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© S.A. IPM 2013. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Culture Actualité
44 La Libre Belgique - mercredi 9 octobre 2013 45mercredi 9 octobre 2013 - La Libre Belgique
music
STACEY KENT Mercredi 23 octobre
Palais des Beaux-ArtsBruxellesRés: 02/507 82 00
+ Fnac + Sherpa
ŠKODA JazzGala Night
RICHARDGALLIANO 5TET Tribute to Nino RotaSamedi 2 novembreFlagey – BruxellesRés: 02/641 10 20
+ Fnac + Sherpa
Tout le programme sur:
www.skodajazz.be
LLB ART 125V 07_10.indd 1 1/10/13 13:11
Commentaire
“La douleur” de perdre ChéreauPar Guy Duplat
Il y a des artistes qui émeuvent par tout ce qu’ils font,comme Pina Bausch, Francis Bacon, Louise Bourgeois,Alain Platel. Patrice Chéreau, mort à 68 ans, fait bien sûrpartie de ces géants. Avec une créativité sans cesse renouvelée jusqu’au bout, il a su, en parlant parfois de ses névrosesles plus intimes, en touchant tant de formes artistiquesdifférentes, atteindre un universel et nous émouvoir.Rarement un artiste procurait tant d’émotions et tant de joies. Le rencontrer nousrendait à la fois plus intelligent, plus ouvertsur lemonde et plus humble à l’écoute dubruissement des hommes.On se souvient de ses lectures, seul en scène,de la légende du grand Inquisiteur de Dostoïevski, disant à Jésus, en prison : “L’hommeest faible et lâche. Les hommes se sont réjouisd’être de nouveau conduits comme un troupeau.Sous notre houlette (l’Eglise), les hommes serontheureux et renonceront à se révolter.”On l’a vuaux Tanneurs en 2011, et l’an dernier aufestival d’Avignon, lire “Coma”, un textebouleversant de Guyotat, sur “unmal que je sais depuisl’enfance être celui de tous les humains, à savoir de n’être quecela, humain, dans unmonde minéral, végétal, animal, divin”.Patrice Chéreau vivait, incarnait, souffrait ce texte. Il tremblait sur ses jambes et, après le salut final, il était mêmetombé sur scène, pris par un texte qui nous touche tous, etplus encore les artistes si souvent saisis par le doute, quifrôlent l’angoisse d’où peut surgir une étoile.Et bien sûr, il y eut “La Douleur” deMarguerite Duras, cetexte qu’il avait offert à son actrice fétiche, DominiqueBlanc, qui l’a joué partout dans lemonde. “Le génie de Pa
trice Chéreau, nous disaitelle, a été de réaliser unmontage seterminant finalement sur la vie. La pièce en devient un crid’espérance. J’ai souvent joué des rôles tragiques comme Phèdre, avec Chéreau, mais j’avais envie d’un texte menant à lalumière et à la vie. La douleur est transcendée. Dans le métierque je pratique, j’ai la chance de pouvoir utiliser ce matériau dedouleur et de souffrance pour servir la vie. Comme Platel ou
Pina Bausch, ajoutaitelle, il touche à l’universel,il bouleverse tout le monde. Il a une profondeconnaissance de l’être humain. J’ai une profondeadmiration pour son exigence et son intégrité, etune tendresse pour lui.”Car lemiracle est là. Chéreau creusaitla vie, la douleur, l’incompréhension d’êtrevivant, mais pour nous amener à la joie,à la beauté de partager nos émotionsavec d’autres humains.Invité en 2010 par le Louvre, il prenaitcomme image le boxeur de Bonnard et cettephrase résumant son travail : “Je dis que l’avenir, c’est du désir, pas de la peur.” “Je travaille les
images qui provoquent le désir, la sublimation, la profondeur,une réflexion.” Jusqu’au bout, il avait cette exigence anxieuse. En 2011, à Avignon, il était à côté de nous, torturéet muet, quand triomphait son adaptation de “I am thewind” de Jon Fosse. L’histoire de deux hommes. Pour l’un,les mots sont devenus impuissants et ne veulent plus riendire, ils sont incapables de saisir le réel qui nous échappeirrémédiablement. L’autre essaie de le sauver et l’emmènesur le fleuve, visiter les îles “grises et nues où rien ne pousse”.Ils sont sur un radeau secoué par les vagues.A notre image, à l’image de Patrice Chéreau.
