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Couverture:©Alis

HachetteLivre,2016,pourlaprésenteédition.

HachetteLivre,58,rueJean-Bleuzen,92170Vanves.

ISBN:978-2-01-397649-7

Page 4: Couverture : © Alis ISBN : 978-2-01-397649-7ekladata.com/3PQh--1oZoTm77YbIVehTWJaFQM/Brise_e_-_Sophie_Sa… · Chapitre 1 Répudié La chaleur était presque insoutenable. Non. En

Chapitre1

Répudié

Lachaleurétaitpresque insoutenable.Non.En réalité, elleétait insoutenable.Pourtant, il était déjàplus de19heures, et le soleil finissait sa doucedescente vers l’horizon.Mesvalises àmespieds, jefixais,au-delàdesgrilles,lamaisonqu’ellesprotégeaient.—Vousêtescertainedenepasvouloirquejevousaccompagnejusqu’àlamaison?medemandapour

latroisièmefoislechauffeurdetaxienrefermantlecoffredesavoiture.—Non.C’estgentil.Maisjepréfèremarcher.—Commevousvoudrez.Ilmontadanssontaxietdémarra,melaissantseule.Oui.Jevoulaismarcher,allégermesjambesengourdiesparlestroisheuresdevoldutrajet.Unebriselégèresoulevaquelquesmèchesdemescheveuxblonds.Jeprisuneprofondeinspiration,les

yeuxfermés,attendantunesensation,mêmeminime,defraîcheur.Nada.L’airremuéétaitluiaussihumideetchaud.Mamèrem’avaitpourtantavertie:Miamienpleinmoisd’août,c’estunsaunagrandeurnature.Àcela,elleavaitrajoutélespluiestorrentiellesquis’abattaienttouslesaprès-midisurlavillependantaumoinsdeuxheures,etlesouragansquisurvenaientsansprévenir.Jen’avaisplusqu’àcroiserlesdoigtspournepasencroiseruncar,mêmesijesavaiscourirviteet

bien,jen’étaispascertainedegagnerauchronofaceàundéchaînementdelanature.J’attrapailapoignéedemavaliseàroulettesd’unemainetl’anseduvieuxsacdevoyagedemamère

del’autre.Troismois.C’étaitladuréeminimaledemonséjourici.Non.Demontravailici.J’étais tentée d’appeler ma mère sur-le-champ, autant pour la rassurer et lui dire que j’étais bien

arrivéequepourentendresavoixmerépéterquec’étaitlaseulesolution,dissipantunpeumonangoisse.Jen’avaispaslechoix.J’avaisbesoindecetargent.Unbesoinvital.Je passai le portail en fer forgé pour entamerma longue ascension jusqu’à la villa.Mes sandales

claquaientsurlesdallesenpierresdel’allée.Jenesavaisplusoùdonnerdelatête:àmagauchecommeàmadroite,despelousesd’unvertéclatantbordaientl’alléeetdemagnifiquespalmiersdominaientleshauteurs.Devantmoi, lamaison auxmurs rosés et au toit pointu de tuiles rouges, dépourvue d’étage,s’étalaitsurtoutelalargeurdelapropriété,prolongéed’ungarageàsagauche.Àl’extrémitédroite,jedevinai,àtraversl’immensebaievitrée,unsalonmeublédeplusieurscanapés.J’étaisarrivée,et jedoutaisdéjà.Ma famillememanquait.Et s’il sepassaitquelquechoseenmon

absence?Je tentaidemerassurer.Tout iraitbien.Jedevaisprendresoindupropriétairedes lieux,uncertain

Rick, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce qui neme changerait pas demon quotidien, puisque jem’occupaisdespersonnesâgéesdemonquartier.Lecœurbattant,jelâchailapoignéedemavalise,surlaquellemesdoigtss’étaientcrispésmalgrémoi,etjesonnai.Unedoucemélodieretentitàl’intérieur.Laportes’ouvritsurunegrandeblonded’unecinquantained’années,habilléed’unpantalondetailleur

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blancqui tombaità laperfectionsursesescarpinsetd’unchemisierensatinvertsansmanches.Jemesentissoudainminableavecmonshortenjeanetmondébardeurencotonblanc.—OceanaDouglas?demanda-t-elleenmetendantlamain.Jehochailatête,incapabled’alignerdeuxmots,etluiserrailamain.—AmberThomas.Jevousenprie,entrez.Nousavonsdéjàeul’occasiondenousparlerautéléphone.Oui, je me souvenais de mon entretien d’embauche avec elle. Un entretien téléphonique. Celui-ci

s’était limité à fixer le montant de mon salaire et à vérifier mes diplômes. Je n’avais que cinq ansd’expérience,mais je supposais que son fils, le patron demamère, avait appuyémon dossier, car ilconnaissaitmasituation.Sinonpourquoinepasavoircherchéquelqu’unàMiami?Ellesourit.—Jen’aipasletempsdetoutvousexpliquer.Voustrouverezunfasciculedansvotrechambreoùsont

résuméesvostâches.IlcontientaussiledossiermédicaldeRick.Laissezvosbagagesici, jevousfaisvisiterlamaisonetjemesauve.Son ton autoritaire m’intimidait autant que la maison. Le dos bien droit et le menton en l’air,

MmeThomasdonnaitl’impressiondesortirtoutdroitd’unlivresurl’aristocratieanglaise.Jenepouvaism’empêcherdepenseràmamère,quiavaitaffaireàcetypedeclientèledansl’hôteldeluxedanslequelelletravaillait.Etdirequeleprixd’unechambreéquivalaitàsonsalaireannuel!—Monmarietmoi-mêmepartonsàNewYorkréglerunproblèmeàl’hôtel.Nousseronsabsentstoute

lasemainemaisnousrestonsjoignables,voustrouverezmonnumérodetéléphonedanslefascicule.Elletraversalehall.Docile,jelasuivis.—Àdroite,voustrouverezlesalon,lasalleàmangeretlacuisine.Faitescommechezvous,detoute

façonRickn’yvajamais.Àgauche,unautresalon,avectélévision,hi-fi,bibliothèque;jevouslaisserailesoindeledécouvrirparvous-même.Sesfinesetlonguesjambesprirentladirectiond’unlongcouloir.Sestalonsclaquaientsurlecarrelage

enmarbre.Jecomprisqu’enréalitélamaisondevaitressembleràunL,vueduciel.—Ici,deuxchambresd’amis,unesalled’eauàvotredisposition.Aufond,lachambredeRick;jene

vous la faispasvisiter,car ildort. Ilétaitexténué.Aujourd’hui, j’ai réussià l’extirperdeson lit,nonsansmal.Ilapassélajournéedehors,sibienqu’unefoisrentré,ilaàpeinemangé,etjel’aicouché.Ellem’offritunsourire,commesielleétaitfièredel’exploitqu’ellevenaitderelater.Puiselleouvrit

uneportesurladroite,àl’opposédeschambresd’amisetdemafuturesalledebains.—Votrechambre.Ellen’estpastrèsgrande,carc’estl’ancienbureaudeRick.Ladécorationlaisseà

désirer puisquenous venons tout juste de l’aménager.Laporte au fond à gauchevous donneun accèsdirectàsachambreaucasoùilauraitbesoindevouslanuit.Ilaprisunsomnifèrecesoir.Voussereztranquillejusqu’àdemainmatin.«Pastrèsgrande»?Nousnedevionspasavoirlamêmenotiondel’espace.Monappartementétaità

peine plus spacieux que cette pièce ! Mais la décoration était, en effet, sommaire. Un lit king sizerecouvertd’un jetéde litbeigesur lagauche,deux tablesdechevetdepartetd’autre (avecceque jepensaisêtre le fasciculed’instructionsetunboîtiernoirsur l’une)et,sur ladroite,unearmoireetunecommodeenteck.Aucuntableau,aucunbibelot.Amberpointaundoigtversleboîtiernoir.— Vous pouvez aller où bon vous semble, mais ne sortez jamais sans le talkie-walkie. C’est la

premièrerègleàrespecter.Vousdeveztoujoursêtredisponible.Jepréfèrevousprévenir,Rickn’estpas

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quelqu’undefacile.Ilamisàlaportetouteslesaidesàdomicilequenousluiavonstrouvé,et…—J’ail’habitudedem’occuperdepersonnesrécalcitrantes,jesauraim’adapter.Cettefois-ci,ellesepermitunbrefsourire,puisfronçalessourcils.—Jevaisêtreclaire,mademoiselleDouglas.—Appelez-moiOceana…—MademoiselleDouglas,poursuivit-ellesanssesoucierdemoninterruption,cen’estpasRickqui

vousemploie,c’estmoi.Parconséquent,mêmes’ilvousditqu’ilneveutpasdevousdanscettemaison,vousnel’écoutezpas.C’estmoietmoiseulequidécide.Vouspouvezleremettreàsaplace,luiparlercommevousvoulez,celam’estégal!Enrevanche,sasantéetsasécuritésontprimordialespourmoi.Sivousdécidezdepartir,jevousdemanderaidemelaisserdeuxjourspourvoustrouveruneremplaçante.Lamainànouveautendue,elleattendaitquejelaluiserrepourscellernotreaccord.Jen’hésitaipas.

À trente-cinq mille dollars le mois, je ne pouvais pas me permettre de réfléchir à ses paroles, quisonnaientpourtantcommeunavertissement!—Bien.Jevouslaisse.Monchauffeurdoitêtrelà.Voustrouvereztouteslesindicationsdontvousavez

besoindanslefascicule.Lisez-le.Etn’hésitezpasàm’appelerencasdeproblème.Muette,jehochailatêteetluiemboîtailepas.Àl’extérieur,unchauffeurattendaitàcôtéd’unevoiture.—Çavabiensepasser,merassura-t-elleenmegratifiantd’unnouveausourire.Avais-jel’airsidésorientée?C’étaitsouventl’impressionquejedonnais.Jelesavais.MmeThomasnemedonnapasletempsderépondre;laportièredelavoitureserefermasurelle,me

laissantseule.Lesilenceretombasur lavastedemeure.Mêmepas le tic-tacd’unehorloge,oulebruitd’unrobinetquicoule.Lesilence.Assourdissantethostile.Sij’avaisétéunetortue,j’auraisbienviterentrétêteetpattesdansmacarapace.Maisjen’étaispas

une tortue. Et exténuée par mon voyage, je n’étais capable ni demanger ni de regarder un film à latélévisionetjegrimaçaisenpensantàlalonguelisted’instructionsquin’attendaientquemoipourêtrelues.Finalement,jerécupéraimesbagagesetrebroussaicheminjusqu’àmanouvellechambre.Lesroulettes

claquèrent dans les rainures du carrelage presque aussi fort que les battements demon cœur dansmapoitrine.Jejetaimonsacsurlelitaprèsavoirlaissélavalisedansuncoin,reportantàplustardledéballagede

mesvêtements,pourenvoyerunmessageàmamère.Bienarrivée.Jet’appelledemain.J’espèrequetoutsepassebien.Jtm,Nana.Lundi7août08:02p.m.Envoyé.Puis jem’approchaide la longuebaievitréeet j’observai le ciel, quioffraitun somptueuxdégradé

allantdel’orangeaubleufoncé.Lesoleilsecouchait.Commejel’avaisdeviné,lamaisonformaitunL.Alors que devantma chambre une piscine rectangulaire dominait le paysage, àma droite, je pouvaisapercevoirlesalon,lasalleàmangeretlacuisineplongésdansl’obscurité,ainsiqu’uneterrasseoùsetrouvaientunetable,deschaisesetunecuisined’extérieur.J’avais une soudaine envie de liberté ; la chambre était peut-être grande,mais j’avais l’impression

d’étouffer.Toutétaitsi impersonnel,parfait, lisse,propre…Jen’étaispaschezmoi…Jemesurprisàsourirebêtementenimaginantlesalonencombrédeslivresetdesjouetsd’Ethan.Troismois…Une boule d’angoisse se forma dansma gorge. J’ouvris la baie vitrée et sortis. L’air

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chaudethumideremplaçaleconfortdelaclimatisation.Jefisquelquespasverslapiscine,yplongeailamainpourapprécier la températurede l’eau.Parfaite.Je jetaiunrapidecoupd’œilautourdemoi : lamaison était plongée dans le noir. Il était épuisé, il avait pris un somnifère. Il dormait.MmeThomasl’avaitdit.J’ôtaimessandales,puismondébardeuretmonsoutien-gorge.Monshortetmaculotterejoignirentle

restedemesaffairessurlesdallesbordantlapiscine.Une vague de douceurme gagna dès que j’eus plongé un pied dans l’eau tiédie par le soleil de la

journée.Jem’immergeaiavecdélice.Aprèsavoirnagéunbonmoment,jesortis,trempée,récupéraimesaffaires et retournai dansma chambre. Trempée, je frissonnai, cherchai une serviette dansma valise,m’enroulaidedansetm’étendissurlelit.Troismois…Centcinqmilledollars.Untiersdelasommedontj’avaisunbesoindésespéré!Ma main chercha à tâtons le fascicule de Mme Thomas. Il était plutôt épais. Tant de pages pour

détailler lesbesoinsd’unvieuxmonsieur!Dudossiermédicalà l’entretienetaufonctionnementde lamaison,enpassantparlesnumérosdespersonnesàcontacter,toutyétait.Je feuilletai le fascicule jusqu’à la page Exigences de M. Rick Thomas. Goûts alimentaires,

déroulementdesesjournées,rendez-vousimportantspourlesprochainessemaines,heuresdelever,desiesteetdecoucher,visitesautorisées…Waouh!Ilyavaitmêmeunparagraphe«intimité»!Dans un gloussement, je fis voler les pages jusqu’au dossier médical. Merde. Ce type était un

ressuscité!Jefrissonnaiàl’énumérationdesmultiplesopérationsqu’ilavaitsubies.Ellesdataienttoutesdesixsemainesaumoins.Ilmesemblaitpourtantqu’àpartird’uncertainâge,lesmédecinslimitaientlesanesthésiesgénérales.Quelâgeavait-il,d’ailleurs?Jelus:—Fracturenondéplacéedutrochiterdroit(hautdel’humérus),immobilisationparplâtrepourune

duréedesixsemaines.—Deuxcôtesfissurées.—Fractureducoccyx,immobilisationdubassinpourunmois.—Fracturede ladiaphysedu fémurdroit, traitementpar cerclage, vis et plaques, appui interdit

pendanttroismois.—Doubles factures tibia/péronédroit et gauche, gouttièresplâtrées, appui interdit pendantdeux

mois.—Fracturedelamalléoleexternedroite,traitementparvis,appuiinterditpendantunmoisetdemi.Unressuscité!Unhommeridéparl’âge,plâtrédelatêteauxpieds!Unpeuplusmarrant:ildevait

fairesonnertouslesportiquesdesécuritésursonpassage.Jecontinuaimalecture:—Perforationdesintestins,traitéeparchirurgie.Àcejour,aucuneséquelle.—Rupturedelarate,traitéeparchirurgie,retraitdel’organe.Àcejour,aucuneséquelle.— Traumatisme crânien. Après trois jours de coma, M. Thomas a récupéré toutes ses facultés

motricesetcérébrales.Persisteencoreaujourd’huiunelégèreamnésiepost-traumatique.Cevieillardn’étaitpasunressuscité,c’étaitunrépudiéduparadisetdel’enfer!NiDieuniLucifer

n’enavaitvoulu!

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Chapitre2

Douchefroide

Jenesavaismêmepasqu’unecuisined’unetelletaillepouvaitexister.Enréalité,jelesavais,maisjen’enavaisjamaisvudepareille!Etilnes’agissaitpasseulementd’unecuisine.Lapièce,rectangulaire,étaitgigantesque.Descanapésencuirdisposésl’unenfacedel’autreaubout,

unetablepourdixpersonnesentouréedechaisesaumilieu,etlacuisinesurmadroite.Côtéjardin,uneverrièreremplaçaitlemursurtoutelalongueur.Toutétaitblancounoir,vitréoulaqué.J’avaispeurdeposerundoigtquelquepartetd’ylaissermes

empreintes.L’îlotcentralétaitaussigrandquelatabledelasalleàmanger:jem’imaginaisdéjàconfectionnerdes

tonnesdeplatsetdegâteaux!J’aimaisfairelacuisine.Ettoutlemondeappréciaitmacuisine.SurtoutEthan.Magorgeseserra.Je

repoussailavaguedenostalgiequim’envahissaitetpensaiaumessageréconfortantdemamère:Toutvabienici.Noust’aimonstouslesdeuxtrèsforts.Maman.Bon.Au travail.Petitdéjeunerà8heuresprécises ! Je fouillai lesplacards,cherchant farine,œufs,

lait,beurre,poêle…J’eusbiendumalàfairefonctionnerlamachineàcaféultrasophistiquéeetlaplaqueà induction pour préparer les pancakes de M. Thomas. J’étais bien loin de ma ridicule cafetière àl’italienneetdemapetitegazinière!Finalementaprèsunbonquartd’heure, jevinsàboutdematâche.J’avaissuivilesinstructionsàla

lettre.Assiettedesixpancakes,siropd’érable,mugdecafésanssucremaisavecunelichettedelait,letoutdisposésurunplateau,jepouvaisenfinservirM.RickThomas–aliasWolverine!J’avaissoignémonapparence,nevoulantpas,unefoisdeplus,passerpourunesouillonetavaisenfilé

unecombinaisonnoire, large,ceinturéeà la tailled’un lacetencuir.Unequeue-de-chevalpournepasêtregênéeparmescheveuxpendantlessoinsetjusteunepointederimmelsurlescils.Pasdefonddeteintnidefardàjoue,l’airhumideetchaud,au-dehors,nelepermettaitpas!Monplateaudanslesmains,jefrappaiàlaportedeRicket,aprèsavoirentenduun«entrez»secet

autoritaire,jem’exécutai.Les rayonsdusoleilpénétraientdans lachambreà travers lagrandebaievitrée. Jedevinai l’entrée

d’unesalledebainsfaceàmoi.Unegrandependeriesoutenaitlatêtedulitdanslequeljevislesdeuxjambes et le bras droit, plâtrés, deRickThomas.Au fondde la chambre, je vis un fauteuil roulant etd’autres appareils médicaux. Face au lit, un meuble hi-fi et un écran plat colossal diffusaient lesinformationslocales.J’avançaijusqu’aulit.—Bonjour,M.Tho…Oh!Merde!Monmaladen’étaitpasunvieillardàlapeauflétrieparl’âge,maisunputaindejeune

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homme !Mon cœur avait littéralement sauté dema poitrine ; j’en aurais fait tomber le plateau si jen’avaispasétéadroiteetsurtoutsimesmusclesnes’étaientpasfigés.Laboucheouverte,lesyeuxexorbités,jenesavaisplusquoifaire:sortiretrentrerunefoiscalmée?

Poser le plateau et revenir dans une heure ? Mon pouls s’affolait alors que deux yeux bleus medétaillaientavechostilité.Enfin,uneréactiondemoncorps:mesjouessemirentàrougirdevantl’hommeallongédanssonlit

médicalisé.—Quoi?hurla-t-il.Jefaispitiéàcepoint?Commesij’avaisreçuunélectrochoc,maboucheserefermaetmesmusclesserelâchèrent(enfin).La

têtedulitserelevapourluipermettred’êtreenpositiondemi-assise.Ilgrimaçalégèrement.Jemeretinsde lui demander s’il avaitmal. Je le détaillai : cheveux en bataille châtain clair, des yeux d’un bleumoucheté demarron surmontés d’épais sourcils, unnez trapumais court, unemâchoire saillante dotéed’uneombredebarbe,uneboucheauxlèvrescharnues.Parpitié,non!Pasça!Unplâtreimmobilisaitsonbrasdroitetlemaintenaitpliésursapoitrine.Deuxcicatricesmarquaient

sonflancetsonventreencoremuscléjusteau-dessusdunombril.Jen’osaismêmepasimaginercequ’ilétait avant ça…Mes yeux voulurent descendre plus bas, mais les doigts au bout de son bras valideclaquèrent.Monregardrevintàsonvisage.Sessourcilssefroncèrent.—J’espèrequec’estencorechaud,vuletempsquevousavezmisàpréparermonpetitdéjeuner.Était-iltoujoursdemauvaisehumeurlematin?Sansluirépondre,jecherchaiduregardoùposerleplateau.—Vousavezlaissévotrelanguesurlepasdelaporte?Ilpouvaitdirecequ’ilvoulait,jenerépondraispas.C’étaitunedemesqualitésprofessionnelles:je

savais faire abstraction de ce genre de commentaires. Je paraissais peut-être fragile, voire simplette,avecmescheveuxblonds,mesyeuxgrisetmapeaublanche;jen’enétaispasmoinsunepersonnequelavien’avaitpasépargnée(etqu’ellen’épargnaittoujourspas!).Peut-êtrequec’étaitpourcetteraisonquej’aimaism’occuperdesautres.Peut-êtreaussiqueçamepermettaitderelativiser.Quoi qu’il en soit, je ne ressentais aucune pitié. Rick remarcherait un jour, son état n’était pas

irrémédiable. Et il avait assez d’argent pour se payer des soins de qualité et une auxiliaire de vie àdemeure,cequin’étaitpaslecasdelaplupartdesAméricains!Jetrouvaiunetabletteàroulettes(ouunadaptabledanslelangagehospitalier)àlagauchedesonlitet

ydéposaisonplateau,lesourireauxlèvres.—Bonpetitdéjeuner,monsieurThomas.Avez-vousbesoind’autrechose?—Ellen’apasperdusalangue,commenta-t-ilenfaisantroulerlatablettedevantlui.Jecontinuaiàl’ignorer.Apparemment, iln’avaitbesoinderiend’autre.J’entreprisdevidersonpotdechambre,alorsqu’il

faisaitsemblantdes’intéresserauxinformationsdiffuséessurl’écrantoutenmangeantsespancakesausiropd’érable.La spacieuse salle de bains était carrelée du sol au plafond deminuscules carreaux de faïences de

différentesnuancesdegris:ilyavaitunedoucheàl’italiennedanslefond,unebaignoireaumilieu,deuxlavabosintégrésdansdesmeubleslaquésenfaceetdestoilettes.Jerinçailepot,lemisàsécheretrejoignismonpatient.Ilavaitrepoussél’adaptablesurlecôtédulit,

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certainementpourmesignifierqu’ilenavait terminé.Jepinçai les lèvresencomptantquatrepancakesdansl’assiette.Quelgâchis!— Je neme raserai pas aujourd’hui. J’ai rendez-vous avec le chirurgien demain, annonça-t-il sans

mêmemeregarder.Leshommesetleurspoils!Raséstroptôt,çalesbrûle,raséstroptard,çalesgratte!Je ramassai le plateau et le rapportai jusqu’à la cuisine avec une soudaine envie de respirer autre

chosequel’airsaturédetestostéronedesachambre.Justetroismois…Jeprislecheminduretour.Iln’avaitpasbougé.Bienentenduqu’iln’avaitpasbougé!Ilnepouvait

rienfairesansmoi.Saufpeut-êtreagitersa languedevipèrepourme lancerdes remarquesacerbesettapoterduboutdesdoigtslazappettedelatélévision.—Vousn’avezqu’àme laisserunebassined’eauet lenécessairede toilettesur la tablette, jevous

appelleraiquandj’auraifini.Son tonavait légèrementchangé. Ilévitaitdeme regarderetavaitmêmedélaissé la télévisionpour

fixerleplafond.Encoreunefois,jem’exécutai,puisjelelaissaiàsamauvaisehumeuretm’aventuraidanslejardin.L’airétaitchaud,maisrespirable.Jenepourraispasendireautantlorsquelesoleilseraitauzénith!Je

m’assissurlereborddelafenêtre,ledosappuyécontrelemur,lesyeuxfermésetlesoreillestenduestantôtversleclapotementdel’eaudelapiscine,tantôtverslepostedetélévisiondeRickquidiffusaitlesprévisionsmétéode lasemaine.Laspeakerineannonçait les températuresdes joursàvenir,quinedescendraientpasendessousde30°C,etlesrisquesdeprécipitations.—Fini,lâchamonpatientgrognon.Jemelevaietlerejoignis.L’odeurdesonsavon,àlafoissucréeetbrute,avaitparfumélachambre.

Voyantsesyeuxtoujoursfixésauplafond,jemeretinsderireenmedemandants’ilavaitfaitsatoilettecommeça.J’enfilaiungantdetoilettesurmamaindroiteet,alorsquejem’apprêtaisàletremperdanslabassine,

Rickmesaisitlepoignet.—Qu’est-cequevousfaites?Comment ça,qu’est-ceque je fais? Jemouille legant, je le savonneet je te lave lespartiesdu

corpsquetunepeuxpastoucher…Merde.Toucher.Soudain, j’avaisde l’empathiepour lui.M’imaginantàsaplace,prisonnièredecesplâtresetdece

corpsbriséetsurtoutdépendantedesautresaupointdedevoiraccepterquequelqu’und’autredusexeopposémefassematoilette.Latoilette.Unmotsimplequidésignequelquechosedesiintime.Est-cequej’auraisaccepté,moi?—Quelâgeavaitlaprécédenteauxiliairedevie?luidemandai-je.—Enquoiçavousregarde?OK. Je m’imaginai en pleine séance de yoga. Inspirer. Expirer. Bien entendu, je n’en laissai rien

paraître.—Nousallonsrepartiràzéro.Jem’appelleOceana.Jesuisvotrenouvelleaideàdomicile.Je…— Je sais tout ça, me coupa-t-il sans pour autant lâcher mon poignet, qui commençait à être

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douloureux.Jen’avaispaslamoindreenviedem’énerver.Çanem’arrivaitquetrèsrarementmais,quandj’étais

partie,jemettaisbeaucoupdetempsàmecalmeretjamaissanspasserparlaphase«torrentdelarmes».—Vousmefaitesmal.Ilregardasamainetdesserrasesdoigts,sanspourautantlâchermonpoignet.Jerepris:—Bon.Vuquevousn’êtespasenclinàfairedesefforts,jevaisvousexpliquermonpointdevue.Je

mefousroyalementdumembrequisetrouveentrevosjambes,jemefouségalementdesatailleetdesagrosseur, et encore plus de ce que vous faites avec, d’après le paragraphe « intimité » de la listed’instructions!Jeveuxseulementvousaideràfinircequevousavezcommencé.Àsavoirvousfrotterledosetnettoyervosjambes!Alorsquesesyeuxlançaientdeséclairs,àcemot,sonregardvacilla.—Paslesjambes.—Vousn’aurezqu’àgarderledrapsurvous…—Non,mecoupa-t-il.Jevousenprie.Tout.Maispaslesjambes.Surprise,jeplissailesyeux.Iln’étaitplusquestiondefiertémaisdeterreur.Jemedoutaisqu’ildevait

souffrir,aprèstoutescesopérations.—OK.Unautrejour.Samainmelâchaenfin.Ilcapitulait.S’aidantdelapotencesuspendueau-dessusdesatête,ilsepenchaenavant,m’autorisantl’accèsàson

dos,alorsquemamainreplongeaitlegantdanslabassined’eau,quasifroideàprésent.Il guettait chacun demes gestes, comme s’il appréhendait ce que jem’apprêtais à faire. Ses doigts

étaientcrispéssurledrapdulit.Jemerendissoudaincomptequejemeretenaismêmederespirer,depeurdeletraumatiser.Aufond,jepréféraisleRickbougonetméchant.—Ditesquelquechosequipourraitm’agacer,ordonnai-je.Sansmêmeréfléchir,illança:—IlsnevendentpasdemaillotsdebainàNewYork?Mon sang rejoignit mes sandales. Non. En réalité, il rejoignit mes joues. Elles devaient être

cramoisies.Malgrélaclimatisationetlegantmouillésurmamain,j’avaissoudainchaud.Trèschaud.Saremarquenem’avaitpasagacée,ellem’avaitnoyéedanslapiscineoùjem’étaisbaignéenue,la

veille…Jeprisunegrandeinspirationetposailegantfroidsursapeau.Ilfrissonna.Jecommençaiàlaverson

dosmarquédecicatrices.Jepinçaileslèvrespourmeretenirdeluidemandercequiluiétaitarrivé.Mesmouvementsétaientmécaniques,dépourvusdesensibilité–toutlecontrairedecequejefaisaisavecmespetitsvieuxduquartier.Ilfrémitdenouveaulorsquemamainlibreappuyalégèrementsursonépaulepourm’aideràatteindre

l’autreboutdesondos.—Plusdecinquante,jecrois,murmura-t-il,lavoixenrouée.Jenecomprispastoutd’abordcequ’ildisait.—Ellesavaienttoutesplusdecinquanteans,précisa-t-il.

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Elles?Combiendefemmesavait-ilmisesàlaportesansmotif?Jerinçailegant,repassaisurlestracesdesavonpourôterlamousseetm’endébarrassaienlejetant

dans la bassine. Je lui jetai sa serviette sur les épaules, l’essuyai rapidement et récupérai tout sonnécessairedetoilette.Devantlaporte,jedemandai:—Je supposequevousnevoulezpasvous lever ? J’aurai le talkie-walkie si vous avezbesoinde

quelquechose.Ilneréponditpas.Tantmieux!Pourl’instant,jenevoulaisplusl’entendre!Cethommeétaitquelqu’un

d’abjectetdeméprisant.Est-cequej’auraislecouragederesterlàtroismois?Ethan… ma seule réponse. Oui. Même s’il m’en coûtait de faire preuve d’indifférence envers un

malade,pourlapremièrefoisdemavie.Jene le revispas avant le repasdumidi. Il nem’appelapasune seule foisde la journée. Jene le

regrettaipas.J’avaisbesoindemefaireàl’idéeque,demain,j’allaisdevoirunenouvellefoisletoucher,etpasseulementsondos.Jedevaisaussiveillerà la rééducationdeses jambeset, tôtou tard,desonbras.Ce soir-là, avant deme coucher,ma conscienceprofessionnellem’incita à passer voir si tout allait

bien.L’écrandetélévisionéclairaitsonlitetsonvisage.Crispé.Lefrontplissé,lamâchoireserrée,ilnem’entenditmêmepasentrer,bientropconcentréàfairefaceàquelquechosequejeconnaissaisbien.Sadouleur.Jem’appuyaicontrelemur,hésitantàluivenirenaide.Jemehaïssais.Là.Toutdesuite.Pourhésiter.

Qu’importequiilétait,moijesavaiscequej’étais.Etçanemeressemblaitpasderesterlààrienfaire.—Vousavezmal?Iltournalatêtesivitequejecrusentendreunedesesvertèbrescervicalescraquer.—Qu’est-cequevousprenezd’habitude?—D’aborddutramadol,dit-ilentresesdents.—OK.Jetrouvailescomprimésdansl’armoireàpharmaciedesasalledebainsetluientendisun.Illegoba

rapidement.—Merci,dit-ilenfinsansmequitterdesyeux.Merci.J’avaisservisesrepas,nettoyésondos,vidésapissedanslestoilettessansqu’ilmeremercie.

Etlà,alorsquejen’attendaisrien,ilfaisaitpreuved’humanité.Peut-êtren’était-ilpassimauvais,aufond?Avantdequitterlapièce,jel’avertis:—Demain,nousferonsleschosesàmamanière.Oh,etpendantquej’ypense,fermezvosstores:je

compteprendreunbaincesoir.

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Chapitre3

Papillons

Cettenuit-là, jeneprispasplusdebaindeminuitqueRicknefermasesstores.Enrevanche, jefissouventlanavetteentresachambreetlamiennepourvérifierqu’iln’avaitplusmal.Chaquefois,c’étaitpareil : jepassaislatêtedansl’embrasuredenotreportecommune,ilplongeait

sesyeux,presquesansvie,danslesmienspendantquejescrutaissonvisageetsoncorpsàlarecherchedessignesdeladouleur.Puis,unefoiscertainequetoutallaitbien,jeretournaisdansmonlit.Finalement,àdeuxheuresdumatin,ils’endormit.J’éteignissatélévision,vidailepotdechambreetje

mecouchaiàmontour,mécontentedemoi.Jen’étaispasquelqu’undeméchant.Qu’importecequ’ilavaitfaitoucequ’ilferaitàl’avenir,jene

devaispasentenircompte.Lematin,alorsquejepréparaissonpetitdéjeuner,letalkie-walkiegrésillapourlapremièrefois.—Justeuncafé,Oceana,s’ilvousplaît.Jenesavaispassijedevaisbloquersurmonprénomousursonsoudainélandepolitesse!Justeuncafé.Je savais pourquoi il n’avait pas d’appétit. Son rendez-vous avec le chirurgien. Il redoutait une

mauvaisenouvelle.Quandonadéjàpassésixsemainesentravédansunlit,onn’apasenviedevoirlenombredejoursquirestentavantd’ensortiraugmenter.Rickavalasonmugdecaféavecdifficulté,leregarddanslevide.Iln’attenditmêmepasquejesorte

delachambreouquejeluitourneledospourcommencersatoilette.Jemeretiraidiscrètementdanssondressing. Sa garde-robe allait du simple short de bain au costard à mille dollars. Il avait plus devêtementsquetousleshabitantsdemonquartierréunis!—Oceana?Jeluimontrailatenuequej’avaischoisie.Ilhaussafranchementsonépaulesaineetsepenchaenavant

pourmelaisseraccèsàsondos.Sansmefaireprier,jeposaisesaffairesetattrapaisongantdetoilette.Cettefois,c’étaitdifférent.Il

nemeguettaitpas,ilsecontentaitdefermerlesyeux,latêtebaissée.—Pourquoivousnemeditespasqueçavabiensepasser?murmura-t-il.Sa question me prit au dépourvu. Je reposai le gant dans la bassine, résignée. Il avait besoin de

réconfort.S’ilavaitétéunenfant,jel’auraisserrédansmesbras.S’ilavaitétéunepersonneâgée,jeluiauraiscaressélefront.Maisc’étaitlui.Unjeunehommedemonâge.—Jen’aipasàdireça.Jenesaispas.Laseulechosequejepeuxvousdire,c’estquejeserailà,avec

vous.Sansm’enrendrecompte,j’avaissavonnémamainnue.Jefronçailessourcilsenpensantqu’iln’allait

pasapprécierquejeletouche.Maiss’ilétaitcommemoi?S’ilavaitbesoindefixersonattentionsurautrechosepouroubliersonprincipalsouci?

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Lesdoigtstremblantsetlabouchecrispéeparl’appréhension,jeposaimamainsursanuque.Cefutinstantané.Satêteseredressa,sespaupièress’ouvrirentetilfrissonna.—Sivousénoncezneserait-cequ’unsynonymedumotpiscine, jevousenfoncemesonglesdansla

peau,l’avertis-je.Jesentisqu’ilretenaitunrire.Sapeaubrûlanteglissaitsousmesdoigts.Mespassagesétaientnidoux

ni brutaux. Je ne l’effleurais pas. Je ne lemassais pas. Je le lavais. Simplement.Mes doigts avaientenvie, pourtant, de faire plus.Maisma conscience professionnelle les retenait. J’obligeaimes yeux àregarder le travaildemesmains,passonvisage,ni sesdoigtssur ledrap. Je regrettaipresqueque latélévisionsoitéteinte.—Merci,dit-ilunefoisquej’eusterminé.Jesouristoutenrejoignantlasalledebainsaveclesaccessoiresdetoilette.J’avaisréussi.J’eusàpeineletempsderevenirqu’ilétaitdéjàentrainderetirerlesgouttièresplâtréesdesesdeux

jambes, labouche torduepar ladouleur.Àmonapproche, il fronça lessourcilsetprécipitasesgestespourenfinir.Les muscles de ses jambes étaient amaigris par leur immobilisation forcée. Une cicatrice violette

marquaitsacuissedroitesurtoutelalongueur,deuxpetitessestibiasetdeuxautressamalléoledroite.Chaquecicatriceportaitlesmarquesdesagrafesôtéesdanslespremièressemainesquiavaientsuivilesopérations.Ellesétaientparfaites.Niboursoufléesniinflammatoires.Cen’étaitpas elles, leproblème.Leproblème, c’était lesmultiplesopérations sur sesmembres, le

découpageetleslésionsdesesmusclesetdesesnerfs.—Sivousnevoulezpasquejetouchevosjambes,vousmeguiderezetjemecontenteraideremonter

leshortpendantquevousvoushissezaveclapotence,luidis-je.Ilhochalatêteetpassaseulsesjambesdanslesouverturesdushort.Jerestaislà,malàl’aise,parce

quejenepouvaispasl’aider.Non.Parcequ’ilnevoulaitpasquejel’aide.C’étaitça,monproblème.Ilnem’acceptaitpas.Ilneme

faisaitpasconfiance.Il agita son bassin d’un côté puis de l’autre pour enfiler, avec l’aide de son bras valide, son short

jusqu’àmi-cuisse.Mesdoigtsnouésdansmondos,jemeretenaisd’intervenir.—C’estàvousmaintenant,dit-ilenfind’untonlas.Latêtetournéeversladroite,haletant,Rickévitaitdemeregarder.Jevoulaisluidirequej’étaistout

aussigênéequelui.Etsagênenourrissaitlamienne.—Finissons-en,cracha-t-ilenécartantbrutalementledrap.Ma vue n’eut pas le temps d’anticiper son geste – et je dirais même qu’elle se précipita sur son

membre.Waouh!Sij’étaisunhommepourvudumême…atout,jen’auraisaucunehonteàlemontrer!Jemesecouai,glissaimesdoigtsentrel’élastiquedesonshortetlehautdesescuisses.Ilsehissaàla

forcedesonseulbraspoursouleversonbassin.Mesyeuxsortirentpresquedeleursorbitesàlavuedesespectorauxparfaitementdessinés.Jedéglutisunenouvellefois.Alorsquemesmainsremontaientsonshortenhautdeseshanches,mesyeuxrencontrèrentlessiens.

Sonregardétaitinquiet.Ilétaitsiprès.

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Siprèsquejepouvaispresquesentirsachaleur.Toutétait tropprès.Mapoitrinedesonbuste.Mesyeuxàlahauteurdesabouche.Jeperdaispied.Moncœurfaisaitdesbonds.Monventresetordait.Mesjouesmebrûlaient.Monregardvacillait.Enfin,sonbrassedétenditlentementpourreposersonbassinsurlelit.Jelâchaiprise,meredressai

précipitammentettournailatêteàlarecherchedesondébardeur.Non.Enréalité,jemecachais.—Vousêtessûredevousfoutreroyalementdecequisetrouveentremesjambes?railla-t-il.Royalementquenon!—Jel’aiprislepluslargepossiblepourfairepasservotrebrasplâtré,annonçai-je.—Pourquoivousnemeditespascequevouspensezvraiment?Cequejepensaisdequoi?Jeluitendissondébardeur.Ilcroisalesbras.—Uneréponsepouruneréponse,ledéfiai-je.—OK.—Pourquoivousnemelaissezpasvousapprocher?—Jenecroispasque«approcher»soitlebonterme.D’autantquevousvenezdem’approchersans

quejevousenempêche.Jerougis.—Voussaveztrèsbiencequejevoulaisdire.—Siçapeutvousrassurer,dit-ilenfin,vousm’avezplusapprochéet touchéenvingt-quatreheures

quetoutesmesanciennesaidesàdomicileréunies.Alors,qu’est-cequevouspensez?—Laréponsenevapasvousplaire.—Jepensepouvoirsurvivre.—Vousêtesunhomme,jesuisunefemmeetjesuisloind’êtrelesbienne.Alorsjenesaispassi je

seraicapabledem’occuperdevous.Laseulechosequimeretientici,c’estlesalaireetpeut-êtreaussi,maintenant,cequevousvenezdemedire.Ilmedévisageaavecunetellehargnequej’eusl’impressionqu’ilmegiflait.Jel’avaisprévenu.Maiscommeill’avaitdit,ilsurvivrait.Plusunmot,plusunseulregardnemefutaccordé.Jen’eusdroitqu’àsonsilence.Dansl’ambulance.

Àlaradiologie.Àlacafétériadel’hôpital.Danslasalled’attenteduchirurgien.Ànotreretour.Ilrestafigéetcrispé,animéparuneragequejenecomprenaispas.Etmêmelorsquelechirurgienluiannonçalabonnenouvelle,ilsecontentadehocherlatête.Labonnenouvelle?Leplâtredesonbrasluiavaitétéôté.Sontrochiterétaitconsolidé.Rééducation

douce.Pasdecharge,nidetractionpendantquinzejours.Cesoir-là,commelaveille,jevisqu’ilsouffrait.Sansqu’ilnemedemandequoiquecesoit,jeposai

sonprécieuxtramadoletunebouteilled’eausursatabletteetfilaidansmachambre.J’avaisbesoinderéconfort.Jenevoulaisqu’uneseulechose.Entendrelavoixd’Ethanetdemamère.

Alorssansregarderl’heure,égoïstement,jem’emparaidemontéléphonepourlesappeler.Auboutde la troisième sonnerie, alorsque je faisais les centpasdansmachambre, j’entendisune

voix.Enrouéeetpresqueendormie.

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—Allô?—Oh,maman,situsavaiscommejesuisheureusedet’entendre.Je…CommentvaEthan?Nous nous étions promis certaines choses à ne pas dire ni évoquer, avant de partir. Que je lui

manquais.Qu’ilmeréclamait.Leseffortsqu’ilfaisait.Lesmauvaisespasses–siellesnemettaientpassasantéendanger.—Ilvabien,machérie.Netefaispasdesoucipourlui.Cematin,noussommesallésauparcet,cet

après-midi,nousavonsfaitdesgâteaux.J’essayaisd’imaginerlabouched’Ethanpleinedechocolat.—Ildort?—Oh,machérie.Ilest23heurespassées.Ethandortdéjàdepuisplusdedeuxheures.Je…tuveux

quejeleréveille?Moncœurseserra.J’avaisl’impressiondelequitterunesecondefois.—Nonmaman.Laisse-ledormir.Sajournéeadûl’épuiser.—Jesuisdésolée,machérie.Sesparolesmecaressaient,commesijepouvaismeblottiraucreuxdesesbras.—Jetelaisse,maman.J’essaiederappelerplustôtdemain.Enréalité,jenevoulaispasqu’ellecomprennequej’avaisbesoindepleurer.—Tuneveuxpasmeracontercommentçasepasse?Jementis:—Toutsepassebienmaman.Jetelaisse.Jet’aime.Etjeraccrochai,lesyeuxpleinsdelarmes.Cettenuit-là,jeneprispaslapeinedevérifiersitoutallaitbienpourRick.Jen’avaispaslaforcede

l’affronter. Je n’avais pas la force de me lever et encore moins de le voir m’ignorer. Et surtout, jecraignaisdeluihurlerqu’iln’étaitqu’unimbécile,qu’unjourilremarcheraitetqu’àcemoment-là,ilserendrait comptequ’il avait choisi de renoncer à vivre au lieudeprofiter du sursis queDieu lui avaitdonné.J’avais peur, aussi, car cematin, j’avais eu ces petits papillons dans le ventre. Ceux-làmême qui

pousseraientn’importequiàfaireuneconnerie.Ceux-làmêmequiavaientdisparu,cinqansplustôt.Etjenem’étaispasdonnéletempsdeleslaissers’épanouirpourquelqu’un.Lesjoursquisuivirentfurentmonotones–etaphones.Legantavaitretrouvésaplacesurmamain.Etlatélévisionmefaisaitlaconversation.Jemelevaisplustôtpourcourir.Jepassaisdesheuresdanslacuisineàpréparerdebonspetitsplats,

desheuresdevantlatélévisiondudeuxièmesalon,desheuresàregarderleplafond,desheuresànerienfaire!Levendredisoir,j’eusledéclic.JusteaprèsavoireuEthanautéléphone,quim’avaitcriédesmilliers

defoisqu’ilm’aimaitjusqu’àlalune.Justeaprèssonrireetsesconfidences:ilavaitcachéduchocolatsoussoncousin,ilétaitamoureuxdeMaelle,lapetitevoisine,jedevaisgarderlesecret.C’étaitmoiquiavaisri.Tellementquelorsquej’avaisraccroché,mesjambesm’avaientmenéejusqu’à

lachambredeRick.Mon sourire s’effaça de ma bouche à l’instant où mes yeux croisèrent les siens. Ils n’étaient pas

rageurs.Ilsn’étaientpasfroids.Ilsm’imploraient.

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—Vousavezmal?—Ondiraitqueletramadolnefaitpaseffetcesoir.—Qu’est-cequevousprenezquandçanesuffitpas?—Jeneveuxpasprendreplusfort.Jedormiraipendantdeuxjours,etladouleurseradeuxfoisplus

intenseaprès.—OK.J’allaistournerlestalonsquandilmerappela:—Oceana?Vousavezditqu’onferaitàvotremanière.C’étaitquoi?—Ladernièrefoisquejevousaiditcequejepensais,masincéritém’avalutroisjoursdesilence,

ironisai-je.Ilgrimaça.—Uneréponsepouruneréponse?—Pourquoivousavezréagicommeça?—Parcequejenesuispasplusattiréparlesmecsquevousparlesfemmes.Etquej’avaisbesoinde

réfléchir,desavoircequejevoulaisvraiment…—Etquelleconclusionenavez-voustiré?—Sijeréponds,çamedonneradroitàdeuxquestions.Ilsouritet,avantqu’iln’ouvrelabouche,jeposaiundoigtsurseslèvres.Jel’ôtaiaussisec.—Alorstaisez-vous.Ilsouritdeplusbelle.Jerougissais,j’enétaissûre.—C’estquoi,votremanière?—Çanevaencorepasvousplaire.—Jusqu’àprésent,messensnesesontjamaisplaintsdecequevousavezditoufait.Cramoisieetdéconfite!Ilauraitpudire«piscine»,c’eûtétélamêmechose!—Où?Oùavez-vousmal?—Mesjambes.Rienquedeledirelefaisaitsouffrir,etlapeurselisaitdenouveausursonvisage.Moiaussi,j’avais

peur.J’appréhendaiscequejem’apprêtaisàfaire.Finalement,jeprisladirectiondemachambre.—Enlevezvosgouttières,jereviens,soufflai-jesansmeretourner.Lespapillonsétaientencorelà,àl’affût.

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Chapitre4

Cetruc

—Ilvafalloirquevousmefassiezconfiance.Elle se tenait là, devantmes jambesmonstrueuses.Faibles.Douloureuses.Elle était là, à seulement

quelquescentimètresdemoi,lesmainsdansledos,avecsonmerveilleuxpyjama.Avait-elleconsciencedecequ’elleportait?J’auraisfeintd’avoirmaltouslessoirspourlavoirmarcherprèsdemonlit,poursentirsonodeurdevanille,pourappréciersoncorpsdanssonpetitshortensatinbleunuit.Etquediredesondébardeurdontlesbretellessifinestombaientsansarrêtdesesépaules?Illaissaitdevinerlaformerondedesesseinsmaisnecouvraitpaslehautdesonbuste.J’avaisenviedeluidirequeçan’étaitpasenellequejen’avaispasconfiance,maisenmoncorps.

Elle.Elle, je lui avais fait confiancedès l’instantoù elle avait posé sesyeux surmoi. J’y avais lu lacompassionetlachaleur.Aucunecrainte.Aucundégoût.Jesuisloind’êtrelesbienne.Qu’est-cequeçavoulaitdire?Quejel’attiraismalgrémesblessureset

monimpotence?Impossible.Quivoudraitdemoi,telquej’étaismaintenant?Mêmecellequej’avaiscruêtre l’amourdemaviem’avait rejeté.Celleque j’avaispassépresqueuneannéeentièreàcouvrirdebaisersautantquedecadeaux.Cellequim’avaitdemandédequittermesrêvespour lessiens.Poursedétournerdemoiàlasecondeoùj’avaiscesséd’êtrel’hommequ’elledésirait.Etpourcouronnerletout,ilyavaiteulaphrasedetropdemonpère:«C’esttafautesitueneslàaujourd’hui.Lesfemmesontbesoind’unhommestableetpasd’ungaminàlarecherchedesensationsfortes.»—Rick?Vousmefaitesconfiance?insista-t-elledesavoixdouce,ensorcelante.—Jenesuisplusàçaprèsmaintenant,murmurai-je.Quelcon!Biensûrquejeluifaisconfiance.J’espérais chaquematinqu’ellequitterait le gantde toilettepourme toucher. J’espéraisunnouveau

rendez-vous avec le chirurgien pourme noyer encore une fois dans ses yeux. J’attendais le soir pourl’entendrerireautéléphoneetpourvoirsatêteblondepasserdiscrètementdansl’embrasuredelaporte.Et maintenant, je voulais qu’elle touche une nouvelle fois mes lèvres de son doigt… J’en sentais

encorelachaleuretleparfum.Maréponsenel’avaitpasrassurée.Ladouleurdemesjambesdevenaitinsupportable.Çanes’arrêtaitjamais.C’étaitlancinant.Laseule

chose qui pouvait la calmer un peu, c’était de contractermesmuscles, sauf qu’avec les gouttières, latâcheserévélaitimpossible.—Fermezlesyeux,ordonna-t-elle.—Horsdequestion.Jenevoulaispaslavexer.—Jesuisdéjàclouédansunlit.—Alorsregardezailleurs,insista-t-elleenagitantsapetitemaindevantelle.

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J’avaisvraimentmal.Mesjambesmebrûlaient,etmesdoigtsnesupportaientplusd’êtrecrispéssurledrap.Maisjevoulaislavoirrougir.—Vousavezpeurdemoi?essayai-je.Loupé. Elle s’agita, disparut derrière la penderie. La lumière s’éteignit. Il ne restait plus que la

luminositédel’écrandematélévision.Jerécupérailatélécommandesurlatabletteetlafourraisousmonoreiller.Ellenem’auraitpas.Elle réapparutpar lagaucheet jetauncoupd’œilsur la tablette,à l’endroitoù la télécommandese

trouvaituninstantauparavant.Jenepusretenirunsourirevictorieux.Qu’elleviennelarécupérersiellelaveutvraiment!—Vousêtespeut-êtrebienéquipé(Dequoiparlait-elle?),maisjenecroispasquevotretélémarcheà

l’énergiesolaire.Elledisparutderrièrelelit,àmespieds,sibienquejedusmeredressersurmonbrasvalidepourla

voir.Elletâtonnaitsurlesol,àquatrepattes.Jevoyaislesillondesesreins,lanaissancedesesfesses.Elleneserendaitvraimentpascomptedecequ’ellefaisait!Latélévisions’éteignit,plongeantmachambredanslenoir.Moncœursemitàcourirunmarathon.Ma

respirationdevintplusdifficileettousmesmusclessecrispèrentàl’unisson.Sasilhouetteréapparutdevantmoi,uneombreparfaitementdessinée.—Latélévisionm’aideàpenseràautrechose,avouai-je.— Celle qui vous fait le plus souffrir : la droite ou la gauche ? murmura-t-elle en s’approchant

dangereusementdulit.Jesentisledrapremontersurmesjambes.Lentement.Jusqu’àmonbassin.—Droite.Jenevaispasyarriver,continuai-je.Jenesaispascequevouscomptezfaire…—Jevaismasservosjambes.Moncœurmanquaunbattement.Sontonétaitrésignéetamer.Commes’il luiencoûtaitdelefaire.Ellepritsontubedecrèmeet le

pressadansunedesespaumes.Jedéglutis.—Pourquoivousfaitesça?—Jenevaispasvouslaissersouffrir.Ellesedéfaussait.Encoreettoujours!Jevissesmainssefrotterl’uneàl’autre,laissantéchappersonodeur,quim’étaitdevenuesifamilière.

Etquejecommençaisàaimer.—Non.Pourquoivousnemedonnezpassimplementmamorphinepourpouvoirallervouscoucher?—C’estcequevousvoulez?Alorsqu’elleprononçaitcesmots,sesmainsseposèrentsurlehautdemacuissedroite.Simplement

posées,sidouces,maisdéjàsipossessives.Jedusm’agripperdeuxfoisplusfortaudrappournepasrâler.—Jecontinue?demanda-t-elle.

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Si je lâchais leouique jepensais si fort, comprendrait-ellequ’ilne s’agissaitpasqued’unsimplesoulagement?Oui,jevoulaisqu’ellecontinuejustepourapprécierlecontactdesesmainssurmapeau.Oui,jevoulaism’imaginerqu’ilyavaitlàplusqu’unbanalmassagethérapeutique!Maisilnes’agissaitpasdemondos.Ils’agissaitdemesjambesrepoussantesetlaides.Jedécidaidegarderlesilence.Sesmains humectées de crème glissèrent surma peau, diffusant leur chaleur. Elles circulaient d’un

bout à l’autre de ma cuisse, ébranlaient ma chair de la plus délectable des façons. Ma respirationdevenaitanarchique.Moncerveaum’envoyaitdesimagesinsenséesdesesdoigtssurmapeau.Jeperdaispied.—Ilfautvousdétendre.Tendu.Ohoui,j’étaistendudehautenbas.Etc’étaitpeut-êtrepourçaquej’étaistendu.Parcequeje

redoutaisqu’elledevinelabossequinaissaitsousledrap.Parcequejeredoutaisqu’ellenelafrôledesonbras.—Unaveupourunaveu?demanda-t-elle,brisantlesilenceNouveaujeu.—OK.C’était tout ce que j’étais capable d’articuler. Ses mains descendaient lentement sur mon genou –

toujourslemêmemouvement,toujoursaussibienfaisantetdangereux.Ladouleurcommençaitàs’estomper.Pourtant,j’étaistoujoursaussitendu.—Vousaviezraison,j’aipeurdevous,soufflé-t-elle.Peurdemoi?Jenevoulaispasqu’elleaitpeur.Non.Onne touchepasquelqu’undecettemanière

quandonapeurdelui!—Avectoutelavolontédumonde,jenepourraisrienvousfairedanscelit,lâchai-jefinalement.—Ça…Je…Laisseztomber.Jerêvaisouellebégayait?!Si j’avaisapprisquelquechosesurOceana,encinqjours,c’étaitbien

qu’elleneselaissaitjamaisdéstabiliser.Seulessesjoueslatrahissaient,maisellenes’énervaitpas.Ellenecriaitpas.Ellenepleuraitpas.Entouscas,pasdevantmoi.Bonsang.Avantmêmederéfléchir,mamainatteignitlalampedechevet.Lalumièreéclairasesjoues

écarlates,sesyeuxgrismefoudroyèrent.Elle ôta brusquement ses mains de mon tibia et les leva. La fraîcheur de l’air les remplaça

douloureusement.—Vousnevousrendezmêmepascomptedecequevousavezdit,dit-ellecalmement.Elleavaitretrouvétoussesmoyens.—Etvous,vousm’avezditquevousaviezpeurdemoi!Jenevousveuxaucunmal!Bonsang,non.Quedubien!—Jemesuismalexprimée.Laisseztomber.Ellemefitunsignedumentonendirectiondelalampedechevet,pourquejel’éteigne.—Unaveupourunaveu,vousavezdit.(Ellehochalatête.)Jeveuxvousvoirfaire.Elletressaillit.Blêmit.Maisdequoiavait-ellepeur,bonsang?

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—Prenezçapourdel’éducation.Sivousmemontrez,jesaurailerefaire.Mêmesijen’avaisaucuneenvied’apprendre!Jenevoulaisquesesmainsenvoûtantessurmapeau.

Seulementlessiennes.Ellerelevaunemècheblondeévadéedesaqueue-de-cheval,puislâchaun«OK»résigné.Non.Jenevoulaispasqu’elleserésigneàmescaprices.Tantpissijenelavoyaispas.J’éteignislalumière.Aussitôt sesmains reprirent leur travail.Délicatement.C’étaitcommeunecaresse.Cette fois, jeme

détendis. J’avais bien trop peur qu’elle me lâche une nouvelle fois. Je ressentais chacune de sesondulations.Chaque appui de ses doigts.Chaque frictionde sa paume.C’était puissant et enivrant. Jelaissaismêmelesfrissonsmesecouer.—Dequoiauriez-vousenvie?demanda-t-ellesoudain.Jemetendisinstantanément.—Vousvousrendezcomptecequevousmedemandez?—Oui.Jevousdemandecequivousferaitplaisir?Ellerecommençait.Quevoulait-ellequejeréponde!Quej’aimeraisramenermoi-mêmesamèchede

cheveuxderrièresonoreille?Quej’aimeraisfaire tomber labretelledesondébardeur le longdesonépaule?Quej’aimeraisqu’ellerougisseencorequandjeparleraidepiscine?—Oceana.Jesuisseul.Toutnusousundrap.Avecvousquimetouchez.Etvousmedemandezcequi

meferaitenvie?Jesuiscertainquevousnevoulezpasréellementlesavoir!Ellemelâchaaussitôt.Quelcon!—Allumezlalumière,ordonna-t-elle,tranchante.Jem’exécutai.Elleagitaundoigtentreelleetmoi.—Çan’estpaspossible,dit-elle.Jenepeuxpastravaillerpourvous.Jen’arrivepasàignorercetruc.

Moncorpsneveutpasignorercetruc.Jen’étaispasseul.Elleaussi,elleétaitattirée.Parmoi.—Demain,j’appelleraivotremèreetjeluidemanderaidevouschercherquelqu’und’autre.Savoixérailléemefitcomprendrequ’elleseretenaitdepleurer.Jemeredressaietattrapaiundeses

finspoignets.Ellesursautaetplongeasesyeuxgrisembuésdelarmesdanslesmiens.—Combienvouspaie-t-elle?—35000dollarsparmois,récita-t-ellecommesiellesel’étaitditdesmilliersdefois.—Jevousdonnerailedoublesivousrestez.Sonregardvacilla.Elleétaitsiprès.Monavant-brasfrôlaitlesien.—Jesauraitenirmalangue.Jenevousdiraiplusrien.Je…jeprendraidelamorphinetouslessoirs

s’illefaut.Mais,jevousensupplie,nepartezpas.J’auraisvoulupouvoirmemettreàgenouxdevantelle.—Cenesontpasvosparolesquimedérangent.Çan’estpasvous,leproblème.C’estmoi.Jelâchaisonpoignet,parpeurdelablesser.—Alorsjesuisunproblèmepourmoiaussi.—C’estmalsain,lâcha-t-elle.

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—Pourquoi?Vousavezunpetitami?Sessourcilsserelevèrent.Non,ellen’avaitpasdepetitami.Biensûrquenon.—Làencore,c’estmalsain!C’estcommesivousmeproposiezd’êtreplusquevotreauxiliairede

vie!—Vousêtesdéjàplusetvouslesavez,chuchotai-je.Son doigt se posa sur mes lèvres. Comme la première fois, son arôme de vanille chatouilla mes

narines. En revanche, cette fois, elle ne l’ôta pas. Je me retenais presque de respirer, dans l’espoirqu’ellenel’enlèveraitpastoutdesuite.Etiln’yavaitpasquecedoigt.Toutsonavant-brasétaitencontactavecmontorse.Ilsuivaitlerythme

demesinspirations.Mesinspirationstropbruyantes.—Taisez-vous,murmura-t-elle.Vousnesavezpascequevousdites. Ici.Danscettechambre.C’est

commesinousétions lesdernierssurvivantsde l’espècehumaine.Noussommescoupésde tout.Noussommes seuls. Tout serait différent si nous étions dehors. Vous ne me remarqueriez pas. Je seraissimplementvotreauxiliairedevie.—Impossible,réussis-jeàarticuler.Sondoigtseretira.—Jepensequevousn’avezplusmal.Dormez,maintenant.Jeresterai.Elle resterait !Jem’écrasaidansmescoussinspourmeretenirdesourirealorsqu’elle regagnaitsa

chambresansmeregarder,sesfessesàl’abridanssonpetitshorty.Jemeprécipitaisurletalkie-walkie.—Oceana?—Laporteestouverte,Rick.Vousn’avezpasbesoindecetruc.Malgrésaremarque,jecontinuai:—J’aienvied’unedouche.Elle réapparut dans l’encadrement de la porte, un sourire aux lèvres. Je laissai tombermon talkie-

walkiesurmonventrepourl’admirer.SoittousleshommesàNewYorkétaientaveugles,soitelleneleslaissaitpass’approcher!—Demain.Enattendant,dormez!Dormir?Bonsang!Siellehabitaitmesrêvescommeelleavaitcaressémesjambes,ilétaitcertainje

n’allais pas pouvoir dormir ! Ou je risquais de me réveiller dans la nuit, frustré, avec, pour uniqueconsolation,leseulplaisirquejepouvaism’accorder:mebranler!

