d’une aussi brûlante actualité !

Car, Philipe STARCK le soulignait : en période de crise, le salut vient de l’innovation et de la capacité des entrepreneurs qui la mettent en valeur à « rester différents ». C'est-à-dire, à proposer au consommateur un bien ou un service que personne d’autre ne lui offre.

Or quel secteur, mieux que la culture, peut permettre de tirer parti de ce paradigme, puisque le renouvellement perpétuel de la création et des talents constitue son fondement même ? Puisqu’elle constitue le coeur de ce que l’on appelle désormais « l’économie de l’immatériel » ?

Investir dans la culture n’est donc pas nécessairement, cher Patrick ZELNIK, une décision « Naïve ».C’est très souvent, je le sais, le résultat d’un coup de coeur, mais cela peut également procéder d’un choix éminemment rationnel : c’est la seconde leçon, cher Louis SCWHEITZER, que vous tiriez deséchanges intervenus hier matin.

C’est pourquoi j’ai envie de dire, en m’adressant aux simples particuliers comme aux entreprises ou aux organismes de crédit – et à ces derniers plus que jamais, dans le contexte que nous connaissons – : ne vous laissez pas abuser par les caricatures, investissez dans l’économie de la culture, soutenez son développement ! C’est un choix responsable, exemplaire, mais qui peut aussi être profitable, et qui a l’immense mérite de réconcilier création de richesse, développement de la diversité culturelle, et cohésion sociale.

Porter ce message, ainsi que je m’y attache depuis le premier jour où le Président de la République m’a confié les fonctions de ministre de la Culture, ce n’est pas nier la spécificité des oeuvres culturelles. C’est au contraire leur restituer toute leur incomparable complexité.

Les créations culturelles sont aujourd’hui, à la fois, des oeuvres irréductibles de l’esprit et des biens économiques. C’est ce que souligne à très juste titre la Convention sur la diversité culturelle de l’UNESCO du 20 octobre 2005 – Convention dont je tiens à saluer, à l’occasion de ce colloque, les artisans : Renaud DONNEDIEU DE VABRES, bien évidemment, mais aussi Jean MUSITELLI et Pascal ROGARD dont je connais la passion, l’engagement et la compétence qu’ils ont déployées au service de cette cause.

Facteur de cohésion sociale et vecteurs de l’identité des peuples, les oeuvres culturelles sont constitutives de l’imaginaire collectif de l’humanité. Si elles sont des biens négociables elles ne peuvent jamais, pour autant, se réduire à cette seule dimension pour être considérées comme de simples marchandises.

C’est d’ailleurs la conscience de cette particularité des biens culturels, qui nourrit le malaise très fort que nous ressentons lorsque nous avons le sentiment qu’ils deviennent le jeu d’une pure et simplespéculation. La croissance exponentielle de la cote de YUE MINJUN, dont nous entretenait Laurent DASSAULT, expliquerait-elle le caractère de plus en plus sardonique du sourire qui barre le visage dupersonnage fétiche de cet artiste ?

C’est pourquoi nous ne devons pas perdre de vue la leçon de son Altesse AGA KHAN et de son Excellence Narith BUN, qui ont insisté sur la nécessité de penser le développement culturel sur le long terme, afin d’éviter les coûts sociaux et les effets pervers sur la qualité de la création induits par une logique spéculative.

Le lien entre investissement et longue durée est donc aussi nécessaire en matière culturelle que dans les autres secteurs de l’économie réelle. Ici aussi, des « choix durables » doivent être faits, comme l’a expliqué Klestil Tredal THORSEN l’architecte de l’opéra d’Oslo.

Certes le marketing et la publicité sont utiles à la diffusion des biens culturels qu’ils promeuvent. Mais comme vous l’avez souligné, cher Jacques SEGUELA, la communication, même confiée à un orfèvre en la matière, a ses limites : « La publicité est comme la plus belle femme du monde : elle ne peut pas

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donner plus que ce qu’elle a ». Ce qui est une façon aussi réaliste que pédagogique de rappeler la primauté du contenu.

C’est pour ces raisons que l’Europe a toujours exigé un traitement particulier pour les biens culturels au sein des négociations commerciales internationales. C’est pour cette raison qu’il est indispensable de permettre aux Etats de mener des politiques publiques qui favorisent la diversité et régulent des forces dont le jeu aveugle aboutirait à uniformiser et à niveler la création culturelle.