MYC
HELE
DANIAU
/AFP
L’art syncrétique d’Ivo van Ho veSa “Clemenza di Tito”,à la Monnaie, réfléchit
sur le pouvoir.
OPÉRAEntretien MartineD.Mergeay
S i l’opéra est devenu familier de ceBelge international – révélé à travers un
“Ring” mémorable donné auVlaamseOpera en2006 et “Idomeneo” de Mozart donné à laMonnaie en 2010 –, c’est lethéâtre qui a forgé ses premières expériences et, à y regarderde plus près, un théâtremarquépar le cinéma…La façonqu’a Ivovan Hove de fignoler ses scènespanoramiques en y adjoignantdes images filmées, ou de porter au théâtre des scénarios defilms comme “Ludwig II” ou“Rocco et ses frères” de Vis
conti, a motivé nos premierséchanges…
A chaque étape de votre travail, onretrouve la marque des grands ci-néastes, une vocation rentrée ?J’ai toujours passionnémentaimé le cinéma. Ado, j’y allaistrois fois par semaine, j’en auraisbien fait ma vie mais à l’époquela Belgique n’offrait pas vraiment de possibilités dans le domaine et j’ai donc choisi le théâtre. Notez que j’ai quand mêmeréalisé un moyen métrage,“Thuisfront”, pour la télé, et unlongmétrage surAmsterdam, en2008! Mes maîtres sont Visconti, Cassavetes et Bergman,trois hommes de cinéma maisaussi de théâtre et d’opéra, quiont écrit des scénarios trèsfouillés, originaux, contenantdes éléments que je ne retrouvepas au théâtre. Par exemple,dans “Cris et chuchotements”,Bergman montre comment
mourir en scène. Dans “Rocco etses frères”, Visconti met en placeun débat magistral sur l’immigration et l’intégration…
Et dans l’opéra, qui citeriez-vous ?Patrice Chéreau, sans hésiter !
Vous avez de bons maîtres...Il faut toujours avoir de bonsmaîtres [rire] ! [Hélas, quelquesjours après cette rencontre, Chéreau quittait ce monde, laissantses disciples orphelins – NdlR.]
Après “Idomeneo”, vous voici con-fronté à “La Clemenza di Tito”,nouvel “opera seria” de Mozart,nouveau défi ?Le défi est surtout de supporterla comparaison avec la mise enscène historique des Herrmann,en 1981! Je leur rends hommagemais je fais quelque chose de totalement différent…
Pouvez-vous évoquer votre vision
de la pièce?J’ai voulu rester centré sur la“clémence de Tito” et ne pas dériver vers la “tragédie de Sesto”,comme cela arrive souvent(même déplacement avec Macbeth, deVerdi, décentré sur LadyMacbeth). La vraie tragédie deTito a eu lieu avant le début del’action, lorsqu’il s’est séparé deBérénice, par soumission auxlois de Rome. Et le voici confronté à une nouvelle épreuve :sous l’influencedeVitellia, Sesto,son ami de toujours, attaque leCapitole et tente de le tuer, cequi le mène, à nouveau, à devoirprendre publiquement position.Il sera “clément” non parce queSesto est son ami,mais parce quela violence peut détruire le pouvoir alors qu’elle ne pourra jamais le créer. Il prend le risqued’aller contre l’opinion publiqueet même contre les lois de Romeavec la certitude que sa décisionest historique. La “Clemenza” est
donc une réflexion sur le pouvoir: je me suis mis dans la têtede Sesto, et je l’ai suivi… Bien sûr,on ne sera pas à Romemais dansun palais de verre, et tout serafilmé, vie publique et vie privéemêlées, comme chez Racine.
Vous accordez une certaine psy-chologie à vos personnages ?Bien sûr [sourire fin], Vitellia estmue par un amour fou, dévastateur, et non réciproque (de Tito),Sesto aime Vitellia, Publio est unministre dévoué et sans imagination (mais il évoluera en cours deroute), seuls Annio et Serviliasont vraiment amoureux et purs.