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Chapitre5

Nouvellesrègles

Devantlapoêleàpancakes,jebâillaisàm’enfissurerlamâchoire.J’étaisépuisée.J’avaisàpeineeuletempsdeprendremadouche.J’étaistellementpâlequej’auraispuêtrefigurantesurletournagedeTheWalkingDead,avecmesyeuxcernés.Etquediredematenuevestimentaire…leggingnoiretdébardeurblanc.Jefaisaispeineàvoir!Etpourcause : j’avaiseuautantdemalàm’endormirqu’àmeréveiller.Manuitavaitétéplusque

perturbée, au point de penser qu’un rouleau compresseurm’était passé dessus.Chaque fois, c’était lamêmechose.Lemêmerêveérotique (et là, ilnes’agissaitplusdu rouleau,maisdeRick !).Lamêmeimpressionqu’iltenaittoujoursmonpoignet.Sibienquej’étaisalléejusqu’àtoucherl’endroitmêmeoùsamainm’avaitbrûlée.Desdizainesdefois!Ilnem’avaitpasfaitmal.Pascommelapremièrefois.Là,c’étaitaussipossessifquetendre.Etj’avais

aimé.J’aimais toujours.Àcausedece rêve. J’avais tant fantasmésur songeste, toute lanuit,quema tête

s’était persuadée que tout avait été bien réel. Ses lèvres dansmon cou. Samain libre surma nuque.L’autremaintenantmonpoignetau-dessusdematêteenfoncéedanssonoreiller.Sonbassinpressant lemien.L’odeurdebrûlédudernierpancake.Merde…Ça,çanefaisaitpaspartiedurêve.Jem’agitaisoudain.Lepancakerejoignitlapoubelle.Si

quelqu’unm’avait surprise à cet instant, la boucheouverte, les yeux fermés, la tête rejetée en arrière,accaparéeparmonfantasme,j’auraisétécommecepancake…GRILLÉE!Tantpis.Pasletempsdeprépareruneautrepâte.Iln’enauraquecinqcematin.Déjà9h30,soituneheureetdemiederetard…Leplateau.Siropd’érable.Caféavecunelarmedelait.Je fis la moue devant sonmug. Perchée dans mes pensées (sacrément bonnes pensées), j’en avais

oubliédedéjeuner.Troisgorgées.Justetroispetitesgorgées…Jeme tapotaidoucement les jouespourme réveilleret surtoutparaîtremoinsblafarde, et jepris le

plateau.Devantlaportedesachambre,jemarquaiunepause.Réfléchissantàcequejedevaisfaireaprèsla

discussionvraimenttrèsintimedelaveilleausoir.Devais-jecontinueràignorercetrucquimefaisaitorgasmiquementbienrêver?Oulelaisserm’offrirduplaisir?Justes’amuser?Simplementvivretroismoisdifférentsdemaroutinenew-yorkaise?Etaprès?Toutoublieretrepartircommesiderienn’était?Bizarrement,nosjeuxderéponsesetd’aveuxmeplaisaient,commed’excitantspréliminaires.Alors,nousallionsjouer.Sansfrapper, jepénétraidanscequicommençaitàdevenirmonringdeboxepréféré.Lalumièredu

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soleilm’éblouit,jeplissailesyeux.Paslongtemps.Ilss’écarquillèrentàlavuedesonsexedressé.—Bonjour,articula-t-ild’unevoixpâteuse.Jenevousaipasentenduefrapper.Ils’étiralentementenbâillant.Mesmainsnesavaientquefaireduplateau.Matêtes’évertuaitàtrouverunesolutionpourmesmains.

Mespiedsgigotaientauboutdemesjambespouraidermatête.Mabouchesemanifestaenfin.—Bonsang,Rick,couvrez-vous!Ils’exécutatoutenbafouillant:—Oh.Désolé,c’est…Jenelecontrôlepas.C’estcommeçatousles…—Taisez-vous!Jesaiscequec’estqu’uneérectionmatinale!Jecontournailelitetposaileplateausurlatablette.Ilnousfallaitvraimentdesrègles!Ilnepouvaitpasfaireçadèsledébutdelajournée!—Pendantquevousdéjeunez,jevaispréparervosvêtements.—J’aiunevisite?s’inquiéta-t-il.Jedécelaiunecertaineamertumedanssavoixmaism’abstinsdeposerlamoindrequestion.Çaneme

regardaitpas!—Non.Jenecroispas.Maislevépourlevé,vouspourrieztesterlecanapédusalonpourregarderla

télévision.J’enprofiteraipourchangerlesdrapsdevotrelit.Ilsempestentlavanille!Unsouriresedessinasurseslèvresalorsquesessourcilsserelevaient.—J’aimebienlavanille.Çanonplus,ilnepouvaitpaslefaire!Ilmefallaitvraimentréfléchiràdesrègles!—Vouspourrieztoutaussibienlefairependantquejemelave.—Pasdedouche,alors.—Sic’estun jeu,vousallezperdre. (Il fit rouler sa tablette jusqu’à lui.)OKpour lecanapé,mais

vousvenezavecmoi!—J’ailerepasàpréparer…—Jepourraisvousaider…aprèslecanapé…—C’estquoivotreplan,là?Jen’arrivaismêmepasàcroirequej’avaisditça.Aller sur le canapé ? Avec lui ?Manger des pop-corn et me blottir dans ses bras devant un film

d’horreur?Ilrécupérasonmugetjetauncoupd’œildedans.—Ilyaeuunsouciaveclamachineàcafécematin?s’inquiéta-t-il.GRILLÉE,commelepancake!—Passeulement;j’étaismalréveillée,j’ailoupélespancakesaussi,mentis-je.—Vousrougissez.Bonsang!Pourquoifallait-iltoutletempsquemesjouesmetrahissent!—J’aibutroisgorgées,jen’aipaseuletempsdedéjeuner.Réfléchissantàmonaveu,ilplissalesyeux.

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—Oùavez-vousposévoslèvres?demanda-t-ilenfin.—Jevaisvouschercherunautremug,sil’idéequemaboucheaitputouchercelui-làvousrévulse!D’abordétouffépuisplusfranc,sonrireemplitlachambre.C’étaitlapremièrefoisquejel’entendais.

Ilétaitdouxetmélodieux.Deuxpetitspliss’étaientformésaucoindesesyeux.J’étaisfrustréedenepascomprendre.Ilsefoutaitdemoi!Jememordisleslèvres.—Jesuisdésolé.Je…Ilétouffaunnouveaurire,seraclalagorgeetreprit:—Jevoulaissimplementposermabouchesurlavôtre.Jenepusm’empêcherdeleverlesyeuxaucielavantdem’enfuir.—Jevousavaisditquevousperdriezàcejeu,entendis-je.Ilvoulaitjouer?J’allaisjouer.Avecluietsesnerfs.Jerebroussaicheminetm’assisauborddulit.D’ungestevif,jeluidérobaisatasseetlaportaiàma

bouche le plus lentement possible. Après quelques gorgées, je la retirai, les yeux fermés, ma languelangoureusementappuyéesurmalèvresupérieure.—Délicieux,dis-jeenfinenrouvrantlesyeuxsursaboucheentrouverte.Gagné!Sonregardchargédedésirmerenvoyatoutdroitdansmonrêve,medonnantl’impressionqu’ilallait

faire valser la tablette et les pancakes grillés à travers la chambrepourme sauter dessus.Bientôt, ceseraitmoisonpetitdéjeuner,jemeservaissurunplateau!Unechaleurnaquitdansmonventre.Jenepusmeretenirdejeteruncoupd’œilàsabouche,roséeet

attirante,quiserefermaaussitôt.J’avaisétépriseenflagrantdélit!—Mangezmaintenant.Mercipourlecafé,dis-jeavecuncalmeforcé.Jemelevai,toujoursprisonnièredubleudesesyeux.—Douched’abord.Nousdéjeuneronsensembleaprès,grogna-t-il.Jemeretinsderépliqueretpréférailâcher:—Commevousvoulez.Ilétait sous ladouchedepuisaumoinsunedemi-heure : j’avaiseu le tempsd’aérer lachambre,de

changer ses draps, de remplir une machine à laver et de lancer le programme, et j’attendais, le dosappuyécontrelaparoidudressing,unsignedeviedesapart.Depuisquesondeuxièmebrasétait libre, iln’avaitpresqueplusbesoindemoipourmanipuler son

fauteuil.Grâceàlatailledelapièce,sesjambesmaintenuesenl’airparlescale-piedsnelimitaientpassesdéplacements.Dorénavant,iliraitàladouchetouslesjoursUnenouvellerègleàimposer!—Faischier!entendis-jesoudainmalgrélebruitdel’eauquicoulait.Jemeredressai.—Oceana?J’aifaittomberlasavonnette!Jen’arrivepasàl’atteindre!—Démerde-toi,chuchotai-jepourmoi-même.—Oceana!

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Zut!Demainj’attacheraislesavonàuneficellereliéeàsonfauteuil!—Jevousaientendu,dis-jeenentrantdanslasalledebains.Lachaleurdelapiècem’enrobainstantanémentalorsqueleparfumdecemauditsavonm’étourdissait.—Coupezl’eauetcachez-vous,soufflai-jedansl’amasdevapeur.J’avançailentementverslavastedoucheàl’italienne,oùilavaitfaitentrersonfauteuil.Ilétaitdosà

moi.Enentendantleclapotisdemessandalesdansl’eaustagnanteducarrelage,iltournalatête.—Elleestdanslecoin,là-bas,m’indiqua-t-il.Bienentendu,ellenepouvaitpasêtrevers l’extérieurde ladouche,mais forcémentà l’autrebout !

Mauditesavonnette!Moncœurmartelaitmapoitrine.Tousmessensétaientenalerte,envoyantdessignauxàmoncerveau.

C’étaitunguet-apens!Lavapeurcommençaitàsedissiper.Jevoyaislasavonnettecontrelemur,devantRick.Jecontournai

lefauteuiletjelaramassai.PuisjelatendisàRickenévitantdeleregarder.—C’estladernièrefois,l’avertis-je.Sonregardfroidetperçantmefitfrissonner.—Vouspensezque je l’ai fait exprès !Vousnecroyezpasquec’est assezdifficilepourmoi ?De

savoirquejenepeuxrienfairesansvous?Jefislamoue.Ilvenaitdeselavertoutseuletilprétendaitqu’ilnepouvaitrienfairesansmoi!Je

levailesyeuxaucieletfitvolte-face.C’estalorsquelasemelleencuirdemasandaledroiteglissasurlecarrelagetrempé.Lagauchesuivit

alors quemesmains s’évertuaient à trouver une prise.D’un côté, lemur embué se déroba sous l’uned’elletandisquel’autretrouvait,troptard,sonbonheursurlemitigeur.Troptard,j’aidit!LebrasvalidedeRickm’avaitretenue,ramenéeverslui.J’étaisassisesursescuisses.J’étaisaussitrempée!Enm’accrochantaumitigeur,jel’avaissoulevé.L’eaucoulaitàflots,sefracassantdansunbruitsourdsurlecarrelagetraître.Àtraversletissutrempédemondébardeur,jepouvaissentirlachaleurdeRicksurmapeau.J’étais

captivedesonemprise–etdemesenvies.Saboucheétaitàquelquescentimètresdelamienne.Cettebouchequeseulmondoigts’étaitautoriséà

toucherjusqu’àmaintenantetquemesyeuxfixaientintensément,commes’ilspouvaientlacaresser.Sonsouffle,aussianarchiqueetprofondquelemien,nefaisaitqu’accroîtremondésirdel’aspirer.Tout devenait délicieusement machiavélique. De l’atmosphère confinée au creux de ses bras, aux

battementsdemoncœurdansmaculotte.Oui.Jenedésiraisqu’uneseulechose,qu’ilmepossèdeunpeuplus de sa chaleur, qu’il me domine un peu plus de ses muscles, et que sa bouche m’arrache desgémissementsdeplaisir.Sonbrasdroitmequitta,pourquesamainpuisseécarterunemèchedemescheveuxcolléeàmajoue.

Unecascadedefrissonsdévalalelongdemoncou,m’arrachantunsoupir.Cegeste…Cen’étaitpasungestedesauvegarde,niuneffleurementinvolontaire,commelorsquejel’avaisaidéà

s’habiller.Non.Ilavaitposésamainsurmajoueparcequ’illedésirait.—Malsain,vousavezdit?murmura-t-il.

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Sonpoucecaressamalèvreinférieure.Oui.Délicieusementmalsain.—Commentfaites-vouspourrésisteràcetruc?continua-t-il.Jem’imposaisdesrègles…—Sivousrestezsurmoiuneminutedeplus,jenepourrai…Mondoigtlebâillonna.— Taisez-vous, murmurai-je, haletante, alors que mon sexe tentait de se rebeller. Une semaine.

Donnez-moiunesemaine.Unesemaineavecmesrègles.Si,àl’issuedecettesemaine,ilyatoujourscetruc… jevous laisseraidictervospropres règles. (Il hocha la tête sousmondoigt toujours collé à sabouche.)Lapremière : caleçon,ou slip,oucequevousvoulez,maisvousnedormezplus toutnu. (Ilsourit.)Ladeuxième:douchetouslesmatinsetensuitepetitdéjeunerdanslasalleàmanger,unlitçasertà dormir. (Je repoussai mon désir d’y faire autre chose alors que ses sourcils se relevaient.) Latroisième:vousnemeregardezpluscommevouslefaites,ouentouscasvousvousmontrezplusdiscret.Laquatrième : plus aucun sous-entendu.Aucun.La cinquième : la savonnette reste dansvosmainsouattachéeparuneficelleàvotrefauteuil.(Ilsourit.)Lasixième:vousfaitesvosexercicesderééducationtouslesjours,sansrechigneretseul,jeneserailàquepourvousguider.(Là,ilgrimaça.)Laseptième:sortie obligatoire tous les deux jours à l’extérieur, je vous laisse le choix du lieu et de l’heure.Vouspréférezmesmainsouvotretramadol?(Ilappuyasabouchesurmondoigt,mefaisantcomprendreainsiqu’ilrejetaitlesmédicaments.)OK.Huitièmeetdernièrerègle:jeviendraitouslessoirsvousmasser,enrevanche,sivousmanquezàuneseuledesrèglesprécédemmentcitées,iln’yaurarien…nimains…nitramadol.Sestraitssedurcirent.Ilpritmamainetôtaavecdouceurmondoigtdesabouche.L’eauchaudecoulaittoujoursabondammentsurnous.Latensiondesesmuscles,contremoncorps,me

faisaientvibrerdel’intérieur.J’étaisauborddumalaise.—Ellesprennenteffetàpartirdequand,vosrègles?Savoixrauquemefitfrémird’avantage.Jedéglutisentredeuxbattementsdecils,enproieàlapanique.Sesdoigtss’ancrèrentsurmamainà

présentposéesursontorseimposantetmusclé.Justeau-dessusd’unedesescicatrices,àl’endroitmêmeoùsoncœursemblaitvouloirs’extirperdesacagethoracique.Commelemien.Acharnéetfracassant.—Maintenant,réussis-jeàdire.—OK.Mais j’ajouteunedernière règle.Laprochaine foisquevous touchezmaboucheavecvotre

doigt,jevousembrasse.Jen’euxpas le tempsde lui répondre, ses lèvresétaientdéjàcolléesauxmiennes.Toute la tension

accumulée dans mon ventre sembla se précipiter dans mon entrejambe, faisant pulser mon sexe quis’embrasait.Unbaiserfougueuxethâtif.Instinctivement,j’yrépondis.M’aidantdemamainsursanuque.Appuyant

de toutesmes forcesmes lèvres sur les siennes, alorsque sa langue s’immisçait dansmabouche à larecherchede lamienne.Si longueet sidure…Jen’osaismêmepas imaginercequ’ellepourrait faireplus bas sur mon corps. Un gémissement s’échappa de sa bouche. À la limite entre la plainte et lesoulagement.Seslèvresdélaissèrentlesmiennesetdescendirentsurmonmenton,moncou,dégustantmapeau.Mon cœur martelait ma poitrine. Je suffoquais sous son assaut. Ses baisers se faisaient plus

passionnés,incontrôlables.Unpeucommemespenséesrationnelles,écartéesenblocparmespulsions.Dansunrâle,sabouchequittalehautdemonbuste,remplacéeparsonfront.Pantelante,jesentisses

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musclessetendre,commes’ilsoulevaitunechargehorsducommun.—Nous…commença-t-il,laissantsaphraseensuspens.Jeconnaissaislasuite.Nousallionsfaireuneconnerie!Bienquebelleetdélectable,çaresteraitune

connerie!Iln’yauraitplusdelimites.Iln’yauraitplusderègles.Commelahuitièmeetdernière.Leseulplaisir

quejem’accorderais.Pouvoirletoucher.Enunbaiser,ilvenaitdelesbalayer.Jesouris,haletante,danssescheveux,alorsquesonsouffleembrassaitmapoitrine.—Puni…soufflaije.Pasdemassagecesoir.Ilseredressa,leslèvresencoregonfléesparnosbaisersetlesyeuxpétillants,etmurmura:—Çaenvalaitlapeine.Etilavaitraison.Lesrèglesétaientfaitespourêtretransgressées,aprèstout…

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Chapitre6

Mantereligieuse

Cen’étaitpaspossible,ellelefaisaitexprès!Vêtued’unmaillotdebaindeuxpiècesrouge,Oceanalisaitunlivre, lespiedsdansl’eau.Jedevais

presqueplisserlesyeuxpourlaregarder,tantlesrayonsdusoleilsereflétaientsursapeausiblanche.D’ailleurs,elleneresteraitpasblanchelongtemps,siellerestaitlà.—Tum’écoutes,Rick?MesyeuxquittèrentOceanapourmamère,assiseenfacedemoidanslesofaencuirdugrandsalon,

dosàlapiscine.Assisdansmonfauteuilroulant,jen’avaisqu’àfaireglissermonregardpourobserverlabaigneuse.Discrètement.Mamèreétaitarrivéelematinmême.Jenem’étaispasrenducomptequenousétionsdéjàmardi,jour

devisite.Etlatêted’Oceanalorsqu’elleavaitentendulaported’entrées’ouvrirm’avaitapprisquejen’avaispasétéleseul.—Bienentendu,maman.TuparlaisdeGeorges,répondis-jeenfin.En réalité, j’avais juste perçu quelques bribes de phrases concernant l’hôtel géré par mon frère

Georges àNewYork. Jeme foutais royalement des hôtels de la famille.Ça avait toujours été le cas,d’ailleurs.Jen’avaisfaitminedem’yintéresserquepourfaireplaisiràKristen,quivoulait,commemonpère,quejereprennelagérancedeceluideMiami.Mamâchoiresecrispa.J’avaistoutfaitpourelle.Vendumonclubdesportaquatiqueetpromisàmonpèrededevenirledirecteurdesonprestigieuxhôtel.Et maintenant ? J’en étais là. Dans cette maison, sans elle, sans mon affaire et sans aucun revenu,dépendantdemonpèreetdesonhôtelderiches!Oceanaavaitposésonbouquinetnageaitdanslapiscine.Unevraiesirène!Lescheveuxramenésen

unchignonbienhaut,lunettesdesoleilsurlenez.Jenevoyaisplusquesesbrasetsatête.—JedoisvoirlamèredeKristendanslasemaine,annonçamamèreavecdésinvolture.Jeluilançaiunregardquiendisaitlong.Ellel’avaitfaitexprès!—Jeneveuxriensavoir,lâchai-jed’untonacerbe.—Kristenreviendra.Tulesaistrèsbien…—Nedispasça,maman.Jenesuismêmepassûrdevouloirlarécupérer.Non,jen’enétaisplussûr.—Tuesunidiot,monfils.Tucroisavoirétéleseulblessédanscettehistoire?Kristenaeulapeurde

savie…Çarecommençait.Jelevailesyeuxauciel.— Elle m’a quitté parce qu’elle pensait que je n’allais jamais m’en sortir, et tu continues de la

défendre.Sic’estpourmeparlerd’ellequetuesvenue,tupeuxrepartir.Troisjoursaprèsmasortieducoma,monmeilleurpote,Carl,étaitvenum’annoncerqu’elleavaitplié

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bagage…Leslèvresdemamèresepincèrent.—Non.Jevaisdemanderàtonassistantedeviedenouspréparerquelquechoseàmanger.—C’estdéjàprêt,sifflai-je.Maisjevoudraisqu’elleaillemechercherquelquestrucsenville.—Dequoias-tubesoin?Jepeuxdemanderàmonchauffeur…—Non.LaisseOceana (Elle tiquaà l’énoncéduprénom.)yaller,ça lui feradubiendequittercet

endroitquelquesheures.Jefistournermesrouespourm’avancerjusqu’aupetitmeubleplacédansl’entrée.J’ouvrisuntiroiret

ensortislesclésdemaJeep,macartedecrédit,unblocetunstylo.Jegriffonnaissurunefeuillecedontj’avaisbesoin–ouplutôtcedontelleauraitbesoin :de lacrèmehydratantepour ses futurscoupsdesoleil,unerobebleueàsatailleet…unedernièrechosepourlefun.Jepliaidélicatementlepapierenquatreetrepartisverslesalon.Oceanan’étaitdéjàplusdansle jardin.Jeregrettaid’avoirratésasortiedelapiscine,quim’aurait

rappelésonpremiersoiràlamaison.Mamèrem’observait,deboutdanslacuisine.Sonregardsévèreendisaitlongsurlaconversationqui

m’attendait.Manifestement,elledésapprouvaitmarelationtropamicaleavecOceana.Parfois,jemedemandaissijefaisaisvraimentpartiedecettefamille.Pourelleetmonpère,richesse

etgentillessenes’employaientjamaisdanslamêmephrase.Aucuneaffectionpourlepersonnel,toutjusteune politesse glaciale. Par personnel, j’entendais les employés des hôtels et ceux de leur immensedemeure,enpassantparleurchauffeur,dontj’étaiscertainqu’ilsneconnaissaientmêmepasleprénom,jusqu’auchefcuisinier,quitravaillaitpoureuxdepuissilongtempsquejenem’ensouvenaismêmepas.Alorsm’entendreappelermonaideàdomicileparsonprénom,alorsquejen’avaisjamaisacceptéles

précédentes…Mamèrem’avaitvudanslesalon,raséethabillé,certainementunpeuplussouriantqued’habitude;ellem’avaitmêmesurprisentraindefairemarééducation.Elleavaitdûentirercertainesconclusions.Qu’est-ce que j’allais dire à ma mère ? Même moi, je ne savais pas quoi penser. Cette fille me

perturbait.Etquediredecebaiser.Bonsang.C’était……toutaussidélicieuxquemauvais.Passonbaiser,non.Loindelà.Ellemel’avaitsibienrendu.Nos

lèvress’étaientassociéesàlaperfection,commesilessiennesavaientétécrééespours’imbriquerauxmiennes.J’auraispresquepuavoirunorgasmeàlasensationdesabouchesurlamienne.Etquediredesesfrémissementsauxpassagesdemalanguesursapeau…J’auraispubanderrienqu’à

ypenser.Etc’étaitencelaquec’étaitmauvais.Oceanaavaitraison,c’étaitmalsain.Pasparcequejepourrais

avoirunrapportsexuelavecelle,monaideàdomicile,non.Nousétionsdesadultes.Maisparcequejerefusaisd’enavoirunsanspouvoirfairecequejevoulaisavecmoncorps.Alors,enquelquesorte,jesupposaisquesesrèglesm’arrangeaient.Lepremierjour,jelesavaisquasimenttoutestransgressées.Jen’avaisrienàperdre,puisquej’étais

déjàpuni.Surlecanapédusalon,jel’avaisépiéeouvertement,alorsqu’elleessayaitdésespérémentdetrouver

un film susceptible de me plaire. Finalement, elle avait choisi, volontairement, une de ces chaînes

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soporifiques sur lesanimaux.La reproductiondesmantes religieuses !Et là, la situationétaitdevenuecocasse. Je m’en étais donné à cœur joie… sur ce truc entre nous… comparant la période dereproductiondesmantes religieusesà saprésencechezmoi, lamêmedurée, lamêmesaison,d’août àoctobre.Puisellem’avaitfaitfrémirenrépétantavecsarcasme,laphrasedelaspeakerine:Parfois, ilarrive que la mante dévore le mâle pendant ou après l’accouplement. Elle commence par la têtependantquelecorpsdumâlecontinueàcopuler.Stop.C’étaittroppourmoi!Elleavaitgagné.En revanche, j’avais énoncé le mot « truc » des centaines de fois. J’avais refusé de faire ma

rééducation,prétextantquelesoir,j’allaiscertainementavoirtrèsmaletqu’ellem’avaitdéjàavertiquejen’auraisniantalgiquesnimassages.Malgrétout,j’avaiseuhorriblementmal…toutelanuit…etelleavaittenu.Jel’avaisdéfiéetoutela

journée,ellem’avaitlaissésouffrir.Le dimanche, je m’étais, du coup, montré froid et distant. Pas un regard. Pas un sourire. Pas une

politesse.Jeluienavaisvouludem’avoirlaisséavecmadouleuretjel’avaispresquedétestéepourça.J’avaispenséque,blesséeouvexée,ellefiniraitparexploser.Saufqu’ellen’enavaitrienfait.Ellenes’était montrée que pour mes repas et pour mon coucher ; le reste de la journée, elle l’avait passéeenferméedanssachambre,àfairejenesaisquoi.Cesoir-là, j’avaisentendu lesgrésillementsde sonémetteur.Elle s’était contentéedemedemander

d’unevoixlaconique:«Avez-vousmal?»,alorsqu’ellesetrouvaitdanssachambrevoisine.Oceana n’utilisait jamais le talkie-walkie. Jamais. Là, j’avais compris que je n’avais été pour rien

danssoncomportementpassif.J’avaisaussicomprisquesielleavaitutiliséletalkie-walkiec’étaitparcequ’elle ne voulait pas semontrer.Alors j’avaismenti. Je lui avais répondu que non,même s’ilm’encoûtaitdesouffrirunenuitdeplus.Etj’avaisculpabilisé.Pouravoirétésiconavecelle,toutelajournée,alorsqu’ellen’étaitpasbienet

quej’auraispuessayerdelafairesourireourougir!Etjem’enétaisvouluparcequejenepouvaispaslarejoindredanssachambrepourmerattraper,laconsoleroufairejenesavaisquoid’autre!Justeêtrelà!À cause de ces foutues jambes qui n’étaient pas encore assez solides pour supportermonpoids.À

causedecefauteuilrangétroploindulit.Àcausedemoi,parcequejen’avaispasfaitunseulexercicederééducationpendantseptsemaines.Lelundiavaitsignémonnouveaudépartavecelle.Ellevoulaitquej’obéisseàsesrègles.Jelesavais

toutesrespectées.Saufune.Nepaslaregarder.Ça,çam’étaitimpossible!Jenepouvaispasm’empêcherdesourirelorsqu’elle

rougissaitoudefixersabouche.Non.Règlerejetéeenblocparmatête,mesyeux,moncorps.Elleneserendaitmêmepascomptedecequ’elleétaitpourmoi.Etmoinonplus,àvraidire.Ceque jesavais,c’étaitjustequ’elleétaitcetrucenplus.Commejem’yattendais,elleavaitsurmontésadéprimedelaveille.Melaissantmêmepenserqu’elle

n’avaitexistéquedansmatête!Elleavaitretrouvécepetitairnaïfetcandidequej’appréciaistant,ellesouriaitfacilementetavaitacceptédepasserlajournéeentièreavecmoi.Nousavionspassélamatinéedanslesalon,moiallongédanslecanapé,elleassiseparterre,satête

appuyée contre mon flanc, à regarder une partie de la première saison de Grey’s Anatomy. C’étaittoujoursmieuxquel’accouplementsordidedesmantesreligieuses.Bienentenduj’avaisétéobligédemerongertouslesonglesdesmainspournepaslatoucher!Puis,l’après-midi,j’avaisfaitmarééducationpendantqu’elleenchaînait lesexercicesdegymnastique.Bonsang, ses fessesdanssoncollantnoirdedanseuse!Heureusementqu’elleétaitdedos,sinonj’auraisétépuniunenouvellefois!

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—Voilà,jesuisprête.Àquelleheuredésirez-vousquejerentre?Lavoix timided’Oceanam’arrachaà la contemplationmornede labaievitrée. Je ladétaillai.Bon

sang ! J’aurais aimé sortir avecelle. J’étais incroyablement jalouxde tousceshommesqui allaient laregarder.Sonshortenjeanétaittellementcourtquesontopblanclecouvraitpresque!Elleavaitmêmedétachéseslongscheveuxblonds,quidévoilaientàtraversleursmèchesuneépauledénudée.Elleplissalesyeuxetsegrattalagorge.Jel’avaistropregardée!Jepriaipourqu’ellenemepunisse

paslesoir.—Jeseraispartieà15heures,l’informamamèred’untonagacé.Elleluisouritpolimentetrépondit:—Trèsbien.Jevaisappeleruntaxi…—Pas la peine.Tenez (Je lui tendis les clefs dema Jeep.), faites-y attention, je comptebienm’en

resservirunjour.Etvoilàcequ’ilmefaut.Ellerécupéramesclésetmacartedecrédit,lesfourradanssonsacàmainetpritmonpapierqu’elle

déplia.Ellerougitinstantanément.C’étaitexactementlaréactionquej’attendais.Jevoulaislavoirrougiravantqu’ellenemequitteetmelaisseavecmondragondemère.Sansunmot,ellefitvolte-faceets’éloigna.Bonsang!Sesfesses…Soudain,elleseretourna.Sesyeuxgrisaffrontèrentlesmiens.—Vousavezunepréférencedeparfumspourleschewing-gums?demanda-t-elleavecmalice.Etlà,jelesavais,j’allaisêtrepunipourmaréponse…—Àlavanille!Mêmesijemedoutaisqu’ellen’entrouveraitnullepartpuisqu’ilnes’agissaitpasdechewing-gums

maisdepréservatifs!—J’espèreêtrerentréepour15heures,alors!Elleoffritunnouveausourireàmamèreetsortitdelapièce.Laported’entréeclaqua.Levisageferméetcrispé,mamèremetoisaitcommesiletypeenfauteuilroulant,devantelle,n’était

passonfils.Pourtant, c’était bienmoi.Celui qu’elle aimait à sa façon.Bien entendu, elle nem’avait pas rejeté

commemonpère,bientroporgueilleuxpouraccepterlefaitquesonfilsneluiseraitplusutileavantunbonmoment, l’avait fait,mais elle aurait aimé que je sois différent. Plus commeGeorges,mon frère,autoritaireetréaliste–àleurimage.—Bon,tuvaspeut-êtrepouvoirm’éclairersurcesoudainchangementdecomportement,commença-t-

elle.S’il ne s’agissait que de ça ! J’étais certain de pouvoir lui répondre,même s’ilm’en coûtait de ne

raconterqu’unepartiedelavérité.—Tul’asdittoi-même,Kristenreviendraunjour.Etcejour-là,jeveuxpouvoirêtrecapabledetenir

surmesdeuxjambes.Bientôt17heures,etellen’étaittoujourspaslà.Jefaisaislescentpasdevantlaported’entrée.Façon

deparler.Lesmainscramponnéesàmesroues,jepassaisdusalonàlaporte,espérantlavoirs’ouvrir.

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La première demi-heure, je m’étais dit qu’elle n’avait pas vu le temps passer mais, durant lessuivantes,j’étaispassépartouteslesémotionsnégatives.Latristesseetlechagrin:jem’étaisditqu’elleétait partie et qu’elle ne reviendrait jamais – j’avais même pensé à appeler le service GPS pourgéolocalisermavoiture.Puislaterreuretlapeur:illuiétaitarrivéquelquechose.Siellen’étaitpaslàà18heures,j’appelleraistousleshôpitauxetcliniquesdeMiamipoursavoirs’ilsavaientreçuunejeunefilleblondeauxyeuxgrisdanslajournée.Lebruitdumoteurde laJeepmefitmeredresser instantanémentsurmonfauteuil,commesi j’avais

reçuuncoup.Jemeplaçaifaceàlaporte,lespoingsferméssurmesjambes,douloureusesd’êtrerestéessurlescale-piedstoutelajournée.J’entendissespasprécipités,et,enfin,laportes’ouvritsurelle.Premièreidée,fugace.Elleétaitsaineetsauve.Deuxièmeidée,écrasante.Oùétait-ellependantquejem’inquiétais?Sansserendrecomptedel’étatdanslequelj’étais,ellerefermalaporte,essouffléemaissouriante.—Jesuisdésolée,lança-t-elleprécipitamment.Ellesedébarrassadesespaquetsetdesonsacàmainetdaignaenfinmeregarder.Ellefrémit,recula

d’unpas;sonsourires’effaça.Dire que jem’étais fait un sang d’encre pour elle ! Elle qui débarquait deux heures après l’heure

convenue,avecsajoieetsabonnehumeur!—Oùétiez-vous?J’avaiscriécesmots.—J’aieuunsouciavecvotrevoiture.Nevousénervezpas,s’ilvousplaît.Elleagitasesmainsdevantellecommepoursedéfendre.Ellesétaientnoircies.Sontopblancetses

cuissesmontraientqu’elleavaitessayédelesessuyer,envain.—Qu’est-cequevousavezfaitàmavoiture?Jevissesyeuxgrisseplisser.—Ellen’arien.Nevousfaitespasdesouci!répliqua-t-elle,exaspérée.Surprisqu’elles’énerveaussirapidement,jereprisd’untonplusmodéré:—Ques’est-ilpassé?—Jevaisprendreunedouche.Onenparleraquandvousserezcalmé.Ellemedépassapourrejoindrelecouloir.Mesmainss’agitèrentsurlesrouespourlasuivre.—Oh.Maisjesuisparfaitementcalme!J’allaisaussivitequ’elledansmonfauteuil.Elleatteignitsasalledebainsenmêmetempsquemoi.Je

bloquailaporteavecunedemesjambes,meretenantdegrimacersousladouleur.Elleseretourna,unemainsurlapoignée.—Non.Vousnel’êtespas.J’aieuunaprès-mididemerdeetjen’aipasenviedem’énerver!Pourtant,c’étaitexactementcequ’ellefaisait.Etmoiaussi.—Dites-moiaumoinscequ’ils’estpassé!—Jepue.Jesuissaleetj’aimalpartout.Etjevouslerépète,votrevoituren’arien.Mavoiture?Maisellenecomprenaitvraimentrien!—Maisjemefouspasmaldemavoiture!C’estpourvousquejemefaisaisdusouci!

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Nouvelleinspiration.—J’aicrevéauretour.J’aimisplusd’uneheureàchangerl’énormerouedelaJeep.Jepeuxprendre

madouche,maintenant?—Jevousenprie,raillai-jesanspourautantquitterlepasdelaporte.—Vousnecomptezpasresterici?—Pourquoipas?Cen’estpascommesijenevousavaisjamaisvuenue.Ellerougitenpensantcommemoiàl’épisodedelapiscine.—Est-cequec’estunsous-entendu?—Vosrèglessontcaduquesaujourd’hui,Oceana.Jeviensdepasserdeuxheuresà fairedesallers-

retoursdanscefauteuil.Ceseraitplutôtàmoidevouspunir,vousnecroyezpas?—Çanemarchepascommeça.Comment ça, ça ne marche pas comme ça ? Alors, celui qui avait toutes ses capacités physiques

décidaitdetout?—Vousnevousrendezmêmepascomptedecequevousdites.Vous.Vouspouvezmetoucher.Vous.

Vouspouvezmeregarder.Vous.Vouspouvezmevoirdansdessituationsplusqu’intimes…—Stop.Jenesuispasvotrepatiente.—C’estcommeçaquevousmevoyez,alors?Seulementcommeça?Elleneréponditpas,maisjenevoulaispasentendresaréponse.Jefisreculermonfauteuiletprisla

directiondemachambre.Jecroisquesonsilenceétaitpirequesielleavaitditquelquechose,finalement.Ildevenaitsynonyme

depitié.Etjen’enavaispasbesoin.Celledemonpèremesuffisaitamplement!—Vousavezmal?Mal?Oui,etellelesavait,alorspourquoimeledemander?Je préférai l’ignorer et continuai de regarder une émission sur la restauration de vieilles voitures

américaines.Jeneluienvoulaisplus.Pourl’instant.Jen’avaismêmepasmangé,laveilleausoir.Unefoisaulit,jem’étaisendormi,épuisé.Jen’avaispas

rêvé;c’étaitOceanaquim’avaitréveilléavecsonrire,cerirequ’elleréservaitàsoninterlocuteurdusoir,autéléphone.Différentded’habitude,moinsfranc,moinsspontané,sonrireavaitatteintmachambreàtraverslesmurssifinsdelasienne.Sanstenircomptedemonsilence,elles’approchademonlit,ydéposasacrèmeàlavanilleetenleva

mesattellesplâtrées.Avecdouceur.Puiselleécartaledraptoutaussiposément.Pourlapremièrefois,ellemelaissait lavoir.Sescheveuxattachésenunchignonlâcheprenaientla

couleurdesimagesdelatélévision.Finalement, jeneluienvoulaisplusdutout.Enlavoyantsiattentive,sidouce,siconcentréesursa

tâche,jenepouvaisplusluienvouloir.Lesyeuxfixéssursonvisage,jeressentaisletoucherlégerdesesdoigtssurmapeau.C’étaitencoreunefoisdifférent.C’étaitdifférentchaquefois.Sesmainsremontaient.Lentement.Lavoirfaire,lesjouesrosiesparl’effort,mefaisaitpresqueperdre

latête.Jefrissonnaidetoutmonêtrelorsqu’ellesarrivèrentàmescuisses.Gagnéparlatendressedesesmainssurmoncorps,jelaissaileplaisirm’envelopper,brûlantetsensuel.Jemefoutaisdesavoirqu’ellepouvaitvoirmaqueuesedresser.Iln’yavaitquesescaressesdansma

tête.

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Etpuis,sesdoigtsglissèrentdemapeau.C’étaitdéjàfini.Lefroidavaitremplacésachaleur.Haletanteettremblante,ellerestaitlà,àcôtédemoi,lesyeuxfermés,levisagebouleversé.Mes doigts se hasardèrent à remonter, sur son épaule, la bretelle de sonmerveilleux pyjama. Elle

tressaillitetsecrispa.Jeretiraimamainaussitôt.—Jenelereferaiplus,lâchai-je,amer.Elleplongeasesyeuxdanslesmiens.Samainrepritlamienneetlareposasursonépaule.—Coupdesoleil,grimaça-t-elle.Ondiraitquec’estàvous,cesoir,demesoulager…

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Chapitre7

Chocolatfondu

J’étaisterrifiée.J’avaispeurque,commesousladouche,moncorpssemetteàn’enfairequ’àsatête.J’avaispeurquelecontactdesesmainssoitsibonqu’ilmefasseoublierlesbrûluresdemapeau.Est-ceque je levoyais seulementcommemonpatient?m’avait-ildemandé. Ilneserait jamaismon

patient.Ilétaitcetruc…Cetrucquimehantait.Aveclui,danssonregard,sanslui,dansmatêteet, lanuit,dansmesrêves.Maisc’étaitsanscomptersurEthanetmamère,quinecessaientdemerappelercequej’étaisàNew

York. Ma mère croyait toujours que je m’occupais d’un vieillard ; je ne lui racontais rien de mesjournées,sachanttropbiencequ’elleenpenserait.Elleenpenseraitque…c’étaitmalsainetdéraisonnable.Commeje lepensaisavant.Avantqu’ilne

touchemajouesousladouche.Avantqu’ilneposeseslèvressurlesmiennes.Avantqu’ilnegoûtemapeaudesalangue.Avantqu’ilnepassesontempsàessayerdemefairerireetrougir.Avantqu’ilnemefassecomprendrequejecomptaispluspourluiquesonimposantevoiture.Avantqu’ilnemedemandes’ilétaitréellementmonpatient,etriendeplus.Alorsj’étaisterrifiée.Etexcitée.Samainbrûlaitmonépauleautantquemoncoupdesoleil.Ilmeregardait,indécis.—S’ilvousplaît,Rick,l’implorai-je,mesyeuxrivésauxsiens.C’estmoiquiaibesoindevous,ce

soir.Ilrestaitsilencieux,immobile.—Voussaviezquej’enauraisbesoin,repris-je.Sinonvousnem’auriezjamaisfaitachetercettecrème

hydratante.J’yétaispresque.Jepercevaissonsoulagement.Ilvoulaitseulementquej’endiseplus.—J’aivraimentpasséunejournéehorrible.Aprèsavoirtrouvélacrèmeetlarobebleue,j’aiarpenté

lesruesdeMiamiàlarecherched’unsex-shopquivendraitvossatanéschewing-gumsàlavanille(Sesyeux s’écarquillèrent une fractionde seconde.), puis j’ai crevé sur le chemindu retour.Et vous savezquoi?Finalement,çan’étaitpaslepire.Lepireavaitétédenepasavoirpassémajournéeaveclui.Parcequ’aveclui,aumoins,jenepensais

niàEthanniàmamère.—OK.Allezchercherlacrème,dit-ilenfinavecunsemblantdesourire.Jem’exécutai.Quand je revins, unpeumoinsdéterminée, je le découvris assis les jambes écartées

danssonlit.Ilavaitallumésalampedechevetetéteintlatélévision.Danssonlit…Jem’étaisditqu’onferaitçaauborddesonlit,àcôtédesonlit,endehorsdesonlit,

maispasdanssonlit!

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Jem’affolai.—Montez,medit-ilentapotantl’espaceentresesjambes.Jedéglutis,autantpourm’aideràrespirerquepourincitermoncœuràcesserdetambouriner.Comme

s’ils’échauffaitavantdecourirunmarathon.Etquelmarathon!—Vousavezrespectélarèglenuméroun?tentai-jeenmontrantledrap.Ilhochalatêteavecunsourireplusfranccettefois.Ilsouriait!Presquedouzeheuresquejenel’avaispasvusourire!Jegrimpaidanssonlitetm’installaisoussonregardamusé.Jeluitendisletubedecrèmeetfermailes

yeuxquelquessecondespourmeforceràpenseràautrechosequ’àlui–lui,derrièremoi.Peineperdue!Assiseentresesjambessursonlit,alorsqu’ilnem’avaitpasencoretouchée,j’avaisl’impressionde

sentirlatensiondesontorsesurmondos.Etpasseulement.Jesentaiscetrucentrenous,indescriptibleetimpalpable,quimefaisaitvibrer.—Jedoislapassersurvotredosousurvotredébardeur?semoqua-t-il.Surtoutmoncorps!hurlamaconsciencedévergondée.J’ôtaimonhautdepyjamasanspouvoirretenirunegrimaceaufrottementdutissusurmapeauàvif.Je

l’entendissegratterlagorge.—C’estsigravequeça?m’affolai-je.—Euh…Non…J’aidéjàvupire.Jediraismêmequejem’attendaisàpire.Deuxmains se posèrent symétriquement surmes omoplates.Appliquées et agiles, elles semirent à

frictionneravecdouceurmondosardent.D’abordsurmesépaules,puislelongdemacolonnevertébraleetenfinsurmesflancs,ellesglissèrentlentementaurythmedemesrespirations,frôlantquelquefoislanaissancedemapoitrine.—Quelleheureest-il?demanda-t-ilenfinensedétachantdemoi.C’étaitterminé.Moncœurmanquaunbattement.—Unpeuplusde23heures,jesuppose,murmurai-je,encorealanguie.—Donc…jeneseraipaspunidemainpuisquenousnesommespasencoredemain?Puni.J’aimaissafaçondedirecemot.Ilprenaituntoutautresensdanssabouche.Ilnes’agissaitplus

d’unesimplesanction,maispresqued’unjeucharnel.—Pourquoivoulez-vousêtrepunialorsquec’estmoiquivousaidemandédemepasserdelacrème?—Parcequejeneveuxpasseulementvouspasserdelacrème…chuchota-t-ilprèsdemonoreille.Moncorpssetenditinstantanément,etsontorseseposasurmondos.Unetraînéedefrissonsparcourut

monéchine.Marespirationsebloqua.Ilsoufflaitsurmondos,tendrement.Commeunelégèrebrisesousunsoleilcuisantenpleinété.—Jeveuxaussivousfaireça…Seslèvresfraîchesseposèrentàl’extrémitédemonépauledroite.Commeélectrocutée, jefrémiset

laissaiéchapperunrâle.Soyeuses,elleseffleuraientmapeaubrûlanteethumidedecrème,lasurvolaient,lentementetdélicatement.Passantd’uneépauleàl’autresansnégligermanuque,commelatraînéed’uneétoilefilante.Jefrissonnaisencoreetencoresoussesbaisersetmelaissaisalleràgémirdansunsouffle,

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tandisquemonventreseremplissaitdepapillons.Le dos de samain s’aventura à effleurermon bras gauche alors que sa bouche repartait déjà dans

l’autresens.Majoueseplaquaàlasienne,emprisonnantsonbaiseràjamais.Moncœurpulsadansmaculotte.Sansdifficulté,illibérasatêteetrepritsontravailsurlehautdemanuque.J’avaisenviedegoûtersa

bouche.Maisjenebougeaipas.Jenevoulaispasinterromprecemoment.J’étaissaouledesescaressesetdeseslèvres.—J’aienviedebienplusencore,maisjesuiseffrayé.Vousmefaitespeur,Oceana.Avais-jeledroitdeluidireque,moiaussi,ilmeterrifiaitaupointdeneplussavoirquefairedemes

membres ? Au point de ne plus savoir comment m’y prendre avec lui ? Au point de ne plus savoirrespirersanshaleter?Aupointdenepaspouvoirleregardersansm’imaginercontrelui?Leboutdesdoigtsdesamainfrôlaitmaintenantmaclavicule.—Maisj’aiaussitrèsenviedevouspunir…Aprèstout,c’estmoiquidictelesrèglescesoir…J’osaisàpeineycroire.Ilallaitmesanctionnerenmettantfinàsonétreinte.Néanmoins,saboucherestacolléeàmonépaule,commes’ilavaitdumalàlaquitter.Amère,maistoujoursinondéedepapillons,jedéclarai:—C’étaitmerveilleux,Rick.Merci.Jenevousauraispaslaisséallerplusloin,detoutefaçon.Jemeredressai.Commejesavaisbienmentir!Ilmesemblalevoirtiquerunefractiondeseconde.—Tournez-vous,ordonna-t-il.—Jecroyaisquej’étaispunie,raillai-je(àmoitié!).—Vousl’êtestoujours.Jeveuxsimplementdiscuteretvousvoir.Jeme tournai, les bras croisés,mesmains cachantmes seins. Il se laissa tomber en arrière sur ses

coudespourmieuxmecontempler.J’avais l’impression qu’il dévorait chaque partie demon corps qu’il touchait de son regard ardent.

Mesjouess’empourprèrent,metrahissantunenouvellefois.—J’aiditquejevoulaisvousvoir.—Vousavezdit:discuteretmevoir.D’abord,nousallonsparler.—Vousjouezsurlesmots.—Etvousavecmeshormones.Jesuistrempée.Est-cequej’avaisvraimentditça?!Sesyeuxsemblaients’imprégnerdusouvenirdemoncorps,éclairéparsalampedechevet.—Àquoivouspensez?demandai-jeentredeuxrespirationsanarchiques.—Est-cequeleshommessonttousaveuglesàNewYork?Je ne pusme retenir de glousser. Ça devait faire cinq ans qu’un homme, à l’exception d’Ethan, ne

m’avaitpasvuedanscettetenue!—Sansrire,Oceana.Pourquoiêtes-vouscélibataire?Je n’avais aucune envie de lui répondre. Qu’est-ce que j’allais lui dire ? Que le seul homme que

j’avais cru aimerm’avait abandonnéparce qu’il avait été trop lâche pour affronter lamaladie de sonfils?Quejen’étaispasseulementcélibataire,maisaussimèrecélibataire?Quejepassaismontempsàtravaillerparcequelaviedemonfilsendépendait?Quejen’étaisiciquepourluietpersonned’autre?

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Quejen’étaispasseulementunejeunefemmedetrenteans,maisaussilamamand’unmerveilleuxpetitgarçondecinqans?Non.Jevoulaisrester,àsesyeux, lafemmequ’ilavaitvucourirnueensortantde lapiscine.Cellequ’il

faisait rougir et frémir. Celle qu’il avait embrassée sous la douche. Celle qui comptait plus qu’unevoiture.Cellequileterrifiaitcommeunemantereligieuse.Etsurtout…Jenevoulaispasquecetrucnouséchappe.JevoulaissimplementqueMiamiresteMiamietqueNew

YorkresteNewYork.—Etvous?Lesfemmessont-ellestoutesfolles,ici,pournepasvoussauterdessus?Lui aussi parut déstabilisé par ma question. Je crus même voir ses yeux bleus lancer des éclairs.

Commes’ilétaitaniméd’unerageincontrôlable.Quin’étaitpasdirigéecontremoi.—Nouvellerègle,dis-jealors.Jenevousquestionnepassurvotrepasséetvousfaitesdemêmepour

lemien.Lepassérestelepassé.—Jesuisd’accord.Sauvée!Jerepris:—Dequoivouliez-vousparler?—Decettejournéeparticulièrementdéprimante,répondit-ilenfaisantlamoue.—Çanes’estpasbienpasséavecvotremère?—J’auraispréférélapartageravecvous.(Jefondislittéralementcommeunmorceaudechocolatau

soleil.) Ma mère ne sait pas parler d’autre chose que de son argent. Je crois qu’aujourd’hui il étaitquestiond’investirdansunenouvellepropriété.—J’ail’impressionquevousnepartagezpaslesmêmesidées.—Exact.Enrevanche,jeveuxbienqu’onévitedeparlerdemamèrelorsquevousêtesàmoitiénue

devantmoi.Jerougisinstantanémentetchangeaidesujet.—Elleestpourqui,larobebleue?—Pourvous.Demainmidi,nousallonsaurestaurant.Horsdequestionqu’ilm’offrequoiquecesoit !pensai-jeenpremier lieu.Maisenmêmetemps, il

faisaitl’effortdesortird’icipourmoi…Est-cequejepouvaisfondreunenouvellefois?—Jevousrembourserailarobe.—Nesoyezpasbête…Il esquissa un sourire satisfait en voyant mon doigt s’approcher de sa bouche. Je me ravisai

précipitammentetreplaçaimamainsurmapoitrine.Sadéceptionétaitvisible.Loupé!—VousavezvraimentchangélarouedemaJeep?demanda-t-ilfinalement.—Oh,biensûrquenon.J’aiproposéàunroutierdelefaireetjel’aipayéennature.—Quoi!Vousrigolez,là?!s’étrangla-t-il.Jegloussai.—Jenesuismêmepascapabledemeteniràmoitiénuedevantvous,etvousvoudriezquejem’envoie

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unparfaitinconnu?—Jenesuispasuninconnuetjesuiscertainquejenesuispasnonplusunsimplepatientpourvous.

Jesuisquoi,aujuste?Comme s’ilm’avait tirée par un fil jusqu’à sa bouche,mes lèvres s’approchèrent des siennes.Mes

mainsdélaissèrentmesseinspoursanuque.—Vousêtescetruc…Etjel’embrassai,certainequ’ilseraitaussiaffamédemoiquejel’étaisdelui.Commelapremièrefois,monascensionémotionnellem’emmenaloindanslafolie.Mefaisantoublier

manudité,mestétonsdurciscontresontorse,mesrèglesstupides,etj’enoubliais!Je n’étais plus du chocolat fondu au soleil, j’étais une Fraise Tagada noyée dans une fontaine à

chocolat!Jesubsistaissoussescoupsdelangueetondulaisdanssesinspirations.—Oceana…Je continuais, jouant avec sa lèvre inférieure et avalant ses gémissements. Il frissonnait sous mes

doigts.Alorsquemoncœurnourrissaitlespapillonsdansmonventre.—Vousrestezavecmoicettenuit?râla-t-il,haletant.Jem’écartaiunpeudelui.Sesyeuxmesuppliaientd’accepter.—Seulementtroisrèglespournousdeuxcettenuit,répondis-je.Short…Jeposaimamainsursaqueuedurcie.—…caresses…Mamainlissalatraînéedepoilsjusqu’àsonnombril.—…etbaisers.Je posaimon doigt bien à plat sur sa bouche, sans redouter la sentence quim’attendait. Ilm’avait

prévenue…Sijerecommençais,ilm’embrasserait…

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Chapitre8

AveupourAveu

CommeRicknepouvaitpasmonterdanssaJeep,untaxiétaitvenunousrécupérerunpeuavantmidipournousdéposeraurestaurant.Vêtuedelarobebleueélectriquequej’avaischoisielaveille,jemetenaisbiendroiteàcôtédelui

dans l’entréedu restaurant, souriantcommeune imbécile. J’étaisexcitée, angoissée.Être ici, avec lui,loindesavillaetsurtoutdesonlit,provoquaitchezmoiunsentimentétrange.Uneimpressionquecetrucévoluaitsansquenilui,nimoi,nimesstupidesrèglesnepuissentyfairequelquechose.Soudaininquiète,jel’observaiducoindel’œil.Sescheveuxmi-longsparfaitementcoiffésenarrière,

unT-shirtportéprèsducorps,encotonblancaucolenV,unpantalonnoir,ilétaitparfait.Commesortitoutdroitd’unrêve.D’undemesrêves…Pasceluidecettenuit.Jen’avaispaseuletempsderêver;enfait,ilnem’enavaitpaslaisséletemps.

Collée contre lui, dans sesbras, j’avais tantôt été taquinéepar sesdoigts le longdemon flanc, tantôtbercéeparlesmurmuresdesarespirationdansmonoreille.Maisça,c’étaitaprèsl’assautdesabouchedansmoncou,quis’étaitfrayéuncheminversmesseins,jouantaupassagedesesdentssurmestétons,pours’arrêterjusteàtempssurmonventre.J’enportaisencorelesmarques,dissimuléessousladentelledemarobe.Rienqued’yrepenser,j’auraispuavoirunorgasme.Leréveilavaitétédifficile.Rickavaitpassésamatinéeàbroyerdunoir.Renfrognéetombrageux,il

avaittoutjustemangésespancakesaupetitdéjeuner.Jeluiavaismêmeproposéd’annulerleresto.Jenesavaispascequ’ilavait,ouplutôtj’essayaistantbienquemaldemepersuaderqueçan’avaitrienàvoiravecmanuitpasséeàsescôtés.Maisnousétionslà.L’unàcôtédel’autre,àattendrequelemaîtred’hôtelviennenouschercherpour

nousconduireànotretable.Entouréedecouleurschatoyantes,j’avaisl’impressiond’êtredansunmuséed’art contemporain. Les œuvres exposées représentaient des visages, des corps, des structures, desanimaux.Maisl’éclairageétaitdiscret,intime.—Madame,monsieur,noussalualejeunemaîtred’hôtelennousdétaillant.—J’airéservéaunomdeThomas,annonçaRicksansentrain.Lejeunehommesouritetsemitàpianotersursatablettetactile.—Oh, dit-il au bout d’unmoment, manifestement gêné. Je suis désolé, mais la personne qui a dû

prendre votre réservation a oublié de préciser que vous étiez en fauteuil roulant. Je vais voir si nouspouvonsvoustrouveruneautretable.Sivousvoulezbienpatienteruninstant…—Jenesavaispasqu’ilfallaitprécisercegenredechosepourmanger!lâchaRick,amer.J’étais tout aussi agacée que lui.Même si je n’étais pas à sa place, dans ce fauteuil, je vivais cet

incidentcommeuneinjustice.Lejeunehommerevenaitversnous.—Jesuisdéso…

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—Quelestleproblèmeavecnotretable?lecoupai-je.—Ehbien,ils’agitd’unebanquette…Jeveuxdire,ajouta-t-ilavecnervosité, iln’yapasdeplace

pourunfauteuil.Rienqueça!—Monamiesttoutàfaitcapabledes’asseoirsurlabanquette,etlefauteuilserapliéetrangédansun

coin.Celarésout-ilvotreproblème?—Euh.Jesupposequeoui.Jemeretinsdesourireetgardaiuneexpressionhautaine.—Parfait.Onvoussuit.Alorsquelejeunehommetournaitlestalons,Rickpritmamainetlatira,m’obligeantàmepencher

verslui.—Jesuisvotreami?s’amusa-t-il.Jerougisinstantanément.Avecl’aidedujeunehomme,Rickpritplacesurlabanquetteencuirdisposéeendemi-cercleautour

de la table ronde. J’avais choisi de m’asseoir près de lui, si bien que je n’avais qu’à écarter d’uncentimètremesjambespourqu’ellesentrentencontactaveclessiennes.Unpeumoinstendumaistoujoursaussisilencieux,ilscrutaitlemenud’unairconcentré.—Pourquoisommes-nousici?demandai-jeavecdésinvoltureenl’imitant.—Pourdéjeuner,jecrois.—Nousaurionspunousfairelivrerlesplats,répliquai-je.J’avaisenfincaptésonattention!—Jevoulaissortiravecvous…——Aveupouraveu?avançai-je, incertaine. (Ilhocha la tête.)Jen’aipas l’impression,depuisce

matin,quevousavezenvied’êtreavecmoi.Làouailleurs.—Vousnecomprenezpas,Oceana.C’estlapremièrefoisquejedoisaffronterleregarddesautres.Jerépondis,trophâtivement:—Nefaitespasattentionàeux.—Toutestfaitpourmerappelerquejesuisdansunfauteuilroulant,dit-ilàmi-voix.Jenecomprenaispas.C’étaituneréactionexcessive.Sonétatn’étaitpasdéfinitif!—Vousallezremarcher,ouiounon?— Ce n’est pas la question. J’ai l’impression d’être différent. Aujourd’hui. Ici. Et pas demain ou

ailleurs.—Aveupouraveu? lançai-jeencoreunefois.Je…jepensaisquec’étaitàcausedenous,decette

nuit…quevousétiezaussifroidcematin.Je…jesuisdésoléedenepasavoircompris.Etmoi,jelesaime,vosjambes.Siellesn’étaientpascequ’ellessont,jenepourraispasvoustouchertouslessoirs.J’avaispeineàcroirequej’avaisditça!Ilsourit.Enfin.Mesépaulesserelâchèrent.C’étaitunsourireattendrissantàmefairefondre,commecettenuitdanssonlit.Jeserrai lesjambes

pourempêchermonsexedefrémir.

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Maislatristessen’avaitpasquittésesyeux.—C’estàcaused’ellesquejeneferairienavecvous,avoua-t-il.Parcequejenesupporteraipasde

nepaspouvoirfairecequejeveux.Parcequejerêvedevousdominerdetouteslesmanières.Jeneveuxpasseulementvousfairerougirousourire.Jeneveuxpasseulementvouscaresserouvousembrasser.Jeveuxtout.Maispourl’instant,mesjambesnecessentdemerappelerquejesuisminableàcôtédevous.Je nem’étaismême pas rendu compte que j’avais cessé de respirer. Son discours – bien qu’assez

machiste–,fitbondirmoncœurdansmapoitrine.Je le voulais dansmon lit, coûte que coûte. Et ilme désirait, lui aussi. Il ne pouvait pas être plus

explicite…Jemefoutaisdecequ’ilpouvaitpenserdesesjambes.Ilremarcheraitunjour…dansmoinsdequatre

semaines,ilpourraits’appuyersurlajambedroite,etàpartirdelundisurlagauche.Doncsonseulennemi,c’étaitlui-même.Etpeut-êtreunpeumoi,aussi…

Voilàcequiarrivaitquandjebuvais.Labarresurlefront, lespaupièreslourdesetdouloureuses,je

subissaislamentablementleseffetsdel’alcool.—Justeunverre!semoquaRick.Ilpouvaitrire.Était-ilpossibled’êtreallergiqueàl’alcool?Moi,jelecroyais…ouplutôtj’enétais

leparfaitexemple!Les doigts sur les tempes, jememassais en effectuant de petits ronds.Nous étions sur la terrasse,

devant la piscine. Le soleil était presque couché, mais le peu de luminosité projetée par ses rayonsorangésdanslecielsuffisaitàmefairemal.—Vousvoulezunibuprofène?proposa-t-ildansungloussement.—Laboîteentière!—Siçapeutvousremettresurpiedpourmonmassagedecesoir…—Vousêtespuni,répondis-jeensecouantlatête.Misère!Pourquoiavais-jesecouélatête?!—Iln’yaplusderègles,Oceana.Yenavait-iljamaiseu?J’entendis lebruitdes rouesde son fauteuil sur lesdalles et leur claquement aupassagede labaie

vitrée.Rick partait à la recherche d’un antalgique.Les yeux fermés, le visage dansmesmains, jemelaissaiglisserenavant,lesbrasposéssurlatableenteck.Cettejournéenes’étaitpastropmalpassée,enfait.J’avaisdivinementbienmangé,lamaindeRick

avaitglisséplusd’unefoissurmacuisse,sabouchesurledosdemamain…Jem’étaisefforcéedenepaspenseràl’imagequenousdevionsdonner.Celled’uncouplenormal.Jen’enrestaispasmoinssonemployée,luimonpatron.Etjepréféraisdeloincetteimage…pluscoquine!Deretouràlamaison,nousavionsfilédroitdanslelit.Lemien.Plusgrandpournousdeux.Enfin,lemien…C’étaitsonlit,avant.Lesavoirn’allaitpasm’aideràcalmermesardeurs.Etnousyavionsdormi.Presquequatreheuresd’affilée!Jepayaisleprixduverrederoséquej’avais

buaucoursdurepas.Jemeconnaissaispourtant,jesavaisàquoim’attendre.Maisj’avaisvoulucroirequeMiamineseraitpasNewYork.—Tenez,meditRick.

