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Création et histoire des

Caisses d’Epargne et de Prévoyance

Le contexte historique

La notion de prévoyance est ancienne, même si, dans la chrétienté, l’idée d’épargner pour les besoins futurs n’a pas droit de cité. Précaution légitime, certes, mais qui, sauf à horizon d’une année se voit vite assimilée au péché d’avarice. Guidé par les évangiles, l’homme remet sa destinée terrestre aux mains de la providence divine.

Il faut attendre le début du XVIIe siècle en 1611 pour qu’Hugues Delestre, lieutenant civil au siège royal de Langres, conçoive l’idée d’un curieux Mont-de-piété où « il sera permis à qui que ce soit de mettre l’argent qu’il aura sien, pour assurer la tranquillité de ses vieux jours ». Il élaborera un ouvrage dédié à la Reine mère Marie de Médicis. Soumis aux Etats généraux en 1614, ce projet fût repoussé.

En février 1626, un édit de Louis XIII n’est qu’une déclaration d’intention. D’autres auteurs, de Mayenne, Turquet, Biset, du Noyer, Renaudot, Gerbier font des propositions qui n’ont point de suite.

Les solutions économiques au paupérisme se heurtent à un désintérêt total. Cependant à partir des années 1680 grâce aux premiers « arithméticiens politiques » on se préoccupe de compter les pauvres. Vauban prévoit en 1686 dans « Méthode générale et facile » pour faire le dénombrement des peuples, de compter les mendiants à part, il le fait en 1696.

Mais de l’idée d’enquêter sur les pauvres on passe à, celle d’analyser le rôle de la société et de l’économie sur le paupérisme. La société est mise en cause par les réformateurs militaires, notamment le lien entre désertion et vagabondage. Mais c’est plus encore le système fiscal lié à l’effort de guerre jamais connu qui est dénoncé par Pierre de Boisguilbert (Détail de France en 1695) ou Vauban (Dîme Royale 1707).

On en déduit que l’assistance est dans les mains de l’état, puisque c’est la conduite de l’économie qui permettra de juguler le paupérisme.

Entraînés par l'exemple qui leur venait d'en haut, les petits bourgeois, les artisans, même les ouvriers, donnaient dans toutes les spéculations les plus chimériques, ils risquaient à la loterie royale leurs modestes épargnes et souvent tout leur avoir. L'amour du jeu et l'espoir d'un gain facile déshabituaient du travail, et ainsi allait s'aggravant la misère publique. Louis XVI voulut certainement l'atténuer lorsque, par des lettres patentes du 9 décembre 1777, il fondait le mont-de-piété de Paris. En 1789, la France était dotée de nombreux établissements de charité. Les pauvres, les malades, les infirmes, les vieillards, les orphelins trouvaient partout des secours, des

consolations et les monuments qui, sous l'inspiration de la foi chrétienne, s'étaient successivement élevés dans les grandes villes, particulièrement à Paris, pour soulager l'humanité souffrante, étaient l'œuvre de plusieurs siècles. Mais l'attention publique ne s'était pas encore portée sur les moyens de prévenir la misère, de diminuer le nombre des pauvres, de relever enfin à leurs propres yeux les humbles qui n'avaient d'autres moyens d'existence que le maigre produit de leurs pénibles travaux. La révolution et les tumultes de l’Empire empêchent toute concrétisation pérenne de ces projets, bien que Mirabeau en 1791 exhorte devant l’Assemblée nationale à la création d’une caisse des épargnes qui rappellerait à la classe indigente les ressources de l’économie, et lui en ferait connaître les bienfaits.

En 1797, la Convention annonce la constitution d’une caisse nationale de prévoyance mais aucune réalisation ne vit le jour.

Il faudra attendre dans ce XVIIIe siècle, siècle des Lumières pour que savants et philosophes invitent à une nouvelle perception du monde et de ses acteurs, détachée de toute détermination religieuse, qui désacralisent le temps et célèbrent la toute-puissance de la raison : providence devient prévoyance.

Un vaste mouvement philanthropique se développe dans toute l’Europe dont l’objectif est de venir en aide aux personnes les plus en difficulté et d’offrir un asile sûr à l’épargne des ouvriers. Une première « Caisse d’Epargne » est créée en 1778 à Hambourg, puis l’institution se propagea dans l’Allemagne, en Suisse, en Suède, en Angleterre, etc…

La première loi organique, relative aux caisses d’épargne fût faite par le Parlement anglais en 1817.

Les principaux fondateurs, ces philanthropes

Jules Paul Benjamin Delessert

Né le 14/02/1773 à Lyon, est issu d’une famille protestante d’ancienne bourgeoisie suisse. Son père Etienne, marié avec Madeleine Roy de la Tour, est commerçant en soierie à Lyon et en 1777 il établit la banque Delessert à Paris, qui servit de modèle pour l’organisation de la Banque de France (créée en 1800).

Peu avant la révolution, Benjamin est envoyé avec son frère en Grande Bretagne pour y parfaire son éducation. En 1790, pendant la révolution, à 17 ans il s’engage comme volontaire dans la garde nationale parisienne puis en 1793, entre à l’école d’artillerie de Meulan, d’où il sort l’année suivante avec le grade de Capitaine. Il fait la campagne de Belgique, se distingue aux Sièges d’Ypres, de Maubeuge et après la prise d’Anvers sa brillante conduite lui valut d’être nommé à 22 ans, commandant de la citadelle.

Canonniers montagnards de Meulan A Meulan, ce 9 thermidor L’an 2ème de la République une et indivisible « Nous soussigné Directeur de l’Arsenal de Meulan, chef de bataillon d’artillerie, certifions que le citoyen Benjamin de Lessert, capitaine commandant d’une compagnie de canonniers montagnards de Meulan, a servi avec zèle et exactitude depuis le 5 septembre 1793 vieux stile jusqu’au 14 floréal en qualité de canonnier dans le corps susdit et qu’il a été choisy ensuitte par ses camarades au terme de la Loy pour Capitaine Commandant de la Compagnie qui sert actuellement les pièces de 16 auprès de l’armée du Nord. Certifions en outre que le zèle et l’intelligence de cet officier luy ont valu les applaudissements de ses Chefs, l’amitié de ses Camarades et la Reconnaissance de tout bon citoyen ; et ayant pu dans quelques occasions être consacré à tout autre genre de service dans l’intérieur de la République, il a constamment préféré la carrière qu’il suit et a donné dans toutes les occasions des Preuves réitérées d’un service irréprochable. Signé : J. Grober »

En 1795, suite au décès de son frère, son père lui demande de prendre la direction de la banque familiale, sa carrière militaire est terminée.

Déjà très préoccupé par la misère, il multiplie les initiatives philanthropiques. Dès 1795, il est administrateur du bureau de bienfaisance du quartier du Mail (2ème arrondissement).