Et Tito?Bérénice partie, sa vie amoureuse est terminée avant quel’opéra commence. Seule comptera pour lui la raison d’état.
Vous contentez-vous de mettre enscène les personnages – qui semblent
vous tenir à cœur – ou avez-vousembarqué 50 personnes de plus ?[Rires] Non non! c’est unopéra court et concentré,je reste avec mes personnages.
Cinéma encore: ce mercredi,vous commentez une projectiondu “Dernier tango à Paris” deBertolucci, en rapport avec l’ac-tuelle production ?A sa sortie, en 1972, ce filmm’a bouleversé, je l’ai vu etrevu, là aussi intervient le filmdans le film, et puis, cette incroyable relation entre deuxêtres ne sachant rien l’un del’autre, il n’y a pas demots…
UBruxelles, la Monnaie, du 10au 26 octobre. Infos & rés. :070.233.939, www.lamonnaie.beUGalerie Cinéma, mercredi9 octobre à 19h30.
PersonaBio. Ivo van Hove estun des grands du théâtreen Europe. Belge, né àAnvers en 1958, révélédans le cadre de la vagueflamande des années 80,il a fait sa carrière àAmsterdam à la tête duToneelgroep. Ses misesen scène ont été jouéesdans tous les grandsfestivals européens. Il aaussi monté des opéras.Il est venu l’an dernier auThéâtre de la Place, àLiège, pour y créer sonformidable spectaclebasé sur deux films deBergman (“Persona” et“Après la répétition”).Ivo van Hove croit plusque jamais à l’avenirdu “spectacle vivant” :“Pour moi, nous disait-il,le théâtre est la formed’art la plus importantepour le XXIe siècle. Cardans un monde d’Internetet de réalités virtuelles,le public ne peut plus voirqu’au théâtre des “vrais”hommes et femmes surscène. Le théâtre peutdonner aux gens uneexpression humainequ’il ne retrouve pluschez lui et peut recréerdes communautés réellesde spectateurs, et passeulement descommunautés virtuellesFacebook.” G.Dt
Épinglé
Avec Ivo van Hove, le cinéma n’est jamais loin.
CLÄR
CHEN
UNDMAT
THIASBA
US/LAMON
NAIE
© S.A. IPM 2013. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
45mercredi 9 octobre 2013 - La Libre Belgique
music
STACEY KENT Mercredi 23 octobre
Palais des Beaux-ArtsBruxellesRés: 02/507 82 00
+ Fnac + Sherpa
ŠKODA JazzGala Night
RICHARDGALLIANO 5TET Tribute to Nino RotaSamedi 2 novembreFlagey – BruxellesRés: 02/641 10 20
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LLB ART 125V 07_10.indd 1 1/10/13 13:11
Commentaire
“La douleur” de perdre ChéreauPar Guy Duplat
Il y a des artistes qui émeuvent par tout ce qu’ils font,comme Pina Bausch, Francis Bacon, Louise Bourgeois,Alain Platel. Patrice Chéreau, mort à 68 ans, fait bien sûrpartie de ces géants. Avec une créativité sans cesse renouvelée jusqu’au bout, il a su, en parlant parfois de ses névrosesles plus intimes, en touchant tant de formes artistiquesdifférentes, atteindre un universel et nous émouvoir.Rarement un artiste procurait tant d’émotions et tant de joies. Le rencontrer nousrendait à la fois plus intelligent, plus ouvertsur lemonde et plus humble à l’écoute dubruissement des hommes.On se souvient de ses lectures, seul en scène,de la légende du grand Inquisiteur de Dostoïevski, disant à Jésus, en prison : “L’hommeest faible et lâche. Les hommes se sont réjouisd’être de nouveau conduits comme un troupeau.Sous notre houlette (l’Eglise), les hommes serontheureux et renonceront à se révolter.”On l’a vuaux Tanneurs en 2011, et l’an dernier aufestival d’Avignon, lire “Coma”, un textebouleversant de Guyotat, sur “unmal que je sais depuisl’enfance être celui de tous les humains, à savoir de n’être quecela, humain, dans unmonde minéral, végétal, animal, divin”.Patrice Chéreau vivait, incarnait, souffrait ce texte. Il tremblait sur ses jambes et, après le salut final, il était mêmetombé sur scène, pris par un texte qui nous touche tous, etplus encore les artistes si souvent saisis par le doute, quifrôlent l’angoisse d’où peut surgir une étoile.Et bien sûr, il y eut “La Douleur” deMarguerite Duras, cetexte qu’il avait offert à son actrice fétiche, DominiqueBlanc, qui l’a joué partout dans lemonde. “Le génie de Pa