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Jemeredressai.Jenel’avaismêmepasentendurevenir.Ilmetendituncompriméetunverred’eau.—Vousrestezbelleentoutecirconstance,déclara-t-il.Mêmeaveclesempreintesduboissurlajoue.—Jemevengeraicesoir,lemenaçai-jeengobantl’antalgique.Sesyeuxs’aventurèrentsurmabouchecommes’ils’agissaitdufruitdéfendu.—Ilnefautpasqueçasereproduise,dit-ild’unefoisferme.Quoi?Nepasnousregarder,noustoucher?C’étaitimpossible,etillesavait.J’avaispourtantessayé.

Avecmesfameusesrègles.Pourtant,audébut, jen’avaisqu’uneseulechoseentête,Ethanetmamère.Troismois,c’étaitbienplusdouloureuxquejenem’imaginais.Troismois,c’étaitbeaucoupdedimancheen famille loupés. Des centaines de dodo sans mes histoires pour Ethan. Des journées entières sanscâlins.Et beaucoupdegâteaux au chocolat à rattraper.Troismois !Mais c’était surtout unepartie del’argentdontj’avaisbesoinpoursonopération.Alors,pendanttroismois,jepouvaisbienmepasserdesespetitsbrasautourdemoncou,desabouchebarbouilléedechocolat,desesdimanchesauparcetdesesbisoussoufflésdusoir.Jenesavaispasquandtoutavaitdérapénicommentnousenétionsarrivéslà.Maisj’étaisincapable

de faire comme s’il nem’avait jamais embrassée sous la douche, comme s’il n’avait jamais goûté lapointedemesseins,sanscompterqu’ilm’avaitavouéqu’ilvoulaitplusquetoutça.Non.—Je…Lasonnettedelaported’entréetinta.LeregarddeRicksedurcit.—Restezlà,jevaisvoirquic’est.Tantmieux,j’avaistoujoursmalàlatête!Lamigrainegagnaitmêmeenintensité.Jen’avaisplusqu’à

croiserlesdoigtspourquel’antalgiquefasseeffetrapidement.—Maisc’estqu’ilestdebout!entendis-jeunevoixmasculines’exclamer.—Bonsang,Carl,tupouvaispasappeleravantdepasser?Çamefaitplaisirdetevoir,quandmême,

répliquaRick.—Appeler?Pourquoifaire?Jeseraistombésurtavieilleaide-ménagère!Vieille?J’étaistout,saufvieille!Mêmeaveclapeauridéeparlatable!—Tuesrentréquand?interrogeaRick.—Avant-hier.J’aiapportédesbières.Tumefaisentrerouons’installesurlepasdelaporte?Oùest-

elle,aufait?Lesvoixserapprochaient.Jemeredressai.—Quiça?—Tonaide-mé…Laphraserestaensuspens,et le jeunehommequivenaitdefaire irruptionsur la terrasse,àcôtéde

Rick,medétailladehautenbas,laboucheouverte.Jeluisouris.Ilsegrattalagorgeetreprit,taquin:—Ah !Tuauraisdûmedireque tun’étaispas seul ! (Il assenaune tapedans ledosdeRick.) Je

comprendsmieuxtatêtequandtum’asvudébarquer.Heureusementqueçan’étaitpasKristen.Kristen?!Pasdequestionssurnotrepassé:jenoyaiKristendanslamerMorted’uncoindematête.Rick,lui,réagitàcenom.Mal.Sespoingssefermèrentsursescuisses.

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—Oceana, me présentai-je, souriante, comme si mes oreilles n’avaient jamais entendu le nom deKri…(DanslamerMorte!)—MademoiselleDouglasestmonaideàdomicile,rajoutaRick,sèchement.MademoiselleDouglas?J’avaisl’impressiond’avoirreçuuncoupenpleinepoitrine.Iln’avaitpasditça?Decettemanière-

là?Lapeaumate,lesyeuxmarronsetlescheveuxnoirsmi-longs,ledénomméCarldevaitêtreaussigrand

queRick.—Oh.Aideàdomicile.Je…CarlAllen,balbutia-t-il,surpris.Sansdouteavait-ilcruquej’étaisuneamiedeRick.Non,j’étaissonemployée,Rickvenaitdemele

rappeler.Sonaideàdomicile,MlleDouglas.Finalement,ladouleurquis’insinuaitdansmapoitrineétaitplusfortequemamigraine.—Carlestmonmeilleurami,expliquaRick,levisagefermé.Jemelevai.—Jevaisvouslaisser,alors.—Vouspouvezrester,ilyaassezdebièrepournoustrois,annonçaCarlendéposantlepacksurla

table.—Biensûr,marmonnaRickenhaussantlesépaules,leregarddétourné.—Non.J’aimalaucrâne.Jevaismecoucher.Carl,raviedevousavoirrencontré.JeluiservismonplusbeausourireetmetournaiversRick.—MonsieurThomas,jelaisseraivosantalgiquessurvotretablette.Bonnesoirée.Ilblêmit.Qu’importe.Jem’enfoutais.Jem’éloignaid’unpasque j’espéraisassuré. Jem’écrouleraisdansmachambre,maispas ici, sous

leursyeux.Ilm’avaitouvertementdédaignéedevantsonami.Jeluienvoulais.—Oceana…LavoixdeRick. J’ouvris lespaupières. Il faisait toujoursnuit. Jepassaiunemain surmon front et

constataiquejen’avaisplusmal.Combiendetempsavais-jedormi?—Oceana…—Quoi?lâchai-je,acerbe.Jevousécoute.—Nevousénervezpas,s’ilvousplaît…Ilbredouillait.—Quelleheureest-il?—3heures…Jecrois.Ilempestaitl’alcool.Ilétaitbourré.Auwhisky,àl’odeur.—Carlrestedormirdansunedeschambresd’amiscettenuit.Neprenezpasdebaindeminuit.—Ilest3heuresdumatin,rétorquai-jeenrefermantlesyeux.—Vousm’aveztrèsbiencompris.—OK.

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—Bonnenuit,Oceana.Jememordislalèvreinférieureleplusfortpossiblepournepasluirépondre.Jeluienvoulaisencore

plus.Iln’étaitpasvenupours’excuser…

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Chapitre9

Boutdunez

Encorebaignéedesendorphinessécrétéesparmoncorpsaprèsunedemi-heuredefootingetunebonnedouchechaude, jepréparais lepetitdéjeunerdeRickavecbonnehumeur. J’avais laissémadéceptionsousmesdrapsetmarancunesurlebitumedeMiami.—Est-cequec’estpossible…Jesursautaietlâchail’assiettepleinedepancakes.Elles’écrasasurlesolalorsquejemeretournais

pourm’agripperinstinctivementauplandetravail.—Jenevoulaispasvousfairepeur, jesuisdésolé,s’exclamaCarlenseprécipitantsurmabêtise,

éclatéesurlesol.Lesoufflecoupé,jeleregardairamasserlesdébris.S’ilavaitétébourré,luiaussi,iln’enlaissaitrien

paraître.Ilaffichaitunemineradieuse,etsonhaleinesentaitlamenthedudentifrice.—Laissez.Jevaislefaire,réussis-jeenfinàarticuler.—Jepeuxvousaider,voussavez.Pourquoipas?Aprèstout,c’étaitaussisafaute.Lespancakesétaientcouvertsdemorceauxdeporcelaine.Poubelle!Jefistairemondémonintérieur

quimesuggéraitdelesserviràRicktelsquels.Unpeucroquants…Etmevoilàpartiepourpréparerunenouvellepâte…—Vousvouliezquelquechose?—Jevoulaisseulementsavoirsijepouvaisavoirunpetitdéjeuner.—Biensûr.Maisjusteuneprécision.Jenesuispasl’aide-ménagère,maisl’assistantedeviedeRick.Jesouriais,maisjevoulaisquelemessagesoitclair.Gêné,ilsegrattalatête.— Je comprendsmaintenant pourquoi je le retrouve dans son fauteuil et pas dans son lit, dit-il en

faisantlamoue.Jefronçailessourcils.—Jeveuxsimplementdirequemoiaussijepréféreraisvousvoirdemonfauteuilplutôtquedemon

lit,çameseraitdifficiledetenir.JerougisinstantanémentenreliantRick,sonfauteuiletladouchedansmatête.—Laisseztomber,ajouta-t-il,confus.Ilfourrasesmainsdanslespochesdesonshort.—Jepeuxfairequelquechose?—Asseyez-vous.Vouslevoulezcomment,votrecafé?Jerécupéraiunepoêleproprealorsqu’ilprenaitplacesurl’undestabouretsautourdel’îlotcentral.—Jeneboispasdecafé.EtjesupposequeRickn’apasdejusd’orange,doncjevaismecontenter

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d’unpancake.La pâte des deux premiers pancakes s’étala dans la poêle chaude. L’odeur de beurre envahit mes

narines.—Unseul?—Justepourreprendrelaroute.J’avaisespéréqu’ilresterait.Jen’avaispasenviedemeretrouverseuleavecRick.—Vousnerestezpaspourdéjeuner?demandai-jeenfin.—Non.Jenesuisrevenuqu’ilyadeuxjoursetjenesuistoujourspasallévoirmamère.Ellevame

tuer.Jepensaiàlamienne.SijedevaisrentreràNewYork,elleseraitlapremièrepersonnequejeverrais!

Bon,nousvivionssouslemêmetoit…maisc’étaitaussimameilleureamie.—Oùétiez-vous?—AuxMaldives.Jesuissurfeurprofessionnel.—Oh.Jelevailesyeuxverslui,histoiredel’inspecteràlalumièredujour.SonT-shirtlaissaitdevinerses

bicepsproéminentsetlatailleimposantedesespectoraux.Jedéglutismalgrémoi.Ilrelevaunsourciletmesourit,l’airdedirequ’ilétaitfierdeconstaterquesonimagemeplaisait.Priseenflagrantdélitdevoyeurisme,jemeconcentraisurmespancakes.—Rickauraitpuledeveniraussi,dit-ilenfin.Ilétaitbienmeilleurquemoiavant.C’étaitsapassion.—Avantsonaccident?—Non.Avantquesonpèrene l’obligeà faireautrechosedans lavie.Depuis, iln’estplus jamais

remontésuruneplanche.—Oh.Jesupposequ’ilavaitsesraisons.—Uneseule:cettesalopedeKristen.JelaissaitomberlepancakedeCarldanssonassiette.Non,jenevoulaisriensavoirdecetteKristen,

quiavaitdepuispeuapprisànagerdanslamerMortedematête.—JevaisréveillerRick,balbutiai-je.Jerécupéraimonplateau.Uncoupd’œilpar-dessusmonépaule:illorgnaitmesfesses!—Ilyadujusd’orangedansleFrigidaire!Moi,j’enbois!Ilsursautaetseraclalagorge.Jenepusretenirmongloussementquejusqu’aucouloir.Entredeuxrires, j’entraidanslachambredeRick.Sesyeuxcernésetsonteintblafardn’étaientpas

beaux à voir. Il devait être 9 heures, et jeme rappelais l’avoir vu se coucher vers 3 heures. Soit sixheuresdesommeilneluisuffisaientpas,soitilavaitlagueuledebois.—Qu’est-cequivousfaitrire?aboyaRick.Ignorantsaquestion,jeposaileplateausurlatablette.—Pourquoivousêtesenretardcematin?Nouvellequestion,nouvelleattaque?Enrevanche,laréponserestaitlamême:Carl.—Pourquoivousnemerépondezpas?—Parcequejeneveuxpasmedisputeravecvous.

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—Pourquoivoulez-vousqu’onsedispute?—Vousêtesdemauvaisehumeur,suggérai-je.—J’aijustepasséunemauvaisenuit.Vousavezoubliédemelaissermontramadol.Oups.—Je…jesuisdésolée,balbutiai-je.Vousauriezdûmeréveiller.Ilavalaunegorgéedecafé.—Vousn’avezpasbudansmatasseaujourd’hui?—Non.J’aieuletempsdedéjeuner.—Qu’est-cequivousamisenretard,alors?—Carlm’afaitpeur,j’ailâchévotreassiette,etelles’estéclatéeparterreavecvotrepetitdéjeuner.Ils’étouffaavecunmorceaudepancake.—Nevousinquiétezpas,j’enairefait.—EtCarl?Qu’est-cequ’ilvousaraconté?Cette salope de Kristen. Son choix entre sa passion et son père. OK. Son humeur s’améliorait, et

j’allaisdevoirpasserlajournéeseuleaveclui.Etj’étaisloind’êtrestupide.—Qu’àvotreplace,ilauraitdumalàseretrouverprèsdemoidanssonlit.Sesyeuxbleussebraquèrentsurmoi.—Qu’est-cequevousluiavezrépondu?J’avaispresquel’impressiondemeretrouvercoincéavecunagentdelaCIA.—Quevouliez-vousquejeréponde!—Vousavezrougi,c’estça?Ilreposasonpancake,àmoitiébroyéparsonpoing.J’avaispresquel’impressionqu’ilseréservaitle

privilègedemefairerougir!J’attrapaisatasseetlaportaiàmeslèvrespourcachermonsourire.—Vousavezrougi,j’ensuiscertain!s’exclama-t-il.—Vousêtesjaloux?letaquinai-je.—Unpeu.Ilmerepritlatasse–poursecacheràsontour.—N’importequoi!Çanesecontrôlepas!Jelevailesyeuxauciel.—Pourquoirigoliez-vous?—Vousêtescertaindevouloirlesavoir?Parcequelaréponseestpirequelaprécédente.—Nemefaitespaslanguir,murmura-t-il.—J’aisurprisvotreamientraindereluquermesfesses.—Etenquoiétait-cedrôle?—Jevousavaisditqueçanevousplairaitpas.—Jenevoisvraimentpasenquoiçapeutvousfairerire,grogna-t-il.—C’estlatêtequ’ilafaitquandils’estaperçuquejelevoyaisquim’afaitrire!

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Jerecommençaiàglousser.—Oceana…Rienàfaire.Jenepouvaispasm’arrêter.—Oceana!Samain seposa surma joue, douce–une caresse. Je cessai de rire.Laboucheouverte, le souffle

court,jesentaislemalaisemonter.Pourquoifallait-ilqu’ilaitceteffet-làsurmoi?—Dites-moicequevousavezsurlecœur,Oceana.Enquinze jours,Ricksemblaitavoirapprisbeaucoupdechoses surmoi.Rienneservaitdenier. Il

étaitplustêtuqu’unemule.—Pourquoivousm’avezappelémademoiselleDouglashiersoir?Samainquittamajoue,sonregards’assombrit.—Je…Cen’estpasvotrenom?J’étaisravied’apprendrequesiunjourjedevenaissénile,silamaladied’Alzheimermefrappait,je

pourraistoujourscomptersurRickpourmerappelercommentjem’appelais!Il fit lamoue, sachant très bien que sa réponse neme contenterait pas. Je fis tairema déception et

commençaicalmement:—Donc,jesuisOceanasousladouche.Oceanadansvotrelit.Oceanaaurestaurant.Oceanalorsque

nous sommes seuls.Mais lorsqu’il s’agit deme présenter à votremeilleur ami, je suismademoiselleDouglas,votreaideàdomicile?(Jen’attendaisaucuneréponse.)Jecroyaispourtantquecetitre,assezméprisant,étaitréservéàlabouchedevotremère?Sesyeuxs’attardèrentunpeutroplongtempssurmeslèvres,commes’ilnem’avaitjamaiscrucapable

deprononcercegenredediscours.—Je…Jenesaispasquoivousdire.— Il n’y a rien à dire. Si je suis pour vousmademoiselleDouglas, vous serez pourmoimonsieur

Thomas,monpatient.Maintenant,finissezvotrepetitdéjeunersivousvoulezvoirvotreamiCarlavantsondépart.Seslèvrestremblaient.Jeluioffrisuntoutpetitsourirepourlerassurer.—Venezsousladoucheavecmoi,lâcha-t-ilavecprécipitation.—Etsivotreaminoussurprend?—JemefousdecequepeutpenserCarl!Ilmeprésentaitcommesonaideàdomicile–etrienquecela–,maisquesonamipuissenoustrouver

touslesdeuxnussousladoucheluiétaitindifférent!?—Non.Jeneviendraipassousladoucheavecvous.—C’estmapunitionparcequevousêtesfâchéecontremoi?Jen’étaisplusfâchéecontrelui.D’avoirvidémonsacm’avaitlibérée.Encorecemot,punition…c’étaitplutôtlamienne!—Non.C’estseulementparcequejenedésirepasseulementdevousdesbaisersoudescaresses.—Lesujetadéjàétéabordé.Jenepeuxpasvousdonnerplus,dit-il,attristé.—C’estvousquiledites.Jesuiscertainedepouvoirvousprouverlecontraire.Enréalité,jen’ensavaisrien.J’avaisréellementenviedelui.Seulesmescinqannéesd’abstinenceme

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retenaient.Est-cequejesauraistoujoursm’yprendre?Lebulletinmétéotombaenfindematinée,peuaprèsledépartdeCarl.ToutelacôteestdelaFloride

était menacée par un ouragan. J’en avais perdu tous mes moyens. J’avais balbutié des chosesirrationnellesàproposdudernierjourdemaviesousleregardamusédeRick.Finalement,j’avaisréussiàtrouverduréconfort,aprèsledéjeuner,danslestâchesménagères:changementdesdrapsdetousleslitsdelamaison,aspirateur,machineàlaveretsèche-linge;j’avaismêmenettoyélesvitresdescabinesdedouches.Bref.Sil’ouraganarrivaitjusqu’ànous,jeseraistellementfatiguéequejedécéderaisdansmonsommeilsansm’enrendrecompte.—J’aifaitdespop-cornetj’aipré-installélafindelapremièresaisondeGrey’sAnatomy,venezvous

asseoir,maintenant!m’ordonnaRickparl’intermédiairedutalkie-walkie.J’inspectaileciel,noiretorageux.—Oceana!grésillaunenouvellefoislerécepteuraccrochéàlaceinturedemonshort.Jelejetaisurmonlitpourrejoindremonabominablepatient.Jeletrouvaiassissurlecanapédusalon,

latélécommandeàlamain.DeuxcanettesdeCocaetunboldepop-cornm’attendaient.—Vousavezfinidemefuir?Jenelefuyaispas,j’occupaismatête!—Venezlà,murmura-t-ilenouvrantsonbras.Jemeblottiscontrelui,àmoitiéallongéesurlemorceaudecanapéqu’ilm’avaitréservé.Jemelaissai

allerquelquessecondes,lesyeuxfermés.J’essayaidepenseràautrechose.Àtoutetàrien.Plusàtoutqu’àrien…Sonbraslelongdemonflancetsamainsurmacuissenuenem’aidaientpas.Sesdoigtsmerappelaientlanuitoùilsavaientfaitvibrerunepartiedemoncorps.Jefrissonnaimalgrémoi.—Vousavezfroid?s’inquiéta-t-il.—Non.Je…mesuistropagitée,préférai-jerépondre.Sucréousalé,lepop-corn?—Sucré.Vouspréférezlesalé?—Jen’aipasdepréférence.Cequejepréférais,c’étaitlegâteauauchocolat!Auboutdedeuxépisodes, lesorageset lapluiereprirent ledessussurmespensées.Jememordais

l’intérieurdelaboucheàm’enfairesaignerpourmeretenirdehurlerquejepaniquais!—Cen’estqu’unouragan,annonçaRick,rassurant.Jetournailatêteverslui.—Vousditesçacommesivousenvivieztouslesjours!—Non.Mais j’en ai vu plus d’un.Nous sommes sur les hauteurs deMiami, loin des plages et de

l’océan.Nevousinquiétezpas.Enplusdel’oragequigrondait,leventcommençaitàfairedessiennes.Pasunpetitventàsouleverune

jupe,non.Unventànousdéshabiller!Unventàtordreunparapluie.Unventàs’accrocheràunarbresanspluspenseràlafoudre.Iln’étaitpasplusde18heures,maisilfaisaitdéjàpresquenuittantlesnuagesétaientnoirsetépais.Nepasm’inquiéter?!J’étaisauborddelapanique!—Commentnepasêtrecraindreleschosesqu’onneconnaîtpas?J’aivécudestempêtesdeneige,le

vent, lapluieet lesoragesàNewYork,maispasdesouragans !Bien sûr, je saiscequec’est,merci

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Googleoulesinformations.Maislà,c’estdifférent!Noussommescoincés,ici,danscettevilla.Il éteignit la télévision.MeredithGrey ne pouvait plus rien faire pourmoi, de toute façon ! Jeme

redressaipourmeloverdanssesbras.— Si ça peut vous rassurer, la seule chose que nous avons à craindre, ce sont les coupures de

téléphoneetd’électricité.Aupire,nousmangeronsdelasaladeverteéclairésàlabougie.—Quelromantisme!ironisai-je.—Jevousprometsunvraidînerauxchandelles…Ilfrottamonnezdusien.—Nefaitespasça,soufflai-je,tropprèsdesabouche.—Fairequoi?Ilrecommençasontrucavecsonnezetlemien.—Me faire croirequenous sommesun couple àpeuprèsnormal, qui aurait fait vœud’abstinence

jusqu’aumariage!Jedisçasurletondelaplaisanterie,maisjen’enpensaispasmoins.Nousn’étionspasuncouple.Il

n’avaitpasàm’offrirderobe,niàmepayerunresto,niàmepromettreundînerauxchandelles.Je savais pourtant que çame ferait du bien d’y croire. Que de le laisser prendre soin demoime

soulagerait.Maisj’étaisàMiami.NewYork,c’étaitçamavraievie.Celleoùjedépendaisd’Ethanetdesonétatdesanté.Celleoùjedevaisprendresoindesautresbienplusquedemoi.Celleoùjepassaismontempsàm’oublier.—Jenevousfaisriencroiredutout.Sijelepouvais,jevousferaisvoiruncoucherdesoleilàMiami

Beach,jevousferaisdécouvrirlesEverglades,jevousferaisnageraveclesdauphinsdansl’océan…Jeposaimonindexsurseslèvresrebellespourleréduireausilence,etsurtoutpourm’empêcherde

penseravecamertumeàtoutesceschosesquejenepourraisjamaisfaireaveclui.Enfin,jemurmurai:—Sivousenétiezcapable,jeneseraispaslà,etjesuiscertainequesivousmecroisiezdanslarue,

vousnevousretourneriezmêmepas.—Pourquoiavez-voussipeud’estimepourvous?—Passé.Lemotétait sorti tout seul.Premièreetnouvelle règledenotrenuitàpréliminairesavortés.Nepas

questionnerl’autresursonpassé.—Quoi,passé?—C’estcommesijevousdemandaisquiestKristen.Sonregardchangea.Jeperçussonmalaise.—OK,finit-ilparlâcher.Kristenestmadernièrepetiteamie.Ilavaitbalayélarègledupassé!—Unhommem’abrisélecœurilyacinqans,répliquai-je.Cequin’était,biensûr,qu’unepartiedelavérité.—Unabruti,trancha-t-ilenhaussantlesépaules.Maisjecroisquevousavezposévotredoigtsurma

bouche.S’ilm’embrassaitmaintenant,j’étaisfichue.

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Jevoulaisl’être!Uncoupdetonnerreretentitàcetinstant,etlalumières’éteignit.Jemeserraiinstinctivementcontrelui

enpoussantuncri.Paniquée, je haletais, tandis que mes oreilles devaient surmonter le crissement du vent mêlé au

martèlementdemonsangdansmestempes.Inspirer,expirer.ContreRick,jeretrouvaipeuàpeularaison.Sesbrascalmèrentmestremblements.Seslèvressurma

têteapaisèrentmespensées.Ilétaitlà.—Saladeverteauxbougies,railla-t-ildansmescheveux.Jegloussai.—Iln’yaplusdepop-corn?—Ilyenaplusdepuislongtemps.Pourquoi?—Jenebougepas.Pasd’uncentimètre.Vousallezjeûner,cesoir.Ilsemitàrire.—Vousaimezlegâteauauchocolat?—Quin’aimepaslechocolat?s’exclama-t-ilenfrottantunenouvellefoissonnezcontrelemien.Silavapeurdechocolatexistait,jeressembleraisàça.Jereprisaussitôtdupoildelabête.—J’aitrèsenvied’ungâteauauchocolat!m’exclamai-je.—C’estbien,maisjedoisvousrappelerqu’iln’yapasd’électricité…Jeluidonnaiunpetitcoupsurl’épaule.—Rabat-joie!Ilmefixaavecmalice.—Alors,jevousprometsungâteauauchocolatauxchandellesdèsquel’électricitéreviendra.—Voussavez faireungâteauauchocolat?pouffai-jealorsque l’imagedeRickavecun tablierde

cuisinefaisaitintrusiondansmatête.—Pasdutout.Jevouslaisseraifaire.Jelècheraileplatet…Mondoigtatterritunenouvellefoissursabouche.—Jevousendoisdeux,précisa-t-ilenrelevantunsourcil.—Jesais.S’illefaut,jeleferaidesmilliersdefois,pourquevousm’endevieztoutelanuit!

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Chapitre10

Encorecetruc

Allongésurlecanapé,jelaregardaipréparerlerepasdusoir.Vêtued’unelargerobeencotonblanctransparent,sesfessesapparaissaientetdisparaissentderrièreletissuàchaquemouvementdesesjambesdénudées.Jemedisaisquej’aimeraisendécouvrirlemoindrecentimètreavecmalangue.Sescheveux,habituellementblonds,prenaientuneteintedifférentesouslesrayonsdusoleilcouchant,

ilsluisaientdenuancesorangées.Tordusenchignonsurlehautdesatête,ilsdécouvraientsanuque,oùjevoyaisencorelestracesdesoncoupdesoleil.Unevivedouleurdansmestibiasmefitcomprendrecequejem’apprêtaisàfaire.Jem’étaislevépour

larejoindre,avecundésirfoudel’enlaceretd’embrassersoncou!Jemerassisaussitôtetchassaicetteidéedematête.La fatigue m’étreignit instantanément. Comme si un sac de sable s’appuyait sur mes épaules, je

plongeaimonvisageentremesmains.J’étaisépuisé.J’avaisencorepasséunenuit–danssonlit,carmonlitmédicaliséétaitrestébloquéenpositionassise

pendant la panne d’électricité – à me triturer l’esprit. Partagé entre l’envie de lui donner ce qu’ellevoulait (et ce que je voulais !) et ma fierté personnelle, je n’avais pu que difficilement trouver lesommeil.L’ouragann’étaitpaspasséprèsdescôtesdeMiamimaisdansmatête!Oceanas’étaitassoupiecontremoi,ignorantlegrondementdutonnerre,lesifflementstridentduvent

danslespalmiersetlevacarmedelapluiecontrelesbaiesvitrées.Dessinantdepetitscerclessursesépaules,mamainavaitsuivi,lentement,lechemindesacolonnevertébralepuisescaladél’undesmontsdesesfesses.À ce rythme-là, je ne tiendrais pas longtemps. Elle aurait ce qu’elle voulait ! J’avais envie de

l’embrasseràlongueurdejournée,delagoûterchaquefoisquejelasentaisetdeluifairel’amourdèsqu’ellemetouchait.Et je me réveillais tous les matins avec la trique ! Parce qu’elle hantait aussi mes rêves ! Alors

j’évitaisdem’endormirparpeurdelavoirmefairedeschosesquin’existeraientquedansmatête!L’électricité était revenue dans la nuit. Le vent et l’orage s’étaient éloignés. C’était fini. Nous

découvririonslesdégâtslelendemain,etjem’étaisenfinendormi,moiaussi,aprèsavoirnichémonnezdanssescheveuxcommepourparfumermesrêvesdevanille.Cematin,enmeréveillant,jel’avaissurpriseentraindesuivredudoigtlescicatricesdemonventre.

Sansmetoucher,elleretraçaitlescoupsdescalpelduchirurgien.J’avaissourimalgrémoienapercevantsesyeuxgrisentourésdesonmaquillagede laveilleet sescheveuxblondséclairéspar les rayonsdusoleilmatinal.Bienentendu,serendantcomptequejelavoyaisfaire,elleavaitrougiets’étaitprécipitéehorsdela

chambre,prétextantuneenviepressante.Pourunefois,j’avaisdéjeunéavecellesurlaterrasse,aprèsqu’elleeutramasséetnettoyélatableet

unechaised’extérieursalisparleventetlapluie.L’ouraganétaitpasséloindescôtes,etiln’yavaitpas

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eutantdedégâtsqueça.Seulementquelquesplantesarrachées,despalmiersbranlants,desboutsdeboisquiflottaientdanslapiscineetdesflaquesd’eauboueusesunpeupartoutsurlecarrelageetl’herbedujardin.Mamère avait appelé pour prévenir qu’une société de nettoyage allait venir en début d’après-midi

pourremettredel’ordre,et,pourunefois,Carlavaitprévenuqu’ilviendraitpasserlasoiréeavecnous–«nous»,c’estcequ’ilavaitdit.Premiercoupdurdelajournée.Carlseraitlàcesoir.C’étaitmonmeilleurami,ilconnaissaittoutema

vieet,surtout,lechapitreconcernantKristenetnosfiançailles.Jeregrettaisd’avoircachéunepartiedelavéritéàOceana.Quisavaitcommentelle réagirait?Elleétait imprévisibleetelleneparvenaitquetropbienàcachercequ’ellepensait.Deuxièmecoupdur : jesavaisqu’ilvenaitpourOceana.Carlétaitunséducteur. Ilaimait toutes les

fillesetn’avaitaucunepréférence.C’étaitpourça,etuniquementpourça,quej’avaisvoulumettredeladistanceentreeuxlaveille.Oceanayavaitvuduméprisoudelahonte.Maisnon.Jepensaisseulementàmondon juandepote,àsamanieàhapper toutcequiportaitunepairedeseinsetde fesses,etàsesconnaissancessurmavieprivéequ’ilnesegêneraitpaspourétaler!J’auraisdûleluidirelorsqu’elles’étaitbraquéecontremoi,cematin-là.J’auraisdûluiavouerqueje

mefoutaisdecequetout lemondepouvaitpenserdenous.Jen’auraispasdûla laissermefaire taireavecsonminusculedoigtsurmeslèvres.J’auraisdûluiconfesserquej’étais terroriséparcequejenesavaispasoùnousallionstouslesdeux,maisquejenepourraisjamaislalaisserpartiràl’issuedecestroismois,avecundernierbaiseretunchèquedesalaireentrelesmains.Qu’est-cequ’elleenpensait?Qu’est-cequenousallionsdevenir,elleàNewYorketmoiàMiami?Etsielleavaitraison?Sicetrucn’existaitqueparcequenousétionsisolésdanscettevilla?—Vousavezunproblème,Rick?interrogeaOceana.Sesseinspointaientàtraversletissublancdesarobe.Jemesouvenaisdemalangueetdemesdents

jouantdélicatementavecsestétons,alorsqu’ellegémissaitcommeuneadolescentequidécouvraitpourlapremièrefoissoncorps.—Justefatigué.Jen’aipasbiendormi.Ellerougitinstantanément.Àcausedemonregard,quis’étaitattardétroplongtempssursapoitrine?—Désolée,s’excusa-t-elle.Jenevousaipaslâché.Perdu. Elle rougissait simplement parce qu’elle pensait être la cause de monmanque de sommeil.

Indirectement,ellel’était,maisjepréféraisdeloindormiravecsapetitetêtenichéeaucreuxdemonbrasqued’êtreseuldansmesdrapsgelésparl’airclimatisé.— Ils n’ont pas prévu d’ouragan pour ce soir, et votre lit est accessiblemaintenant.Vous dormirez

mieux…—J’auraissurtoutdûrepousserlerepasavecCarlàdemain.Lasonneriedelaported’entréeretentit.Ilm’étaitimpossiblededécommandermaintenant.—Jevaisouvriretjefilepasseruncoupdetéléphone,m’avertit-elleensedirigeantverslaporte.—Oceana?(Elleseretourna.)Mettezunsoutien-gorge,s’ilvousplaît.Elleregardasapoitrineets’empourpraànouveau.Alorsquejemeréinstallaisdansmonfauteuilroulant,monfidèlecompagnon,j’entendisl’échangede

politessesentremonamietelle,puissespasprécipitéssurlecarrelage,jusqu’aucouloirdeschambres.

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—Jesuislà!criai-jeàCarlquitardaitàvenir.Il fît son apparition dans le salon. Il avait délaissé le short de bain et le débardeur du surfeur

professionnelpourunechemiseblancheetunpantalonnoir.Ilmefaisaitquoi,là,raséàlaperfection,lescheveuxparfaitementcoiffés?Undéfilédemode?Enmevoyant,ilsiffla.—Deuxjoursd’affiléehorsde ton lit !Jesuisgâté!Maisdis-moi,comment tufaispour te laisser

toucherparcettefillesanspenseràautrechose?chuchota-t-il.Ellen’avaitmalheureusementpasbesoindemetoucherpourça!—Tun’esqu’unobsédé!Sers-nousunebièreaulieudediredesconneries…J’avançaiavecluijusqu’àlacuisine.L’odeurdesépicesdurisottod’Oceanachatouillamesnarines;

onétaitbienloindelasaladeverteauxchandellescesoir!Elleavaitbiendûpasseruneheureencuisinependantquejefaisaismaséancederééducationsurlecanapé.—Ellearappelé?Unebouteilledebièreàlamain,Carlmedévisageait.—Pasquejesache.Non.Ellen’avaitpas rappelé.Ellen’avait jamaisappelé.Pasuneseule fois,poursavoirsi j’allais

bien,sij’avaisbesoindequelquechose,sijevoulaisparler.Pasuneseulefois!C’étaitmoiquil’avaisappelée.Poursavoirquandellereviendrait.Pourluicrierquejel’aimaisetquej’étaisdésoléd’avoirtoutbousillé.Lesoirdemasortiedel’hôpital.Lesoiroùj’avaisdécouvertqu’aucunsouvenird’ellenesubsistait dans cettemaison.Notremaison !Elle était partie. Il n’y avait riend’autre à dire.L’aide àdomicileengagéeparmamèren’avaitpastenuplusdequarante-huitheures.Lessuivantesn’avaientfaitguèremieux.Toutesavaient subimes sautesd’humeuretmes impulsions rageuses.Ellesn’osaientpasm’affronter, allaientmême jusqu’àpleurer.En réalité, je leur avais infligé tout ceque jevoulais fairesubiràKristen.Jusqu’àOceana.—Ellevarevenir,Rick,m’avertitCarlenmepoussantjusqu’àlaterrasse.—Tunevaspast’ymettre,toiaussi?grognai-jetandisqu’ilm’installaitdevantlatable.Jefisdescendredeuxgorgéesdeblondedansmagorge. Ilpritunechaisepours’asseoirenfacede

moi.—Cequejeveuxdire,c’estqu’ellereviendraàlachargequandtuserasremissurpied.Qu’est-ceque

tuferasàcemoment-là?—J’ensaisrien,lâchai-je.—Elleneméritemêmepasque tudoutes !Bonsang,Rick,c’estellequidevrait fairecequecette

Oceanafaitpourtoi!Elleestpartie!Ellet’alaissépourmortdansunlitd’hôpital!Ellet’aditqu’elletequittaitalorsquetuavaisunputaindetuyaudanslabouchepourt’aideràrespirer!Moi,àtaplace,jen’hésiteraispas.Est-cequej’hésitais?Àvraidire,j’étaistellementpersuadéqu’ellenereviendraitjamaisquejene

posaismêmepluslaquestiondesavoirsij’accepteraissonretourounon!Audébut,j’espéraisqu’elleseraviserait.Maismaintenant,jen’ypensaismêmeplus.Jenepensaisplusàelle!—Tun’espasàmaplace,dis-jeenportantlegoulotdemabouteilleàmabouche.—Putain,non!Moi,jenel’auraismêmepasmisedansmonlit!—Fais-moirire!Cen’estpascequetudisaislapremièrefoisquetul’asvue.

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—Jen’aimepascettefille.—Tunel’aimespasparcequ’ellen’ajamaisvouludetoi!—C’estunegarce.Cettediscussionnemenaitàrien.Nousl’avionsdéjàeuelejouroùj’avaisvendumonclubdesport

nautique.Etaujourd’hui,aveclerecul,jemerendaiscomptequ’ilavaitraison.J’auraidûgarderleclub,pourresterindépendant.Maisjevoulaistoutchanger,pourKristen.Pauvrecon!—Changedesujet,tuveux?Tureparsquand?demandai-je.Jebusunenouvellegorgéedebièrepourparaîtreplusdétendu.—Onenadéjàparlél’autresoir.—Tuparlesdusoiroùj’étaistropbourrépourmecouchertoutseul?—Oui. J’espère qu’Oceana sera apte à te déshabiller ce soir car je ne recommencerai pas ! J’ai

encoredumalàchassercertainesimagesdematête!—Faispastonmacho,cen’étaitqu’unshort!—Sansrire.Commenttufaispour…Nemefaispascroirequ’elleestmolledepuisKristen!Ilparlaitdemaqueue.OK.Non.Ellen’étaitpasmolle,niinapteàselivreràunquelconquesportde

détente!—Oceanadortdansmonbureauetlaporteresteouverte,commentveux-tuquejem’yprennedansces

conditions?—Tuyaspensé!J’enétaissûr!Maisquelobsédé!—L’eaudeladouchemesertàcouvrirlesbruits…—Elleaquelqu’un?chuchota-t-ilensepenchantversmoi.Jejouailanaïveté.—Dequituparles?—D’Oceana.J’étaispresquecertain,maintenant,qu’iln’étaitlàquepourelle.—Jenecroispas.Onneparlepasdenotrepassé.L’airperplexe,ilmedévisagea.—C’estquoi,cetteconnerie?—Jeneluiposepasdequestions,ellenonplus.—Nemefaispascroireça…Vousfaitesquoidevosjournées?—Tuveuxmonplanningoulesien?aboyai-jeunpeutropvite.Jen’allaistoutdemêmepasluidirequ’onpassaitnotretempsàsefrôler,secaresser,s’embrasser,se

regarder…Jerepris,plusposément:—Lematin,elles’affairedanslamaison,moijetiremaflemme;l’après-midi,jefaismarééducation,

etelledelagym.Ças’arrêtelà.Ilsecoualatête.

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—Tumecachesquelquechose.Yauntruc.Ah,lavoilà.Pas besoin qu’ilme le dise pour savoir qu’elle était là. Son parfum de vanille avait déjà sollicité

chacundemessens.Monsangsemitàbouillir.Jel’accueillisd’unsourireparfaitementniais.—Désolée,dit-elleens’installantàl’autreboutdelatable.Elleavaitlesyeuxrouges.Elleavaitpleuré!—Vousvoulezboirequelquechose?Unebière?demandaCarl.—Merci,jeneboispasd’alcool,répondit-ellepoliment.—Jesais!lança-t-il,manifestementfierdelui.Unjusd’orange.Commentsavait-ilqu’elleaimaitlejusd’orange?Ellehochalatête,etCarlpartitaupasdecourseverslacuisine.Jetentaid’oubliermonsubitaccèsde

jalousieetplongeaimesyeuxdanslessiens.—Pasmaintenant,articula-t-elle,comprenantmonintention.Jelesavais.Ils’étaitpasséquelquechose.J’avaisenviedemettreCarlàlaporteetdeluidiredene

plusreveniravantdixsemaines!Le repas se déroula dans le calme. Oceana fit semblant de s’intéresser à nos conversations sur le

prochain championnat de surf de mon ami. Poliment, elle esquissait un sourire lorsque celui-ci laregardait,maisjesavaisqu’ellen’avaitpasécoutélemoindremot.Sonrisottoétaitextra!Cettefilleétaitunvéritablecordon-bleu!Jel’avaissudèslepremierpancake

qu’ellem’avaitpréparé.Jebâillaiostensiblement.Carlcontinuaitàdéblatéreretnesemblaitpasvouloirpartir.Oceanaavaiteu

le tempsdedébarrasser la tableetdefaire lavaisselle,alorsquejepossédaisunlave-vaisselle,et lesoleils’étaitcouchédepuislongtemps.Au moment où je pensais qu’il allait enfin lever le camp, il passa à l’attaque. Oceana était allée

chercher dans sa chambre un large gilet en laine et s’était si bien emmitouflée dedans, jambesrecroquevilléescontresapoitrinesurlachaise,qu’onnevoyaitdépasserquesespetitsorteils.Jen’avaisqu’uneenvie,laprendredansmesbraspourlaréchauffer.—Vousavezquelqu’unàNewYork?tentaCarl.Évitantsoigneusementdemeregarder,ellefinitpardire:—Jen’aipasletempspourunpetitami.—Voustravaillezdansunhôpital?—Non.Jepréfèrelessoinsàdomicile.Jem’occupedespersonnesâgéesdemonquartier.—Cequiestsûr,c’estqueçadoitêtredifférentd’ici!Commentarrivez-vousàlesupporter?Ilmemontradudoigt.Jelavisrougiràlalueurdulampadaire.Àquoipensait-elle?—Rickn’estpasdifficileàvivre,répondit-elleenhaussantlesépaules.—Sijamaisvousvousennuyezousivousenavezmarredevoirsasaletronche,jepeuxvousfaire

visiterMiami.Vousvousêtesdéjàbaignéedansl’océan?Oui,j’étaisjaloux.Ilpouvaitfaireavecelletoutcequ’ilvoulait,toutcequejenepouvaispasfaire.—Pasdepuislongtemps.

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—Oceanapréfèrelapiscine,ajoutai-jemaladroitement.Ses yeux devinrent de glace. En une phrase, je l’avais exaspérée. Elle se redressa sur sa chaise ;

l’expressionenjouéequiapparutsursonvisagenemedisaitrienquivaille.—Jen’aijamaisfaitdesurf.Jesupposequeçanedoitpasêtrecompliqué.—Jepeuxvousmontrer,sivousvoulez,proposaCarlsurexcité.—Jesuismeilleurquelui,jevousapprendraidèsquejeserairemissurpied,mehâtai-jededire.Monami tourna la têteversmoi. Jesavaiscequ’ilpensait. Jen’étaisplus remontésuruneplanche

depuisqueKristenavaitacceptémademandeenmariage.C’étaitsacondition.Quej’arrêtedememettreendanger.J’avaisaccepté.Avecregretetamertume.JedéfiaiCarlduregard;ilplissalesyeux,surpris.— Je nemanquerai pas dem’en souvenir,Carl, ditOceana, interrompant notre échange silencieux.

Pourl’instant,jevaisallermecoucher,jesuisépuisée!Lajournéeaétélongue.—J’allaispartir,detoutefaçon,annonçaCarl.—Vousnerestezpasdormirici?Mon cœur se serra ; mais son visage neutre me fit comprendre qu’il ne s’agissait qu’une simple

politesse.—Jepeuxencoreconduireetjedoisrejoindredesamisàunesoirée.Etpuisjevousavoueraiqueje

n’aipastrèsenvied’avoiràcoucheretdéshabillerRickcesoir!Jesuiscertainquevousfaitesçamieuxquemoi!—Je…euh…commença-t-elleàbalbutier.—Cen’estpascequej’aivouludire…Jeveuxdire,c’estvotretravail…repritCarl,gêné.—Oceananemedéshabillepas,Carl,jelefaistrèsbientoutseuletjen’aibuquedeuxbières!Merci

detesoucierdemoietdemonbien-être.—Voilà!s’exclama-t-ilensegrattantlatête.Tumeraccompagnes?Jehochailatête.Oceanasoufflaunrapidebonsoiravantdes’éclipser.Jemeretinsunenouvellefois

deluifoutremonpoingdanslagueuleenlevoyantreluquersesfesses.Devantlaported’entrée,ilseretournaetannonça:—Ilyauntruc.Tunemel’ôteraspasdel’idée,ilyauntruc.Oui,ilyavaituntruc.Cefameuxtrucd’Oceana.Cetruc…Jesouris,secouailatêtecommepourlecontredireetouvrislaportepourl’inciteràpartir.—Faisattentionàtoi,dis-jesimplement.Ilsoupiraetpassal’entréetoutencriant:—T’inquiète,jesorstoujoursprotégé!Jesourisànouveau,malgrémoi,enpensantauxpréservatifsàlavanille.Dans le couloir, jem’arrêtai devant la chambre d’Oceana.Aucune lumière ne filtrait sous la porte.

Était-elledéjàcouchée?Jefrappai.—Oceana,vousallezbien?—Jesuisdansvotrechambre,entendis-jeàl’autreboutducouloir.Mainssurlesroues,jerepartisdanslecouloir.

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Bordel!Assiseentailleuraumilieudemonlit,toujoursblottiedanssongilet,ellem’attendait.Malampede

chevet éclairait assez ses yeux pourme laisser voir qu’elle avait encore pleuré. Je n’étaismême pascertainqu’ellenepleuraitpasencore.—Taisez-vous,murmura-t-elle.Éteignezlalumièreetrejoignez-moi.Cesoir,j’aibesoindevous.Je

n’aipasdecoupdesoleil.Jen’aimalnullepart.J’ai justebesoindevous.Jeveuxjustequevousmefassiez oublier que je ne suis pasmoi. Quema vie n’est pas à NewYork, ni ici. Je veux juste êtreailleurs.Est-cequevousenêtescapable?—Ques’est-ilpassé?Ellesecoualatête.Ellenemediraitrien.Voirunelarmes’échapperdesesyeuxmedémolit.Oceana

nepleuraitjamais,Oceanasouriait,Oceanarougissait,maisellenepleuraitjamais!Je m’avançai jusqu’à elle. D’une main, elle défit son chignon et, tandis que ses cheveux blonds

déferlaientencascade,ellefitglissersongiletd’unmouvementd’épaule.Elleétaitnue.Labouchesècheetlecœurbattantlachamade,Jenepouvaismelasserdelaregarder,siparfaiteetsi

belle.Sarespirationétaitprécipitée;elleavaitpeur.Peurdequoi?Quejerefusecequ’ellemedemandait

ouquejelatouche?—C’estvraimentcequevousvoulez?Ellehochalatête.—Jeveuxvousl’entendredire,Oceana.

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Chapitre11

Partir

Jetremblaiscommeunefeuillemortesur le litdeRick,persuadéequec’était laseulemanièrepourmoid’oublierl’étatd’Ethan.Toutelasoirée,madiscussionavecmamèrem’avaittorturéeaupointdenepasavoirécoutéuntraître

motdesdiscussionsdesgarçons,aupointd’avoirfixémonassiettepleinesanspourautantygoûter,aupointd’avoirsouripourfaireoubliermamélancolieàRicketàCarl.PlusàCarlqu’àRick,d’ailleurs,carluiavaitcomprisqu’ils’étaitpasséquelquechosedèsl’instantoùj’avaismisunpiedsurlaterrasse.CequejeredoutaistantenvenantàMiamis’étaitproduit.Ethanavaitétéhospitalisé.Sonétatn’était

pas suffisamment grave pour nécessiter une opération d’urgence, mais assez pour le garder soussurveillancependantunejournée.Jen’avaispasétélàlorsquelapuéricultricel’avaitperfusé.Jen’avaispasétélàpourluifaireoublier

qu’ildevaitresterdansunlitsanstropbouger.Jen’avaispasétélàpourleprendredansmesbrasetluifairecroirequec’étaitcommeàlamaison.Jen’avaispasétélà.Nipourluifairedesbisousmagiques.NipourluidessinerdeslutinsdupèreNoëlsurlespansements

desprisesdesang.Nipourluiapporterdugâteauauchocolat.J’étaislà.ÀMiami.Mamèreavaitvoulumerassurer.Ilallaitbienmaintenant,avait-elledit.Aprèsquemoncœuravaitété

arrachésanspréavisdemapoitrine.Ilallaitmieux,maisjen’avaispasétéaveclui.Monbébéétaitmalade,etjen’étaispaslàpourlui.Il

avaitreçuunefortedosedediurétiquepourréduirelachargedetravaildesventriculesdesonpetitcœur,avaitétémissousoxygèneetsesapportseneauréduits.Çadevenaitdeplusenplusdifficile…Ilvoyaitsescopainscouriretcrapahuterpartoutsansjamaiss’essouffleralorsquelui,auboutdecinq

minutes,étaitobligédes’asseoirpourreprendresonsouffle.Ilnemeledisaitpas,maisjesavaisqu’iltrouvaitçainjusteetqu’ilétaittristededevoirsecontenterdelesregarderjoueraulieudelessuivre.C’étaitçaleplusdur…Leplusdur,c’étaitdenepasleregarderavecmélancolie,devoirlemeilleur,

deluifairetoucherleplusbeau.Biensûr,ilsavaitcequ’ilavaitledroitdefaireounepasfaire,ouplutôtcequesoncœurl’autorisait

à faire !Mais, quelquefois, il était tenté d’aller au-delà de ses capacités. Et il était difficile aussi leblâmer,parcequelanormalité,àsonâge,c’étaitcourirets’amuser.Lorsquejefermaislesyeux,jepouvaisvoirsonpetitvisaged’angeentourédesesbouclesblondes,je

pouvaisentendreseséclatsderiresetsapetitevoixm’appelantmamanetjepouvaissentirsapeaudouceetfinesousmesdoigts.Miamime rendait faibleet impuissante.Miamimemontrait àquelpointmavieàNewYorkn’était

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qu’une course folle pour la vie. Miami me faisait lâcher prise, me faisait rêver et oublier, presque,qu’Ethanexistait.Jeculpabilisaistellementdedireetdepenserça.Quellemèreétais-jepourmesentirheureusesanslui,heureuseavecRick?Pour lapremière foisencinqans, je flanchais.Jebaissais lesbras.J’envenaispresqueàsouhaiter

qu’ilsoitopéréenurgence.Jen’auraisplusbesoindecetargent,toutseraitprisenchargeparl’hôpital.MaisàquelprixpourEthan?Auprixdesavie.Carilneseraitopéré,danscesconditions,quelejouroùsonpronosticvitalseraitengagé.Jesavaisquecejourapprochait.Ethanavaitdéjàcinqans.Etc’étaitpourcetteraisonqu’ilmefallait

cet argent. Pour qu’il soit opéré dans de meilleures conditions, que son petit cœur soit réparé sansséquelles, qu’il se remette plus vite et qu’il puisse sourire parce qu’il courait – et pas seulement enregardantsescopainslefaire.Alors,letempsd’unesoirée,jevoulaism’oublier.Outoutsimplementappréciercertaineschosesdela

vieauxquellesjen’avaispluspensédepuistropd’années.JevoulaisRicketsonemprisesurmoncorps.Je voulais sa peau sur lamienne et son souffle dansmabouche. Je voulais qu’ilmemontre commentrespireretcommentfairecourirmoncœurpourlui,etuniquementpourlui.—C’estvraimentcequevousvoulez?J’étaisterroriséeparsaquestion.J’avaisétéexplicite,iln’étaitpasstupide,jevoulaisqu’ilmefasse

l’amour;ilm’encoûtaitdéjàd’êtredévêtuedevantlui,alorsledire!—Jeveuxvousl’entendredire.Jefermailesyeux.Prenantmoncourageàdeuxmains,j’articulai:—Jeveuxquevousmefassiezl’amour.Lesyeuxtoujoursfermés,torturéedansl’attentedesaréponsecommeunaccuséattendantsasentence,

jemeretenaismêmederespirer.—Alorslaréponseestnon.Ilrefusait.—C’estnon.Pasparceque jenevousdésirepas.Vousnepouvezmêmepasvous imagineràquel

pointilm’estdifficiledevousdirenon,carjerêve,mêmeéveillé,devousfairel’amourdanstouteslespiècesdecettemaison.—Alorspourquoivousnevoulezpas?—Parcequevousmeledemandezpourdemauvaisesraisons.Désespérée,jetentaiundernierargument:—J’aieuenviedevousbienavantcecoupdetéléphone.—Etpourtant,vousn’avezpasessayéchaquenuitquenousavonspasséensemble.—Je…—Jenevous feraipas l’amour,maisçaneveutpasdireque jeneveuxpasêtre làpourvous,me

coupa-t-il.Approchez.—Qu’est-cequevouscomptezfaire?—Vousfaireoublier.Maisàmamanière.Mavisionsetroubla.Etmatêtemerappelaundemesrêves,oùlasienneseperdaitentremesjambes.—Je…—Soyezpasstupide,Oceana.J’aienviedevousgoûter.

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Sonaudacemefitfrissonner,autantquesesyeuxdétaillantmoncorps.Moncorps.Quiportaitlacicatricedemacésarienne,bienqu’estompéeàprésent,etdeuxvergetures

souslenombril.—Éteignezlalumière,lesuppliai-je.—Non.Jeveuxvousvoirrougir.—Jerougisdéjàchaquefoisquevousmeparlez.—Jenevaispasmeservirdemalanguepourvousparler…Jem’empourprai.Ilm’excitait.Samaindroitesetenditversmoi,paumeverslehaut.Jel’attrapaiet

melaissaiglisserjusqu’àlui,souslesdraps.—Oceana.N’ayezpashontedevotrecorps.Je sentis sa bouche seposer à l’intérieur dema cuissedroite tandis que sesmains agrippaientmes

fesses.Jetressaillis.Saboucheseposasurl’autrecuisse.Puisplushaut.Etencoreplushaut,siprèsdemeslèvresouvertes

etaccueillantes.—Oceana.C’estvraimentcequevousvoulez?Jehochaifrénétiquementlatête,lespaupièrestoujourscloses.—Regardez-moi,Oceana.Savoixétaitdouceetcalme,maissonregardenflamméetintense.Sesmainsm’attirèrentunpeuplus

vers lui. Je me laissai aller, m’allongeant sur le lit. Instinctivement mes jambes se placèrent sur sesépaulestandisquemesdoigtss’accrochaientauborddumatelas.Saboucherepritdélicatementsacourseversmonentrejambe.Malgrélesbattementsassourdissantsde

moncœur,jel’entendismurmurerentresesbaisersqu’ilenavaitenviedepuislongtemps,quejesentaisbonetque,promis,ilmeferaitl’amourunjour…Jemedétendais.Acceptaislesmartèlementspuissantsdemoncœur.Dansunrâlesortidesagorge,salanguedurcies’accaparamonclitoris.Jegémis.—Encoremeilleurquelavanille,chuchota-t-ilentremescuisses.Sa langue s’agitait, s’appliquait. Frénétiquement et sans relâche. Comme s’il dégustait lameilleure

glaceauchocolatqu’ileûtjamaismangé.Etmoi…JeremettaismoncorpsàRick.Jelelaissaismeguider.Remplirmonventredecetteexquisetension.

Intenseetchaleureuse.—Jemelanguisdéjàdevousfairel’amour,Oceana.Jemecambraietrejetaimatêteenarrièrepouraccueillircefeud’artificedebien-êtredansmonsexe.—Regardez-moi,Oceana,murmura-t-ilàl’instantoùl’undesesdoigtsmepénétrait.Jenepusretenirungrognementdeplaisirtoutenm’empalantplusprofondémentsurlui.Undeuxième

doigtrejoignitlepremier.Mespiedspressèrentplusfortsondos.—Oceana.Jeveuxquevousmeregardiezvousdonnerduplaisir.J’obéisetleregardai.Latêteentremesjambes.Sesyeuxplongésdanslesmiens.Tandisquesabouche

etsalanguejouaient,accompagnésdesesdoigtsallantetvenantdansmonsexe.Jemecambraiunenouvellefois.Saisisledrapavecfureur.

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Jenelequittaispasdesyeux.Etlevoirsuffisaitàmerendrefolle.Àm’enivrer.Àmefaireexplosersursesdoigts.Nuedanssesyeux.Trempéesursabouche.Tenduedanssonautremain.Monorgasmemefitcrieràmedemandersicesonsortaitbiendemagorge.Enfin,jedevinsaussimollequeduchocolatfondu.Lefeuauxjoues,dansmoncou,surmapoitrine,

entremesjambes,jebrûlais.Sabouchehumideme sourit.Avant de se poser surmonpubis. Puis sousmonnombril. Il repoussa

doucementmesjambesetsemitdeboutpourcontinuerplushaut,surmonsternum.Jesoufflai:—Vousn’avezpasledroitdevousappuyersurvos…—Chut.Ilétaitdéjàcouchéàcôtédemoi,appuyésuruncoude.Monsexefrémitunedernièrefois.Ledosdesa

maincaressamajoue.—Jeveuxvoircerougequej’adore…Jesouris.—Queljoursommes-nous?demanda-t-ilavecmalice.—Ilestplusdeminuit.Samedi,jecrois.—Nouvellesrègles,dit-ilendéposantunchastebaisersurmeslèvres.Commepouremprisonnerl’empreintedesabouchesurlamienne,jemeléchaimeslèvres.Jereconnus

legoûtsaléetamerdemacyprine.—Etquellessont-elles?Ilfitcourirsesdoigtssurmonventre.—Iln’yenaqu’uneseule.Dansmonlit,c’estmoiquidécide.Sesyeuxbleusmefixaientavecintensité.—Siçasepassecommeçachaquefois,jenebougeplusd’ici.Jen’arrivaispasàcroirequej’avaisditça!—Dois-jeenconclurequeçavousaplu?—Jecroisquevousm’avezoffertunorgasme…—Vouscroyez?répéta-t-ilenlevantlessourcilscommesiceverbeneluiplaisaitpas.Jemordisl’intérieurdemajoue.—Vousêtesdansmonlit,Oceana…—Vousêtesmonpremierorgasme.Sesdoigtscessèrentleurdansesurmapeau.—Çan’estpascequevouscroyez,mehâtai-jededireenvoyantl’expressiondesonregard.J’aidéjà

connudeshommes,maisjesupposequ’ilspréféraientpenseràleurpropreplaisir.Ses yeuxme sondèrent. Je disais la vérité.Aucun ne s’était soucié demoi, demon plaisir. C’était

plaisant…maiscen’étaitpascequeRickm’avaitoffert!—JesoutiensquetousleshommesàNewYorksontaveugleset,certainementaussi,fous!dit-ilenfin.

Vousrestezdormiravecmoi?Jehochailatêtetoutenretenantunsourire,soulagée.

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—Installez-vous,jereviens,annonça-t-ilavantderetournerdanssonfauteuil.L’airfraisdelaclimatisationsurmondosnumeréveilla.Peut-êtreaussileclapotisdesgouttesd’eau.

Lentement, j’ouvris les yeux. Il faisait nuit. Rick n’était pas près de moi. Je me redressai tout enm’enveloppantdudrap.Unevivebrûluredansmonentrejambemerappelacequenousavionsfait.Cequ’ilm’avaitfait…Jechassaidematêtelapetitevoixsournoisequimesuggéraitquecen’étaitpasbien.Cen’étaitpas

simplementbien,c’étaitaussiaffreusementbon,divinementsucculent,addictif!Lebruitde l’eau s’intensifia. Jeme levai etmedirigeaivers la salledebains, enveloppéedemon

drap.Sansfairedebruit,j’ouvrislaporte.Ilétaitdeboutsursesdeuxjambes,devantsonfauteuil,lebrasgaucheenappuisurlemurenfacedelui;sonbrasdroits’agitaitdevantlui.Levoirsemasturbermefitbouillir.Baignéparl’eauquis’écoulaitdeladouchefixéeau-dessusde

lui,ilgémissait.Sondos,sesfessesetsescuissessecontractaient,dessinantsamusculatureparfaite.Jem’approchaidoucement.Jevoulaislevoirdeplusprès.Jevoulaislevoirjouir,commeilm’avait

vue.Maisledraps’accrochaàlaporteetlafitgrincer.Jemepétrifiai.Rickseretourna.Confuse,jevissonsexetendu,qu’ilvenaitdelâcher.Ilnemeregardaitpas.Ilrestaitlà,figésousle

jetd’eau.—Jesuisdésolé,murmura-t-ilenfin.Maisvousvoirnuedansmonlit,après…Sa phrase resta en suspens. Il s’excusait, alors que c’étaitmoi qui l’avais surpris dans unmoment

d’intimité!Je laissai le drap là où il était, coincé dans la porte, et entrai dans la douche. L’eau était presque

brûlante.Jem’inséraientreluietlemur.C’étaitlapremièrefoisquejelevoyaisdeboutdevantmoi.Ilmedominaitdedeuxtêtes,etjemesentaisminusculeetfragile.—Vousnedevriezpasêtredebout,tentai-je.—Jenesuispasàquelquesjoursprèspourlagauche,etc’estplusfaciledebout.—Jenevoulaispasvousdéranger,mais…—Mais?—Pourquoivousnem’avezpasréveillée?LessourcilsdeRicksefroncèrent.—Ce n’est pas parce que je vous ai fait du bien que vous devezm’en faire aussi, lâcha-t-il avec

amertume.—C’estcequevouscroyez?Vouspensezréellementquejemesensobligéedevousrendreceque

vousm’avezdonné?Jeleferaiseulementparcequej’enaienvie.—Non!—Nousnesommespasdansvotrelit,Rick.Iln’yapasderèglesici,l’avertis-jed’untonsec.—Jelametsenplacedèsàprésent.Jenelecomprenaispas.C’étaitcequ’ilvoulait,jelesavais,sonsexemelefaisaitsentirenfrôlant

monbassin.Sesyeuxmelecriaient.—Demandez-moide le faire. Je suis certaineque c’est cequevousvoulez.Vousvoulezdiriger et

dominer,alorsfaites-le.Jenevousblâmeraipas,jenesuispasdanscefauteuil,dépendantedesautres,toutelajournée.