Ø 1800 il fonde avec de Candolle, la société philanthropique regroupant les sociétés de secours mutuel organisées par les ouvriers et les soupes populaires pour lesquelles il fait venir à ses frais le 1er fourneau économique Rumford. Le nombre de rations alimentaires passent de 20 000 à 1 500 000 en 3 ans.

Ø 1801 il crée la société d’encouragement pour l’enseignement industriel, il siège au Conseil Général des hospices où il exercera des fonctions jusqu’à sa mort. Maire du 3ème arrondissement de Paris (depuis 09/03/1800), il fonde à Passy sur les terrains de sa propriété, une filature de coton.

Ø 1802, il crée la société philanthropique dont le but est de promouvoir toutes inventions ou innovations sociales susceptibles d’aider les pauvres : création de dispensaires, patronage de sociétés de secours mutuels, etc. Cette même année, il est nommé régent de la Banque de France.

Ø 1804 il devient Membre de la Chambre de Commerce. Ø 1806 il crée une raffinerie de sucre de betterave où il introduit des procédés

nouveaux, puis bientôt il installe une vingtaine d’autres établissements du même genre dans différentes régions françaises. Lorsque l’Angleterre coupe nos communications avec nos colonies, il met au point avec son ingénieux chef de fabrication, le chimiste Jean-Baptiste Quéruel, la méthode d’extraction du sucre à partir de la betterave, méthode qu’il nomme Bonmatin. Cela lui vaut la visite de Napoléon qui le fait sur le champ en récompense des services rendus, chevalier de la Légion d'honneur.

Ø 1812, il accède au titre de baron de l'Empire.

Ø 1815 il est membre de la société pour l’enseignement élémentaire et enseignement technique (le développement de l’instruction). Il est également membre de la compagnie royale d’assurance en compagnie des financiers avec lesquels il créa, en 1818 la première Caisse d’Epargne et de Prévoyance, fondation dont il restera le plus fier.

Ø 1819 il est membre de la Société Royale pour l’amélioration des prisons. Sur le plan politique, il est député de la Seine de 1817 à 1824 puis de 1827 à 1842, il propose l’abolition de la peine de mort, la suppression de la loterie royale et des jeux publics (supprimés en 1836), il encourage la construction de routes, canaux, monuments pour donner du travail et faire circuler les capitaux. Il s’oppose aux dépôts de mendicité et préconise des maisons de travail. Il pense qu’il faut aider l’ouvrier ou l’indigent et non pas l’assister. L’émancipation intellectuelle et financière des classes pauvres est pour lui une priorité. Son objectif est de conduire la classe laborieuse du travail à l’économie et par là au bien-être.

Ø 1829 succédant à son ami François, duc de La Rochefoucauld-Liancourt, il prend la présidence de la Caisse d’Epargne qu’il gardera jusqu’à sa mort le 01/03/1847 à Paris

Ø 1835 il fait voter la 1ère loi organique qui définit juridiquement les caisses

A sa mort en 1847, son testament indique qu’il demande que seule figure sur sa tombe cette inscription : « Ci-gît l’un des principaux fondateurs des Caisses d’Epargne en France », de plus une clause est ainsi conçue : « Je donne et lègue à la Caisse d'épargne de Paris pour être distribuée par ses soins, la somme de 150000 francs qui seront employés à donner mille livrets par an, de 50 francs chacun, pendant trois années, à des ouvriers qui prendront engagement de ne pas en disposer avant deux ans et d'y joindre d'autres économies. »

Une ordonnance royale du 25 juin 1847 autorisa ce legs. Ces 3,000 livrets se trouvèrent répartis entre 1721 ouvriers, et 1279 ouvrières.

François XII Alexandre Frédéric, duc de La Rochefoucauld-Liancourt

François XII Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld duc de Liancourt puis duc de La Rochefoucauld en 1792, et Pair de France, est né le 11/01/1747 à La Roche-Guyon. Il est le fils de Louis Armand de La Rochefoucauld de Roye, duc d’Estissac, grand-maître de la garde-robe du Roi Louis XVI et duc de Liancourt à partir de 1765 et de Marie de La Rochefoucauld dite Mademoiselle de la Roche-Guyon.

Officier des carabiniers en 1763, il hérite en 1769 de la charge de grand-maître de la garde-robe sous Louis XVI. Colonel de son régiment de cavalerie La Rochefoucauld-Liancourt, il devient brigadier de dragons en 1781. Attiré par les temps nouveaux, il se rend en Angleterre où il acquiert les idées qui marqueront sa vie : rôle de la science dans l’amélioration de l’agriculture, potentialités immenses de l’industrie, nécessité de l’enseignement et des institutions pour contribuer au développement industriel et social de la France, facteur indissociable selon lui de la prospérité nationale. Dans cet esprit, il crée dès 1775, sur son domaine, plusieurs fabriques et manufactures (tuileries, briqueterie, filatures) et en 1780 la ferme de la Montagne, l'école de Liancourt (Ecole des Arts et Métiers), dans l'Oise, destinée à former ouvriers et contremaîtres qualifiés. Les élèves sont pour la plupart des orphelins ou des enfants de soldats de son régiment. Cette école constitue le germe de l'enseignement technique en France et c'est le grand mérite du duc de concevoir et mettre en pratique, à l'instar du mouvement du compagnonnage, cette idée-force : la dualité de l'enseignement théorique et de l'enseignement manuel. Il est élu aux Etats Généraux de 1789. Député à la Constituante, il en devient le 1er président, où il est rapporteur du Comité pour l’extinction de la mendicité et fondateur du Département de l’Oise. En 1793 il demandera l’abolition de l’esclavage qui sera signée en 1794. Exilé en Angleterre, le duc émigre aux Etats-Unis, au début de la terreur. Il rentrera en France en 1799 et importera le 1er dès 1800, la vaccination contre la variole. A la fondation en 1818, il devient le 1er président de la Caisse d’Epargne de Paris et restera à sa tête jusqu’à sa mort survenue le 27/03/1827. Ardent défenseur de l’institution, il publie, dans l’espoir de populariser les vertus de l’épargne, une brochure en forme d’apologue opposant les cigales et les fourmis.

La première Caisse d’Epargne et de Prévoyance

La Caisse d’Epargne de Paris

La rencontre de ces 2 hommes fut déterminante mais il fallait convaincre le monde de la finance de prêter son concours à une institution non lucrative.

Vingt banquiers dont le célèbre Jacques Laffitte (gouverneur de la Banque de France) les écoutèrent plaider les vertus de ce projet, destiné aux petites gens et présenté comme un remède moral à la misère.

C’était l’économie mise à portée des ouvriers au détriment du jeu (loterie royale) du cabaret et du Mont-de-Piété. L’argument de poids fût que la Caisse d’Epargne par la prévoyance devait garantir la sagesse sociale.

Elle est créée à Paris le 22/05/1818 sous la forme d’une société anonyme. L’acte constitutif, passé devant le notaire Colin de Saint-Menge, comporte 20 signatures. Les fondateurs la dotent d’un fonds de 1000F de rente. Le 29/07/1818, une ordonnance de Louis XVIII autorise cette société anonyme formée à Paris sous le nom de Caisse d’Epargne et de Prévoyance.

