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Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 335 Janvier 2018 6 – ISSN 945863 Pac Le marathon commence ! Eau Changer vite de politique et de pratiques agricoles Dossier

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Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 335 Janvier 2018 6€ – ISSN 945863

Pac Le marathon commence !

EauChanger vite de politique et de pratiques agricoles

Dossier

Page 2: CS 335.qxd:CS actu 245 - confederation-paysanne · 75 % du Smic en 2017. Mais voila, les 34,60 euros de trop versés sur chaque mois de 2017 (en moyenne) n’étaient pas un cadeau

2 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de larubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.

Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

Min

es

de

plo

mb

s

Vie syndicale

Abattoirs de proximité, retraites, OMC,

grands travaux inutiles…

Actualité

FCO Pour la liberté de vacciner (ou pas)

Viticulture Une histoire d’extorsion

Pac Le marathon commence !

Filières Des ambitions en mauvais plans

Élevage Défense de l’élevage paysan

Installation Accueillir tous les projets et tous les profils

Agriculture paysanne

Isère L’élevage extensif a de beaux jours devant lui !

Internationales

En Colombie, encore loin de la paix

Initiative

Drôme Forêt : entre éthique et pilleurs de troncs

Terrain

Cantal Sur l’interdiction de l’attache des animaux

en agriculture biologique

Courriel

Poème À trop en entreprendre

Abonnement

Annonces

Culture

Des lois et des hommes Le combat d’un pêcheur pour

une autre Europe

Action

La Conf’ mobilisée pour défendre les éleveuses

et les éleveurs confrontés au loup et à l’ours

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SommaireDossier EauChanger vite de politique et de pratiques agricoles

Stop à l’huile de palme dans nos carburants !La Confédération paysanne soutient la campagne des Amisde la Terre : « Fermons les vannes à l’huile de palme ! »Les voitures et camions roulant au diesel ont consomméen 2015 quelque 46 % du total des importations euro-péennes d’huile de palme dont la production ravage les forêtstropicales et détruit les petites paysanneries locales.Lors de la présentation de son Plan Climat, en juillet 2017,Nicolas Hulot a annoncé son intention d’agir mais aura-t-il le courage de s’opposer aux différents lobbies ? Total,notamment, prévoit d’importer des quantités massivesd’huile de palme pour alimenter sa gigantesque « bioraf-finerie » en construction dans le Sud de la France (à La Mède,Bouches-du-Rhône).Les prochains mois seront décisifs : l’Europe a ouvert les dis-cussions pour réviser sa directive sur les énergies renou-velables (incluant les agrocarburants), un processus où lavoix de la France sera déterminante pour en finir (ou non)avec l’utilisation d’huile de palme comme carburant.

Participer : www.fermonslesvannes.org

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Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 3

On l’ouvre

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : 0143628003campsol@confederationpaysanne.frwww.confederationpaysanne.frwww.facebook.com/confederationpaysanneTwitter : @ConfPaysanneAbonnements : [email protected] de la publication :Laurent PinatelDirecteur de la rédaction :Christian BoisgontierRédaction : Benoît Ducasse et Sophie ChapelleSecrétariat de rédaction : Benoît DucasseMaquette : Pierre RauzyDessins : SamsonDiffusion : Anne Burth et Jean-Pierre EdinComité de publication :Jo Bourgeais, Michel Curade, Joël Feydel,Temanuata Girard, Florine Hamelin, Jean-Claude Moreau, Véronique LéonImpression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens CedexCPPAP n° 1121 G 88580N° 335 Janvier 2018Dépôt légal : à parutionBouclage : 21 décembre 2017

Les chantiers de 2018Une nouvelle année pour les paysannes et les paysans : une loi ? Un revenu ?

De nouvelles politiques agricoles ? Des élections ?Déjà six mois sont passés avec ce nouveau secrétariat national. La fête des 30 ans

de la Conf’, en août dernier, est derrière nous mais elle nous a donné la pêche pourune très belle rentrée syndicale et paysanne, dès le début de l’automne.

Avec notamment les États généraux de l’Alimentation qui nous ont demandé tantd’énergie et qui ont permis de solliciter plusieurs paysan.nes, investi.esd’une manière incroyable auprès des salarié.es. Ces États généraux sont aussidésormais derrière nous : il est temps de mettre en œuvre le résultatde ces échanges !

On nous annonce ainsi pour le début de l’année une loi pour laquelle nous devonstout faire pour qu’elle soit bien au service des paysans et des paysannes et nonde l’industrie agroalimentaire, une loi qui devra nous garantir un réel revenu, une loipour redonner du sens à notre métier.

On nous annonce également des « plans de filières » proposés parles interprofessions. Donc des plans travaillés par des outils dépassés, montrantune fois encore le non-respect du pluralisme syndical, s’obstinant surle productivisme et des orientations sans ambition.

Si de réelles avancées pour les paysannes et les paysans ont pu être arrachées parce lourd travail d’automne, nous sommes donc entre scepticisme ou espoir : versquoi nous tourner ?

Nous ne sommes pas dupes et le début de l’année donnera déjà le ton.Au menu aussi de 2018 : la construction de la prochaine Pac qui, bien évidemment,

devrait être une PAAC, associant politiques agricoles et alimentaires, encourageantl’agriculture paysanne, la seule agriculture moderne. Une fois encore,les contributions et la mobilisation de la Confédération paysanne serontindispensables pour défendre nos positions.

Et, bien sûr, cette nouvelle année sera aussi celle d’une dynamique partagéesur tous nos territoires car nous serons en campagne(s) pour les électionsprofessionnelles de janvier 2019. Une période d’euphorie, de partages, de tensions,d’échanges… débute et va prendre de l’ampleur tout au long des mois à venir.

2018 : un chantier vaste, rempli d’imprévus, d’inconnues, mais une activitésyndicale tellement passionnante et humaine !

Sur ces mots, je vous souhaite une belle année paysanne !

Temanuata Girard,paysanne en Indre-et-Loire,

secrétaire générale

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Vie syndicale

4 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Un projet de loi contre l’installation agricoleDans un communiqué du 30 novembre, la Confédération paysanne marque son oppo-sition à un article de projet de loi déposé par Gérard Darmanin, ministre de l’Actionet des Comptes publics, article qui propose d’expérimenter la suppression et l’allè-gement du contrôle des structures.« La première victime de cette très mauvaise idée sera la politique d’installation : lescandidat.es seront lourdement pénalisé.es par la dérégulation du marché foncier, pre-mier frein à l’installation agricole ». Pour la Conf’, « les évolutions législatives pas-sées qui ont allégé le contrôle des structures se sont traduites par une concentra-tion sans précédent du foncier ». « À l’heure où les États généraux de l’alimentation(EGA) se fixent pour intention de redonner de la rémunération aux paysan.nes, c’estun comble que de vouloir les priver du foncier. Promouvoir le revenu et engager l’agri-culture vers la transition agricole passent par une politique foncière forte. Le partagede la valeur entre les acteurs doit avoir pour objectif de maintenir des paysannes etdes paysans nombreux. Sinon, les EGA auront été un échec. »

(1) Projet de loi « Pour un État au service d’une société de confiance » !

Une loi pour le revenudes paysan.nesLa Confédération paysanne a souligné le 15 décembre,

dans un communiqué, l’« urgence d’une loi pour le

revenu des paysans », suite à la publication la veille

des comptes prévisionnels de l’agriculture française

pour 2017 : « Le ministre de l’Agriculture a désor-

mais tous les éléments en main pour prendre des déci-

sions fortes, dans une loi et via les négociations de

la future Pac, pour imposer des politiques publiques

qui garantiront un revenu à tous les paysans et à toutes

les paysannes ». Face à un revenu agricole « qui joue

aux montagnes russes sans amélioration significative

de tendance depuis 5 ans », la Conf’ appuie ses reven-

dications : contrôler les prix agricoles, stopper les

négociations sur des accords de libre-échange, réorien-

ter les aides de manière « plus équitable » entre les

productions et par actif…

Erreur sur les retraitesagricoles : la MSA doitassumer !Pas de quoi sauter au plafond en découvrant, le10 novembre, une progression du montant de nos pen-sions de retraite. Depuis trois ans, à cette période, unepetite augmentation, avec rappel sur les 10 moisprécédents, devait permettre aux anciens « chef.fesd’exploitations à carrière complète » d’atteindre75 % du Smic en 2017. Mais voila, les 34,60 eurosde trop versés sur chaque mois de 2017 (en moyenne)n’étaient pas un cadeau mais une erreur qui a pompéquelques 70 millions d’euros dans les caisses de laMSA.Invraisemblable erreur, mais surtout invraisemblabletemps perdu à informer celles et ceux qui allaientdevoir rembourser. La Conf’ a été la première à décou-vrir le problème et à informer ses adhérent.es, en lais-sant la MSA révéler aux médias son erreur. Le syn-dicat a invité ses adhérent.es à multiplier les recoursamiables, démarches acceptées par la caisse cen-trale de la MSA, pour étaler la récupération du tropversé. Le tout en prenant en compte les éventuellesconséquences sur l’imposition sur le revenu et lesdroits à certaines allocations sociales. La colère estlégitime de la part de celles et ceux qui ont besognépendant 40 ans, avec comme reconnaissance uneretraite à 855 euros par mois, d’à peine 50 € supé-rieure au seuil de pauvreté. Et les conjoint.es d’ex-ploitation à 550 €/mois n’ont même pas eu droit àce petit coup de pouce… Le combat syndical pour desretraites à parité avec les autres catégories socialesest plus que jamais d’actualité.

Christian Boisgontier

L’urgence de sortir l’agriculture de l’OMCAvec une délégation de quelque 60 paysan.nes, la Via campesina a dénoncé l’Orga-

nisation mondiale du commerce, à l’occasion de la 11ème réunion ministérielle de l’OMC

qui s’est tenue à Buenos Aires (Argentine), du 10 au 13 décembre.

« Partout dans le monde, une poignée d’oligarques s’approprie la richesse des peuples

avec l’aide active de l’OMC. La malnutrition ne baisse pas alors que la production

agricole mondiale pourrait nourrir toute la population », a rappelé dans un commu-

niqué la Confédération paysanne, représentée à Buenos Aires par Claude Girod, pay-

sanne dans la Saône-et-Loire.

Et de fustiger l’UE qui n’est pas la dernière à participer à cette démarche préjudi-

ciable : « L’Union européenne aborde les négociations de l’OMC avec confiance. Elle

joue astucieusement avec les règles et entend bien profiter du cadre multilatéral pour

conforter ses investissements à l’étranger et la puissance de ses multinationales. Et

quand les négociations multilatérales ne fonctionnent pas, elle ne se prive pas de

conclure des accords bilatéraux de libre d’échange destructeurs pour notre agricul-

ture, comme le Mercosur (avec l’Amérique du Sud) et le Ceta (avec le Canada) ».

« Il est urgent de sortir l’agriculture de l’OMC : l’avenir de milliards de paysan.nes en

dépend ! »

Pour un abattage de proximitéLa Confédération paysanne, le réseau Civam, la Fédération nationale de l’agriculture

biologique (Fnab), France Nature Environnement, une douzaine d’autres organisa-

tions dont des entreprises et des dirigeants d’abattoirs, ont signé une tribune en faveur

de l’abattage de proximité, le 11 décembre. Ils demandent notamment « la mise en

place d’outils individuels et/ou collectifs d’abattage à la ferme, fixes ou mobiles, en

lien avec les abattoirs de proximité existants ». Ils proposent une expérimentation

sous contrôle des autorités sanitaires dans un premier temps, puis une évaluation

et une adaptation de la réglementation française « en adéquation avec le volet flexi-

bilité du paquet hygiène ». « Aucun obstacle objectif ne leur paraît empêcher un tel

redéploiement d’outils » permettant cet abattage de proximité. En effet, « les régle-

mentations sanitaires doivent pouvoir s’appliquer en respectant leur spécificité ».

De plus, cette organisation répond à « une demande sociétale en termes de santé

publique, de qualité des aliments, d’éthique, de respect des animaux et de leur bien-

traitance, ainsi qu’aux besoins d’un élevage durable, rémunérateur, diversifié et res-

pectueux des territoires et des paysans », soulignent les signataires.

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Vie syndicale

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 5

Une tour de vigie contre l’A45 !Avec le soutien du collectif paysan contre l’A45, une tour de veille de 6 mètresde haut a été construite début octobre à Cellieu (Loire). Implantée en surplombdu projet de tracé de l’autoroute, cette tour veille sur un territoire où sont mena-cées plus d’une centaine de petites fermes produisant une alimentation de qua-lité (fruits, légumes, lait et fromages, pain, vin, bière, plantes médicinales…). Si ceprojet fou de 2 milliards d’euros – dont 900 millions de fonds publics – voit lejour, toute une économie paysanne, mais aussi la vie de nos villes et villages etdes paysages extraordinaires, seraient détruits.Le projet de construction de tour est né en juillet 2017, lors d'une marche entreSaint-Etienne et Lyon contre l’A45 initiée par l’assemblée de lutte stéphanoise.Depuis un an, cette assemblée réunit des habitant.es de Saint-Etienne opposé·esau projet d’A45 et propose des échanges mensuels d’informations.En symbole de la convergence des luttes, des habitant·es de la forêt occupée deRoybon (Isère), menacée par la construction d’un Center Park, sont venus prêtermain-forte à la réalisation de la tour.Les opposant·es au projet d'autoroute ont gagné du temps mais la bataille n'estpas encore gagnée : il nous faut maintenir la pression dans les semaines à venir.Mais nous avons clairement marqué des points ! La lutte s'enracine et se construit !Nous ne nous laisserons pas aménager ! Il y a un an tout juste, nous pensions quele décret autorisant le chantier serait signé dans les semaines suivantes. Un anplus tard, il n'est pas certain que ce décret soit jamais signé. Poursuivons notremobilisation et continuons à tisser des liens avec tous les acteurs et toutes lesactrices de la lutte contre l’A45 !

Anne Deplaude, paysanne dans la Loire

Aides ovines : des avancées mais le combat continue !« Nous l’avions dit à l’État : le schéma de l’aide ovine n’était pas acceptable », rappelle la Confédération paysanne dans un communiqué, le15 décembre. « La Commission européenne a finalement contraint le ministère de l’Agriculture à fusionner toutes les aides ovines en 2018.Nous saluons cette fusion qui facilitera l’accès à l’aide ovine pour tous les éleveurs et toutes les éleveuses. Nous déplorons par contre la findu soutien spécifique aux jeunes (aide d’accompagnement à l’installation qui avait le mérite d’encourager l’installation de jeunes éleveurs etéleveuses), ainsi que la baisse du budget de l’aide de 4 % ».Des avancées soulignées, mais aussi des réserves et le renouvellement de revendications : « La Confédération paysanne se battra pour rétablirplus de justice dans la répartition de l’aide ovine : nous demandons la fin de toute référence à l’agneau vendu dans le calcul du nombre de bre-bis primées, la suppression du seuil de 50 brebis, l’instauration d’un plafond et l’introduction d’une aide spécifique aux nouvelles et aux nou-veaux installé.es, avec ou sans DJA ».

Les petit.es paysan.nes passent (encore) à la caisse !Au premier janvier 2018, les paysannes et les paysans pratiquant la vente directe seront soumis àune nouvelle réglementation drastique pour lutter contre la fraude à la TVA. Ils et elles auront l’obli-gation de faire certifier leurs caisses enregistreuses, voire d’en acheter de nouvelles car bon nombrede caisses actuelles ne sont pas certifiables. Ils et elles devront aussi enregistrer quotidiennementleurs ventes dans un logiciel comptable certifié. Une dérogation est accordée aux producteurs etaux productrices qui ne possèdent pas de caisse avec enregistrement des opérations mais, sous contraintede réaliser un cahier de caisse papier, aucun logiciel type Excel ne sera accepté. Au final, de nou-velles contraintes administratives et de nouvelles charges pour les producteurs et les productricesen vente directe. C’est ce que dénonce la Confédération paysanne de l’ex-Nord-Pas-de-Calais, dansun communiqué publié fin novembre.Le syndicat fait remarquer que la réglementation tombe « pendant que les Paradise Papers font laune de l’actualité et qu’on entend nos plus grandes fortunes expliquer que leurs combines sont toutà fait légales pour planquer leurs profits et échapper à l’impôt » : « A notre connaissance, aucun.epaysan.ne en vente directe ne possède de yacht à Malte… »La Confédération paysanne s’oppose fermement à cette nouvelle entrave au développement descircuits de proximité et demande le retrait de cette nouvelle réglementation pour les paysan.nespratiquant la vente directe. A minima, la réglementation doit être assouplie avec un délai de miseen conformité permettant aux producteurs et aux productrices ayant déjà investi d’attendre le renou-vellement de leur matériel pour la mise aux normes.

La paix au Pays basque !Rendez-vous historique pour la paixen Pays basque, le 9 décembre, avecun rassemblement de plus de 10 000personnes dans les rues de Paris !Après avoir obtenu le désarmementcomplet d’ETA en avril dernier, lasociété civile demande la fin du régimed’exception auquel sont soumis les pri-sonniers basques, pour renforcer leslogiques d’apaisement et de dialogueau Pays basque. La Confédération pay-sanne soutient la démarche (ELB, syn-dicat basque membre de la Conf’ estmajoritaire parmi les paysan.nes duPays basque nord, partie occidentaledu département français des Pyré-nées-Atlantiques).

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Le 6 novembre dernier, un casde fièvre catarrhale ovine(FCO) était détecté sur un

veau provenant de Haute-Savoie(voir encadré), déclenchant aus-sitôt des mesures de lutte éten-dues, dont l’obligation de vacci-ner les animaux.

Si le sérotype 8 de la FCO séviten France, avec la totalité dupays classée en zone de res-triction, le sérotype 4 était jus-qu’ici circonscrit à la Corse,avec près de 200 foyers sur l’île.Le cas savoyard de sérotype 4lançait un nouveau zonage et lesmesures qui vont avec : dansun rayon de 20 km autour dufoyer, une vaccination d’urgenceest imposée, tandis qu’une zonede protection de 100 km estétablie autour du foyer danslaquelle les espèces sensiblesdoivent également être vacci-nées.

Mais tous les éleveurs et toutesles éleveuses ne veulent pas seconformer à cette contrainte.

Le 24 novembre, la Confédé-ration paysanne organisait unrassemblement, avec invitationaux médias, sur la ferme deNadine Mohr, éleveuse à Mége-vette, en Haute-Savoie. La pay-sanne refuse de vacciner sesvaches contre la FCO : sa fermese trouve dans la « zone rouge »,à moins de 20 kilomètres d’Or-

cier, commune où a été détectéun cas de fièvre catarrhale.Nadine risque 750 eurosd’amende pour chacune de ses70 bêtes.

Elle se justifie : « La vaccinationne correspond pas à ma façon desoigner mes bêtes. En plus, ces vac-cins, ça semble anodin, mais ça ades conséquences… » Et l’éleveused’évoquer l’avortement de cer-taines vaches, la stérilité de cer-tains taureaux.

Vaccination inadaptée« On en bave, les fins de mois sont

difficiles, alors si en plus on vientnous plomber nos vaches ! Quandj’ai dit au véto que je n’étais pastrop pour la vaccination, je me suisretrouvée avec une mise endemeure, les gendarmes, l’obliga-tion de prendre un avocat. Jen’avais pas réalisé l’ampleur quecela allait prendre. Je travaille defaçon préventive avec mon trou-peau, en donnant du magnésiumpour renforcer les défenses immu-nitaires. Un vaccin va venir cham-bouler toute la gestion de mon chep-tel. »

La Confédération paysannesoutient sa position. « La vacci-nation est totalement inadaptée,elle ne sert à rien d’un point devue vétérinaire. La FCO est unemaladie vectorielle, c’est-à-direqu’il faut un vecteur, en l’occur-

rence un moucheron, pour la trans-mettre d’un animal à l’autre. Cettemaladie n’est ni contagieuse, nitransmissible à l’homme et les ani-maux ne présentent pas de signescliniques », explique NicolasGirod, responsable du pole éle-vage du syndicat. Et de soulignerque le moucheron vecteursemble ne pas se reproduire dèslors qu’est atteint un certainniveau de froid hivernal. Avantde poursuivre : « Nous soutien-drons celles et ceux qui désobéis-sent. L’éleveuse ou l’éleveur estmieux à même de faire des choixpour la santé de son troupeau.Aucune politique exportatrice n’estlégitime à lui ôter ce droit, en par-ticulier quand il n’y a pas de risquepour la santé humaine. C’est pour-quoi la Confédération paysanneexige le libre choix de la prophy-laxie en fonction du mode de pro-duction et du mode de commer-cialisation. »

Un peu partout, des éleveuseset des éleveurs s’organisent pourrésister à la vaccination obliga-toire et dans cinq départementsde l’Est de la France, des « col-lectifs pour la liberté vaccinale »se sont déjà organisés, regrou-pant des paysan.nes de toutestendances syndicales. Pour pré-senter la démarche et faire unpoint sur le dossier (1), la Confé-dération paysanne invitait lesmédias nationaux à une confé-rence de presse, le 20 décembre,sur la ferme de Nicolas Girod,dans le Jura. n

Benoît Ducasse et Maritxu Lopepe,

journaliste à Laborari,

hebdomadaire d’ELB-Confédération

paysanne du Pays basque

(1) La plateforme nationale d’épidémiosur-veillance ESA avait identifié le 12 décembrel’ensemble des bovins sortis des foyers defièvre catarrhale ovine (FCO), des élevagessitués en périmètre interdit et de la Corse : celareprésentait plus de 8 000 animaux possible-ment porteurs du sérotype 4 dans 65 départe-ments. www.plateforme-esa.fr

Actualité

6 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

FCO Pour la liberté de vacciner (ou pas)La FCO ou fièvre catarrhale ovine est de retour. Un premier cas a été découvert débutnovembre en Haute-Savoie, entraînant de la part des autorités sanitaires françaisesdes décisions démesurées, avec vaccination et désinsectisation obligatoires de milliersde bovins et d’ovins.