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Jemefoutaisdesavoirs’ilm’envoulaitdeluiavoirdittoutça.Cen’étaitquelavérité.Iln’avaitqu’às’arrangeravecsonego,aprèstout.Jetentailetoutpourletout.Jeposaiundoigtsurl’unedescicatricesdesontorseetlefitglisser,à

traversl’eauruisselante,d’unboutàl’autre.Jerecommençaiaveclasuivante.Sursonabdomen.Aveclamêmedélicatesse.Lesyeuxfermés,laboucheouverte,iltressaillit.—Jesuisterrifiée,Rick.Jesuisterrifiéeparcequejedésirefaireavecvousdeschosesquejen’ai

jamaisfaites.Jesuisterrifiéeparcequejenesaispassicequenousfaisonsestbienoumal.Etjesuisterrifiéeparceque jene saispasm’yprendreetque j’aipeurdenepas réussir àvous fairedubien.Alors,dites-moicequejedoisfaire.Mon cœur semblait vouloir exploser dans ma poitrine. J’avais dit tout haut ce qui me torturait à

longueurdejournée.Sesyeuxs’ouvrirentenfin.—Mettez-vousàgenoux.Jem’exécutai.Tremblante.Apeurée.Tendudevantmesyeux,sonsexesursauta.—Audébut,laissez-moifaire.Accrochez-vousàmeshanches.Siçanevapas,vousmepincez.OK?Lesyeuxtoujoursfixéssursonsexe,jehochairapidementlatête,merefusantàpenserqueçapourrait

nepasaller!Samainguida songlanddécouvert jusqu’àmabouche. Il s’y frottadélicieusement.Sapeau lisseet

soyeuseglissaitsurmeslèvresentrouvertes.Ilgémitunenouvellefois,faisantnaîtreenmoiunsentimentdepuissance.Dansunélandecourage,je

melançai.Jeleléchai.Nouveaugémissement,puissantetplusprofond.Jefaisaisglisserleboutdemalangue le long de sa verge. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais, mais l’entendre geindre mesuffisait.Jeleprisdansmabouche,l’inséraiauplusprofond,jusqu’àmagorge.Jerecommençai.Encoreetencore.Enivré,ilposaunemaindansmescheveuxtrempés,mepressantcontrelui.—Oceana,sivoussaviezcommej’enairêvé…L’entendrelediremedonnaautantdeplaisirques’ilmetouchait.Jemedélectaidesaqueuedansma

bouche,desonregardfoudedésiretdesesgémissementstoujoursplusforts.—Oceana…Jevaisjouir.Levez-vous.Mesdoigts s’agrippèrent fermement à ses fesses, lui signifiant que je ne comptais pasm’arrêter là.

J’accélérailacadence.Toujoursplusvite.Toujoursplusprofond.Sanspitiépourmagorgeetjouantdemalanguesursongland.Sesgémissementsdevinrentrauques.Jesentissongout,satexturesurmalangue.J’avalaisansmeposerdequestion.Etjerecommençaiàalleretvenirsursonsexequisetendaitetsedétendaitpourenexpulserunpeuplus.Undernierrâlesortitdesagorge.Jemeretirai,etilm’aidaàmelever;mesjambestremblaient.—Jecroisquec’estlameilleurepipequ’onm’aitjamaisfaite,avoua-t-il,haletant,lesyeuxfixéssur

mabouche.Jenepusretenirunsourire.—Jecrois?relevai-je.—Deloinlameilleure.Lameilleure…

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Sesdoigtsrepoussèrentquelquesmèchestrempéesdemonvisagealorsquesesyeuxmedévisageaientavecunetendressequejeneluiconnaissaispas.—Etjelerépète,leshommessonttousfous,àNewYork.

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Chapitre12

Comment?

Comment se comporter après une nuit comme la nôtre ? Il n’était plus question de caresses ou debaiserséchangéssousundrap,ilétaitquestiondebeaucoupplusqu’unsimpleéchangedesalive.Rickavaitdécouvertmonintimité,j’avaisdécouvertlasienne.Ilm’avaitoffertunorgasme,etj’enavaisfaitdemêmepourlui.Ilm’avaittouchéecommepersonneavantluinel’avaitjamaisfait,etjem’étaislaisséesurprendreparmonaudaceen le touchantaussi.Alors,commentdevions-nousnouscomporteraupetitmatin?Avant ce samedi, il y avait mes règles, qui m’aidaient à croire que j’étais seulement son aide à

domicile–uneaidequi avait commiscertaines incartades.Quim’aidaient à croirequece trucn’étaitqu’une simple attirance exacerbéepar l’isolement. Illusion, puisquema tête,mon corps et surtoutmesjouessemblaientréagiruniquementàRick,etcelamêmeenprésenced’autrespersonnes.Cetrucn’étaitpasqu’unesimpleattirance.En avoir conscience, c’était bien, mais cela ne m’aidait pas à savoir… comment je devais me

comporteravecluicematin.Jen’avaisjamaiseuàaffrontercegenredeproblèmeaveclepèred’Ethan,Ben.Nousn’habitionspas

ensembleet,lesraresfoisoùnousdormionsdanslemêmelit,nousnouslevionsàdesheuresdifférentes.Luiendernièreannéedemédecineetmoi,jeuneinfirmièredanslemêmehôpital,vivionscomplètementdécalés.Nousnouscroisions.Je ne me rendais compte que maintenant que notre relation avait tout été sauf normale. Jamais de

restaurant,aucunesoiréeentreamis,pasdesaladesvertesauxchandellesnidedouchespartagées.Rien.Onnesevoyaitpaspoursevoir,maisseulementpourbaiser.Rapidement.Ças’arrêtaitlà.Etçanemedérangeaitpas.Pourquoi?Parcequej’aitoujourspréférélebonheurdemonentourageau

mien.Etcertainementaussiparcequejeneconnaissaispasautrechose.Jen’avaisjamaiseucetrucaveclui…nousn’avionspasletemps,ounousneleprenionspas.C’étaitsimpleetsansprisedetête.Jenemeposaispasdequestions,luinonplus.Jusqu’àEthan…Bienplusqu’unequestionpourlui,magrossesseavaitétéunproblème.Unproblème

poursafuturecarrièredechirurgienplastique.Unproblèmepoursonfuturplanning.Unproblèmepoursonportefeuille.Unproblèmepournosrelationssexuelles.Unproblème!Moi,j’avaisacceptél’idéed’avoirunenfant.Avecousanslui.Etleseulproblèmequiavaitsuivila

naissance n’avait pas été, pourmoi, sa lâcheté, mais le fait de savoir quemon enfant ne vivrait pasnormalement.Lui,enrevanche,avaittrouvélasolution.Prendrelafuite.—Jesaisquetunedorsplus,meditRickavantd’embrasserlesommetdemoncrâne.Depuisaumoinsuneheure.J’avaispuobserverleleverdusoleil,unvold’oiseauprèsdelapiscineet

apprécierchaquebattementdesoncœurdansmonoreille.J’avaisdéjàunepartiedemaréponse.Ilmetutoyait.Ilm’embrassait.Avectendresse.Commentsavoirsicequenousavionsfaitétaitbienoumal?Etqu’allions-nousfaireaprès?J’étais

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terrifiéeàl’idéedepartir,terrifiéeàl’idéederester.—Qu’est-cequenousavonsfait?murmurai-je.—Jesupposequenousavonstestécemachinquetuappellestruc,répondit-il.Jemeretournaisurleventre,plaçaimesmainssursontorseetmonmentondessus,pourl’observer.—Soitlaréponseneteconvientpas,soittumecachesquelquechose…—Jen’aimepasquetu…quevous…metutoyiez!dis-jeaprèsavoirfaitunsignededénégation.Sesyeuxseplissèrent.—Tumens.Tun’hésitesjamaissurtesréponses.Dois-jeterappelerquetuesdansmonlit,etque,de

cefait,tudoism’obéir?Undesesdoigtstapotadoucementleboutdemonnezenguised’avertissement.—Tun’aspaspréciséquelleseraitlapunition.Donc,j’aibienenviededésobéir,lenarguai-je.—C’estbienlapremièrefoisqu’unefemmemedemandedelapunir…—Jen’airiendemandé.J’aijusteditquejen’avaispasenviedefairecequetumedemandais.—Alorsjevaisréfléchiràmesconditions.Jehaussailesépaulesetmelevai.—Tut’envas?s’inquiéta-t-il.—J’aiuncoupdetéléphoneàpasser.Jesavaisqu’Ethanallaitbien,qu’ilétaitrentréàlamaison,maisjeneluiavaispasparlédepuistrois

jours.—D’habitude,tutéléphoneslesoir.—D’habitude,jenefaispascegenredechosesavecmespatients.Jelaissaimonregarddescendrelentementsursontorse.—S’ilteplaît,enlève-moidelatêtel’imagedetoiavecunvieux!gémit-ilensecachantlesyeux.Jegloussaietcourusversmachambre,nuecommeunver.—Vaàladouche,onserejointàlacuisinepourdéjeuner!—Douche?Voilàcequ’ilmefallait!répliqua-t-il.Deloinlameilleureimagedetoi!Jemeretournai…etmefigeaisurlavisionqu’ilm’offrait.Deboutàcôtédulit,touslesmusclesde

sondos,desesbrasetdesesfessesétaienttendus.Jerougisetchassail’idéederetournersousladoucheaveclui.—Ilfautquetuarrêtesdetemettredebout.Àtropforcer,tuvasavoirmal,ettonfémurneconsolidera

pas.— J’ai déjà mal, de toute façon, répondit-il. Mais la sensation d’être sur mes deux pieds vaut

largementladouleur!Etpuistuespartiesansplacermonfauteuilàcôtédulit.Je m’empressai de le rejoindre, récupérant son moyen de transport au passage et l’aidant à s’y

installer.—Tuveuxmarcher?—Semettredeboutestunechose.Marcherenestuneautre.Jenecroispasêtrecapabledemettreun

pied devant l’autre sans flancher. Et puis, comme tu l’as dit, je n’ai pas encore l’autorisation dem’appuyersurmajambedroite.

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Jelepoussaiversledressing.—Cen’étaitpasmaquestion.Jet’aidemandésituvoulaismarcher?Jeluimontraiunshortdebainetundébardeur.Ilapprouvadelatête.—Tuconnaislaréponse,Oceana.Biensûrquejeveuxmarcher!Jeluilançaiseshabits,presséequ’ilcachesoncorpstropparfait.—OK.Laisse-moijusteletempsdetrouverunesolution.—Iln’yenapas.Iljetasesaffairesàcôtédulavabo.—J’auraitrouvéunesolutiond’icicesoir…murmurai-jeàsonoreille.Ilattrapamonpoignetetm’incitaàm’installersursesjambes.Mollecommeduchocolatfondu,jeme

laissaiallercontrelui.Jenichaimatêtedanssoncou.—Pourquoipasmaintenant?demanda-t-ilenhumantmescheveux.—Parcequej’aiuncoupdefilàpasser.Sesdoigtsremontèrentsurmacuisse.Jefrissonnai.—Tudoisvraimenttéléphonermaintenant?J’aimeraisretournersousladoucheavectoi.Jesoupirai,lesyeuxfermés,leneztoujoursdanssoncou.—Non!Enfin,oui!Jedoisvraimenttéléphoner.Est-cequejevenaisréellementderefuserdeprendreunedoucheaveccesdoigtsquigrimpaient,cette

bouchequim’attiraitetcesyeuxbleusquim’électrisaient?—OK.Onseretrouvetoutàl’heurealors.Iltapotamacuissepourquejemelève.Est-cequejel’avaisvexé?Jecollaimabouchesursajoue

jusqu’àsentirunlégersouriredétendresesmaxillaires.—Netemetsplusdebout,d’accord?—Ettoi,laprochainefois,visemabouche!Etpourl’amourdeDieu,metsunputaindesoutien-gorge

soustarobeaujourd’hui!Ethanallait trèsbien.Aumeilleurdesaforme.Lesenfantsontbienplusdeforceetdecourageque

nous. Ils sourient à la vie,même lorsque celle-ci ne les épargne pas.Leur capacité à se remettre desépreuvesm’atoujoursépatée.Il m’avait raconté son séjour à l’hôpital dans les moindres détails, avec ses mots à lui, et son

enthousiasme.Riendanssavoixnem’avaitlaissépenserqu’ilm’envoulaitdenepasavoirétélà.Mamèreavaitjouémonrôleàlaperfection.Jel’enremercieraisplustard.Elletravaillaitcommegouvernantedansl’hôteldelafamilleThomasdepuisdesannées.Ledirecteur

connaissaitnotresituationetluiavaitpermisd’aménagerseshorairesenfonctiondesmiensetdeceuxd’Ethan. De ce fait, elle partait très tôt le matin afin d’être rentrée en début d’après-midi pour lerécupéreràl’école.Seuleslesvacancesscolairesposaientproblème.NousavionsdûfaireappelàEmy,unenourrice.Emyétaitladeuxièmeamoureused’Ethan!Commentnepasl’aimer,d’ailleurs?C’étaitlaperfectiondelagentillesse!Jenecroyaismêmepasl’avoirentenduehausserletonuneseulefois.Parler avecmon filsm’avait donné envie demanger un gâteau au chocolat.Malheureusement,Rick

étaitàcourtdechocolat!Sansprendrelesoindel’enavertir,j’avaisdonccommandéuntaxipournousemmenerfairequelquescoursesdansl’après-midi.

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Habituellement, Rick se faisait livrer à domicile après avoir passé commande sur internet,mais jepréférais cuisiner des produits frais là où il se contentait de plats tout prêts. Il me fallait aussi deslégumesetdelaviande.—Horsdequestion,Oceana!Tunemetraîneraspasdansunegrandesurface…Ilavait toutessayé, suggérantdedemanderune livraisonexpress,d’allersonnerchez lesvoisins,et

mêmedenégocierlesrèglesdelasemaine.—Nousn’enavonspaspourlongtemps.Dansuneheure,auplustard,nousseronsrentrés,argumentai-

je.Ilfitunnouveausignededénégationfarouche.Jehaussailesépaulesavecdésinvoltureetlançai:—Commetuveux,àtoutàl’heure,alors.—Çava,jeviens,lâcha-t-il,renfrogné.Uneheure,Oceana.Uneheure!Victorieuse,jenepusretenirunsouriredevictoire.Aprèspresqueunedemi-heured’embouteillages,nousarrivâmesenfinaucentrecommercial. Ilétait

bondé.Rickmesuivitdanslesrayons,leregarddur.Monenviedefaireungâteauauchocolatcommençaàsedissiper,tandisquemonsourires’effaçaitpeuàpeu.Jecommençaisàpenserquejen’auraisjamaisdûinsisterpourqu’ilm’accompagne.—Jenesuispasdanscetétatàcausedetoi, lâcha-t-ilunefoisarrivéà lacaissepourpersonnesà

mobilitéréduite.Je me retrouvais dans la même situation qu’au restaurant. Son état était tem-po-raire ! Je ne lui

reprochais pas d’être triste, mais de ne pas essayer de voir les choses autrement. Finalement, jerépondis:—S’ilestquestionduregarddesautressurtoi,jepeuxtecertifierquelaseulequiaitàsefairedu

souciici,c’estmoi.Touteslesfillesseretournentpourtemater!—Serais-tujalouse?insinua-t-il.Jalouse?Jenesavaismêmepascequecemotsignifiait!Néanmoins,ilm’avaitfaitrougir.—Jeleseraissitul’avaisremarqué!répliquai-je.—J’étaisbientropoccupéàregardertesfessessortiràtourderôledetonshortquandtupoussaisle

caddie,chuchota-t-il.Je virai au cramoisi. Ilmemontra la caissière dumenton,m’indiquant que c’était notre tour, etme

dépassa.Moi,j’étaispartagée:allais-jemefaufilerjusqu’aurayonfemmepouracheterunpantalonoufoncertoutdroitverslescosmétiquesetopterpourdufonddeteint?—Bonjour!chantonnalacaissière.Sonton,unpeutropjovialàmongoût,etsesyeuxflamboyantsmefirentl’effetd’uncoupdepiedaux

fesses.Rickluioffritunmerveilleuxsourire.Moncœurseserra.C’étaitça,lajalousie?Pourpenseràautrechose,jemeremuaietrécupéraidessacsenpapiersousleregardmoqueurdeRick.—Çanevapas,Oceana?demanda-t-il,faussementinquiet.Jedardaisurluiunregardlourddesens.—Tuespresqueaussirougequelorsquetuasattrapéuncoupdesoleil!

Jecontinuaiàremplir lessacs,caressant l’idéede lenoyerdans lapiscineenrentrant.Je levoyais

déjàpatauger…

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—J’aitrouvé!m’exclamai-jesoudain,surexcitée.Perplexe,ilfronçalessourcils.—J’aitrouvécommenttefairemarchersansappui!Maisilvafalloirquetumefassesconfiance.—Jet’écoute,dit-il.—Lelève-malade,grimaçai-je.Jesavaisqu’ilavaithorreurdecetappareil.Maislejeuenvalaitlachandelle.—75dollarset25cents,nouscoupalacaissièred’unevoixfluette.—Oceana?m’appela-t-il.Excusezmapetiteamie,ellenevousapeut-êtrepasentendue.Ilavaitdit«petiteamie»?Jerestaisansvoix.—C’esttoiquiaslacartedecrédit.Jet’attendsdehors,dit-il,lesdentsserrées.Qu’est-cequej’avaisfait?Rien.Ilavaitditquej’étaissapetiteamie,etjen’avaispasréagi.J’avais

étéchoquée.Larguée.Frappée.Renversée.Ils’agissaitpeut-êtred’unsimplejeupourrendrelacaissièrejalouseoupourmefairerougir.Loupé.Enfait,dansmatête,iln’yavaitpasdefuturpournousdeux.Peut-êtreétait-celaquestionquej’aurais

dûmeposercematin.Passijedevaisl’embrasserenmelevant,passicequenousfaisionsétébienoumal,nisijedevaisprendremadouchetouslesjoursaveclui!Maisseulement…Etaprès?Aprèscesdixsemainespasséesàjouerauchatetàlasouris,auxadolescentsenproieàundéferlementd’hormonesouauxtesteursdetrucsentoutgenre,qu’est-cequenousferions?Jeleretrouvaisurleparkingducentrecommercial,lesyeuxfermés,latêterenverséeverslesoleil,

commes’ilétaitunpanneausolaireenquêted’énergie.—Jesuisdésolée,m’excusai-je.—C’estàmoidel’être.—Oùçavanousmener?Ilouvritlesyeuxetsetournaversmoi.Jelâchailespaquets,surpriseparlatendressedesonregard.—Jen’ensaisrien.Maisest-cequetucroisqueçanevautpaslecoupd’essayer?Essayer quoi ? Je voulais lui dire qui j’étais réellement. Unemaman. Lamaman d’Ethan.Mais je

paniquai:—Nousnesommespasdumêmemonde,Rick.Jesuisqu’unesimpleinfirmièrequivitàNewYork,

alorsquetuesl’undesfilsdeM.Thomas,directeuretpropriétairedel’undesplusprestigieuxhôtelsdeMiami.Etjeneparlepasdesautres.—Jenevoispasoùestleproblème,répliqua-t-il.Lesfamillesdanslesquellesnoussommesnésne

déterminentpasquinoussommes.—C’estcequetudirasàtamèremardi?Quejesuistapetiteamie?Ellemevirerasur-le-champ!Son silencemepesa tout autantque s’ilm’avait réponduque, lemardi, je redeviendrais sonaideà

domicileetluimonpatient.Finalement,ilpritmamainetlaportaàseslèvres.Jefrémisàsoncontactbrûlant.—Alors,qu’est-cequenoussommes,Oceana?—Je…jen’ensaisrien…—Laissonsletempsfaireleschoses,tuveuxbien?

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Ilsoupira,sanspourautantlâchermamain.—C’étaitquoitonidéeaveclelève-malade?Jerougisrienqu’enprononçantlemotdansmatête,mepenchaiàsonoreilleetmurmuraid’unevoix

langoureuse:—Pis-ci-ne!

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Chapitre13

Premierspas

Pendantmesétudes,avecmesamis,nousavionsexpérimentétoutuntasdetrucsquenousfaisionsauxpatients.Nousvoulionsnousmettreàleurplace,ressentirleurdouleuretleurspeurs,afindemieuxlessoignerplustard.Çapouvaitallerdelasimplemanipulationdansunlitàlaposed’uncathéter!Etfinalement,nousétionstousarrivésàlamêmeconclusion:laseulechoseessentielleàlarelation

entreunpatientetunsoignant,c’étaitlaconfiance.Eneffet,iln’étaitpastrèsdifficiled’apprendreàretournerunpatientdanssonlit,àluifaireuneprise

desangouuneinjection,àletransférerdansunfauteuil…maislaconfianceensoietenl’autre,çanes’apprendpas.Çasemetenplace–etsurtout,ças’entretient.EnvoyantRick,lestraitstirésetl’airanxieux,pendantquejepassaislessanglesdulève-maladeentre

son dos et le lit, je comprenais que la confiance manquait à l’appel. Pas la peine de retourner ausupermarché;iln’existaitaucunrayonoùlatrouver.Çan’étaitpasenmoiqu’iln’avaitpasconfiance,maisen l’engin. Je levoyaisà lamanièredont il

l’examinait, des roulettes qui me permettraient à le transporter jusqu’à la piscine au levier qui mepermettraitdelesoulever.—Combienpèses-tu?luidemandai-je.—Sansdouteunpeumoinsdequatre-vingtskilosmaintenant.J’accrochailessanglesauxcrochetsdefixationau-dessusdesatête,m’emparaidelatélécommandeet

grimpaisurlelitpourmefaufilerentrelabarredepréhensionetsoncorps.—Qu’est-cequetufais,Oceana?Sontorseréchauffamondosàtraversletissudemondébardeur.Jem’appuyaicontrelui.—150kilosmaximum,c’estcequiestécrit.(Jemontrail’étiquette.)Nousn’avonsplusqu’àcroiser

lesdoigtspourquelefabricantn’aitpasgrossileschiffrespouraméliorersesventes.J’affectaislasérénitémais,enréalité,j’avaishâtequecettestupideexpériencesoitfinie.—Tiens,ajoutai-jeenluitendantlatélécommande.Vas-y.—OK…Lepoucesuspenduau-dessusdelaflècheHAUT,ilmejetauncoupd’œilindécis.—Attends!m’affolai-je.Tut’enesdéjàservi?Ilsecoualatête.—Jamais.Jeneteretournepaslaquestion:qu’est-cequetuviendraisfairelà-dedans?—C’estjustementça,leproblème.Jesuisdéjàmontéedansundecestrucs.C’est…particulier.Pouvait-ilsentirlesbattementsfrénétiquesdemoncœur?Ilsemitàrire:—Tuaspeur?

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—Jenepeuxpasappelerçadelapeur.C’estplutôtunesensationdésagréable…Commesitoncorpsnetenaitqueparcetasdeferraille.Tuvoles,maistuesficelédanslehamac.Etlepire,c’estladescente.Parcequetunevoispaslemomentoùtesfessestouchentlematelasou…autrechose.—Pourquoimontes-tuavecmoi,alors?Pourqu’ilaitconfiance!—Siturigolesencoreunefois,jedesc…Ah!Avecunsourirenarquois,ilavaitappuyésurlaflècheHAUT.Mesmainss’agrippèrentàlabarreet

moncœureutunsoubresaut,tandisqueRickgloussait.Aumoins,j’avaisréussiunechose:iln’avaitpluspeurdulève-malade!—Cen’estpassiterrible.Onfaitcommentpourallerjusqu’àlapiscinemaintenant?Suspenduedanslevide,j’essayaisdenepasentendrelabarredelevagequicrissait.J’enfouislatête

danslecoudeRicketannonçai:—Ilfautquejeredescende.Turesterasficelétoutseul,maintenant.Redescends-nous…doucement…

s’ilteplaît.—J’aibienenviederesterperchélà-haut.—Rick,jet’assurequeçan’estpasdrôle,jenesuispasfriandedecegenredesensations.—Siunjourjeremarche,jeteprometsdetefairetesterlewakeboard.Partagéeentreledésirdeluirépéterqu’ilremarcheraitbientôtetl’obligationdel’informerquejene

seraispeut-êtrepluslàpourlevoiraffronterlesvaguesdeMiami,jepréféraigarderlesilence.Àpeinemestalonsavaient-ilstouchélelitquejemerelevaisansménagerRick,quiétouffaunléger

cridedouleur.—Désolée…Denouveausurlaterreferme,jeluisubtilisailatélécommandeetlerelevai.Pousser le lève-malade jusqu’à la piscineme demanda pasmal d’efforts, d’autant que les roulettes

avaienttendanceàmecontrarierensecoinçantdanslesjointsdesdallesdelaterrasse.Prèsdesmarchesde lapiscine, je le fisdescendreavecdélicatesse.Une foisau sol, accroupieà sescôtés, jedéfis lessanglesduharnais.—Enquoilapiscinevamepermettredemarcher?demanda-t-ilencontemplantl’eauavecenvie.—Tonpoidsneserapaslemêmeunefoisimmergé.Dansunpremiertemps,tiens-toiauborddela

piscine et effectue quelques pas chassés. Si tu sens que ça tire, on arrête là. Si tu penses pouvoircontinuer,lâche-toi.—Tunevienspasavecmoi?J’étais toujours endébardeur blanc et short en jean.Et je voulais que ça soit sonmoment à lui. Sa

victoireetsesprogrès.Jevoulaisluiprouverqu’iln’avaitbesoindepersonne.—Non.J’airécupéréunmancheàbalaietj’aitrouvéuneplanchedesurfdanstongarage.Tupourras

t’app…—Non,mecoupa-t-ilavecunregardglacial.Jefrémisetrestaisilencieuse.—Elleestoù?Laplanche?Jelaluiindiquaidumenton.Derrièrelui,àplatsurlesol,laplancheenboispolibeigereflétaitles

derniersrayonsdesoleil.

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Ilseretournaetjevissesmâchoiressecrisper.Monventreseserra.JemesouvenaisdesconfidencesdesonamiCarl,àproposdesonpèreetduchoixqu’ilavaitfait.Leslèvrestremblantes,j’avouai:—Carlm’aracontéquetun’étaisplus…—Jen’aipasbesoinquetumerappellescequej’aifaitounondansmavie.Ramène-moiàl’intérieur,

jenetoucheraipasàcetteplanche.Malgrécetonsansappel,jerécupérailaplancheetlajetaidansl’eau.—Qu’est-cequetufais?Jeprisunegrandeinspirationpourmeretenirdeluidirequ’ilétaitstupide,etdescendislespremières

marchesdelapiscine.Lesoleildelajournéeavaitsuffiàréchaufferl’eau.—Jeviensavectoi,luirépondis-je,àmoitiéimmergée.—Jenetoucheraipasàcetteplanche,dit-ilentresesdents.—Jen’aipasbesoinquetumerappellescequetuasdéjàdit.Etpuis,jenesaispasnager.—Menteuse.Dois-jeterappelerquejet’aidéjàvue?Jegrimpaiàcalifourchonsur laplanche,refoulant lesouvenirdemapremièrenuità lavilla.Enfin,

stabilisée, je posai lesmains bien à plat devantmoi et tournaimon regard versRick, qui n’avait pasbougé.—Tun’aspasmisdesoutien-gorge,mesermonna-t-il.—Tun’estoujourspasdansl’eau.Jenet’attendraipasindéfiniment.—Pourquoitunerougispas?Ilavaitraison.Évoquantdeuxsouvenirsembarrassants,moncorpsnem’avaitpastrahieuneseulefois.—Parcequetonbutn’estpasdemefairerougirmaisdemefairerenoncer.Etjeveuxquetuviennes

dansl’eauavecmoi.—Tun’yespasvraiment!—C’esttonmoment,Rick.Apprécietonmoment.—Etsijeneveuxpas?Jesentissatristesse.Etsiassociersessouvenirsetsespremierspasn’étaitpasunebonneidée?Hésitante,jetentaiunedernièrefois:—Dequoituaspeur?Jetel’aidit,situasmal,onarrêtera.—Jen’aipaspeur.Etjeveuxfaireçaavectoi,pasavecunmancheàbalaisoumavieilleplanchede

surf.Jeveuxlefaireavectoi.Pasparcequejeveuxquetum’aidesouquetumerassures,maisparcequejeveuxlevivreavectoi.Quandonveutvivrequelquechoseavecquelqu’un,ondésirequ’ilfassepartiedenotreavenir–non?Commeausupermarché,jerestaisansvoix,troublée,angoissée.Néanmoins,j’avaisretenulaleçon.—Depuisquandtunel’aspastouchée?m’empressai-jededemander.—Plusd’unan.—Situlefais,jedescendsetjemarcheraiàtescôtés.—Est-cequetuterendscomptesdecequetumedemandes?Sonregardmesuppliaitd’arrêter.Dedescendremaintenant.D’oubliersaplancheetlesrévélationsde

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sonami.—Pastellement,soufflai-je.Ilsoupira,nonpasparagacement,maispoursedonnerducourage.—Cetteplanche,c’étaitlesymboledemesrêvesetdemescauchemars.Aujourd’hui,monseulrêve

c’estdepouvoirremarcheretmonseulcauchemar,denepasyarriver.—Fais-toiglisserjusqu’àl’eauetrejoins-moi.—Tuentendscequejetedis,Oceana?Toujourscesyeuxbleusquim’imploraient…j’allaisflancher.Pourquoi?Jeneflanchaisjamais.Jene

me laissais jamais atteindre. Je trouvais toujoursune solution ! Jenecédaisqu’àEthan, jamais àmespatients.SaufqueRick,detouteévidence,n’étaitplusmonpatient…—Tuasparléaupassé,dis-jeenfin.Turemarcherasbientôt.Ettupourrasdenouveaumonterdessus.

Çanedépendquededeuxchoses,detavolontéetdetespeurs.Viensjusqu’àmoimaintenant,oujecoursmettreunsoutien-gorge!Il leva les yeux au ciel et commença à glisser sur le sol en s’aidant de ses mains. Lentement, il

descenditlesmarchessursesfesses.—Jenelefaispaspourlesoutien-gorge.Maissijedoistouchercetteplanchepourqueturestesavec

moi,alorsjeleferai…Descends,maintenant,ordonna-t-il.Jevoulaisluidirequej’étaisdésolée.Quejen’avaispasvoululetorturer.Quej’avaisvouluretrouver

cesourirequipétillaitàlaperspectivederemarcher.Je vinsme placer debout à côté de lui, bras noués surma poitrine.De l’eau jusqu’aux hanches, je

balayaiduregardlapiscine,puisrevinsàRick,toujoursassissurladernièremarche.Ici, iln’yauraitpasassezdeprofondeurpourlui.—Ilfautallerplusloinavantdetelever,l’avertis-je.Ilclignaet,brusquement,satêteplongeadansl’eauetilsemitànageràlaseuleforcedesesbras.Ses

gestesétaientsifluidesetsiamplesqu’ilsdonnaientpresquel’impressiond’êtresurnaturels.Enréalité,cetteimagenem’auraitpasaffectéesiunautrequeRickavaitnagéainsidevantmoi.Maisc’étaitRick,l’hommedépendantdesesjambespoursemouvoir,restreintdanssescapacités,incapabledesedéplacersanssonfauteuil.Alorsquelà,dansl’eau,ilsemblaitenfinlibéré,enfinlui-même.Unautrehomme.Émue, jenesentismêmepasquej’avaiscesséderespirer jusqu’àcequesa têteémergeàquelques

mètresdemoi.Debout,de l’eau jusqu’aucou,pasmêmeessoufflé, ilme regardait, le front ruisselant,commes’ilseretenaitdecriersajoieaumondeentier.—Jet’attends,Oceana,murmura-t-il.Jeplongeai àmon tourpour le rejoindre, effectuaiquelquesbrasses etm’arrêtaidevant lui, sans le

toucher.—Jen’aipaspied,luisignifiai-jeenreprenantmonsouffle.Mesbras etmes jambes s’agitaient pourmemaintenir la tête hors de l’eau, alors quemes cheveux

flottaientàlasurface.Sonregardseportaverslefonddelapiscine,puisrevintàmoi,craintif.Ilallaitlefaire.Jemeretinsdenouveauderespirer.Unpasavecsajambedroite.Laplusamochée.Laplusdouloureuse.Ill’avaitfait.

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Sansvaciller.Sansgrimacer.Avecfierté.Puislagaucherejoignitlapremière.Jereprismonsouffle.Il me sourit timidement, les yeux brillants d’excitation, puis se tourna sur le côté pour continuer

jusqu’auborddelapiscine.Jecomptaisixpas,etilrevintversmoi.Sansprécipitation.Aveclamêmeapplication.Lesyeux fermés, commes’il appréciait chaqueenjambée.La tensionde sesmuscles, leurextension.Commes’ildégustaitquelquechosequ’onluiavaitinterditpendantdesannées.Sespaupièress’ouvrirent.Pasbesoinde luidemandercequ’ilavait ressenti, la réponsese trouvait

devantmesyeux.Ilsouriait.—Accroche-toi,medit-ilenmetendantunemain.Silencieuseetindécise,jereculaiimperceptiblement.Commesousladouche,j’avaisPresquepeurdu

Rickdeboutetdressédevantmoi.—Jenecroispasqueçasoitunebonneidée.Tuaurasmonpoidsenplusàporter.Samaingaucheattrapamonpoignetdroitetposamonbrassursonépaule ; il répéta lemêmegeste

avecl’autrebras.Jem’accrochaiàsanuque.Ilplaçaensuitemesjambesautourdeseshanchesetagrippamesfessesavecfermeté.—Jet’aiditquejevoulaislefaireavectoi…—Pourquoi?—Parcequejetiensàtoi,souffla-t-iltoutcontremabouche.Iltenaitàmoi.M’éloignantd’unmillimètredesapoitrine, j’essayai tantbienquemaldereprendre

contenance.Peineperdue.J’étaisperdue.Perduedansletourmentdemonsang.Perduedansdesidéesfolles.Perduedanssesbras.Perduedanslebleudesesyeux.—Turéagiscommeausupermarché,Oceana.Pourquoi?Etnemeparlepasdenosdeuxmondesetde

nosfamilles.Jesuiscertainqueçadépasselargementtoutça.Qu’est-cequetumecaches?Jeme cachais,moi. La réalité me sautait aux yeux. Je me cachais parce que je ne voulais pas le

perdre!Quivoudraitdemoi?J’étaiscommeunlotàlafêteforaine.Ethanetmoi.Lepoissonrougeetsonbocal.—Cettefemmeàquitudistenirn’existequ’ici,àMiami,pourtoi.Ellen’existepasàNewYork.Sije

tedisquijesuis,tunemeregarderasplusdelamêmemanière.Ilseraitpeut-êtreplussimplepourmoidetedirequi jesuis réellement,ainsi lesdeuxAn’existeraientplus,mais jesupposeque,d’unecertainemanière,moiaussijetiensàtoipuisquejeneveuxpasperdretoutça.—Tuasquelqu’un,c’estça?Savoixs’étaitbriséesurlederniermot.—Non.Jen’aipersonne.Jenet’aipasmenti.Laseulebouchequim’aitembrasséeencinqans,c’est

la tienne.Lesseulesmainsquim’aient touchéesontcellesquisontpostéessousmes fesses.Lesseulsyeuxquim’aientregardéesontbleuazurbordésdenoisette.—Situnemedispasquitues,qu’est-cequenousdeviendronsaprès?Rien.Lepensermerévulsait.Nousn’avionspasd’avenir.Lui,avec l’hôteldesonpère, ici,etmoi,

avecmonfils,là-bas.Quiquitteraitsaviepourmoi,quiaccepteraitdeprendrelemauvaislotdelafêteforaine?—Laissonsletempsfaireleschoses,tul’asdittoi-même.

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Ilouvritsaboucheaumoinsdeuxfoissansprononcerunseulmot.Puisfinalement,commesijel’avaisconvaincu,ilmedemanda:—C’estquoi,lesdeuxA?—C’estlenouveausurnomdutrucentrenous…d’abordilyaAttirance,puisAffection.Ilsouritethochalatêtecommepourapprouvermonraisonnement.—Tuasfroid?demanda-t-il.Jesecouailatête.—Pourquoitutrembles,alors?—Peut-êtrequej’aipeurdetoi,telquetueslà.Parcequejesaisquetupourraisfairecequetuveux

demoi.—Est-ceque…commença-t-ilavantquemondoigtnel’arrête.—J’aiditquej’avaispeur.Jen’aipasditquejen’aimaispasça.Finalement,c’étaitçaquim’effrayait.Lefaitd’appréciercettepeur.Etsoudain,jesuscequ’ilmerestaitàfaire.Pourqu’ilmedésiretantqu’ilnepuisseplusseretenirde

meposséder.Ilaimaitmefairepeur.Ilaimaitsavoirqu’ilmedominait.J’attendraislemomentpropicepourleluiproposer…unsoir.

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Chapitre14

Égoïsme

Cesoir, jedoutais.J’étaispartagéeentre l’enviede toutdévoilersurmoietsurEthan,aurisquedevoirRickmerepousser,ouarrêtertoutsimplementd’entretenirlesdeuxA.Direstop.Neletoucherquepourlesoigner.Nel’approcherquepourl’aider.Arrêtercettemascarade.Lamienne.Paslasienne.J’étaisrongéeparlaculpabilité.Jenefaisaisquepenseràsesyeuxbleusenivrantsquinevoyaientpas

cequej’étaisréellement…Unemaman.Jeneservaisquemespropres intérêtsdanscettehistoire.J’étaiségoïste,unevraieprofiteuse.Mais

monnaturel,sincèreetentier,merattrapait.Jenepouvaispaslelaisserpenserquej’étaiscettefille-là.CelledeMiami.C’étaitcommesi jenous laissaisespérerunavenir.UnavenirsansEthan.Unavenir,deboutpourlui,etdanssesbraspourmoi.J’aimaissabouchesurlamienne.J’aimaissesmainssurmapeau.J’aimaislasensationdesoncorpssurlemien.J’aimaistoutdelui.Ilétaitlà,letroisièmeA.Amour…Y en aurait-il un quatrième, nommé Aveu, qui nous emporterait vers un cinquième, scellant notre

Achèvement?Jedéraillais!L’idéem’étaitvenuependantlanuit.Danslelit,àcôtédeRickquidormaitàpoingsfermés,exténué

parsaséancederééducationaquatique, jem’étaisredresséepour leregarder. Ilavait l’airheureux, levisagepaisible,serein.Audébut,jem’étaisditqu’ildevaitrêverqu’ilmarchait.Sentirlasensationdusolsoussespieds.Qu’ilrevivaitl’expériencedelapiscine.Jusqu’àcemot…Oceana.Monprénom.Ilavaitprononcémonprénomdanssonsommeil,dansunsourire.Là, j’avaiscompris.

J’étais la raisonde cebonheurvisible. J’avais luttépournepas l’embrasser, pournepas toucher seslèvressipleinesetsibrûlantes.Puislaculpabilitém’avaitgagnée.IlsouriaitàlaOceanadeMiami.Ilavaitdel’affectionpourelle.Paspourmoi.Etaprès?Et quand il en serait au troisième A ? Sourirait-il toujours autant dans ses rêves lorsqu’un petit

bonhommeprénomméEthanviendraittaperàlaportepourluidirequ’ilexistait?C’était comme si je lui promettais la plus grosse part de gâteau au chocolat pour finalement ne lui

laisserquedesmiettes.Alors j’avais quitté son lit pour retrouver le mien, en me promettant que j’allais lui parler le

lendemain.Plusfacileàdirequ’àfaire:àpeinem’avait-iltouchéelelendemainmatinquej’avaisreplongétêtela

premièredansmonidylle!Cemecm’avaitensorcelée!Jen’étaismêmeplusmaîtressedemoncorps!C’étaitcommesijedevenaisspectatricedemonproprefilm…Jel’avaisretrouvéassisauborddesonlit,inspectantchaquerecoindesachambreafin,jesupposais,

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detrouverunesolutionpourrécupérersonfauteuilroulantrangétroploindelui.J’avaismasquéunsouriremoqueurquin’étaitpaspasséinaperçu,etRickm’avaitcapturéealorsque

je le dépassais pour aller chercher l’objet convoité. Prisonnière de ses jambes croisées autour desmiennes,poignetsliésparl’unedesesmainsdansmondos,j’avaisétéprised’assautparunetraînéedefrissons.Délectables frissons qui causèrent la perte dema raison. Je voulais qu’ilme touche partout.Prêteàrevivrel’orgasmequ’ilm’avaitoffertl’avant-veille.Prêteàluioffrir,moi,toutcequ’ilvoulait.Je croismême que j’avais gémis.Où étais-tu ?, m’avait-il demandé d’une voix rauque alors que saboucheembrassaitmoncouetmamâchoire.Auxtoilettes,avais-je lâchementmenti, fébrile.J’ai faim,avait-ilajoutésansprêterattentionàmonmensonge.Ilavaitfaim!Lecoupdegrâce!Jem’étaisretenuedeluidemanders’ils’agissaitdepancakesoude

sexe.Sonsexe…quisedressaitconstammententrenous.Celui-là,ilmefaisaitrêvertouteslesnuitsqu’ilmecomblaitdetoutesalongueur!Jedéliraistoutelajournée.Sursonsexe.Sursabouche.Sursalangue.Sursesmains.Alorsquedansmatêtesebattaientenduelculpabilitéetpassion,raisonetsensualité,Rick,lui,jouait!

Ilpassaitsontempsàmetoucher,àm’embrasser,effaçantculpabilitéetraison.Le dimanche soir, j’avais fini par rejoindre mon lit. Dans ma chambre. L’estomac noué par les

remords.Lecœurblessédenepaspouvoirs’exprimer.Jen’avaispasdormiplusquelanuitprécédente.Et,commelematinprécédent,Ricknes’étaitpasrenducomptequejen’étaispasrestéeaveclui.Lajournéedulundinesedéroulapaspourautantdelamêmemanière.Ilsemblaittourmenté.Ailleurs.

Iln’avaitpasessayéuneseulefoisdemefairerougir.Nem’avaitpassuppliéedelerejoindresousladouche.N’avaitpasessayédemevolerunbaiser.Nem’avaitpasdituneseule foisqu’ilavait faim!Morose,silencieux,ilavaitpassésamatinéedansunedeschambresd’amis,devantsonancienbureau,sur sonordinateur.Puis sonaprès-mididevant la télévision. Il avait refusédem’accompagnerdans lapiscineet,surtout…ilnem’avaitquasimentpastouchéedelajournée.Cesoir-là,devantmoietsonassiettedepâtesàlacarbonara,ilrestaitmuetetprostré.Etmoi je dépérissais.Comme si chaqueminute passée sans un frôlement de sa peau sur lamienne

m’ôtaituneannéedevie.J’avaisbeauretournerleproblèmedansmatête,jenesavaispascequ’ilavait.Jen’avaisrienfaitd’inhabituel.Ilnesavaitpaspourmesnuitssolitaires.J’avaissoudainenvied’êtreégoïste.Denerienluidire.Denepasparlerd’Ethan.Nidemondésirde

toutarrêter.J’espéraisseulementunsourire,unecaressesurmajoue.Bruyamment,jereposaimafourchettedansmonassiette.Àlalumièredulampadairedelaterrasse,ses

yeuxquittèrentsespâtespourlesmiennes.—Ilfautquejetedisequelquechose,Oceana.Ets’ilmequittait?S’ildécidait,lui,detoutarrêter?—Neme regarde pas comme ça, sinon je… (Il secoua la tête et se pinça l’arête du nez, les yeux

fermés.)Laissetomber.Bon.Unequestionmetravailledepuiscematin.Enfait,plusieurs.Maisiln’yenaqu’uneàlaquellejedoisabsolumenttrouveruneréponseavantdemain.—Demain,répétai-je,labouchesèche.—Demain,noussommesmardi.C’estlejourdevisitedemamèreetje…—Faisonscommes’ilnes’étaitjamaisrienpasséentrenous!Ilblêmit.—Non.Je…cen’estpasmaquestion,Oceana.C’estcequetuveux?

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Meslèvrestremblèrent.Deuxjoursquejemedemandaiscommentluiannoncerquejenevoulaispascontinuertoutça.Deuxnuitsàmetorturersanstrouverdesolution.Etlà,ilmetendaitlaperche.Est-cequec’étaitcequejevoulais?—Qu’ilnesesoitjamaisrienpasséentrenous?Laréponseestoui.(Jefermaislesyeuxpournepas

levoir.)Çaseraitplussimplepournousdeux.Pourmoi.Parceque j’aimeraisnepasressentir toutçapour toi. Parce que jeme rends compte combien c’est difficile de passer une journée sans que tumetouches. (Ma voix tremblait.)Alors oui, ça serait sans doute plus facile. Je n’aurais pas à espérer lasensationdetabouchesurlamienne…—Oceana…Sonmurmurenem’arrêtapas.—…JeneprieraispastouslessoirsjenesaisquelDieudusexepourquetumefassesl’amourune

bonnefoispourtoutes…—Oceana…—Jeneseraispaslàdevanttoiàpleurerparcequejepaniqueàl’idéequetuveuillesenfiniravec

toutça!—Oceana!Jeviensdepasserlajournéeàessayerdechercherdessolutionspournotreavenir…ettu

medisquetuvoudraisqueriendetoutçanesoitarrivé!Ilsemblaitfouderage.C’étaitpirequ’unejournéeentièresansqu’ilmetouche.Ilespéraitunavenir…—Tuvois, c’estdanscesmoments-làquemes jambesmemanquent, reprit-il calmementmaisavec

hargne.Parcequej’auraisputelaisserici,surcetteterrasse,pourallerpassermesnerfsailleurs!Sonassiettevaldinguasur la tablepouratterrirsur lesolavecfracas.Jen’avaisqu’uneenvie,moi,

c’étaitqu’ilmegiflepourm’infligersasouffrance.Qu’ilbrisemesjambespourquejesoissonégale.—Jesuisdésolée…—Pasautantquemoi.Jesentismoncœurdéfaillir.Làencore,jefaisaispreuved’égoïsme.J’avaisdétruitenquelquesmots

lechâteaudecartesqu’ilavaitbâtienunejournée.Jepréférais,unefoisdeplus,m’accrocheràl’idéequetoutseraitbienpires’ilconnaissaitlavérité.Qu’est-cequ’ilpenseraitdemoi?Commentarrivait-il,enunregard,àmefairepasserdudésiràlasouffrance?Commentenétions-nous

arrivéslà?Pourunequestion.Unequestionquejen’avaispasécoutée.Jeprismoncourageàdeuxmains.—Quelleétaittaquestion?demandai-je.Ilfronçalessourcilsetsoupira.—J’aiassezd’argentpourtepayerledoubledetonsalaire.Maisjen’enaipasassezpourteverser

celuiquemamèreestcenséededonner.Siellesaitcequetuesdevenuepourmoi,ellenetepaierapas.Elletelicenciera,maistuneseraspastenuedepartirpuisquejet’emploieraiimmédiatement.J’aimêmedéjàéditéuncontrat.Sonexplicationavaitdessinélesmotsdesaquestion.Toutefois,jevoulaisl’entendre.—Quelleesttaquestion,Rick?—Es-tuprêteàcourirlerisquedeperdrelesalairedemamère?—Non.J’avaisrépondusansmêmeréfléchir.Jen’étaisvenuequepourceseulsalaire.J’auraispourtantpume

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contenter de ce que Rick voulait me donner. Mais les deux salaires cumulés couvriraient le coût del’opérationd’EthanàmonretouràNewYork.—Pourquoias-tubesoindecetargent?Jenepouvaispasluimentirsurça.Jenevoulaispasqu’ilmecroievénale.Alorsmoncœursemitàparleràmaplace.—Pourpayerl’opérationd’unêtrecheràmesyeux.Troiscentmilledollarsexactement,situveuxtout

savoir.Alors,non.Jeneveuxpasquetamèresachepournousdeux.Nidemain.Niunautremardi.Niàl’issue des semaines qu’il nous reste.Ne cherche aucune solution à des problèmes quime concernentseule.—Jenecomprendspastrèsbiencequetuesentraindemedire.Jemeredressai–avecpeine.—Jeviensdetedirequecetargentm’estvital.Ças’arrêtelà.C’estàcelaquetudoismaprésence

ici.—Donc,si jecomprendsbien,si jetedonnaisdemainlasommedonttuasbesoin,tupartiraissans

hésiter.DessemainesdesouffrancesenmoinspourEthan…Uneopérationdansdemeilleuresconditions…

Uneconvalescenceplusrapide…Unpetitgarçonquipourraitcouriravecsesamis.—Oui,soufflai-je,commesijepouvaisdéjàapercevoirleboutdutunnel.Maisjeseraisrevenue.J’avaisfaitlapromessederesterjusqu’àlafin.Jen’étaispourtantpascapable

deleluidire.S’ilpouvaitmedétester,jen’auraispasàcourirlerisquedeluidirelavérité.Lentement,commesimoncerveauvoulaitmemarqueràvieparl’imagedeRickdevantmoi,jevisses

mainsagripper les rouesdeson fauteuil.D’une telle forceque jevis sesphalangesblanchir. Jevis lebleudesesyeuxs’assombrir.Jevissonfrontserider.—Trèsbien,lâcha-t-ilentresesdents.Jen’aipeut-êtrepasdejambespourpartirencourant,maismes

roulettesferonttrèsbienl’affairecesoir.Jeretinsmessanglotsletempsqu’ilsoitassezloinpournepasm’entendre,jeretinsmabouchedelui

crierquejel’aimaisd’unamourinsensé.J’aibiendûresterdeuxheuresassiselà,devantmonassiettedepâtesàlacarbonara.Sanspenser.Sans

bouger.Justelà.Lesyeuxfermés.Lesbrasrecroquevilléssurmonventre,commepourm’empêcherderespirer.Leslarmesavaientséchésurmesjoues,lefroiddelanuitsaisichaqueparcelledemoncorps,quinefrissonnaitmêmeplus.J’étaisjustelà.Le frottementdeses roues sur lecarrelagede lamaisonme ramenaà la réalité.Puis leclaquement

d’uneporte.Laported’entrée.Affolée,jemeruaidanslehalletouvrislaporte,pourdécouvrirCarlquiaidaitRickàentrerdansson

4×4.Leursdeuxtêtesseretournèrentversmoiaumêmemoment.J’ignorailesouriretimidedeCarl.LevisagedeRickétaitdénuéd’expression.Plusdecraintes,plusdecolère.Impassibleetimpénétrable.Ilpartait.—Jeparsquelquesjours,dit-ild’unevoixbrève,indifférente.J’aiprévenumamère.Elleneviendra

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pasdemain.Ilpartait.Combiendetemps?Oùallait-il?Commentferait-ilsansmoi?Etmoi,qu’est-cequej’allais

devenirsanslui?Laportièredelavoitureclaqua.Finalement,cequej’avaisfaitétaitpirequedeluidirelavérité.

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Chapitre15

Raisonnementdéraisonnable

J’avaispleurétoutelanuit,latêteenfouiedanssataied’oreiller,danssonlit,commesij’avaisespéré,qu’ilreviendrait.Iln’étaitpasrevenu.Je tournais en rond. Le silence commençait à me peser. Son absence devenait insupportable. Je

réalisaisqu’ilmefaudraitplusd’uneviepourmedéfairedelui.Pourunefois,jem’autorisaisàpenserquequelqu’un,quelquepartsurcetteterre,s’acharnaitsurmoi.D’abordEthan.EtmaintenantRick.Mais tout était ma faute. J’avais voulu être égoïste. J’avais voulu croire qu’il me serait moins

douloureuxdelerejeter.Maisilétaitparti.Jepassaichaqueminutedela journéeàsonder lecalmedelamaison,dansl’attented’unbruitd’un

moteur,d’unfrottementderouesur lecarrelage,d’unraclementdegorgeoud’unclaquementdeporte.Maisrien.Quandbienmêmeilseraitrentré,jenesavaismêmepascequej’auraispuluidire.Quejel’aimais?

Non.Que je regrettais ?Ce serait luimentir encore une fois.Qu’ilm’avaitmanqué ?Que je voulaissimplement entendre sa boucheprononcer lemot « punir » ou lemot « piscine» ?Quemes joues selanguissaientderougiretqu’ellesnesupportaientplusl’humiditédemeslarmes?J’étaisseuledanssamaison.Àdeskilomètresdelamienne.Loindemamèreetdemonfils.Mamère…Ce fut comme une révélation, une bouffée d’oxygène, la première de cette interminable journée. Je

courusjusqu’àmachambre,attrapaimontéléphoneetcomposailenumérodelamaison.Mamaison.—Allô.J’entendislepetitrired’Ethan.Moncœurseserra.—Allô?répétamamère.Jemeraclailagorgeetrepoussaidetoutesmesforcesmonenviedepleurerunenouvellefois.—C’estmoi,maman.—Nana?(Matristessen’étaitpaspasséeinaperçue.)Qu’est-ceque…—Nemedemanderien,lacoupai-je.S’ilteplaît.Jefermailesyeuxetmelaissaiglissersurlesolaupieddulit.Jepriaipourqu’elleréagissecommetouslessoirsoùjerestaismuette,avided’écouterleurjournée,

deconnaîtrelesmoindresdétailsdessouriresetdesriresd’Ethan.—Aujourd’hui,noussommesallésàlabibliothèque.(Mespoumonsserelâchèrentpourlaisserentrer

unpeuplusd’oxygène.)Ethana…Saphraserestaensuspens.Puisellerepritd’untonautoritaire:

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—Non. Je ne peux pas, Oceana. Je ne peux pas faire comme si tout allait bien. Qu’est-ce qui sepasse?Jeneteraconterairiendelajournéed’Ethansitunem’expliquespascequetuas.—Vousmemanquez,soufflai-je.—Deuxminutes,Oceana.J’entendisquelquechosesefroisserdansletéléphoneetmamèredire«jereviens»àEthan.J’imaginaimonpetitgarçonseprécipitantsur leplacardàgâteauxsitôtquesagrand-mèreseserait

éclipsée. Je souris une fraction de seconde. Une porte claqua, me faisant comprendre qu’elle s’étaitisolée.—Toiaussi,tunousmanques.J’aifaituncalendrieravecEthan.Çal’aideàcompterlesdodosrestant

sanstoi.Maisencore?Tunepleuresjamaisautéléphone.Jesaisquetuattendsderaccrocherpourlefaire.Mamèreavaittoujourseuledonpourcomprendreleschoses.Jepouvaisraccrochermaintenant.Attendrequematristessepasse.QueRickrentrepourlarappeler.

Fairecommesiriennes’étaitpassé.Commes’iln’étaitjamaisparti.Maisj’avaisdésespérémentbesoind’entendreplusquesavoix.Jevoulaisduréconfort.Jevoulaismesentirchezmoi.J’auraisvouluêtredanssesbras.—M.Thomasn’estpasunvieilhommegrabataire,récitai-jed’untrait.—Jenecomprendspas.—C’estlejeunefrèredetonpatron.—Je…—Nemecoupepasmaman, sinon jecroisque jen’auraipasassezde force…(Jeprisunegrande

respiration,melevaietcommençaiàfairelescentpasdansmachambre.)Jenesaismêmepasparoùcommencer.Jenesaispascequejefais.Jenesaisplusquoipenser.—Nana.—Jenesaismêmepassijedoisencoreêtrelà.—Nana,répéta-t-elleunpeuplusfort.—Rick,monpatient,n’estplusmonpatient.Enfin,jenesaismêmepascequ’ilestenréalité.—Nana!Commenceparledébut,jenecomprendsrienàcequetumeracontes.Ledébut?Ilm’avaitvuetoutenuedanssapiscine.—On s’est embrassés. Ilm’a embrassée.Ou peut-être que c’estmoi, je ne sais plus.Ou peut-être

qu’enréalité,çaacommencélejouroùjeluiailavéledos,oulesoiroùilaeumalauxjambes.Maman,je…C’estallétroploinentrenous.Ilavaitposésabouchesurmonintimité!Jeluiavaisoffertunepipesousladouche!—Ilt’afaitdumal?s’inquiéta-t-elle.Dumal?Desfrissons,delachaleur,duplaisir,desfousriresetunorgasme.Jenepouvaispasappeler

çadumal…—Non.Rickestgentil.Il…ilnemeferaitjamaisdemal.Enfin,pasphysiquement.—Ilt’obligeàfairedeschosesquetuneveuxpasfaire,alors?Ellen’yétaitpasdutout.Commentluiexpliquerquelquechosequejenecomprenaispasmoi-même!?

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J’appuyaimonfrontcontrelabaievitrée,désespérée,etfermailesyeuxdevantlesderniersrayonsdesoleil.—Non.Ilyacetrucentrenous.Audébut,jepensaisqu’ils’agissaitseulementd’uneattiranceparce

quenoussommesjeunes,isolésdanscettevilla,qu’ilestcharmantetqu’iln’acertainementpastouchéune femme depuis longtemps. J’ai essayé de prendre mes distances. J’ai essayé de lui imposer deslimites.Maisçan’arienchangé.Hier,ilm’aparléd’aveniretjel’airepoussé…Jenel’aipasrattrapé.Jeneluiaipasditquejel’aimais.Jenel’aipasretenu.Ilétaitpartiavec

uneseuleidéeentête,quejenevoulaisriend’autredeluiquesonargent.—Quelestleproblème,Oceana?Sontonétaitaussicalmequecompatissant.—Tun’espasencolère?—Jenesuispasd’accordaveccequevousfaites.Maiscen’estpasuneraisonpourêtreencolère.Tu

esassezgrandepourfairetespropreschoix.Oui,j’avaischoisi.J’avaischoisilafacilité.L’égoïsmeetlemensonge.—Ilnesaitpas,pourEthan.Ilnesaitpasqu’ilexiste.IlcroitquejesuiscetteOceanacélibataireet

librequipeutquitterNewYorkpourlui.Sonsouffledanslecombinémefîtcomprendrequejel’avaisdéçue.—Tuaspeur?Peurqu’ilterepousse?Danslemille!«Peur»étaitunmotbienfaiblecomparéàlaréalitédecequipulsaitdansmesveines.—Machérie,reprit-elle.NepasluidirerevientàtepersuaderquetavieseraitmieuxsansEthan.(Et

jel’avaispensé!)Etjesaisquetunelepensespas.(Jel’avaispensé!)SiceRicktientàtoi,s’ilpensevraimentàunaveniravectoi,ilaccepteraEthan.Nefaispaslesmêmeserreursquemoi.Net’éloignepasdeshommespourtonenfant.Tuasautantdroitaubonheurquetonfilsabesoindesoncœur.Commenceparluidirelavérité.Tesréponsesviendrontaprès.—J’aiessayé…Jen’yarrivepas,maman.—Nana,ilnes’agitpasd’essayermaisdelefaire.—Ets’ilmerepousse?Jeveuxdires’ilmerejette?—Alorstusaurasàquoit’entenir.Dis-lui.Fallait-ilencorequ’ilrentre…Maisquand?—Tuasraison,maman.Jen’aipaslecouragedeparleràEthancesoir.Je…jerappelleraidemain.—Ilcomprendra.Jenesavaispastropsielleparlaitd’Ethanousielleessayaitdesepersuaderqueceseraitlecasde

Rick.—Merci,maman.

Jemeréveillaiensursaut.Jel’avaisentendu.Cebruittantattendu.Leclaquementsidélicieuxd’une

portequel’onvenaitdefermerdanslesilencedelanuit.Sansprendreletempsderegarderl’heuresurmonportablequejetenaistoujoursfermementdansma

main,jemeprécipitaihorsdulitdeRick.Jecourusàtouteallure.