Ordonnance du roi du 29/07/1818 autorisant la création de la Caisse d’Epargne de Paris

La Caisse se donne un conseil de 25 directeurs composés des 20 signataires autres administrateurs de la Compagnie royale d’assurances maritimes avec des personnalités marquantes telles Jacques Laffitte (gouverneur de la Banque de France) Auguste baron de Staël (petit-fils de Necker), Jean-Conrad Hottinguer, Scipion Périer, James de Rothschild (banquiers) et François de La Rochefoucauld-Liancourt etc…

Jacques Laffitte Auguste de Staël Scipion Perrier

James de Rothschild Jean-Conrad Hottinguer

L'ouverture de la Caisse d'épargne eut lieu le dimanche 15 novembre 1818, dans le local que la Compagnie royale d'assurances, alors installée au numéro 104 rue de Richelieu, avait mis à sa disposition. Elle accueille ce jour-là 28 déposants. Les premières séances donnèrent des résultats qui peuvent paraître modestes, mais l'Institution était encore à peine connue ; il fallait gagner la confiance du peuple. Les fondateurs savaient que la confiance qui se gagne lentement crée les liens les plus durables.

Le travail d’alphabétisation monétaire à accomplir est immense. Il apparait que plus de 50% des conscrits sont illettrés et des études psychosociologiques ont montré tout ce que le passage de flux d’argent par l’écrit pouvait susciter comme blocages et charges mentales à ceux qui n’y avaient pas été formés.

Il était dit qu’un franc déposé chaque semaine à une caisse d’épargne se trouvait à la fin de la 32eme année produire environ 3000F. Ainsi un ouvrier, qui à 20 ans aurait pris la résolution d’économiser chaque semaine sur sa paie et d’ajouter à son livret 1F, se serait créé pour lui-même un capital de 3000F qu’il pourrait toucher à 53 ans. De plus, il se sauverait de biens des tentations futiles ou malsaines.

Au 31/12, elle avait ouvert 352 livrets pour un montant de 54,687 francs. Ces chiffres n'acquièrent une réelle importance que si l'on met en regard le nombre et la somme de remboursements effectués dans le même espace de temps, et quand on voit qu'un seul déposant a demandé un retrait, que ce retrait s'élevait à 30 francs, on doit reconnaître que l'établissement ne devait pas tarder d'éveiller l'attention publique, la confiance s’installait progressivement. A fin 1819, la Caisse compte près de 3000 livrets ouverts.

Tableau des nouveaux déposants par année et par professions

Tableau des nouveaux déposants par sexe

Les opérations augmentèrent, le personnel de la Compagnie royale ne suffisait plus et les employés attachés aux maisons des directeurs s'inscrivirent en grand nombre pour faire alternativement le service gratuit de la Caisse, en dehors des heures de leurs travaux ordinaires. Le moment était venu d'ailleurs où la Caisse d'épargne devait avoir son individualité propre. Les mouvements de fonds auxquels donnaient lieu les versements, l'emploi en rentes des dépôts, les demandes de retraits prenaient une trop grande importance pour que le service de caisse continuât à être fait par le caissier de la Compagnie royale.

La Caisse d’Epargne demanda à la Banque un compte courant et fut ainsi entièrement séparée de la caisse de la Compagnie royale.

Avril 1819, la Caisse d'épargne eut son caissier. Le 1er

employé rémunéré, fût Agathon Prévost, qui consacra toute sa vie à la Caisse d’Epargne de Paris. Des nombreux dons et offrandes parvenaient au Conseil, augmentant ainsi considérablement le fond de dotation constitué par l’acte de création (Duc de Berry par exemple donna 2000F, la Banque de France 3000F, la réunion des banquiers et négociants 2212F etc…). Ces diverses manifestations encourageaient les fondateurs et permettaient d’entrevoir l’avenir avec sérénité. Au bout de 14 mois la dotation dépassait 145000F.

Du fait de l’affluence de déposants, plus particulièrement en fin de mois, la Caisse d’Epargne s’installa le 27/02/1820 dans un local appartenant à la Banque de France (ancien logement du gouverneur Jacques Laffitte) et il fût décidé que les bureaux resteraient ouverts le lendemain du dernier dimanche de chaque mois et que les remboursements n’auraient plus lieu le même jour que les versements.

Salle d’attente de la Caisse de Paris Le Conseil des Directeurs veillait à faciliter les opérations de ses déposants et pour ceux qui ne pouvaient se déplacer, ils purent se faire remplacer par des mandataires, la Caisse ayant décidé qu’elle prenait à sa charge les frais de timbre liés à ces procurations : mesure généreuse qui accentuait la gratuité des services rendus par la Caisse. En 1836, les versements s’élevaient à 27 millions F, les remboursements à 16 millions ½F, et le solde dû aux 80798 déposants représentait 50 millions F. La Caisse d’Epargne de Paris participa à l’exposition universelle de 1878. A travers des tableaux, elle montra les différentes phases traversées par cette institution. Elle reçut le diplôme de médaille d’or décerné par le jury des récompenses, et le diplôme d’honneur de la part du Ministre de l’intérieur.

Ces récompenses couronnèrent dignement le 60ème

anniversaire de sa création.

Le livret A, est créé en même temps que la Caisse. Il est ouvert à tous, y compris aux femmes et aux enfants. Il illustre par sa facilité, sa simplicité et sa liberté d’utilisation, la volonté de concrétiser, de laisser trace de l’acte d’épargne et d’acclimater progressivement à l’effort abstrait. Pour la plupart des gens l’argent n’existe que sous formes de pièces ou billets, ce petit cahier où sont inscrits les versements effectués à la Caisse symbolise les dépôts. Nommé d’abord livret de dépôts, puis livret d’épargne, il sert d’outil d’apprentissage à la pratique de l’épargne. Les dépôts sont acceptés dés 1F et un intérêt est alloué en fin d’année au taux de 5%. Dès qu’une somme suffisante est atteinte elle est transformée en rente de 50F au cours moyen de la Bourse de Paris. Le titre est acquis au nom du déposant qui en devient le propriétaire, et ce montant est déduit du livret. C’est une grande innovation financière. Il est offert pour la 1ère fois à la classe populaire, un accès simplifié au marché de la rente.

Le développement des Caisses d’Epargne et de Prévoyance

Le succès, s’il apparut certain, ne stimula guère d’émulation durable en dehors des grandes villes à forte concentration ouvrière : création à Bordeaux et Metz (1819) Rouen (1820) Marseille, Nantes, Brest et Troyes (1821), Lyon, Le Havre (1822) et Reims (1823), aucune de 1824 à 1827, etc…il faut attendre 1830 pour que le phénomène reprenne son essor. En 1833, 27 Caisses existeront sur le territoire.