Le ruraleurTemps de NoëlC’était la période des rêves

d’enfants qui attendent les

cadeaux, même si la croyance

dans ce mythique et illusoire

barbu a été balayée par les éta-

lages dégoulinants de jouets

des marchands. Mais si les

enfants ne sont plus dupes,

beaucoup d’adultes croient

encore à l’incroyable.

Il est apparu au printemps,

sombre comme l’avenir qu’il

laisse entrevoir à certains.

Quelques-uns sont pourtant

« sur un petit nuage » car ils

savent la hotte pleine de pré-

sents attentifs pour eux, telle

la fin de l’ISF. Gardant une foi

inébranlable dans les bonnes

dispositions du grand géné-

reux au carnet d’adresses sélec-

tif, ils lui ont adressé une lettre

classique en cette période.

Signée par des experts, pour

le sérieux, rédigée par les exi-

geants pour le contenu. Ils trou-

vent que les travailleurs

pauvres sont trop bien choyés

et empêchent les employeurs

d’améliorer leurs dividendes à

cause d’un smic faramineux.

Le ministre des cadeaux a

cependant tergiversé ; seul le

livret A sera bloqué au déjà

époustouflant taux de 0,75 %.

Le jupitérien papa Noël est

souriant, sa hotte est plus

légère. Presque plus rien pour

les miséreux, mais en ont-ils

vraiment besoin alors qu’ils

abusent déjà de façon indé-

cente de tous les minima

sociaux ? « Travaillez, vous

aurez de beaux costumes »,

déclara-t-il un jour.

Partout dans le monde, des

êtres fuient ces terres que Noël

n’apaise pas, bravant la mort,

la torture, le viol, pour ren-

contrer le mépris de nos opu-

lences. Oh ! Fermer les yeux et

retrouver la naïve espérance

dans le papa Noël des enfants

sages. Rêver que nous venons

d’arriver à la vie, l’étoile du

berger guide les pas des mal-

heureux, nos bras sont ouverts,

les cadeaux sont aux pieds du

sapin et une voix s’élève :

«Amis, nous vous attendions ! »

Le ruraleur

le 12 décembre 2017

Le

ru

rale

ur

Un veau voyageurC’est avant de prendre la direction de l’Espagne qu’un veau originaired’un l’élevage de Haute-Savoie a été dépisté et identifié, débutnovembre, comme viropositif à la FCO-4. De sa Haute-Savoie, l’ani-mal avait d’abord gagné un centre de rassemblement de la Loire, avantd’être conduit dans une unité d’engraissement de l’Allier. Enfin, il pre-nait la route de l’Espagne quand son périple a été stoppé. À l’imaged’autres productions, la filière bovine est très segmentée et un pro-blème sanitaire entraîne des mesures dans tous les lieux où l’animalconcerné a transité. La relocalisation des filières et les systèmes nais-seurs-engraisseurs ne sont pas soutenus et les paysan.nes subissentde plein fouet des normes inadaptées à l’élevage paysan et des mesuresdestinées avant tout à soutenir l’exportation, à préserver l’image desproduits français exportés.

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Actualité

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 7

Des plaintes similairesavaient été déposées lemême mois par la Confé-

dération paysanne dans d’autresdépartements, notamment à l’en-contre de Lactalis, en pleine criselaitière. Dans l’Aude, nous avonsdénoncé par médias et plainte lafaçon de tripatouiller du groupeviticole Vinadéis (1).

Ce « groupe coopératif » est legrand faiseur de prix du vin denombreux vignerons et vigne-ronnes de par sa taille et son poids,devenus conséquents : 308 mil-lions de chiffre d’affaires en 2015,520 salarié.es, présence dans unevingtaine de pays sur les cinqcontinents, avec pour le seul ex-Languedoc-Roussillon onze cavescoopératives, 45 domaines et17 000 hectares de vignobles.

Après les années de manifesta-tions viticoles des années soixante-dix à quatre-vingt, l’État a pousséles vigneronnes et les vignerons àse regrouper pour « faire face aumarché afin d’être plus résistantsau regard du négoce ». Ce sontalors créés les groupements deproducteurs, appuyés par desfinancements publics démesurés.Résultat : aujourd’hui, ces grou-pements se comportent pire quele négoce d’antan ! Certes, ils pen-sent valoriser le vin de leurs adhé-rent.es de base (ils sont loin d’unprix de 200 euros l’hectolitreauquel il faudrait vendre nos pro-duits pour pouvoir vivre, inves-tir, embaucher), mais ils contrac-tent aussi des achats par des filièressoumises pour acheter du vin enEspagne à 0,45 euro le litre.

Pour se disculper, Vinadeisannonce qu’il n’achète que 10 %de ses volumes en Espagne, et ceparce qu’il ne trouve pas les pro-duits chez nous, ce qui était autre-fois les « vins de table ». Or lescaves languedociennes, particu-lières ou coopératives, possèdentdes stocks énormes de vins desrécoltes 2015 et 2016, y compris

dans cette gamme de produits…mais Vinadeis veut les payer lemême prix qu’en Espagne. Onsait que ces situations fragilisentle marché, ce groupe et d’autresnégociants achètant à vil prix…ceci permettant de rémunérer lesadhérent.es du groupe, dont leprésident de la chambre d’agri-culture de l’Aude, par ailleursadministrateur de Vinadéis.

Pâté d’alouetteC’est toujours la technique du

pâté d’alouette : une alouette, uncheval! Dénonçant cela, nous avonsporté plainte contre Vinadeïs pourextorsion de marge et nous l’ac-cusions sur notre site internet d’êtrecoupable de cette situation. « Cou-pable » : le mot de trop! Ça a dûfumer à Narbonne, au siège dugroupe, puisque celui-ci a portéplainte pour diffamation contresept membres du bureau de laConfédération paysanne de l’Audequi ont confirmé leurs dires devant

le juge d’instruction. Aujourd’hui,nous cherchons à argumenter nosdénonciations auprès des viticul-teurs et des viticultrices qui ontbradé leurs vins à cette structure.Mais le mutisme, la peur, l’omertàrègnent dans les vignes.

Difficile d’avancer dans un telcontexte de pression et de pra-tiques mortifères. Mais s’il fautpasser par un procès – dont ladate nous est encore inconnue –,c’est sans problème et dans l’in-térêt de tou.tes que nous déve-lopperons notre argumentaire etdévoilerons un peu de vérité etbeaucoup de suffisance d’acteurscommerciaux sans âme ni recon-naissance de la sueur du mondevigneron.

Robert Curbières,

vigneron dans l’Aude,

un des sept paysan.nes poursuivis

(1) Le même jour, dans l’Hérault, la Confédé-ration paysanne du département avait déposéune plainte de même nature à l’encontre dunégociant AdVini.

Viticulture Une histoire d’extorsionSept paysannes et paysans de l’Aude seront bientôt jugés suite à une plainte pour diffamation dugéant du vin Vinadeis qui n’a pas apprécié la plainte à son encontre déposée en septembre 2016par la Confédération paysanne, l’accusant d’extorsion sur la valeur rémunérée aux vigneron.nes.

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ÉcobrèvesLe revenu des

paysan.nes en hausse ?Joyeux Noël ! + 22,2 % d’aug-mentation pour le revenu despaysan.nes en 2017 : c’est cequ’annonce crânement l’Insee,mais ça ne compense pas les29 % de baisse de 2016 ! « Unrevenu qui joue avec les mon-tagnes russes », dénonce laConfédération paysanne. Cequi est à souligner tout demême, c’est la signification desbaisses de charges: -18 % d’en-grais et d’amendements, - 7 %d’achats de tourteaux, un toutpetit -0,9 % de pesticides…Serait-ce l’annonce d’un retourà une agriculture plus « pay-sanne »? Ce n’est évidemmentpas du goût de la Fnsea quidéplore que « la ferme Francen’est toujours pas en mesure derenouer avec les investissementsqui risquent de reculer pour lacinquième année consécutive ».Ce syndicat indique une foisde plus la priorité de ses choix.

La Fnab réclame unmilliard du plan MacronLa Fédération nationale d’agri-culture biologique (Fnab)condamne le désengagementde l’État annoncé par leministre de l’Agriculture dansles aides à la bio. Elle réclameque dans le plan de cinq mil-liards d’euros promis par leprésident de la République à lafin de la première partie desÉtats généraux de l’Alimenta-tion, 200 millions par an surcinq ans soient affectés à l’agri-culture bio afin de maintenir lerythme actuel de conversion.Une demande parfaitementjustifiée alors que la demandeen produits bio explose.

Comment répondreà la demande en bio ?

L’assureur crédit Coface publieune étude qui constate la crois-sance à deux chiffres du chiffred’affaires des produits bio. Pourrépondre à la demande, laCoface juge « inévitable »l’agrandissement des exploi-tations et le recours à l’inno-vation pour augmenter les ren-dements et les volumes.L’organisme financier justifie :« Sinon, la filière (bio) seracontrainte de recourir encoreplus aux produits importés. » Àmoins que le gouvernementdonne une suite favorable à lademande de la Fnab pourencourager les reconversionsde fermes qui ne visent pasl’agrandissement…

Le 5 septembre 2017, sept membres de la Confédération paysanne de l’Aude com-paraissaient devant le juge d’instruction au tribunal de Carcassonne. Mis en examenaprès le dépôt de plainte de Vinadeis pour diffamation, leur procès est attendu début2018. Vinadeis, issu de l’ensemble coopératif Val d’Orbieu-Uccoar, est le troisièmegroupe producteur et distributeur de vin en France, présent aussi dans une vingtainede pays. « Or le groupement des producteurs a été créé pour valoriser les vignerons,pas pour devenir une multinationale à la gestion opaque », dénonçait Robert Cur-bières en septembre 2016, lors du dépôt de plainte de la Confédération paysanne àl’encontre de Vinadeis.

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Phil Hogan, commissaireeuropéen à l’agriculture,a présenté le 29 novembresa première communicationofficielle sur la réformede la Pac post-2020.Un projet d’où se dégageune certaine tendanceà la renationalisation.

Yaura-t-il une politique agri-cole européenne communeaprès 2020, année de

départ de la programmation Pac2020-2026? La ques-tion mérite d’êtreposée au vu des pres-sions pour faire bais-ser le budget de la Pacau profit d’autres thé-matiques (terrorisme,défense, migra-tions…) et palier ledépart du Royaume-Uni de l’Union euro-péenne. Mais aussi auvu des nombreuxéchecs de la Pac : unebureaucratie lourdeet incompréhensiblepour des revenus enberne, des paysanneset des paysans tou-jours moins nom-breux, un accapare-ment des terres et undésastre environne-mental…

C’est dans cecontexte que la Com-mission européenne aprésenté fin novembrela première pierre dela future réforme. C’est une com-munication fourre-tout, chacunpeut y trouver un peu de ce qu’ilcherche mais il n’y a ni vision ni pro-jet global pour l’agriculture euro-péenne.

Nous pouvons partager certainsobjectifs affichés : renouvellementdes générations, protection de l’en-vironnement, lutte contre le chan-gement climatique… Par contre,les mots « régulation des mar-chés » semblent toujours tabousà Bruxelles. Pour la Commission,les aides découplées (DPB) sont

un bon outil pour stabiliser lesrevenus des paysans et des pay-sannes (le problème est quand onles stabilise à 350 euros parmois…), à compléter avec desassurances « revenu » par filière,évidemment financées à grandcoup d’argent public… Consta-tant l’inégalité dans la distributiondes aides, la Commission parlequand même de plafonner cesaides et de pérenniser le paiementredistributif. Ces revendicationshistoriques de la Confédération

paysanne rentrent dans le dis-cours : à nous de nous battre pourles faire appliquer !

Phil Hogan, le commissaire euro-péen à l’agriculture, prône unesorte de renationalisation de la Pac:à l’Europe les grands objectifs et auxÉtats membres de les mettre enmusique. Le risque est grand d’ac-croître encore les distorsions deconcurrence entre les États. L’har-monisation sociale et environne-mentale est incompatible avec unesubsidiarité des politiques tropimportantes. Nous le redisons : il

faut une politique commune favo-risant une agriculture source d’unealimentation de qualité pour l’en-semble des Européen.nes, garan-tissant un revenu pour tou.tes lespaysan.nes et encourageant la tran-sition agricole ! Une vision et unprojet pour l’agriculture euro-péenne, c’est sans doute tropdemander à la Commission…

Pour peser dans les négociationssur la future Pac, la Confédérationpaysanne a participé à la remise enroute d’une plateforme qui s’est élar-

gie pour l’occasion :elle réunit désormaisplus de 30 organisa-tions agricoles, de l’en-vironnement, de soli-darité internationale,du bien-être animal etde consommateurs (1).La plateformePour uneautre PAC « défendune réforme complètede l’actuelle politiqueagricole commune enfaveur d’une approcheintégrée, en conciliantles objectifs de dura-bilité de l’agriculture,de souveraineté ali-mentaire – tenantcompte des paysanneset des paysans duSud –, de respect dubien-être animal, dedéveloppement ruralet de préservation del’environnement ». Ilva falloir se battre duret jouer collectif pourque la prochaine Pac

protège les paysan.nes et nos conci-toyen.nes! n

Mathieu Courgeau,

paysan en Vendée

(1) Dont Confédération paysanne, Fnab(Fédération nationale d’agriculture biolo-gique), MRJC (mouvement rural de jeunessechrétienne), Réseau Civam, Terre de Liens,CIWF France (Compassion in world farming),Fédération des parcs naturels régionaux, Fon-dation pour la Nature et l’Homme, FranceNature Environnement, Générations futures,Greenpeace, LPO, Réseau Action Climat, WWF,Attac, Comité Français pour la Solidarité Inter-nationale (CFSI), Ingénieurs sans Frontières,Plate-Forme pour le Commerce Équitable,Slow Food, Miramap…

Pac Le marathon commence !

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8 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

ÉcobrèvesLes fermes bio

plus résistantesLa même étude de la Cofaceconstate que les fermes en biosont celles qui ont enregistréle moins de défaillances sur lapériode 2012-2016, alors queles défaillances des fermes enconventionnel progressaientde 4,9 % par an. Autre constat :«Une augmentation de 10 % dela part du bio dans la produc-tion totale d’une filière se tra-duit par une baisse de 11 % desdéfaillances. » Rassurant pourle financier, mais cela ne jus-tifie pas de plaider pour l’agran-dissement…

Des bébés intoxiquéspar du lait Lactalis

Début décembre, on apprenaitqu’au moins 25 bébés avaientété victimes de violentes diar-rhées et de vomissements aprèsingestion de lait infantile dedifférentes marques de Lacta-lis, lait contaminé par la sal-monelle. Ces produits viennenttous de la même usine, à Craon,en Mayenne. La salmonelle yavait été détectée dès le moisde mai par l’entreprise sans quel’usine en tire les conséquencespour ses fabrications… Il aurafallu que la contaminationdevienne publique pour que ladirection de la santé rappelledouze lots suspects et qu’en-fin le gouvernement décide lafermeture de l’usine de Craon,le 10 décembre. La réouverturesera décidée après constat dedécontamination. Pas de chô-mage technique : les salarié.essont affecté.es à d’autres tâcheset la collecte de lait est dirigéevers d’autres laiteries dugroupe. Financièrement, c’estune peccadille pour la multi-nationale, mais pas pour sonimage…

La Vache qui ritsans OGM

Le groupe Bel, fabricant de lalégendaire Vache qui rit, aannoncé une augmentationsensible du prix du lait payé à700 producteurs et productricesde l’Ouest. Un accord signé avecl’association des producteursBel Ouest garantit un prix mini-mum de 350 euros la tonne delait, auquel s’ajoute une primede 21 euros pour une alimen-tation à l’herbe et sans OGM.En parallèle, l’entreprise élaboredes produits plus naturels, sansadditif. « Pour transformer l’es-sai, il faudra que la grande dis-tribution joue le jeu, concèdeBel, les consommateurs sontprêts à mettre plus pour la qua-lité. » Le jeu en vaut la chan-delle, mais ce n’est pas gagné.

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Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 9

Après le discoursd’Emmanuel Macron,prononcé le 11 octobreen conclusion de la premièrepartie des États générauxde l’Agriculture(cf. CS n° 333),la Confédération paysanneattendait des actes. Maisles plans de filières« commandés » parle président de la Républiquedéçoivent. La Conf’ proposeses propres plans.

Le 11 octobre à Rungis, dansun discours jugé ambitieuxpar la Confédération pay-

sanne, Emmanuel Macrondemandait aux interprofessionsagricoles de présenter des plansde filières pour réorienter l’agri-culture française suite aux Étatsgénéraux de l’Alimentation(EGA). Mais « avec les interpro-fessions, on a confié l’ambition d’unepolitique nouvelle aux outils dupassé », résume Laurent Pinatel,porte-parole national de la Conf’.« Il y a une contradiction entre l’ob-jectif affiché des États généraux,qui incluent la société civile et tousles syndicats, et la composition dela représentation des agriculteursau sein des filières », expliqueGilles Menou, paysan en Eure-et-Loir et responsable de la com-mission « grandes cultures » dusyndicat.

De fait, les différents plans pré-sentés en décembre sont très sec-toriels, bien peu transversaux etfort peu innovants. « La Fnseaparle toujours de modernité (1), mais

elle en parle depuis les annéessoixante et on reste dans cemodèle », poursuit Laurent Pina-tel, « alors que le discours du pré-sident de la République parlaitd’une modernité que nous pouvonsraccrocher par bien des points ànotre projet d’agriculture pay-sanne ».

« Ce qui est aussi dommage, ren-chérit Nicolas Girod, secrétairenational en charge des EGA, c’estque les chantiers de la deuxième par-tie des États généraux étaient loind’être terminés quand les “interpros”travaillaient sur leurs plans defilières. Or plusieurs de ces chan-tiers, comme ceux sur l’innovation,l’alimentation et la santé, la forma-tion ou la transition écologique del’agriculture, auraient dû être pris encompte. »

Redonner du sensau métier de paysan

L’autonomie fourragère des éle-vages, celle plus globale en pro-téines végétales de la France etde l’Europe, l’élevage à l’herbe etla question de la taille des trou-peaux et des ateliers, la reloca-lisation des productions et deséchanges, la réponse prioritaire

au marché intérieur, les abattoirsà la ferme ou de proximité, la sor-tie des pesticides pour la pré-servation des ressources, de lasanté des paysan.nes et desconsommateurs et consomma-trices : les grandes lignes d’unchangement de cap prôné par laConfédération paysanne sont peuou pas considérées dans les plansde filières présentés par les inter-professions. Le syndicat proposeainsi des alternatives à ces planspour les filières laitières, viandes,grandes cultures, semences etfruits et légumes.

« Redonnons du sens au métierde paysan, synthétise LaurentPinatel. Cela passe d’abord pargarantir un revenu aux paysanneset aux paysans, et la Conf’ demandetoujours une loi pour cela, le plusrapidement possible. Cela passeaussi par un changement de pra-tiques qui rendent les fermes plusautonomes et ainsi plus résilientes.Il faut pour cela revenir au bon sensagronomique, à la complémenta-rité des cultures et de l’élevage. Ilfaut tourner le dos à la spécialisa-tion et à la dépendance à l’agrobu-siness. Il faut rediversifier, à l’échellede la ferme et à celle de chaque ter-ritoire. » « C’est à l’opposé de ce queles interprofessions font depuis trenteans », commente Émilie Jeannin,paysanne en Bourgogne, activedans la commission viandebovine de la Confédération pay-sanne. « Il est normal qu’elles nesachent pas se remettre vraimenten question. » n

Benoît Ducasse

(1) La Fnsea représente majoritairement lesagriculteurs et les agricultrices dans les inter-professions. Elle en a longtemps été la seulereprésentante (cf. encadré).

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Chèvres suralimentées :Terrena condamnée

Un couple d’éleveurs duMaine-et-Loire à la tête d’untroupeau de 300 chèvres avaitfait appel à un technicien deTerrena pour améliorer sonrendement en lait. Nourrisavec les compléments ali-mentaires fournis par Terrena,les caprins ont subi une sur-mortalité ruineuse : 23 chèvresn’ont pas survécu. Le couple aporté plainte. Le juge du tri-bunal de grande instance d’An-gers s’est appuyé sur le rapportd’expert qui pointe « le rôledéterminant du déséquilibrealimentaire (…) ». Le magis-trat a donné suite à lademande des éleveurs de pro-visions de 38 000 euros par lacoopérative Terrena, qu’ilcondamne aussi à acquitterles frais de justice. Nourrir pluspour produire plus, ça nemarche pas toujours…

Le sulfoxaflor suspendu

L’insecticide, toxique pour lesabeilles, avait néanmoins étéautorisé, le 27 septembre, parl’Agence nationale de sécuritésanitaire de l’alimentation, del’environnement et du travail(Anses). L’association Généra-tions futures a porté plainteet le tribunal de Nice lui adonné raison en ordonnant, le25 novembre, la suspensionimmédiate du produit. L’Ansesprend acte et le ministre del’Agriculture demande à cettedernière de poursuivre son tra-vail d’expertise pour vérifier sil’insecticide est vraiment nocif.Le défenseur du glyphosatemontre une fois de plus sonentêtement partisan.