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Ilétaitlà,dansl’entrée.Jesautaidanssesbras.Assisesurlui,jel’enlaçaiàl’étouffer.Qu’importes’ilmerepoussait,là,maintenant.Jem’enfoutais.Ilétaitrentré.Enfin,samainseposasurmonépauledénudée.Jegémis.Ilnemerepoussaitpas.Ilnem’étreignait

pas.Samainétaitjustelà.Poséesurmoi.Maiscesimplecontactprovoquaunseuletuniquebattementd’ailesdemespapillons.Pasassezpourlesfaires’envoler,maissuffisantpourmefaireoublier,presque,cesdernièresvingt-quatreheures.Ilétaitrentré…—Jecommençaisàdésespérerqu’ilvoustouche,ditunevoixmasculinedansmondos.JereconnussanspeinelavoixdeCarl,maisjenebougeaipas.Jemefoutaisdetout.Ilétaitrentré!Je

restaiscontrelui,profitantdesachaleurcommes’ilétaitleseulfeudecheminéeenpleinetempêtedeneige.—Moi,siunefillesejetaitdansmesbrasdanscettetenue…—Tagueule,Carl,grondaRickenessayantdecouvrirmesjambesdesonautrebras.J’imaginaisoudainlavisionqueluioffraitmoncorpsàpeinecouvert.Soudain,c’étaitmoi,lefeude

cheminée.LesyeuxdeRicktrouvèrentlesmiens.Pleinsdereproches.Jevoulusm’écarter,maisunepressionde

sesdeuxmainsmefitcomprendrequ’ilnevoulaitpasquejeluiéchappe.Ilétaitrentréetilnemerepoussaitpas…pourl’instant.—C’est une tête de con. Je vous le laisse,Oceana,mais je vous préviens, il est de trèsmauvaise

humeur!ironisaCarl.Jepasseraijeudisoir.Sanssedétacherdemesyeux,Rickréponditsimplement:—Àjeudi.Ducoindel’œil,jevisCarlnousdépasseretsortir,nouslaissantseulsdanslesilencedelavilla.J’osaisàpeinebouger,àpeinerespirer.Ilétaittoujoursencolère.Jelevoyaisàl’expressiondesonvisage.Jelesentaisauboutdemesseins,

àsarespirationprécipitée.Jenepouvaism’attendreàriend’autre.Jel’avaislaissépartirsansriendire.Jedevaistoutluirévéler.

Maintenantoujamais.—Je…—Tais-toi.Jenesuispasd’humeuràentendredesexcuses.—Je…—J’aiditquejen’étaispasd’humeur,Oceana.Bravantmapeur,jeposaiunemainsursabouche.—Tuvasmelaisserparler,àlafin!JeveuxseulementteracontermavieàNewYork.Ilsedégagea.—Jen’aipaslatêteàçanonplus.Lesrévélationsattendrontdemain.Jesuistrèsénervé.—J’espéraijustequ’enteracontantpourquoij’avaisréagidecettefaçon,tuleseraisunpeumoins.Oudumoinsqu’ilneleseraitpluspourlesmêmesraisons.—Jenesuispasénervécontretoi.Jenepus retenirun sourireavantdeme ruer sur sabouchepour l’embrasser. Inertes, ses lèvresne

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répondirentpasàmapassion.Monsourires’évanouit.J’avaisagisansréfléchir.Jel’avaisembrasséautantparcequ’ilm’avaitmanquéqueparcequ’iln’était

pasencolèrecontremoi.—Tunepeuxpasfaireçaquandtudisaishiervouloirqu’ilnesesoitjamaisrienpasséentrenous,

Oceana.—J’enaieuenvie.C’esttout,murmurai-je,mortifiée.Commepourêtresûrequ’ilétaitbienlà,avecmoi.Uneenviedegoûterencoreunefoisseslèvres–peut-êtreladernière.C’étaitlapremièrefoisqueje

l’embrassais.Quejeprenaisl’initiative.—Recommence,ordonna-t-ilenseléchantleslèvres.Moncœurs’affola.Jememisàchevalsursesgenouxetnemefispasprier.Mesdoigtss’attaquèrentà

sescheveux.Malanguepressalaportedeseslèvrespourytrouverlasienne.Ilrâladansmabouche.Sesmainsseglissèrentsousmesfesses,m’arrachantungémissementdeplaisir.Ça allait tropvite.Tout allait tropvite. Sa langue chaude et taquine.Sesmains infiltrées sousmon

débardeur.Puissousmonshort,àlanaissancedemesfesses.Mêmemoncœursemblaitvouloirallertropvite.—Carlaraison,c’estplutôtdifficiledeconcevoirquetusoissurmoidanscettetenue.Sontonsuavemefitfrémiralorsquesonbassinsepressaitsurlemien.MesmainsglissèrentsoussonT-shirtpourluienlever.Ilselaissafaire.—Neparsplusjamais,soufflai-je.Je ne savais plus où donner de la tête. Mes lèvres me brûlaient de l’assaut des siennes, qui les

torturaient.Monsexefrétillait,trempé,excitéparlaproximitédusien,durettendusoussonjeans.—C’esttoiquimequitterasbientôt.—Pasmaintenant.Pasdemain.Nilesjoursquisuivront.Tais-toi,luirépondis-jeentredeuxbaisers.Jenevoulaisplus lequitter. Jenevoulaispasnonplusqu’ilmequitte.Mamère avait raison.S’il

tenaitàmoi,ilcomprendrait,pourEthan.J’étaislamêmeicietlà-bas.Laseulechosequiavaitchangé,c’étaitquemoncœuravaitgonfléd’amour.Sesmainsdescendirentlelongdemesflancsetremontèrentenemportantsurleurpassagelesatinde

mondébardeur.Sabouchesedécolladelamiennepourlelaisserpasser,melaissantnuel’espaced’uneseconde,avantquesesmainsmeplaquentànouveausursontorsebrûlant.Mestétonssedressèrent.—J’aienviedetoi,Oceana.Maintenant.Demainettouslesjoursquisuivront.Moiaussi…encoreettoujoursplus,chaquejour.Sabouchegagnamoncou,empresséeetdévorante.Jerejetailatêteenarrièreettiraisursescheveux,

prisonnière,fragileetheureusedel’être.—Conçois-lealors,murmurai-je.Quejesoissurtoidanscettetenue.Commepour leconstater, ils’éloignademoietsesyeuxbrillantsd’excitationdescendirentsurmon

visage,moncou,mesépaules,surchacundemesseinsdurcis,lelongdemonventre…—Jeveuxteposséder,passeulementtefairel’amour.Etiln’estpasquestionquedemonimpotence,

Oceana.Ilvoulaitmedominer.Maisnesavait-ilpasquec’étaitdéjàlecas?J’étaisàluidepuislejouroùil

m’avaitfaitrougir.

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—Jesais.Fais-moiconfiance.Allonsdanstachambre.J’avaisuneidée.Uneseule.JepriaijustesonDieudusexepourqu’elleluiplaise…

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Chapitre16

Jeuderôle

J’avaislaisséOceanadansledressing.Devantmonlit,commeunpauvrecon,toujoursaccrochéàmonfidèle compagnon le fauteuil, j’attendais qu’elle revienne avec la désagréable sensation d’être encoredépendantd’elle.Jen’avaisaucuneidéedecequ’elleavaitentête,maisjeluifaisaisconfiance…Ellem’avaittoujourssurpris!Le tempsd’unenuit, jevoulaismettrema rancunecontremonpèredecôté. Jevoulaisoubliercette

interminablejournée.Cesdeuxjournées.Lapremière,jel’avaispasséeàchercherunesolutionpourunaveniravecOceana–qu’elleavaitrejetéenblochiersoir,etaujourd’hui,j’avaiscouruaprèstroiscentmilledollars.Pourquoi ? Jen’en savais rien.Peut-être justeparceque je savaisquec’était importantpourelle.Peut-êtreaussiparcequejepensaisqueçal’inciteraitàrester.Etilavaitsûrementautrechosedansmatêtequecetrucqu’elleavaitsurnommélesdeuxA.Dans la pénombre, je devinais les draps froissés demon lit : elle avait dormi là enmon absence.

Comment pouvait-elle dire qu’elle aurait aimé qu’il n’y ait jamais rien eu entre nous et m’offrir cesretrouvailles?C’étaitinsensé.Mais,bordel,tellementjouissif!Et cette attente interminable… Qu’est-ce qu’elle manigançait ! Je ne savais pas quoi faire. Me

déshabilleretm’allongersurmonlit,pourêtreprêtlorsqu’ellepointeraitleboutdesonnez?Ouresterlà,laqueuedouloureusementemprisonnéedansmonjean?J’avaisl’impressiond’êtreunadolescentsepréparantàsapremièrefois.Lafougueetlapassionsauvagequim’avaientempoignécommençaientàsedissiperpourlaisserplaceaudouteetàl’affliction.Maisj’avaistellementenvied’elle.—Oceana?tentai-je,lagorgenouée.—J’arrive.Laisse-moideuxsecondes.—Oceana,tun’espasoblig…Merde.Mondésirpourellebonditàl’instantmêmeoùelleapparutdevantmoi.Elleavaitrelevésescheveuxenqueuedecheval,laissantsonvisagedégagé.Sesjouesétaientencore

rougies,etellefuyaitnaïvementmonregardcommesielleavaithontedel’imagequ’elledonnait.Ellen’auraitpasdû…elleétaitbandante!Elleportait l’unedemeschemisesblanches,sigrandepourellequ’elle recouvrait lamoitié de ses cuisses.Avait-elle toujours son short dessous ?Simes jambesmel’avaient permis, je me serais précipité sur elle pour faire sauter chaque bouton de la chemise etembrassersesseins.Jem’accrochaiauxaccoudoirsdemonfauteuil.— Je me suis toujours demandé pourquoi les hommes se plaisaient à voir une femme dans leurs

vêtements…Jenemeposeplusdequestions,enréalitéçanes’expliquepas.Elleneréagitpasàmaremarqueetseraclalagorgeavantdemurmurer,lesyeuxtoujoursbaissés:—Monsieur,vousm’avezdemandée?

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Quoi?Surpris,jefronçailessourcils.Droitecommeunpiquet,ellenebougeaitpas.Elleétaitjustelàdel’autrecôtédulit.Attendantmaréponse.Est-cequ’ellevoulaitjouer?—Monsieur?répéta-t-ellesurlemêmeton.Cettefois,sesyeuxtrouvèrentlesmiens.Ilsétaientsuppliants.—Viensici,Oceana,dis-jeenfin.Ellesecoualatête,commepourmeréprimander.—Mademoiselle?tentai-je.—Oui,monsieur?Ellevoulaitjouer,c’étaitcertain.Maisqu’est-cequej’étaiscenséêtre?Sonmaître?—Approchez,dis-jefermement.Ellesouritfurtivement,raviedurôlequej’avaisendossé,contournalelitetseplaçadevantmoi.—Montrez-moivosmains.Jelavisprendreunegrandeinspiration.Unecravatesedérouladevantmesyeux.—Tu…(Ellem’assenaunregardnoir.)…vousvoulezquejevousattache?—Sic’estcequevousvoulez,monsieur…Est-cequec’étaitcequejevoulais?L’attacheretfaired’ellecequebonmesemblait?L’excitation

revintaugalop.Encore une fois, Oceana me surprenait. Audacieuse et intelligente. Si elle avait vécu au Japon

autrefois,elleauraitfaituneparfaitegeisha.Jeluisubtilisailacravateetladéposaisurlesdraps.—Plustard.Ilsembleraitquequelqu’unaitdormidansmonlit.—Jesuisdésolée,monsieur,jemesuisennuyéependantvotreabsence,etj’aidûm’assoupir.—Queçanesereproduiseplus,tranchai-je.Refaites-le.Elle s’exécuta. Bon sang. Elle n’avait plus son short. Ma queue devint encore plus dure. Était-ce

possible?Malgrélapénombre,jepouvaisvoirsesfessessecontracterdevantmesyeux.Jenepusmeretenirdelestoucher.Ellesursautaaucontactdemesmains,maiscontinuasontravail.Jeremontailachemisesursondosetmepenchaipourgoûtersapeau.Vanille…Jedéposaiunbaiser

surchacunedesesfesses.Ellefrémit,puiss’immobilisa.—Voilà,monsieur.Jedéposaidenouveauxbaisersunpeuplusbas.Jecruspercevoirunrâle.—Toutcomptefait,jepréfèrequ’ilsoitprêtpourmoncoucher.Ellesepenchaunpeupluspourtirerledrapqu’elles’étaitappliquéeàborder.Jepouvais faired’elleceque jevoulais.C’étaitcequ’ellem’offrait. J’empoignaiseshancheset la

retournai.—Voustravailleztroplentement,lagrondai-je.—C’estparcequevous…m’impressionnez,répondit-elle.Devais-jecomprendrequejel’excitais?—Montrez-moi.Elle tressaillit àmademande.Plusdecomédie : lacrainteque je lisais sur sonvisagevenaitde la

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vraieOceana.Cellequin’avaitpaseud’hommedanssaviedepuis longtempsetquirougissaitaumot«sexe».Jepris soudainconsciencedeseffortsque luicoûtaitce jeu.Elle faisaitçapourmoi.Parcequ’elle

savaitcedontj’avaisbesoin.Mesentirmoi.Homme.Viriletentier.Alorsquej’allaisluidiredetoutarrêter,quejen’avaispasbesoindeça,quej’avaisseulementenvie

de me perdre en elle, je vis une de ses mains se glisser entre ses cuisses. Elle gémit, la boucheentrouverte.Lavoirsetouchermerenditfou.Jevoulaiscontinueràlaregarderhaletersouslepassagedesesdoigts–maisjevoulaisaussilefairemoi-même.—Jeveuxgoûter,exigeai-jeenluisaisissantlepoignet.Je fourrai sesdeuxdoigtshumideset luisantsde ses sécrétionsdansmabouche.Salé et légèrement

amer,songoûtsucculentmepoussaàsuceret joueravecmalanguesursesdoigtsfins,pournepasenlaisserunegoutte.Ellegémit.J’envoulaisplus.—Encore,soufflai-jeenlibérantsonpoignet.Moinshésitante,samaindisparutunenouvellefoissoussachemise.Jem’empressaidedéfairechaque

boutonpourlavoirfaire.Sesmouvementsetsarespirationdevinrentplussaccadés.Elleallaitjouir.Jel’empoignaiànouveau.

Unrâlededésespoirsortitdesagorge.Passansmoi,Oceana.Passansmoi…—Montezdanslelit.D’unmouvementd’épaule,ellesedébarrassadelachemisequiglissalelongdesesbraspours’étaler

ausol.J’ôtaiprestementmeschaussures,puisjemehissaisurmesjambes,déboutonnaimonjeanetlelaissaitomberàmespiedsavecmoncaleçon.Monsexesortitdroitetvictorieux,meremerciantpresquedelesoulagerenlelibérant.Sanstropm’appuyersurmajambedroite,jem’assisauborddulit.Fragileetapeurée,Oceanarestaitimmobile,surledos,attendantmonprochainordre.Enréalité,j’étaiscertainquecejeul’aidait,elleaussi.Commesisesannéesd’abstinenceluiavaient

faitcroirequ’elleneconnaissaitplusrienausexe,qu’elleétaitinexpérimentéeetquej’allaislaguiderenluidictantsaconduite.Jem’approchaid’elle.Maqueues’appuyasurunedesescuisses.Ellesursautaetfermalesyeux.—Regarde-moi,Oceana,dis-jeenattrapantsonmenton.Onnejoueplusmaintenant.Ellen’ouvritpaspourautantlesyeux,maishochalatêtepéniblement.—S’ilteplaît,Oceana,regarde-moi.Elleouvritlesyeux.Jeluisouris.—Jevaist’attacher,parcequej’enaiterriblementenvie.Maisunmotdetapart,etonarrêtetout.Tu

ascompris?Jeneveuxpasquetufassesçaseulementpourmoi.Jeveuxquetulefassesparcequetuenasenvieaussi.Ellehochalatêteunenouvellefois.—Embrasse-moi,Oceana.Aveclamêmepassionquetoutàl’heure.Ellepritmamainetportalapaumeàsabouche.Sesyeuxrivésauxmiens,elleydéposaunbaiser,puis

lafitglisserlelongdesoncorps,entresesseins,sursonnombril,jusqu’àsonsexe,oùellelalaissa.Audacieuse,avais-jedit?Surprenante!Ellevoulaitreprendrelàoùjel’avaisarrêtée.Elle lécha ses lèvres et me griffa la nuque, ma forçant à rejoindre sa bouche. Ses lèvres douces

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m’effleurèrent langoureusement. Puis sa langue se noua à lamienne. Son baiser n’était pas passionné,maisenflammé.Sonbassinpoussait surmamain toujours immobile.Sabouche suçaitma langueàmefairecroirequ’ils’agissaitd’unetoutautrepartiedemonanatomie:j’envoulaisencoreplus.Commeelle.Mamains’agita.Rejoignitl’entréedesonvagin.Doucement,jeglissaiundoigtenelle.Puisdeux.Elle

était si serrée ! J’embrassai ses seins, mordis ses tétons. Je la léchai de ses seins à son cou, pourrejoindresabouche.Sesgémissementsmontaient;elleallaitavoirunorgasme.Jemefigeai.—Passansmoi,Oceana…dis-je,touthautcettefoisci.J’ôtaimesdoigts, lessuçaiouvertementdevantsonregardréprobateuret récupérai lacravatesur le

côtédulit.—Unseulmot,etonarrête;tuterappelles?Ellemetenditsesmainsjointes.Ellenedoutaitpas,elle.Jenouailacravateautourdesespoignets.—Plusfort,murmura-t-elled’unevoixéraillée.—Tuveuxquejetefassemal?—Non,affirma-t-elle.Jeveuxsavoirquejesuisavectoi.Jeneveuxpasoublier.Jeresserrailesliensetplaçaisesbrasau-dessusdesatête,avantdemeglisserentresesjambes.Jeretinsunemouededouleurenm’appuyantdetoutmonpoidssurmescuisses.—Non, lâcha-t-elle.Pascommeça.Je teprometsquec’estbientoiquimeferas l’amour,maispas

commeça.C’était ça que je redoutais. Je redoutais de la voir me chevaucher. Je voulais lui faire l’amour,

l’enroberdemesbras.L’embrasserpendantqu’ellegémissait.—Jesuisattachée.Jenepourraisrienfairesanstaforceàtoi,souffla-t-elle,pressentantmonmalaise.

Guide-moi,Rick.Jet’ensupplie,nemelaissepastomber.Sesyeuxgrismetranspercèrent.Jemesecouaietrécupéraiunpréservatif(àlavanille!)dansmatable

dechevet.Jeledéroulaisurmonsexe,soussonregard.Jedevinaissespensées.Elleétaitsiserrée.Ellesavaitqu’elleallaitavoirmal.—Accroche-toiàlapotence.Ellelevalesyeuxets’exécuta,tremblante.J’écartaisesjambespourmeglisserdessousetplaçaimes

mainssoussesfesses.—Metstesjambesautourdemoi.Jetetiens.Elle lesenroulaautourdemes flancs. Jevoulais la respirer.Frôler sapeaubrûlantedemes lèvres.

Assis, je l’embrassai entre les seins.Me délectai une nouvelle fois de chacun de ses tétons. Puis jerelâchaimonemprisepourlafaireglisserlelongdemoncorps.Danscetteposition,j’allaispouvoirtoutluifaire.Commejelevoulais.Je relâchai unede ses fessespourm’emparerdemon sexe, douloureusement avidede seperdre en

elle,etleguidaijusqu’àsonentrejambe.Mesyeuxdanslessiens,j’attendaisunsignedesapartquimediraitdetoutarrêter.Maissonregard

n’exprimaitqueledésir.Jereplaçaimamainsoussafesseet,lentement,lafisdescendresurmonpénis.Ellerâla,resserrantinstinctivementsesjambesautourdemoi.

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J’attendais pour la relever. J’appréciais sa profondeur et sa chaleur. Son souffle chaud dans mescheveux.Sonparfumdevanilledanslesnarines.—Çava?demandai-jecontresajoue.—Jenesuispasensucre,Rick.Fais-moivivre.Vivre?Quelverbephilosophiquepourqualifiercequenousfaisions!Aidédesestalonsplantésdanslematelasetdesesbrasaccrochésàlapotence,jelasoulevaietlafis

redescendre aussitôt.Une nouvelle grimace, une nouvelle plainte. Je recommençai.Encore.Et encore.Embrassant,léchant,mordantsesseins,soncou,lelobedesesoreilles,seslèvres.Jelasentaisondulersurmoi,enivrée,ravagéeparleplaisir.—Vis,maintenant,murmurai-jeenôtantmesmainsdesesfesses.Je lui laissai le contrôle.M’emparai d’un de ses seins. Caressai son dos, sa nuque et ses cuisses,

tandis qu’elle coulissait frénétiquement sur ma queue. Elle gémissait. Glissait, m’engouffrant dans sachaleur.Medévorantenentier.Toujoursplusviteetplusloin.Jeperdaispied.Elleaussi.Jelasentisjouir.Secontracterautourdemoi.Crierdansmonoreille.Jenetardaipasàlarejoindre.

Cefûtl’explosiondansmonventre.Ladéflagrationtenditmonsexeàsonmaximum.Mesecouantdetoutmonêtre.Lapénétrantleplusloinpossible,jemurmuraiaumoinsdixfoissonprénomengémissant.Au-delàdu faitqueçadevait fairepresque troismoisque jen’avaispas fait l’amour, je réalisaisà

quelpointOceananemelaissaitpasindifférent,tantmonorgasmeavaitétépuissant.—Jepensequevotreancienpatrons’esttrompéencequiconcernevosqualifications…haletai-je.—Jevousavaisprévenu.Cinqans.Jemeredressaipourlaregarder.Lespaupièresfermées,levisagedétendu,elleessayaitdereprendre

sonsoufflé.Sesbrasaccrochésàlapotencetremblaient.—Vousvousméprenez,mademoiselle.Votretravailestirréprochable.Je défis ses doigts crispés, un à un, alors qu’un sourire se formait sur ses lèvres.Ensuite, j’ôtai la

cravatedesespoignets.—Ilmefaudraitunmouchoir,mademoiselle.Sonsourires’effaçaetsespaupièress’ouvrirent,dévoilantdesyeuxlarmoyants.—Qu’est-cequisepassé,Oceana?Tuasencoremal?m’inquiétai-je.—Ilfautquejetedisequelquechose.IlfautquejeteparledeNewYork.—Pourquoij’ail’impressionqueçanevapasmeplaire?Ellemeregardaitmassersespoignets.—Tunevaspassauterdejoie,c’estcertain.—Alors,demain.J’aivraimentpasséunetrèsmauvaisejournée.Maisjeseraisprêtàlarevivredes

milliersdefoissielledevaitseterminerdelamêmefaçon.Alorss’ilteplait,pasmaintenant.Je repoussai l’image de mon père, droit sur ses jambes dans le bureau de son hôtel, qui m’avait

regardéavecdédain.Jen’étaisplusàunjourprès.Sonsecretpouvaitattendre.Etpuisjen’avaispasétéfrancavecelleau

sujetdeKristen,etmoiaussij’avaisàluiavouercertaineschoses.Etcen’étaitpasnonpluslemomentpourluienparler.

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—Réveille-toi,Rick.Ilyaquelqu’undanslamaison.—Quelleheureest-il?demandai-jelabouchepâteuse.Oceanaavaitdéjàquittélelit.—Plusdedixheures,répondit-elle.—Rick!entendis-je.Tueslà?Bonsang.Ilmanquaitplusquelui.Oceanameregarda,indécise.—C’estmonfrère.Ellepâlit.—Oceana,çanevapas?—Je…balbutia-t-elle.Jenesuispashabillée.—Rick?Tueslà?hurlaGeorgederrièrelaportedemachambre.—Oui.Laisse-moideuxminutes,letempsd’enfilerunshort.Attends-moidanslesalon,j’arrive!Oceanadisparutaussitôtdanssachambre.Qu’est-cequ’ilfoutaitlà?Jen’avaisaucuneenviedelevoir.Dedixansmonaîné,Georgeétaitmon

opposé en tout point.Appliqué, consciencieux et irréprochable, une vraie perfection aux yeux demonpère.Jenelejalousaispas,jeneleméprisaispas,jen’avaisjusteaucuneestimepourlui.Nousn’avionsaucuncentred’intérêtencommun.N’avionsjamaispartagéd’activité.Monpèrel’avaitprissoussonailepourleformeràladirectiondel’hôteldeNewYork,aussigrandet

aussi prestigieux que celui deMiami. Ils avaient passé tellement de temps là-bas que les années oùj’auraiseubesoind’unpèreoud’ungrandfrèreavaientdéfilésansqu’aucundesdeuxnesepréoccupedemonexistence.Maisc’étaitsanscompterl’hôteldeMiami.Augrandregretdemonpère,j’étaisnettementmoinsintéresséparmonhéritagequeparmaplanchedesurf.Etcertainementmoinsdocilequemonaîné.En sortant dema chambre, j’eus le temps d’apercevoir la jambe d’Oceana, qui se réfugiait dans la

salledebainscommune.Danslecouloir,monT-shirtetledébardeurensatind’Oceanaétaientrestéssurlesol.Merde.Jelesramassaietlesposaisurmesgenoux.Leregardfixésurlejardin,Georgesetenaitdeboutdevantlabaievitrée,lesbrascroisés.—Jenesavaispasquetudevaisvenir,luidis-jeenpénétrantdanslesalon.—Bonjour,Rick,répondit-ilenseretournant.OùestMlleDouglas?—Sousladouche.Ses yeux fixèrent les vêtements posés sur mes jambes, et il sourit avec malice. Je me foutais

complètementdecequ’ilpouvaitpenser.—Jesupposequejepeuxattendrepourunthé,alors.—Outupeuxaussifairemarcherlemicro-ondestoutseul.Oceanan’estpaslabonne.Seslèvressepincèrent.—Papam’aditquetuétaissortid’icihier.Coupbas.—Jesuisaussialléfairedescourses,jemesuisbaignédansunepiscineetj’aimangédansunresto,

précisai-jepourluifairecomprendrequemonfauteuilnem’empêchaitpasdevivre.—Waouh!railla-t-il.MlleDouglasfaitdesmiracles…

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Jeserraimesdoigtssurlabarredemesrouespourm’éviterdeluiencollerune.Qu’ilaillesefairefoutre.Jen’avaisqu’uneseuleidéeentête:qu’ildégagedechezmoi.—Etsitum’expliquaislaraisondetavisite?—Je…(Sonregardseperditderrièremoi,aumomentoùunparfumdevanilles’insinuaitdansmes

narines.) Bonjour, mademoiselle Douglas. Je suis ravi de faire enfin votre connaissance : GeorgeThomas.—Enchantée,réponditOceanaquivenaitd’entrer.—Vousavezlesmêmesyeuxquevotremère.Enréalité, j’aivraimentl’impressiondelavoir,mais

avecvingtansdemoinsetnettementpluscharmante,sansvouloiroffenservotremère.Là,c’étaittrop.Jepriaipourqu’ellenerougissepas.Paspourlui!—Je…Vousdésirezboirequelquechose?proposa-t-ellefinalementavecunsemblantdesourire.—Entoutcas,vousavezbonnemine.Jenepensaispasquevoustiendriezplusdedeuxjourssansvoir

votrefils!Sonsourires’effaça.Elleblêmit.Georgeavait-ildit«votrefils»?Non.Ellenepouvaitpasm’avoircachécegenredechose.Unfils!

?J’avaisl’impressiond’avoirprisunuppercutenpleinvisage.Naïvement,jepriaipourqu’Oceanale

contredise.—Jen’aipastellementlechoix,répondit-elleàvoixbasse.Cettephrasem’acheva.Oceanaavaitunenfant!

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Chapitre17

Lâcheté

Voilà.J’enétaislà.Àhaïrlepatrondemamèrepouravoirditleschosesàmaplace.J’étaissûrequ’ill’avaitfaitexprès.J’avaistellementespéréqu’ilsetaise.—Jen’aipastellementlechoix,répondis-jed’untonneutre.IlfallaitquejeregardeRick.Quejesachequelleétaitsaréactionàcetterévélation.Jen’avaisqu’à

tournerlatête.Jen’enfisrien.Lesyeuxbraquéssursonfrère,jeledétaillai.Lesdeuxfrèresseressemblaientbeaucoup,maisGeorgeparaissaitpluspetitetplusmenu.Ilsavaient

lesmêmesyeuxbleusmouchetésdenoisetteetlamêmecouleurdecheveux;ceuxdeGeorgeseteintaientdepoivreetselauxtempes.Enrevanche,pasbesoind’être intimeaveccethommepourencerner lecaractère.Unephraseetun

souriredesapartmesuffisaientpoursavoirqu’ilétaithautainetarrogant,commesamère.Soncostumetroispiècesetseschaussureshorsdeprixcomplétaientlepersonnage.—Est-cequejepeuxvousservirquelquechoseàboire?demandai-je.—Monfrèreaétéclair,vousn’êtespaslabonne.Jesuisjustepassépourm’entreteniraveclui.Etaussifoutrelamerde!—Danscecas,jevaisvouslaisser.—SalonTV,lâchaRick.Georgemedépassa,unsourireorgueilleuxauxlèvres.Ill’avaitfaitexprès.Maispourquoi?Qu’est-ce

queçaluirapportait?J’entendis les roulettesdu fauteuil deRick sur le carrelage.Encoreune fois, j’avais été trop faible

pourl’affronter.Jen’avaismêmepaseulecouragederencontrersesyeux,parpeurd’ylirelerejetoularépulsion.Jesortisdelamaison,espérantqu’unpeud’airm’aideraitàmeressaisir.Foutaises.Jem’étaismisetouteseuledanscettesituation.Sijeluiavaisditleschosesavant.Avantcetruc.Avant

lespapillonsdansleventre.Avantsonpremierbaiser.Avantceséchangesderegard.Sijenel’avaispasécouté,hiersoir.Sij’avaisdit,simplement,«jesuisunemaman».Lesmotsauraientétélà.Jel’auraisregardé.Nousaurionspuenparler.Jenemeseraispascachée.Comment j’aurais réagi, moi ? S’il m’avait dit qu’il avait un enfant quelque part ? Je n’en savais

strictementrien!Etc’étaitbiença,leproblème.Est-cequejepouvaisluienvouloirs’ilmerejetaitalorsquej’auraispufairedemêmesilasituation

avaitétéinversée?

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Souslesoleilbrûlant,jerelevailatêteverslecieletinspiraipuisexpirai,lesyeuxfermés.Inspirer,expirer.Jevoulaiscourir.Medéchaîner.Fairesouffrirmoncorpsjusqu’àneplussentirmonestomacsetordre,

jusqu’àfairetairemespensées.Jerejoignismachambrepourenfilermonleggingetmesbaskets.

Uneheureplustard,lachaleurétouffantedeMiamieutraisondemoncorps.Aprèsm’êtreassisedes

milliersdefoissurletrottoirsurlecheminduretour,j’étaisenfinrentrée.Visagerougiparlesoleil,lesdoigtstremblantsd’uneprobablehypoglycémieetlescuissesbrûlantesdemesefforts,jefilaidroitsurlefrigidaireàlarecherchedelabouteilledejusd’orange.Lesilencerégnaitdanslavilla.LavoituredeGeorgen’étaitpluslà.RickavaitdésertélesalonTV.J’essuyailasueurdemonfrontetportailabouteilleàmeslèvres.Aprèsquelquesgorgées,lanauséemeprit.Jeposailabouteillesurleplandetravailetm’appuyaide

toutmonpoidsdessus,brastendus,mainsàplat.Moncorpssouffrait,maispasautantquemonego.Honteuse.Dégonflée.Froussarde.Méprisable.—Unfils?Jemeredressaisanspourautantmeretourner.Sansfairefaceàlaragequ’ilavaitexpriméenunmot.

Unfils.Monfils.—Dis-moiquemonfrèreamenti,reprit-il.Quej’aimalcompris.Quetun’aspasd’enfant.Ethann’étaitpasqu’unenfant!—Ils’appelleEthan.Ilauracinqansàlafindel’année.Jemeretournai,enfin.Assisdanssonfauteuilàquelquespasdemoi,Rickparaissaitfoudecolère.—Jesuisbienlamamand’unpetitgarçon,dis-jed’unevoixclaire.— NON ! (Il abattit son poing sur la table.) Tu m’as menti. Tu t’es foutue de moi pendant trois

semaines!Voilà.Laréactionquej’avaistantredoutée.—Jenet’aijamaismenti.Nousavionsdit«pasdepassé».—Cen’estpastonpassé!Bordel!Lesparolesdemamèremerevinrentenmémoire.«Tusaurasàquoit’entenir.»Ilétaitlà,leconstat.

Ilnem’aimaitpas.Iln’aimaitpascequej’étaisréellement.Unemaman.—Non.Tuasraison.Ethanestmonprésentetmonfutur.Sestraitssedurcirentdavantage.—Pourquoitun’asriendit?cracha-t-il.—J’aivoulu.Destonnesdefois.Ethierencore,etcettenuit…maistum’enasempêché.—Non.Non.Non.Tuauraisdûm’enparlerbienavant.Avanttoutça!Quoi?Sacolèredevintlamienne.Monfilsnedevaitpasêtrelacausedesamauvaisefoi.Monfils

n’étaitpasuneexcuse.Ilnepouvaitpasprétendrevouloirunaveniravecmoietreniercettevolontésousprétextequ’ilyavaitEthan.MonEthan.Lesouriredemavie.

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—Avantquoi,Rick?Avantquejenetombesurtoisousladouche?Avantquejetedisequetuétaisunhommeetquejen’étaispaslesbienne?Pourquoi?Parcequejet’auraistellementdégoûtéentantquemère,quetun’auraisjamaisosémeregardercommeunefemme?Parcequejenet’auraisjamaisattiré?Parcequetunem’auraisjamaisdésirée?—Jen’ensaisrien.Je…Il laissa sa phrase en suspens. Je connaissais la suite. Il était désolé. Désolé de ne pas pouvoir

m’aimer.Denepasavoirassezdeforcepourassumer.Finalement,c’étaitluilelâche.—Nemeregardepascommeça.Nemeregardepascommesituavaispitiédemoi.Monfilsn’estpas

unfardeau.Tunesaisriendemavie.Etjeleplantailà.Seuldanssonfauteuil.Sonfidèlecompagnon.Silencieuxetinfirmedesastupidité.Mon cœurmartelaitmapoitrine. J’avais aimé cet homme.Est-ce que je pourrais vivre encore neuf

semainesaveclui?Jefonçai,sansprendrelapeinedemedéshabiller,sousladouche.Jen’avaisqu’uneenvie.Oublier.Oublierquej’avaisespéréquelquechosequin’avaitexistéquedansmatête.Oublierquej’étaisici,à

Miami.Oublierqu’ilavaitpumefaireressentirtellementdechoses.Oublierqu’ilyavaitcetruc.JepensaisàEthan.Àsespetitsbrasquim’enlaçaient.Àsaminusculemainsurmajoue.Àsonpremier

sourire.À lapremière foisoù il avait prononcé lemot«maman».À sespremierspas.Et àd’autressouvenirs,plusmerveilleuxlesunsquelesautres.Maisaussiàsespeines.Sesséjoursàl’hôpital.Sesvisiteschezlecardiologue.Etsonrêve.Lemien.Celuidemamère.Sonopération.Ilétaitlà,moncourage.Elleétaitlà,maforce.Jeresterais,pourlui.

Unjour.Unjourdesilence.Unjourànepenserqu’àuneseulechose.L’opérationd’Ethan.Aprèsunenuitagitée,toutétaitclairdansmatête.J’avaisdresséunelistedechosesàfaire;j’avais

aussiérigéunmurentreRicketmoi.Jemecontenteraisdeluidonnersontramadollesoir,neluiposeraisaucunequestion, le laisseraisseuldéciderdes tenuesqu’ilvoulaitporter, luiapporteraisses repas,nel’obligeraisniàprendreunedouche,niàseraser,niàfairesarééducation.Quantàmoi,jeneresteraispasplusd’uneminutedanslamêmepiècequeluietmeferaisviolencepoursortirdulittouslesmatins.Difficile?Pasplusqueça.Ilavaitfuiavantdemelaisserdigérerlapremièrejournée.Rasé,coiffé,parfuméàm’enfairechavirer,vêtud’unechemisebleueélectriqueetd’unjean,ilavait

prislapoudred’escampette.Jen’avaispaspumeretenirdecourirprèsdelafenêtrepourvoiravecquiildécampait.Untaxi.Encoreunefois,commeunlâche,ilavaitprislafuite.Dumoins,c’étaitcequejem’étaisévertuéeà

penserpourrepousserlavaguedejalousiequipulsaitdansmesveines.J’étaisjalouseparcequ’ils’étaitfaitbeaupourquelqu’un.Jalousequedesfemmespuissentessayerde

leposséder.Jalouseparcequeluipouvaitfairecequ’ilvoulait,alleroùbonluisemblait.Alorsquemoi,jedevaisresterlà,commeunepauvreconne,àl’attendre.Attendrequeletalkie-walkiegrésille.Attendrechaquemomentdelajournéeoùj’avaisquelquechose

àfairepourlui.Attendredepouvoirmecoucherpourpasseràunenouvellejournéesilencieuseetpleined’hostilité.

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Après avoir rangé toute lamaison,mis un peu d’ordre dansmes affaires, fait quelques courses ausupermarchéducoinetprisunebonnedouche, jecommençaiàm’inquiéter.Lesoleil secouchaitet iln’étaitpasrentré.Assiseàmêmelesol,encorebrûlantdelachaleurdelajournée,delaterrasse,jemedonnaiuneheure

avantde luienvoyerunmessage.Sonnumérodeportabledevaitbienêtrenotéquelquepartdanscettemaison?Chezmoi,lemienfiguraitsurunpost-itcollésurleFrigo.Maismoi,j’avaisunfils!J’étaislapersonneàprévenirs’ilarrivaitlamoindrechoseàEthan!Ethan,monpetitgarçontropprécieuxàmesyeux,ettrop«monfils»àceuxdeRick.Moncœurétaitblesséetrévolté,autantparsoncomportementqueparsonsilencefaceàunevéritéque

j’avaisexpriméeàsaplace.C’étaitaussimaforce.J’avaisétéheureuseavantlui,sanslui.Restait ladéception.DesbrasdouilletsdeGroschéri, l’oursonroseauxdeuxcœurssurleventredu

mondedesBisounours,jem’étaisécraséetelunmoustiquesurlepare-brised’unavion,pourfinalementm’étaler sur le bitume brûlant de Miami. J’y avais laissé ma raison, ma gentillesse et mes bonnesmanières.Ilnemerestaitplusquemonamertumeetuneviolentecolèrecontremoi-même:j’avaisétésinaïvedecroirequ’unjourjepourraiscomptersurl’épauled’unhommepourmereposer!Nedisait-onpasquelagrandeurd’unhommesemesuraitàsesactesetnonàsesparoles?Finalement,jemelaissaideuxheures.Qu’allais-jeluienvoyer?T’esoù,minablelâche?—Rick?Jesursautaietpoussaiunlégercridedétresse.Jeplaquaiaussitôtmesdeuxmainssurmabouche.Mon

cœurfaisaitdesbondsdansmapoitrine.JemeretournaivivementverslavoixdeCarl.Est-cequ’ilm’avaitentendue?Carl.Jeudi.—Rick?entendis-jeunenouvellefois,unpeuplusprès.J’auraisaimépouvoirneformerqu’unaveclecarrelagedelaterrasse.—Oceana?Rickn’estpaslà?—Ilsembleraitquevotreamiaitunsérieuxproblèmeaveclesdisputes.Ilauneprédilectionpourla

fuiteetlesilence,répondis-je.—Qu’est-cequ’ils’estpassécettefois?—Sonfrère…estpasséhiermatin.—Etilvousatrouvédansunepositioncocasse?—Illuiaditquej’avaisunfils.—Oh.—Quoi,«Oh»?«Oh»merde?«Oh»lecon?Ou«Oh»elleaunfils?—Unpeutoutça.CommentRicka-t-ilréagi?—J’auraispréféréqu’ildise«Oh».Samainfouilladanssapocheetensortitsonportable.—Ilrestedesbières?medemanda-t-iltoutenpianotantsursonécran.Non,nebougezpas,jepeuxme

servirtoutseul.IlsedirigeaversleFrigidaireetensortitunebouteille.

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—T’esoù,mec?TuQUOI?Ilposaviolemmentsabièresurleplandetravail,mefaisantsursauter.—Tucomptesrentreràquelleheure?reprit-ilpluscalmement.Moncœurmartelaitmapoitrine,attendantuneréponsequejenepouvaispasentendre.—OK.QuelquechosemedisaitquelaréponsedonnéeparRickneluiavaitpasplu.Meplairait-elle,àmoi?

Ilrangealabière,qu’iln’avaitpastouchée,etseretourna.—Vousavez…quelquechosed’unpeuplus…habillé?demanda-t-il.Comme si je ne savais pas ce que je portais, je baissai les yeux surmon short en jean etmon top

blanc…sanssoutien-gorge.Jecroisaimesbrassurmapoitrineetledévisageai.—Onsort,sivousvouleztoutsavoir!Oui.Non.Super.Horsdequestion!—Soyezpasaussitêtedeconquelui.Vousn’allezpasrestericiàl’attendre?!—Avecquiilest?—Jevouslediraisivousacceptezdesortir.Ilcroisalesbras,souriantetsûrdelui.—Pasbesoindemefaireduchantage.Jenesaismêmepaspourquoijevousaidemandéça.Parcequej’avaisterriblementenviedelesavoir!—Kristen.Hiroshima.Moncerveauressemblaitàunmonticulededébris.Moncœuravaitlittéralementexplosé.Kristen…C’étaitmoi,aufonddelamerMorte,maintenant.—Donnez-moicinqminutes,répliquai-je,dépitée.

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Chapitre18

Soiréedouteuse

J’avaisrépondusansréfléchir.Jenesavaispourtantriend’elle,nidel’amourqueRickluiportait.Jen’avaispasàjugerleurhistoire.

S’ilvoulaitlavoir,etbienqu’illefasse!Mais,malgrétouslesargumentsquemaraisontentaitdemesoumettre,jenepouvaispasm’empêcher

demesentiramèreetrévoltée.Depuisquej’étaisàlavilla,jen’avaisjamaisvuleboutdesonnez,nientendulesondesavoixau

téléphone. SiCarl nem’en avait pas parlé, je n’aurais sans doute jamais connu son existence. J’étaisjalouseparcequ’ellen’avaitjamaisétélàpourRick,nes’étaitjamaisdémenéepourl’aider,nel’avaitjamaisvusouffrir…etqu’ellelerécupéreraitbientôtsursesdeuxjambes,commesisonaccidentn’avaitjamaiseulieu.J’avaisété làauxmomentsdifficiles.J’avaisvusonsouriredansunepiscine lorsqu’ilavait faitses

premierspas.Jesoulageaissadouleur.Jevidaissapisseetpréparaissonpetitdéjeunertouslesmatins.Maisest-cequeçamedonnaitledroitdesortiravecCarl,sonmeilleurami?Commepourrépondreàmaquestion,mesmainss’empressèrentdefermerlesbouclesdemessandales

àtalonsnoirs.Face au miroir, j’observai le résultat. Mes cheveux blonds descendaient en cascade sur ma

combinaisonnoiresansmanches,tellementdécolletéequej’avaislaissé(unefoisdeplus)monsoutien-gorgedansletiroirdelacommode.Unepochettebeigedansunemain,unevestedetailleurdelamêmecouleurdansl’autre,unpeudefardàjoue,durimmeletdurougesurleslèvres.Çaferaitl’affaire!JerejoignisCarldansl’entrée.Téléphonecolléàl’oreille,ilserecoiffaitens’épiantdanslemiroir

accrochéau-dessusduguéridonetdéboutonnalecoldesachemisenoirepourparaîtredécontracté.—N’importequoi!Tu.Fais.N’importequoi,martelait-il.Ilsouritaumiroir,sûrementpourvérifierqu’iln’avaitrienentrelesdents.—Jenesaispasàquelleheurejerentre,ajouta-t-il.Jemeraclailagorgepourluisignalermaprésence.Prisenflagrantdélit,ilgrimaça.—Bon,jetelaisse.Onsevoitplustard,dit-ilavantderaccrocher.Ilmedétailladehautenbas.Sentantsesyeuxsedélecterd’undeuxièmepassagesurmondécolleté,je

fronçailessourcils,retenantuneremarqueacerbe.Confus,ilsourit.—Vousaviezautrechosedeprévu?demandai-je.Ilhaussalesépaules.—Pasvraiment.

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—Pourtantvousaviezl’aird’êtreattendu.—C’étaitRick.Etsoitditenpassant,iln’estpastrèspolid’écouterlesconventionsdesautres.Ilmeservitunclind’œil.PourquoiRicks’inquiétait-ildesavoiràquelleheurenousallionsrentrer!?—Vousn’étiezpastrèsdiscret,lànonplus!—D’habitude,lesfemmesaimentquandonlesregarde.—Vousn’êtespasobligédemesortir.J’aitouteunesaisondeGrey’sAnatomyàvoir!—N’importequoi!(Ilregardasamontre.)Ilestpresque22heures,allons-y.Ilrejoignitlaporteetl’ouvritavecunerévérence.Cettefois,jen’étaispasinquiètepourRick,j’étaisencolère.J’étaiscertainequenosretrouvaillesne

setermineraientpasdelamêmemanière.Pasdanssesbras.Nisursesjambes.Encoremoinsempaléesursonmembre!Assisedans l’imposant4×4deCarl, je regardais lepaysagedéfiler. J’étais irritéeetagacée.Tout

m’étaitdésagréable,dubruitdumoteuràl’odeuriodéedel’océandansl’habitacle.SiCarlmetouchait,j’exploserais!Qu’est-cequenousfaisionsaujuste?C’étaitunrencard?Ouunesimplesortieentreamis?Je reconnus sans peine lesmurs colorés et tagués du quartier deWynwood, que j’avais traversé la

semaineprécédenteavecRick.Unelameaiguiséetraversamapoitrinequandlavoiturepassadevantlerestaurantdanslequelnousavionsmangécejour-là.Finalement,auboutd’unebonnedemi-heure,Carlgarason4×4.Jelesuivissansentraindansceque

jesupposaisêtreunetaverne,toujoursaccrochéeàlamêmequestion:qu’est-cequejefoutaislà?!Il y avait de l’ambiance à l’intérieur. Beaucoup de jeunes, certains debout autour du bar central,

d’autres attablés, discutaient tout en buvant et mangeant dans le vacarme d’une musique cubaine. Àl’imageduquartier,lataverneressemblaitàunpatchworkdetableauxdePicassoetdegraffitisderue.Descentainesdepetitesampoulesdetouteslescouleursdescendaientdesplafondsentôle,lemobilierétaitenaluminiumetenacier,etunevieilleCadillacavaitétédésosséepourêtreaménagéeencuisineambulante,typefoodtruck.J’essayaidemesouvenirdeladernièresoiréequej’avaispasséedansunlieucommecelui-là.Rienne

mevint. Jen’avais jamais étédu style à suivremes amiesdansunbarouunclub, et jeme rappelaisencoremoinsdemadernièresoiréeétudiante.L’effervescencedulieumefitpresqueoubliermonagitation.Jeregardaislesfillestrèsjeunesetqui

semblaient, pour la plupart, avoir déjà bu un coup de trop et les garçons qui leur tournaient autour,sûrementdansl’intentionderepartiravecl’uned’ellescesoir.Est-cequejedevaisregretterdenepasavoirvécucegenredechoses?—Venez!hurlaCarl.Ilfitunsignedelamainaubarman,quiluiindiquanotretable.Bienqueplacésà l’écart, lebrouhahadesconversationset lamusiquemepermettaientdegarder le

silence.Maisqu’est-cequejefoutaislà?!Carlfitunsigneàuneserveuse,quiluisouritenluimontrantsonindexpourluidemanderdepatienter.—Vousallezbien,Oceana?s’inquiéta-t-ilalors.—J’auraispuresterenshortetendébardeur,luirépondis-je.Matenueesttrophabillée.—Peut-êtrepourici,maispaspourallerdanser.

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—Vousrigolez?—Pasdutout.Çavavousfairedubien.Unpeutropsûrdelui,ilmesourit.Non.Non.Non.Çan’allaitpasmefairedubien!—D’abordjen’aimepasdanser…etjenemevoispasdutoutsurunepistededanse!—Pourquoi?Vousdevriezvousamuserunpeu.—Parcequevouspensezquec’estlegenredechosequimerendraitheureuse?Jen’aijamaisaimé

ça.Mêmeavantmonfils!—Cen’estpascequejevoulaisdire.Lajeuneserveusearrivaàpointnommé.—Salut,Carl!Deuxsoirsd’affilée,onadelachance…Unbandanarougeattachésursatêtebrune,unechemisebleuenouéeau-dessusdunombriletunshort

enjean,ellemerappelaitlespin-updesannées60.—Salut,Bess,répondit-il.Jesais,turêveraisquejesoislàtoutletemps…Ellemefitunclind’œil.—Lamêmechosequed’habitude?—Vousmangezdetout?medemandaCarl.(Jehochailatête.)Alorsoui,Bess,s’ilteplaît.Merci.—Attentionàvous,c’estunvraiprédateur!m’avertitBessavantdetournerlestalons.Illaregardas’éloigneretsepenchaversmoi.—Repartonsàzéro,sivousvoulezbien.—Pasdeclub,tranchai-je.—Onverra.—Qu’est-cequ’onfoutlà,Carl?Pourquoivousfaitesça?Jeposaimapochetteàcôtédemoi.—J’avouelâchementqu’avantqueRickmeparledevous,j’espérais…enfin…vouscomprenez…—Pastellement,non,mentis-je.— Je ne suis pas le style de mec qui promet la lune à une fille. Je ne suis pas casanier, je suis

constammentsurlaroute,doncjenecherchepasàm’attacher.J’adorelesfilles,maiscequej’aimepar-dessustout,c’estlesexe.—Est-cequevousêtesentraindemedirequevousvouliezcoucheravecmoi?—Oui.Avant.Enfin,j’enaitoujoursenvie…maisilyaRick.Devais-jeenconclurequeRickluiavaittoutraconté?Commeuneétincelle,sonaveurallumalaragequim’avaitsaisiedanslavoiture.—Nonpasquejeveuillefairequoiquecesoitavecvous,maisjen’appartienspasàvotremeilleur

pote,quiasutrouverduréconfortauprèsd’unecertaineKristen,cesoir,lançai-je.—C’estuncon.Je compris qu’il n’aimait pas Kristen. Je ne voulais en aucun cas connaître les raisons de cette

antipathie.

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Enréalité,si.Jelevoulais.—Jeveuxbienqu’onparled’autrechose,réclamai-jenéanmoinsavecunegrimace.—Comments’appellevotrefils?Finalement,jepréféraispresqueparlerdeRicketdesaKristen…Bessrevintavecunplateauchargédedeuxpintesetdedeuxassiettescopieusementgarnies.—Bonappétit!lança-t-elleavantdenousquitter.Banderillasdepouletetdebœufaccompagnésd’unesaladeassaisonnéedevinaigreetd’huiled’olive.—Çavousva?s’inquiétaCarl.Pourtouteréponse,jem’emparaidemescouvertsetpiquaiunmorceaudeviande.—Alors?Ilm’imita.—C’esttrèsbon.—Non.Votrefils.Jem’étouffaiavecunefeuilledesalade.Ilpoussalapinteversmoi.—Je…rhmmm…jene…rhmmm…boispasd’alcool,articulai-jedifficilement.Sessourcilsserelevèrent.Jen’osaimêmepasluidemandercequ’ilpensaitdemoi.Jenedansaispas.

Jenesortaispas.Jenebuvaispas.Waouh!Ilnemanquaitplusquelechat.Aprèsm’êtredébattueavecmonmorceaudesalade,jedécidaifinalementdegoûterlaboisson.Sous

sonregardamusé,jebusunegorgéedelabièrequiserévélafraîcheetfruitée.Sonsourires’effaçaàlavuedemalanguepassantsurmeslèvrescouvertesdemousse.Ildéglutit.—Ethan,dis-jefinalementpourluirappelerquej’avaisunfils.Ilclignadesyeuxplusieursfois,commepoursedétacherdemabouche.—Quelâgea-t-il?—Jen’aipasl’habitudedeparlerd’Ethan.Etjesaisquevousn’êtespasréellementintéressé.Ilfronçalessourcils;jel’avaisblessé.—Désolée.HormisRick,jen’aipasdînéavecunhommedepuistrèslongtemps.—Sivouslesaccueilleztousdecettefaçon-là,vousavezbeauêtrebelleetirrésistiblementattirante,

ilestcertainquevousleurcoupezl’envied’allervoirplusloin.—Égalité,constatai-je,vexée.—Jenesuispasnonplustrèsfortpourracontermavie.Jesuisnédansunefamillepauvre,jen’aipas

faitd’étudesetjesuissurfeurprofessionnel,dit-ild’unetraite.Àcroirequec’étaitlaphrasebateauqu’ilsortaitàtoussesrencards.—Maisencore?demandai-je,labouchepleine.—Mamèretravailledansuneusinedetextileetmonpèreestunsalecond’alcoolo.Jenepusm’empêcherdeglousser.Avantqu’ilneseméprenne,jem’essuyailaboucheetm’expliquai:—Çanousfaitundeuxièmepointcommun.

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Ilmedévisagea,puisannonça:—Quandj’avaisvingtans,jel’aijetédehorsàcoupdepoingsetdepiedsalorsqu’ilprenaitunmalin

plaisiràtabassermamère.Depuis,jenel’aiplusrevu,etjen’aiaucuneidéedecequ’ilestdevenu.Jen’avaisplus trèsfaim,d’uncoup.Jerepoussai l’assietteàmoitiévide.Jen’avaisaucunepeineà

imaginersonenfance.Sesyeuxcontinuaientàm’épier,commes’ilsappréhendaientmaréaction.Quelquechosemedisaitquecettepartiedesavienedevaitpasfairepartiedesonbaratinhabituel.Jemelâchaiàmontour:—Jen’ai jamaisconnu lemien, ilestpartiquandmamèreasuqu’elleétaitenceintedemoi.Et il

semblerait que je sois victime de lamêmemalédiction puisque le père d’Ethan ne veut pas entendreparlerdesonfils.Jenesouhaitaisqu’unechose,c’étaitqu’ilnemeposeaucunequestiondustyle:pourquoinepasavoir

avorté?Pourquoinepasavoiressayéderefairetavie?—C’estunlâche.Jereprismarespiration.—Quiça,Rick?—Non.(Sonsourirefrancmefitsourireàmontour.)Lepèred’Ethan.—Jenel’aimaispas,detoutefaçon,dis-jeenhaussantlesépaules.—Quiça,Rick?railla-t-ilàsontour.—Non.Lepèred’Ethan.Enfin…jenedispasnonplusquej’aimeRick…Oh…Vousaveztrèsbien

compris!m’exaspérai-je.—Çameferaitchier,enréalité.Parcequejen’airienpromisàRickpourcesoir.Ledrame!Qu’est-cequejefoutaislà?!Je bénis lesmille couleurs des lumières suspendues au plafond, quimasquaient la rougeur demes

joues,etjebusenhâteunegorgéedebière.Une,deux,trois…tantdegorgéesquejeredoutaisdéjàlamigraineinévitable.Peut-êtreserait-ellemonticketgagnantpourrentreràlamaison?

FinalementCarlavaitgagné,etmatêtenes’étaitpasrévoltéecontre laprésenced’alcooldansmon

sang.Deuxpintesdebière.DeboutcontrelebardelaboîtelaplussélectedeMiami–d’aprèscequej’avaispucomprendre–,jeregardaistantôtCarl,tantôtlapistededanseenvahiedeclients.Matenuedesoiréeétaitencoremalchoisie. Ici, lesfillesportaient toutesdesrobesoudes jupessi

courtesqu’ilmesuffisaitdebaisserlatêted’uncentimètrepourapercevoirleursdessous.Quandellesenportaient.—Vousn’allezpasdanser?demandai-jeàCarlpresqueenhurlantpourqu’ilm’entende.Ilserapprochademoietsepenchaversmonoreille:—Seulementsivousyallez.Jemeretinsderespirersonparfumviril.—Nevousprivezpaspourmoi.—Jesaiscequ’ilvasepassersijerejoinscettepistededanseavectoutessesfillesautourdemoi…

m’informa-t-ilenplissantlesyeux.

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—Jesuisunegrandefille,jepourraisrentrerentaxi.—Non,Oceana.Jesuispeut-êtreunprédateurquiaimelesexe,maisjesaismereteniretjenesors

pasavecdeuxfillesàlafois.Cesoir,jesuisici.Avecvous.—Nousnesortonspasréellementensemble— Je vais vous faire un aveu, continua-t-il en se collant presque àmoi. Je ne crois pas du tout à

l’amitiéentreunhommeetunefemme.Doncjeparsduprincipeque,cesoir,jesuisavecvous.Sa bouche était si près de la mienne que j’en louchais. Affolée à l’idée qu’il puisse s’approcher

d’avantage,jeposaimamainsurseslèvresetreculai.—Stop!Ramenez-moichezRick,haletai-je.Je le sentis sourire sousmes doigts alors que ses yeux sombres caressaientmon visage. Je n’osais

mêmeplusbouger.Ilneferaitdemoiqu’unebouchée.J’avaissurtoutpeurd’êtretropfaible,tropjalousedeRick,tropencolère,pourl’arrêters’iltentaitquoiquecesoit!Samainattrapamonpoignetavecdouceuretfitlentementglissermesdoigtsdesabouche.Ilmurmura:—Unedanseetjevousprometsdevousramener.Jenel’avaisjamaisvuaussisérieux.Sonpoucecaressaitledosdemamain.Jem’empressaidelalui

arracherpourfairetairelesbattementsfrénétiquesdemoncœur.—Voussaureztenirvosmains?Ilhochalatêted’ungesteentenduetarronditlebraspourm’inciteràl’accompagnersurlapiste.Effrayée,jemefaufilaientrelesclubbeursdéjàtrempésdesueur.Sanstropsavoircomment,mespieds

etmesbrasrépondirentaurythmedelamusique.L’adrénalinesemblaitpeuàpeurepousserlacolèreetla peur dans un coin dema tête, et le peu d’alcool que j’avais ingurgité suffit àme libérer. Je ne fispresqueplusattentionàcequim’entouraitjusqu’àcequeCarl,quijusqu’alorssetenaitàunedistanceplusquecorrectederrièremoi,immiscesatêteentremonbrasetmajoue.Surprise,jemeraidis.— Je croyais que vous ne saviez pas danser,murmura-t-il si près demon oreille que j’aurais juré

sentirseslèvresmimerunbaisersurmonlobe.Jemeretournai,feignantd’êtreagacée.—Mesmainsn’ontpasbougédederrièremondos,sejustifia-t-il.Jereprismadanseendardantsurluiunregardnoir.S’ilbougeaitd’unmillimètre,jefonçaisprendre

untaxi!Sij’enavaislaforce…Aprèstout,Carlétaitloind’êtremoche.—Jen’aipasditquejenesavaispasdanser,j’aiditquejen’aimaispasdanser,précisai-jesousses

souriresentrecoupésparlalumièredesstroboscopes.Soudain,toutseprécipita.Jesentisunemassesefrottersurmesfessesetmondos.JevisCarlfroncer

lessourcilsetvireraurougeenmevoyantmedécomposeretmeraidir.Etsesmainsempoignèrentmonbassinpourleplaquerviolemmentcontrelesien.—Dégage !cria-t-il. Irrésistiblementattirante, jevous l’aidit,chuchota-t-il l’instantd’aprèsàmon

oreille.J’avaisl’impressiond’êtredétachéedetoutcequisepassait.Profitantdelasituation,Carlfitglisser

lesdoigtsd’unedesesmainslelongdemonflanc,puislesremontasurmondos.Jefrissonnai.Puisileffleura ma mâchoire jusqu’à mon menton, pour le relever. Ses lèvres étaient près des miennes, je

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pouvaissentirsonsouffleleseffleurer,commeunecaresse.—Vosmains,réussis-jeàdire.—Quoi?—Vosmains!hurlai-je.Ladéceptionsepeignitsursonvisage,etsoncorpss’éloignadumien.—Allez,jevousramène,dit-il,amer.Ilmepritparlamainetm’entraîna.Sitôtdehors,lafraîcheurdelanuitmeremitlesidéesenplace.