Nombre d’établissements par période

Ceci s’explique par le système de rémunération des sommes confiées. En effet, les capitaux, pour assurer la distribution d’intérêts, étaient placés, sous la responsabilité des Caisses, en rentes sur l’Etat soumises aux lois de la fluctuation boursière. Le risque spéculatif était immense pour les Caisses mais aussi pour les municipalités qui les avaient établies. L’ordonnance du 02/06/1829 modifia ces dispositions et les Caisses purent placer leur collecte sur un compte courant au Trésor, à charge pour l’Etat, en contrepartie d’un intérêt, de la reconvertir lui-même. Cette loi apporta l’effet escompté sur le développement de l’institution. En 1834, 62 caisses fonctionnaient en France. On ignore à l’époque ce qu’il y a d’argent en France. La population rurale, par exemple, préfère thésauriser (bas de laine) que de porter ses économies à un organisme extérieur. Les Caisses doivent donc se rapprocher, prévoir une présence géographique permettant d’une part de se faire connaître, de construire un lien de confiance et d’autre part, ancrer dans la population une habitude d’épargne. En s’installant rapidement sur l’ensemble du territoire, les Caisses d’Epargne ont inventé le 1er réseau de proximité. De nombreux conseils municipaux où siègent les notables, demandent ardemment la création de Caisses d’Epargne dans leur commune.

Période Nombre1818 11819 21820 11821 41822 21823 11828 11830 21832 41833 9

1834à1839 257

2841848 364 93%desvillesdeplusde10000habitants

disposentd'uneCaisse1880 5361899 5461930 5601945 5561952 585 maximum

LyonLeHavreReimsNîmes

RennesToulouse

dtPoissyetMantes

MarseilleNantesBrestTroyes

CaissesParis

BordeauxMetzRouen

Nombre d’agences et points d’accueil

Période Nombre succursales Points d’accueil

1825 1 Marseille è Aix en Provence

1832 1 Paris è Quartier Popincourt

1835 55

1850 200 565 points d’accueil

1889 1000 1571

1900 1300 1846

1905 2000

1946 3000

1958 4000

1965 4844

Le 04/05/1834, dans un but d’apprentissage économique et d’éducation morale des écoliers, un instituteur du Mans, Monsieur Dulac, fonde la 1ère Caisse d’Epargne scolaire. L’idée est de collecter à l’école auprès de chaque enfant, sou après sou, de quoi réunir 1 franc, somme minimale pour ouvrir un livret à la grande Caisse d’Epargne et de Prévoyance. En 1877, on comptera 8000 caisses d’épargne scolaires et 14000 en 1880.

La loi du 05/06/1835, sur proposition de Delessert, reconnaîtra les Caisses d’Epargne d’utilité publique et leur essor ne cessera plus. Les dépôts pèsent déjà 100 millions de francs. Cette loi structure aussi l’intervention des municipalités dans la gestion des Caisses qui durera jusqu’en 1941, eut égard aux enjeux politiques locaux.

La fondation de la Caisse comble un vide dans le paysage bancaire français. Elle est destinée aux « exclus de la finance » et créée pour recevoir les dépôts des classes populaires.

Date de création des établissements bancaires français

ETABLISSEMENTS ANNEE CREATION

Crédit Industriel et Commercial 1859

Crédit Lyonnais 1863

Société Générale 1864

Banque Populaire 1878

Caisse Nationale d’Epargne 1881

On ne tarit pas d’éloges sur cet instrument institutionnalisé de la morale et, comme une récompense sociale, les notables et les grands la gratifient volontiers régulièrement de quelque dotation.

Les citations ne manquent pas pour la vénérer et même le pape Grégoire XVI lors de la fondation de la Caisse de Rome, se félicite que « Le jour du Seigneur sera mieux sanctifié parce qu’on y épargnera l’argent dépensé à jouer ou à boire ». Les délits diminueront, car la misère et la faim conduisent certainement au mal.

On notera d’autres citations plus « discutables » :

« Pas un déposants aux Caisses d’Epargne n’a subi de condamnation devant les tribunaux (Delessert).

Ou lors de la grande épidémie de choléra de 1832 :

« En général, l’épidémie a peu attaqué les personnes qui ont un livret à la Caisse d’Epargne. Cela tient probablement à ce qu’elles mènent une vie plus réglée et qu’elles sont plus habituées à l’ordre et à la sobriété »

Les pouvoirs publics, les écoles, l’armée, les industriels, les sociétés diverses, l’administration prendront habitude de faire ouvrir des livrets à divers bénéficiaires et en diverses occasions. Ceci aura pour effet de faire entrer progressivement dans les mœurs une sorte de « réflexe Caisse d’Epargne » lié à l’argent au quotidien. En 1837, le Duc d’Orléans, à l’occasion de son mariage (30/05 au Château de Fontainebleau) souhaitant montrer son attachement à la classe ouvrière, consacra une somme de 160000F à la création des livrets de Caisse d’Epargne à distribuer entre les enfants des ouvriers qui se seraient le plus distingués et le mieux conduits dans les écoles primaires. La Caisse de Paris reçut 40000F et 1760 livrets furent ouverts aux enfants méritants.

Exemple de livret offert dans notre région : Livret de Caisse d’Epargne Chaque année le Conseil Général de Seine et Oise attribue des livrets de Caisse d’Epargne aux élèves des écoles primaires qui ont été classés dans les trois premiers à la suite des examens du certificat d’études pour tout le canton. En ce qui concerne notre école de garçons nous avons appris avec plaisir qu’un livret a été décerné à l’élève Lucien Lebrun dont la famille habite Rue des Groux à Vaux.

Cet élève est sorti deuxième de l’examen pour l’obtention du certificat. Journal de Mantes du 22/01/1919

La loi du 31/03/1837, consolida l’essor des Caisses, en apportant aux finances publiques des ressources non négligeables par l’obligation qu’elle fit aux Caisses de déposer dorénavant les fonds collectés à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui en garantit la liquidité en toutes circonstances et peut ainsi participer plus activement au financement des travaux publics. L’état apportait sa garantie aux épargnants moyennant un intérêt fixe qui lui permit d’affecter cette économie populaire à l’émission de ses rentes ou bons royaux. Ce système contenta tout le monde : l’Etat disposait de ressources nouvelles, les Caisses d’Epargne d’une gestion simplifiée et les petits épargnants d’un placement garanti. Les Caisses deviennent le collecteur de l’épargne française sans aucune initiative sur l’emploi qu’il en est fait.

Par cette garantie, certains nantis s’empressèrent de bénéficier des avantages de cette institution qui ne leur était nullement destinée. Pour pallier à ce phénomène, la loi de juin 1845 a institué le plafonnement légal des dépôts à 2000F.

Le plafond du livret

Le taux du livret

Le stock des Caisses d’Epargne s’élevait à 455 millions de francs en 1845. Au moment de la révolution de février 1848, après 2 ans de disette, il se trouvait réduit à 355 millions. Dans la panique générale de février, les Caisses d’épargne sont submergées par les déposants qui affluent pour retirer leurs fonds. Le gouvernement provisoire pense qu’il suffit d’élever le taux d’intérêts d’1% pour calmer cet élan mais ce palliatif sera sans effet. La situation est exceptionnelle et les dispositions pour y faire face sont extraordinaires.