Du poulet de Louéchez Mac Do

C’est le mariage de la carpe etdu lapin ! Depuis le5 décembre, les 1 400 « res-taurants » Mac Do proposentdu poulet label à leurs clients.Des ailes, il est vrai, qui nesont pas valorisées en pouletde Loué et partent avec lavolaille standard. Le directeurde la coopérative des pouletsde Loué espère ainsi séduireles jeunes générations et leurdonner le goût du poulet mus-clé plein air. Il s’agit pourl’heure d’une période test desix semaines. Le poulet deLoué va peut-être ainsi tes-ter à ses dépens le symbole dela malbouffe que représenteMac Do !

La Conf’ dans les interprofessionsLa loi du 13 octobre 2014 dite « d’avenir pour l’agriculture, l’alimenta-tion et la forêt » ouvre de droit les interprofessions aux syndicats agri-coles minoritaires représentatifs, c’est-à-dire à la Coordination rurale età la Confédération paysanne. Depuis, la Conf’ siège au Cniel (interprofes-sion du lait de vache), à Interbev (viandes), Interfel (fruits et légumes),Anicap (lait de chèvre). Elle participe à un projet de création d’une inter-profession apicole. Mais la Fnsea freine encore l’entrée des syndicatsminoritaires dans certaines interprofessions : c’est ainsi qu’aucun accordacceptable n’a été trouvé à ce jour pour leur entrée dans Intercéréales.

EGA Des ambitions en mauvais plans

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Les alertes soulevées sur lesconditions d’élevage etd’abattage des animaux sont

essentielles pour poser le débat.Reste à définir quel débat : celuidu système actuel qui lessive lespaysan.nes, essore les salarié.esde l’agroalimentaire et ignore lesconsommateurs et les consom-matrices, ou celui du bien-fondéou non de la consommation deproduits animaux ?

Ne nous trompons pas de sujet :il faut prendre à bras-le-corps laquestion du bien-être animal, maisd’abord par le prisme du bien-êtredu paysan ou de la paysanne dansl’exercice même de leur métier.Aujourd’hui, les éleveurs et les éle-veuses subissent de multiplescontraintes qui les plongent dansun désarroi profond. D’un côté, lefonctionnement libéral des mar-chés engendre la mise en concur-rence féroce poussant à l’utilisation

de « facteurs de compétitivité » telsque les pesticides (face à la sim-plification des rotations), les anti-biotiques (face à l’augmentationde la densité animale), le recoursà des travailleurs ou travailleusesdétaché.es pour comprimer le coûtde la main-d’œuvre, simple facteurde production à optimiser. Del’autre côté, les attentes sociétalesévoluent à l’opposé, resserrantl’étau autour de la production agri-cole, toujours orientée par unepolitique productiviste qui n’a pasintégré les enjeux de demain.

C’est ce fonctionnement absurdeet inhumain de l’économie actuellequ’il faut remettre en cause car ilest destructeur pour nous, pay-san.nes et citoyen.nes, les ani-maux et nos écosystèmes.

Mais si ces sujets ne doivent enaucun cas être éludés, la visée réelledes associations « de protection desanimaux », telles que L214 ou

Peta, est l’abolition de l’élevage etde toute utilisation de l’animal.Or, nous sommes en profonddésaccord avec cette vision décon-nectée du vivant, de notre placedans les écosystèmes, de notre cul-ture, c’est-à-dire notre rapport àchacun de nos territoires ainsi quedu paysage socioéconomique exis-tant. L’abandon de l’élevage induiraen effet un recours encore plusmassif aux énergies fossiles pourla production végétale ou encorela fabrication de vêtements.

Le triptyque humain-animal-ter-ritoire est remarquable dans l’his-toire : il permet une véritable har-monie, pour le bien-être dessociétés humaines, pour la sauve-garde et la continuité des trou-peaux d’élevage et la valorisationdes terroirs. Notre désaccord avecces associations que nous quali-fions d’extrémistes de par leurobjectif est d’abord philosophique,

Élevage Défense de l’élevage paysanPosition de la Confédération paysanne sur le bien-être animal et les mouvementsantispécistes. Avec la validation de ce texte lors de sa réunion des 22 et 23 novembre,le comité national a décidé l’ouverture d’un travail syndical sur la défense de l’élevage paysanet du bien-être animal.

Actualité

10 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

ÉcobrèvesDécès de l’avocat

des sans-terreLe frère dominicain Henri Burindes Roziers, issu d’une vieillefamille aristocratique, avocat deformation, aurait pu faire unebrillante carrière digne de sonrang. Il a choisi de se consacreraux pauvres. En 1978, il part auBrésil où il deviendra le défen-seur et l’organisateur du com-bat des paysans sans terre faceaux puissants propriétaires ter-riens qui n’hésitent pas à faireassassiner les paysan.nes quirevendiquent un lopin. Au risquede sa vie, comme les pauvresqu’il défendait, le frère Burin desRoziers a déployé ses talentsd’avocat pour défendre les syn-dicalistes, au rang desquels figu-rait Lula, devenu président de laRépublique du Brésil en 2003.Toujours menacé de mort, ilbénéficiait d’un garde du corpsdepuis cette date. Sévère àl’égard des militant.es qu’ildéfendait, il déclarait à Ouest-France, en 2013 : « Les grandspropriétaires terriens continuentd’être au-dessus des lois, de nom-breux crimes restent impunis.Lula et le Parti des Travailleursn’ont pas osé les affronter. » Legrand homme est décédé à 87ans, le 1er novembre, emportantavec lui l’image d’un Brésil endéroute.

Les Faucheurs sèmentdes semences

paysannes«Les semences se stockent dansla terre, pas dans les frigos »,déclarait Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération pay-sanne, lors d’une conférence depresse, le 5 décembre. Dix joursaprès, 70 Faucheurs volontairesmettaient ce principe en pra-tique en répandant dessemences paysannes sur uneparcelle d’essai de Limagrain, àVerneuil-l’Etang, en Seine-et-Marne. En revendiquant leuraction, les Faucheurs dénon-çaient les nouvelles technologiesd’OGM cachés. Dès le15 novembre, le directeur de lastation d’essais dénonçait un« acte de vandalisme », affir-mant qu’aucun essai n’était réa-lisé chez Limagrain avec les nou-velles technologies non encoreautorisées. « Un sursemis sur desessais, c’est 35 à 40hectares d’es-sai à détruire » se désole-t-il !Ben non, il s’agit de semencespaysannes, ça vaut le coup d’at-tendre le résultat !

Jo Bourgeais

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« Je ne crois pas qu’il puisse y avoir de tentation à devenir végane dès lorsque l’on a compris l’élevage paysan »Voilà un livre percutant! Dans le débat actuel autour de l’élevage et de son bien-fondé, Pierre-Etienne Rault, éleveurdans le Morbihan, a décidé de prendre la parole. Par son regard pertinent, concret et pédagogique, il donne une réponsecohérente à la proposition de l’utopie végane. Il pointe du doigt les contradictions de cette dernière sans remettre encause la légitime volonté qui anime les véganes de retrouver du sens dans notre relation humain/animal.Lucide, il ne passe pas sous silence les dérives du productivisme agricole et son impact sociétal. La question denotre économie agricole tournée vers le profit est brillamment posée. L’acceptation sociétale d’un système repo-sant sur un productivisme appliqué à la science du vivant a atteint ses limites. Face à cela, la cohérence de la voiepaysanne est argumentée avec brio par l’auteur. Sur le plan environnemental, il explique comme éleveur et demanière didactique l’intérêt de l’élevage, sa place dans les territoires, son rôle de fertilisation et l’impasse dutout-végétal. Dans sa dernière partie, Pierre-Etienne Rault n’élude pas la question de philosophie morale qui estposée. Il démontre que le mouvement végan ne peut prétendre à une dimension universelle et que sa prescrip-tion morale s’érige sur la base d’un modèle économique fondamentalement immoral. Il propose alors sa proprevision de la place de l’animal dans les sociétés humaines et ouvre des pistes de réflexion intéressantes pour cha-cun.e. L’auteur adopte un ton serein que l’on ne peut que saluer, alors que cela s’avère souvent compliqué dansce débat brûlant. Il ne se positionne pas « en opposition vis-à-vis du mouvement végane mais plutôt en désaccord.Celui-ci est profond. Il repose sur la pluralité de compréhension et perception des choses. » Bref, voilà un livre quipart du registre paysan pour s’adresser à tou.tes, y compris les végan.es.

Victor PereiraVégano sceptique – Regard d’un éleveur sur l’utopie végane, par Pierre-Etienne Rault – Éditions du Dauphin – 160 pages– 13,80 euros – www.editionsdudauphin.com

NB : Parmi les livres paraissant sur le sujet, les Amis de la Conf’ recommandent aussi la lecture d’On achève bien les éleveurs : « Voilà un livrequi nous “connecte” avec nos racines rurales et le monde paysan en interrogeant les héritiers des civilisations agropastorales. Il ne se contente pasde dénoncer les dérives de l’industrialisation de l’élevage mais s’interroge sur les relations humain-animal avec l’analyse, notamment, de JocelynePorcher (Inra) et du collectif “Faut pas pucer”, qui lutte contre l’identification électronique des ovins et caprins. » Joliment illustré par le dessina-teur Guillaume Trouillard, l’ouvrage a été coordonné par Aude Vidal, auteure d’essais critiques sur le libéralisme et l’« égologie ».On achève bien les éleveurs – Résistances à l’industrialisation de l’élevage, Éditions l’Échappée – 144 pages – 24 euros – www.lechappee.org/on-acheve-bien-les-eleveurs

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mais il est aussi agronomique, scientifique,économique et social. L’élevage est primor-dial pour le développement d’une agricul-ture paysanne respectueuse de l’environ-nement. Il est garant d’une souverainetéalimentaire des peuples, encore davantagedans les pays du Sud. La polyculture-éle-vage permet un cercle vertueux pour les solset l’équilibre agronomique des agroécosys-tèmes.

L’élevage paysan face à la production industrielle

Cependant, il y a bien plusieurs typesd’élevage : l’élevage paysan et les produc-tions animales industrielles. Nous défen-dons l’élevage paysan, celui qui garde le lienau sol, préserve la biodiversité animale ets’adapte à l’animal et aux conditions du ter-roir plutôt qu’adapte l’animal aux condi-tions de vie qu’on veut lui imposer. L’éle-vage industriel est effectivement destructeurpour la planète. Il engendre déforestation,graves pollutions, surconsommation deproduits animaux dans les pays occiden-talisés, baisse de la qualité des produits,dégradation de l’environnement, destruc-tion de l’emploi paysan… Ces impactsnégatifs sont malheureusement très nom-breux.

De la même manière, il existe bien plu-sieurs types d’abattoirs : l’abattoir de proxi-mité et l’abattoir industriel. Nous défendonsle redéploiement des abattoirs de proximité

sur tout le territoire, permettant la dimi-nution du temps de trajet des animaux,l’émergence de circuits courts de distribu-tion, garants d’une véritable transparencepour le consommateur et la consommatrice,et l’organisation des chaînes d’abattagetenant compte des besoins des éleveuses etdes éleveurs, premiers demandeurs d’unaccompagnement respectueux de leursbêtes vers la mort.

Dans la course à la compétitivité, l’émer-gence d’abattoirs industriels est la consé-quence de la fermeture de ces abattoirs deproximité, au profit des grands groupesprivés et coopératifs, dont la logique éco-nomique ne répond plus aux besoins deséleveurs, des éleveuses et de leurs animaux,mais à un objectif unique de rentabilité. Dis-posant de plus de moyens financiers pourse protéger, ces abattoirs industriels restentquasiment épargnés par les extrémistes dela cause animale qui préfèrent focaliser l’at-tention sur les dysfonctionnements de cer-tains abattoirs prestataires, acculés par lacompétition du marché de la viande et labaisse des soutiens publics.

Les productions animales industriellesont rompu le contrat entre l’être humainet les animaux d’élevage. Ces derniers sontassimilés à de simples facteurs de produc-tion. On recherche un animal parfaitementadapté au système ; s’il ne l’est pas, il estréformé. Ainsi, malgré leur position à l’op-posé, les militant.es de la libération animale

et les acteurs de l’agrobusiness ont un pointcommun: celui de l’abandon du lien à l’ani-mal, soit par le refus de la mort, soit par lerefus de la vie même de l’animal. Cet éloi-gnement entre le monde de l’élevage et lesconsommateurs a logiquement mené à desincompréhensions mutuelles. La prise deconscience actuelle de la question du bien-être animal est positive mais elle ne doit pasêtre brutale en balayant toutes les autresquestions : celle du revenu paysan, de laplace des campagnes dans nos territoires,de la société que nous souhaitons, du lienau vivant que nous entretenons, de notrerapport à la nature et au sauvage…

Ainsi, la diminution de consommationde produits animaux en France et dans lespays occidentalisés est inévitable et sou-haitable. Cependant, ce tournant de sobriéténe doit pas engendrer la disparition del’élevage mais au contraire la relocalisationet la désintensification de ce dernier. Ladiminution des cheptels sera ainsi accom-pagnée d’une augmentation du nombred’éleveurs et d’éleveuses, réparti.es sur leterritoire, créatrice de dynamiques territo-riales fortes.

Donner du sens à l’élevage en tant que rela-tion humain-animal, c’est redonner de lavaleur au métier d’éleveur et d’éleveuse.

La Confédération paysanne sera toujoursaux côtés de celles et ceux-ci dans leurscombats pour améliorer leur quotidien etcelui de leurs animaux. n

Actualité

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 11

Le triptyque humain-animal-territoire est remarquable dans l’histoire : il permetune véritable harmonie, pour le bien-être des sociétés humaines, pour la sauve-garde et la continuité des troupeaux d’élevage et la valorisation des terroirs. L’éle-vage est primordial pour le développement d’une agriculture paysanne respec-tueuse de l’environnement. Ph

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Actualité

12 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

La loi d’avenir agricole de 2014a défini pour chaque départementune porte d’entrée pourles candidat.es à l’installation :le Point Accueil Installation (PAI).Jusque-là, la gestion d’un seul deces points a été attribuée au projetprésenté par la Confédérationpaysanne : celui des Hautes-Alpes.Un pluralisme encore difficile à fairerespecter.

Il y a trois ans, nous nous portions can-didats à la labellisation pour la gestiondu Point Accueil Installation (PAI) des

Hautes-Alpes. À l’époque, comme c’est tou-jours le cas dans nos instances consulaireset à l’encontre du cahier des charges misen place par l’État, Jeunes Agriculteurs,Fnsea et chambre d’agriculture s’étaientréparti les rôles du nouveau parcours àl’installation: la chambre s’occupait du plande professionnalisation personnalisé (PPP),l’ADFPA (organisme de formation sur ledépartement) du stage 21 heures, et les JAdu PAI (cf. encadré).

Sachant que la candidature pour le PAIdevait être portée collectivement (à minimachambre, en association avec une autrestructure), nous avons décidé de répondreà l’appel avec l’Association départemen-tale pour le développement de l’emploiagricole et rural (Adear), Agribio 05 et laConfédération paysanne des Hautes-Alpes,en réservant un siège au conseil d’admi-nistration de la future structure à la chambreet un autre aux JA.

L’État, par le biais de la préfecture derégion, retint notre candidature.

La contre-attaque ne se fit pas attendre :les JA – qui avaient présenté leur propreprojet, mais sans nous – attaquèrent ladécision préfectorale au tribunal adminis-tratif. La mise en place du PAI des Hautes-

Alpes fut ainsi bien fastidieuse. Naïvementnous pensions que chacune des structuresassociées (Conf’, Adear, Agribio05,chambre, JA) mettrait un animateur à dis-position du PAI pour l’accueil des porteurset des porteuses de projet. Cinq jours ouvréspar semaine, cinq structures, l’affaire étaitficelée. Il n’en a pas été ainsi et il fallut fina-lement embaucher une salariée dédiée.Parallèlement, il a fallu huit mois et unequasi prise en otage de son président pourque la chambre d’agriculture mette un localà disposition.

Malgré les entraves, le travail d’accueil sefit. Nous nous sommes rendus compte quela mission des PAI, si elle était accompliedans les règles, nécessitait un temps de tra-vail beaucoup plus conséquent que celuiauquel on pouvait s’attendre et que les pro-blématiques de certains porteurs de projetnous imposaient de nouer des liens avecdes instances diverses et variées.

Nous avions par exemple dans l’idée deconsacrer un peu de temps à la réalisationd’un suivi des porteurs de projet accueillispour savoir ce qu’ils étaient devenus : ins-tallés ou pas, quels avaient été les facteursde réussite ou d’échec dans la réalisationde leur projet ? Pas possible avec une sala-riée à 80 %: il nous a fallu prendre une sta-giaire pour pouvoir réaliser ce travail d’en-quête.

Nous avons également essayé de mettreen place un partenariat avec Pôle emploicar certains des publics accueillis au PAIpeuvent bénéficier de nombreux soutiensen terme financier.

Depuis trois ans, plus 500 personnes sontpassées au PAI des Hautes-Alpes. Tous lesprojets et tous les profils ont été accueillis,avec le même souci de fournir l’informa-tion la plus précise possible.

Nous sommes aujourd’hui à la veille d’unenouvelle labellisation. Nous avons fait nos

preuves : une gestion collective et associa-tive de ce genre de structure est possible,voire salutaire. Personne ne doit rester sansinterlocuteur.

Les négociations avec la chambre d’agri-culture du département vont bon train,nous allons faire valoir notre expérience etpeut-être participer à la mise en place d’unegestion collective des PAI au niveau régio-nal. L’installation n’est pas et ne doit pas êtrele monopole d’un syndicat, aussi « jeune »que son nom le laisse entendre.

Tout le monde s’accorde à dire que l’ave-nir de l’agriculture est primordial, et enpremier le monde politique. C’est à cedernier que s’adresse la fin de cet article.Depuis deux ans et le changement demajorité régionale, nous n’avons plusaucune lisibilité financière. Toutes lesstructures travaillant sur l’installation etla transmission sont exsangues, y com-pris celles que nous qualifierons de majo-ritaires. Nos élus régionaux n’ont paspris la peine de nous rencontrer. Puissece début d’année et les vœux qui vontavec faire que nos politiques mettent enaccord leurs dires et leurs actes et qu’ilsnous permettent de continuer le travailengagé. n

Charles-Henry Tavernier,

paysan dans les Hautes-Alpes, président du PAI 05

NB : Cet article est le premier d’une série de six qui – avecun dossier en mai – seront publiés durant le premiersemestre 2018. Cette publication entre dans le cadre d’uneconvention avec l’Association permanente des chambresd’agriculture (APCA) pour présenter les différents aspects,acteurs et institutions du parcours à l’installation tel quedéfini par la loi d’avenir agricole de 2014 : de l’info, del’analyse, des témoignages… Un regard multiple puisque ladémarche associe JA Mag (le mensuel des Jeunes agricul-teurs), Transrural Initiatives et Campagnes solidaires.

InstallationAccueillir tous les projets et tous les profils

ParcoursTout.e candidat.e à l’installation est invité.eà contacter le Point accueil installation (PAI)de son département avant d’entrer en rela-tion avec le centre d’élaboration du PPP(plan de professionnalisation personnalisé).Dans le cadre de ce plan de formation per-sonnalisé, il ou elle sera amené.e à réaliserau minimum un « stage 21 heures » quiapportera les bases réglementaires, comp-tables et institutionnelles sur le métier depaysan. À l’issue de la réalisation des for-mations préconisées par le PPP, il ou elle aurala possibilité de déposer une demande dedotation jeune agriculteur (DJA).

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Une des plus graves sécheresses depuis 60 ans a frappéune grande partie du territoire français ces derniers mois,conduisant les paysan.nes dans des situations drama-

tiques. Le 20 novembre 2017, 25 départements faisaient encorel’objet d’une restriction d’usage de l’eau par arrêté (82 départe-ments début août). Et les modélisations ne sont pas réjouis-

santes : à l’horizon 2050, la température moyenneannuelle aura augmenté d’environ 2 °C. Le

niveau des océans pourrait s’élever de20 cm en 2050 et jusqu’à un mètre en

2100. On estime l’augmenta-tion de l’évaporation à

30 % par an. Laneige se fait de

plus en plus rare.La pluviométrie

baissesensiblement,et surtout se répartitirrégulièrement selon les sai-sons et les territoires. Les événe-ments climatiques extrêmes sont deplus en plus nombreux et intenses. Il fauts’attendre à subir des sécheresses graves huitannées sur dix, alternées par des épisodes depluie intenses de type cévenol (1).