J’étais désolée, oui, mais pas pour lui, pour moi. Parce que je ne savais pas si je désirais qu’ilm’embrassepourmefaireoublierRickoutoutsimplementparcequejevoulaisréellementqu’illefasse.Àquelquespasdelavoiture,jem’immobilisai.Ilseretourna.—Quoi?—Arrêtez.Arrêtezdevouscomportercommeunenfantgâtéàquil’onarefuséunbonbon!—Jen’aipasl’habituded’êtrerepoussé.—Alorsquoi?VousallezmeramenerchezRick,etmebouderjusqu’àcequejereparteàNewYork?—Jenesaispas.Jesupposequenon.Ilfautjustequejedécante.Gêné,ilfeignitderegarderailleurs.Jelibéraimamaindelasienneetavançaid’unpas.—Réessayez,jenevousrepousseraipas.—Qu’est-cequevousavezdit?—Embrassez-moi.Etnemefaitespasrépéter.Jen’euspas le tempsd’apercevoir sonsourire : ses lèvresavaientdéjàheurté lesmiennes.Violent

commeuncoupdepoing,maispasmoinsdélicieuxetardent,sonbaiserpassionném’électrisa.Jeglissaimesdoigtsdanssescheveuxpouryrépondre.Sanstropsavoircommentnipourquoi,jemeretrouvaipriseaupiègeentreluietlemurcolorédela

ruelle.Sonbassin s’appuyait si fort contre lemienque je pouvais sentir sonmembredurci contremacuisse.Salanguesefrayauncheminjusqu’àlamienne,semitàjoueravectandisquesesmainsglissaientsur

mesfessesetmesoulevaientavecfacilitélelongdumur,m’incitantàl’encerclerdemesjambes.Stop!Laquestionquejem’étaisposéetoutelasoiréerevintavecvéhémence:qu’est-cequejefoutais

là?!Laréponse,elle,vintdansunflash:pourmevengerdeRicketdesalâcheté.Carln’étaitpasRick.Iln’avaitpassongoût.Iln’avaitpassonodeur.Iln’yavaitpasd’envoldepapillons.Mesdoigtsrelâchèrentleurprisedanssescheveuxet,commesiCarlavaitcomprismonmalaise,ilme

lâcha.Jesentisànouveaulaterrefermesousmespieds.—Jepersiste,dit-ilàboutdesouffle.Rickestuncon.—Ilnefautpasqu’illesache…Ils’écartaethaussalesépaulesaprèsm’avoirdévisagée.—Allez,rentrons.Lavilla,ànotreretour,étaitplongéedansl’obscurité.MoncœurseserraenpensantqueRickallait

passerlanuitavecelle.Enfinlanuit…pourcequ’ilenrestait.L’horlogedelavoitureindiquaitunpeuplusde4heuresdumatin.—Tuveuxquejeresteavectoi?demandaCarlsanssous-entendualorsquenouspassionslepasdela

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porte.—Jenecroispasquecesoitunebonneidée.—Ah,c’estcertainquesijememetsàrêverquetum’embrassescommedanslaruelle,je…—Dites-moiquejerêve!?Rick.Nousavait-ilentendus?Jemepétrifiai.—Bordel!Vousattendezquoipourvenir!cria-t-il.Avantmême que Carl réagisse, je courus aussi vite que je pus jusqu’à la cuisine, comprenant que

quelquechoseclochait.Ausol,jeheurtaiunemassequihurladedouleuretmeretinsinextremisauplandetravail.—Merde,Rick!m’affolai-je,comprenantenfin.La lumière s’alluma, le dévoilant assis sur le sol, dos appuyé contreunmeuble.Endécouvrant son

visagecrispéettendu,j’hésitaientreladouleuretlacolère.Sesdeuxmainsmaintenaientfermementsacuissedroite.—Jevoulaissimplementuncafé,dit-il. J’aidûoublierdemettre les freinset le fauteuila rouléau

momentjemesuisrassisdessus.Ileutunmouvementdereculalorsquemamains’approchaitdesacuisse.Jedusblêmir.—Mal.Quelquepart?réussis-jeàdire,ravalantmonenviedepleurer.Ilm’ignoraettournalatêteversCarl,quiobservaitlascèneappuyécontrelemur,brascroiséssurson

torse.—Aide-moi,luilança-t-il.Ilnevoulaitpasquejeletouche…J’avaisl’impressionquemonmondes’écroulait.J’étaisdévastée.

Jefermailesyeuxpourmeressaisir,jetremblaisdetoutmonêtrefaceàsarépulsion.Soncridedouleurétouffaundemessanglots.—J’appelleuneambulance,décrétai-jeenmelevant.Ilmesemblal’entendreprotester.Jem’enfoutais.Sijenepouvaispasletouchernimêmel’approcher

sansqu’ilnemeregardeavechargneourancœur,ildevaitaumoinsvoirunmédecin.C’étaitsansdoutemonseulélandeluciditédelasoirée.

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Chapitre19

Retouràlacasedépart

—T’esqu’uncon,Rick.Carl,assissurunechaiseenfacedemoi,mepointaitdudoigtpourappuyersoninsulte.Celadevaitmaintenantfaireplusd’uneheurequej’étaisallongédanscelitàattendrelesrésultatsde

laradiodemajambe.Lesantalgiquesavaientsoulagéladouleur.—Oceananeméritepasquetutecomportescommeçaavecelle!reprit-ilpourlaénièmefois.Depuisquandfaisait-ilpreuved’empathiepourlesfilles?—Enattendant,ellen’apasattendulongtempspourtesauterdessus…—Ellenem’apassautédessus,JE l’aiembrasséeaprèsqu’ellem’ait repousséàdeuxreprises.Et

ellen’apasréponduàmonbaiser,elles’estjustelaisséeembrasser!J’essayaitantbienquemalderepousserl’imaged’Oceanadanssesbras.Çamerendaitfou!Est-ce

qu’elleavaitpréféréseslèvresauxmiennes?Qu’avait-elleressenti?Avait-elleaimé?Est-cequ’ellevoulaitrecommencer?JejetaiunregardnoiràCarl.—Alors quoi ? Je devrais simplement te diremerci dem’avoir rendu jaloux au point de ne plus

pouvoirlaregardersanspenserquetul’astouchée?merévoltai-jefinalement.—C’estmoiquil’aiembrassée,OK?!Pourquoitunet’enprendspasàmoi?Ilavaitraison.J’envoulaissurtoutàOceana.Pourquoi?—Tuveuxvraimentquejetedisecequejepensedetoi?Là,maintenant?—Siçapeutt’aider!Jeluiavaisdéjàditlamêmechosedesmilliersdefois,lorsqu’ilrentraittouslessoirsavecunefille

différente.—Jepensequetuasunputaind’egosurdimensionné,quetuasunbesoinconstantdeplaireàtoutes

les filles qui passent à ta portée, et je pense que tu es un putain de traître, que tu essaies de te taperOceanaalorsquetutedoutestrèsbiendecequ’ellereprésentepourmoi!—Àlabonneheure!(Illevalesbrasaucielpuislesreposasurlesaccoudoirsdufauteuil.)Monego

t’emmerdeRick,etmonbesoindeplaireaussi(petitclind’œil).QuantàmetaperOceana,jecroisquelesujetadéjàétéabordélesoiroùtuascréchéchezmoi.—Jecroyaisquenousétionsd’accordsurcepoint!Quetunetenteraisrienavecelle?—Non.Cen’estpascequejet’aidit!Jet’aiditquejenecoucheraispasavecelle,point.C’était

justeunbisou!Unputaindebisou!Etjesuiscertaindet’avoirrenduservice,quelquepart.Jefeignislasurprise.—Ahbon?

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—Ellem’are-pous-sé!T’enconnaisbeaucoupdesfillesquimerepoussent?!ÀpartKristen,aucune.Cemecétaitirrécupérable.J’envenaismêmeàmedemanders’ilnetenaitpasuntableaudechasse.

Commentfaisait-ilpourembobinertoutescesfilles?J’étaismêmecertainqu’ilétaitcapabledesefairepayer,telungigolo!—Ellenet’apasrepoussé,conclus-jefinalementpourdéfiersonassurance.—Ellenes’estpaslaissétransporter,situpréfères.(Ilportaunemainsursonvisage,commes’ilétait

désespéré.)Etelle,danstoutça!cria-t-il.Tuypenses?Mets-toiàsaplace!Aumomentoùtuapprendsqu’elleaunfils,tutebarresretrouvertonex.Commentvoulais-tuqu’elleréagisse?Àquoivoulais-tuqu’ellepenselorsquetuespartirejoindreKristen?Autrementqu’ensejetantdanstesbras,c’étaitcertain!—Ellen’étaitpascenséelesavoir,argumentai-jeenessayantderetrouvermoncalme.Si,encoreune

fois,tuavaissutenirtalangue,onn’enseraitpaslà!—Tumesaoules!Jem’envais!Ilseleva.—JenesuispaspartirejoindreKristen.Jevoulaissimplementcomprendrecertaineschoses,avouai-

je.Ilseretournaetdemanda,intrigué:—Vousvousêtesvus,ouiounon?—Oui,maispaspourlesraisonsquetucrois,dis-jeaveclassitude.—Alorsquoi?Explique-toi!M’expliquer ?Comment pouvais-je expliquer quelque chose que je ne comprenais pasmoi-même !

Mes trois joursdecomam’avaient laisséune seule séquelle,uneamnésiepartielle. J’avaisoublié lesévénementsquiavaientprécédémonaccident.Maislanuitdernière,j’avaisrêvédechosescomplètementinsenséesquej’étaispersuadéavoirvécu.EtseuleKristenauraitpumeleconfirmer–ounon.Alors,j’avaislaissédecôtémarancœuretj’avaiscampé,dansmonfauteuil,devantsonappartement

pendantaumoinsquatreheures.Jusqu’àsonretour.J’avaisbesoinderéponses.Siellemeconfirmaitquecequej’avaisrêvéétaitréel,jenepourraisque

luidonnerraisondem’avoirlarguécommeunemerde!Dire qu’elle m’avait laissé indifférent serait mentir. Kristen était belle et raffinée, et là où Carl

percevaitduméprisetdel’arrogance,jevoyaisunmasque,conséquenced’uneadolescencedifficiledansune famille complètement déjantée. Il n’avait jamais rien su de son passé et ne cherchait pas à leconnaître.Ellenem’avaitpasrepoussé,commejeleredoutais,maisellenem’avaitpasnonplusaccueilliàbras

ouverts.Elleavaitjustepâlilorsquejeluiavaisposélafameusequestion:ques’était-ilréellementpassécejour-là?Elleavaitcomprisalorsquejemesouvenaisdecertainsdétailsdecettejournée.Maiselleétaitrestéemuettecommeunecarpe.Deuxheuresplustard,j’étaisrepartibredouilleetdéprimé.Etj’avaisretrouvélavillavide,etembauméedevanille.Vanille…seulementl’arôme.Lafleurétaitparties’épanouirailleurs.—Jen’aipastellementenvied’enparler,d’autantquejen’aipaseumesréponses,dis-jefinalement.—Commentpeux-tuencoreavoirdessentimentspourcettefille!?

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Est-ceque j’avais toujoursdessentimentspourKristen?Ceque je ressentais ressemblaitplusàdel’affection,finalement.Nousavionsvécuunanensemble.—Ilnes’agissaitpasdecegenredequestions,préférai-jerépondre.Je tournai la tête vers la vitre donnant sur le couloir de l’hôpital. À travers les stores ouverts, je

pouvaisapercevoirOceana,assise,lesjambesrepliées,lementonposésursesgenoux.Est-cequejepouvaislalaissercommeça?JeréalisaisàquelpointOceanaavaitbalayéKristendemoncœur.Àquelpointellem’étaitchère.Et

surtoutàquelpointj’avaisagicommeuncon!—T’attendsquoipourluidire?demandacalmementCarl,quilaregardait,luiaussi.—Luidirequoi?—Quetutefousdesavoirqu’elleaungamin.Est-cequejem’enfoutaisréellement?Non.Pourtant,jen’avaiscesséderetournerlasituationdansmatête.Mesparentsnel’accepteraientjamais.

Maismonchoixétantfait,qu’ilsaillentaudiable.Maisqu’est-cequej’allaisfairedemavie?Lesseuleschosesquejesavaisfairem’étaientdésormaisinterdites.Plusdesportsnautiques,cequi

incluait interdiction d’entraîner ou d’initier des gens à ces activités. J’avais toujoursmon doctorat enmarketing, qui me permettrait d’exercer en tant que professeur dans une université, ou bien commeconsultantouchercheurdansuneentreprisedecommunication.Maiscen’étaitpascequej’aimais,etjecommençaisàconnaîtreassezOceanapour savoirqu’ellene souhaiteraitpasmevoirdépérirdansunbureau.—Lesemmerdesarrivent,annonçai-jeàCarlenvoyantmamères’approcherd’Oceana.Celle-ciselevaetouvritlabouche,maismamèrelafaittaired’ungestedelamain.Leregardchargé

deméchanceté,elleprononçaquelquesmots.JemeredressaidanslelitenvoyantOceanabaisserlatête.Sasoumissionetsatristesseétaienttellesquej’enoubliailabrûluredansmajambe.Puiselletournalatête vers moi et, à l’instant où ses yeux rencontrèrent les miens, son visage devint sévère, presqueaccusateur.Merde.Qu’est-cequemamèreluiavaitdit?—Interviens,jelesensmal,ordonnai-jeàCarl.Craintif, je reportai mon regard sur Oceana. Ses lèvres articulèrent silencieusement un mot. Ne

comprenantpas,jefronçailessourcilsafinqu’ellerecommence.«Au-re-voir.»—Quoi,«aurevoir»?murmurai-je.«NewYork.».Aurevoir.NewYork.Jeblêmis.Ellepartait.EllerentraitàNewYork.—NON ! hurlai-je si fort que je la vis tressaillir sans pour autant cesser deme considérer avec

amertume.Carl!Jefisvolerledrap.Monami,quivenaitd’échangerquelquesmotspeuamènes,manifestement,avec

mamère,rentraprécipitammentdanslachambre.Ellelesuivit.Oceanarestaimmobileetimpassibledel’autrecôtédelavitre.

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—T’attendsquoi?Aide-moi!JeposaimespiedsnussurlesoletsentislesbrasdeCarlmeretenir.—Qu’est-cequetuluiasdit?vociférai-je.—RickThomas…commençamamère.—Iln’yapasdeRickThomas!Qu’est-cequetuasditàOceana!—C’estallébeaucouptroploinentrevous.Tonfrèrem’arapportécertainsfaitsquinem’ontpasplu

dutout!Jeluidédiaiunregardnoir.—Mavieprivéeneteregardepas.Cessedefourrertonnezdansmesaffaires!Jerépète:qu’est-ce

quetuluiasdit?—Ellen’apastenusesengagements.Elleestrenvoyée.—Nel’écoutepas,Oceana!criai-je.Tuesmonemployée,maintenant.Onenadéjàparlé.Je…Tu

n’espasobligéedepartir.Carlrelâchadoucementsaprise,sentantmesmusclesserelâcher.—Etavecquelargentcomptes-tu lapayer,Rick?fitmamère,sarcastique.Dois-je te rappelerque

l’argentdelaventedetoncommercenet’appartientpasréellement?Nous y étions ! Je savais que ce jour arriverait. Ils m’avaient prêté l’argent, et elle comptait être

rembourséemaintenant.J’avaishontedemafamille.—Combien?murmuraCarl.Jeme retournai vers lui. Il étudiaitOceana avec un sérieux quime surprit. Il n’y avait pas que sa

question,soudain,quejen’étaispascertaindecomprendre.—J’aiditcombien,Rick?Jecompris.Je compris qu’il ne la défendait pas simplement pour mon bien. Qu’il ne l’avait pas seulement

embrasséepourmerendrejaloux.Ilyavaitautrechose.Quelquechosequejen’avaisjamaisperçuchezlui.Oceana,levisagecrispéetfatigué,restaitlààneriendire,attendantquel’und’entrenousdécidede

sonsort.Etc’étaitmadécision.Est-cequej’étaisprêtàlavoirtomberdanslesbrasdeCarl?Ouest-cequeje

devaisunenouvellefoisfairepreuvedelâchetéetlalaisserpartirsansunsou?Elleavaittantbesoindecetargent.Etjenevoulaisplusparaîtrelâcheàsesyeux.Jepréféraisdeloin

lasavoiravecCarlquedesavoirqu’elleavaitunebonneraisondemedétester.—Troiscentmilledollars,murmurai-je.Je lavisfermerlespaupières.Ellenem’avaitpasentendu,maiselleavait lusadélivrancesurmes

lèvres.—OK.C’estmoiquitepaieraisesservices,alors,grognaCarlàcôtédemoi.Aumomentoùj’allaisluidirequejelerembourseraisjusqu’auderniercentimedèsquejelepourrais,

mamèretonna:—MonsieurAllen,jenevoispasenquoitoutcecivousregarde.

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—Jecroissurtoutquecen’estplusvotreproblème,madameThomas,rétorqua-t-il.Pourlapremièrefoisdemavie,jevismamèreblêmir.Ungarsdesquartierspourrisallaitoffrirtrois

centmilledollarsàuneinfirmière.Moninfirmière.Mafleurdevanille.—Hum.Toutesnostêtessetournèrentversl’hommeenblouseblanchequivenaitdepénétrerdanslachambre.—Excusez-moi,reprit-ilensouriant.JesuisledocteurMark.Désolépourl’attente.Laradion’arien

révélédepréoccupant,toutestparfaitementenplace.Vousaurezsûrementunhématomedanslesjoursàvenir,maisriendebienméchant.Jevaisvousprescriredesanti-inflammatoires,etvouspourrezrentrerchezvous.Faitesplusattentionlaprochainefois;cettenuit,vousavezeubeaucoupdechance.D’autrepart, j’ai discuté avec votre infirmière à votre arrivée et jeme suis permis de jeter unœil sur votredossier, et, au vu des radios et des scanners précédents, je vous accorde l’appui progressif sur votrejambe gauche. J’ai dit progressif, monsieur Thomas. Continuez vos exercices en piscine et, dans unesemaine,vouspourreztenterdevousdéplaceravecdesbéquilles.Maisattention,seulementlagauche.Appuiinterditsurladroite.Vousavezcompris?Jehochailatête.Jemefoutaisdemajambe.J’allaispouvoirrentrerchezmoi.AvecOceana!Jene

voulaisqu’uneseulechose,meretrouverseulavecelle–etsurtoutluiprésentermesexcuses.MamèretournalestalonsetmarquaunepausedevantOceana.Celle-ciluidédiaunsourirenarquoiset

nousrejoignit.SansunregardnipourCarlnipourmoi,elleseruasurlefauteuilroulantetleplaçaàcôtédemoi.Jenepouvaispasattendrelamaison.Jedevaisluidiremaintenant.—Je…commençai-je.—Jeneveuxpast’entendreprononcerunseulmot,mecoupa-t-elle.Jeneveuxpast’entendregémir,

nimêmesouffler.J’aimalàlatête.Jesuisexténuée.J’aimalauxpieds.Jerêvedemonlitetd’êtreloind’ici!Ilestpresque7heuresdumatin.Alors…tais-toi!Ets’ilteplaît,Carl,pasdesarcasmes.Pasdecombatsdetestostérone.Onrentre.Onsecouche.Etnousreparleronsdetoutçademain.Est-cequec’estclair?C’étaitclair.Demain.Demain,jeluiparlerais.

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Chapitre20

Laforce

L’eauchaudedeladouchecoulaitsurmapeaudepuisunebonnedemi-heure.J’étaislà,debout,inerte,lesyeuxfermésetlatêterejetéeenarrière.Commesil’eauallaitemportermalassitudeetmeredonnerl’énergienécessairepouraffronterRicketCarl.Le premier dormait toujours – enfin, il dormait lorsque j’avais rejoint sa salle de bains à pas de

velours–alorsqueledeuxième,réveillé,m’avaitsubtilisélamienne.J’avaiseubeaucoupdemalàmelever.J’avaismêmedûmefaireviolencepoursortirdulit.Entrela

vaguemigrainequis’attardaitdansmoncrâne,lafatiguecuisantequin’épargnaitaucundemesmusclesetl’agitationdémesuréedemesneuronesenpleineréflexion,jenesavaisplusoùdonnerdelatête.Souslamaréed’eauchaude,j’espéraispuiserassezdeforcespourlesaffrontertouslesdeux,trouver

desmotspourleurparler,sansm’énerveroumemettreàpleurer.Parceque j’enétais là.Auboutdurouleau,aufonddusiphonde ladouchedeRick,noyéedansun

océande sablemouvant.Bref, j’étais épuisée et la seule et unique chosequime tenait encore envie,c’étaitcettesommedetroiscentmilledollars.—Oceana?EntendreRickm’appelernemefitmêmepasouvrirlesyeux.Jevoulaissimplementprendreunedouche,déprimerunpeu,voirebeaucoup,m’habiller,direàCarl

que je le remerciais,àRickque je ledétestaiset regarder tous lesépisodesdeStarWars jusqu’àmepersuader quemaîtreYoda était le nouveauMessie, dont la bonne parole serait « La force en toi, tusentiras.»—Oceana,est-cequeçava?Ilétaitlà.Toutprès.Est-cequeçaallait?Non.Jeluienvoulaisd’avoirtoutfaitfoirer.Jemedétestaisdelehaïrautantque

del’aimer.Etd’êtreobligéedemesentirredevableenversCarltoutemavie.—Oceana,disquelquechose!Lesmotsnesortaientpas.Pourtant,unsimple«J’aifini.»auraitsuffiàlefairetaire.Maismeslèvres

restaientclosessurmessouvenirsdanscettedouche.Notrepremierbaiser.Lapremièrefoisoùjel’avaissurprisdebout.Monaudacesursonsexe.Jenevoulaispasmedisputeraveclui.Pasici.Pasdanslabuéedeladoucheaucarrelagegris.Sentirsesdoigtsseposersurmonavant-brasmefitréagir.Jecessaiderespireetouvrislesyeux.Debout,nu,devantmoi,levisagecrispéparl’inquiétude,ilmescrutaitintensémentdesesyeuxbleus

mouchetésdenoisette.—Oceana,jesuisdésolé,d’accord?D’accord?Non,jen’étaispasd’accord!

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—Tun’aspasledroitd’êtreenappuisurtesjambes,murmurai-jed’unevoixmonocorde.—Jemefouspasmaldecequej’ailedroitdefaireounon.Macolèrerefîtsurfaceàsesmots,etjesentismesyeuxmebrûler.—C’estçaleproblème,Rick.C’estquetutefousdetoutconstamment.Tunesaispasécouter.Tune

saispasobéir.Tunesaispastecontrôler.Tuneréfléchispas.Tuagiscommeungosse.Tun’évaluespaslaportéedetesactes,nidetesparoles…—Arrête,Oceana.Jecroisailesbrasautourdemapoitrineetenfonçaimesonglesdanslapeaudemesbiceps.—Tuesparti,hoquetai-je.Deuxfois!—Je…jevoulaissimplementréglercertaineschoses.J’auraisvoulumeperdredanssesyeuxbleus.Glisserunemaindanssescheveuxpourlesdiscipliner

sousletorrentliquide.Jen’enfisrien.—Comme quoi ? Tu voulaismontrer àKristen que bientôt tu serais à nouveau frais et dispos ? !

Qu’elleallaitavoirlachancedeterécupérercommesiriennes’étaitpassé?—Non.Biensûrquenon.Ilnes’agissaitpasdeça!Ilserapprocha.Jesentissontorses’animercontremesbras,chaud,douxetpuissant.Saproximitéme

désarma.Jedusrepousserdetoutesmesforcesl’enviedemeperdrecontrelui.—Etcommentvoulais-tuquejelesache?Tunemeparlespas.Tunemedisrien.Sitôtquequelque

chosetecontrarie,tufaisl’autrucheettufuis!Lesmotsétaientsortis,chargésdereproches,mefaisanttremblersousl’eauchaude.Sesyeuxlancèrent

deséclairs.Maisjemefoutaisdesavoirquesavirilitépouvaitenprendreuncoup!—Jemesuismisàdostoutemafamillepourtoi!Était-ceunreproche?Devais-jecomprendrequejedevaisluipardonnersafuite,parcequ’ilpensait

queserebellercontresafamilleétaitlameilleurepreuved’amourqu’ilpuissem’accorder!?—Non.Neme rendspas responsable. Jenesais riende tes rapportsaveceux.Nousnoussommes

embrassés,nousavons fait l’amouret,pourtant, j’enaiplusappris surCarlenundînerquesur toientroissemaines!—Qu’est-cequetuveuxsavoir?interrogea-t-ilens’écartantdemoi.—Çanemarchepascommeça!—Alorsquoi?TupréfèresCarl,c’estça?Ilnecomprenaitpas.Ilnevoyaitpasplusloinquelui-même.Ilneremarquaitpasl’étatdanslequelil

memettait.Ilneserendaitpascomptequej’étaisnuedanscettedoucheaveclui.Etpasavecsonami.—JemefousdeCarletjen’attendsplusriendetoi!Tum’asrepoussée,Rick.Magorgeseserra.Jemerappelaisongestesurlesoldelacuisine,ledégoûtquej’avaispuliredans

sesyeux.—Jet’aiditquej’étaisdésolé.Jesuisdevenudinguequandj’aisuquevousvousétiezembrassés…—Tun’asencoreriencompris,lecoupai-jedésespérée.Tum’asrepousséedèsquetuasapprisque

j’avaisunenfant.Tum’asregardédifféremmentalorsquejen’aijamaiscesséd’êtrelamême.—Etcommentvoulais-tuquejeréagisse!Quejesautedejoie?Quejetedisequeçanechangerait

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rien?Quecetenfantseraitcommelemien?Qu’ilpourraitcomptersurmoi,commes’ilavaitdésormaisdeuxpapas!— Ethan n’a pas de papa, Rick. Il est parti bien avant sa naissance… Je n’attends plus rien des

hommes.Engénéral.Laboucheouverte,ilessayaitd’assimilercequejevenaisdeluidire.—Nousnesommespastouspareils.Je…jeneseraispasparti,finit-ilpardire.Ilétaitlàdevantmoi,aussinuquemoi,aussitrempéquemoi,lespoingsserrés,lamâchoirecrispée,à

attendrequejedisequelquechosequipourraitlerassurer.Maisjenepouvaispas…—Peut-être.Oupeut-êtrepas,dis-je.J’étaisfatiguéedediscuter.Fatiguéederessassercettehistoire.—Je…Nemelaissepas.Sa voix s’érailla sur le dernier mot. Traversée par mille émotions contradictoires, j’essayai de

remettredel’ordredansmatêteetdedominermescraintes.—Jet’ensupplie,Oceana,nemelaissepas.J’étaiscertaineque,s’ill’avaitpu,ilseseraitmisàgenoux.—Jenetelaissepas.Jeresteici.—Maispaspourmoi.—Non.Paspourtoi,mentis-je.Seulementpour…—L’argentqueCarlvatedonner,mecoupa-t-ilavechargne.— Pour l’argent qui va sauver Ethan. C’est ce que je vois. Seulement ça. Un rêve qui va devenir

réalité.—Je…Çam’estd’autantplusdifficiledelaisserCarltedonnercetargentmaintenantquejesaisque

c’estpourtonfils.Ildétournalatête.Moi,jemefoutaisdesavoird’oùprovenaitl’argentquiallaitsauvermonfils.—C’esttoiquilepermets.Tuauraispurefuseretmelaisserpartir,maistun’enasrienfait.Tun’as

rienàluienvier.Jeprissonvisagedansmesmainspourl’obligeràmeregarder.—Ahbon?Lui,ilvarendretonrêveréalisable…Jemehissaisurlapointedespiedsetcollaimonfrontausien.Ilrâlaenfermantlesyeux.Moiaussi.

Commesiçafaisaitdesjoursquejen’avaispasrespiré.Desmoisquejen’avaispasmangé.—Tais-toi,Rick.J’attrapaisamainpourlacollersurmapoitrine,làoùmoncœurpercutaitmacagethoracique.Pour

lui,etseulementpourlui.—Tusensça?demandai-je.(Ilhochalatête.)Ça,c’estl’effetquetumefaisenpermanence.Sonautremainseglissasousmescheveuxtrempés.Plaquamatêtecontrelasienne.Sabouchesaisitla

mienneavecpassion,puissuçamalèvreinférieureavecavidité.Ladéflagrationdudésirétaittellequemoncœurcessadebattreuninstant.Lesentait-ilaucreuxdesamain?Moijesentaislesiensurledosdelamienne,appuyéecontreson

torse.Soncœurbattaitaveclemêmeacharnementetlamêmeintensité.

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Salanguebrûlanteetempresséemepénétra.Jegémisdanssabouche,soussonsoufflesaccadé.J’étaissaouledesonodeuretdesongoût.Jetremblaisaupassagedesabouchesurmamâchoire.Jevivaissoussalanguequimeléchait.Jeneluiavaispasdit,maisjel’aimais.Est-cequej’étaiscapabledeluilaisserunechance?Delui

faireconfiance?Cariln’étaitpasquestionquedemoi!Samainglissalelongdemondos.Sesyeuxs’ouvrirentsurmoi,avecappréhension.—Etpourtant,tuneveuxpasdemoi,déplora-t-il.—Tuesparti.Turecommenceras.—Alors,ilmerestehuitsemainespourteprouverquetuastort,soupira-t-il.Il n’abandonnait pas, il se donnait, et me donnait, du temps. Comme s’il avait compris que mon

entêtementetmarancunenedureraientpas.Sijerestaisuneminutedeplusaveclui,contrelui,j’allailuicéder.S’ilm’embrassaitencoreunefois

aveccettefougue,jepériraisdanssesbras.Jelecontournaietm’empressaiderécupéreruneserviette,m’assurantaupassagequelesfreinsdeson

fauteuilétaientmis.Etjelelaissai,nu,prostrésousl’eauquidéferlaitsursondosimposantetruisselaitàlanaissancedesesfessestenduesavantdecrépitersurlecarrelage.Cefut,deloin,lachoselaplusdifficilequej’eusàfairedetoutemavie.

—C’estquandqueturentres,maman?Jedevaisfairefaceaussiàlaplaintedemonfils,quim’attendaitetselanguissaitdemoi.—Encorebeaucoupdedodos,mon trésor,dis-je finalement, lesyeuxperdusdans lecielorangédu

soleildéclinant.—Jedorsavecmamie,maisellefaitdesbruitsbizarreslanuit.Penseràmamèrequironflaitmefitsourire.Ilnem’envoulaitpasdenepasêtrelà,etjenepouvais

pasluireprocherdechercherduréconfort,lanuit,danslesbrasdemamère.—Jesuiscertainequesitusiffles,elles’arrêtera,luiconseillai-je.J’entendaislesvoixdeRicketdeCarldanslesalon.Laconversationn’avaitriendecordial.—Jevaisessayercesoir,mepromitEthan.— Je te laisse mon trésor, mon patient a besoin de moi, mentis-je, affolée par les jurons que

j’entendais.—Jet’aime,maman.—Moiaussi,montrésor,plusfortquetout.Monpetitgarçon,sesbouclesblondes,sonparfumsucré…—Maman?—Oui,trésor…—Tudevraisluifairedesgâteauxauchocolat,jesuissûrqueçaleguérirait,tonpatient,etpeut-être

quetupourraisrevenirplusvite.Danslesalon,lesdeuxgarçonsseturentenm’apercevant.Carl,assissurlecanapé,croisasesjambes

etmitsesmainsdanssespoches.Rickétaitblancderage.

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Jelesignorai.— Je vais essayer, trésor, promis-je àEthan.Va te couchermaintenant, demain tu vas au zoo avec

mamie,etiltefaudrabeaucoupdeforcepouraffronterleslions.L’entendrerireet rugiravantderaccrochermecombladebonheur.Sonrireavaitchassé toutesmes

peines.JedévisageaitouràtourRicketCarl.—Iln’yaplusdebière,c’estça?memoquai-jeouvertement.—Dis-lui,ordonnaRickàCarl.Il avait renoncé à me payer les trois cent mille dollars. C’était forcément ça. Ne pas céder à la

panique.Nepascéderàlapanique!—Medirequoi?—Jeposeuneconditionauxtroiscentmilledollars,ditCarl.Jeveuxquetumeréservesunesoirée

parsemaine.Tousmesmusclesserelâchèrent.Cen’étaitqueça!—OK,répondis-jeenhaussantlesépaulesavecdésinvolture.Lasurvied’Ethan.C’étaitlaseuleetuniquechosequej’avaisentête.Carlsourit.Jejetaiuncoupd’œilversRick.Lespaupièrescloses,lamâchoirecrispée,ilsecontenait.

Jepriaipourqu’iln’explosepas,alorsqu’unequestionmebrûlait les lèvres :pourquoiCarl faisait-iltoutça?QuelquechosemedisaitqueRicklaluiavaitdéjàposéeetquelaréponseétaitlacausedetoutecetteagitation.—Jepasseteprendredemainà21heures,repritCarlenselevant.—Non.J’avaisdevancéRickd’uneseconde.Surpris,Carlfronçalessourcils.—Ilme sembleque je suisdéjà sortie avec toi cette semaine, repris-jeplus calmement.Et jevais

sûrementmettredeux joursàmeremettredenotreescapade.Choisisunautre jour.Pasdemain.S’il teplait,Carl.Ilsoupiraetlevalesyeuxauciel.—Çamarche.Lundi.(IlsetournaversRick.)Jet’appellesijepassedimanchesoiravecunpackde

bière.Rickluioffritunhochementdetêteenguisederéponse.Laported’entréeclaqua.Jerecommençaià

respirer.—Jenevoispascettehistoired’unbonœil.—Jesais.—Jeneluifaispasconfiance.Jenecomprendspaspourquoiilfaitça.—Moinonplus.Rickfit roulersonfauteuil jusqu’auFrigoetensortitunebriquede jusd’orangeetunebouteillede

bière,lesplaçantavechabiletéentresesjambes.Puisilfittournersonfauteuiletavançajusqu’auplandetravailsurlequelillesdéposa.Ilmitlesfreinsetsehissasursesjambespourprendreunverredansleplacardsurmontantl’évier.Deuxvéritésmesautèrentauxyeux.

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Lapremière,c’étaitquej’avaisdumalàconcevoirqu’ilaitpuoublierdemettrelesfreinslaveille.Carmêmemaintenant,alorsqu’ilétaitencolère,sesgestesétaientmachinauxetappliqués.Laseconde,c’étaitqu’iln’avaitpresqueplusbesoindemoi.Est-cequ’ilmedemandaitderesterpour

monfils,ouparcequ’ils’accrochaitàl’idéequepeut-êtreilyauraitunaprès?—JelelaissefaireseulementpourEthan,lâcha-t-ilentresesdents.Iln’avaitpasdittonfils.Outonenfant.IlavaitditEthan.Ilnes’étaitpasemporté.PourEthan.Jepouvais laisser lapremièrevéritédecôté.L’oublier, le tempsd’unesoirée.J’avaisunesoudaine

enviedetendresse.Jevoulaismeblottircontreluietoublierqu’ilétaitpartideuxfois.Jecontournaisonfauteuiletvinsmeplacerderrièrelui.Surpris,iltressaillitàmoncontact.Jeglissai

mesbrassoussonT-shirtetenlaçai son torsechaudpourposerma têtecontresondos.Sa respirationdevintbruyante.J’entendaisaussilesbattementspuissantsdesoncœur.Jefermailesyeuxetresserraimonétreinte.—Merci,soufflai-je.

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Chapitre21

Gâteauauchocolat

—Waouh!Jeme retins de sourire face à l’émerveillement deRick. J’avais juste défaitmon chignon et laissé

libresmesbouclesblondes,enfiléunerobeblanchedécolletéedevantetderrière,accentuélemaquillagesurmesyeuxetenfilédesescarpins.Assisderrièresonordinateurdansunedeschambresd’ami,ilsereculapourmieuxmecontempler.Aussitôt,mesjouess’empourprèrent.Jesentaissesyeuxsuivrechacunedemescourbesaurythmede

marespiration,dessinermapoitrinesousletissu,frôlermeshanchesets’échappersurmescuissesnues.—Nousnesommespaslundi,dit-ilfinalement,caustique.—Eneffet,noussommesdimanche.(Suspicieux,ilplissalesyeux.)Toiaussi,tudoistechanger.Nous

sortons.—Nousavonsdéjàmangé,Oceana.Tunecomptespasmetraînerenboîte?Jemeretinsderireenl’imaginantsedéhanchersursonfauteuil.—Net’inquiètepas.Tumedoisjusteungâteauauchocolatauxchandelles.—Pourquoitufaisça?Faire quoi ?Vouloir passer unmoment avec lui ? Ilm’avait évitée tout leweek-end.Ou peut-être,

simplement,m’avait-illaisséerespirer.Maislefaitétaitlà.Lelendemainsoir,jedevaissortiravecCarl,jesavaisdoncquelajournéeallaitêtredéplorableetquel’humeurdeRickneseraitpasaubeaufixe.Alorsjevoulaispasserunesoiréeaveclui.Pasdevantlatélévisionseulesurlecanapé,nidansmonlitàfixerleplafond.Justepartagerunmomentaveclui.Parler.Discuter.Rêvasser.Aveclui.—Jeveuxpenseràautrechose,répondis-jefinalement.Ilplissalesyeuxetlâcha:—Menteuse.Démasquée,jegrimaçai.—Jeveuxsimplementêtreavectoicesoir.Ilessayadedissimulerunsourireensegrattantlementon.—Ilestoù,leplat?s’enquit-ilenlevantlessourcilsavecavidité.—Leplat?—Jet’avaisditquejevoulaislécherleplatquandtuferaiscefameuxgâteau!—JesupposequesituarrivesàmettreautrechosequeceshorthawaïenetceT-shirtpendantqueje

cherchedesbougies,tupourraslerécupérersurleplandetravaildelacuisine,essayai-je.Ilsortitentrombedederrièresonbureau.J’avaisgagné!

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Toutenallumant lesbougiesdansdepetitsverressur la tableen teckde la terrasse, jepensaisauxdeux jours qui venaient de s’écouler. J’avais l’impressiond’être en colocation avecRick. Il se levaitavantmoilematin,seul,sansaucuneaide.Partaitprendresadoucheetmeretrouvaisdanslacuisinepourdéjeuner.Ilnemeproposaitplusdelerejoindredanslapiscine,faisaitsesexercicesderééducationdelui-même, puis partait s’enfermer dans son bureau improvisé. Il n’était pas bougon, ni renfrogné, pasmêmeailleurs:ilmelaissaitjustedel’espace.Saufque,sanslui,j’étouffais.Sanslui,l’airdevenaitirrespirable!J’avaisl’impressiond’errersans

butdanscetteimmensevilla,n’attendantqu’unechose:qu’ilmerejoigneaumomentdesrepas,pourmenourrirdesaprésence.Ces repas se passaient certes dans le silence,mais ils n’étaient pas hostiles. Et, àmidi, ilm’avait

attrapéeaupassagealorsquejem’apprêtaisàdébarrasserlatable;ilm’avaitforcéeàm’asseoirsurlui(non,enréalité,jem’étaislaisséefaire,tellementenmanquedelui!),etm’avaitenferméedanssesbras,pourhumermoncou.«Lavanillememanque»,avait-ildit.Jem’étais liquéfiée. Jen’avaisplus étéune fleurouunegousse,maisunehuile essentielle. J’avais

glissésoussesmots.—Cropcropbon,ditRick,lacuillèreenboisdanslabouche,enpénétrantsurlaterrasse.Jeluisouristouteninspectantsatenue.Unjeanetunechemisenoire.—Jevaischercherlegâteau,l’informai-je,satisfaite.Jeprisdeuxassiettes,deuxcuillèresetnotredessertbiendissimulédansunplacard,avantd’éteindre

lalumièredelacuisineetdelerejoindre.Ilavaitlaisséleplatetlacuillèreenboissurlatable,àcôtédesbougies.Jetournailatêteentoussens

àsarecherche.Personne.—Jesuislà,entendis-jeauloindanslejardin.Jeplissailesyeuxetl’aperçusfinalementsurlachaiselonguedel’autrecôtédelapiscine.Jeservis

unepartdegâteaudanschacunedesassiettesetlerejoignis.—Çan’estplusungâteauauchocolatauxchandelles,soupirai-je.—Désolé.Maisc’estlaseulepartiedujardinoùnouspouvonsobserverça,medit-ilenmemontrant

lecieldudoigt.Ici,lecielétaitdégagé,piquetéd’étoiles.—Çafaisaitlongtemps,avoua-t-il,leregardperdudanslesconstellations.Jeledevinaistourmentéparsonpassé.Jevoulaistellementqu’ilmeparle.Ensavoirplussurlui.Je

connaissaisseshabitudes,sesbizarreries,sesmaladressesmaisriendesonvécu,desafamille.Etilenétaitdemêmepourmoi.—ÀNewYork,tunepourraispasfaireça.Lavilleesttellementéclairéequelecielressembleàune

gigantesquetachenoire,dis-jebêtement.—Viensici,ordonna-t-ild’unevoixrauqueentapotantleboisdelachaiselongueentresesjambes.J’avaistoujourslechoixdem’asseoirdansl’autretransat.Maisest-cequec’étaitcequejevoulais?—Dequoias-tupeur,Oceana?—Ethanm’aditquesijetefaisaismangerassezdegâteauauchocolat,tuguériraisplusrapidement,

révélai-jecommes’ils’agissaitd’unesimplebanalité.

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—S’ildisaitvrai,tupourraisrentrerplustôt.J’eus un pincement au cœur en pensant à mon départ. Être à des centaines de kilomètres de lui…

Allais-jesurvivre?—Tun’asdéjàplusvraimentbesoindemoi.Magorgeseserra.—Peut-être,maistoituasbesoindecetargent.Jebaissailesyeux.C’étaitdoncça.Ilmepermettaitderesteraveclui.Oui,jevoulaiscetargent.Non,

jen’avaispasbesoinquedeça.—Continueàmeparlerdetoi,mepressaRick,quiavaitdûpercevoirmonmalaise.Jeposaiunedesdeuxassiettessursonfauteuiletenjambaiunedesescuissespourmeplaceràgenoux

entresesjambes.Ilpritappuisursesbraspourserapprocherdemoi.Monpoulsmerappelaàl’ordreenaccélérant.—C’estsondessertpréféré.Legâteauauchocolat.Ouvrelabouche!(Dansunsourire,ils’exécuta

alors que je plongeais une cuillère dans l’assiette.) Ethan aime tout ce qui est sucré, comme tous lesenfants, je suppose… (Lentement, je fis glisser la cuillère dans sa bouche. Ses lèvres se refermèrentdessus.)J’aimêmeétéobligédemettreuncadenasauplacardàfriandises.—Encore,souffla-t-ilaprèsavoiravalé.Jem’exécutaitoutenreprenantmonrécit.—Jeneparlejamaisd’Ethan.Jecroismêmequec’estlapremièrefoisquejelefais.Jen’aipashonte

delui.Jeneregretteriendemavie.C’estjustequejenelaissepersonnem’approcherd’assezprèspouravoir l’occasiond’enparler.(Nouvellebouchée.)Maméfianceenversleshommesn’estpasseulementdueaupèred’Ethan.Déjàaveclui,jenemelivraispas.Etjesupposequec’estaussipourcetteraisonquenousétionsensemble.Jeneposaispasdequestions.Jenemerebellaispas.Nousavionschacunnosactivitésetnedérangionsjamaisl’autresansexcusevalable.Cetterelationluiconvenait.Àmoiaussi.Dumoins…—Jusqu’àEthan.Jehochailatête.—Ben – le géniteur d’Ethan, parce que dire « père » seraitmanquer de respect àmon fils –, est

maintenant chirurgienplastique. Il apréféré sa carrière à savieprivée. Jene lui enveuxpas.Ou,dumoins,jeneluienveuxplus.—Menteuse,dit-il,labouchepleine.Jeluisouris.— Tu as raison. Je le hais parce qu’aujourd’hui il gagne tellement d’argent qu’il pourrait payer

l’opérationd’Ethanenquelquesmois.Je lehaisparcequ’ilsaitcequ’aEthanetqu’il feintdeneriensavoir.Etjemedétestetoutautantd’avoirpupenseruneseulesecondeavoireudessentimentspourcethomme.Ilavalarapidementunautremorceaudegâteau.—Siunjourjelecroise,jeteprometsdeledéfigureraupointqu’ildevrapayerundesesconfrères

pourluireconstituerlevisage.Jeretinsungloussement.—DequoisouffreEthan?

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Ilbuvaitmesparolesaussivitequ’ilmangeaitsondessert.—Souffrir?Ilsouffred’avoirbientôtcinqansetdenepaspouvoircourircommelesautresenfantsde

sonâge.Ilsouffredenepaspouvoirnagersanss’essouffler.Souffrirn’estpaslebonmot.Ethanaunemalformationcardiaque.Unevalvulopathiecongénitale.Engros,unedesvalvesdesoncœurnes’ouvrepascomplètementetlimitelaquantitédesangpompéverslerestedesoncorps.Ilpourraitvivredecettefaçon-là,avecuntraitementetunehygiènedevieirréprochable,pendantdesannées.Maisquelquefois,ils’autoriseàallerplusloinqu’ilnedevrait,etlà,lesmédicamentsnesuffisentplus.Ilfautl’hospitaliser.Mais ça n’est jamais assez grave pour qu’il soit opéré et pris en charge par l’hôpital. Le soir où tum’as… (Embarrassée par le souvenir de sa bouche entre mes jambes, je détournai la tête.) Bref, ladernièrefois,jen’étaispaslà,j’étaisici,avectoi.Ilavaitbesoindemoi,etjen’étaispaslà.Et pas seulement. Il y avait tant à dire sur sa pathologie, qu’elle était le fruit d’une défaillance

génétique,quejepouvaisêtrel’uniquecoupabledesamaladieetquelemotresponsabilitéavaitungoûtamerdansmabouche.Ilnes’agissaitpasseulementd’éleverEthanetdefaireattentionàlui,maisaussidevivredans laculpabilité. Jeprisunegrande inspirationpour repousser lavagued’angoissequimesubmergeait,sousleregardintimidantdeRick.—Jesuisdésolé,murmura-t-il.Savoixsevoulaitdouceetrassurante.—Nelesoispas.J’airegrettédenepasavoirétéaveclui,maispasd’avoirétédanstesbrascesoir-

là.Ethanavaitmamèrepourl’accompagneretçan’aduréqu’uneseulenuit.(Jesoupirai.)Monpèreestpartidelamêmefaçonqueceluid’Ethan.Jenesaispascequ’ilestdevenuetjenepourraismêmepaslereconnaîtredanslaruesijedevaislecroiser.Mamèreaeuquelquesaventuresmaisn’ajamaislaisséunseulhommeentrerréellementdanssavie.Parfois,jeculpabiliseenmedisantquec’estparcequej’étaislà,etd’autresfoisjemedisquec’estparcequeleshommessonttous…Jemetussubitement.—Nousnesommespastouspareils,Oceana.Jevoulaistellementlecroire.Nonseulementl’espérer,maislecroire.—Ettoi?Commentsefait-ilquetusoissidifférentdetafamille?Sesyeuxglissèrentsurmabouchepourse fixersur l’assietteque je tenais.Vide. Il fitunemouede

déceptionetjetauncoupd’œiltentéàmapart.—Après…Résigné,ilpritunairdemartyre.Jegloussai.—Monpèreestunputaindepsychorigide,maniaqueetsansscrupules.Ilfautquetucomprennesque

l’hôteldeMiami,c’estuneaffairedefamille:ilsetransmetdegénérationengénération.Monpères’estvite retrouvé propulsé à la tête de cet empire. Il n’avait que vingt-deux ans lorsque ses parents sontdécédés. Je crois que c’est aussi cette année-là qu’il a rencontrémamère. Je ne saurais te dire s’ilss’aimentencoreous’ilssesontaimésaudébut,carcen’estpaslegenredesujetsquenousabordonsaucoursdesrepasfamiliaux.Jenecroismêmepaslesavoirvusuneseulefoiss’embrasseroufairepreuved’affectionl’unenversl’autre.Monfrèreestarrivétrèsviteet,pourleplusgrandbonheurdemonpère,c’étaitungarçon!Dequoipérenniserlatradition.Georgeluisuccéderait.Moi,j’aiétéledérapage,celuiquiestarrivéparhasard.Heureusementpourmoi,j’étaisaussiungarçon!—Pourmoiaussi,soufflai-je.Ilmesouritetsemblasedétendre.—Pendantdixans,Georgeaétél’enfantunique,l’enfantroi;avoirunfrèren’apasétésonplusbeau

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cadeau.Ilatoujoursétépersuadéquej’allaistoutluivoler,inquietquejesoismeilleurquelui,jaloux,anxieux quemon père puisseme préférer. Il n’a jamais été gentil ni affectueux. Il n’a jamais étémonconfident.Ilfaisaitmêmetoutpourquejesoisdétesté,mefaisantaccuseràtortdechosesquejen’avaispasfaites.Monpèren’étaitpasaveugleet,pourfairecessercetteguerrepuérile,ilaeul’idéed’ouvrirunnouvelhôtel,plusgrand,plusluxueux,maisquineconcurrenceraitpasceluideMiami.—NewYork.Ilhochalatête.—Exact.CrééspécialementpourGeorgeThomas,déclama-t-ilcommes’ilprésidaitunecérémonie.

Ils sont partis peu après l’obtention de son diplômede commerce.L’hôtel venait d’être terminé, il nerestaitplusqu’àfairel’ouverture.Jedevaisavoirtoutauplusquatorzeans,etleurdépartasignélejourdema libération.Pour legrandmalheurdemonpère. Il s’attendait à ceque je fasse toutpour être lemeilleur,poursurpassermonfrère.Çan’apasétélecas.J’aitoujourseudesfacilitésàl’école,doncjesupposequemesrésultatsmasquaientmesactivités,d’autantquemamèrepassaittoutsontempsàl’hôtel.Entrelescours,jefonçaisprendremaplanchedesurfetj’allaisflirteraveclesvagues.(Savoixenjouéemefitfrissonner,merappelantsespremierspasdanslapiscine.)C’étaitledébutdetousmesrêves,etc’estaussiàcettepériodequej’aiconnuCarl.Il…iln’étaitpascommeaujourd’hui.JemeretinsdefaireuneremarquesurlepèredeCarl.—Pourquoias-tuabandonnétesrêves?préférai-jedemander.Attristé,ilfronçalessourcils.Sujetsensible…—Jen’aipasenviedeparlerdeKristen.Horsdequestionqu’ilsedéfausse:jeprismonassiette,etengloutisunebouchéedemapart.Sesyeux

fixèrentlacuillère,dansmabouche,avecavidité.—Oceana,gronda-t-il.—Donc,tuasrenoncéàtesrêvespourelle?—Non,paspourelle.(Ilsoupira.)Jemesuisremisdansledroitchemin.—À t’entendre, faire du surf est illégal !Ça n’est pas comme si tu fumais un joint au bord d’une

plage!—Non,c’estbienmeilleurqu’unjoint!Ilsubtilisaunmorceaudegâteaudansmonassiette.—KristennevoulaitpasquejemènelamêmeviequeCarl,reprit-il.—Tun’espascommelui!—J’aieumapériode.Descoupsd’unsoir,précisa-t-il.D’ailleursc’estgrâceà l’und’eux,quiest

devenuplusparlasuite,quej’aiprislameilleuredécisiondemavie.Ouvrirunclubdesportaquatique.Puis j’ai rencontré Kristen. Je continuais à gérer l’hôtel avec mon père, j’enchaînais les heures, jem’épuisais, tout lemondey trouvait son compte.SaufKristen. Je rentrais tard le soir et partais tôt lematin.Ellem’ademandédefaireunchoix.Unchoixlogiqueetraisonné.Çaaétélapiredécisiondemavie.J’aivendumonclub.J’airangémaplancheetmismonjetaugarage.Jen’yavaisplustouchéjusqu’àmonaccident.Jesaisque,cejour-là,jemesuisdisputéavecmonpèreetquej’aieubesoindemesentirlibreunenouvellefois.J’airécupérémonjetet…Illaissasaphraseensuspens.—Quoi?—Tuaslumondossiermédical?(Jehochailatête.)Jenemerappelaispluspourquoielleétaitlà.

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Kristen.Jecroisqu’ellem’arejoint.Jenesaispascequ’ellem’adit,nicequejeluiairépondu,maiselles’estmiseencolèreetadémarrétropvitesonjet.Jecroisquej’aivoulularattraper…l’accidentaeulieu.Jusqu’àmaintenant,jevoulaismesouvenir.Aujourd’hui,jen’ensuisplustrèssûr.Jerevoissonvisagedéforméparl’angoisse,samainsurleguidondujet.Etc’esttout.Commes’ilvivaitlascèneunedeuxièmefoissonvisagesecrispa.Jecomprisalors.Iln’étaitpasallé

lavoirpourluirevenir,maispouravoirdesréponses.—Je…Jesuisdésolée,balbutiai-je.—Dequoi?—J’aiembrasséCarlparcequej’espéraisquetuauraisaussimalquemoiquandj’aisuquetuétais

retournélavoir.Rickfermalesyeuxquelquessecondes.—Est-cequetuasaimécebaiser?demanda-t-ilenfin.—Pasautantquelestiens.—Maistuasaimé.—Rick, le sermonnai-je. Jene ferai jamaisdegâteauauchocolatpourCarl. Jeneprendraipasde

doucheaveclui.Jenedormiraipasdanssonlitetjenevoudraijamaisdesabouchecommejedésirelatienne.Voilà!C’étaitdit!Ilm’enlaçaetmecollacontrelui.L’oreillecontresontorse,j’écoutaisletintamarredesoncœur.Je

humaissonparfum,àmerendresaouledelui.—Comment tu fais? reprit-il.Pour relativiser,pourprendre leschosescommeellesviennent,pour

avoirautantdeforce.—Jefaisdeschoix,Rick.Onfaittousdeschoix.Ilsnesontpastoujoursbons,maiscesontlesmiens.

Etpuis…pourEthan,jen’aipasledroitdemanquerdeforce.—Iln’estpasici.Ilcaressamonépauleduboutdesesdoigtschauds.Soncontactfitnaîtresurmapeauunetraînéede

frissons.Non.Ethann’étaitpaslà.Ethanétaitloindemoi.Maplusbelleréussite.Lesouriredemavie.Lachairdemachair.N’étaitpaslà.Jen’étaispasaveclui.—Maistoi,oui,haletai-je.Son autremain remonta le long dema cuisse. Je sentis l’air frais de la nuit glisser surmes fesses

dénudées.Moncœurs’emballa.—Et?—Etsijeflanche,j’aipeurquetoutdérape.Encore.Commelasemainedernièreetlaprécédente.—Etsij’aienviequetuflanches?Rienqu’unesoirée.Jeveuxjustepouvoirmedireque,moiaussi,

jet’aiaidée.Jeneluttaisplus.Jelaissaiss’envolermespensées.Jem’apaisaisaurythmedesesrespirations.Sa main quitta la naissance de mes fesses pour soulever mon menton. Son regard intense me fit

trembler.Ilmedétaillalentement,sansriendire.Glissaunemèchedemescheveuxderrièremonoreille.Dessinalaformedemaboucheduboutdesonpouce.Mesourit.—Lavanillememanquait…

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Chapitre22

Rouge…

Lundi.LejouroùjedevaissortiravecCarl.J’étaisnerveuse,Rickaussi.Lanuitavaitjusteétéparfaite–danssesbras,àlabelleétoile–mais,aumatin,j’avaisretrouvémon

colocatairedescavernes ! Il s’était enfermédans sonbureau.L’après-midi, en revancheavait étéplussurprenant,ilavaiteuunecourseàfaire,seul,etilm’avaitproposédemedéposeraucentrecommercialaucasoùjevoudraisacheterquelquesvêtementspourlesoir.Iln’avaitpastort:àpartdeuxrobesetunecombinaison,mamaigregarde-robeserésumaitàdesshorts,desT-shirts,destuniquesetdesleggings.Pastrèsglamour…Sontaxim’avaitdéposée,et,àlafindel’après-midi,jem’étaisdélestéedeplusde200dollarsetje

disposaisdecinqtenuessupplémentaires.QuandCarlavaitdébarquéavecuneboîtedepizzas,jem’étaiscruesauvée.Ilavaitabandonnécette

idéesaugrenuedesortiravecmoichaquesemaine.Nousallionsmangerunmorceautouslestroissurlaterrasse,etchacunretrouveraitsonlit(etsamaison),plustarddanslasoirée.Carl raconta ses sorties, ses parties de jambes en l’air qui avaient duré toute la nuit, ses réveils

difficilesauprèsde jeunesfillesqu’ilsurnommaitsesaphroditesetdont ilneconnaissaitmêmepas leprénom.TandisqueRickprenaitunmalinplaisiràlequestionneretàlecharrier,j’hésitaisencoreentreledégoûtetlajalousie.Jem’étaispeut-êtrefaiteàl’idéequ’ilnem’offraitpastroiscentmilledollarsparsimplegénérosité

ouparamitiépourRick!Finalement,aprèsavoirmangédeuxpartsdepizza,observélanuitgrignoter le jardinetécoutésans

entrainlesconversationsmachistesdesdeuxhommes,jebâillai,lementonposédansmesmains,coudesappuyéssurlatable.—Oceanas’endort,signalaRick,railleur.—Tunemelaferaspasdeuxfois,Oceana,protestaCarl.—Jepensaisquetuavaisabandonnél’idéedemesortir,répondis-jeenhaussantlesépaules.Ilsepenchalégèrementversmoietmurmura:—Oceana,jen’abandonnejamais.Lesmots glissèrent sur ses lèvres d’unemanière si sensuelle qu’un soupir involontairem’échappa.

J’énuméraimentalementleschosesàfaireenpriorité:Respirer.Sourire.Selever.Etm’habiller.Jeprisdoncladirectiondelasalledebains.J’auraispuêtreenchantéedecettesoirée–lapremière

n’avait pas été si catastrophique –,mais c’était sans compter sur l’humeur jalouse deRick qui, je lesavaisd’avance,meferaitpayerlamoindrerougeurdemesjouespoursonamiCarl.Aprèsunedoucherapide,jemeplantaidevantmonarmoire.Quedevais-jeporter?Ilfallaitd’abord

quejesacheoùnousallions.Emmitoufléedansmonpeignoirdebain,jeprisladirectiondelaterrasse.

Page 129: Couverture : © Alis ISBN : 978-2-01-397649-7ekladata.com/3PQh--1oZoTm77YbIVehTWJaFQM/Brise_e_-_Sophie_Sa… · Chapitre 1 Répudié La chaleur était presque insoutenable. Non. En

Unmurmuremeparvint.Rick.Jemeglissaiderrièrelepilierdelacuisine,tendantl’oreille.—Non.C’estterminé,Carl,chuchotaitRick.J’aibienréfléchicesderniersjours.Jenepourraispas

fairesemblant.Ilyacetruc.Pourquoiparleraussidoucement?Saufs’ilavaitdeschosesàcacher…Àmecacher.Parcequ’ilétaitquestiondemoi…—Tuenesbiencertain?demandaCarld’untoncompatissant.Mesjambessupportaientàpeinelepoidsdemoncorps,ellesnetenaientquepourmelaisserentendre

laréponse.Uneréponserassurante,jel’espérais.—Jeneressensplusquedelapitiépourelle.Jeportaiunemainàmabouchepourretenirlecriquimontaitdemonventre.—Delapitié?s’étonnaCarl.Mesoreillesbourdonnaient,moncorpsme suppliaitd’attendreunenouvelle réponse.De luidonner

uneautrechance.—Oui.Tunepeuxpascomprendre.Tunesaispastoutd’elle,lâchaRickavecunepointed’amertume.Jevacillai,lesoufflecoupé.—Est-cequ’ellesaittoutça?s’enquitCarl.—Non.Jeleluiaifaitcomprendre,répondit-ilsanséquivoque.J’enavaisassezentendu.Toutétaitclairdansmatête.Commeill’avaitsibiendit,ilmel’avaitfait

comprendre.Quatrejourssansunbaiser.Quatrejoursàjouerl’hommedescavernes.Quatrejours…Enréalité,ilnem’avaitpaslaisséerespirer,ilavaitprissesdistances.Maisquediredecettenuitdanssesbras,desonnezenfouidansmescheveux?Desesconfessionssur

safamille?DesonintérêtpourEthan?Pitié,avait-ildit.Était-ceseulementdel’affection?J’étouffais.Jesuffoquais.Etpourtant, jen’avaispasplusenviedesortiravecCarlquederester ici

avecRick.J’avaissimplementenviedem’enfuir.D’enfilermonsurvêtement,dechaussermesbasketsetdecourirpendantdesheures,pourmefaireoublierquej’avaissimaldanslapoitrine–jusqu’àmefairevomircettepizzacoincéedansmagorge.Unenouvellefois,ilm’avaitdéçue.Aumomentoùjecommençaisàm’habitueràl’idéequejepourrais

luifaireconfiance,quejepourraispeut-êtremereposersurluilorsquelafaiblessemeprendrait,qu’ilallait fairepartiedemavie et que je le laisserais entrerdans celled’Ethan, il détruisait tout endeuxphrases.J’étaissecouéeetécœuréeparcequ’ilavaitpudire.Commesiunepartiedemoim’avaitétéarrachée

brutalement.Mais je ne devais pas flancher.Même si mon cœur avait littéralement explosé dansmapoitrine. Je laissai sur le sol les bons souvenirs, ses doux baisers, ses caresses, mes papillons, sessouriresetsesregardsintenses,pourmeconcentrersurceuxquimedonneraientlecouragedel’affronter,sescoupsdefolies,safuite,sarépulsion,sondégoût.Revenue dansma chambre, j’attrapai la première tenue quime tomba sous lamain dans l’armoire,

l’enfilai,chaussaimesescarpinsetretournaicamouflermondésarroidanslasalledebainsavecunpeudemaquillagesupplémentaire.Nepasflancher.Jedéfismonchignonetappliquaiunbaumeàlèvresaussirougequemarobe.Cetterobe,jenel’avais

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pasachetéepourCarl,maispourlui.Uneroberougecourte,cintréeàlataille,décolletéedansledos.S’iléprouvaitdelapitiéenmeregardant,jelaporteraispourquelqu’und’autre.J’avaisconsciencede l’imageque j’allais leuroffrircesoir.Ce rouge, symbolede lapassionmais

aussidespulsionssexuellesetdupouvoirdeséduction,allaitréveillerl’intérêtdeCarl.EtRick?Jem’enfoutais.Jerefoulaiunedernièrelarme,m’éclaircislavoix,redressaimesépaulesetfranchis

leseuildemachambred’unpasdécidé.Jeneflancheraispas.Pascesoir.—J’espèrequejen’aipasététroplongue,lançai-jeenpénétrantsurlaterrasse.Leurs deux têtes pivotèrent. Dans un premier temps, la même expression, au spectacle que je leur

offrais,enflammaleurregard.PuisCarlsouritavecsatisfaction;Rick,lui,devintlivide.—Bon,jecroisquenousallonspartir,annonçaCarlenserelevant.LesyeuxdeRickn’étaientplusquedeuxbillesnoires,chargéesdefureur.C’estcequejevoulais.—Onyva?medemandaCarl.Je l’ignorai, le tempsd’offrir un sourireméprisant àRick.Puis jeme retournaiversCarl. Il neme

faisaitpaspeur.Jen’avaispasnonplusdepitié.Et,leplusimportantpourmoi…jeneflanchaispas.—Tuesmagnifique,mecomplimentamoncavalierdanslecouloir.Jel’ignorai,àl’affûtdumoindrebruit.Rickallait-iltenterdenousrattraper?Rien.Silence.Seulsmes

talonsclaquaientsurlecarrelage.J’avançai,ledosbiendroit,laissantdecôtémapeineetmesblessures.J’auraisletemps,plustard,pourypenser.Sijem’autorisaisàsubirleshuitsemainesquimerestaientaveclui.Dans la voiture, je restai les yeux fixés sur la route. Il n’avaitmêmepas essayé de comprendre. Il

n’avaitpascherchéàmerattraper.Ils’étaitcontentédemelaisserpartir.J’avaiscruenlui.Naïvement.—Jeneveuxpasteforceràsortir,Oceana,meditCarl.Sansleregarder,jedemandai:—Onvaoù?—Euh…Jepensaist’emmenerauclub.Commelasemainedernière.—Trèsbien,répondis-jeavecaplomb.—Tuessûrequeçava?Ilparaissaitanxieux.—Pourquoifais-tutoutça?l’interrogeai-jenetournantlatêteverslui.Mal à l’aise, il bougea sesmains sur levolant et se redressa.Quelquechosemedisaitque j’allais

devoirfairefaceàunenouvellecomplication.Maisriennepouvaitêtrepirequecequej’avaisentendudelabouchedeRick,toutàl’heure.—Quandtuauraslaréponse,dit-il, tupourraspeut-êtremeledire,parcequelaseulechosequeje

sais,c’estquej’aiaimépasserdutempsavectoil’autresoir.