Le 9/03/1848 le gouvernement propose de limiter à 100F les retraits en espèces, et offre le paiement du surplus moitié en bons du trésor à 4 et 6 mois, moitié en rente 5% de 100F. Or à cette époque, les bons s’escomptent en perte de 30 à 40% et les rentes valent au plus 75F. Le décret du 07/07/1848, règle sur le cours de 80F la rente obligatoire à délivrer aux déposants. Ainsi l’état se libérait de ses dépôts en livrant des valeurs dépréciées. C’était une banqueroute partielle. Environ la moitié des déposants subirent ce concordat forcé. Ce qui amena la liquidation à peu près complète et à perte des caisses, c’est-à-dire l’anéantissement en France de cette grande institution populaire.

L’assemblée nationale s’empressa de réparer l’injustice et le malheur de ces mesures et dans sa loi du 21/11/1848 accordait à chaque déposant dont le compte avait été converti en rentes, un livret spécial , dit de compensation portant une somme égale à la différence entre le cours de 80F et le cours moyen des 3 mois qui avaient précédé le décret du 07/07. Cette loi réparatrice faisait revivre les Caisses d’Epargne en rétablissant les livrets liquidés et purent ainsi reconstituer un stock de 74 millions.

A la veille de 1870, Algérie comprise, elles formeront un réseau de 525 établissements. En 1870 avant la guerre, les dépôts des Caisses d’Epargne s’élevaient à 720 millions. Survient la révolution du 4/09, les déposants affluent aux guichets, on craint de revoir aux abords des Caisses, ces foules inquiètes et le gouvernement décide de limiter les retraits en espèces, non plus à 100F comme en 1848 mais à 50F et le reste en bons du trésor. En ce temps de crise politique, la peur et le besoin poussent les déposants à réclamer leurs fonds. Pour calmer la panique, le gouvernement déclare que le seul sacrifice qu’il demande aux déposants parisiens, ne sera qu’un délai un peu plus étendu pour le remboursement des dépôts, et propose de rembourser les fonds sous formes d’acomptes mensuels de 50F ou de demander que le Trésor leur achète des rentes sans frais jusqu’à concurrence de leur solde. La panique disparu, on ne réclame ses fonds que pour ses besoins. Les déposants accordent une grande confiance dans ces acomptes réguliers et même pendant les jours les plus difficiles du siège de Paris, les versements n’ont pas cessé quoique amoindris (environ 20 à 25000 francs /semaine) et des livrets ont même été ouverts à 413 déposants nouveaux. Le trésor déboursa 1 million et demi de francs entre octobre et mars sur un solde de 44 millions.

La loi du 12/07/1871 abrogeait toutes les restrictions et les Caisses reprenaient leur action statutaire. En mars 1872, le stock des Caisses était de 526 millions.

La collecte

En 1890, les fonds collectés représentent presque autant que le volume de billets en circulation.

Le nombre de livrets

Le taux de diffusion du livret dans la population

Période Taux de diffusion

1866 < 5%

1880 10%

1908 20%

1945 29,5% = 1 habitant /3

1965 35%

En 1895, la loi autorise les Caisses d’Epargne à instituer un fonds de réserve « fortune personnelle » constituée des legs, dons, et subventions dont elles sont propriétaires et des « bonis » (somme conservée sur le montant versé par la Caisse des Dépôts et Consignations), leur permettant ainsi de gagner en autonomie et de puiser sur ce fonds afin de remplir des missions d’intérêt général tels que le financement de logements à bon marché (Habitations Bon Marché (HBM)).

Au 31/12/1913, le montant des « Fortunes personnelles » s’élève à 212 millions de francs.

En 1906 la loi permet aux Caisses de financer ou d’acquérir des jardins ouvriers ou des bains-douches. Les jardins ouvriers doivent permettre d’aider les gens tout en luttant contre l’oisiveté. Les Bains-douches créés par les Caisses d’Epargne en accord avec les municipalités eurent une grande importance sur l’évolution de l’hygiène de la population. Les Caisses mettaient à disposition des équipements souvent inconnus dans les foyers modestes.

Au fil des années, les Caisses d’Epargne confirment leur vocation d’acteurs de l’économie sociale et locale.

Les bains-douches des Mureaux

Durant la Première Guerre mondiale, les Caisses ont pris une part active dans le financement de l’effort de guerre et se sont attachées à faciliter, en toute circonstance, la vie matérielle de la population, dont un grand nombre possédait un livret A. En juillet 1914, la clause de sauvegarde limite les remboursements sur les livrets à 50 francs par quinzaine et par déposant, afin de protéger les Caisses d’épargne contre toute demande massive de retraits. Dans les derniers jours de juillet, l’annonce probable de son application provoque un mouvement de panique des clients qui affluent alors aux guichets afin de retirer les fonds déposés, en prévision de la guerre. Depuis l’origine, le livret d’épargne est accessible aux femmes pourtant longtemps considérées juridiquement comme incapables majeures. En avril 1881, les femmes sont autorisées par la loi, en dérogation du code civil, à ouvrir un livret et à disposer de leurs dépôts sans autorisation préalable de leur mari. Les Caisses ont tout particulièrement permis aux femmes, qui prennent alors une place inédite sur la scène sociétale, de traverser le conflit en soutenant et anticipant leur autonomie

financière. A partir de 1915, elles peuvent assurer la gestion des biens de la famille en l’absence de leur conjoint mobilisé.

Les Caisses d’Epargne accordent des jetons de présence à leurs administrateurs qui consacrent de leur temps et leurs soins aux services des Caisses, comme témoignage honorifique. En effet, les statuts des Caisses précisent que la fonction d’administrateur suit le principe de gratuité.

Par décret du 01/12/1922 (journal officiel du 03/12/1922), fût créée la médaille de prévoyance sociale qui récompensait les services désintéressés rendus à la prévoyance sociale par les personnels des commissions et des conseils d’administration ou de direction des œuvres de prévoyance sociale (habitations à bon marché, crédits immobiliers, caisses d’épargne). Elle comportait trois échelons décernés par le ministre de la Santé sur proposition des préfets :

� la médaille de Bronze pour 5 ans de services � la médaille d’Argent pour 6 ans de services après la médaille de Bronze � la médaille d’Or pour 7 ans de services après la médaille d’Argent.

La Médaille de la Prévoyance sociale disparut lors de la création de l’Ordre du Mérite social, le 25 octobre 1936, qui avait pour vocation à récompenser les personnes ayant rendu des services désintéressés et dévoués aux œuvres mutualistes et sociales. Les bénéficiaires furent alors nommés ou promus dans le nouvel Ordre. Les titulaires de l'Ordre recevaient un brevet. Cet Ordre fut administré par le ministre du Travail assisté par un conseil de l’Ordre.