La conséquence directe de cette évolution sera unebaisse du débit des rivières de l’ordre de 20 à 40 %. Les périodesd’étiage sont déjà plus précoces, plus sévères et plus longues.

L’augmentation de la température moyenne de l’eau fait cou-rir le risque d’une baisse de la quantité d’oxygène dissous : lesphénomènes d’eutrophisation sont réels à l’échelle de la planète,les conditions de la vie aquatique se dégradent et les risques sani-taires s’en trouvent accentués.

Nous sortons des États généraux de l’Alimentation qui ont, s’ilen était besoin, souligné que l’eau est le principal aliment d’unêtre humain (70 % de son alimentation quotidienne).

Il y a urgence à changer radicalement nos pratiques, et pas seu-lement en agriculture, si nous voulons être en capacité de rele-ver les cinq défis majeurs auxquels le dérèglement climatique nousconfronte : une ressource en eau de moins en moins abondante,variable et dont l’accès se complique ; une dégradation qualita-tive enclenchée et qui ne fait que s’aggraver ; une biodiversité aqua-tique fragilisée et un bouleversement des milieux, notammentles zones humides ; l’augmentation en intensité et en fréquencedes fortes pluies et des sécheresses ; la montée des eaux et l’éro-sion marine qui mettent déjà en danger 10 % de la populationmondiale.

En réponse à ces défis, les ministres de l’Agriculture et de la Tran-sition écologique ont annoncé le 9 août dernier un plan de déve-loppement de projets de stockage hivernal. La Confédérationpaysanne est très circonspecte quant à l’efficacité de telles

mesures. La réflexion et l’action publique doivent être globales.Nous avons ainsi porté auprès des deux ministères la néces-sité d’organiser en 2018 des assises nationales et citoyennesde l’eau, ouvertes à toutes les sensibilités.L’eau est un bien commun de l’humanité. La question de sagestion quantitative et qualitative nous concerne toutes

et tous. A fortiori les paysan.nes français.es : en termesde consommation – évaluée à six milliards de mètres

cubes par an –, l’agriculture occupe le premierrang (48 %) de tous les secteurs d’activité

du pays. nJean-François Périgné,

paysan de la mer en Charente-Maritime,

secrétaire national

(1) sources : Giec, Agence de l’EauAdour Garonne

Eau Changer vite de politique et de pratiques agricoles

Dossier

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / I

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J’existe sur terre depuis la nuit des temps.Je suis l’eau. Je suis la vie.

Lorsque la résultante entre la géologie,la pente et la pluviométrie d’un endroitdonné est favorable, je me transforme ensource puis en cours d’eau. Je peux prendrela forme de torrents de montagne fou-gueux ou bien, au contraire, de petits coursd’eau de plaine aux méandres langoureux.Je me jette dans les fleuves. Tout au longde ce cheminement, j’accompagne danssa partie souterraine le lit de la rivière etc’est moi qui suis alors responsable descrues, essentielles au rechargement desnappes et à la régénération des plainesalluviales.

Avant d’atteindre la mer, je peux me pré-lasser dans les marais doux littoraux. Là, jesubis une épuration naturelle car, en lessi-vant les sols, je transporte les sels nutritifset autres produits toxiques utilisés par leshumains. Le rôle de ces zones humides estprimordial, comme interface entre l’eaudouce et l’eau salée. Ce sont des zones tam-pons, de stockage durant les périodes d’ex-cès, de filtration et d’épuration de l’eaudouce garantissant la bonne qualité dumilieu marin.

Ça, c’est quand tout se passe bien ! Maisc’est sans compter sur les aménagementsurbains visant à limiter les inondations, àrendre navigable une partie du cours d’eau,à produire de l’énergie… Il peut s’agir éga-lement d’aménagements agricoles comme

le drainage, la suppression des haies, l’assè-chement du marais doux pour sa mise enculture ou mon stockage à des fins d’irriga-tion. Enfin, d’autres activités humainescomme l’extraction du sable, par exemple,peuvent avoir un impact très lourd et à longterme (30 ans), voire irrémédiable sur la sur-vie du cours d’eau. Souvent, la réversibilitéserait envisageable, mais à un prix deux àcinq fois plus élevé que le coût des travauxqui ont entraîné la dégradation du milieu.

Là où se produisent les deuxtiers de l’oxygène de la planète

Enfin, j’arrive à la mer où je contribue àl’équilibre de l’écosystème des estuaires.Là vivent les coquillages élevés ou sauvages ;là se trouvent les zones de frayère et de nur-serie de la faune marine ; là se développentles champs d’algues et le phytoplancton, pre-mier maillon de la chaîne alimentaire etproducteur des deux tiers de l’oxygène dela planète.

Une fois mélangée à l’eau salée, j’alimentepar gravité le marais salé. On voit bien quede ma présence ou non en quantité et enqualité dépendent directement la crois-sance et la qualité des ressources marines.Par évaporation, je transporte l’oxygènedissous dans l’atmosphère. Sous forme denuages, je surfe sur les jet-streams des cou-rants aériens. Ces derniers temps, je ne saispas ce qui m’arrive : je retombe sur terre defaçon de plus en plus aléatoire.

Sur notre « planète bleue », je n’offreque peu d’eau utilisable pour les activi-tés humaines (97,2 % de l’eau est salée).Lorsque je suis douce, on me rencontreen majeure partie sous forme de glacepolaire. Ma quantité disponible pour leshumains sous forme d’eau douce potablene représente que 0,1 % du stock globald’eau. Et malgré tout, les utilisations aug-mentent : croissance démographique,intensification agricole… La quantité d’eaudisponible par habitant.e diminue trèsvite : 17 000 m3 en 1950, 7 500 m3 en1995, 5 000 m3 en 2025… Les prélève-ments ont été multipliés par sept en unsiècle, soit deux fois plus vite que l’aug-mentation de la population.

Selon l’Organisation mondiale de laSanté, la quantité acceptable d’eau est de50 litres par jour et par habitant.e. Dans

Eau, sécheresse, conflits d’usages : premier état des lieux

« Il n’y a pas une goutte d’eau qui n’ait son utilitédans la nature »Avez-vous déjà pensé au cheminement d’une goutte d’eau ? C’est l’exercice auquel s’est prêté Jean-François Périgné,paysan de la mer en Charente-Maritime.

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

L’eau, source de la vieL’eau est un des quatre éléments piliers dela vie sur terre. Elle existe depuis la nuit destemps, toujours dans la même quantité.Sans elle, aucune forme de vie n’aurait puapparaître sur Terre. Elle régit la météo dela planète sous forme d’océans régulateursdu climat. Dans le sous-sol, emprisonnéedans les nappes captives de plus de15000 ans d’âge, elle est la réserve pour lesgénérations futures. Sur terre, la vie peut sedévelopper sans oxygène, sans lumière (dansles grands fonds océaniques), mais pas sanseau. Elle a modelé la géographie et les reliefs.Depuis la nuit des temps, les femmes et leshommes se sont installés à ses côtés. L’eaua façonné la culture en rythmant la vie desêtres humains, en facilitant les échangescommerciaux, en dessinant certaines fron-tières. De sa conception dans le ventre desa mère en passant par son alimentation jus-qu’à la réalisation de ses activités commel’industrie ou l’agriculture, l’être humain abesoin de l’eau. L’eau est une ressource sivitale qu’elle semble banale, mais sans elle,l’espèce humaine disparaîtrait. L’être humainest capable de rester en vie un mois sansmanger, mais seulement trois jours sansboire.

L’eau face au défi du changement climatiqueLes conséquences du dérèglement climatique sont nombreuses et déjà visibles. Toutes les modé-

lisations convergent. Dans les dix ans à venir, on nous annonce moins 20 à 30 % du débit des

rivières, moins 50 % de pluviométrie, plus 50 % d’évaporation en lien avec la hausse globale

des températures moyennes, moins 50 % du niveau des nappes phréatiques, huit années sur

dix classées en sécheresses sévères (données agence de l’eau Adour Garonne, Giec).

L’année 2017 aura été la pire sécheresse depuis 60 ans en région Paca et en Corse. En Poitou-

Charentes, la sanction d’une irrigation débridée est l’amer constat de 1 500 kms de cours d’eau

à sec ! Toutes les productions primaires vont devoir, dans l’urgence, s’adapter à cette nouvelle

donne. D’orange, les clignotants ont viré au rouge, avec des alertes sévères sur l’approvision-

nement en eau potable jusque dans le Cantal, réputé pour être le château d’eau de la France…

Les préconisations avancées, du stockage en puisant dans les nappes en passant par des

plantes OGM résistantes à la sécheresse, sont plus qu’alarmantes.

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de nombreux pays, la moyenne est à 20litres par jour. En Europe elle varie de 200à 400 litres par jour et par habitant.e.Aux États-Unis, elle est de 600 litres parjour ! Or, seulement 7 % de l’eau douceconsommée sert à l’alimentation. Les93 % restants sont utilisés pour des usagesdomestiques (arrosage, hygiène, piscine…)et pour pousser nos déchets organiquesdans le tout-à-l’égout (40 % de laconsommation moyenne d’une maison) !Dans le même temps, 2,1 milliards depersonnes n’ont pas accès à l’eaupotable…

Il n’y pas de gaspillageacceptable

Nous sommes toutes et tous responsablesdes conséquences de nos choix de vie ou denos pratiques professionnelles. Il n’y a pas unegoutte d’eau qui n’ait son utilité dans la nature.Il n’y a pas de gaspillage acceptable. La pro-blématique actuelle se pose moins en termesd’état de la ressource que de partage et degestion équitable de celle-ci. L’eau est un biencommun de l’humanité et chacun.e de nous,à son niveau, doit apprendre ou réapprendrele respect quasi « spirituel » de cet élémentindispensable à la vie sur notre Terre.

Cette quête incontournable dépasse lessimples notions de partage équitable, dedéfense d’une bonne qualité. Elle doitaussi s’attacher à inscrire comme prioritédans la conscience des décideuses et desdécideurs, aménageurs et autres utilisa-teurs, le respect absolu du rythme natu-rel du cycle de l’eau. Cela relève d’unengagement intergénérationnel comme lesouligne le proverbe amérindien : « Laterre n’est pas un don de nos parents, cesont nos petits enfants qui nous la prê-tent ! » n

Jean-François Périgné

Dossier

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / III

Chiffres clés• 72 % de la surface de la Terre est recouverte d’eau : 97 % sous forme salée et 3 % sous

forme d’eau douce (dont 96 % constitués des glaces polaires).

• 70 % en moyenne de notre corps est constitué d’eau. Si nous tenons compte du taux d’hu-

midité environnant, des nuages, nous baignons en permanence, intérieurement et extérieu-

rement, dans l’eau.

• L’eau est un vecteur né dans les océans apportant des sels nutritifs. La quantité d’eau ingé-

rée en s’alimentant représente entre 70 et 78 % de notre alimentation.

• 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable selon un rapport commun de l’Or-

ganisation mondiale de la santé (OMS) et de l’Unicef. Parmi elles, 844 millions ne bénéficient

même pas d’un service élémentaire d’approvisionnement en eau potable, 263 millions vivent

à plus de 30 minutes du premier point d’eau, 159 millions continuent à boire de l’eau de sur-

face non traitée puisée dans des cours d’eau ou des lacs.

• La moitié de la surface irriguée en France concerne le maïs (dont 41 % en grains-semences

et 7 % en fourrage). Le blé représente 13 % de la surface irriguée, et ce pourcentage tend à

augmenter (de 30 000 hectares en 2000 à 200 000 hectares en 2010). Source : Agreste, recen-

sement agricole 2010.

Rien ne se perd, tout se transforme

Évaporation

Condensation

Courants aériens

Précipitation

Infiltration

Usages de l’eau dansle monde

Usage domestique

Industrie22 %

Agriculture70 %

8 %

vecteezy.com

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Dans les Alpes, le réchauffement destempératures, estimé entre 1,6 °C et2,2 °C depuis 1950, s’est accéléré

depuis trente ans, entraînant la fonte desglaciers (perte annuelle d’un mètre d’épais-seur) et la diminution de l’enneigement ausol (25 jours de moins par an en moyenne).L’hiver offre de moins en moins de neige : àterme, ce sont toutes les stations de sportsd’hiver de moyenne montagne (moins de1500 m d’altitude) qui sont menacées.

La parade trouvée : « la neige de culture »fabriquée par des « enneigeurs ». Près de7 000 hectares sur les 20 000 de pistesalpines en sont aujourd’hui équipés (1). Lesprésidents des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Paca ont annoncé de nouveauxsoutiens financiers à la filière. « L’irrigationet les stations de ski sont les priorités de larégion Paca, confirme l’éleveur haut-alpinOlivier Bel. On puise l’eau des vallées avec

des pompes électriques pour la remonterdans des réserves collinaires construites spé-cialement pour la fabrication de neige. »

Or les canons à neige impliquent des pré-lèvements importants : un hectare de pisteen neige artificielle consomme 4 000 m3

d’eau par an, produits par trois canons. Soitprès de 28 millions de m3 d’eau consom-més chaque année par les enneigeurs (2). Letaux de perdition par sublimation (passageà l’état gazeux) est estimé à 30 % pour latransformation en neige artificielle. « L’andernier, la station de Céüze, à 2000 mètresd’altitude, a commencé à fabriquer de laneige dès mi-décembre pour conforter lebas des pistes. Mais au final, on n’a jamaisréussi à ouvrir la station. S’il ne neige pas,toute cette eau et cette énergie sont gas-pillées », déplore Olivier Bel. L’utilisationd’un additif, le Snomax, utilisé dans la neigeartificielle, aux effets potentiellement dan-

gereux pour la santé, a par ailleurs étédénoncée il y a deux ans par une scienti-fique spécialiste de l’eau en montagne (3).

«La source qui alimente notre commune n’ajamais été aussi basse depuis 1973, complètele paysan. Elle fournit une partie de l’eaupotable de Gap et la question de cet appro-visionnement se pose. La sécheresse est pal-pable, c’est du jamais vu. Pourtant, tout lemonde parle de ski, de forfait de vente… C’estsurréaliste ! Les élus agissent comme à l’âged’or des stations de ski dans les années quatre-vingt, en y dédiant un budget pharamineux.Ils sont dans une forme de déni et n’imagi-nent pas transformer la montagne en lieud’activité différent pour le tourisme. » n

Sophie Chapelle

(1) Source : Irstea.(2) « Boire de l’eau ou skier, faudra-t-il bientôt choisir ? »,publié sur bastamag.net, bit.ly/2Bwz9DK(3) Ibid.

Comparaison de différents modèles de gestion de l’eau

La neige de culture, priorité des élu.es en montagne

Neste est un réservoir dehaute montagne quistocke les eaux de prin-

temps. Le système, composé duCanal de la Neste (1) – 29 km – etd’un ensemble de canaux, de rete-nues et de rivières, permet d’ali-menter en eau les 17 rivières deGascogne. Soit 1 350 km derivières ! L’eau est acheminée pargravitation, selon une pente trèsdouce. Toutefois, le débit de laNeste, même soutenu par les lacsde montagne, s’est révélé insuf-fisant pour satisfaire une demandegrandissante. Aussi, des réservesd’eau ou barrages d’aval ont étéconstruites pour garantir une four-niture constante durant l’année.

Alain Tapiau, céréalier en Haute-Garonne, représente les irrigants dans lacommission Neste. Y siègent également lachambre d’agriculture, des collectivités,l’administration (2), EDF, des organisationsenvironnementales mais aussi des structuresnautiques ou sportives qui ont des besoinsponctuels de lâchers d’eau. Tout l’enjeuconsiste à mettre en adéquation l’ensemblede la réserve constatée au printemps et lesbesoins écotechniques, c’est-à-dire l’en-semble des souscriptions réalisées. « Certes,des conflits d’usages peuvent arriver, sou-

ligne Alain Tapiau, mais nous avons apprisà prendre des décisions quasiment à l’una-nimité. » L’important épisode de séche-resse rencontré à l’automne a conduit àlimiter les prélèvements sur les cours d’eaudu bassin de Neste. « On donne toujourspriorité à l’eau potable. Sans cela, des paysou villes comme Auch n’auraient pas d’eaupotable à certains moments. On peut allerjusqu’à l’interdiction de pomper sur certainscours d’eau pour l’irrigation. On peut aussifaire des tours d’eau. »

Si le système fonctionne biendans l’ensemble, Alain Tapiaudéplore une contractualisationbasée sur un quota prélevablede 4000 m3 par seconde. « Cesystème n’encourage pas l’éco-nomie d’eau : on n’atteint jamaisles 4 000 m3… Si les usagerspayaient les mètres cubes réels, ilsauraient tendance à faire atten-tion à ce qu’ils consomment. Là çapousse à irriguer tout et n’importequoi. Pour la Confédération pay-sanne, l’irrigation doit être uneassurance tous risques et pas unélément de surproduction, sinonnous serions toujours en manqued’eau. » Reste que les superfi-cies de maïs ont tendance à dimi-nuer autour du bassin. « Il n’y a

plus de nouvelles autorisations accordées àl’irrigation, précise Alain Tapiau. L’économiede nouvelles ressources est incontournable.Les besoins en eau potable sont de plus en plusimportants avec 50 000 personnes de pluspar an sur la région toulousaine et un millionde personnes de plus d’ici 2050 dans la val-lée de la Garonne. » n S.Ch.

(1) Ce canal doit son nom à un torrent pyrénéen, affluentde la Garonne, dont la source est située à Sarrancolin dansla vallée d’Aure (Hautes-Pyrénées).(2) Dreal, DDT…

Neste, un système traditionnel de retenue des eaux

Dossier

IV \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Le système Neste et Rivière de Gascogne est alimenté par le canal de la Neste,via une prise d’eau sur la rivière éponyme et des barrages dits de «coteaux». Ladérivation des eaux de la Neste est possible du fait de sa réalimentation par desréserves de montagne. Ce système doit satisfaire l’irrigation durant la périodeestivale mais également la salubrité des rivières et l’alimentation en eau potabledurant toute l’année.

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Sylvain Martin est maraîcher depuisvingt ans à Vallouise, dans les Hautes-Alpes, à 1 300 mètres d’altitude. Le

territoire est desservi par un vaste réseaude canaux d’irrigation par gravité, creusésdès le XVe siècle (1). « L’eau est prélevée dansles rivières en amont et circule dans descanaux à flanc de montagne jusque dans lesvallées », illustre le paysan. Nul besoin depompe : l’eau coule par gravité sur la par-celle, du fait de la pente, avant de s’infiltrerdans les sols. « Ces canaux, c’est plus qu’unpatrimoine culturel, c’est un patrimoine devie ! Sans cela, il n’y aurait pas ces villages demontagne avec des cultures maraîchères etde l’élevage. » Cette irrigation contribue éga-lement à une plus forte autonomie en four-rage pour traverser les six mois d’hiver.

Les canaux sont gérés sous forme d’ASA(Associations syndicales autorisées). « Dansnotre cas, l’ASA remonte à 1850 mais étaiten sommeil ces dernières années. Le tou-risme, le désintérêt, le manque d’agriculteurset d’agricultrices, ont contribué à ce que cesoit plus ou moins géré par la municipalité.Mais l’administration nous a rattrapés : il afallu se mettre en conformité, retourner dansle giron d’une association syndicale.» Depuisdix ans, Sylvain s’attelle donc à réactiverl’ASA, avec la nécessité de redéfinir un péri-mètre, d’installer des compteurs volumé-triques, de mettre en place une comptabi-lité et une gestion spécifiques (2).

L’entretien des canaux est une des diffi-cultés rencontrées. « Il a toujours été basésur les “corvées” effectuées par tout lemonde, rappelle Sylvain. Si on est dans le péri-mètre de l’ASA (3), il faut compter quelquesjournées d’entretien pour curer, élaguer,remonter des murs, enlever des blocs… Avant,il y avait des centaines de personnes mais

peu à peu, de moins en moins de gens sontvenus aux corvées. Aujourd’hui, on se retrouvetrois demi-journées dans l’année avec unequinzaine de personnes chaque fois pourentretenir près de 20 km de canaux porteurs,plus ou moins faciles d’accès. »

Le fonctionnement de l’ASA repose aussisur le paiement d’une redevance, le « rôle ».« Nous sommes partis sur un montant fixepour redémarrer et avoir une trésorerie. Ilfaut compter par exemple 3 000 euros paran pour la gestion administrative. » Mais lacollecte du « rôle » n’est pas simple : l’ASAcompte 800 propriétaires et 4000 parcellestrès morcelées. « Dans les faits, les plus grosutilisateurs rechignent à payer. Ils ne veu-lent pas comprendre que s’ils peuvent exer-

cer leur métier, c’est parce qu’il y a des canauxdepuis longtemps. J’ai appelé le préfet quia repris les choses en main : nous sommes encogestion avec la préfecture jusqu’à l’as-semblée générale de l’ASA qui doit se tenirau printemps prochain. »

Les pouvoirs publics incitent les ASA àfusionner pour faciliter la gestion, mais Syl-vain Martin déplore le manque d’encadre-ment : « Ici, nous fusionnons huit ASA en uneseule. Mais nous avons besoin de gens quiaccompagnent car on est bénévoles. La ges-tion des canaux soulève plein de questions :quand une collectivité collecte de l’eau et larejette dans le canal, qui en est en charge ?Qui répare le regard sur la route en dessousduquel passe le canal? » Le département desHautes-Alpes a décidé de mettre desmoyens humains supplémentaires sur lagestion des ASA. Un soutien bienvenu à unmodèle d’irrigation soutenable dont l’undes avantages considérables est la rechargedes nappes phréatiques avec une eau natu-relle épurée. n S.Ch.