Pour cela, la collaboration entre administrations chargées de la culture et administrations chargées de l’économie doit être encouragée à tous les niveaux de l’action publique. En effet, affirmer que la culture est créatrice de richesses et d’emplois est une chose, en tirer toutes les conclusions pour valoriser ce potentiel en est une autre.

J’ai dit hier que je voyais ce Forum, non pas comme un aboutissement, mais bien comme un point de départ.

Le point de départ d’une réflexion sur la politique et les moyens concrets à mettre en oeuvre à toutes les strates de la décision publique : locale, nationale, européenne, internationale.

Il n’y a sans doute pas de solutions toutes faites. Il y a des choses qui fonctionnent, des mécanismes de régulation, voire d’intervention plus directe, qui ont déjà fait leurs preuves ici ou ailleurs.

Vivian REDING citait, hier, l’exemplaire programme MEDIA, mis en oeuvre par la Commission européenne, et annonçait la bibliothèque numérique Europeana, que j’aurais le grand plaisir de lancer ce jeudi avec le président José Manuel BARROSO.

Mais partout, en Europe ou dans le monde, ont été mis en place d’autres dispositifs exemplaires, qui peuvent nourrir la réflexion, que celle-ci soit menée dans le cadre national ou au contraire mise en commun. On en trouve dans tous les domaines : je pense au récent et ingénieux programme britannique Own Art, mais j’aurais pu citer la loi française sur le prix unique du livre… S’il y a un domaine où les modalités d’intervention publique diffèrent d’un pays à l’autre, on le sait, c’est bien la culture !

Vous avez évoqué, pendant ce Forum, tous les leviers de l’intervention. Aucun ne doit être exclu : régulation, réglementation, aides directes, politique fiscale, labellisation...Pour ma part, j’ai privilégié au cours des dix-huit derniers mois deux axes de travail pour encourager l’économie de la culture.

D’abord, j’ai veiller à élargir les conditions du recours au mécénat, dispositif éminemment vertueux car il scelle la participation de la société civile aux objectifs de la politique culturelle.

En premier lieu, j’ai fait en sorte que les particuliers qui soutiennent le spectacle vivant et les expositions d’art contemporain puissent bénéficier, depuis cette année, de l’avantage fiscal correspondant. J’espère que les festivals locaux, notamment, qu’il s’agisse de musique ou de théâtre, pourront en percevoir rapidement les retombées.

Mon second chantier a été celui de la création d’un instrument juridique nouveau, le « Fonds de dotation », voté à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie. Inspiré de l’exemple anglo-saxon – encore une illustration réussie de la circulation des idées en ce domaine – il est destiné à encourager le mécénat de très long terme.

Le Louvre devrait être le premier utilisateur de cette innovation dont je suis particulièrement fière.

En dernier lieu, je suis en mesure de vous annoncer que le PLFR 2008 comportera une série de dispositions destinées à encourager l’acquisition d’oeuvres d’artistes vivants par les mécènes, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises : notamment, le plafond de l’avantage fiscal sera doublé dans le cas des PME – à 1% du chiffre d’affaires au lieu de 0,5% – et le dispositif sera étendu aux professions libérales. J’en profite pour saluer au passage Martin BETHENOD, dont le brillant rapport a inspiré ces mesures destinées à multiplier le nombre de collectionneurs.

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Le second axe de mon action a consisté améliorer les conditions nécessaires à la compétitivité et au développement des industries culturelles – et notamment leur cadre juridique.

Ainsi, c’est dans cet axe que s’inscrit le projet de loi « Création et Internet », que j’évoquai hier et en faveur duquel je fais appel, une fois de plus, à votre soutien. Car il en va, pour les créateurs et les entreprises qui les soutiennent, de leur sécurité juridique la plus élémentaire.

Je souhaite que l’approche qu’il systématise, pédagogique mais mise en oeuvre à grande échelle, puisse inspirer d’autres pays, comme la France s’est elle-même inspirée, à l’origine, de la « réponse graduée » contractuelle développée aux Etats-Unis, au Canada, au Japon ou en Norvège.