Exemples :

Journal de Mantes du 10/02/1937

En 1950, dans le cadre de l’après-guerre et de la reconstruction de la France, la loi Minjoz du 24/06 autorise les caisses à employer une partie des fonds du livret A en prêts bonifiés aux collectivités locales. Ainsi l’épargne locale contribue au financement du développement local.

C’est à partir de 1966, que diverses réformes bancaires encouragent les Caisses à proposer de nouveaux produits financiers : le livret d’épargne logement en 1965, le livret supplémentaire (livret B) en 1966, la 1ère SICAV en 1967, le plan d’épargne-logement et les bons d’épargne en 1969. C’est en 1971 qu’elles obtiennent le droit d’accorder des prêts habitat et consommation, et en 1978, elles se transforment progressivement en banque classique en diffusant le 1er compte chèque écureuil. Elles sont entrées dans l’ère de la concurrence.

Les Caisses d’Epargne et de Prévoyance de notre région : a) Poissy

Il semble qu’il ait fallu un certain temps avant que le projet initial de sa création aboutisse. Une délibération du Conseil Municipal en date du 07/05/1836, rappelle son rapport sur l’utilité de donner suite au projet conçu depuis longtemps de la création d’une CEP, et affirme sa détermination à parvenir au but : « Le Conseil considérant que la classe ouvrière de Poissy est nombreuse, qu’en fournissant à cette classe les moyens de conserver et de faire fructifier ses économies, c’est l’introduire dans des voies d’ordre et de moralité ». Il faudra encore attendre plusieurs mois, mais le 29/11/1837, l’ordonnance autorisant sa création fût signée par le roi Louis – Philippe.

Projet d’ordonnance de création de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Poissy

b) Mantes

Dès 1834, les édiles mantais sont attachés aux idées généreuses défendues par Benjamin Delessert et le Conseil Municipal se préoccupe du sort des plus déshérités de ses concitoyens et souhaite qu’ils puissent disposer de moyens propres à se prémunir contre les aléas de la vie. Cependant, la mise en place de cette institution nécessite la constitution d’un fond permettant de garantir toutes les sommes particulières qui seront déposées à l’avenir. Sachant que les différents frais entrainés par la gestion de cet établissement sont estimés à 500F par an, il est nécessaire de se procurer un capital de 10 000F. Que sur ce montant, 2000F pourraient être fournis partie par la ville de Mantes et partie par le Département et 8000F par l’arrondissement sous forme d’une souscription volontaire des habitants notables. Dans le cas où les fonds collectés seraient insuffisant, chaque souscripteur reprendrait le montant de sa souscription et le projet de création de la CEP serait abandonné. Le Conseil Municipal alloua en 1835 une somme de 1000F. Malheureusement les souscriptions s’élevèrent à 6300F et le projet ne pût aboutir. Il fallut attendre 1838, pour que le sous-préfet Malher reprenne ce projet de fonder une Caisse d’épargne de l’arrondissement. Ainsi, l’ordonnance royale du 5/09/1838 autorise la fondation d’une Caisse d’Epargne et de Prévoyance à Mantes. C’est le Conseil Municipal sous la présidence du maire, Nicolas Chevallier, qui propose les modalités de constitution de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de l’Arrondissement de Mantes, qui adopte les statuts, nomme les 12 membres du « Conseil des Directeurs » (1/3 parmi le Conseil municipal, 1/3 parmi les citoyens recommandables de la Ville, 1/3 en dehors dont un par canton et le maire est président de droit) et vote une participation financière en complément des souscriptions recueillies auprès du public en vue de créer le fonds de dotation.

Ordonnance royale du 05/09/1838 pour la création de la

Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Mantes

A sa création, la Caisse dispose de 4 agences sises à Mantes, Houdan, Bonnières et Magny-en-Vexin. A Mantes, la Caisse sera ouverte dans l’enceinte de la Mairie, le dimanche, de 10h à 12h on visera, de 12h à 13h, on présentera les demandes de remboursement et de 13h à 14h auront lieu les remboursements. Le secrétaire de mairie de Mantes est nommé caissier. Il devra avec l’administrateur de service effectuer les écritures nécessaires aux opérations. Dès ses débuts, la Caisse d’Epargne connaît un vif succès en dépit des horaires d’ouverture restreints. Au fil des années, le nombre de compte clients va régulièrement progresser. La Caisse d’Epargne et de Prévoyance, dont le caractère désintéressé de la mission, est reconnu par tous, voit sa notoriété grandir rapidement. Elle véhicule dans la population locale et notamment dans le monde rural, une image de sérieux et de sérénité. Elle possède déjà une assise que les évènements tragiques de l’histoire ne

parviendront pas à ébranler. En effet le contrôleur interne précise le 18/09/1871 que « malgré les évènements désastreux qui ont marqué l’année 1870, malgré la suspension, pendant plus de 3 mois de ses opérations, la Caisse de Mantes n’a pas cessé de prospérer. Devant cet engouement de la population, plusieurs maires sollicitent l’ouverture d’agence dans leur commune. Seront ainsi crées une succursale à Bréval en 1873, Septeuil et Vétheuil en 1877 et Chaussy en 1881. Comment expliquer cet engouement pour l’épargne ? Sans doute parce que les modalités du placement sont simples et que l’épargnant se satisfait d’un intérêt modeste justifié par la relative stabilité monétaire du siècle. Il a totalement confiance en un établissement qui, quelles que soient les crises, 1848, 1870, est toujours en mesure de lui rembourser l’argent qu’il a déposé sur son livret. De plus, dès sa première parution en 1871, le Journal de Mantes, publia hebdomadairement dans ses colonnes, les mouvements de fonds opérés par les déposants de la Caisse, conséquence d’une grande transparence.

Journal de Mantes du 09/08/1871

Dans sa séance du 15/06/1875, le Conseil décide avec l’autorisation de l’Inspecteur primaire, d’installer des caisses scolaires sur l’ensemble de l’arrondissement. Chaque caisse scolaire formant une succursale, sera gérée par l’instituteur chargé de recueillir les économies de ses élèves. C’est ainsi que des générations successives vont apprendre les vertus de l’épargne. Dès la 1ère année, 78 caisses scolaires fonctionnent en liaison directe avec l’agence centrale. La Caisse achètera un immeuble situé au n° 6 rue Thiers pour y installer ses services et s’y installera en 1878. Lors de la réunion du conseil le 25/04/1878, le Président-

maire Monsieur Hèvre se félicite de l’importance de l’activité de l’établissement en précisant que le nombre de comptes clients gérés par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance atteint 9500. Pour l’époque, ce chiffre est important et témoigne de la confiance de la population du Mantois. En 1880, considérant l’état prospère de ses finances, la Caisse décide d’affecter une partie de ses bénéfices annuels à des œuvres de bienfaisance et à l’encouragement de l’instruction dans l’arrondissement. Ainsi sont nés les livrets-prix remis aux meilleures élèves du canton.