(1) Des réseaux d’irrigation gravitaires similaires à ceux duBriançonnais sont situés principalement dans les régions demontagne sèche ou dans des plaines de type Crau, en Paca,et dans le département des Pyrénées-Orientales.(2) L’ASA est un établissement public à caractère administra-tif (EPCA). C’est donc le Trésor public qui gère la trésorerie.(3) Toutes les parcelles situées en aval du canal porteur etqui ont été incluses dans le périmètre irrigable font obliga-toirement partie de l’ASA.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / V

Les canaux d’irrigation par gravité : un modèle historique

Retenues d’eau : les grands principesOn distingue trois types de retenue d’eau :• Les barrages : ils retiennent l’écoulement naturel de l’eau, ce qui permet son accumulation.Ils sont construits au travers d’un cours d’eau et peuvent avoir une incidence forte sur la conti-nuité quantitative et qualitative du cours en aval : modification du débit, arrêt du transit dessédiments, stockage des sels nutritifs…• Les retenues collinaires : ce sont des récupérateurs d’eau de pluie installés en aval d’un petitrelief pour permettre la récupération par le ruissellement. On utilise l’altitude. L’ouvrage estlimité et réalisé en terre.• Les bassines de substitution : elles ne sont pas collinaires et sont réalisées sur une géogra-phie plate. Elles sont basées sur le prélèvement dans les cours d’eau et, le plus fréquemment,dans les nappes phréatiques. Elles sont remplies en hiver, période où la ressource est consi-dérée comme excédentaire, en vue d’une utilisation de l’eau en été (période déficitaire). L’ou-vrage est maçonné avec une bâche. Le volume de stockage est très important.

Près de Vallouise, dans les Hautes-Alpes, un des petits canaux d’un vaste système historique d’irrigationpar gravité.

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Le 11 novembre, 1500 personnes ontrépondu à l’appel du collectif « Bassines,non merci ! », dont est membre la

Confédération paysanne, en venant mani-fester à Amuré, dans les Deux-Sèvres. Unegrande chaîne humaine a été formée autourdes 18 hectares de terres agricoles mena-cées de disparition par un projet de retenued’eau (bassine) destinée à alimenter lesgrandes cultures intensives de maïs (cf. CSn° 334). Cette bassine pourrait stocker prèsd’un million de mètres cubes pompés desnappes souterraines ! Le projets’inscrit dans celui, plus vaste, dedix-neuf bassines dans l’anciennerégion Poitou-Charentes (15 dansles Deux-Sèvres, deux en Charente-Maritime et deux dans la Vienne).Pour les opposant.es, ce projet estnon seulement surdimensionné –8,6 millions de m3 d’eau en tout,sur 200 hectares (1) – mais aussicoûteux – 70 millions d’euros dont70 % de financements publics.L’équilibre de la ressource en eauest également menacé, alors mêmeque ce bassin alimente le Maraispoitevin, deuxième zone humide deFrance après la Camargue. Com-ment en sommes-nous arrivés àcette situation?

Retour en 2011. Nicolas Sarkozyannonce un plan de 100 millionsd’euros pour la création de nou-velles retenues d’eau via l’allége-ment des contraintes administra-tives. Au même moment, unrapport du Cemagref(2) montre que« sans intervention publique, lesréserves de substitution ne seraientpas rentables pour les irrigants, etsont d’une rentabilité économiqueincertaine » (3). Un an plus tard, la nouvelleministre de l’Écologie, Delphine Batho,impose un moratoire sur les aides au finan-cement des bassines par les agences de l’eau.Limogée par Jean-Marc Ayrault en juillet 2013après avoir critiqué la baisse du budget deson ministère, elle est remplacée par PhilippeMartin dont la première décision officielle

est de rouvrir les vannes de l’irrigation. Enjuin 2015, le gouvernement, par la voix deSégolène Royal, autorise le cofinancementdes bassines par les agences de l’eau afin de« sécuriser l’agriculture » et d’« anticiper lesconséquences du changement climatique ».Ce cofinancement demeure conditionné àl’insertion des bassines dans des projets deterritoire «prenant en compte l’ensemble desusages de l’eau, la qualité de l’eau, et diver-sifiant les outils permettant de rétablir l’équi-libre quantitatif »…

Qu’en est-il dans le cas du projet des19 bassines dans le Marais poitevin ? Del-phine Batho, toujours députée des Deux-Sèvres, souligne plusieurs défaillances dansle processus de décision précédant la créa-tion de ces retenues. D’une part, les don-nées sont obsolètes et n’ont « plus rien àvoir avec la réalité des prélèvements ».

Concrètement, les capacités d’irrigationseraient doublées : « La démarche procèdedavantage d’une logique de gestion de l’ur-gence à court terme que d’une réelle stra-tégie territoriale d’anticipation du change-ment climatique. » À ses yeux, « l’ampleurdu projet aurait mérité une large consulta-tion des citoyens ».

D’autre part, contrairement aux objectifsd’un projet de territoire, l’eau des bassinesne sert que quelques-un.es : si elle sécurise« relativement » celles et ceux déjà irri-

gants (4), ces bassines ne permet-tent pas l’accès à un plus grandnombre : « Des demandes d’ac-cès à des volumes pour des nou-veaux entrants sont actuellementrefusées », relève Delphine Batho,citant le cas d’un maraîcher bioet d’un éleveur bovin. « Cetteconcentration de l’accès à la res-source perdurera pour les géné-rations à venir puisque, assez logi-quement, les parts (de la Coop del’eau) sont transmissibles avec lamutation de propriété ou de jouis-sance de l’exploitation.» Les bas-sines occasionnent par ailleursune inflation sur la valeur desterrains alentour, ne facilitantpas la transmission des droits depompage et entraînant une spé-culation sur le foncier raccordé.

Le risque de dégradation de laqualité des eaux est aussi pointédans un rapport du Conseil géné-ral de l’environnement et dudéveloppement durable sur leMarais poitevin (5). « L’accès desirrigants à une ressource en eaugarantie leur permet de s’engagerdans des cultures “sous contrat”

avec l’industrie agroalimentaire, ce qu’ils nepouvaient faire avant ; ceci conduit dans uncertain nombre de cas au remplacement descultures irriguées pratiquées antérieurementà la construction des retenues par des culturessous contrat (légumières…) gérées avec unniveau d’intrants (engrais et pesticides) supé-rieur, ce qui entraînerait une aggravation de

Gestion de l’eau : le lobby céréalier en embuscade

Une opposition claire aux méga-projetsde retenue d’eauSurdimensionnées, coûteuses pour les finances publiques, contribuant à la spéculation sur les terres agricoles, lesréserves de substitution ou « bassines » se multiplient en France. Dix-neuf sont en projet dans le Marais poitevin,suscitant une forte mobilisation sur place.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Manifestation le 1er décembre lors de l’assemblée générale du parc naturel régio-nal du Marais poitevin, à Saint-Jean-de-Liversay (Charente-Maritime).

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Le projet de loi de finances 2018 envi-sage de priver les six agences fran-çaises de l’eau (1) d’une partie de leurs

moyens. La ponction serait de 15 % dansle budget de l’agence Artois-Picardie, selonClaude Deflesselle, membre du conseil d’ad-ministration et maire de la commune deCoisy (Somme). « Cette décision s’inscritdans le prolongement de la baisse des dota-tions aux collectivités locales. Là, c’est lacontribution des agences de l’eau au redres-sement des finances publiques. L’État consi-dère qu’en nous donnant moins, on participeplus… » La suppression de postes endécoule : « Les agences paient les employéset c’est l’État qui décide, nous avons peu depouvoir. »

Le budget des agences, établissementspublics, est alimenté à 100 % par des rede-vances perçues auprès de l’ensemble desusager.es de l’eau (voir ci-contre la factured’eau décortiquée). Ces recettes permet-tent l’attribution d’aides financières, sousforme de subventions ou d’avances sansintérêt, en faveur des usager.es qui mettenten œuvre des actions de lutte contre la pol-lution de l’eau et de protection des milieux

aquatiques. « Sur Artois-Picardie, on financegénéralement la construction de stationsd’épuration et leurs réseaux d’eau, des aidesaux agriculteurs pour qu’ils n’utilisent plus deproduits phytosanitaires, des aides aux entre-

prises faisant des efforts pour dépolluer leseaux usées… C’est aussi un million d’eurospour l’aide internationale sur six ans. »

La contribution des agences de l’eau au« redressement des finances publiques »n’est toutefois pas nouvelle. « Cela fait troisans que l’État nous ponctionne », observeClaude Deflesselle. Avec quel impact? « Oncontinue d’inciter les communes à gérer leurseaux de pluie, à agir davantage là-dessus. Enparallèle, on fait face à une baisse desdemandes des collectivités : comme ellesont moins de ressources, elles engagentmoins de travaux et demandent donc moinsde subventions. C’est une catastrophe éco-nomique, sociale, environnementale… » n

S. Ch.

(1) Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhône-Méditerranée et Corse, Adour-Garonne.(2) La loi sur l’eau de 2006 a instauré sept types de rede-vances : pollution de l’eau, prélèvement sur la ressource eneau, modernisation des réseaux de collecte, stockage d’eauen période d’étiage, obstacles sur les cours d’eau, pollu-tions diffuses, protection du milieu aquatique.

la dégradation de la qualité des eaux. » Rai-son pour laquelle la Confédération paysannemilite pour que, avant tout financementpublic relatif à la ressource hydrique, desconditions sur les pratiques agricoles soientdéfinies.

En dépit des divergences, le projet avance :la commission d’enquête d’utilité publiquea rendu un avis favorable pour ces 19 bas-sines en mai dernier, suivi, en septembre, parceux des conseils départementaux de l’en-vironnement et des risques sanitaires et

technologiques. Le 23 octobre, les trois pré-fets concernés ont signé l’arrêté d’autori-sation et l’agence de l’eau Loire-Bretagnea décidé d’accorder un financement de28,3 millions d’euros, malgré les réductionsbudgétaires qui frappent ces établissements

(cf. encadré). Des communes ont toutefoisannoncé leur refus de délivrer le permisd’aménager, ce qui bloque pour l’heure leprojet. La Confédération paysanne restemobilisée. n

Sophie Chapelle

La politique de l’eau mise à mal par l’austérité

Dossier

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / VII

Sivens, le barrage auquel vous avez (presque) échappéDans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, en plein week-end de mobilisation contre le projetde barrage de Sivens, dans le Tarn, Rémi Fraisse, jeune militant écologiste de 21 ans, était tuépar une grenade offensive lancée par un gendarme mobile. Après le choc et une couverturemédiatique nationale, le projet a été arrêté, tandis que les derniers occupants évacuaient lesite en mars 2015. Depuis, la justice a annulé les arrêtés qui avaient rendu possibles les tra-vaux et, comme convenu avec l’État, un « projet de territoire » est en cours d’élaboration.Son principe : asseoir les actrices et les acteurs locaux – élu.es, paysan.nes, riverain.es, asso-ciations environnementales… – autour d’une table pour trouver de nouvelles solutions.Si des ouvertures apparaissent pour la diversification des productions, par exemple pour l’ap-provisionnement de cantines scolaires, la volonté de certain.es de créer quand même une rete-nue d’eau supplémentaire est toujours aussi forte. Depuis l’arrêt du projet, un seul autre bar-rage a été réalisé dans le Sud-Ouest, celui de la Barne, à Plaisance-du-Gers. Construit durantl’hiver 2015, ce cousin de Sivens, dimensionné à un million de m3 (contre 1,5 million pourSivens) a depuis été jugé illégal.

Source : article publié sur Basta ! par Grégoire Souchay : « L’urgence d’une agriculture qui ne gaspille plus les ressources en eau » : bit.ly/2zwUZsV

(1) Chaque bassine va couvrir sept à quinze hectares.(2) Le Centre national du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref) est devenu en 2012, enchangeant de statuts, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irs-tea).(3) « Faut-il subventionner la création de réserves d’eau pour l’irrigation ? », rapport du Cemagref pour l’Onema, avril 2011.(4) À la condition qu’ils adhèrent aux sociétés coopératives qui gèrent ces bassines.(5) Rapport CGEDD n° 005928-04 de juin 2016.

La facture d’eau décortiquée

Source : Agence de l’eau Artois-Picardie (www.eau-artois-picardie.fr/aides-et-redevances-prix-de-leau/la-facture-deau-expliquee)

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Le sorgho, moins gourmand en eau que le maïsEn polyculture-élevage dans le Rouergue, le Gaec des Goutoules recourt modérément à l’irrigation en associant unediversité de cultures peu consommatrices d’eau.

Pascal Biteau est paysan à Torxé,une petite commune de 300habitant.es en Charente-Mari-

time. Lorsqu’il reprend la ferme fami-liale en 1992, il s’installe commecéréalier sur un système conven-tionnel avec des rotations courtes.Sur les 80 hectares à l’époque – 100aujourd’hui –, 45 % de surfaces sontirrigables et 20 à 25 % sont irriguéestous les ans en maïs. Sa « fibre envi-ronnementaliste » le conduit à s’in-téresser à des programmes de réduc-tion d’intrants et de systèmesintégrés. En 1998, il décide de pas-ser en bio et met progressivement enplace un système de cultures qui nesoit plus dépendant de l’irrigation.

« Depuis que je suis passé en bio, jen’irrigue que le maïs pop-corn sur six à septhectares, et pas tous les ans, explique-t-il. En2017, je suis même à zéro irrigation, alors queje suis parti de 45 000 m3 disponibles il y avingt ans ! » Pour y parvenir, Pascal Biteaua très fortement réduit le maïs fourrager –limité en marais de fonds de vallée, soitsept à huit hectares – et a transposé les sur-faces d’irrigation sur des haricots en culturede production. Désormais, il sème au fil dessaisons de multiples espèces et variétés :blé, avoine nue, mélange d’épeautre-lentillond’hiver, lentilles de printemps, pois verts deprintemps, cameline, différentes variétésde tournesol, maïs grain ou pop-corn… Aux-quels s’ajoutent 20 % de luzerne. Tout estcommercialisé via la coopérative régionaled’agriculture biologique (Corab) à laquelleil adhère depuis le début.

Son souci de se réapproprier la semencel’a également amené depuis quelquesannées à travailler sur des variétés popula-tions de blé et de maïs, avec l’appui duRéseau semences paysannes de Poitou-Charentes. « Mes principaux critères de sélec-tion sur le maïs sont la tenue de la tige, la hau-teur et la capacité de productivité sur desterres plus séchantes. Sur ce dernier aspect,je n’ai pas encore aujourd’hui de réponse.Mais j’ai la volonté de travailler avec des cul-tures qui soient capables d’être autonomes,y compris avec les ressources en eau. » L’in-térêt pour ces variétés populations est aussiéconomique : « Il faut compter 200 eurosde charges à l’hectare pour un hectare de maïscertifié, contre 10 euros en maïs popula-tion », estime-t-il. Quant aux rendements,Pascal Biteau déclare atteindre aujourd’hui

les 50 quintaux en maïs sans fumureajoutée. « Je peux fixer un objectif de80 quintaux si j’ajoute des intrants,soit l’équivalent en conventionnelmais sans irrigation ! »

À travers la Corab, organisme éco-nomique qu’il préside aujourd’hui, iltente de faire valoir un autre modèleagronomique moins consommateurd’eau en s’impliquant dans lescontrats territoriaux de bassin.« Notre coopérative promeut uneagriculture basée sur une orientationde la production biologique vers unealimentation humaine, l’allongementdes rotations, la création de valeur etla réappropriation du lien auxconsommateurs. On bénéficie d’uneécoute favorable des collègues

conventionnels et les techniciens de la coopé-rative ont déjà été sollicités à plusieurs reprisespour témoigner sur le sujet. »

Dans un territoire où la majorité des pro-grammes sont orientés vers la constructionde retenues d’eau, il s’agace que seules « desmiettes aillent vers l’accompagnement et l’al-longement des rotations et la réhabilitationdes milieux ». « Face à l’assèchement desnappes, nous devons aller vers des systèmesqui permettent de les reconstituer l’été, où l’onremette davantage de prairies, où l’on arrêteles effets négatifs du drainage. Il s’agit deretenir l’eau le plus possible à la source, ycompris par les cultures biologiques qui amè-nent un enrichissement des sols en matièreorganique, contribuant à un meilleur com-portement à l’eau pour les cultures. » n

Sophie Chapelle

Avec son épouse et l’un de ses fils,Josian Palach est installé dans leTarn-et-Garonne sur une ferme en

bio de vaches laitières (70 UGB). Leurs83 hectares se répartissent de la façonsuivante : 25 hectares en prairies natu-

relles, 8 hectares de céréales – du méteilavec des mélanges de blé, orge, avoine, tri-ticale, épeautre issus de la ferme – et delégumineuses – pois, vesces, féveroles –,huit hectares d’ensilage de maïs et le resteen assolement de trèfles, ray-grass hybride,

dactyle et luzerne. Objectif : « l’autono-mie totale ».

Il y a cinq ans, le Gaec a décidé d’intro-duire du sorgho sur la partie maïs. « Onsème en combiné, c’est-à-dire deux rangsde maïs et deux rangs de sorgho de type

Une autre gestion de l’eau déjà mise en pratique par les confédérés

La transition d’une ferme céréalière vers le zéroirrigationAllongement des rotations, production destinée à l’alimentation humaine, sélection variétale… Un paysan céréalier enCharente-Maritime, soucieux de réduire sa consommation d’eau pour ses cultures, parvient aujourd’hui à ne plus lesirriguer tout en vivant bien de son métier.

Dossier

VIII \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

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Outre celui de se réapproprier la semence, l'intérêt pour les variétés popu-lations de maïs est leur adaptabilité mais il est aussi économique de parleur coût de production : « Il faut compter 200 euros de charges à l'hec-tare pour un hectare de maïs certifié, contre 10 euros en maïs population »,précise Pascal Biteau.

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L’agriculture, en Afrique, est considé-rée comme l’un des secteurs les plustouchés par les effets du change-

ment climatique. Selon les Nations Unies,l’augmentation des températures sur la pla-nète et des pluies plus variables devraientréduire les rendements des cultures dans denombreuses régions tropicales en dévelop-pement, où la sécurité alimentaire est déjàun problème.

La FAO, pour sa part, prédit qu’à l’horizon2080, entre 30 et 60 millions d’hectares deterres en Afrique subsaharienne pourraientdevenir impropres à l’agriculture pluviale, àcause des aléas climatiques et descontraintes liées au sol et au terrain.

À Madagascar, dans les régions d’Itasy etd’Analamanga où sont cultivés riz, manioc,haricots et tomates, les cultures sont soumises

au manque d’eau. En cause: l’allongement dela saison sèche et la multiplication des séche-resses pendant la saison des pluies.

L’association Agronomes et vétérinairessans frontières (AVSF) a conduit duranttrois ans, en collaboration avec des parte-naires locaux, une expérimentation pourdémontrer l’intérêt de l’utilisation du goutte-à-goutte à faible coût (80 % des piècesfabriquées localement) et ses bénéficespour les populations : un gain en eau de52 %, en temps de 27 %, en production de52 % ; un gain en revenu de 135 % (gainsmoyens obtenus sur différentes spécula-tions) et une réduction de l’utilisation deproduits phytosanitaires de 80 %.

L’association de ce procédé aux pratiquesagroécologiques (exemples : développementde la production et de l’utilisation de la

matière organique par une meilleure inté-gration agriculture-élevage, système agro-forestier) est particulièrement adaptée à descultures de 0,05 à 2 hectares où les sols allu-viaux et volcaniques sont de faible qualité.

En 2017, les activités se sont poursuivies.L’un des objectifs est maintenant de diver-sifier l’offre et de structurer un réseau dedistribution local et pérenne, avec notam-ment l’installation de 2 000 kits de micro-irrigation et de 60 pompes à pédales, lacréation de parcelles d’expérimentationcombinant la micro-irrigation et les cul-tures agro-écologiques, la formation de80 paysans relais et la sensibilisation et laformation des agents des six centres deservice agricole et d’agents des servicesagricoles de l’État. n

Source : www.avsf.org

BMR (1), précise Josian. Le sorgho est moinssensible à la sécheresse et le mélangemaïs/sorgho est donc beaucoup moinsgourmand en eau. Ça nous permet d’assu-rer une certaine quantité de fourrage enconsommant moins de ressources. On faitaussi du sorgho grain sur un hectare : celapermet d’avoir de l’énergie dans la ration,puisqu’ on n’achète pas de complément… »

La gestion de l’eau fait partie des préoc-cupations du Gaec. Après avoir repris laferme familiale en 1984, Josian réalise cinqans plus tard une première retenue collinaireafin de faire face aux éventuels épisodes desécheresse qui ont déjà mis les cultures endifficulté. En 1999, la capacité de la rete-nue est augmentée, en copropriété avec unvoisin éleveur laitier, pour la monter à

40000 m3. Aujourd’hui, le Gaec dispose d’unmatériel d’irrigation commun avec la fermevoisine. « On se concerte pour l’irrigationpendant la période estivale », précise Josian.« L’irrigation, c’est une assurance pour garan-tir les semis, assurer un stock fourrager suf-fisant afin de rester en autonomie totale. »

Les terres argileuses assurent une bonnerétention d’eau : les paysan.nes privilégientdonc des passages plus espacés – tous les15 jours – avec une quantité de 40 mm.« C’est plus intéressant de mettre le sol à satu-ration d’eau que de faire des passages à15 mm toutes les semaines ». Le Gaec metpar ailleurs à disposition un hectare de terresà un jeune maraîcher en voie d’installation(hors Gaec). « Il utilise l’eau de la retenue.Savoir que cette eau peut permettre uneproduction maraîchère dans le quartier, cen’est pas anodin », se réjouit Josian. n

S. Ch.

(1) Le type BMR réduit la sensibilité à la verse et améliore ladigestibilité et la valeur nutritive. Si le Gaec achète lessemences de sorgho, ce n’est plus le cas pour le maïs, pro-curé auprès de paysans basques.