trice Chéreau, nous disaitelle, a été de réaliser unmontage seterminant finalement sur la vie. La pièce en devient un crid’espérance. J’ai souvent joué des rôles tragiques comme Phèdre, avec Chéreau, mais j’avais envie d’un texte menant à lalumière et à la vie. La douleur est transcendée. Dans le métierque je pratique, j’ai la chance de pouvoir utiliser ce matériau dedouleur et de souffrance pour servir la vie. Comme Platel ou
Pina Bausch, ajoutaitelle, il touche à l’universel,il bouleverse tout le monde. Il a une profondeconnaissance de l’être humain. J’ai une profondeadmiration pour son exigence et son intégrité, etune tendresse pour lui.”Car lemiracle est là. Chéreau creusaitla vie, la douleur, l’incompréhension d’êtrevivant, mais pour nous amener à la joie,à la beauté de partager nos émotionsavec d’autres humains.Invité en 2010 par le Louvre, il prenaitcomme image le boxeur de Bonnard et cettephrase résumant son travail : “Je dis que l’avenir, c’est du désir, pas de la peur.” “Je travaille les
images qui provoquent le désir, la sublimation, la profondeur,une réflexion.” Jusqu’au bout, il avait cette exigence anxieuse. En 2011, à Avignon, il était à côté de nous, torturéet muet, quand triomphait son adaptation de “I am thewind” de Jon Fosse. L’histoire de deux hommes. Pour l’un,les mots sont devenus impuissants et ne veulent plus riendire, ils sont incapables de saisir le réel qui nous échappeirrémédiablement. L’autre essaie de le sauver et l’emmènesur le fleuve, visiter les îles “grises et nues où rien ne pousse”.Ils sont sur un radeau secoué par les vagues.A notre image, à l’image de Patrice Chéreau.
MYC
HELE
DANIAU
/AFP
L’art syncrétique d’Ivo van Ho vevous tenir à cœur – ou avez-vousembarqué 50 personnes de plus ?[Rires] Non non! c’est unopéra court et concentré,je reste avec mes personnages.
Cinéma encore: ce mercredi,vous commentez une projectiondu “Dernier tango à Paris” deBertolucci, en rapport avec l’ac-tuelle production ?A sa sortie, en 1972, ce filmm’a bouleversé, je l’ai vu etrevu, là aussi intervient le filmdans le film, et puis, cette incroyable relation entre deuxêtres ne sachant rien l’un del’autre, il n’y a pas demots…
UBruxelles, la Monnaie, du 10au 26 octobre. Infos & rés. :070.233.939, www.lamonnaie.beUGalerie Cinéma, mercredi9 octobre à 19h30.
PersonaBio. Ivo van Hove estun des grands du théâtreen Europe. Belge, né àAnvers en 1958, révélédans le cadre de la vagueflamande des années 80,il a fait sa carrière àAmsterdam à la tête duToneelgroep. Ses misesen scène ont été jouéesdans tous les grandsfestivals européens. Il aaussi monté des opéras.Il est venu l’an dernier auThéâtre de la Place, àLiège, pour y créer sonformidable spectaclebasé sur deux films deBergman (“Persona” et“Après la répétition”).Ivo van Hove croit plusque jamais à l’avenirdu “spectacle vivant” :“Pour moi, nous disait-il,le théâtre est la formed’art la plus importantepour le XXIe siècle. Cardans un monde d’Internetet de réalités virtuelles,le public ne peut plus voirqu’au théâtre des “vrais”hommes et femmes surscène. Le théâtre peutdonner aux gens uneexpression humainequ’il ne retrouve pluschez lui et peut recréerdes communautés réellesde spectateurs, et passeulement descommunautés virtuellesFacebook.” G.Dt
Épinglé