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Chapitre23

EffetKissCool

—UnCosmopolitanetunjusd’oran…—DeuxCosmopolitan.Carlmedévisagea,surpris,tandisqueleserveurnotaitlacommande.—Situmedemandesencoreuneseulefoissiçava,jeteprometsderentreravecquelqu’und’autrece

soir,ledéfiai-je.—Tuneleferaispas,semoqua-t-ilavecunbrind’inquiétude.Ildéfitleboutonduhautdesachemiseensoienoire.—Tuveuxtenter?Sesyeuxagrippèrentmeslèvresavecférocité.Troplongtemps.Jevenaisdedécuplersonenviedeme

mettredanssonlit.Cen’étaitqu’unjeupourmoi.Jenedeviendraisjamaisuneaphrodite.Jamais.Illesavait,non?Sitôtnosboissonsservies,jesaisislepiedfinduverre,ôtailarondelledecitronvertetversaiune

gorgéeduliquiderougedansmabouche.Jen’avaisaucuneidéedugoûtdececocktail.Lesyeuxfermés,jereconnuslavodkaetlecitron;un

autreparfum,plusâpre,persistaitsurmalangue.—Vas-ydoucement,meconseillaCarl.Pourtouteréponse,jeréitérail’opération.Cettefois,jetoussai,etCarlretintunrire.—Aupire,tudevrasmeporterpourmeramener…—Aumieux,tuveuxdire?mefit-iléchod’unevoixrauque.Jemeretournaietm’accoudaiaubarpourrefoulerl’excitationquimontaitenmoi,etsurtoutignorer

sesyeuxquim’étudiaientavecardeur.En quelques gorgées, j’en avais terminé avec le Cosmopolitan. J’avais l’impression d’être sur une

autre planète. Non. En réalité, j’étais consciente d’être toujours sur Terre, mais rien n’avait plusd’importance,commesitoutcequejevoyaisetressentaissemblaitsimpleetamusant.J’étaissaoule.Euphorique.—Tuveuxunjusd’orangemaintenant?JemeretournaivivementversCarl,luiprislamainetletiraiverslapiste.Même ça, c’était bizarre. J’avais envie de danser alors que je détestais ça ! Je laissai de côté la

question qui mûrissait dans ma tête, à savoir pourquoi je n’aimais pas ça, et me concentrai sur larecherched’unendroitoùlesmainsbaladeusesnepourraientm’atteindre.J’étaispeut-êtresaoule,maispasinconscienteaupointdelaissern’importequis’approcherdemoi.Je trouvai refuge près d’un pilier bordé de néons de différentes couleurs qui s’allumaient et

s’éteignaientaurythmedelamusique.JelâchailamaindeCarletmeretournaiverslui.Ilnebougeait

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pas.Nedansaitpas.Secontentaitdemeregardermedéhancher,lesyeuxbrillants.Habituellement, j’aurai rougisous l’intensitédeson regard.Mais là,non.Aucontraire. J’aimaisça.

J’aimais savoir qu’il me suffirait de l’approcher de quelques centimètres pour l’enflammer. J’étaispresque…heureuse.Qu’est-cequejefaisais?Est-cequejem’amusais,ouest-cequejedraguaisvolontairementCarlpour

mefairedumal,etpeut-êtreaussiàRick?Toutlemondedansait.Hormisdeuxbrunesquinousépiaienttoutendiscutant,lesbrascroisés.—Oceana,ditCarl.Nefaispasça.Je…Rickestmon…Là,jem’emportai:— Je veux simplement danser pour penser à autre chose. Soit tu fais de même, soit tu retournes

t’asseoiraubar;jesuiscertainequ’unedecesfillesseraravied’êtretonaphroditecesoir.Jeluimontrailesdeuxbrunes.—Merde!cria-t-ilenabaissantmonbrasd’uncoupsec.—Quoi?Ellesontdéjàfaitpartiedetescoupsd’unsoir?Sesyeuxmefusillèrent.—Pirequeça.Ellem’avu,c’estsûr.Putain.Ilnemanquaitplusqueça.Ilpaniquait.LegrandCarlpaniquait!Jejetaiunrapidecoupd’œilderrièrelui.—Jecroisquel’uned’elles’approche,l’avertis-je.Jecrusvoirperlerunegouttedesueursursonfrontàlalumièredesnéons.—Danseavecmoi,suggérai-je.Ellerebrousserapeut-êtrechemin.Ilnebougeapas.Jeneluilaissaipaslechoix.J’ignorailefrissonquil’avaitgagnéetmerapprochaideluijusqu’àle

frôler.Mesdoigtsglissèrentdanssescheveuxbruns.—Danse,luisoufflai-je.Samainseposaaucreuxdemesreins.Ilsemit,enfin,àremueraumêmerythmequemoi.Jenouaimes

mainsautourdesoncou.—J’enveuxplus,murmura-t-ildansmonoreille.Sonaveuserépercutajusqu’àmaculotte.Seslèvresfrôlèrentmajoueavecdélicatesse.Jecontinuaià

danserdanssesbras,accrochéeàsoncou,telleunemarionnette.Samarionnette.—Jet’enprie,Oceana,retiens-moi.J’étais incapablede lui répondre. J’avais chaudet, pourtant, je frémissais au rapprochementdenos

deuxcorps.Soncorpssitendu,dontj’auraispudessinerchaquemusclesoussachemisesoyeuse.—Situnedisrien,c’estquetunedispasnon.Sabouchetrouvamoncou.Jegémissouslechocdesalanguequimegoûtaitetquiremontaitjusqu’au

lobedemonoreille,qu’ilsuçaavecferveur.Lemurdupilieraccueillitmondosalorsquesonautremainglissaitsurmacuisse.Jesentissonmembredurcicontremonventre.J’étaiseneffervescence.Salangueremonta avec ferveur jusqu’àma bouche pour y déposer un baiser fugace. Ilme regarda, guettantmaréactionpuis,pénétrantmaboucheavecagilité,trouvamalangue.Ils’enflammait–autantquemoi.—Salut,Carl!nouscoupaunevoixfémininedontletonétaittoutsaufamical.J’ouvrislesyeux.Moncœurbattaitàtoutrompre.

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—Tunepeuxpast’enempêcher,hein?réponditCarlavecfroideurensedétachantdemoi.—Jemefousdetesplanscul,Carl.—Oceanan’estpasunplancul,répliqua-t-ilavecférocité.Labruneéclataderire.—Oceana?Tiensdonc?s’étonna-t-elle.L’infirmièredeRick?Grande,mince,lesyeuxclairs,leslèvresfines,ellemesouritavecdédain.—Jenevoispasenquoic’esttonproblème,Kristen,rageaCarl.Kristen.Inspirer.Devant.Expirer.Moi.Inspirer.—Enchantéedevousconnaître,medit-elleenmetendantlamain.Kristen,lafiancéedeRick.—Ex-fiancée,corrigeafroidementCarlenrepoussantsamain.Kristen.Fiancée.Monestomacsetordit.Jemeprécipitaiverslebar.C’étaittrop!Commentavais-jepumelaisserembarquerdanstoutça?!—UnCosmopolitan!commandai-jeaubarman.Jevoulaisretrouvercettesensationd’euphoriequim’avaitinondéeplustôtdanslasoirée.Jevoulais

unenouvellefoisflottersurtoutescesconneries!CommeavantquejenedanseavecCarl.Avantqu’ilnem’embrasse.AvantqueKristennedébarque.Sitôtservie,jejetailarondellesurlecomptoiretbusd’untraitlecocktail.Labrûluredansmagorge

merappelaquej’existais.Douloureuse,maisvivifiante.—Jesuisdésolé,ditCarl,quim’avaitsuivie.Ilétaitdésolé!—Aucunproblème,mentis-jefroidementsans leregarder. (Je levaiunbrasen l’airà l’intentiondu

serveur.)Unautre,s’ilvousplaît.—Arrête,Oceana.—C’estledernier,ensuiteons’enva.Je m’emparai du verre et bus une nouvelle fois, cul sec. Cette fois, ma gorge anesthésiée par le

précédent chauffa sans que la sensation soit désagréable. Les yeux fermés, j’accueillis une vague deplénitudequisubmergeatoutmoncorps.AucontactdesdoigtsdeCarlsurmesreins,j’ouvrislesyeuxetlefoudroyaiduregard.—Tupenchaisdangereusementenarrière,m’expliqua-t-il.Jemeressaisisetluiemboîtailepas.Jevoulaisdel’airfrais.Exacerbercettesensationdeliberté.Je

meseraismêmelaisséealleràunbaindeminuitdansl’océansij’avaisétéseule.Pasunseulbrind’airfraisàl’extérieur.Àcroirequelesnuits,àMiami,ressemblaientauxjournées.

Chaudesethumides.—J’auraidûtedirequielleétait,jesuisdésolé,ditCarl.Iln’abandonnaitdoncjamais!Jemeretournaivivementverslui.—Non,tun’espasdésolé!Tuasprofitédelasituation!

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Jepouvaisencoresentirsalanguesurmoncou.—Je t’aiditdem’arrêter,sedéfaussa-t-il.Et jen’ai jamaisprétenduqu’elleétaitundemescoups

d’unsoir!—Parlons-endetescoupsd’unsoir!Jesuiscenséeêtrequoi,moi?—Tun’espasuncoupd’unsoir,c’estcertain.Ilavaitenviedemoi,jel’avaissenti.Jelesentaisencore,duretlong.—Pourquoi jen’en seraispasun?Parceque tunecouches jamaisdeux fois avec lamême fille ?

Laissetomber,jenesaismêmepaspourquoij’aicettediscussionabsurdeavectoi!Jecroisquel’alcoolmefaitdivaguer!Unsouriresedessinasursabouche,oùlalumièredesréverbèreslaissaitdevinerdestracesdemon

rougeàlèvres.Cette…bouche…—Est-cequetuasaimé?demanda-t-il.Jedétournailatête.Letrottoirétaitroséets’étendaitlelongd’ungazonoùpoussaientdespalmiers.Je

m’enfoutais.Jevoulaissimplementignorersaquestion.—Jeveuxjustesavoirsituasaimé,Oceana.Ilétaitsiprèsquesonsoufflesedéposaittelleunecaressesurmesjoues.Jenevoulaispasrépondresanssavoircequ’ilpensait,lui.—Qu’est-cequejesuispourtoi?Ilsouritetselança:—TueslavanilledeRick,c’estcommeçaqu’ilt’appelle.Etjecomprendspourquoi,maintenant.—NemeparlepasdeRick.Jerépète:qu’est-cequejesuiscenséeêtrepourtoi?!Aupointquetu

veuillesoffrirgénéreusementtroiscentmilledollarspourquejeresteàMiamietquetuinsistespourmevoirunefoisparsemaine?—Jetel’aidit,jen’ensaisrien!J’aijusteenviedelefaire!C’esttout!—Commetuaseuenviedemeprendresurlapistededanse?Est-cequej’avaisvraimentditça?L’alcoolnemeréussissaitpasdutout!—Je…Tueslefruitdéfendu,alors!Vois-lecommeça.—Chassegardée?—Vois-lecommeça,vanilledeRick,articula-t-il.Quoi ? Chasse gardée sur une femme dont Rick ne voulait pas ! Je sentis une vague de colèreme

secouer.—Non,maisjerêve!Ilmerepousse,tumerepousses…—Àt’entendre,ondiraitpresquequetuvoudraisquejerecommence…—Oui.Non…cen’estpasça.Tu t’es fait jene saiscombiende fillesceweek-end, j’ai arrêtéde

compteràtrois.Ettupensestoutdemêmeàçaavecmoi.Tuesinsatiable!—Jenemesuisfaitpersonneceweek-end,avoua-t-iltimidement.J’aiditçapourrassurerRicksur

mesintentionsenverstoi.—Etquellessont-elles?

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Ilreplaçaunenouvellefoisunemècheindisciplinéederrièremonoreille.—Jecroisquetulesaisdéjà.Non.Jenelesavaispas.Oujenevoulaispaslesavoir.Qu’importe!Aphroditeoupas,ilmerendait

dingueavecsesdevinettes.—Ramène-moichezRick,suppliai-je.—Est-cequetuasaimé,Oceana?s’obstina-t-il.J’avaisadoré.Mêmesiçan’étaitpasaussipuissantetjouissifqu’avecRick.J’avaisaimé.Apprécié.

Appelezçacommevousvoulez!—Horriblement.Maistulesaisdéjà,non?murmurai-je.—Jevoulaisseulementtel’entendredire.Ilm’offritunclind’œiletunsourireradieuxavantdetournerlestalons.—Nousavonsdépassélavoiture,expliqua-t-il.Jelerejoignisaupasdecourse,nonsansmal.Vodkan’étaitpasmameilleureamie.Jem’accrochaisà

sonbras,hésitantmêmeàôtermesescarpins.Jenel’écoutaisplus.Jevoulaisseulementmettreunpieddevantl’autre.Jemesemblaisqu’ilmefaisaitlamoraleàproposdel’alcool.Àpeineinstalléedanslesiègepassager,jefermailesyeuxpourmeconcentrer,cettefois-ci,surmon

estomac.Deuxièmeeffetkisscool.Pastrèscoolensoi.J’avaislanausée.Jerespiraislentement.Troplentement.Jetentaidemesouvenirdupremier,quim’avaitapportéunmerveilleuxélandelibertésurlapistededanse,encorebienloindeRick,deCarletsurtoutdeKristen,lafiancée.—Oceana.Noussommesarrivés.LavoixdoucedeCarlessayaitenvaindemesortirdemonsommeil.Malgrétoutemabonnevolonté,

mespaupièresétaienttroplourdespours’ouvrir.—Porte…(Iln’yavaitpasquemespaupières.Maboucheaussiétaitsècheetmolle,j’avaisdumalà

articuler.)…porte-moi,réussis-jeàdireavecpeine.JeneréagismêmepaslorsquelesmainsdeCarlagrippèrentavecfermetélanaissancedemesfesses

sousmarobe.Jenichaimatête,instinctivement,contresoncou.—Rickvametuer,chuchota-t-iltoutenavançant.Jem’enfoutais!Jenepensaisqu’àunechose:monlit!—Qu’est-cequis’estpassé?entendis-jeRickdemanderavecfureur.Carls’étaitimmobilisé.—Elleabu,répondit-ilsimplement.Etnousnoussommesembrassés!C’étaithorriblementbon!—Oceananeboitjamais,répliquaRick,suspicieux.—Elleabu,jetedis.Tucroisquejel’auraisdroguée?—Lit…réussis-jeàdire.—Bonnenuit,vanilledeRick,chuchota-t-ildansmescheveuxavantque jenesente lemoelleuxdu

matelascontremondos.Ilm’ôtamesescarpinsetramenamesjambessurlelit.Instinctivement,jememisenpositionfœtale.

Lafraîcheurdesdrapsmefitcomprendrequequelqu’unm’avaitrecouverte.Jesouris,incapabledediremerci.Laportesereferma.

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Monœsophagemebrûlaitdangereusement,moncœurbattaitlachamadeetmabouches’emplissaitdesalive.Monestomacétaitenébullition.Jesautaidulit,medébattantavecledrap,etsortisdelachambreencourant,unemainplaquéesurla

bouche.Carlétaitsurmonchemin;jelepoussaietfranchislasalledebainsavantdeplongerlatêtelapremièredanslestoilettesetdememettreàvomir.Quand jeme relevai, les jambes tremblotantes et les genouxmarquéspar les rainuresdu carrelage,

CarletRickmeregardaientavecinquiétude.Jemerinçailabouche.—Jet’avaisprévenue,ditCarl.—Çava?demandaRick.Jefaillisfondre.Était-cedelapitié,çaaussi?J’étaisépuisée.Demebattreavecmatêteetavecmon

cœur.Jevoulaisjustemecoucher.

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Chapitre24

Punition

Carlavaitdûpartir;jemesouvenaisjusteavoirentenduun«C’estbon,jem’enoccupe»deRick.Jenesavaispasnonplusquelleheure ilétaitcarchaquefoisque j’essayaisderegarder l’heuresurmontéléphone, les chiffres devenaient flous. Je m’étais résignée à me fier à la noirceur du ciel, quim’indiquaitquel’aubeétaitencoreloin.Depuis que nous étions rentrés, je vomissais. J’étais épuisée. Comme si un camion de dix tonnes

m’avait roulédessusauralenti.Rick, impuissant, tapidans l’ombreducouloir,m’observait.Je tirai lachasseetm’apprêtaiàenlevermarobepourallerprendreunedouche.—Viensici,jevaist’aider,medit-ilavecdouceur.Quellebelleimagejedevaisluidonner!Jen’avaisplusriendesexy.Marobefroissée,monvisage

livide…sanscompterl’odeur.—Tuneseraspascapabledetedéshabillertouteseule,etencoremoinsdetelaver.Viensici.Je l’ignoraiet tentaide trouver leboutonfermantmarobe,enfouisousmatignasse.Mesbras,aussi

lourdsquedeuxéléphants,purentàpeineparcourirlamoitiéduchemin.Jeleslaissairetomber.—Nem’obligepasàvenirtechercher,Oceana.Ilnepouvaitpasentrerdansmasalledebains,de toutefaçon : l’encadrementde laporteétait trop

étroitpoursonfauteuil.—S’ilteplaît.Saplaintem’empoignalecœur.Jesentisqu’ilsouffraitdemonsilence.—Jesuisfatiguée,dis-jed’unevoixéraillée.J’étaisincapabledeluirépondreautrechose.—Alors,laisse-moit’aider.Encoreunefois,jem’étonnaisdupouvoirqu’ilavaitsurmoi.Delamanièredontmoncorpsréagissait

à lui.Et ce,malgré cequ’il avait dit demoi quelquesheures plus tôt.Que je lui faisais pitié, et riend’autre.—Pourquoies-tucommeçaavecmoi?—Tunecomprendspas.Jesuisfatiguéedetoutçaetjesuisincapabled’enparler.Pas.Maintenant.—Commetuveux.Jesuispeut-êtreincapabledeteporter,commeCarll’afait.Maissitunevienspas

icitoutdesuite,jesuisprêtàmecasserlajambeunedeuxièmefoispourvenirtechercher.Il tendit samain devant lui. Je l’attrapai. Hors de question que je passe une nouvellematinée aux

urgences,etsurtoutqu’ilsefassemalàcausedemeserreurs.Sesdoigtsbrûlantsmefirentprendreconsciencedemoncorps.J’étaisgelée.Jemeblottiscontrelui;

j’avaisenviedesachaleur.—Jesenslevomi,murmurai-jedansunegrimace.

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—Non.TupuesCarl,lâcha-t-il.Carl avait dit que j’étais lavanilledeRick. Il voulait seulementdirequ’il neme toucherait jamais

parcequeRickleluiavaitdemandé.Nosdeuxbaisersn’avaientétéquedesloupés,desfolies,desécartsdeconduite.—Ilnesentpassimauvais,répondis-jefinalement.Jehumaisoncou.—Maisilnesentpasaussibonquetoi,ajoutai-je.J’enauraispresqueoubliémonétattantjemesentaisbiencontrelui.Lesyeuxfermés,lesbrasserrés

autourdesontorse,jerefoulaimarancœuretacceptaisoninfluencesurmoi.Lesoubresautdesonfauteuilmefitcomprendrequenotrevoyageétaitterminé.J’entendislebruitd’un

robinetqu’onouvrait.Puislecrépitementpuretdouxdel’eausurlaporcelaine.Nousn’étionsplusdansmasalledebains,maisdanslasienne.—Oceana,jenepeuxpastedéshabillersiturestescontremoi.Jeviensavectoi,detoutefaçon.Je

suislà.Il était là.Oui.Mais il nem’avait pas retenue lorsque j’étais partie.Nem’avait pas empêchée de

recommenceràmelaisserbercerparleslèvresdesonami.Et…Ettoutétaitmafaute.J’étaispartie.J’avaisvoululeprovoquer.J’avaisdansépourCarl.J’avaisbu.Et

surtout,j’avaisfuiensurprenantuneconversationquejen’étaispascenséeentendre.Sansréfléchir,sansdiscuteraveclui.J’avaistirédesconclusionstrophâtives.Honteuse, je me redressai et détournai la tête pour dissimuler mes yeux brillants de larmes. Nous

étionsdanssasalledebains,devantlabaignoire.Sesdoigtsglissèrentsousmescheveuxjusqu’auboutondemarobe.Jefrissonnai.Puislapressionde

samainsurmesbrasm’aidaàmemettredebout.Mes jambes tremblèrent sous lepoidsdemoncorpsalorsquemespiedsaccueillaientletissurouge,froisséetsali.—Jen’aimepascetterobe.Sesdoigtsse faufilèrentsous ladentelledemaculotteet la firentdescendre le longdemescuisses

avecdélicatesse.Savoirsesyeuxposéssurmesfessesfitpalpitermonsexe.J’étaisébréchée,puanteetimpure,etmalgrétoutilétaitlà.—Jel’avaisachetéepourtoi,murmurai-je,lagorgenouée.Sonsoufflechaudsurmescuissesréponditàsaplace.Jel’avaisportéepourCarl.J’enjambaileborddelabaignoireetentraidansl’eauchaude.Desremousmefirentcomprendreque

Rickm’avait rejointe. Il était là.Nu,derrièremoi.Ses jambes s’étendirent le longdemes flancs, sontorses’appuyasurmondosetsonsexeduretlongcontremesreins.Ilétaitlà.Avec.Moi.Ilattrapaladouchetteetmouillamatête.Immobile,jemelaissaialler.Délicatementetavecsoin,ilme

fitunshampooing,massantmoncrânealorsque jememordais la lèvreenessayantd’oublierqu’ilmetouchait.Ilmetouchait.C’étaitsibon.Moncœurbattaitàtoutrompredansmapoitrine.Mestétonsdurcirentquandsesmains

descendirent demanuque àmondos.Puis vint le tour demes épaules et demesbras. J’observais lapuissancedesesmainssurmoncorps,ressentaislatensiondesesmuscles.Jemerappelaislapremièrefoisoù je l’avaisautoriséàme toucher,sonsoufflesurmesépaulesbrûléespar lesoleil, ledésirque

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j’avaisperçudanssavoixrauque.—Nemefaisplusjamaisça,Oceana,tuentends.Sesmainss’insinuèrententremesseins,glissèrentversmonventre.S’ilcontinuaitjusqu’àmeslèvres,

il trouveraitmonclitoris gonflédedésir.Ungémissementm’échappa alorsque sesdoigts remontaientdélicatementjusqu’àmoncou.Iln’iraitpasplusbas.L’eau dégoulina une nouvelle fois sur mes cheveux, emportant avec elle le shampooing, mais pas

l’incandescencequ’ilavaitfaitnaître.—Tunesenspaslavanille,maisaumoins…—JenesensplusCarl.—Oui.Commentpouvait-ilréagiravectantdehargnequandunhommem’approchaitaprèscequ’ilavaitdit

cesoir?C’étaitincohérent!—Efface-le.Fais-moioublier,l’implorai-jehaletante.Jevoulaissentirseslèvressurmoi,sabouchesurmapeau,sesbraspuissantsautourdemoncorps,

sonmembredurcientremescuisses,monsexepalpitersoussesdoigts.—Non.—Pourquoi?demandai-jedansuneplainte.L’eaudelabaignoireclapota.Ilselevait.Ilpartait.—Parcequetun’acceptespasquejefassepartiedetavieetqu’ilm’estinsupportabledesavoirque

jet’aiaujourd’huietquejenet’auraipasdemain.Jemeretournai,paniquée.—Je…—Nousparleronsdetoutçademain.Tantquetunem’auraspasdonnéuneexplicationconvaincante,

jenetedirairiendeplus.Etilneferaitriendeplus.

Allongéedans le fauteuildusalon, jesomnolaidevant les informations locales. Ilétaitdéjàplusde

19heuresetRickétaitpartitôtcematin,alorsque,terréeaufonddemonlit,jetentaisdemaîtriseruneinsupportablegueuledebois.Depuis, j’avais reprisunedouche, etmonestomacavait réussi àgarderdeuxfeuillesdesaladeetunyaourt.J’avaisaussiessayéderemettredel’ordredansmatête.MarévoltecontreRick,lesbrasdeCarlet…

Kristen.Lafiancée.Commentpeut-onpromettreàquelqu’unqu’onpasserasavieavecluietlelaisserpourmortdansunlit

d’hôpital?Contretouteattente,maconsciencemesoufflaitqueçanemeregardaitpas.Commentpeut-ondirequ’onn’éprouveplusquedelapitiépourquelqu’unetprétendre,quelquesheuresplustard,qu’onespèreunlendemain?J’entendissoudainuncliquetisdeserrureetmeredressai.—Laissez-ledansl’entrée,ditRick.Merci.

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Jesourismalgrémoienledécouvrantdebout,béquillesàboutdebras.Ilrefermalaporte.Sonfauteuilrepliéavaitétéposécontrelemur.Ilnem’avaitpasvue,etjeprisletempsdel’observer.Sescheveuxchâtainclair.SonT-shirtmoulant

sesimpressionnantesépaulesetlesmusclesdesondos.Sapoignesurlesbéquilles.Monventresenouaenpensantque jepouvaisavoir toutça.Que j’auraispu,peut-être. J’étais forcée,une foisdeplus,deconstaterqu’iln’avaitplusbesoindemoi.—Tuasmangé?demandai-jeenfind’unepetitevoix.Ilavançarapidementjusqu’aucouloir,letraversaendeuxfouléesàl’aidedesesbéquillesetpénétra

danssachambre.—Oceana!cria-t-il.Figée,incapablederaisonner,jeregardailaporteentrebâilléedesachambre.—Oceana!VIENSICI!Mesjambesflageolantesmeportèrentjusqu’àlui.Deboutdevantson lit,entièrementnu, ilmefixait, immobileet tendu.Soudain ilenvoyavalserd’un

coupdepoingsalampedechevetquis’éteignitinstantanément.Jefermailesyeux,effrayée,alorsqueleséclatsdeporcelainesurlecarrelagevolaiententoussens.Ilseprécipitasurmoisiviteque,dansmonaffolement,jemecollaiaumurderrièremoi.Sonpoingleheurtaetsonautremainagrippamonvisage.J’avais terriblementmal.Mal,parcequ’ilm’envoulait.Malparceque je l’avaismisdanscet état.

Mal,parcequejenepouvaisquesupposerdequoiils’agissait,mêmesijerefusaisdemel’avoueret,surtout,deluidemanderdemepardonner.J’avaisembrasséCarl,encoreunefois.—Tu.As.Tout.Fait.Foirer,articula-t-il,acerbe.Sonpoucedessinaitlecontourdemalèvreinférieure.Délicatement.Lentement.Tropcalmement.Trop

paisiblement.Alorsquesonregardreflétaitsarage–etaussisondésir.Sonautremainsaisitmescheveuxetsabouchepercutalamienne.Violemment.Sansretenue.Sesdents

accrochèrentmeslèvres.Lesmordirent.Puissabouchelessuça.Encoreetencore.Jelessentaisgonfleret rougiralorsque,gémissante, jecherchaismonsouffle.Puissa languepénétramabouche.Descenditjusqu’à ma mâchoire. La lécha. La mordit et la suça. Puis vint le tour de mon cou. Meurtrie, jem’enflammais pourtant sous son assaut. Puis il dessina une nouvelle fois le contour de mes lèvresbouffies.—Jeveuxquetutesouviennesdemabouche.Jevaist’embrasserencoreetencorejusqu’àeffacerla

sienne. Je vais temarquer de lamienne, pour que tu ne penses qu’à elle lorsque tu le regarderas.Lamienne.Tum’entends?Jevaistebaisersifortquetuneterappellerasquedemoncorpssurletien.Cesoir.Demain.Ettouslesjoursquisuivront.Tant de jours à espérer que sa boucheme touche encore une fois. Tant de jours à se languir de sa

chaleur.Tantdejoursàrêverqu’ilm’ébranlerait.Alorsqu’importelamanière…J’acceptaissapunition.—Efface-le,soufflai-jesursacolère.Undesessourcilssereleva.Ilnes’attendaitpasàcequeçapuissemeplaire.Moinonplus,àvrai

dire.Satêteplongeadansmoncou.Jemelaissaiallerdansunelongueexpirationaucontactdouxetbrûlant

deseslèvres,commesiellesm’insufflaientànouveaulavie.Sesdentsmemordillaientavecardeur.—Mavanille,revendiqua-t-ild’unevoixrauque.Sesmainss’insinuèrentsousmarobeàbretelles.Lentement,troplentementàmongoût,écorchantmes

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flancsduboutde leursongles. Jeme trémoussaisdans sesmainscommepour le supplierd’allerplusvite,demeprendre.—Cesoir,cesontmesrègles,Oceana.Commes’ilnese languissaitqued’uneseulechose…que je lesuppliedemefaire jouir.Sacuisse

appuyaitdélicieusementsurmonsexe,trempéetgonflé.Ilfitenfinglissermarobeets’emparad’undemes seins. Il lécha mon téton durci et ses yeux cherchèrent les miens. Alors que j’allais fermer lespaupières,intimidéeparl’imagedesalanguejouantavecmonmamelon,unemorsurebrèvemedéchira.Jecriai.—Tuasmal?demanda-t-il,faussementcompatissant.J’avaisenviedeluirépondrequeoui.Maislasucciondesaboucheeffaçalesouvenirdeladouleur.

Jeplongeaimesmainsdanssescheveuxcommepourluiintimerl’ordredenepass’arrêter.Denepluss’arrêter.Lesupplicereprit.Ilpassaitd’unseinàl’autre, lesléchant, lesmordant, lessuçant.Monbas-ventre

étaitenfeu.J’allaisexploser.J’allaisjouir,là,toutdesuite.Maisils’arrêtanet.—Mesrègles,souffla-t-ilsurmonsein.—Tavanille,râlai-je.Mavoixérailléenelelaissapasindifférent.Commesij’avaisdéclenchéuneétincelle,sesdoigtsse

crispèrentsurladentelledemaculotte,qu’ilnetardapasàfaireglisserlelongdemesjambes,alorsquesaboucheagrippaitànouveaumeslèvres.Jemefrottaicontrelui.Jevoulaissentirsaqueuecontremapeaunue.—Patience,Oceana…Sesrègles.Toutmebrûlait.Mondosécorchécontrelemur.Messeinsetmoncouravagésdesesmorsures.Mes

lèvresassiégéesparsabouche.Etmonsexe.Samain se posa surmon ventre. Sa bouche s’immobilisa à quelques centimètres de lamienne. Je

devinaislasuite,toujoursplusexcitéeparsalenteur.Savait-ilàquelpointjeledésirais?Sijen’avaispaseutroppeurquetouts’arrête,jeleluiauraiscrié.Deux doigts s’appliquèrent entre mes grandes lèvres, frôlant mon clitoris. Ses yeux fixés sur ma

bouche,Rick savoura l’effetde leur lenteascensiondansmonvagin.Unsonguttural s’échappademagorge.Animalet irréelà la fois. Je frémissursesdoigtsà leur retrait.Mefitplus lourdesursamainlorsqu’ilsrevinrent,pourlesfaireallerplusprofondémentenmoi.Jevoulaisqu’ilsache.Quetoutétaitàlui.Delavanilleaugoûtamerdemacyprine.—Tuestrempée.Pour toi… uniquement pour toi. Tandis que son pouce appuyait délicieusement sur mon clitoris,

dessinant de petits cercles, ses doigts continuaient de récolter le fruit de mon plaisir. Je suffoquais.C’étaitsibon.Tellementbon.Lesyeuxrivéssurmonvisage,ilsedélectaitdemesgémissements,attendantlemomentopportunpour

mefrustrerunenouvellefois.Jenemispaslongtempsàl’atteindre.Lachaleurenvahitunenouvellefoismonbas-ventre,l’enflamma…—Pas.Maintenant.Vanille.Sesdoigtstrempésglissèrentsurmacuisse.Sesmainspuissantesemprisonnèrentmesfesses.Lesolse

dérobasousmespieds,mondosglissacontrelemur.

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—Tajambe,réussis-jeàdire,comprenantqu’ilmeportait.Sonregardsedurcit.—Tudevraistefaireplusdusoucipourmonétatmental,Oceana.Pasletempsd’analyserlesensdesaphrase.—Monte,ordonna-t-ilenmedéposantsurlematelasetenmedésignantlatêtedelit.Le cœur battant la chamade, jem’exécutai, jetant au passage un coup d’œil rapide surma poitrine

couvertedetraînéesrougesetdemarquesdemorsures.Undélicatbaiseràl’intérieurdemacuisse…puissalangueglissajusqu’àmonentrejambeetenroba

monclitoris.Ilmetenaittoujoursauxhanches,etjen’avaispasenviedeluiéchapper.Ilaimaitmongoût.Monsexepulsait,fort.Toujourscettebrûlureaucreuxdemonventre.Ettoujourscettefrustration.Quandilrelevalatête,laboucheluisantedemonplaisir,ilmesouritavecfierté.Toutétaitpourlui.Ilsehaussaetembrassamaboucheavecdouceur,insinuantsalanguejusqu’àlamiennepourquejeme

goûte.Mélangeameretsucréàlafois.J’entendislebruitd’untiroir,puislefroissementmétalliquedel’emballaged’unpréservatif.Ilprenait

sontemps.Encore.Sa bouche revint sur mon ventre, léchant ma peau. Puis une de sesmains guida son pénis jusqu’à

l’entréedemonvagin.Jesavaisqu’ilallaitmeprendreavecrage.Jesavaisaussiquej’étaisauborddel’orgasme.—Nemeregardepascommeça,Oceana.Jenereviendraipassurcequej’aidit.Jevaistefairemal–

passeulementpourlui,maisaussipourcequetuasperdu.Sonmembre glissa dansmonvagin.Comblée, je gémis.Une de sesmains se glissa sousmes reins

alorsquel’autreagrippaitfermementmanuque.Sansbouger,ilm’embrassaavecpassion,commesic’étaitladernièrefoisqu’illefaisait.Puis il se retirademoi.Resserra l’emprisedesesmainssurmoncorpset,enuncoupdereins,me

pénétrasiviolemmentquejecrusquemonbas-ventresedéchirait.Jehurlailatêterejetée.Quandilseretirapourlasecondefois,jesentisunebrûlurecuisanteaufonddemonvagin,commesiunepartiedeluiyétaittoujours.C’étaitcequ’ilvoulait.Ilvoulaitmemarquer.—Encore,implorai-je,lagorgeserrée.Enréalité,jenevoulaispas.Jenevoulaispasdeça.Ilmepénétraaveclamêmeforce,jemedéchiraiaveclamêmeintensité.Encoreetencore.Alternant

violenceetdouceur.Saboucheaspiraitetatténuaitchacundemesrâles,chacundemesgémissements.Jelesuppliaid’enfinir.Contretouteattente,ladouleurs’atténuaetjemesentisexploser.Ladéflagrationfutsidéconcertante

que je ne savais plus où il me touchait, ce qu’il me faisait ; j’en oubliais sa brutalité. Je le savaisseulementenmoi.Surmoi.Brûlantetardent.Jecriai.Ah.Oui.Jejouis,cambrée.Danssabouche.Sursonpénis.Agrippéeàsanuquetendue,àsestrapèzesbandés.—Maputaindevanille.

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Seslèvrestremblèrentsurlesmiennes,sesgémissementsdevinrentplusrauques.Ilmepénétraitavecbrutalité–avecanimosité.Cette baise brutale aurait pu me plaire s’il avait été question d’autre chose que d’une affaire de

territoire.J’étaisdéjààlui.Je le sentis frémir entremesdoigts.S’agripperplus fort àmes fesses.Grommelerdansmabouche.

Oceana.Ma.Vanille.Jouirenmoi.Avantdes’effondreraucreuxdemoncou.Soncorpssurmoisefitpluslourd.Trèslourd.Maiscen’étaitrienencomparaisondupoidsquigrandissaitdansmapoitrine.Ilm’avaitblessée.Physiquementetmoralement.Detoutesmesforces,jeretinsmeslarmes.Sonretraitm’incendia.Jememordisl’intérieurdelabouchepourmeretenirdecrier,etm’empressai

demedégagerlorsqu’ilsemitàgenoux.—J’aibienenviederecommencer,medit-ilennouantlepréservatifremplidesonfoutre.Non.Horsdequestionqu’ilmetouche.Plusjamais.J’avaisenviedeluicrierquejeledétestaisautantquejel’aimais.Chancelante,j’ignorailesbrûlurescuisantesentremescuissesetmeruaijusqu’àlasalledebains.Là,jedécouvrislesdégâtscausésparsabrutalitédanslemiroir.Lalumièredesnéonsfaisaitluirema

peauetrévélaitsesmorsuresetsessuçons,demamâchoireàmapoitrine.Lesempreintesparfaitesdeses dentsmettraient des jours à disparaître. Je passai un doigt sur l’une d’elles, surma clavicule, etgrimaçaidedouleur.—Jesuisdésolé.Debout,appuyésursesbéquilles,dansl’encadrementdelaporte,ilmeregardait,lesyeuxagrandis.—Oceana,j’étaisencolère.Jesuisdésolé.Ehbien,moi,pas.Jemefoutaisdecesmarquessurmoncorps.Etdel’empreintedesonsexedansle

mien.Ilavaitvoulumefairedumal.C’étaittoutcequejevoyais.Jerécupéraiuneserviettepropredanslemeuble,lamouillaietlaportaiàmonentrejambe,espérant

quel’eauapaiseraitmesbrûlures.—Parle-moi,Oceana.—Tavanilleneveutpasteparler,tranchai-je.Nicesoir.Nidemain.Niunautrejour.Tuasvoulume

faire souffrir. Tu as voulume déchirer pour un simple baiser échangé avec ton ami.Est-ce que ça envalaitvraimentlapeine?Ilchancela.—Jen’avaisjamaisétébrutalavecunefemme,s’excusa-t-il.—Çanejouepasentafaveur,Rick.Tais-toi!Jejetailaserviettedanslacorbeilleàlinge.Etpassaidevantlui,retenantunegrimacededouleur.Il

mesuivitjusqu’àmachambre.—J’avaisréussiàconvaincremamèredemelaissercetargent.Çasignifiaitquetuauraispurentrer

demainetquetuauraispuorganiserl’opérationdetonfils!Bordel,Oceana!Ellemefaisaitconfiance!Medonnercetargent,c’étaitcommesiellereconnaissaitquetucomptaispourmoi!—Jenecomprendspasenquoi…—Kristenl’aappeléecetaprès-midietluiaracontéqu’ellet’avaitvuavecCarl.Carl!Je…mamère

connaîtCarl,sesdangereuxpenchantspourlesexe,etellen’apascherchéàcomprendre.Tuasperdusa

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confiance.Elleestrevenuesursadécision.—Est-cequeçaenvalaitvraimentlapeine?répétai-je.—Jenevoulaispastefairesimal,Oceana.Sesyeuxosèrents’aventurersurmapoitrine.Jem’empressaid’enfilerunT-shirtpourmecacher.Le

tissuincendiachaqueblessure.—Maistul’asfait.Etpasseulementpourtamère.Tul’asfaitpourCarl.EssentiellementpourCarl.—Jel’avoue,lâcha-t-ilenbaissantlatête.—Saufqu’iltesuffisaitdemefairel’amouravectendresse.Commeaucunhommenel’avaitjamaisfait.AvecAmour.—Tuasaimécettebaise,Oceana,jel’aisenti…Unevaguedechaleurs’emparademonventre.—Non.Moncorpsaaimé,pasmatêteetencoremoinsmoncœur.Jemefousdecesmarques,jeme

fousdeladouleur,laseulechosequim’importec’estquepourunbaiseravecCarltuasvoulumefairesouffrir.Alors,jelerépète:est-cequeçaenvalaitlapeine?Jet’aientendu,l’autresoir,parlerdemoiaveclui.Etjeneveuxpasdetapitié.Ilseressaisit.Retrouvaquelquechosedesafureur.—C’étaitdoncça…Oceana,aujourd’huij’aijustepitiédevoirquetun’esmêmepascapabledete

remettreenquestion.Tuasvoulumefairesouffrircesoir-là,commejeviensdelefaireavectoi.Commetul’assibiendit,est-cequeçaenvalaitlapeine?

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Chapitre25

Lepari

Rickn’avaitjamaisétéaussicollantquedepuisnotredispute.Ilneparlaitpas.Nemeregardaitpas.Nemetouchaitpas.Ilsecontentaitjusted’êtredanslamême

piècequemoi.Derespirerlemêmeairquemoi.Etmêmedesepavanertorsenudanslamaisonpourmefairebaver.Parcequ’ilétaitlà,leproblème.Jenepouvaispasm’empêcherdelaissermesyeuxs’égarersurlui.

Lepire?C’étaitlorsqu’ilquittaitunepièceappuyésursesbéquilles.Non…c’étaitbienpirelorsqu’ilsortaitdelapiscineouaprèsuneséancedegym.Jevoulaisêtreunedecesgouttesd’eauoudesueurquiperlaitsursondos,quiledévalaitsurtoutesalongueur,jusqu’aucreuxdesesreins.Jemeretenaisderespirer,lesdentsserrées,jusqu’àqu’ilnesoitplusdansmonchampdevision.Pathétique!Voilàcequej’étais,pa-thé-tique!Et l’arrivéedemes règles, le lendemaindenotredispute,n’avait rienarrangé.J’étaisd’unehumeur

exécrableetmeshormonesmedonnaientchaud.Certainesdemescicatrices,auboutdetroisjours,s’estompaient;d’autrespersistaient,àcroireque

j’allais les garder. Le flux de mes menstruations enfin tari, j’avais pu faire un bon footing. J’étaisreboostéeetdisposéeàinverserlesrôles.Aujourd’hui, il deviendraitma proie. J’enfilai le top le plus décolleté que je possédais afin de lui

rappelernotrevoyageauseptièmeciel,ouauxenfers,demardisoir.Unshortenjeanetmessandales,etjegagnailacuisinepourluipréparerseséternelspancakesetsoncafé.Ilm’attendait,assissurundestabouretsdel’îlotcentral.Ostensiblement,ilregardasamontre.OK.Il

voulaitjouer.JesortislesingrédientsduplacardetduFrigidaire,prisdeuxbolsetlesustensilesdontj’avaisbesoin

etcommençaiàénumérerd’unevoixmonotone:—Sixcuillèresàsoupedefarine,sixcuillèresàsoupedesucre,sixcuil…—Oh,maiselleaunelangue…Imperturbable,jerepris,plusfort:—Sixcuillèresàsoupedelait.Monterdeuxblancsenneigeetlesincorporerauxautresingrédients…—Tumefaisquoi,là?Uncoursdecuisine?—Puisajoutezlesdeuxjaunesd’œufaumélangeobtenu.Jeluisourisetplongeaimondoigtdanslamixturebeigeavantdeleporteràmeslèvres.—Mmm…jet’auraisbienfaitgoûter,maisjetienstropàmondoigt,ironisai-je.Sesyeuxseplissèrent.Ilsoupiraetrécupérasesbéquillespourrejoindrelaterrasse.Unevaguedegaieté, inattendue,m’envahit.Et cen’était que ledébut ! Jedevais justepenser àma

prochaineattaque.

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Aprèsavoircuitlespancakesetsoncafé,jelerejoignisavecsonplateau.—Tudevraismettredelacrème,lesoleiltapefortaujourd’hui,m’avertit-il,grognon.Sansluirépondre,jedéposaisonplateaudevantluietrentraidanslamaison,àl’abridusoleil.Jebus

lentementmoncafé,lesyeuxrivéssurlui,analysantchacundesesgestes.Ilvoulaitparaîtreserein,maisjevoyaissatêtesetournerdetempsàautre,commepours’assurerquej’étaistoujourslà.Àpeineeut-il finique je récupérai sonplateau, rangeai lavaisselle et rejoignis le canapédu salon

pourregarderl’épisodeenreplaydeTheVoicedelaveille.Commejem’yattendais,ilnetardapasàmerejoindre.Aubruitdesesbéquillessurlecarrelage,je

m’allongeaidetoutmonlongsurlecanapé.Ilmarquaunarrêt,puiss’approchaencore.Iln’allaittoutdemêmepasessayerdes’asseoirdanslesdixcentimètresquiséparaientmespiedsde

l’accoudoir?Si?Lentement,ildéposasesbéquillessurlatablebasseetseretournaversmoi.Ilallaitlefaire!Ilattrapa

meschevillesavecfermeté,soulevamesjambes,puiss’assitenposantmespiedssursescuisses.Lesyeuxrivéssurlesmainsimmensesposéessurmestibias,j’hésitaisàbattreenretraite.Sesdoigts

surmapeau…Jeleremerciaiintérieurementdefeindredes’intéresseràlacandidatequiinterprétaitunechansond’Adele,MakeYouFeelmyLove.Çanepouvaitpastombermieux.

Iknowyouhaven’tmadeyourmindupyetButIwouldneverdoyouwrong*.

(*Jesaisquetun’aspasencorepristadécision.Maisjeneteferaijamaisdemal)Sespoucestracèrentdepetitscerclessurmeschevilles,puissesautresdoigtssepromenèrentlelong

demestibias.Jenepusmeretenirdetressaillir,tantlasensationfutdélicieuse.Jeperdaislamentablementmesmoyens.—Jepeuxteposerunequestion?demandai-jepourmeressaisir.Sansquitterl’écrandesyeux,ilémitunmurmurequipouvaitpasserpouruneapprobation.Ouundéfi.—Est-cequetucomptesaussimesuivredanslestoilettes?Jetedemandeçaparceque,sic’estton

intention, autant que j’utilise les tiennes, qui sont nettement plus spacieuses. Je dois juste penser àrécupérermaboîtedetamponsaupassage…Jesuisindisposée.Sesdoigtsglissèrentsurmesjambesenmêmetempsqu’unrâledanssagorge.Soussonhâle,jecrus

devinerunelégèreteinterosée.Jem’assis et appliquaimes doigts sur ses joues, comme je l’aurais fait pour unEthan fiévreux. Je

refrénaiunrireetexprimaiàvoixhautemoninquiétudesupposée:—Jecroisquetuestroprestéausoleilcematin;tuesrougepivoine,Rick.Tuessûrqueçava?Ilrestaimmobileuninstant,puisunsouriresedessinasurseslèvres–seslèvresdontlavueneme

laissaitpasindifférente,loindelà…—Jevoisquetuesd’humeurtaquineaujourd’hui.J’aibienenviedejoueravectoi,moiaussi,Vanille.Ilposaundoigtsurmalèvreinférieure.—Jeparie,reprit-ilensepenchantversmoi,quecetteboucheremplaceratamainsurmajoueavant

demainsoir.Jediraismêmeavant22heures.Jecroisailesbrassurmapoitrine,peut-êtrepourmeretenirdeletoucherencore.—Etqu’est-cequej’aiàygagner?lançai-je.

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—Ce que tu veux. Tu pourras me demander ce que tu veux. Hormis les trois cent mille dollars,puisque,partafaute,jenelesaipas.Jegrimaçai.—Coupbas.—Quoi?Lepari?C’estpourtantsimple,non?Sonassuranceenétaitpresquedéconcertante.Là,jen’avaispasaffaireauRickpassionnéetrêveur,je

découvraisl’hommed’affaires,lefuturdirecteurd’undesplusgrandshôtelsdeMiami.—Non,jeparlaisdel’argent.—Tuesdoncdisposéeàenparler?Sesdoigtslongèrentmestibiasjusqu’àmesorteils.Ilnem’auraitpas.Iln’yavaitrienàraconter.Ilétaittoutaussifautifquemoi.S’iln’étaitpaspartisans

explicationslasemaineprécédente,jen’auraissansdoutejamaisététentéedetestermonattirancepourCarl.Etilpouvaitendireautantdemoipourmasortiedelundisoir.—Est-cequetuasfaitexprèsdeteretrouverparterrelepremiersoiroùjesuissortieavecCarl?Sesdoigtss’immobilisèrentsurmesjambesunesecondedetrop.—Tujouesoutunejouespas,Oceana?—J’enétaissûre!m’exclamai-je.—Onenparleraaprès.Turelèvesmondéfi?Biensûrque je le relevais.Mais il fallaitd’abordque je trouvequelquechosequi l’inciteraitàme

laissergagner.—Toutcequejeveux?(Ilhochalatête.)OK.J’accepte.Sijegagne,jeveuxquetumebaisesavecla

mêmeintensitéquel’autresoir.Motsdangereux,quiallumèrentaussitôtunemèchedansmonventre.—C’estplutôt tentant,mais…Tunem’auraspas,Oceana.Ceque tuasàgagnerestbeaucoupplus

alléchant.Jetelepromets.—Jet’écoute.Ilattrapaundemespiedsetleportaàseslèvres.—Tulesaurasdemainsoir,souffla-t-il.Jerepliaimesjambes,pourmetenirleplusloindeluietdeseslèvresaphrodisiaques.Sanslaisserle

choix àmon cerveau, jeme concentrai sur les candidats etmemis à fredonner tant bien quemal lesparolesdeschansons.—Jeneseraipaslàcetaprès-midi,m’annonça-t-ilalorsqueleprogrammeseterminait.Çanemeplaisaitpas.Alorsquej’avaischerchélasolitudependantdeuxjours,maintenantjeprenais

goûtànotrejeuduchatetdelasouris.Savoirqu’ilneseraitpaslàpendantdesheuresprovoquaitdéjàenmoiunprofondsentimentd’ennui.—OK,dis-jeenmelevantpouralleréteindrelatélévision.Ilm’agrippalamainetmefittombersursesgenoux.Jeluilançaiunregardnoir.Là,ilnes’agissait

pasd’unjeu.—Oceana,jedoisvoirKristen.Nepascéderàlapanique!

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—Pasdesouci,répondis-jeavecunedésinvolturebienjouée.—Çaneteposeaucunproblème?—Àmoi,non.Enrevanche,çaréduitconsidérablementteschancesderecevoirunbaisersurlajoue.Sesyeuxs’attardèrentsurmabouche.—J’yvaisseulementparcequejeveuxdesréponses,Oceana.Il savait que l’idée de le savoir avec elleme rendait verte de jalousie.Mais se doutait-il que j’en

venaisàmedemandersicesréponsesneluiferaientpasoublierque,pendantdeuxmois,ellen’avaitpasétéprésenteuneseulefoispourlui?

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Chapitre26

Latrêve

Les yeux perdus dans le jardin, derrière la baie vitrée de ma chambre, j’attendais, le téléphone àl’oreille,quequelqu’undécroche.Lesoleilnes’étaitpasencorecouché,etquelquesnuagesdel’oragequotidienflottaientencoredansle

ciel.—Ethanàl’appareil!—Ça,c’estlavoixd’unpetitgarçonquiraffoledesucreries!—Maman!s’extasia-t-il.—Qu’as-tufaitdebeauaujourd’hui,trésor?L’entendremeréchauffaitlecœur.Enfermantlesyeux,jepouvaisl’imaginerdevantmoi;jelevoyais

sautiller dans tous les sens, venir se blottir contre moi essoufflé de bonheur et déverser son flot deparolescontrel’unedemesjoues.—Jesuisalléfairelesmagasins.—Toutseul?fis-jesemblantdem’indigner.Iléclataderire.—Mamiem’aachetéunnouveaucartable.CeluidesAvengers!Jesouris.—Jesuiscertainequetuserasparfaitpourtonpremierjourd’école,montrésor.Jerepoussaitantbienquemallavagued’angoissequim’envahissait.Lundi,Ethanferaitsapremière

vraierentréescolaire.Etj’allaisraterça.J’allaisraterlespremierspasversl’écoledemonfils.—Tuneseraspaslà,conclut-ild’unetoutepetitevoix.Le coup de grâce.Mon cœur cessa de battre.Ma vision devint trouble. Je reculai jusqu’àmon lit,

sonnée.Jepouvaisgérermessentimentsmais,àdescentainesdekilomètresdelui,jenepouvaispasgérerles

siens.Jepouvaisluicriertouslesmotsd’amourquejevoulais,çanechangeraitrien,jeneseraispaslà,etillesavait.—Passe-moimamie,Ethan,luidemandai-jeenm’asseyant.J’essayais de garder une voix claire mais, en réalité, ma gorge était prise dans un étau. Je me

recroquevillaisurlelit.Jenevoulaispasqu’Ethanm’entendepleurer.J’entendisrésonnerlestalonsdemamèresurlesol.—Quesepasse-t-il?—Rien,répondis-jedansunsanglot.—Nana,Ethanpleure.Qu’est-cequetuluiasdit?

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Ilpleuraitetjen’étaispaslà.Commelejouroùilavaitétéhospitalisé.Commentexpliqueràunenfantde cinq ans que, parfois, cela vaut la peine de souffrir ?Que ses efforts et lesmiens ne seraient pasvains?Poursonpetitcœur…—Ohnon…Maman,valechercher,s’ilteplaît.Ellesoupira.—Ethan!Ethan!cria-t-elle.Lessecondespassèrent.Jemeretenaisderespirer.Mêmemeslarmesavaientcessédecouler.—Écoute,Nana, repritmamère chaleureusement, ne t’inquiète pas. Rappelle demain soir. Je vais

essayerdelecalmeretjet’envoieunmessagedanslasoiréepourterassurer.Ilnevoulaitpasmeparler.Enunmois,c’étaitlapremièrefoisqueEthanmerepoussait.Ilavaitraison

dem’envouloir.JeneleverraispasdanssonuniformebleumarineavecsonsacAvengerssurledosetsonsourirepleindefierté.Jeraccrochai.Jepouvaishurler,pleurercommeunehystérique,personnenem’entendrait.Rickn’était

toujourspasrentréet,pourlapremièrefoisdepuisqu’ilétaitparti,j’étaissoulagéequ’ilnesoitpaslà.J’avaisl’impressiondem’enfoncerdansungouffresansfin.Magorgemefaisaitsimalquedéglutir

devintuneépreuve.J’avaislesjouesenfeuetlatêtedouloureuse.Quandàmoncorps,ilseconvulsaitdenepaspouvoirconsolersaproprechair.—Oceana?entendis-jederrièrelaportedemachambre.Ricktoquadeuxfois.Jem’empressaid’allerfermerleverrou.—C’étaitseulementpourtedirequej’étaisrentré.Jeposaimonfrontsurlaporteetfermailesyeux.—Jesuisdésolé,j’auraisdûappeler,continua-t-il.—Jem’enfous,Rick!criai-jed’unevoixrauque.—Ouvrecetteporte,Oceana!mesupplia-t-il.Jeresterailàletempsqu’ilfaudra.J’imaginaismamèreavecEthan.Ilneresteraitpaslongtempsprostréderrièrelaportedesachambre.

Ill’ouvriraitetmamèresemettraitàgenouxdevantluipouraccueillirsapetitetêteblondeaucreuxdesapoitrine.Levisageboursoufléparlespleurs,ilessuieraitseslarmesdureversdesamancheetrenifleraitjusqu’àcequemamèretrouveunmouchoirenpapier.Elleluiexpliqueraitquedansdeuxmois,jeseraisderetouretqu’ilpourraitavoirunnouveaucœur.Puiselle luiprépareraitungâteauauchocolat.Mongâteauauchocolat.Deuxmois…Jereniflai.—Laisse-moijuste…uneseconde.J’essayaisdecontrôlermarespiration.Detarirmeslarmes,denepasmelaisserallersurlesolfroid

ethostile.—Oceana,qu’est-cequisepasse?Jemeretournai,surprise.Rick,avaitfaitletourparsachambreetsetenaitdeboutsursesbéquilles

dansl’encadrementdenotreportecommune.Je ne voulais pas qu’ilme voie comme ça. Je ne voulais pas de sa pitié. Je ravalaimes derniers

sanglots,lesyeuxbrûlants.Ils’assitsurmonlitetôtaseschaussures,qu’ilenvoyavalseràl’autreboutdelapièce.Sesyeuxse

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posèrentsurmontéléphone,restésurlelit,puissurmoi.Pasbesoindeluidirequoiquecesoit,ilavaitcompris.Sonregardgravem’effleura,telleunecaresse.—Queturestes,çaenvautlapeine,dit-il,levisageadouci.Enrevanche,çanevalaitpaslecoupque

jem’effondresurlesoldelacuisinejustepourmeretrouverdanstesbras.ÇanevalaitpaslecoupquetuveuillesmerendrejalouxavecCarl.Nousavonsfoiré.Etj’aicommencéàfoirerbienavantça.J’aifoiréenapprenantl’existenceEthanetj’aimêmefoiréavecKristen!Est-cequejedevaisprendreçapourdesexcuses?Jeprisdesmouchoirsdansmatabledenuitetmemouchai.—Çanemeplaîtpastellementquetusoissurmonlit,luifis-jeobserver,lenezencorebouché.—Qu’est-cequis’estpasséavecEthan?demanda-t-il.—Je…jeneseraispaslàpoursarentréescolaire.Ilmeregarda.Ensouriant.Mevoirdanscetétat,levisageboursouflédelarmes,l’amusait!C’étaitlecomble.J’auraismisésur

lacompassion,voirelapitié,maispassurladérision!Jefronçailessourcils,agacéeparsonmanquedetact.—Ilyenaurad’autres.Çaenvautlapeine,Oceana.Nelâchepasmaintenant.Jeseraismêmeprêtà

parierunsouriredetapartavantdemainsoir.Pourquoiétait-ilsisûrdelui?—Maintenantquetuastaréponse,tupeuxpeut-êtrebougerdemonlit,attaquai-je.—Monlit,tuveuxdire,rétorqua-t-ilsurlemêmeton.J’enaimarredulitmédicalisé.Jen’avaisvraimentpasenviedejouerauchatetàlasouris.J’attrapaimonoreilleretmontéléphone.