Dans le monde

Micro-irrigation et adaptation au changementclimatique à MadagascarL’association Agronomes et vétérinaires sans frontières participe à une campagne d’amélioration de la résiliencede 2 000 familles face aux aléas climatiques, grâce à la micro-irrigation en goutte-à-goutte couplée à l’agroécologie.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / IX

Culture de sorgho dans le Tarn. Pour Josian Palach,paysan dans le département voisin du Tarn-et-Garonne : « Le sorgho est moins sensible à lasécheresse, et le mélange maïs/sorgho est doncbeaucoup moins gourmand en eau. Ça nouspermet d’assurer une certaine quantité defourrage en consommant moins de ressources. »

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En novembre 2017, le comiténational de la Confédération

paysanne a adopté une positionrelative à la gestion quantitative de

la ressource en eau. En voici unesynthèse.

Pour les paysan.nes, l’eau est une res-source indispensable mais leslogiques productivistes ont large-

ment pris le pas sur le bon sens. En France,sous l’effet de l’industrialisation de l’agri-culture, les cultures très exigeantes eneau pendant l’été, comme le maïs, se sontlargement développées. En même temps,l’usage de pesticides et celui d’engraisazotés sont devenus courants, avec deréels impacts sur la qualité des eaux desurface et souterraines. Quant au chan-gement climatique, il annonce des évolu-tions différentes selon les régions, mais desépisodes plus fréquents de sécheresse oude fortes précipitations sont à prévoir età craindre.

D’où les principales revendications de laConfédération paysanne :

• Reconnaître le « Droit de l’eau » commepréalable au droit d’accès à l’eau pour l’ir-rigation. Il faut garantir le respect du cyclede l’eau et sa préservation pour en garan-tir la disponibilité.

• L’agriculture doit s’adapter aux ressourcesmobilisables et non l’inverse. Il faut inciterles agriculteurs à s’engager dans des sys-tèmes répondant à une gestion responsablede la ressource en eau : rotation des cultures,moindre recours aux pesticides, diversifi-cation…

• Sortir du droit de propriété pour l’accèsà l’eau et construire un droit d’usage per-mettant une distribution équitable et unegestion durable, décidée par la collectivitéen concertation large. Là où la ressource estrare, un plafond de prélèvement doit êtremis en place pour l’irrigation, avec des

volumes maximaux en fonction du nombrede personnes travaillant sur la ferme (UTH).

• Définir des priorités dans les usages del’eau. L’eau doit être affectée dans l’ordrede priorités à la consommation humaine eneau potable, au maintien de l’équilibre natu-rel des milieux hydrologiques, à l’abreuve-ment du bétail, puis aux productions agri-coles à forte valeur ajoutée ou destinées aufourrage des animaux (1).

• Les projets de réserves d’eau doiventêtre pertinents d’un point de vue techniqueet économique, et ne pas perturber l’équi-libre du milieu naturel. Des études d’impactsont nécessaires en prenant en considéra-tion l’ensemble des équipements d’un bas-sin-versant. Des retenues collinaires peuventy avoir leur place, pas les grands projetstechnologiques (retenues de substitution pri-vatives, grands barrages…). Il faut tenircompte des caractéristiques agronomiquesdu lieu et des coûts pour les contribuables.

La Confédération paysanne est favorableà l’irrigation sous certaines conditions. La pra-tique doit être intégrée dans une réflexionsur les systèmes de production (choix de l’es-

pèce et de la variété cultivée adaptée au solet aux conditions climatiques) et le travaildu sol. Il faut ramener les prélèvements àun niveau compatible avec le fonctionne-ment des écosystèmes et utiliser l’eau poursécuriser les productions créatrices derichesses et d’emploi. L’irrigation ne doit pasêtre le moyen d’une course au rendement.

La Confédération paysanne revendiqueune gestion transparente, collective et démo-cratique de l’eau. L’eau utilisée pour l’irri-gation a été largement subventionnée. Orla distribution de ces aides n’est pas enaccord avec les attentes des citoyen.nes quisouhaitent une agriculture préservant l’en-vironnement, respectant les ressources etrelevant le défi climatique. A contrario, ilexiste des systèmes traditionnels d’irrigationorganisés en réseaux collectifs qui consti-tuent des priorités essentielles pour le main-tien des agricultures qui y sont liées maismanquent de moyens pour leur entretien.

L’agriculture paysanne et ses pratiquesagroécologiques permettent d’atténuer lephénomène de changement climatique et des’y adapter sur le long terme. En revenant àun savoir-faire paysan et en favorisant larotation des cultures, les besoins en retenuesseront minimisés, limitant ainsi les impactssur la quantité et la qualité de l’eau. n

(1) En terme de valeur ajoutée, les données sont les sui-vantes : 1 m3 d’eau d’irrigation pour le maïs grain sécurise1 euro de chiffre d’affaires, pour le fourrage, 1 m3 d’eausécurise 40 à 120 euros de chiffre d’affaires, enfin 1 m3

d’eau d’irrigation sur une exploitation horticole ou maraî-chère sécurise plus de 150 euros de chiffre d’affaires.

Promouvoir l’agriculture paysanne pour mieuxgérer l’eau

Dossier

X \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Conseil lectureÉcrite en 1953, L’Homme qui plantait des arbres est une nouvelle de Jean Giono. Elle racontel’histoire d’un berger qui ne se contente pas de garder ses brebis. Seul, quasiment dans la clan-destinité, il parvient à force d’obstination à créer une forêt de chênes au beau milieu du maquisdes Alpes provençales. Une parabole empreinte d’une ruralité digne, humble, aux consé-quences sociales et économiques vertigineuses. Les villages accueillent de nouvelles famillesalors qu’ils étaient menacés de désertification : « En même temps que l’eau réapparut réap-paraissaient les saules, les osiers, les prés, les jardins, les fleurs et une certaine raison de vivre ».Un vrai moment de bonheur ! Jean-François Périgné

Paysage d'agriculture paysanne dans le Marais Poitevin

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Après avoir été institu-teur, professeur de fran-çais et conseiller juri-

dique, Gilles s’installe en 2003à Trézanne. Camille le rejointl’année suivante sur la fermeconduite en agriculture biolo-gique. À eux deux, ils tiennentune table d’hôtes, des chambreset un camping où ils proposentleurs fromages de chèvres. Ilsélèvent des porcs pour leurviande et pour éviter d’avoir àjeter le petit-lait.

En 2007, la ferme s’orientevers les activités équestres avecdes séjours pendant lesvacances scolaires où douzeenfants sont accueillis. L’acti-vité d’accueil s’arrête, le troupeau passe à40 chèvres et la vente des fromages se déve-loppe, ainsi qu’un petit atelier de 4 truiesgestantes.

En 2013, les brebis brigasques font leurarrivée, avec 20 agnelles.

En 2016, la SARL devient le Gaec de laFerme de Trézanne. L’activité équestre estarrêtée. Les chèvres, au nombre de 54, sonttraites à la machine tandis que les 30 bre-bis sont traites à la main. Les porcs sont tou-jours là. La salariée, présente depuis 2005,quitte la ferme.

Aujourd’hui, un salarié saisonnier et uneapprentie en BTS secondent Gilles etCamille. « Tout le monde sait tout faire. C’estla philosophie de la ferme et c’est agréabled’alterner les activités », précise Camille. Lecouple a ainsi plus de temps et peut aussipartir en vacances. Camille poursuit : « Jesuis contente d’avoir arrêté l’activité équestre,bien que ce soit ma formation première enagriculture. J’ai pu améliorer la qualité de mesfromages, développer mes points de vente etle chiffre d’affaires réalisé avec la productiondes chèvres et des brebis compense l’arrêt ducentre équestre. »

Pour compenser l’activité d’accueil, quireprésentait une bonne source de revenus,Gilles et Camille ont vendu une partie dela maison d’habitation à un couple de par-ticuliers : « On se donne des coups de mainpour le bois, et puis on a pu ainsi rembourserune partie de notre emprunt. »

Ils gardent à tour de rôle leurs brebis etleurs chèvres, 2 à 3 heures par jour, toute

l’année : « On n’est pas autonome en fourrageet on souhaite, dans la mesure du possible, quenos bêtes soient dégourdies et qu’elles mangentce qu’elles trouvent. »

Bien qu’ils aient 100 hectares de par-cours, ces terres ne sont pas mécani-sables, sauf cinq hectares permettant unecoupe de foin. Mais cela ne représentequ’une seule pousse à l’année sur les45 hectares de SAU (1) : les parcours sontdonc de mise et les animaux peuventparcourir trois kilomètres par jour. « L’au-tomne et l’hiver, ils reviennent tout seuls àla ferme. Car depuis que l’on a eu l’attaquedu loup en 2016, on rentre systématiquementles animaux à la bergerie le soir », expliqueCamille.

Les porcelets sont vendus à un voisinpaysan qui les engraisse pour la charcute-rie. Les chevrettes et les agnelles sont sélec-tionnées puis conservées pour le renou-vellement du cheptel. Il y a bien un beaujardin, des poules, des canards et deuxvaches, « mais c’est pour notre consommationpersonnelle », souligne Camille. « Quand onfait ce métier, on aime aussi bien manger et

nous souhaitons être autonomessur la majorité de ce que nousmangeons. »

L’engagement militant est éga-lement présent. Gilles siège enCDOA de l’Isère (2) ; il est aussitrésorier de l’Association deséleveurs de brebis brigasques.Camille a été un temps membredu conseil d’administration dela Confédération paysanne del’Isère ; elle est à présent prési-dente de l’association le Biaupanier, collectif de productriceset de producteurs bio du Trièvesqui vendent leurs produits loca-lement. « À la Conf’, tu ren-contres des gens passionnés,témoigne la paysanne. Les dis-

cussions et réflexions sont riches. Cela permetde mieux comprendre le fonctionnement desinstitutions agricoles et les leviers que l’on peutactionner pour agir. »

Les projets fourmillent dans cette belleferme. La recherche d’autonomie et decohérence écologique guide leurs choix.Un magasin collectif de producteurs duTrièves fait partie des projets.

La retraite de Gilles pointant le bout deson nez, le couple garde dans un coin desa tête une éventuelle association. « Maison n’est pas encore prêt, on a de bonnes rela-tions avec nos salariés et on est encore trèsimpliqué dans la ferme. » n

Nadège Azarias,

animatrice de la Confédération paysanne de l’Isère

(1) Surface agricole utile.(2) Commission départementale d’orientation agricole,composée de l’administration et des organisations profes-sionnelles agricoles du département. Elle donne son avissur les projets d’installation des jeunes agriculteurs, lesaides publiques accordées dans le cadre de la modernisa-tion des exploitations, les demandes individuelles d’agran-dissement, les demandes d’autorisations d’exploiter…

Isère L’élevage extensif a de beaux jours devant lui !À Trézanne en Isère, au pied du Mont Aiguille, Gilles Arfi et Camille Rousseaux élèvent depuis plus de dix ans des chèvreset des brebis brigasques.

Agriculture paysanne

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 13

L’Aura paysanneCet article est extrait du premier numéro– paru en novembre et tiré à 2 200 exem-plaires – de L’Aura paysanne, mensuel régio-nal des Confédération paysanne de l’Isère,de la Loire, du Puy-de-Dôme, de Savoie etde Haute-Savoie. Longue vie à ce nouveaujournal confédéré !http://conf-aura.fr/lap-pdf/LAP1_web. pdf

Quelques chiffres• 2,5 UTH annuels.• 1 UTH mars à septembre.• 100 % vente directe : 64 marchés, 22 %magasins et restaurants, 14 % à la ferme.• Chiffre d’affaires par atelier : fromages :40 000 euros, porcs : 10 000 euros, agneauxet chevreaux : 10 000 euros.Aides publiques :• ICHN, Bio, Maec : entre 30 000 et40000 euros.

Les brebis de Gilles Arfi et Camille Rousseaux pâturent au pied du Mont Aiguille,dans le Trièves, au sud du département de l’Isère.

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Un an après un premier voyage d’ob-servation lors la signature des accordsde paix entre le gouvernement

colombien et les Farc (Forces armées révo-lutionnaires de Colombie), la Via campesinaet sa représentation locale(1) ont organisé uneseconde mission internationale afin d’ob-server l’état d’avancement du processus depaix. 26 délégué.es, venant de 19 pays, com-posaient la mission (2) qui s’est rendue danscinq régions de Colombie à la rencontre depaysan.nes et d’ex-combattant.es des Farc.Depuis un an, les Farc forment un parti poli-tique, la Farc ou Force alternative révolu-tionnaire commune. « Notre seule arme, désor-mais, c’est la parole », disent ses militant.es.

Comment raconter la Colombie sans amal-games ni préjugés? Après huit jours à écou-ter tour à tour des ex-combattant.es desFarc, le vice-président de la République, desuniversitaires, des ambassadeurs et desjournalistes, des paysan.nes victimes deviolences, des jeunes pleins d’espoirs etd’autres désespérés, le pays nous aenglouti.es corps et âme. Essayons de tirerle premier fil de l’écheveau.

L’accès à la terre, point crucial et premièrecause de la guerre depuis 50 ans (et point 1des accords de paix), n’est pas un problèmeprêt à être résolu. En Colombie, la terre estriche. Sol et sous-sol sont à l’origine de toutesles convoitises. C’est une malédiction pourles paysan.nes, qui veulent juste en vivre. Les

cultures d’usage illicite, l’extraction minière,l’exploitation des ressources naturelles, l’éle-vage extensif, les cultures intensives de bananeet d’huile de palme sont aux mains de grandspropriétaires. Tout concourt à une concur-rence impitoyable, source de violences inouïescontre les populations autochtones. Dans cecontexte, les ex-combattant.es des Farc, enacceptant de quitter les montagnes pourrendre les armes, laissent un vide qui secomble vite ! Les groupes paramilitairesmafieux opèrent des purges dans le but derécupérer les terres afin de poursuivre leurstrafics en tous genres. Parmi ces milices,l’AUC (Autodefensas unidas de Colombia). C’estune véritable école de la mort. Leurs décla-rations font froid dans le dos: « exterminertout ce qui est rebelle, intellectuel, chaviste… »Dans la seule région de Tumaco, onze de cesgroupes sévissent et les populations chasséescontinuent à fuir.

Affaire juteuse« La guerre en Colombie est une affaire

juteuse. La droite dure ne veut pas de l’appli-cation des accords de paix. Mais nous, oui ! »,dit une ex-combattante. Un autre ajoute :« Pour le gouvernement, nous sommes le car-tel de la drogue, mais est-ce que le trafic a cessédepuis que nous avons rendu les armes ? Biensûr que non ! »

Depuis un an, la violence persiste. La Viacampesina en Colombie déplore 30 victimes

de leaders durant l’année écoulée. Les Farcrisquent la mort pour peu qu’ils soient libé-rés de prison et tentent de sortir des« espaces territoriaux ». Travailler ailleursest un vrai défi. Certains de leurs chefsbénéficient de gardes du corps. L’armée nejoue pas son rôle de protection des autres.

Les JEP, juridictions spéciales de paix,prévues par le processus, ne fonctionnenttoujours pas et il reste encore 1300 ex-com-battant.es en prison malgré l’amnistie pré-vue. Pour les autres, nombre n’ont tou-jours pas reçu les papiers d’identité quidevaient leur être fournis, d’où leur diffi-culté à se réinsérer dans la vie normale.

De même, les PDETS, « plans de déve-loppement avec approche territoriale »,assemblées locales censées être des espacesde concertation, tardent à se mettre en place.

Luz Dari et Esperanza sont déléguées del’espace territorial Alfonso Cano, région deCaquetà. Elles sont amères. Pourtant ellesse sont pleinement engagées dans le pro-cessus de paix. Elles dénoncent : « Nousavons rempli à 100 % nos engagements, l’É-tat n’en assume que 10 % ».

La redistribution des terres se fait attendre.Les lois d’application des accords sontvotées au compte-gouttes, et souvent modi-fiées par rapport au texte initial.

Autour de leur camp, on remarque les clô-tures de l’élevage d’un grand propriétaire quine leur accorde aucun espace pour cultiver.Seule la communauté paysanne voisine leura prêté dix hectares, mais sans garantie depérennité. L’assistance technique et le maté-

En Colombie, encore loin de la paix« Si les accords de paix étaient appliqués tels qu’ils ont été rédigés, on vivrait dans un pays (presque) parfait » : ainsitémoignent les paysan.nes et les ex-combattant.es des Farc aux délégué.es de la Via campesina venu.es en novembreen Colombie observer l’état d’avancement du processus de paix dans leur pays.

Internationales

14 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Une violente oppositionL’extrême-droite colombienne et l’ancienprésident de la République (2002-2010)Alvaro Uribe s’opposent violemment au pro-cessus de paix. Les accords avaient été signésle 26 septembre 2016 à Carthagène. Le2 octobre, après une virulente campagne dela part de l’extrême-droite, les Colombienneset les Colombiens ont voté par référendum,à une faible majorité et à 70 % d’abstention,contre ces accords préparés depuis cinq ansà La Havane entre les Farc et le gouverne-ment colombien. Le 13 novembre, un nou-veau traité de paix, légèrement remanié,était signé, entériné par le parlement colom-bien le 24 novembre 2016. Un accord his-torique après 52 ans de conflit armé.

Photo de groupe à Bogotá. La délégation de la Via campesina s’est rendue en Colombie du 21 au 27 novembre,un an après un premier voyage d’observation. Parmi la délégation, cinq européen.nes, dont un jeune repor-ter qui a filmé le voyage et en prépare un documentaire pour le premier semestre 2018, financé par la Confé-dération paysanne et les Ami.es de la Conf’.

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riel font cruellement défaut. L’autonomiealimentaire recherchée ne l’est qu’à 30 %,le reste leur est fourni par le gouvernement.

La santé et l’éducation posent problème.Aucune infrastructure n’est mise en place.Pourtant les naissances se multiplient depuisque les ex-combattant.es sont sédenta-risé.es. Mais quid des suivis maternité, alorsqu’il faut payer cher l’aller-retour en taxijusqu’à la ville la plus proche et risquer savie en chemin ? Et quelles perspectivespour les jeunes voulant poursuivre leursétudes ?

Esperanza nous explique que le « camp »est à moitié vide car de nombreux membressont partis en déplacement, pour visiterleurs familles ou en représentation politique.Nous ne savons qu’en penser. En effet,nous avons entendu dire que les jeunesont du mal à s’imaginer un avenir dans cesconditions. Ils partent et personne ne peutassurer qu’ils reviendront. Certains avaientintégré la guérilla peu de temps avant laremise des armes, sans être encore formésà l’idéologie collective. Ceux-là peuventêtre tentés de rejoindre des milices para-

militaires contre de l’argent. C’est trèsinquiétant.

De nombreux paysan.nes nous disentqu’ils avaient signé le programme de sub-stitution prévu dans les accords. Ce pro-gramme consiste en un contrat visant àremplacer la coca par des cultures vivrières,moyennant une compensation financière.Mais même dans ce cas, les autorités opè-rent l’éradication forcée des cultures !

ContradictionsDe retour à Bogotá, nous sommes reçus par

le vice-président de la République, OscarNaranjo. Nous lui relatons nos observationset nos craintes. Il se justifie par le fait queles accords de paix ne peuvent pas être effec-tifs après seulement un an. Certes, mais lespopulations ont besoin de signes pour ycroire et de lois pour les concrétiser ! Et leshabitant.es des grandes villes restent déses-pérément à l’écart des événements.

Il y a une contradiction entre le contenudes accords, clairement orientés vers la res-titution des terres et l’agriculture paysanneet la volonté du gouvernement d’épargner

les grands propriétaires et les multinatio-nales. Or les deux systèmes sont incom-patibles. C’est comme si on était à la foisanti-OGM et défenseur de Monsanto !

Les élections du printemps prochainbrouillent encore plus les cartes. Si l’extrêmedroite revient au pouvoir, les accords se met-tront plus difficilement en place. Chaque foisque la gauche revendique et critique la len-teur de l’État, l’extrême-droite en profite: «Onvous l’avait bien dit ! Ces accords sont impos-sibles à appliquer ! » (cf. encadré p.14).

Pourtant les bonnes volontés s’élèventpour défendre la paix : intellectuels, uni-versitaires, associations, syndicats paysans,l’Union européenne, l’ONU… Les ex-com-battant.es de la Montanita, une des régionsvisitées, préparaient un grand événementculturel ouvert au public. En Arauca, l’in-tégration se passe bien grâce à l’implicationdes autorités locales.