En 1908, elle décide d’investir une partie des liquidités de ses fonds propres dans la construction d’habitations à bon marché (HBM) dans certains quartiers de Mantes. Assurant une totale maîtrise de cette activité annexe, l’établissement apportera pendant de longues années, une contribution importante à l’effort en faveur du logement social. Le 02/12/1908, construction des bains-douches rue de Lorraine à Mantes. Le 27/01/1909, acquisition d’un terrain en vue de construire les premières habitations à bon marché (HBM) et d’un immeuble vétuste pour réhabilitation. Le 26/11/1910, constructions de maisons ouvrières rue Champeau. Le 12/05/1911, location et vente des jardins ouvriers sur un terrain de Gassicourt. Le 11/12/1911, acquisition d’un terrain rues de Montfort et Bihorel pour construire 7 maisons. Le 19/03/1912, projet de construction de 4 groupes de maisons jumelles. Le 21/12/1912, achat d’un terrain de 4000m2 rue des Abattoirs et rue Castor.

Bains-douches Mantes rue Emile Zola

Le 10/04/1913, la Caisse décide de s’intégrer à une société d’Habitations à bon marché en formation par apport des terrains nouvellement acquis. Le 06/04/1928, projet de construction de bains-douches rue de la Gabelle, etc…

Maisons d’Habitation Bon Marché, rue des Coquilles Mantes 1930

Au cours de cette période, la Caisse d’Epargne, sous l’impulsion de son président, Auguste Goust, maire de Mantes, pouvait être considérée comme le 1er bâtisseur de logements.

Auguste Goust

Le 30/05/1944, la Caisse d’Epargne est totalement détruite par les bombes qui s’abattent sur tout le quartier entourant la Collégiale. Elle s’installera provisoirement dans des locaux situés rue de Gassicourt.

Le 04/02/1948, le Conseil d’Administration décide d’acquérir un immeuble situé au n° 66 de la rue Castor pour installer ses bureaux. En 1960, elle réalise une importante opération immobilière en construisant un immeuble de 40 appartements dans le quartier des Brouets à Mantes-la-Ville.

c) Meulan

Le succès des Caisses voisines auprès de sa propre population, démontre à Meulan, l’utilité d’établir une Caisse d’Epargne sur sa ville. Lors de sa séance du 15/02/1852, le conseil municipal se concerte sur la perspective de cette institution : « M Bailly expose que parmi la classe ouvrière de Meulan, quelques personnes des plus laborieuses portent leurs économies aux Caisses de Poissy et Mantes, qu’il en résulte pour elles des déplacements et des frais qui absorbent une grande partie de ce peu d’intérêts, qu’elles retirent de leur argent. Que si Meulan possédait un de ces établissements […] ferait sans aucun doute augmenter le nombre des déposants et inspirerait de plus en plus cet esprit d’ordre et d’économie qui apporte le bien-être dans la famille et constitue un des éléments les plus essentiels d’une bonne société ». Après différentes démarches et informations faites et prises auprès des Caisses de Saint-Germain, Poissy, Mantes et Pontoise, Meulan dut abandonner l’idée de voir établir dans sa ville, une succursale de l’une ou l’autre des 2 premières. Elle dût alors se préoccuper de ses propres statuts, finalisés le 14/11/1852. Elle fût autorisée par décret signé de Napoléon III, le 05/12/1853.

Décret du 05/12/1853 concernant la création de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Meulan

Les bains-douches de Meulan

Journal de Mantes du 25/02/1920

Journal de Mantes du 26/03/1930

Journal de Mantes du 17/02/1937

Les obsèques de M. Irénée Perrel, président de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Meulan. Journal de Mantes du 09/02/1944 Les obsèques de M. Irénée Perrel, décédé à l’âge de 88 ans, ont été célébrées en l’église Saint-Nicolas de Meulan, le samedi 29 janvier. Tous les Meulanais avaient tenu à rendre un dernier hommage à celui qui, depuis fort longtemps à Meulan, avait donné le meilleur de lui-même dans l’accomplissement des œuvres meulanaises et sociales. Homme de bien dans toute l’acception du mot, M. Perrel avait fait partie du Cercle musical des Pénitents, dont les vieux Meulanais se rappellent la franche camaraderie qui y régnait. Il n’avait d’ailleurs que des amis et sa bonhomie souriante lui attirait toutes les sympathies. C’était un vrai Meulanais de cœur et d’esprit. M. Moy, Maire de Meulan, dans un discours fort goûté, salua la dépouille du défunt et retraça en ces termes sa vie toute de travail et de services rendus.

« Mesdames, Messieurs,

« La nombreuse assistance qui se trouve ici pour rendre à M. Perrel un dernier hommage, indique combien le vénéré président du Conseil des Directeurs de la Caisse d’Epargne de Meulan jouissait de l’estime et de la considération de tous ses concitoyens, de tous ses amis. « Depuis l’année 1884, M. Perrel appartenait au Conseil de la Caisse d’Epargne de Meulan, et depuis cette époque, depuis 60 ans, M. Perrel n’a pas cessé un instant de se dévouer pour mener à bien une tâche à laquelle il s’était attaché, qu’il avait prise à cœur et qui était sa vie. Sa gestion et son administration furent parfaites. « Il avait le sens des réalités et avec une clairvoyance à laquelle il convient de rendre hommage, il solutionnait avec sûreté et décision les questions complexes que pose chaque jour la direction sagement ordonnée d’un établissement populaire d’épargne. « Au cours de l’année 1912, son action personnelle s’est exercée particulièrement en vue de l’édification d’un établissement de bains-douches, œuvre sociale qu’il avait décidé de mener à bonne fin et qu’il réalisa avec succès. « Depuis sa création, il en assurait avec un zèle tout particulier, la surveillance quasi-journalière nécessaire à la bonne marche de l’exploitation. Il était satisfait et assez fier, à juste titre, des résultats qu’il avait obtenus. « Peu de Caisses d’Epargne, en effet, possèdent des bains-douches, et l’établissement de Meulan, créé par la Caisse d’Epargne fut maintes fois cité en exemple dans les conférences régionales et nationales des Caisses d’Epargne. « Le 7 février 1922, M. Perrel acceptait la Présidence effective du Conseil des Directeurs. Depuis plus de 20 ans, ses avis éclairés, ses conseils, son expérience, sa sage administration et son dévouement ont donné un essor remarquable à la Caisse d’Epargne de Meulan, dont les résultats statistiques, toujours en amélioration, sont l’œuvre, je me plais à le rappeler, de celui qui, avec modestie, mais avec opiniâtreté et la fermeté d’un jugement sûr, entendait arriver au but qu’il s’était proposé. « D’un naturel agréable, très affable, avec une bonhomie toujours aimable, M. Perrel était d’un commerce agréable ; il se mettait à la portée de tous, heureux de rendre service, de donner l’avis qui lui était demandé, toujours satisfait aussi de l’action qu’il poursuivait, et qu’il menait sans détours comme sans relâche. « Pour nous, ses collaborateurs, dans les réunions du Comité, c’était toujours avec plaisir que nous entendions ses exposés, précis et clairs, toujours positifs. « Et c’est avec fruit que nous recueillions les observations que son expérience pratique et son bon sens rendaient toujours judicieuses.

