criminalité à la nouvelle orléans - le parisien - 17 aout 2015

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Dix ans après Katrina, la Nouvelle Orléans est toujours confrontée à un immense problème de criminalité. Elle est l'une des villes américaines où le taux de meurtre est l'un des plus élevés.

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Page 1: Criminalité à la Nouvelle Orléans - Le Parisien - 17 aout 2015

12 FAITS DIVERS Aujourd’hui en France

Lundi 17 août 2015

nIl n’a que 22 ans, mais pourtantla vie de Tysean a déjà été

ponctuée de nombreux décès. Issud’une famille défavorisée, il a échappéde peu à un destin tout tracé… Al’image de son père, qui a passétrente-cinq années de sa vie à l’ombre,pour des braquages et du deal… Ou deses trois frères, membres de gangs,dont un est recherché pour meurtre etun autre pour un vol à main armée. Oude l’un de ses cousins, tué il y aquelques mois parce qu’il vendait del’herbe au mauvais coin de rue… Maisà 14 ans, il a rencontré John Orgon, unartiste local membre de l’associationdu quartier Saint-Roch,particulièrement difficile. « Il m’a faitvoir d’autres choses, m’a emmené àdes expos puis aidé à trouver desfamilles d’accueil. »

Défaillancedu système éducatifAujourd’hui, Tysean oscille entre petitsboulots et révise pour passerl’équivalent du brevet des collèges. Ilestime que si tant de jeunes sont« prêts à tuer juste pour se faire unnom », c’est entre autres à cause dela défaillance du système éducatif.

« Ici, beaucoup de jeunes quittentl’école sans savoir lire. Moi-même, jen’ai pas vraiment appris grand-chose àl’école, je pouvais être facilementdistrait. » Et pour cause, sesproblèmes de vue, tout comme sadyslexie, n’ont été détectés qu’à l’âgede 10 ans… A cela s’ajoute une« difficulté à dialoguer au sein des

familles noires pauvres. Les rapportsentre parents et enfants sont souventtrès durs, on crie plus qu’on ne parle.Du coup, il y a plein de sujets, commela sexualité, qu’il est impossibled’aborder avec ses parents.» Unesource de frustration et de troublesqui se traduisent, trop souvent, pardes accès de violence. G.P.

«Les jeunes sontprêtsà tuerpour se faireunnom»Tysean, 22 ans, tented’échapper à la violencede sonquartier

La Nouvelle-Orléans, le 5 juillet. Tysean habite le quartier Saint-Roch, l’undes plus violents de la ville. (LP/GP.)

La Nouvelle-Orléans (Etats-Unis)De notre envoyé spécial

ALORS QU’ELLE s’apprête à célé-brer, le 26 août, le dixième anniver-saire de l’ouragan Katrina qui a faitprès de 2 000morts, LaNouvelle-Or-léans a le blues. Big Easy est bienparti pour reconquérir le titre peuglorieux de capitale du meurtre.Au cours du premier semestre,

92 meurtres ont été recensés, unchiffre enhausse de 30%par rapportà l’an dernier. C’est le double, sur lamême période, que le nombre de cri-mes commis à Ciudad Juárez, la villemexicaine pourtant gangrenée parle narcotrafic, et autant que l’ensem-

ble des meurtres commis dans la ré-gion parisienne en 2013. Un chiffreeffrayant quand il est rapporté aunombre d’habitants : à La Nouvelle-Orléans, ville de 400 000 âmes, letaux d’homicide est quarante foisplus élevé qu’à Paris. C’est en 1994que La Nouvelle-Orléans a connu unpic, avant que la criminalité ne chuteau tournant des années 2000. En2005, ces progrès ont été réduits ànéant par l’ouragan Katrina. Avecdes milliers de maisons inoccupéeset une police en sous-effectif, la citéest remontée en flèche dans le clas-sement des villes les plus dangereu-ses des Etats-Unis. Puis, de 2012 à2014, le nombre de meurtres a de

nouveau diminué. Ces bons résul-tats, le maire démocrate Mitch Lan-drieu, pour qui la réduction de la cri-minalité est la « priorité numéroun », s’était empressé de les attribuerà son programme Nola for Life.