À ce stade, que peut faire la Via campe-sina ? Lutter avec nos armes militantes :communiquer l’histoire de nos camaradescolombien.nes, accompagner la réformerurale pour que la justice sociale existeenfin et que l’espoir renaisse… Et surtout,rappeler sans relâche aux dirigeant.es quepour rétablir la paix en Colombie, il fautavant tout résoudre les causes de laguerre. n

Véronique Léon,

paysanne en Ardèche

(1) La Cloc (Coordinadora latinoamericana de organiza-ciones del campo/Colombie).(2) Venant du Mexique, Guatemala, Nicaragua, El Salva-dor, Panama, Costa Rica, République Dominicaine, Colom-bie, Pérou, Équateur, Brésil, Argentine, Paraguay, Bolivie,Indonésie, France, Espagne, Norvège et Suisse.

Internationales

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 15

La Via campesina, vectrice de paixLe 7 décembre une délégation de la Coordination européenne Via campesina (ECVC) étaitreçue à Bruxelles par la Commission européenne pour relater les conclusions de la mission.L’UE finance à hauteur de 89 millions d’euros l’aide à la réintégration des Farc. Nous avonsdemandé à la Commission de bien vérifier que l’argent sert localement aux ex-guerrilleroset aux communautés paysannes.La Via campesina est mandatée par le gouvernement colombien pour l’accompagnement duprocessus de paix signé le 24 novembre 2016 sur le point 1, la réforme rurale intégrale. Cemandat s’exerce avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), laFAO et l’Union européenne. La Via campesina envisage d’envoyer régulièrement des groupesinternationaux de paysan.nes pour vérifier sur place l’avancement du processus.

Les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), fondées en 1964,sont devenues fin 2016, suite aux accords de paix, un parti politique, laFarc (Force alternative révolutionnaire commune).

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Le Réseau Alternatives Forestièresfédère des approches différentes

des ressources de la forêt, loindes massacres à l’abatteuse

de l’industrie du bois. « C’est la forêtqui te dit ce que tu peux prendre, dans

un partenariat entre égaux, énonceSiegfried, de l’association Dryade,dans la Drôme. Elle est vivante, on

prélève, on récolte, mais on respecteson identité. »

Le petit village perché de Chabrillan,dans la Drôme, est dominé par lesruines de son château du XIe siècle

et le rempart, remarquablement conservé,forme encore tout un demi-cercle sur lapartie nord du village. Les ruelles, reliéespar des calades, des montées, des escaliers,tissent tout un réseau en toile d’araignée.Une vieille façade brille du jaune domi-nant des grès et calcaires coquillers de larégion. Un petit coin de paradis.

Au pied du village, ce jour, une agitationinhabituelle a pris possession de la forêt.De lourds chevaux comtois et ardennaisdébardent, sous les mains expertes d’Em-manuelle et de Sabine, de la ferme de Trey-nas, spécialisée dans le bois, et qui maî-trise à son échelle l’ensemble d’une filière :régénération, coupe, sciage, charpente,menuiserie, montage(1)… Plus loin, ce sontdes tronçonneuses qui se font entendre, sui-vies des craquements singuliers des arbresabattus.

Ce chantier particulier se déroule sous laresponsabilité de Pascale, coordinatrice duRAF, Réseau des Alternatives Forestières (2).Elle est également à l’origine de l’associa-tion Dryade (chêne, en grec) (3), qui militepour une exploitation écologique de laforêt car ici, comme ailleurs, écologie et éco-nomie ne font pas bon ménage.

Les trois usages de la forêtEn effet, si l’on demande à un industriel

ce que représente pour lui une forêt, ilvous répondra production, argent, stèresde bois et retour sur investissement… Sil’on pose la même question à une biologiste,elle vous répondra photosynthèse, biodi-versité, climat, qualité des eaux, écosystème,régulation, cycles… Si l’on pose la ques-tion à un promeneur, il vous répondracalme, repos, champignons, beauté, pay-sage, faune, flore… D’où vient alors que deces trois usages seul celui de l’entrepre-

neur soit entendu, et dans un sens quiannihile les deux autres ?

Massacre à la tronçonneuse est le titre d’unfilm dépassé qu’il faudrait remplacer par« massacre à l’abatteuse », engin géant quicoupe, ébranche et débite l’arbre dans unmême mouvement. Marx, au milieu duXIXe siècle, avait remarqué que la forêtn’était pas susceptible d’être vampiriséepar les capitalistes, le temps du capital étantcourt et celui de la forêt long. Marx estdépassé aujourd’hui par les techniquesmodernes du capitalisme vert.

La forêt, comme l’agriculture, est deve-nue la proie d’un système industriel qui yvoit des sources de revenus gigantesques.Les arbres sont des « puits de carbone »ayant pour vocation de capter le gaz car-bonique en trop. On fait du profit en pol-luant, mais aussi en dépolluant et en spé-culant sur les quotas de carbone.

Dans cette approche, plus un arbre poussevite et plus il est rentable, d’où la planta-tion de monocultures de résineux en rangsserrés où la lumière ne pénètre pas, dou-glas et autres sapins que l’on peut couperà quarante ans, après qu’ils aient épuisé lesol en nutriments, et les chercheurs tra-vaillent sur de nouveaux arbres génétique-ment modifiés à pousse encore plus rapide.

Dans le même temps, on liquide les forêtsde feuillus, gages de biodiversité. La tech-nique utilisée est celle des coupes rases, avecgros engins qui tassent les sols (que devien-nent les tonnes de vers de terre à l’hectare?),

chemins géants pour sortir les bois et routesarrivant aux chantiers, dans de grosses éco-nomies d’échelle.

Un autre bon exemple de ce type de dégâtsest celui de la ZAD de Roybon, en Isère, oùse projetait un « village de vacances » géantpour citadin.es en mal de nature aseptisée :à visiter pour se faire une idée…

Une autre menace est celle des chaudièresindustrielles géantes, telle celle de Gar-danne, dans les Bouches-du-Rhône, quiprévoit de raser les forêts dans un rayonde 400 km alentour pour faire de l’électri-cité, sans qu’on ait même pensé à y fairede la cogénération, c’est-à-dire de la cha-leur en même temps !

Devant les protestations énergiques desassociations, on a réduit le volume de moi-tié, ce qui, pour qu’elle continue de tour-ner, l’oblige à aller chercher la moitié de sonapprovisionnement… au Canada! Des mil-lions d’euros de subventions européennespour un rendement énergétique de 30 %.Qui dit mieux ? Et ils se prétendent « ges-tionnaires » !

Alternatives forestièresIci, sous l’égide des bûcherons et bûche-

ronnes de Treynas, et de Jonathan et Sieg-fried de Dryade, l’approche est radicalementdifférente. Suite à une vue d’ensemble, àl’observation minutieuse des arbres et deleur environnement, la décision de coupeest prise. Il n’y a pas de tâcheron, payéuniquement pour couper les arbres mar-

Drôme Forêt : entre éthique et pilleurs de troncs

Initiative

16 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Pour en savoir plus sur la ferme de Treynas et le Réseau Alternatives Forestières, à lire le très intéressantVivre avec la forêt et le bois, édité par Relier, 116 pages, format A5, 10 euros, à commander sur : www.alternativesforestieres.org/commander-livre.php

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qués par un gestionnaire de forêt, les bûche-rons eux-mêmes décident. « C’est la forêtqui te dit ce que tu peux prendre, énonceSiegfried, dans un partenariat entre égaux :elle est vivante, on prélève, on récolte, maison respecte son identité. Au fond de la parcelle,on a trouvé de vieux ormes très sains, ce quiest rarissime. Il y a aussi des robiniers, des houx,des ifs. Il faut également veiller à favoriser lesnaissances. De la vraie biodiversité. »

Lolo avance : « On tient compte aussi de lalune ! » Devant mon scepticisme, il ren-chérit : « On coupe à la lune descendante. Ona fait de multiples expériences. C’est une choseque les anciens nous ont apprise mais qui dis-paraît devant la rationalité économique. »

Puis entrent en jeu les outils légers : tron-çonneuses, masses et coins. Plus loin, Lecheval attend la mise en place d’un systèmede reprise de forces complexe, fait de cordeset de poulies, destiné à alléger son effort.D’autres améliorations pour le trait ontdéjà été faites : collier belge, écarteur, avant-trait… Langage technique.

« Le débardage est un travail très difficile,qui demande beaucoup de concentration »,dit Emmanuelle. Un cheval arrive à matu-rité vers l’âge de huit ou neuf ans, selon lesraces. Trois chevaux sont présents sur lechantier, deux vieux et un jeune quiapprend le métier. Au moment de la pause,on leur fournit leur dose de foin et leurration de céréales. Des petits sentiers ontété aménagés qui pourront par la suite res-

ter pour les promeneurs. Il a fallu égale-ment mettre en place une aire de stockage.Tout ce qui ressort des multiples conver-sations est un immense respect pour l’arbre,la forêt et tout ce que la société moderneabandonne – c’est-à-dire une forme de paixavec la nature – dans ses délires d’expan-sion sans freins. Les alternatives existent,à petite échelle sans doute, mais tout commeles amaps, elles grappillent ça et là.

ÉconomieTout ceci a un prix, évidemment. De nos

jours, le bûcheron travaille souvent60 heures par semaine pour moins que lesmic, travail épuisant, avec le taux d’acci-dents mortels le plus important des métierset des assurances élevées. Ici encore, le« marché » impose sa loi, c’est-à-dire lesgrosses structures, et comme cette approchen’est le fait que de petites structures, ellesen subissent les conséquences.

Cependant, ce réseau de circuits courts,fonctionnant sur une autre logique – res-pect des hommes, des animaux et de laforêt – réussit par son approche à sensibi-liser petit à petit consommateur et donneurd’ordre. L’une de ses forces sans doute,paradoxalement, est la multitude des petitspropriétaires, trois millions en France, cequi freine les grosses multinationales du boisdans leurs appétits gargantuesques. Ainsi,Dryade propose le stère à 74 euros au lieude 60, après accord puisque, dans le même

temps, cette approche régé-nère la forêt, lui ajoute unevaleur économique et éco-logique. Un prix juste sesituerait, d’après Pascale,autour de 80 euros. Parfoismême, ce sont les proprié-taires qui paient pour cetteamélioration future, dansune logique inversée. Ceprix plus élevé permet doncaussi de mieux rémunérer

les bûcherons et les bûcheronnes, à com-parer aux travailleurs immigrés sous-payésvenant des pays de l’est et largement exploi-tés ! Le nom d’exploitation, agricole ouforestière, n’est pas neutre ! Ici, on parle depaysan.nes et de forestier.es. Une autreamélioration à apporter serait le prix à lajournée, et non plus au rendement.

Quand on brûle la forêt amazoniennepour planter du soja, quand on plante desmilliers d’eucalyptus pour faire du profit,quand on se paie une table de jardin en teckvenue de l’autre bout du monde alors qu’onvit au milieu des châtaigniers, il serait bonpour le quidam décidant de se chauffer aubois, dans une intention écologique(puisque neutre au regard du gaz carbo-nique, l’arbre brûlé ne remettant dans l’at-mosphère que ce qu’il lui a pris), de médi-ter aussi sur l’ensemble de la filière etnotamment sur le prix qu’il s’apprête àpayer. À moins d’accepter, demain, pournos enfants, ici comme ailleurs, l’avancéedes déserts. n

Joël Feydel, paysan en Ardèche

(1) Implantée à Chanéac, en Ardèche, et membre duréseau Longo Maï, la ferme de Treynas pratique le maraî-chage et l’élevage (agneaux et veaux destinés à la vente).Mais l’activité principale est basée sur les ressources de laforêt, du bûcheronnage à la menuiserie, la réalisation decharpentes et de meubles, à partir des essences locales. Lasélection et l’échange des semences sont aussi une activitéimportante, ainsi que le travail avec les chevaux, notam-ment pour le débardage en forêt.(2) http://alternativesforestieres.org(3) www.dryade26.org

Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018 / 17

Initiative

Se former à la gestionalternative est une façonde devenir acteur de la gestionde forêts, grandes ou petites,achetées ou héritées.Le Réseau AlternativesForestières a accompagnéla mise en place d’un brevetprofessionnel d’un an.Il propose aussi des formationsde quelques jours pourbûcheronner doucementet en sécurité.

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Terrain

18 \ Campagnes solidaires • N° 335 Janvier 2018

Le cahier des charges de l’agriculturebio permet l’attache des animaux

durant l’hiver, à condition queces animaux puissent avoir accès

à des espaces en plein air deux foispar semaine. Une absurdité pour

les élevages traditionnelsde montagne sur laquelle travaille

la Confédération paysannedu Cantal.

Dès le début de la domestication,l’être humain a attaché l’animal,non pour le soumettre, mais pour

l’avoir à proximité afin de vivre en symbioseavec lui. Dès lors, une évidence : faire ensorte que l’animal se sente bien (alimenta-tion, abreuvement, abri, relation deconfiance…) pour que celui-ci donne lemeilleur de lui-même (travail, lait…).

Plus proche de nous, dans les siècles pas-sés, la rudesse du climat a poussé l’hommeet la femme à vivre dans des espaces confi-nés, avec les animaux, afin de profiter de lachaleur de ceux-ci au quotidien lors despériodes hivernales; les animaux étaient alorssortis chaque jour pour l’abreuvement. Dansles années cinquante, dans mon village demontagne en Margeride cantalienne, un pay-san qui avait trois vaches a vécu une terribleépreuve: deux d’entre elles se sont écarteléssur le verglas à l’approche de l’abreuvoir duvillage et ont dû être tuées dans l’urgence.Deux tiers du troupeau anéanti ! Le pauvrehomme a fait la quête dans le village afin deracheter une bête au plus vite pour pallier lasolitude de la rescapée. Malgré la petite tailledes troupeaux et la rusticité des animaux, denombreux accidents comme celui-ci étaientà déplorer lors d’hivers rigoureux. Dès lors,l’arrivée de l’eau dans les maisons et lesétables a été un grand soulagement dans lesmontagnes avec la fin des sorties hivernalespour abreuver les animaux.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Bien que leshivers soient de moins en moins rudes, despériodes de neige ou de gel importants res-tent fréquentes, incitant à garder les vachesà l’attache pour éviter de surdimensionnerles bâtiments afin de les maintenir hors gelet par souci d’économie de paille, produiteen petite quantité en montagne.

Dès lors que les animaux sont attachés enhiver, le cahier des charges « agriculture bio-logique » prévoit une dérogation permet-

tant l’attache à condition que les animauxpuissent avoir accès à des espaces en pleinair deux fois par semaine. Soit. Mais, dansla réalité, l’application de cette mesure poseproblème. D’abord, l’accès à un espace deplein air, en montagne, c’est souvent laparcelle la plus proche de l’étable, souventpentue, peu portante quelquefois, avec unruisseau en contrebas.

Non-sensLâcher un troupeau sur ce genre de par-

celle est un non-sens : risque de glissades,pollution du ruisseau due aux déjections,surpâturage (donc parasitisme des ani-maux), piétinement et destruction de laflore… A contrario, permettre à cette par-celle de se reposer permet souvent d’avan-cer la mise à l’herbe et donc de raccourcirla période hivernale !

De plus, pour un troupeau, cela revient àrecréer une hiérarchie à chaque mise enplein air. Lorsque le cheptel est composé devaches au caractère affirmé, non écornées,de races rustiques, les bagarres se multiplientet augmentent les risques d’accidents sur lesanimaux mais aussi et surtout pour les éle-veurs et les éleveuses. Avec ça, l’arrivée degénisses devient compliquée à gérer, lesjeunes faisant souvent preuve de timidité.Lorsque les animaux sont à l’attache et queles génisses arrivent en plein hiver, la hié-rarchie se crée en une seule journée à la mise

à l’herbe, le troupeau n’en est que plus pai-sible le reste de l’année.

Face à ces constats de bon sens, la Confé-dération paysanne du Cantal a fait inter-venir Jocelyne Porcher, ancienne éleveuse,sociologue à l’Inra, afin de commencer untravail argumentaire permettant la défensede ces systèmes, le bien-être des animauxétant l’ensemble des conditions d’élevagemais aussi des relations homme/animal(respect, attention, contacts, partages d’émo-tions…) non prises en compte à ce jour dansles cahiers des charges.

Sur ma ferme, officiellement en « AB »depuis un an, a été réalisé le diagnosticCAP’ER (bilan carbone) à l’initiative de l’in-terprofession laitière française : notre struc-ture est à ce jour l’une des rares fermes lai-tières françaises à avoir un bilan neutre enémissions de gaz à effet de serre du fait debeaucoup de pâturages (prairies naturellesessentiellement), peu d’intrants, peu destocks, beaucoup de biodiversité, etc. Maiselle est menacée d’être exclue de la « bio »pour cause de bien-être animal (la doyennede notre troupeau fêtera pourtant ses 18 anscet hiver !). De nombreuses fermes prochesde la mienne en montagne pratiquent l’agri-culture bio mais n’émargent pas au labelpour cause d’attache des animaux, laissantainsi la place à une « bio industrielle ». Dom-mage, non ? n

Jean-Pierre Chassang, paysan dans le Cantal

Cantal Sur l’interdiction de l’attache des animauxen agriculture biologique

Vaches salers attachées dans leur étable durant l’hiver. L’attache des bovins en période hivernale est inter-dite pour les éleveurs et les éleveuses en bio. Pour la Confédération paysanne du Cantal, la mesure péna-lise les fermes en zone de montagne et entre en contradiction avec certains principes du bien-être des ani-maux dans ces régions en cette saison.

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À trop en entreprendreEt le pépé partit, le chemin détournéEt le voisin qui meurt, je laboure son préTracteur toujours plus gros, semoir toujours plus largeÀ vouloir toujours trop je diminue ma marge !L’agriculture moderne m’isole chaque jourEt vaine est ma démarche, j’épuise notre amourMes nuits ne sont plus tiennes, mes jours toujours trop courtsOuvre-moi donc les yeux fais-moi vite comprendreQu’à trop en entreprendre je ne vivrais pas vieux !Je souille tout le sol et je pollue notre eauJ’empoisonne notre air et meurent les oiseaux...Que sont donc devenues les fêtes au villageOù les enfants jouaient pour honorer leur âge ?Il est temps d’arrêter ce trop grand gaspillage.Retrouvons les vertus de ce noble métierQui font du paysan un être à respecter.