Il est vain d’inciter les industries de la musique et du cinéma à lancer des offres culturelles sur Internet si, parallèlement, l’effort nécessaire de prévention du piratage n’est pas réalisé : car les contenus piratés capteront bien évidemment une part importante de la demande. Les investisseurs demeurent donc dissuadés de consacrer à l’amélioration de leurs propositions commerciales tous les moyens nécessaires.

C’est ce cercle vicieux – dont l’existence vient d’être démontrée par une toute récente étude des économistes Robert Zarader et Laurent Benzoni (présent parmi nous) – qu’il faut briser ! C’est l’obstacleque constitue le piratage à l’apparition de nouveaux modèles économiques stables, profitables aux consommateurs autant qu’aux créateurs, qu’il faut écarter !

Le combat pour un taux de TVA spécifique applicable aux biens et services culturels, notamment en ligne, est peut-être encore plus difficile à mener. Il suppose en effet, vous le savez, une position unanime des Etats membres de l’Union européenne. Nous ne pouvons donc pas compter sur l’exemple réussi que pourraient offrir à leurs partenaires les Etats membres d’un « groupe de tête ».

Mais je crois, très profondément, à la justesse, notamment économique, de ce combat. Nous avons déjà pu constater, dans d’autres secteurs, le caractère stimulant pour la demande de taux de TVA ciblés. Je pense notamment aux travaux réalisés au domicile des particuliers. Cette mesure a d’ailleurs eu pour vertu, au passage, de faire disparaître très largement le travail au noir. La TVA réduite sur la musique et les films pourrait, de même, avoir une incidence directe sur le piratage en abaissant de près d’1/6ème le coût pour le consommateur.

Dans les mois qui viennent, je souhaite aller encore plus loin.

Je l’ai dit, à l’occasion des toutes récentes « Arènes de l’Indépendance », les PME culturelles de tous les secteurs – cinéma, musique, librairie, marché de l’art entre autres – constituent un réservoir irremplaçable d’emplois et de renouvellement ou de diffusion de la création.

Je suis d’ailleurs frappé par la convergence des conclusions de ce Forum avec celles des « Arènes de l’indépendance ». Il est vrai que si de très grands groupes étaient représentés ici, l’immense majorité – parfois plus des 9/10èmes – des acteurs des industries culturelles sont des PME ou des TPE.

Et celles-ci forment souvent, avec les plus grandes entreprises, un réseau complémentaire et cohérent, aux besoins et aux intérêts largement communs. Le secteur de la musique en donne une bonne illustration : nombreuses sont les coopérations exemplaires entre les fameuses « majors » – qui ne sont en fait que de grosses PME – et les indépendants.

Je crois donc que le moment est venu, pour l’Union européenne, d’envisager un faisceau de mesures spécifiques en faveur de ces entreprises, dont le principe peut d’ailleurs être trouvé au moins en partie dans le tout récent « Small business act » présenté par la Commission européenne le 25 juin dernier.

Tous les sujets qui déterminent la vie d’une entreprise – outre la protection des oeuvres sous droits et la mise en place d’une fiscalité spécifique – devront être envisagés :

● Les modalités de financement, d’abord.

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Les fonds propres des PME culturelles sont souvent insuffisants. La question des mesures d’incitation – notamment fiscales – qui pourraient encourager les acteurs économiques ou les particuliers à effectuer des apports en capital pourrait donc être posée.Pour sa part, la question de l’accès au crédit se pose bien entendu avec une acuité renouvelée dans le contexte de crise financière que nous connaissons. Les pouvoirs publics, en Europe et au-delà, ont rappelé les établissements financiers à leurs obligations à l’égard de l’économie productive. Et nous savons quelle a été, sur ce point, la contribution du Président de la République. Je veillerai à ce que les industries culturelles ne soient pas oubliées.

● L’accès aux marchés des entreprises, et notamment des PME, pourrait être un deuxième chantier.

La production culturelle doit pouvoir être distribuée sur l’ensemble des territoires.

Or l’ensemble des détaillants de biens culturels – libraires, disquaires, vidéo-clubs, galeristes – rencontrent des difficultés similaires, à cause notamment du montant des loyers ou de la fiscalité. Une réflexion transversale doit donc être entamée à ce sujet, ainsi que sur celui de la durée d’exposition des oeuvres culturelles en magasin, dans les bacs des disquaires comme sur les rayonnages des libraires, qui doit être préservée et encouragée.