Importance de la pauvretéet des «décrocheurs»Mais ce n’est peut-être pas suffisantpour corriger les nombreux mauxdont souffre Crescent City. Ainsi,d’après le Data Center Research,39% des enfants de La Nouvelle-Or-léans vivent en dessous du seuil depauvreté, un taux près de deux foisplus élevé que lamoyennenationale.« Les quatre quartiers les plus

chauds de la ville concentrent 35%des meurtres, alors que n’y vit que17% de la population, rappelle Char-les West, du programme Nola forLife. Dans ces quartiers, le taux dechômage et d’échec scolaire est deuxfois plus élevé, et les revenus deuxfois moindres que dans les autresquartiers de la ville. »La Nouvelle-Orléans est aussi la

troisièmeville américaine où lenom-bre de « décrocheurs » est le plusélevé : 18,2 % des jeunes de 16 à24 ans ont quitté l’école sans avoirtrouvé un travail. Un chiffre d’autantplus inquiétant que ce profil corres-pond à 75% des auteurs de crimes etdélits aux Etats-Unis.

Enfin, le New Orleans Police De-partment (NOPD) souffre à la foisd’un manque d’effectif et d’unemauvaise réputation. Ainsi, l’an der-nier, un scandale a éclaboussé l’unitédes crimes sexuels, accusée d’avoirbâclé plus d’un millier de cas deviols. Depuis, un nouveau chef de lapolice a été nommépour remettre del’ordre. Signe d’une confiance re-trouvée, le nombre de viols signalésau premier semestre était en haussede 55%par rapport à l’an dernier. Enparallèle, malgré des difficultés bud-gétaires, la ville a prévu d’augmenterles salaires des policiers de 15% etd’en recruter 150 cette année.

GRÉGORY PLESSE

REPORTAGE.Dix ans après avoir été ravagée par l’ouraganKatrina, la ville a dumal à se remettre sur pieds. Lacité la plus française des Etats-Unis est gangrenée par la violence, au point de devenir la plus dangereuse dupays.

LaNouvelle-Orléans, 26 juin.Des policiers sécurisent l’entrée d’un centre funéraire où repose un de leurs collègues, tué quelques jours plus tôt par un hommequ’il transportait pour le placer en garde à vue. (LP/GP.)

nHabitant de l’un des quartiers lesplus dangereux de la ville, Central

City, Al Mims, ancien champion de kick-boxing, qui a aussi été shérif pendantune vingtaine d’années, dit quel’histoire de sa famille est « marquéepar le meurtre ». Il a perdu son père, ily a plus de vingt ans, tué de cinq ballesdans le dos, ainsi que son frère. « Cetteville est en état de siège. Aujourd’hui, je

porte une arme en permanence, cen’était pas le cas avant », ajoute cepère de famille de 62 ans. Il a créé, peuaprès le meurtre de son père, Victimsand Citizens Against Crime, uneassociation d’aide aux victimes qui asoutenu plus de 15 000 personnesdepuis sa création et permis l’adoptionde lois de protection des victimes enLouisiane. A l’entrée de sa maison, lecinquième commandement, « tu netueras point », est inscrit en grand surune pancarte. « Il y a encore quelquesannées, c’était un quartier tranquille,composé de propriétaires. Maisbeaucoup ne sont pas revenus aprèsKatrina. Leurs maisons ont étérachetées par des propriétaires peuscrupuleux, qui louent les maisons duquartier à des dealeurs. » Commel’indique son tee-shirt, il pense que« l’ennemi, c’est nous ». « Il y a tropd’enfants dans notre communauté quisont élevés par des parents eux-mêmestrès jeunes, qui préfèrent se comporteren copains plutôt qu’en adultes avecleurs enfants. On se retrouve avec desjeunes qui n’ont plus aucune notion dece qu’est le travail ou le respect et quine pensent qu’à faire de l’argent le plusvite possible, à n’importe quel prix. »

G.P.

«Cetteville est enétatdesiège»AlMimsacrééuneassociationd’aideauxvictimes

La Nouvelle-Orléans, 26 juin. Al Mimsa été shérif pendant vingt ans. (LP/GP.)

Lecauchemarsans findeLaNouvelle-Orléans