Jean-Luc R., paysan en Dordogne

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Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

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Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

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Emploi - stages - formation

Offres• Finistère - Ferme laitière biocherche stagiaire - 0687220261• Loire - Éleveur ovin cherche sala-rié.e pour un remplacement, defévrier à juin - Soins troupeau, clô-tures… - Logement à disposition -0641453772• Loiret - La Confédération pay-sanne du Loiret et l’Adear 45 (Asso-ciation pour le développement del’emploi agricole et rural) recrutentleur animateur ou animatrice, pourl’animation des actions de com-munication et de l’accompagne-ment à l’évolution des pratiquesagricoles pour l’Adear 45 (50 %) etl’animation de la Confédérationpaysanne du Loiret (50 %) - Bac+ 4/+5 (agriculture, développementrural), connaissance du milieu agri-cole - CDI à temps plein(35 heures/semaine) - Permis B etvéhicule - Poste basé à Jargeau -Embauche début avril - lettre et CVavant le 8 janvier à : [email protected]• Bouches-du-Rhône et Vaucluse -Les Confédérations paysannes 13et 84 recrutent un.e animateur ouanimatrice commun.e - Animationdes structures et accompagnementde l’activité syndicale - 24 heuresen tout, 12 heures par semainepour chaque structure - CDD12 mois avec possibilité d’évolu-tion vers CDI - Rémunération selonconvention collective de la Confé-dération paysanne (salaire brut35 heures : 2042,48€) - Bac + 5 oubac + 2 avec expérience, connais-sance du milieu agricole - Basé sec-teur Cavaillon - Véhicule indispen-sable - Embauche à partir du15 février - Candidature avec CV,avant le 15 février (à l’intention deMessieurs les porte-parole desConfédérations paysannes de Vau-cluse et des Bouches-du-Rhône) à :[email protected]• Provence - Recrutement d’un.estragiaire - La Confédération pay-sanne de Paca coordonne, avec l’ap-pui de la Fondation de France, unprojet recherche-action consistantà favoriser l’élevage agro-écolo-gique dans la zone du Parc du Lubé-ron à travers l’expérimentation d’unoutil d’abattage de proximité - Lestage : réaliser un diagnostic de lafilière élevage à l’échelle du terri-toire Lubéron, afin d’identifier sesatouts et faiblesses, d’évaluer l’adé-quation entre l’offre et la demandeen viande, d’identifier les opéra-teurs - Bac + 5, étudiant.e en écoled’ingénieur en agronomie ou mas-ter développement territorial, Per-mis B - Stage de 6 mois, si possibledu 1/3 au 30/8/2018 - Basé à Apt- Indemnités selon réglementationen vigueur - Lettre de motivation àl’intention de M. Olivier Bel, porte-parole de la Confédération pay-sanne, avant le 30 janvier à [email protected]• Provence - La Confédération pay-sanne recrute un.e second.e sta-giaire dans le cadre de la réalisa-

tion du même projet, mais sur unautre objet et un autre profil -Stage : réaliser une enquête socio-logique auprès des éleveurs et per-sonnels d’abattoir pour mettre àjour leurs représentations respec-tives sur l’abattage des animauxet sur les méthodes d’abattagequ’ils souhaiteraient voir mises enplace - Encadré par Jocelyne Por-cher (INRA) - Bac + 5, étudiant.een sociologie ou anthropologie -Mêmes autres conditions que pourl’offre précédente.• Drôme - L’Association de déve-loppement de l’emploi agricole etrural (Adear) de la Drôme recruteun.e coordinateur/trice - anima-teur/trice pour l’espace test agricoledont elle est partenaire - Coordi-nation de l’espace test multiparte-narial (21 heures hebdo) et ani-mation de l’Adear 26 (7 heureshebdo) - Expérience dans la coor-dination de projets de territoire etl’animation de réseau - Basé à Crest,permis B et véhicule - CDD 1 an,pouvant évoluer vers CDI - Début :courant mars - Rémunération selonconvention collective de la Confé-dération paysanne - Candidatureavant le 5 février, à l’attention del’assemblée coopérative de l’es-pace test agricole, à : [email protected]

Association - installationtransmission

Offres• Indre-et-Loire - À céder : fermecaprine avec transformation fro-magère en Sud-Touraine - 25 had’un seul tenant, 130 chèvres Saa-nen, atelier de transformation (AOPSte-Maure de Touraine), un loge-ment et un gîte - L’activité emploiecinq personnes - Départ en retraitecourant 2018 - Conditions à négo-cier (tuilage, parrainage, locationdes terres, etc.) - Idéal pour unefamille avec les salarié.es ou deuxcouples associés - 0674023382 [email protected]• Vaucluse - A vendre exploitationcaprine en AOC Brousse du Rove -45000€ - L’offre comprend: le trou-peau : 60 mères, 2 boucs adultes et2 jeunes, 1 bélier type mérinos,1 chien, le matériel d’élevage, celuide fromagerie - Marché à Lourma-rin et autre vente locale - 2,88 hapour éventuelle implantation d’unbâtiment d’élevage, bergerie serre(à démonter et réimplanter) - Ber-gerie et fromagerie aux normesfont l’objet d’un bail rural àreprendre - Système très grand pas-toral, sylvopastoralisme sur plusde 500 ha avec quelques ha deprairies naturelles sèches - Possi-bilité de Maec, DFCI, ICHN zonedéfavorisée simple - Accès facile àl’A51 - 06 82 54 48 86 - [email protected]• Ain - Terrain agricole de 4000 m2

à Saint Didier-sur-Chalaronne, enlocation ou en vente, à négocier -Arbres fruitiers, haie bocagère mel-lifère, citerne de récupération deseaux de pluie (10000 litres), cabaneen bois et caravane équipée gaz etélectricité - Idéal pour permaculture,

terrain amendé depuis 10 ans, belleterre organique de nature limono-sableuse - Parcelles agricoles atte-nantes en jachère - Facilementaccessible [email protected] -0623415845• Manche - Près d’Avranches, àvendre habitation dans longère enpierre avec dépendance à restau-rer, bâtiment agricole et terres enprairies - Selon projet libre -0618544734• Aveyron - Ferme à vendre avecmiellerie de 96 m2 et 172 m2 debâtiments - 100 ruches ddt 10 cdavec hausses grilles à reine -50 ruchettes 6 cd sur 6 ruchersamg/châtaigniers autour bâtiments,3/accacia à 25 km - 0680702773• Isère - Secteur Dombes - Dans lecadre d’une acquisition, Terre deLiens cherche porteur de projet pourferme polyculture-élevage - 47 habien groupés - Habitation et bâti-ments agricoles très bon état - Loca-tion bâtiments et terrains - Recon-version obligatoire en bio [email protected] -0665278524• Côtes-d’Armor - Dans le cadred’un projet de reprise, cherche asso-cié pour installation en élevagebovin lait avec transf. fromagère -Projet en cours de réflexion pourune installation début 2019 - Sys-tème herbager, bio, avec dévelop-pement d’un atelier de transf. fro-magère - Je m’appelle SylvainHaurat, 28 ans, ingénieur agro deformation, exp. confirmée en éle-vage laitier et en cours de forma-tion sur la partie fromagère - Pouren discuter : 06 70 97 04 47 - [email protected]• Cantal - Ferme à reprendre enl’état ou en diversification - 1000 md’altitude (Margeride) - Actuelle-ment en bovin lait (Montbéliardes)mais adaptable à d’autres produc-tions, en diversification et/ou pro-jet collectif - 51 ha assez groupés,dont 41 ha en propriété - Bâtimenten bois 1000 m² avec stabulationà logettes pour vaches (800 m²), sta-bulation de 200 m², salle de traiteet système de séchage en grange- Tout ou partie du bâtiment trans-formable en bergerie ou chèvrerie- Débouchés locaux - Foncier etbâtiment à louer - dans un 2ème

temps la vente du bâtiment pourraêtre envisagée -. Possibilité dereprendre ou non le cheptel et lematériel selon projet du/des repre-neurs - Avoir expérience en agri-culture, ou au moins une bonne

connaissance des contraintes dumétier - Possibilité de parrainagedès maintenant, d’ici reprise de laferme fin 2018 au plus tard -04 71 23 46 42 - 06 33 84 90 25 - [email protected]• Meurthe-et-Moselle - Rechercheassocié.e pour ferme diversifiée(4 associés /4 salariés, céréales /vaches laitières) avec ateliers detransformation (meunerie, pain bio,fromage au lait cru) et vente directe- Objectif : assurer coresponsabi-lité de l’atelier boulangerie et par-ticiper à la vie de la ferme - Painbio au levain, viennoiseries, parti-cipation à des buffets fermiers -Moulin Astrié - Emploi salariéd’abord, puis discussions en vueassociation - Bonne connaissanceboulangerie bio fermière, avec exp.si possible - 06 20 15 56 95 -http://fermedelasouleuvre.fr• Mayenne (limite Bretagne) -Cherche un.e associé.e à partir del’été 2018, possibilité de salariatau démarrage pour bien préparerle projet - Ferme en polyculture-élevage, lapins (60 repro)-ovins(30)-bovins (25), en AB, 33 ha en2 îlots (3-4 ha de céréales auto-consommées, reste en prairie) -Vente directe: lapins, pâté, agneaux,merguez, veaux et viande bovine -Peu de matériel, travail privilégié enCuma -Investissements limités -Foncier et bâtiments en location -2 actifs - Possible d’habiter sur place(maison, 3 ch.) - 0608636935 [email protected]• Loire-Atlantique (Nord-Est) -Urgent -Vends ferme caprine pour2 personnes, départ pour raisonspersonnelles - 200 chèvres et 20vaches nantaises - 65 ha (pâturage+ cultures + foin) - Vente à unefromagerie + vente directe pour laviande - Système autonome - Sallede traite en 2x12 - Chèvrerie 200places - Hangar pour fourrage -Maison type longère (180 m2, 4 ch.)- 02 40 20 13 11 [email protected] - (réf. annonce : 44.170)• Loire-Atlantique (Nord) - Fermelaitière bio à transmettre courant2018 (souhaité), en syst. Herbager,100 ha dont 50 ha autour des bâti-ments - Stabulation VL 63 pl decornadis, stabulations génisses biendimensionnées, hangar stockage,des bâtiments en pierre adaptables- 55 vaches montbéliardes, contratavec la laiterie St Père - 2 tracteurs,une chambre froide et une dessi-leuse pailleuse, le reste en Cuma -Maison (4 ch) - Les terres seront

transmises en location et les bâti-ments et la maison en vente -02 40 20 13 11 [email protected] - (réf. annonce : 44.167)• Loire-Atlantique (Nord) - Coupleprépare transmission ferme pour2019 - Actuellement lait en conven-tionnel (50 VL et génisses) - Ouvertsaux évolutions du projet - 76 ha,système autonome: prairies (60 %)et mélange céréalier (40 %) - Miseaux normes réalisée, bâtiments etmatériels bien entretenus, travailavec la Cuma pour différents tra-vaux - Pas d’habitation sur place envente, possibilité de construire, loca-tions possibles à proximité -02 40 20 13 11 [email protected] - (réf. Annonce : 44.163)• Rhône (Monts du Lyonnais) - Atransmettre ferme bio vaches lai-tières et transf. fromagère - 32 hadont 4 en propriété, bâtiments (sta-bulation, hangar), fromagerie(85 m2), une vingtaine de vaches etgénisses et matériel nécessaire àl’élevage - Nous travaillons encouple sur la ferme, avec un sala-rié à mi-temps - Atelier de trans-formation récent, débouchéslocaux, potentiel de développe-ment, ferme disponible à la vente- Possibilité d’accompagnement parstages reprise ou autres, si besoin- 0682522057• Creuse - La ferme de la Clairièrecherche au moins 2 associé.es pourremplacer un asssocié en 2019 etdiversifier l’activité - Gaec à 3, fro-mage de chèvre, vente directe, 75chèvres, 25 ha - Projet de valorisa-tion de viande caprine et porcine -Un poste de salarié polyvalent defévrier à juillet 2018 (congé mater-nité) sera un premier pas pour notrecollaboration - Petit logement surplace - 06 48 32 29 04 - [email protected]• Haute-Vienne - Ferme bio à trans-mettre à Flavignac - Production lai-tière avec transfo (AB depuis 1992)- 38 ha et bâtiments en propriété(dont maison à rénover) et 12 haen location, 38 vaches normandeset montbéliardes, 25 à 30 génisses- Extension foncière envisageable,possibilité aussi de louer mes terres- Production de lait transformée à95 % (lait cru, yaourts, fromages lac-tiques…) et vendue sur divers cir-cuits, avec forte demande locale -Départ en retraite dans l’idéal début2019, transmission progressive ouparrainage possible dès 2018 - Idéa-lement, un couple ou 2 associé.es

mini nécessaire pour cette reprise- Actuellement : 3,5 UTH dont 2,5salariés - 06 85 75 64 46 -0555391746• Aveyron - Ferme sur plateau duLarzac cherche un.e associé.e - Ovinlait bio (Nature et Progrès) en transf.et vente directe (tomme et yaourts)• Gaec à 2 associés entre tierscherche pour remplacer l’associésortant responsable de la conduitedu troupeau - 176 ha (parcellairegroupé) dont 43 ha labourables -160 brebis Lacaune et 40 agnellesde renouvellement - Période d’es-sai souhaitée (stage de parrainageou salarié) - 0687544540• Maine-et-Loire - Pour départ à laretraite fin 2019 ou fin 2020 seloncandidature souhaite transmettreferme de 35 vaches laitières en sys-tème herbager et AB sur 82 ha -Troupeau de vaches sympas - Bâti-ments récents, mise aux normesréalisée - Adhérent Biolait -06 84 28 29 81 - [email protected]• Côte-d’Or - A transmettre exploi-tation 21 ha de prairies (dont 1 haprairie temporaire), en location -Élevage allaitant (12 mères), pleinair intégral de bovins Hereford (rus-ticité, docilité, qualité viande),proche de la bio - Vente de quelquesreproducteurs (cheptel inscrit), etvente directe de viande bovinedepuis 2003 (~5 bêtes/an) - Clien-tèle existante - Introduction trac-tion animale en 2013 - Pas de ferme(bâtiments) à proprement parler àtransmettre (2 granges louées) -Accompagnement possible -06 44 01 47 64 [email protected]• Ariège - Nous sommes 2 bergèresen cours d’installation en brebisviande et laine + plantes médici-nales sur une ferme en location de38 ha dans le piémont ariégeois.Nous cherchons 2 à 4 autres per-sonnes afin de monter un collectifagricole dans une perspective auto-nome (une saison d’expérience sou-haitée) - Porter d’autres produc-tions ou activités detransformations, qu’elles soientvivrières ou rémunératrices, toutest envisageable - Parallèlementnous voulons ouvrir notre lieu àdes pratiques politiques, artistiques,pédagogiques et artisanales - Ren-controns-nous ! - [email protected] - 0651127729

Animaux - matériel

• Orne - AV plateau à chevaux surpneus - Charge utile : 3 tonnes -500 euros - 0623022489

Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernentl’emploi, les recherches et propositions d’installation, et touteautre demande à but non lucratif.Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne).Pour les tarifs publicitaires, contacter :Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLETTél. : 0143628282

Paysan, un hymne à la terre, à la joie et à la révolteJean-Yves Torre est paysan corse, en Corse. Il travaille à un projet de film documentaire quidevrait s'appeler Campesina, comme le vaste réseau mondial paysan dont est membre la Confé-dération paysanne : « Je suis parti de l'idée d'un vieux slogan qui clamait “Pas de pays sans pay-sans !” Ce slogan est encore d'actualité. »Jean-Yves parcourt des pays, et d'abord de ceux qu'on dit « petits », le sien bien sûr, maisaussi la Guadeloupe ou la Dominique, avant d'aller au Népal, en Palestine, puis d'agrandir l'imageau Maroc et en Andalousie. « Ce documentaire sera un mélange de poésie, de fiction, de réalité et d'utopie. Il fera témoi-gner celles et ceux qui font vivre la Terre pour nourrir les peuples, celles et ceux qui se battentcontre les projets inutiles, celles et ceux qui ont le courage de s'installer alors que tout est faitpour les en dissuader. »Pour mener à bien son projet, Jean-Yves a besoin de nous : besoin de contacts dans les paysqu'il visite (voir plus haut), besoin de soutien financier aussi (on peut précommander le DVDdu film, pour 25 euros).Contact : [email protected]

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John O’Brien, pêcheur de l’îled’Inishbofin, au large de la côteouest irlandaise, se bat pour

continuer à pêcher à la manière deses ancêtres. Alors que la législa-tion européenne contre la surpêchemenace la seule ressource de l’île, ilporte la voix des pêcheurs insu-laires jusqu’aux plus hautes ins-tances politiques. Loïc Jourdain afilmé pendant huit ans cette lutte deDavid contre Goliath, racontée dansle documentaire Des lois et deshommes.

En France, mais aussi partout dansle monde avec la Via campesina, laConfédération paysanne a toujoursété du côté des David contre lesGoliath. À travers l’histoire de huitannées de lutte d’un petit pêcheurirlandais, ce film montre le combatd’un homme parachuté sur la pla-nète Europe. Parti pour combattreune directive européenne, il finiraaussi par comprendre le jeu hypo-crite de ses propres élus locaux et

leurs décisions au détriment despêcheurs artisanaux.

Son combat symbolise toutes lesdénonciations des boucs émissairestrop souvent mis en avant par desdécideurs et des décideuses sansscrupule, à tous les échelons (lafaute à l’Europe, à la crise, aux logi-ciels…) ! Combien sommes-nouschaque jour à subir cette tyranniehypocrite ?

C’est donc tout naturellement quela Confédération paysanne a décidéd’être partenaire de cette splendideet émouvante histoire humaine. n

Jean-François Périgné

Des lois et des hommes, documen-taire de 106 minutes de LoïcJourdain. https ://desloisetdeshommes.comPour proposer une diffusion dansun cinéma local, avec un débat : Irène [email protected] 80 06 03 92

Culture

La maîtrise de la traite est indispensable pour limiter les mammites cliniques et les cellules dans le lait. Le respect des bonnes pratiques d’hygiène et de traite est essentielle pour éviter que des bactéries présentes sur les trayons ne pénètrent dans les quartiers et conduisent à des infections.

12 actions clés Brancher des trayons propres et secs, stimuler l’éjection du lait1. Tirez les premiers jets dans un bol à fond noir et les observer (particulièrement durant les périodes à risque). 2. Nettoyez les trayons durant une quinzaine de secondes, insistez sur l’extrémité des trayons puis les essuyer.3. Si vous utilisez un produit de pré-trempage ou de pré-moussage, attendez une trentaine de secondes ; le temps que le produit agisse.4. Attention. Si vous utilisez des lavettes individuelles, assurez un bon nettoyage et désinfection de celles-ci (faites les bouillir en machine !)

Eviter les traumatismes des trayons5. Limitez les entrées d’air au moment du branchement et du décrochage. 6. Evitez la surtraite et l’égouttage.

Eliminer les bactéries présentes sur les trayons7. Pratiquez la désinfection des trayons après la traite. Dans le cas de trayons abimés (gerçures, blessures…) utilisez des produits cosmétiques.8. Limitez la contamination après le passage

d’une vache infectée en nettoyant les griffes, et en particulier les manchons.

Assurer l’entretien de la machine à traire9. Nettoyez et désinfectez la machine à traire après chaque traite. 10. Faites contrôler la machine à traire par un

cas échéant, faites procéder aux réparations.

machine à traire tous les mois, entretenir les déposes automatiques tous les 6 mois.12. Changez les manchons selon la fréquence recommandée par le fabricant ; de l’ordre de 2.500 branchements pour les manchons en caoutchouc et environ le double pour ceux en silicone. Par exemple, pour un troupeau de 60 VL avec une salle de traite de 2x6 postes, la durée de vie des manchons en caoutchouc est de 8 mois.Attention. Lorsqu’il y a plusieurs trayeurs sur un élevage, veillez à harmoniser les pratiques de traite et à transmettre les consignes (traitements réalisés, ….).

Raisonnez vos pratiques de traite selon les caractéristiques de votre exploitation, votre fréquence de mammites, vos objectifs….N’hésitez pas à demander conseil. Pour les mammites cliniques et cellules, mieux vaut prévenir que guérir !

PUBLI RÉDACTIONNEL

La traite, une étape clé pour maîtriser les mammites

Le plan national « les mammites j’anticipe ! »Un programme pour prévenir et réduire les mammites en élevage vise à apporter aux éleveurs et à leurs conseillers les éléments nécessaires à la maitrise des mammites : outils, formations, informations… La mobilisation de tous est nécessaire.

Le combat d’un pêcheur pour une autre Europe

Page 32: CS 335.qxd:CS actu 245 - confederation-paysanne · 75 % du Smic en 2017. Mais voila, les 34,60 euros de trop versés sur chaque mois de 2017 (en moyenne) n’étaient pas un cadeau

Vendredi 1er décembre : une vingtaine de brebis, et unetrentaine d’éleveuses, éleveurs et autres paysan.nes confé-dérés en soutien entrent dans les locaux de la direction

régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement(Dreal) d’Occitanie, à Toulouse. Ils y resteront durant près de quatreheures et partiront après être entrés en contact avec les ministèresde l’Agriculture et de la Transition écologique.

Venus d’une quinzaine de départements frappés par la préda-tion, ils font part de leur détresse face aux attaques de loups et,dans les Pyrénées, d’ours qui frappent leurs troupeaux et mettentà mal leur activité, leur revenu et leur santé. La crise que vit l’éle-vage pastoral en France est profonde, rappelle la Confédérationpaysanne : 2017 s’est déroulée sous la pression des attaques d’ours(1 200 victimes) et de loups (10 000 victimes).

« On espère peser sur le prochain arbitrage du plan loup », prévule 12 décembre, rappelle l’un des militants, et « on réclame desengagements de l’État pour intervenir sur les ours qui attaquent lestroupeaux de manière récurrente » en Ariège.

Les éleveuses et les éleveurs demandent à être protégés par l’Étatet l’autorisation de se défendre en cas d’attaque : « Nos élevages nedoivent pas être le garde-manger des espèces sauvages ! », souligne laConfédération paysanne.

Dans les Pyrénées, « moins de la moitié des attaques de l’ours enAriège sont reconnues ou indemnisées », déplore Nicolas Girod,secrétaire national. Cet été, une des attaques a eu lieu le 20 juillet :209 brebis avaient « déroché » dans une estive ariégeoise, chu-tant d’un rocher à la suite de l’attaque de l’ours.

Le 2 décembre, au lendemain de l’action à Toulouse, il abeaucoup neigé pendant la nuit mais cela n’empêche pas unesoixantaine de paysan.nes de bloquer le péage de Pamiers, surl’A66. Plusieurs séquences de blocage total puis filtrant s’en-chaînent à partir de 10 heures.

Les militant.es de la Confédération paysanne passent de voi-ture en voiture pour expliquer l’action. Ils parviennent à avoirun interlocuteur au ministère de la Transition écologique quileur annonce la création d’un « Groupe national Ours », basédans les Pyrénées, revendication du syndicat. Rendez-vous estpris à Paris le 8 décembre pour en parler et discuter aussi dufutur plan de gestion des loups (2018-2023). L’action en deuxtemps, à Toulouse et à Pamiers, est une réussite.

Mais la suite est moins fructueuse qui a conduit la Confédéra-tion paysanne à boycotter – tout comme les autres syndicats agri-coles – la réunion qui devrait entériner le plan loup 2018-2023,à Paris, le 12 décembre. « Malgré de nombreuses rencontres avec lesministères concernés, ceux-ci refusent de nous entendre », explique laConf’ dans un communiqué. « Participer à la réunion du 12 auraitété servir de caution à celles et ceux qui veulent la fin de l’élevage pas-toral. » « Si l’État refuse de prendre ses responsabilités, nous sauronsprendre les nôtres », conclut le syndicat paysan. n BD

La Conf’ mobilisée pour défendre les éleveuseset les éleveurs confrontés au loup et à l’ours