Plus généralement, il revient aux pouvoirs publics de veiller à ce que la chaîne de valeur garantisse aux créateurs, à leurs producteurs et à leurs distributeurs une juste rémunération du travail et des investissements de chacun. Je pense, par exemple, à la question des remises. Mais également à celle de la distribution des oeuvres musicales et audiovisuelles sur les réseaux numériques. Si l’on veut éviter un tarissement, à terme, de la création, les offres proposées aux internautes par les opérateurs de communication doivent profiter à tous et pas seulement au consommateur et au distributeur.

● Un troisième axe, enfin, pourrait porter sur la prise en compte, dans le droit de la concurrence, de l’objectif d’intérêt général que constitue la préservation de la diversité culturelle.

L’idée générale d’aménager le droit de la concurrence de façon à ce que les PME, facteurs d’emplois, puissent survivre, fait son chemin au niveau communautaire. J’ai cité tout à l’heure le « Small business act » de la Commission européenne.

Je crois qu’il faut maintenant en décliner les principes au domaine particulier des entreprises culturelles.

Le maintien et le développement de la diversité doit être regardé comme un objectif d’intérêt général, qui justifie que des dérogations puissent être apportées aux règles de la concurrence « pure et parfaite ».

Au total, voilà une « feuille de route » consistante ! Tâche lourde, mais motivante, que d’en assurer la promotion et je l’espère la mise en oeuvre ! Je tiens à vous assurer que vous pourrez, dans ces nouveaux combats, pleinement compter sur mon engagement.

Car c’est ainsi, Mesdames et messieurs, chers amis, que la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles pourra entrer dans les faits. Favorisée par des politiques publiques adaptées, réalisée par une multitude d’initiatives créatives privées intégrées dans les circuits économiques traditionnels et numériques, l’épanouissement des expressions culturelles se fera dans le respect de la double nature des biens culturels.

Nous l’avons bien vu, ce Forum répond au besoin réel de décloisonner les mondes de la Culture, de l’économie et des Médias. Mais notre objectif de cette année, à savoir favoriser la croissance de la Culture et la croissance par la Culture, doit s’inscrire dans une volonté, plus large, de collaboration pérenne entre toutes les parties prenantes d’une création à la fois diverse et intégrée dans les flux économiques.

Je souhaite donc, avec vous, que ce Forum devienne un rendez-vous annuel et qu’il suscite, tous les ans, des échanges aussi constructifs que cette première édition !

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Il ne me reste donc plus qu’à vous remercier, une nouvelle fois, pour votre éminente contribution – et à vous donner rendez-vous pour l’édition 2009 du Forum Culture, Economie et Médias.

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Conseil d’administration

Nicolas Seydoux, Président, (Président du Conseil de Surveillance de Gaumont)Hervé Digne, Vice-Président, (Président-fondateur de Postmédia Finance)Axel Ganz, Vice-Président, (Gérant de AG-COMM.)Emmanuel Hoog, Trésorier, (Président Directeur Général de l’INA).

Jean-Jacques Annaud, Réalisateur,Patricia Barbizet, Directeur général de la Financière PinaultLaurent Benzoni, Président de Tera Consultants,Guillaume Boudy, Secrétaire général du Ministère de la culture et de la communication,Mats Carduner, Directeur Général de GOOGLE France et Europe du Sud,Emmanuel Chain, Président du Groupe Elephant et Cie,Renaud Donnedieu de Vabres, Ancien Ministre,Laurence Franceschini, Directeur du développement des médias, Georges-François Hirsch, Directeur de la musique, de la danse, du théâtre et du spectacle vivant, Ministère de la culture et de la communication,Alain Kouck, Directeur Général de Editis,Vénonique Morali, Président de Terrafemina et de Fimalac,Pascal Rogard, Directeur Général de la SACD.

Direction

Laure Kaltenbach, Directeur Général [email protected] Joux, [email protected] Palais des Champs Elysées 75008 Paris – France +33 (0) 1 42 25 69 10 Forum d’Avignon – Culture, économie, médias www.forum-avignon.orgInformations logistiques : Publicis Events +33 (0) 1 41 62 97 [email protected]

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