« Nous constations ainsi que la Caisse d’Epargne était son œuvre, qu’elle était aussi son but. « Sans cesse et sans ménager son dévouement, il s’employait à en améliorer l’administration, et c’est de grand cœur que nous l’aidions à bien faire et que nous poursuivions avec lui une route facile à suivre avec un tel conducteur. « Les qualités et les mérites de M. Perrel n’avaient pas échappé à l’attention des pouvoirs publics : Membre du Conseil Municipal de Meulan de 1892 à 1893 et de 1900 à 1904 ; Administrateur du Bureau de Bienfaisance depuis 1906 ; Vice-président de la Société des habitations à bon marché de Meulan ; M. Perrel avait obtenu, le 24 août 1923, la médaille d’Or de la Prévoyance Sociale; la plus haute distinction dans l’Ordre du Mérite Social, la Croix de Commandeur, lui avait été décernée par décret du 23 août 1937. Ces distinctions ne pouvaient être mieux méritées.

« La Caisse d’Epargne de Meulan est maintenant marquée d’un sceau impérissable, l’impulsion qui lui a été donnée par M. Perrel se continuera pour longtemps. Notre guide aujourd’hui disparu, nous a laissé l’exemple que nous devons suivre, nous lui en sommes reconnaissants et nous l’en remercions profondément. « Avant que notre Président nous quitte à jamais, je m’incline respectueusement devant cette bière ». Au nom du Conseil des Directeurs de la Caisse d’Epargne, au nom de tous ceux qui l’ont connu et apprécié, j’adresse à M. Perrel notre adieu suprême. « Cher Monsieur Perrel, vous partez avec nos regrets unanimes. Votre mémoire restera fidèle parmi nous, parmi nos populations comme celle d’un homme de bien, d’un brave homme, d’un véritable et intègre administrateur. En tentant d’apporter quelque consolation à leur grande douleur, j’exprime à M. et Mme Têtart, à M. et Mme Pierrard, à M. et Mme Emile Perrel, ainsi qu’à toute la famille, l’expression de notre sympathie et de nos plus vifs et bien sincères sentiments de condoléances. »

L’inhumation a eu lieu à Verneuil sur Seine, son pays natal.

L’histoire du logo Depuis de nombreuses années le logo de la Caisse d’Epargne est représenté par un écureuil, mais il n’en a pas toujours été ainsi.

Pendant un siècle et demi, chaque caisse choisit donc son symbole préféré. Plusieurs établissements retiennent l’image de l’abeille et la ruche très proche de l’idée de Delessert, censé représenter le travail et l’effort collectif, d’autres choisiront la fourmi symbole aussi de travail, d’activité, de construction, de vie en société. Elle est prévoyante, besogneuse, appliquée et infatigable.

Un tournant se produit pendant la deuxième Guerre Mondiale. De retour de captivité en 1942, René Laurent, directeur-adjoint du Bureau central des Caisse d’Épargne, ébauche d’organe central censé coordonner le travail de toutes les Caisses d’Epargne de France et publiant notamment un journal interne, décide d’organiser un concours de contes et nouvelles ouvert aux prisonniers de guerre français encore détenus en Allemagne afin de trouver un nouvel emblème pour son groupe bancaire. Les nouvelles doivent porter un message moral et économique, et encourager le sens de l’épargne. Les textes doivent avoir une moralité, un peu comme les fables.

Le gagnant, William Bate, imagine un conte « Didy et Rascassot » qui se passe précisément dans son camp de prisonniers, et qui met en scène ses camarades. Ils ont si faim qu’ils décident de manger l’écureuil que l’un d’eux a recueilli. Ils allèrent donc débusquer Didy dans le chêne qui lui servait d’abri. Après avoir pratiqué une ouverture dans le tronc, l’arbre se vida de son contenu : noisettes, biscuits, amandes, mille choses données à Didy que ce maître banquier avait épargné à l’insu du groupe de prisonniers qui récupérèrent de quoi tenir une semaine et grâce à son sens de l’épargne, l’écureuil eût la vie sauve».

Séduit par cette fable, René Laurent décide alors de choisir l’écureuil pour emblème et en 1950, le petit animal apparaît dans toutes les Caisses d’Epargne de France. Son dessin évolue alors au fil du temps, devenant de plus en plus géométrique. En

1975, le petit écureuil change de sens et se tourne vers la droite, afin de symboliser un regard porté vers l’avenir.

Les Caisses d’Épargne accompagnent les Français dans leur vie quotidienne depuis près de 200 ans et ont traversé, avec eux, les grands moments de l’histoire de France. Elles figurent parmi les plus anciens établissements financiers. Elles ont joué un rôle important dans l’apprentissage de la monnaie, de l’épargne, de la prévision, et de la gestion budgétaire quotidienne, essentiel à la socialisation économique. L’œuvre des Caisses a souvent été comparée à une œuvre scolaire.

Maryvonne Bieuville

Sitographie :

- Gallica

o Manuel des œuvres : institutions religieuses et charitables de Paris et principaux établissements des départements […] chapitre X – Caisses d’Epargne

o Les Caisses d’épargne, utilité de ces banques populaires et nécessité d’en fonder de nouvelles à Paris […] – M. Cormenin

o Bulletin de la Société Historique d’Auteuil et Passy 1900/06/30 o Revue des établissements de bienfaisance -1901 o Les lois relatives à l’épargne de la femme mariée – Albert Aftalion -1898 o Ministère de l’agriculture et du Commerce – Annuaire statistique de la France

(1878) - Fédération Nationale des Caisses d’Epargne - Archives Départementales des Yvelines – Le Kiosque - Institut Benjamin Delessert

- Persée o Les Caisses d’épargne : un nouvel acteur dans le monde coopératif - Nicole

Moreau, Naziha Boukhorssa - Wikisource

o Les Caisses d’épargne en France et en Angleterre depuis la guerre – A. de Malarce

Bibliographie :

- Les métamorphoses de l’épargne – Laure de Llamby - Les Caisses d’Epargne – Daniel Duet - La Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Paris – 1818-1890 - E. Bayard - Histoire de la Caisse d’Epargne Ile-de-France-Nord – Cercle généalogique et

historique de la Caisse d’Epargne IFN – Hors-Série « Polatouche » - Mantes et Mantes-la-Ville de 1789 à nos jours - Allocution prononcée à l’occasion du 150ème anniversaire de la fondation de la Caisse

d’Epargne de Mantes - La Caisse d’Epargne à tous les âges – Catalogue de l’exposition de 2002 proposée

par la Caisse Générale de Retraites des Caisses d’Epargne et l’Association pour l’histoire des Caisses d’Epargne