J’allaisfeindredevouloirdormirailleurs.Peut-êtreaurait-ilpitiédemoi,alors?—Reste,implora-t-il.Ilestassezgrandpourqu’onselepartage.Non,jenepasseraispaslanuitaveclui.—Tusaistrèsbienquecetrucentrenousnenouslaisserapasdormirchacundenotrecôté.—Tiens?M.Trucestrevenu…Sesyeuxpétillèrentetunsourire ravageurnaquitsurses lèvres.Comment faisait-ilpourmefaire…

ça?Commentosait-ilêtresisexy?—Ilaeuunnouveaubébé,grimaçai-je.UnquatrièmeA,lepauvre.A-ni-mo-si-té!Rickgloussa.Jeluienvoyailecoussinenpleinvisage.Ilfitminedetomberàlarenversesouslechoc,

etjemelaissaialleràsourireàl’abridesonregard.Ilroulasurlecôté,tenditlebras,mesubtilisamontéléphoneetleposasurlatabledechevet.—Vienslà,Oceana,mesupplia-t-il.Faisonslapaix.Justepourcesoir.Paix?Justepourcesoir?—Pourquoi?Tuasvoulul’embrasseretellet’arepoussé?Sonsouriredisparut.—Jenesuisvraimentpasd’humeuràmeprendrelatêteavectoi.J’aimêmeenviededire:surtoutpas

avectoi.Enréalité,cesoir,ilavaitl’airtoutaussiaffectéquemoi.Ils’étaitpasséquelquechoseavecKristen.

Avait-ileusesréponses?

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Auplusprofonddemoi,jesavaisquecequ’ilmeproposaitn’étaitpasunesolution.Fairecommerienn’existait,nipasséni futur.Fairecommes’ilétait lederniermâleetmoi ladernière femmesurTerre.Maisuneautrevéritémesautaitauxyeux.Saseuleprésencemetiraitdupuitsnoiretprofonddanslequel,quelquesinstantsauparavant,jemedébattais.Jesoupirai.—Jem’enveuxpourEthanetjemedétestedetecéderaussifacilement.Jem’allongeaiàcôtédelui,lesmainssurmonventre,etfixaileplafondquiseteintaitd’orangésous

lesderniersrayonsdusoleil.—Moijem’enveuxpourKristenetjemedétestedenepaspouvoirfairepluspourtoi.Jemedéteste

aussidet’avoirfaitça,ajouta-t-il.Ileffleuradudoigtunemarquedemorsurejusteau-dessusdemaclaviculegauche.Jetressaillisàson

contact.—Jet’aifaitmal.Jesuisdésolé.Frénétiquement,jesecouailatêteetmordillail’intérieurdemajoue,larespirationcoupée.Moncœur

commençaitàs’affolerdansmapoitrine. J’avaisenviede luidirequesabaisebrutalenem’avaitpasdéplu,quejen’avaisplusmaletquejeluiavaisenpartiepardonné.Sabouchecaressamapeaulésée.Une,deux,troissecondes,peut-êtreplus.—Tu n’as pas le goût de vanille, s’indigna-t-il en se léchant les lèvres comme s’il ne voulait pas

perdreunemietted’undélicieuxrepas.—As-tudéjàmisdelacrèmesuruneplaie?leprovoquai-je.Ilgrimaça,comprenantmarépulsionàmetartinerlecorps!—Jeveuxrecommencer.—Qu’est-cequis’estpasséavecKristen?interrogeai-jepourdétournerlecoursdesespensées.Ildéposaunfugacebaisersurunedesmarquesquipersistaientdansmoncou,puisretirasonpolo,le

lançaàtraverslachambreetselaissatomberàcôtédemoi.—Jen’aipastellementenvied’enparler,siffla-t-il.Jemeredressaisuruncoudeetscrutaisonvisage.—Pasparcequejeneveuxpasteledire,maisparcequej’aidumalàcroirecequ’ellem’araconté,

reprit-ilpluscalmement.Ilsavaitoùlessecretsnousavaientmenés.Pasbesoindeluifaireundessin.—C’est insensé, continua-t-il, lesyeuxdans levague, comme s’il essayait de reconstituer la scène

danssatête.S’iln’yavaitpaseucettehistoiredepari,j’auraisembrassésajouepourdétendresonvisagetorturé.

Jedécidaidoncdemeblottircontrelui.Nousavionsdécidéd’unetrêve,aprèstout…Ilposasonbrassurmonépauletoutenplongeantsonnezdanslescheveux.Sesmusclesserelâchèrent.—Oceana,jeneveuxpasenparlerparcequejeneveuxpasquetumedétestes,toiaussi.—C’estsiaffreuxqueça?—Jetel’aidit,jemedéteste.Jeparcourusl’unedesescicatricesduboutdesongles.Sesabdominauxsecontractèrent.—J’aidumalàcroirequetupuissesêtreaussiignoblequecequ’ellet’alaisséentendre,murmurai-

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je.Ilrécupéramamainbaladeuseetlaportaàsabouche.Jesentisseslèvresseretrousser.Ilaimaitque

jetouchesescicatrices.Moiaussi,jelesaimais;sanselles,jenel’auraisjamaisconnu.—Tusaisquelatrêven’estquepourcettenuit,lemenaçai-je.Je repris ledessindesesentailles.Parfaiteset lisses,ellesavaientpris,ausoleil,une légère teinte

rosée.—Et toi,sais-tuquedemainsoir,enplusdem’offrirunsourireetunbaisersur la joue, tuvoudras

enterrerdéfinitivementlahachedeguerre?—Tuasunegosurdimensionné!m’indignai-je.—Non.Ça,c’estCarl,mefit-ilremarqueravecamertume.Aprèsnosdeuxrendez-vous,jen’étaispluscertainequecesoitvrai.J’avaisplusl’impressionqu’il

avaitérigéunénormemurautourdelui,pournepasselaisserapprocher,oupeut-êtrepournepasavoird’attache.—Tusais,jen’aipasvraimentfaitexprèsdetomber,l’autresoir.Jemesuisfaitprendreàmonpropre

piège!J’aivoulum’asseoirparterrepourtelefairecroire,saufquej’avaisréellementoubliédemettrelesfreins.Lefauteuilaglissé,ils’estdérobésousmonpoids,etjemesuisretrouvéparterre.J’eusunhaut-le-cœurenrevoyantl’expressionderépulsionsursonvisagequandjel’avaisapproché.—Tuavaissipeuconfianceenmoi?—Doisjeterappelerquetul’asembrassécesoir-là?—Jevoulaisseulementsavoirsij’étaisattiréeparluiousijevoulaisterendrejaloux.—Et?—Rien.—Tumens.Si je luidisaisque j’avaisaimé, ildeviendraitenragé.Si je luidisaisquec’étaitseulementpour le

rendrejaloux,j’étaiscertainequ’ilrépliqueraitparun«Pourquoias-turecommencé,alors?».Coincée,jemepenchaiverssonoreilleetmurmuraid’unevoixlangoureuse:—Carlembrassedélicieusementbien. Jen’osemêmepas imaginercequ’il saurait faireaveccette

bouche,ailleurs.—Oceana…—Etquediredesalangue…Ah!Rickavaitrenversélasituationdanstouslessensduterme;àprésent,ilm’écrasaitdetoutsonpoids.—Jecroisquejevaistelaissergagnerdemain!memenaça-t-il.Jeressentaischaquetensiondesoncorps,samainagrippéefermementàmonpoignet,sespectoraux

appuyéssurmonbuste,sonbicepstendusurmonbrasfin,lafureurdesonregardplantédanslemien.—Sachequelaseulechosequimeretientdeluicasserlagueule,cesontlestroiscentmilledollars,

alorsnejouepasavecmesnerfs.—Ilm’appellelavanilledeRick.Alorsjepensequetun’asaucunsouciàtefaireaveclui,Dracula.

Mêmesijelesuppliais,ilneferaitriend’autreavecmoi.Ilabientroppeurdetoietiltientbientropàvotreamitié.—Tutetrompes.Ilapeurdetoietiltientàtoi!Ettun’auraispasbesoindelesupplier…

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—Tais-toi,Rick,mehâtai-jededireenposantmonindexsursabouche.—Tusaiscequeçaveutdire,chuchota-t-ilavecmalice.Ilallaitm’embrasser!—Jecroyaisquenousdevionsseulementdormir…—Exact.Maiscommetoutepersonnebienélevée,jevaistesouhaiterunebonnenuit.

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Chapitre27

Surprise

Rick n’avait toujours pas gagné son pari. Il était un peu plus de 19 heures, je tenais le bon bout.Pourtant,sonsourires’élargissaitàmesurequel’heureapprochait.Cen’étaitpasnormal.Je ne lui avais presque pas adressé la parole de la journée : la trêve était finie. Lui, en revanche,

m’avait cherchée toute la journée.Ouplutôt avait cherchéàm’énerver, àme faire craquer, àme fairerougir,àmefairerire.Il y était presque arrivé au supermarché. Il s’était précipité dans la galerie marchande, prétextant

vouloirrenouvelersagarde-robe.Puisilm’avaitrejointeàlasortiedescaissesavecunvigile.Feignantdenepasmeconnaître,ilavaitfaitcroireàl’énormebarracudaencostardqu’ilm’avaitsurprisedansunrayon,entraindefourrerunsoutien-gorgedansmonsacàmain.J’avaisdûsuivrelevigilejusqu’aupostedesurveillancedelagaleriemarchandepourendéballerlecontenuetprouvermabonnefoi.L’hommes’étaitconfonduenexcuses.Parvengeance,j’avaisenvisagéd’avancermonrendez-vousavecCarlàcesoir.Maisfinalement, je

m’étaisrésignée.Monsilencesemblaitletroubleretl’intriguer.—Commentfais-tu?medemandaRickenenfournantladernièrecuilleréedesasaladedefruitsdans

sabouche.Pourmeretenirdet’étrangler?Pasbiencompliqué.Jefixaissoncoubronzéetjemedisaisquejepréféraisynicherleboutdemon

nezplutôtquedel’entourerdemesmains–detoutemanière,jeneréussiraisjamaisàenfaireletour.—Oceana,jet’ensupplie,parle-moi.Pourt’insulter?Jehaussailesépaules.Non.Jepréféraisafficherunsourireencoinpourlefrustrer.Heureusement, dans quelques heures, le pari prendrait fin. Je n’aimais plus ce jeu du chat et de la

souris.J’avaisenviedelefrôler,demejeterdanssesbrasetdeplongertêtelapremièredanslebleuocéandesesyeux.—C’estridicule.Tum’aspardonnépourcequejet’aifait,jelesais.Ah bon ? Il m’avait fallu porter un foulard en plein été pour camoufler les marques de mon cou,

succomberàlachaleurétouffanteduclimattropical,menoyerdansmatranspirationetprendremonmalenpatiencependantpresquetroisheuresdanslesupermarché.Ah!C’étaitcertain,jeluiavaispardonné!—Tuaseudesnouvellesd’Ethan?Jeme retournai vivement vers lui, la bouche pincée.Mamèrem’avait envoyé unmessage, tard la

veilleausoir,pourmecertifierqu’Ethanallaitbien,quel’orageétaitpasséetqu’ellem’appellerait lelendemain.Illesavaitdéjàpuisqu’ilm’avaitlului-mêmelemessagedansmonlit.—Jevaisprendreunedouche,l’informai-jed’unevoixneutre.—Ah!s’exclama-t-il,lesyeuxpétillants.

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—Seule,précisai-je.Curieusement,jenelusaucunedéceptionsursestraits.Jelavairapidementlavaisselle,toutenmeretenantdeluidemanderdemerejoindre,finalement.—Jeseraidansmonbureau,annonça-t-ilenprenantladirectionducouloir.J’étaiscertainequ’ilmanigançaitquelquechose.Je fonçai à la douche, presque pour le fun. Il fallait que je lui fasse perdre sesmoyens, que je le

déstabilise.Etj’avaismapetiteidéesurlamanièredontjedevaism’yprendre.Enpetiteculotte,jemefaufilaijusqu’àsapenderieetenrécupéraideuxaccessoiresindispensables.La

chemise blanche et la cravate. Sa chemise blanche et sa cravate… celle de la soubrette et de notrepremièrefois.Jetendisl’oreille:sonriremeparvint.Curieuse,jeprislecouloiretm’arrêtaidevantlaportedubureau.—Oui.Elleestsortiedeladouche.Avecquiparlait-il?Lasonneriedemontéléphonemefitsursauter.Dansunsprint,jerejoignismachambrepourrépondre.Maman.J’étaispeut-êtrecurieuse,maisj’avaisdesprioritésdanslavie.Ouplutôtj’enavaisuneseule:Ethan.—Allô!répondis-je,essoufflée.—BonjourNana.Çava?Lavoixenjouéedemamèremefitcomprendrequetoutallaitbiendesoncôté.—Oui,maman.CommentvaEthan?—Trèsbien,net’inquiètepas.Ilsaitquetufaistoutçapourlui.Et,commetoi,ilabesoindecraquer.Saufquemoi,j’avaistrouvéunenouvellemanièred’évacuermonstress.Ricketlegrandpouvoirdu

truc.—Jeneluireprocherien,c’estplutôtmoiquiculpabilisedenepasêtrelà.J’évitaisoigneusementdefermerlesyeux,parpeurdevoirapparaîtrel’imaged’Ethanhabilléenpetit

écolier.—J’yserai,meréconforta-t-elle.J’aiposélamatinéeetjeprendraidesphotos.—Qu’est-cequevousavezfaitaujourd’hui?—Jel’aiemmenéàRockawayBeach.Surprise, je fronçai les sourcils. Ethan était peut-être un amoureux de la nature, mais s’il y avait

quelquechosequ’iln’aimaitpastrop,c’étaitlaplageetlesbaignadesdansl’océan.—Ilaaimé?Non.Nemedisrien.Passe-le-moi,jeveuxqu’ilmeraconte…—Nequittepas,dit-elleavecunlégergloussement.—Maman!—Coucou,petitcœur,dis-jetendrement.—Coucou,maman.Çan’étaitpascommed’habitude.Commes’ilétaitoccupéàfaireautrechose,etqu’iln’arrivaitpasà

seconcentrerenmêmetempssurmaconversationetsonactivité.Entempsnormal,ilracontaitsajournéeendétail.Là,ilsetaisait.

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—Qu’est-cequetufais?—Ça,c’estunesurprise.Maisqu’est-cequ’ilsavaienttousaveclessurprises!—Ahbon?J’entendisunfroissementdansletéléphone,commes’ilcouvraitlecombinédesamain,puisunevoix

masculineauloin.—Quiestàlamaison,Ethan?questionnai-je.—Mamieetmoi.Saréponsesonnaitcommeuneévidence.J’étaispourtantcertained’avoirentenduunhomme.—Turegardeslatélé?—Non,maman.Jet’aiditquejepréparaisunesurprise.—Ethan,passe-moimamie.—Rickmeditdetedirequ’ilfautquetulerejoignesdanssonbureau.—Rick?Je…Quoi?—Ilfautquetuaillesdanssonbureau,répétaEthan,amusé.Rick.Bureau.Çan’avaitpasdesens.CommentEthanpouvait-ilsavoirquiétaitRick–etsurtoutqu’il

étaitdanssonbureau?!Jemeprécipitaidanslecouloir.—Maman?Tuestoujourslà?Jetournailapoignéeetpénétraidanslebureau.Rickpassalatêtesurlecôtédesonécrand’ordinateuretsonsourires’agranditquandilm’aperçut.

J’avaisl’impressiondelerevoirlorsdesespremierspasdanslapiscine.Levisageilluminéparlajoie.—Elleestlà,dit-ilenfixantl’écran.—Àquiparles-tu?demandai-jedansunmurmure.—Jetelaisselesoindevenirledécouvrirpartoi-même.Ilreculasonfauteuildubureaupourmelaisserlaplacedevantlebureau.—Elleestoù?Jenelavoispas!J’aurais pu reconnaître parmi des milliers d’autres la petite voix qui sortait des enceintes de

l’ordinateur.Ilétaitlà.Mesyeuxseremplirentdelarmessirapidementquemavisiondevinttrouble.Mesjambessemirentà

flageoler.Sanscomprendrenicommentnipourquoi,jemeretrouvaisurlesgenouxdeRick.—Maman!hurlaEthan.Ilétaitlà,lesjouesrougies,unsourireauxlèvresetlesyeuxétincelants.Duboutdudoigt,jetouchail’écranetdessinailecontourdesonvisage.Ilétaitlà.Unmoisquejene

l’avaispasvusourire,crier,sauter,s’animer!Commentétait-cepossible?Oùmamèreavait-elletrouvécetordinateur?—Rick?Qu’est-cequ’ellea,maman?demanda-t-ilenfronçantlessourcils.Rickseraclalagorge.

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—Elleestsurprise.Çaamarché,bonhomme.Jefrissonnaisurlebonhomme.—Moi,quandonmefaitunesurprise,jesautecommeunkangourou,répondit-il.Oui.Ilavaitraison.Etilnem’avaitjamaisvueperdremesmoyens.Leventrevibrantdepapillons,le

cœursoudainaussilégerqu’uneplume,j’affirmaid’unevoixéraillée:—Jevaisbien,montrésor.J’aijustedumalàcroirequetusoislà.Unsouriremalicieuxnaquitsurseslèvres.Jefondiscommeneigeausoleil.—Tusaisqueljouronest?Jesecouailatête.JevislamaindeRickpousserunpetitgâteauauchocolatsurlebureau;mamèreapparutalorsavec

unautregâteausurmontéd’unebougie.—Qu’est-ce…Je…balbutiai-je.Merde.Le3septembre.C’étaitmonanniversaire!—Joyeuxanniversaire!crièrentmamèreetEthansifortqu’ilsfirentgrésillerlesenceintes.—Tuescontente,maman?s’enquitEthan.Contente?C’étaitbienmieux!Bienplusquelacaressed’undouxsoleilauprintemps.Bienplusqu’un

baume à lèvres sur une bouche gercée. Bien plus qu’une dose d’antalgiques contre unmal de crâne.C’étaitl’euphorie,lebien-êtreabsolu.—Jecroisquec’estlaplusbellesurprisedetoutemavie!Merci.—Faissemblantdesouffler,maman,jet’aide,s’excitaEthan.—D’abordunvœu,montrésor!Jefermailesyeuxquelquessecondes,feignantdetrouverquelquechoseàsouhaiter.Monchoixétait

vitefait.Soncœur.Jehochailatêtepourl’avertirquej’étaisprêteetm’approchaidel’écran.Aumomentoùjemimaisuneboucheencœur,Ethansoufflamabougie.—Désolé.Jen’avaispasdebougie,murmuraRickdansmondos.Jejetaiuncoupd’œildansl’angledel’écran,làoùunepetitefenêtrereflétaitcequeEthanetmamère

voyaientdenous.Lebureaudissimulaitmoncorpsàpartirdemapoitrine.J’étaispresquesoulagéedesavoirquemamèreneverraitpasmesjambesnues.J’attrapaiunedesmainsdeRicket laposaisurmonventre.Cetécrand’ordinateurvalait toutes les

bougiesd’anniversaire.Ilméritaitamplementsonbisousurlajoue.Aprèscetteconversationvidéo…—Raconte-moiRockawayBeach!m’exclamai-je.—J’aivudessurfeurs!Jevoudraisessayer,moiaussi,commeRick.Commentça,commeRick?—C’étaitcommetum’avaisraconté,dit-ilàRick.Jemedemandecommentilsfontpourtenirsurla

plancheautantdetemps.(Ilregardaverslacuisine.)J’aiessayésousladouchesurundesplateauxdecuisinedemamie,j’aifaillitomber,chuchota-t-il.J’imaginailescheveuxd’Ethanrougisdesang,satêteheurtantlecarrelagedelasalledebains.—Ilnefautpasfaireçasansunegrandepersonne,Ethan,lesermonnaRickendissimulantunrire.Je repoussaimon envie d’en savoir un peu plus sur ce queRick lui avait raconté et surtout à quel

momentill’avaitfait,etluipromis:

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—JeterapporteraiunevraieplanchedeMiamietonaviseral’annéeprochaine.Maispromets-moideneplusrecommencersousladouche,Ethan.—D’accord,dit-ilenhaussantlesépaules.Mamèredéposaunepartdegâteaudevantlui.—Est-cequec’estlamême?demanda-t-ilavantdedégustersapremièrebouchée.—Lamême?Ilavalarapidement,etseslèvrescouvertesdechocolats’agitèrent:—L’eau.Est-cequ’elleestpareillequ’àNewYork?—Je…jen’ensaisrien,trésor,jen’aipaseul’occasiond’yaller.JesentislesdoigtsdeRicksecrispersurmonventre.Jemerappelaiscequ’ilavaitdit:s’ilpouvaitle

faire,ilm’emmèneraitvoiruncoucherdesoleilàMiamiBeachounagerdansl’océanaveclesdauphins.Jevoulaismoiaussilefaireaveclui.Jeserraisesdoigtspourlerassurer.—Maisjesupposequeçadoitêtrelamême,repris-je.—Elleestpluschaudeici,complétaRick.Ethansouritavantd’avalerunenouvellebouchée.—Laseulechosequejen’aimepasàlaplage,c’estlesable.Ilcollepartoutsurlacrème!Sagrimacemefitsourire.—Oui,maislacrèmec’estimportant,çaévited’avoirdescoupsdesoleil.N’est-cepas,Oceana?dit

Rick.Ilneperdaitrienpourattendre.—Tuenmets,toi?demandaEthanàRick.—Pastoujours.—Pourquoi?—Jen’ypensepas.—Pourquoi?—Je…euh…balbutiaRick.Ah!Jemeretinsdeglousserenlevoyantperdrecontenancedevantunenfantdecinqans.—Ethan!grondamamère.—Lesadultesnefontpastoujoursleschosescommeillefaut,montrésor,commentai-je,perfide.Aprèsavoirparléunedemi-heuredesalligatorsdeFloride,desouragansetde laguérisondeRick,

vintlemomentdesecoucher.—Vouspourrezvousappelertouslessoirs,lerassuraRick.Jetel’aidit,Ethan,l’ordinateurestàtoi.L’idéenemeplaisaitguère.—Jeteremercie,mais…—J’aidit«àEthan»,Oceana,mecoupaRick.Mamèreseretenaitderire,jelevoyais.Enquoilasituationétait-ellerisible?—Àdemain,trésor.Jet’aime.Faisdebeauxrêves.—Moiaussijet’aime,maman.Àdemain,Rick!

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Il m’envoya un bisou soufflé, que je rattrapai en vol pour le coller sur ma bouche et le renvoyeraussitôt.L’écrandevintnoir.Jedusprendreunegrande inspirationpourme retenirdepleurer. J’allais le revoir le lendemain.Et

touslessoirs,jusqu’àmonretouràlamaison.—Joyeuxanniversaire,Vanille,soufflaRickdansmondos.Jem’affaissaicontrelui.Ilm’entouradesesbraspourmeréconforter.Ildevaitsedouterquej’avais

l’impressiond’êtretombéedemonpetitnuage.—Enquelhonneur,cettetenue?demanda-t-ilenfaisantglisserundoigtsurunedemescuisses.—D’abordmesquestions.—Jet’écoute.Jemeretournaipourmeplaceràcalifourchonsurlui.—Comment as-tu fait ? Jeveuxdire, nous sommes tout le temps ensemble.Tunem’aspasquittée

d’unesemelledepuistroisjours.—Pastoutletemps,Oceana.Lundi,jesuissortiseul,tuterappelles?C’estàcemoment-làquej’ai

commandél’ordinateuretquejel’aifaitlivrer.Etmercredisoir,j’aitestélalignependantquetuétaissousladouche.Etjeudiaussi.—Etlegâteau?Ilsoupira,ouvritletiroirdesonbureauetensortitunpaquet.— J’ai demandé à Carl de le livrer pendant que nous étions au centre commercial cet après-midi.

Tiens,ilalaisséçapourtoi.Jegrimaçaienremarquantsessourcilsfroncés.Lepaquetcontenaitunlivrederecettes.Cocktailssans

alcool.Jememordis la jouepourmeretenirderire,maisungloussements’échappanéanmoinsdemagorge.PuisjereposailelivresurlebureauderrièremoietmejetaiaucoudeRickpourembrassersajoue.Sousmeslèvres,jelesentissourire.Ilavaitgagné.—Toncadeauvautbienmieuxqu’unlivresurlescocktails,murmurai-jeàsonoreille.—Maisçan’étaitpasmoncadeau.J’aibienmieux.Enfin,jecrois.Ouplutôt,j’espère.Ilouvritunenouvellefoisletiroirdesonbureauetensortituneenveloppe.—Neteméprendspas,ilnes’agitpasdestroiscentmilledollars.Ilmetenditl’enveloppe.Lecœurbattantlachamade,labouchesèche,jelapris.Qu’est-cequipouvait

êtremieuxquedevoirmonfilslejourdemonanniversaireettouslesautressoirs?Lesdoigtstremblants,jel’ouvris.Desbilletsd’avion.—Çan’estqu’unesemaine,Oceana,maisjemesuisditqu’Ethanavaitbesoindesamamanpoursa

première…Je ne lui laissai pas le temps d’en dire plus etme précipitai sur sa bouche.Mes larmes coulaient.

J’étais tellement excitée que j’aurais voulu hurler aumonde entier que personne ne pouvait être plusheureusequemoi!—Merci.Merci.Merci.Merci,dis-jecontresabouche,enl’embrassant,enleserrantdetoutesmes

forcescontremoi.

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J’avaisl’impressionqu’onm’avaitsoulagéed’unpoignardrestétroplongtempsplantédansmoncœur.Commesiçafaisaitdessemainesquejeportaisunlourdfardeau.—Jecroisquej’aigagné,murmura-t-ilsousmesbaisers.Jerevinsàmoietmeredressai.—Hum,dis-jeenhochantlatête.Toutcequetuveux.Ilpritmonvisageentresesmainsetlerapprochadusien.—Je(bisous)pars(bisous)avec(bisous)toi.Jeremisdel’ordredansmatête…Ilpartaitavecmoi.

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Chapitre28

Doutes

Je ne voulais pas me laisser envahir par le doute. J’allais assister à la première rentrée scolaired’Ethan,grâceàRick:iln’yavaitrienàdiredeplus.Jedéposaiunrapidebaisersursaboucheetmedégageaidesonétreinte.—Quelestleproblème,Oceana?Ilconnaissaitdéjàlaréponse.Ilallaitêtreleminusculeproblème.—Aucun.JeparsàNewYork,mentis-je.Quand, d’ailleurs ? J’ouvris l’enveloppe tout enmarquant une pause à l’entrée du bureau.Demain.

Demain!Monbonheurbalayamesappréhensions.Jeserrail’enveloppecontremapoitrineetfermailesyeux,apaisée.J’auraispufairelekangourou,commeEthan.—Oceana?Tamèreestaucourant,maispasEthan.Ilnousverraàsonréveil.Nous?Est-cequ’ilcomptaitdormirdansnotreridiculepetitappartementtouslessoirs?Finalementle

problèmedevenaitunpeuplusgros…—Est-cequetues…hum…encolère?Encolère?Pourquoivoulait-ilquejesoisencolère?Ilallaitmepermettred’assisteràlapremière

rentrée scolaire d’Ethan. Je le verrais pendant une semaine. Une semaine entière, où je pourraisl’emmeneretallerlechercheràl’école.Sixsoirsàluichantersaberceuse,àluiliredeshistoiresetàleborder.Sixnuitsoùj’auraisàloisirletempsdel’admirer,dormantetsouriantdanssesrêves.Sixmatinsàmeréveilleravecladoucemélodiedesavoixangélique.Moncœurs’emballa,et jeflottaisurlecarrelage, telleunebulledesavondanslesairs, jusqu’àma

chambre.—Oceana…Ricksemblaittourmenté.Pourquoi?Non,jevoulaislaissertouteslesquestionsensuspens,neplusy

penser.Jevoulaisqu’ilcomprennel’étatdanslequelilmemettait.J’étaisheureuseetjevoulaislerester.Jedéposailesbilletssursatabledechevetetmeretournai.Rickavaitl’airméfiant,incertain.Comme

s’ilpensaitquej’allaisexploserd’uneminuteàl’autre.D’unsourire,jetentaidelerassurer.Jevoulaisluidireàquelpointj’aimaiscequ’ilfaisaitpourmoi,

mais lesmots restaient coincés dansma gorge. J’avais si peur qu’ils se transforment en un simpleJet’aime.—Revienssurmesgenoux,mesupplia-t-il.Jesecouailatête.—Jeveuxjustetesentircontremoi…Moiaussi.Maispassursonfauteuil.Jevoulaisplusquedesimplesbaisersetdesimplescaresses.—Jen’aipasfaittoutçapourm’excuser,Oceana.J’avaistoutpréparébienavant.

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Avant cette nuit marquante et tumultueuse. Il aurait pu tout annuler et se contenter de l’écrand’ordinateur,aprèsmasoiréeavecCarl.Maisilm’avaittoutdemêmeoffertunmerveilleuxséjouràNewYork.Etc’étaitseulementpourçaquejenepouvaispasluireprocherdeveniravecmoi.—Jesais.Jenet’enveuxplus.Depuislongtemps,d’ailleurs.Jeveux…Jevoulaismettremesdoutesetlessiensdecôté.Jevoulaisleserrercontremoietluidireàquelpoint

jel’aimais.Etjevoulaisluirappelerqu’ilyavaitEthan.Jevoulaisqu’ilflotteavecmoidanscettebulleetqu’ilpartagemajoie.Ils’approchademoietpritmamain.—Est-cequetuasencoremalàtesjambes?demandai-je.—Pourquoi?—J’aifollementenvied’unbaindeminuit.Avectoi.Mêmes’iln’estpasminuit.Unsourirenaquitsurseslèvres,etsesyeuxdescendirentsurmoncorpsavecindécence.—Jenesuisplusindisposée,Monsieur-qui-rougis-aux-trucs-de-filles.—Iln’étaitpasquestiondeça.Jemedisaisjusteque…(Ilplissalesyeux.)Non.Aveupouraveu.—D’accord.J’ouvrislabaievitréeetmelaissaitransporterjusqu’auborddelapiscine.Lejardinétaitplongédansl’obscurité.Commepourmonpremiersoiràlavilla,seulelalumièrede

machambrefiltraitsurlaterrasse.Jefermailesyeuxl’espaced’uninstantpourmelaisserenroberparlabrisechaudedel’ététropical.J’entendis, derrière moi, un bruit que je connaissais bien. Rick avait délaissé le fauteuil pour les

béquilles.Ils’approchademoietsoufflasurmanuque.—Onaditaveupouraveu…Ilétaitsigrand,sirobuste,siimposant…J’aimaiscettesensation.Mesavoirensécuritéetdominée.

Croirequequelqu’und’autrepouvaitprendrelesdécisionsàmaplace.Pasn’importequi:justelui.—Après,Rick,promis-je.Dosàlui,j’entreprisdedéfairelepremierboutondemachemise,maissamainmeretint.Sabéquille

tombaavecfracasdansl’eau.—Gardemachemise,murmura-t-il.Savoixavaitpriscetteintonationgraveetrauquequimefaisaitvibrer.Sonautrebéquillerejoignitla

première,etsesdoigtssoulevèrentmescheveux.Jedusprendreunelongueinspirationpournepasgémiraufrôlementdeseslèvresdansmoncou.Lespapillonsdansmonventrevolaient.Saboucheetsalanguevoguaientprèsdemonoreille.—Baindeminuit,réussis-jeàdireavantdeluiéchapperetdesauterdanslapiscine.L’eau était encore chaude du soleil de la journée. Je fis quelques brasses et remontai à la surface,

essoufflée.Rickn’avaitpasbougé.Ilsecontentaitdemeregarder.J’attrapaisacravatequej’avaiscoincéedansmaculotteetlaluitendis.—Est-cequejedoisgarderçaaussi?demandai-je,l’airderien.Ses sourcils se relevèrent, puis il retira son T-shirt et s’élança tête la première dans la piscine,

provoquantunpuissantremous.

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C’étaitsanouvelletechnique.Iln’avaitplusbesoindulève-maladeetpouvaitsortirdelapiscineens’aidantdesesbéquilles.J’entendis le clapotis de l’eau contre le carrelagede la piscine, je la sentis onduler autourdemoi,

perler sur mon visage, et ma bouche s’assécha de le savoir quelque part, immergé, à l’abri de mesregards.L’excitationnaissaitenmoi.J’étaisuneproieattendantd’êtredévorée.Soudain,sesmainsfirentpressionsurmesflancset,alorsquesatêteémergeaitdel’eau,ilm’attiraà

lui.Instinctivement,j’enroulaimesjambesautourdeseshanchesetmesbrasautourdesoncou,serrantentremesdoigts sacravate.Sesyeuxplongèrentdans lesmienset ravivèrentune intensechaleurdansmonventre.Jem’emparaiavecdélicatessedesabouche,absorbantsonsouffleardentetrapide,commes’ils’agissaitdumeilleurgâteauauchocolatquejepuissedéguster.Jenevoulaisrienenperdre,aucunesaveur,aucunarôme.—Aveupouraveu,dis-jeenfin.Ilhochalatête.—J’aipeurdecequ’ilvasepasseràNewYork.Ilmedévisagea.Oui. Ildevinait.Oùallait-ildormir?Est-ceque j’allaispouvoirmepasserdeses

caresses et de ses baisers alors qu’il se trouverait à quelques mètres de moi ? Et surtout, Ethancomprendrait-ilqu’ilyavaitce trucentrenous?Qu’enpenserait-il?Etsi riennefonctionnait?EtsiRickserendaitcomptedecequesignifiaitréellementavoirunenfant?S’ilpartait?—Moiaussi,avoua-t-il.N’ypensepasdecettefaçon.Sabouche s’empara à son tour de lamienne.Avec autant de douceur.Comme si, pour lui aussi, je

devenaislachoselaplusimportanteàpréserversurTerre.Jesentislecarrelagefroidcontremondos.Lepoidsdesontorsesurmapoitrine.—Àtoi.Àquoipensais-tu,toutàl’heure?Jevoulaisunsursis.Jevoulaismerappeleràlaraison.—Jepensaisquej’avaisenviedetoi.—Avais?fis-jeminedem’offusquer.—Maintenant,c’estplutôtterriblementenviedetoi.Jememordisl’intérieurdelabouchepourm’empêcherdeluidireque…moiaussi.Quejeledésirais

tellementfortqueçaendevenaitpresquedouloureux.—Etjenesuismêmeplussûrdevouloirtevoiraveccettechemise,reprit-il.Sesmainss’évadèrentsousletissu,remontantmesreinsduboutdesesdoigts,avectantd’application

quej’enimaginailetracé.—Etmoi,jecroisquejevaislagarderdanscettepiscine.Jegardetachemiseetmaculotte,ettoiton

shortdebain.J’avaispeut-êtreenviedelui,maisjen’étaispasstupide.—Putaindepréservatifs,lâcha-t-il.Jehochailatête,ilavaitcompris.—C’estnotreseulmoyendecontraception,insistai-je.Jenevoulaispas revivreça. Jenevoulaispasme retrouverunenouvelle foisenceinte,mêmesi la

situationpouvait être différente avec lui. Je ne prendrais pas le risquede le voir partir, ni de le voirresterparobligation.

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—Demain,jemerendraidanslapremièrepharmacieouverte,jeleurachèteraiuneboîtedepilulesetj’enmettraiunedanstoncafétouslesmatins.—L’idéemeplaîtbien.Jem’enoccuperaimoi-mêmeenrentrantàNewYork.Qu’est-cequejevenaisdedire?!C’étaitunpeucommesijeluipromettaisdevoirplusloinqueces

quelquessemainesquinousrestaient…—Dequoias-tupeur?—Jesuistellementheureusedetoutcequetuviensdemefairevivrequejeneveuxpastoutgâcheren

parlantdemespeursmaintenant.S’ilteplaît.Iltournalatêteverslachambre.Jedevinail’idéequinaissaitenlui.—N’ypensemêmepas,l’avertis-jed’untonautoritaire.—J’aimeraistantpouvoirteporterjusqu’aulit.—Tufaisdéjàtellementplus,Rick.Etjetepariequetuserasdansmachambreavantmoi.J’aideux

outroistrucsàrécupéreravantdeterejoindre.Jem’agrippaifermementàsoncouetretinsmarespirationpourmelaisserentraînersousl’eauavec

lui.Entredeuxbulles,jeluidonnaiunrapidebaiseretlelâchaipoursortirdelapiscine.Enentrantdanslamaison,dégoulinante,jepriaiintérieurementpourqu’ilneglissepassurlesflaques

quej’avaislaisséessurlecarrelage.Monparin’étaitpasraisonnable.Qu’est-cequil’étaitdanstoutça?Iln’étaitpasraisonnabledecoucheraveclui.Iln’étaitpasraisonnabledepartiràNewYorkaveclui.Iln’étaitpas raisonnablede laisserEthan l’apprécier,nideme torturerenrefoulantmessentimentspourlui.C’était peut-être ça,monproblème. Jevoulais êtredéraisonnée, làoù jem’efforçaishabituellement

d’être lamaman et l’infirmière idéale.Mais àNewYork, je redeviendraismoi-même : je ne voulaisprendreaucunrisquepourEthanet j’avaispeurqueRickbouleversetoutesmesrègles.Unpeucommes’ildevenaitunenouvelleinconnueàmonéquationparfaite.Jemedébarrassaidelachemisetrempéedanslasalledebainsetm’emmitouflaidansmonpeignoir

blanc.J’ensortisunautreetlelaissaisurmonlitpourRick,puisj’allaichercherunepetitecuillèredanslacuisine,récupérailegâteauauchocolatdanslebureauetterminaiparlaboîtedepréservatifsdanssatabledechevet.Ellerejoignitlapetitecuillèredansmapoche.—Jen’aipastrèsenviedegoûteraugâteauauchocolatdeCarl,annonça-t-ilenmevoyantentrerdans

lachambre.Ilavaitabandonnésonshortprèsdesachemisesurlesol.Assis,ledosappuyécontrelatêtedelit,

vêtuluiaussidesonpeignoirdebain,ilavaitretrouvésaplacedelaveille.Lalumièredemalampedechevetsereflétaitsursescheveuxtrempés,dontledésordremedonnaitenviedelesdiscipliner.—C’esttoiquiluiascommandécegâteau?interrogeai-je.—Jesaisquetuaimeslechocolat,soupira-t-ilcommes’ilcomprenaitmonmanège.—Alorsons’enfoutdesavoirsic’estCarlouquelqu’und’autrequil’aapporté.Enfin,ons’enfout

tantquejenem’étouffepasavecunebaguedefiançaillesglisséeàl’intérieur.—N’importequoi!Jem’installai à califourchon sur lui et récupérai la petite cuillère dansmapoche. Il empoignames

fesses pour me rapprocher et laissa ses mains posées sur elles. J’allais devoir une nouvelle fois lenourrir,etl’idéedelefairem’excitait.Je glissai la cuillère dans le carré de chocolat et la portai à ses lèvres.Les yeux plongés dans les

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miens,ilgobalemorceaudegâteau.Jedéglutistantl’imagedeseslèvressurlecouvertmefitsaliverd’envie.—Redis-le.—N’importequoi?—Non.Cequetum’asditdanslapiscine.Ilréfléchit.—Putaindepréservatifs?Jesecouailatête,puisprisuneàmontourunebouchéedegâteau.Troischocolats.Ilnes’agissaitpas

degénoise,maisdemousse.Excellentet tellement légerenbouchequejenemecontenteraissûrementpasd’uneseulebouchée!—Avantça,précisai-jeenavançantlacuillèreverssaboche.Ilfeinta:—Moiaussi,j’aipeur.Jem’octroyaid’autoritélabouchéesuivante.—Arrête,defairel’idiot,Rick.Ilôtasesmainsdemesfessesetmesubtilisalacuillèreetlegâteau.—J’avaisterriblementenviedetoi,menargua-t-il.Piquée,jecroisailesbrassurmapoitrine.—Avais?Ilpritunairrêveur,léchagoulûmentlacuillère,puisannonça:—Disonsquecegâteauauchocolatserévèledélicieusementbon…Laphrasedetrop.Jem’emparaidelacuillèreetdel’assietteetlesposaisurlatabledechevet.—Puni.Plusdegâteau.Ilmepritdanssesbrasetbasculasurmoi.Sacuisses’inséraentrelesmiennes.—Etquecomptes-tufairemaintenant,O-ce-a-na?articula-t-il.—Jeseraistentéed’allerdormirdansunedeschambresd’ami,réussis-jeàdire.Etjenemanquerai

pasdefermerlaporteàclefpourt’empêcherdem’yrejoindre!Sesyeuxbleussemirentàmedétailleraveclenteur,commes’ilvoulaitgarderenmémoirecequ’ils

voyaient.—Çavaêtrecompliqué,murmura-t-il.Samaineffleuramahanche.Jenepusm’empêcherdegémir.Saboucheaspiralamienne.Sesdoigts

remontèrentsurmonventre.—Defairecommes’iln’yavaitpascetrucentrenous,reprit-il.SescaressesmefaisaientpresqueoubliersespenséespourNewYork.Presque.Sesdentsagrippèrent

malèvreinférieure.Sansbrutalité.—Defairecommesijen’avaisjamaistouchécettebouche…Sesdoigtsdéfirentlaceinturedemonpeignoir;sesbaisersbrûlantsethumidesparcoururentmoncou

jusqu’àmapoitrine,dontlespointessedurcirent.—Defairecommesijenet’avaisjamaisvuedanscetétat.

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Instinctivement, j’appuyai ma cuisse sur son membre. Il tressauta à mon contact. Mes jambess’enroulèrentautourdelui.Mesmainssecrispèrentdanssescheveux.Jetiraidessus.Rickrapprochasonbassindumien.Jepassaimesmainssoussonpeignoiretleluiôtai.Ilseredressasursesgenouxetmecontempla.Monsexe,exposéàsavue,mebrûlait.Jemedébarrassaiàmontourdemonpeignoir.—Defairecommesijen’aimaispastevoircommeça…Je l’attrapai par la nuque pour l’attirer contre moi. Il retomba sur ses bras tendus. Nos lèvres se

mêlèrent, se délectèrent dugoût de chocolat qu’elles trouvaient dans la bouchede l’autre.Unede sesmainss’introduitentremesjambes.Sonpoucetouchamonclitoris.—Defairecommesijenesavaispasàquelpointtupouvaisêtretrempéeici…Sontonrauquem’incendiaalorsqu’undesesdoigtsmepénétraitlentement.Troplentement.Pasassez

loin.Jepoussaisursamainpourleluifairecomprendre.Unva-et-vientplusappliquémefittremblertantil était parfait.Parfait.Son autremain attrapamon sein.Sa langue joua avecmon téton.Ses lèvres lepincèrent.Lachaleurmontaitenmoi.—Defairecommesijenesavaispastedonnerdeplaisir…Jelaissaidecôtémesappréhensions.Seulavaitdel’importancel’instantprésent.Lebruitrauquede

nosrespirations,l’oreillermouilléderrièrematête,seslèvrespassionnéessurmesseins,l’airfraisdelaclimatisationsurmescuisses,sesdoigtspénétrantmonvagin.—Depasseroutrelefaitquej’aimetevoirjouir…Mesonglesseplantèrentdanssoncou.Ilengarderaitdesmarques.Jem’enfoutais.Rienn’étaitplus

importantquelachaleurquiirradiaitdemonvagin.L’explosionm’arrachadesgémissementsinhumains.C’étaitsibon.Sibon.Jejouisintensément.Lecerveauembrumé,lestempesbattantes,j’entendislebruitmétalliquedelapochettedespréservatifs

qui se déchirait. Il se redressa au-dessus demoi et saisit son pénis d’unemain pour l’enfiler. Jemedemandaiencoreunefoiscommentilpouvaitentrerenmoi.Maseulecertitude:jelevoulaisenmoi.D’unemain, il guida sonmembre jusqu’àmon antre. Je frémis en le sentant si près et passai mes

jambesautourdesonbassin.Lentement,délicatement,ilmepénétra.Jemecontractaiautourdelui,restedemonprécédentorgasme,alorsqu’unsongutturalsortaitdesabouche.Sesmainss’accrochèrentfermementàmeshanches,etsonbassins’agita.J’étaiscertainedepouvoir

grimper jusqu’au plafond tant la sensation de son membre en moi était puissante. Alors que je mecambraispourl’accueillirplusloin,ils’immobilisaetfermalesyeuxuninstant.—Doucement,Vanille.Jeveuxyallerdoucement.Çaneserapascommeladernièrefois,OK?Contre toute attente, je fis non de ma tête. Je voulais qu’il soit doux et brutal à la fois. J’aimais

l’animositédesescaressesetladouceurdesesdentssurmapeau.—Çan’estpasunedemande,Vanille.J’aitellementenviedetoiquetumeferaisdéraillerenmoinsde

tempsqu’ilnelefaudrait.Savoirquej’avaisdupouvoirsurluidécuplamondésir.Jelerendaisivreetfoudemoi.Jeluifaisais

perdrelecontrôle.Sesmouvementsvoluptueuxreprirent.Sesmainssefirentpluspressantessurmesseinsetmeshanches.

Saboucheplusavide.Maisjevoulaisplus.Toujoursplus.—Qu’est-cequetuveux,Oceana?Jememordislalèvreinférieure.—Tuveuxquejetemorde?haleta-t-il.

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Jehochailatêtelentement.—Jeneveuxpastefairemal…La lumière de la lampe de chevet luisait sur son torse imposant, dessinant chacun de ses muscles

bandés.—Pasmal,maisvivre,susurrai-je.Ses dentsmeurtrirentmon téton. Ravivant une douleur que la succion de ses lèvres effaça presque

immédiatement.Jegémis,entresesbras,soussescoupsdebassin,plusfortsetplusprofonds.Jebrûlais.—Encoreplus,murmurai-jesansbienenavoirconscience.Jevoulaisledévorer,l’engloutir.Jevoulaislesentiretnepasl’oublierpendantunesemaine.Ilpassa

mesjambessursesépaules.J’étaissavanille. Ildéposaunbaisersurmacuissepuismepénétraavechargne.Jem’arc-boutaisouslechoctoutengémissant«encore».Ilanimameshanchesàlarencontredesonbassin.J’étaisenincandescence.J’explosaicontrelui,autourdelui,soussonregardfiévreux.—Bordel,Vanille,je…Saphraserestaensuspensaprèsunderniercoupsipuissantquejedusmemordrelalèvrepourme

retenirdehurler.Ilgémitpourmoi,laboucheouverteetlesdoigtsplantésdansmesfessesàm’enfairedesbleus,avantdes’écrouler surmes jambesde tout sonpoids.Épuiséetessoufflé, il se laissaallercontremoi.Jel’entouraidemesbrasavectendresse,jouaiavecsescheveuxemmêlés.Soncœurbattaitaussivitequelemien,sonsexepulsaitencoredansmonvagin.C’étaitdivin.—Çanevapasêtrecompliqué,dis-jed’unevoixrauque.Çavaêtreterriblementdifficile.Jeneveux

pasqu’Ethansachequoiquecesoit.—Jem’endoutais.Ilseredressaets’assitàcôtédemoi.—Jesuisdésolée,Rick.Jememisàgenouxetmecollaiàsondos.Iltournalatêteetmesouritavecunetelletendressequesi

j’avaisétéunebouledeglace(auchocolat),jeseraisredevenuecrème.—Nelesoispas,Vanille.Jenet’enveuxpas.(Ilretiralepréservatifetlenouaavantdelejetersur

sonshortàl’autreboutdelapièce.)J’aijustepeurquecettesemaineavecEthanchangeleschoses.—Qu’est-cequetuveux,toi?osai-jedemander.Jedégageaiduboutdudoigtunemèchedecheveuxcolléesursonfront.Sesyeuxplongèrentdansles

miens.—Jeteveux,toi.Au-delàdel’envoldepapillonsdansmonventre,l’angoissemeprit.—Malheureusement,noussommesunlot.Ethanetmoi.MoietEthan.Tulesais.Unenfant,çan’estni

reprisniéchangé.C’estpourlavie.Sesdoigtsvoyageaientlelongdemesjambes.—Oui,jelesais.Jenetereprochepasd’avoirEthan.J’aijustepeurdenepassavoirgérer.J’aijuste

peurdenepassavoiretdenepaspouvoir.Pouvoirfairecequejeveuxpourlui,avecluietpourtoi.Avectoi.Pournous.Nous…IlavaitditNous…—Laissonslasemainepasser,Dieudusexe,articulai-jeavecdifficulté.Sonrireemplitlachambre.

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— Tu préfères peut-être que je t’appelle Monsieur-qui-rougis-aux-trucs-de-filles ? le taquinai-je,soulagée.

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Chapitre29

Atterrissage

Dansunedemi-heure,jeseraischezmoi.Jen’avaispasfermél’œildetoutlevoletj’avaispassémontempsàregarder lesminutesdéfilersur lamontredeRick.Sibienqu’ilavaitfinipar la laissersur latablettedevantmoi.Bienenvue!Nous avions récupéré nos bagages et nous attendions devant l’aéroport qu’un certain Peter, ami de

Rick,viennenouschercher.—Nousaurionstrèsbienpuprendreuntaxi,remarquai-je.Rickm’offritunsourireenguisederéponse.—Carlaplutôtbienprislachosecetaprès-midi,autéléphone,ajoutai-jepourluidélierlalangue.Iln’avaitpasditunmotdepuisnotredépart,saufpourmelaisserentendrequ’iln’aimaitpasprendre

l’avion.Ilétaitàprésentsurlaterreferme,ilpouvaitparler!Àmoinsquemamèreleterroriseautantquel’avion?Ellen’étaitpasundragon.Loindelà!Àconditionqu’elleneremarquepaslesmarquessurmapoitrine…—Jeluidoisdeuxrendez-vouslasemaineprochaine,poursuivis-jeenfeignantderegarderlaroute.—C’estbiencequim’inquiète,murmura-t-il.Carlm’a laisséentendrequ’il t’embarqueraitpendant

deuxjours.Pasqu’ilviendraittechercherdeuxsoirsd’affilée!J’accusailecoup.DeuxjoursavecCarl.—Bizarrement,jenesuisplusleseulàavoirlaissémalangueàMiami,rétorqua-t-il.Bon,ilestlà.Quiça?Carl?Jefusrassuréedeconstaterqu’ils’agissaitseulementdePeter.—VousdevezêtreOceana,medit-ilenmetendantlamain.Ilouvritlecoffredesavoitureetchargealesbagages.Nousyétions.Jerentraischezmoi.Unebrise

fraîcheeffleuraitmonvisage.Nousn’étionsplusàMiami,maisbienàNewYork.Jeprisplaceàl’arrièreduvéhicule.C’étaitunevraievoituredeparents.Deslingettes,uneboîtede

mouchoirs en papier, des emballages de bonbons et desmiettes de biscuits sur la banquette, un siègeauto…—Jesuisdésolé,nousn’avonspaspuveniraprèstonaccident,àcausedelagrossessedeWendy.Tu

asl’airenforme,ditPetertoutenconduisant.PeteretWendy?Etleurfilles’appelaitClochette?—Jen’étaispasnonplusàl’articledelamort,éludaRick.Troisjoursdecoma,lesmembresrestructurésenacierinoxydable,letorseetleventretravailléàla

manièred’OctavePixel(peintrecontemporain),iln’avaitjamaisétéàl’articledelamort.Non.Presquepas.—Wendyvoudraitquevousveniezdîneràlamaisoncettesemaine.

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—IlfautvoiravecOceana,c’estsasemaine,sedéfaussaRick.—C’estlapremièresemained’écoled’Ethan…—PourLily,notrefille,aussi.Nousavonsdelaplacepourlefairedormir,etpuis,sivousvenezen

find’après-midi,vousnerentrerezpastard.Wendyseraenchantéedepouvoirenfinserendreutile!—Jesuiscertainqu’elletrouvetoujoursquelquechoseàfaire,semoquaRick.—Ellearefaitladécodetoutelamaisonaumoinsdixfoisdepuisledébutdelagrossesse,cuisine

pourquinzepersonnestouslesjours–jenemonteplussurlabalance,d’ailleurs(Iltapotasonventre.)–,et j’ai peur de consulter le compte bancaire quand elle me dit qu’elle a passé sa journée au centrecommercial.Ricksemitàrire.J’auraispeut-êtredûleurexpliquercequec’étaitqued’êtreenceinte:lesnausées,

leshémorroïdes,lesréveilsincessantslanuit,lesvergetures,lesjambesgonflées,etjeneparlaismêmepasdel’accouchement!—QuelâgeaEthan?medemandaPeter.—Cinqans.—Lilyvasursessixans,ilsdevraientbiens’entendre.Jen’endoutaispas.J’apprisdurant le trajetqueWendyentamait sonderniermoisdegrossesse etque lebébé serait un

garçon.Wendy travaillait comme décoratrice d’intérieur (avant Lily) et Peter comme chargé d’étudesdansuncabinetd’étudesetdesondages.Nousavionsfixélasoiréeaumercredipourledîner,cequimelaisseraitdeuxsoirsauprèsdemamère.Puisnousétionsarrivés.Lecœurbattantàtoutrompre,j’avaisgravi les trois marches qui permettaient d’accéder au porche de mon petit immeuble de cinq étages,suivieparRicksursesbéquillesetparPeter,portantlefauteuilreplié.—Vouspouvezle laisser ici, indiquai-je.J’occupelerez-de-chausséeetEthannesaitpasquenous

rentrons.Jenevoudraispasleréveiller.Jevoulaissurtoutnepasavoiràcraquerdevantuninconnu.—Àmercredialors,jeprendraimonaprès-midi,nousinforma-t-ilendéposantlefauteuil.Voilà.Nousyétions.Dansquelquesheures,jeverraisEthan.Montrésor.Maislà,devantlaportede

monappartement,j’avaisbesoindeprendremontemps,derefoulermeslarmesetd’empêchermesmainsdetrembler.—Çavabiensepasser,chuchotaRickcontremonoreille.—Fais-moipenseràquelquechose,n’importequoi,quimemetteenrogneouquimefasserougir,tu

aslechoix,répliquai-je.—IlétaitquestiondequoiavecCarl,toutàl’heure?Àquoitupensais?Àtesmainssurmeshanches,tabouchedansmoncou,tapeausurlamienne.—JepensaisseulementàlapuissancedemonDieudusexe…Ilgloussadansmoncou.—J’aimesavoirquetupensesàmoi.Ildéposaunbaisersurmanuquealorsquesonbassinsepressaitaucreuxdemesreins.Commentallais-jefairepourtenirunesemaine?—Çavabiensepasser,Vanille,merassura-t-ilencore.

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Laportedemonappartements’ouvritsurmamère.Vêtued’unerobedechambre,ellese tenait trèsdroite;sesyeuxvertslancèrentdeséclairsàRick.—MiamiresteàMiami,RickThomas,l’avertit-elleimpassible.Tantqu’Ethanestdanscettemaison,

jeneveuxpasvousvoiràmoinsd’unmètredemafille.Etpourtoic’estpareil,Oceana.NedonnepasdefauxespoirsàEthansitun’espassûredetoi.MiamiàMiami,suis-jeclaire?Rickhochalatêteenmêmetempsquemoi.—Vousressemblezénormémentàvotrefrère,c’est…hum…troublant,reprit-elle,presquesouriante.

Entrez,vousnecomptezpasdormirsurlepalierdelapo…Jel’entouraidemesbras,humantsonparfum.J’étaischezmoi.—Jesuiscontentequetusoislà,Nana.Ellemeserracontreelle.Moncœuréclataetserafistolaaussivite.J’étaischezmoi.—Allez,ilesttard,nousauronstoutelamatinéepourpleurer.Allezvouscoucher,medit-elled’une

voixéraillée.Rienn’avaitchangé.L’entréedonnaitdirectementdanslapièceàvivre.UnpetitposteTVentredeux

fenêtressurlagauche,uncanapédevant,lacuisinesurladroite,nousétionsloindel’immensesalondeRick.Enface,lapremièreportedonnaitsurlachambredemamère,celledumilieusurlasalledebainset,pourfinir,ladernière,surmachambre.Enfin…monanciennechambre.Depuisqu’Ethanavaitpassél’âgededormirdansunlitàbarreaux,je

squattaislecanapéetjeluiavaislaissémachambre.—OùestEthan?chuchotai-jeàmamère.—Dansmonlit.Soispatiente,Oceana,lasurprisen’enseraqueplusbelle.Ettusaisaussibienque

moiquesituleréveillesmaintenant,ilnefermeraplusl’œildelanuit.Moncœuréclataunenouvellefois:ilétaitsiprèsdemoi,et,pourtant,jenepouvaisniletouchernile

voir.—Ricknepeutpasdormirsurlefauteuil,jevaisrécupérerunoreil…—Jevousaipréparélesdeuxlitsdanstachambre,souffla-t-elle.—Oh.—Pourcesoir,dit-elleavecfermeté.Demain,tum’aiderasàmettrelelitd’Ethandansmachambreet

turetrouverastoncanapé.Allongéedanslelitd’Ethan,jefixaisleplafond.Jen’arrivaispasàtrouverlesommeil.Douxmélange

d’excitation,decrainteetdejoied’êtreàlamaison.Rick non plus ne dormait pas. Je décidai de le rejoindre. Jem’assis au bord du lit et balayaima

chambreduregard.Ethandormaitici,maisàpartunpêle-mêledephotosdesanaissance,unposterdeThoretquelquesoursonsenpeluche,riennelaissaitpenserqu’ils’agissaitd’unechambred’enfant.Monénormemiroir,mapalettedemaquillage,lesphotosdemesannéesdelycéeetd’étudespunaiséessurlesportesdelapenderie…Jemefaufilaijusqu’àRick.Ilnefutpassurprisdemevoiretécartasonbrasgauchepourmelaisser

m’installercontrelui.

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—Jesuisheureuxdevoirquetuaslaissétonmerveilleuxpyjamaensatinàlamaison.Pourévitertoutetentation,j’avaisoptépourunlargedébardeurencotonetunleggingnoir.J’évitaidetiquersurlemotmaisonetchuchotai:—Etmoi,devoirquetuportesunT-shirt.Néanmoins, je faufilaimesdoigtssous le tissupourposermamainsursonventre.Làoùmonindex

pouvait longerunede sescicatrices, làoùmapaumepouvait se laisser souleverpar sa respiration. Ilfrissonnasousmamainglacée.—J’aimebeaucouptonlit,chuchota-t-ildansmescheveux.—Etpourtant,tunedorspas.Là.Toutétaitparfait.Ethan.Rick.Chezmoi.—C’estjustementça,leproblème.Jet’imagineligotéeauxbarreaux.—Demain,aprèsavoirdéposéEthanàl’école,jefonceàl’hôpitalpourmefaireprescrirelapilule…

murmurai-je.Voire me faire directement poser un stérilet pour être certaine de l’efficacité immédiate de ma

contraception.—Etmoi,jefoncechezHugoBosspouracheterdescravates,menargua-t-il.JegloussaicontresonT-shirt.—HugoBoss?Rienqueça?Avecdescravatesà100dollarsensoieouensatin,l’idéeétaitplusquetentante!—AllezVanille,metaquina-t-il,cessedeprovoquerDieudusexe,çaneserapasdugoûtdetamère.—Pourquoituasfaitça?Jeveuxdire…pourquoitum’asofferttoutça?luidemandai-jesoudain.—Parcequeje…(Ilsoupira.)…jevoulaisterendreheureuse.Jevoulaistevoirsourire.Commece

jour,danslapiscine,oùtum’asvumarcherpourlapremièrefois.Commecejouroùnoussommesallésaurestaurant.Commesousladoucheetdanslelitquandjet’appelleVanille.Et toutsimplementparcequejeteveux,toi!Seslèvress’écrasèrentsurlesmiennes.Retenantmesmotscoincésdansmabouche…Jet’aime.

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Chapitre30

Legrandjour

J’avaisétéréveilléeparlesifflementdelacafetièreitaliennesurlagazinière,puisparlevacarmedelachassed’eau,etenfinparleséclaboussuresdel’eaudansladouche.Sibienquejem’étaishisséetouteseulehorsdulit,etsurtouthorsdesbrasdeRick,pourrejoindrelacuisine.Letempsquemamèrefinissede se préparer, j’avais repris mes vieilles habitudes, en y ajoutant les nouvelles. Sur la table de lacuisine, il y avait les six pancakes et le sirop d’érable demonDieu du sexe, la boîte de cornflakesd’Ethanetdeuxverresdejusd’orangefraîchementpressé.Ethandormaittoujours.Patience.Patience.—Déjàdebout?medemandamamèreensortantdelasalledebains.Déjàvêtuedesontailleurnoir,desachemiseblancheetdesonfoulardrougesatinéauxcouleursde

l’hôtel,lescheveuxtirésdansunimpeccablechignon,ellevintdéposerundouxbaisersurmonfront.—Jecroyaisquetuavaisposétonjour?demandai-jeenfronçantlessourcils.— Seulement si tu ne venais pas. Je m’absente déjà assez ces derniers temps.M. Thomas ne s’y

opposepas,maiscertainesrumeurscourentsurmoncompte.Moncœurseserra.Elleseservituncafé.—Jesuisdésolée,maman,murmurai-je.—C’est pour Ethan. Tant que je ne perds pas mon job, je pense pouvoir survivre auxmauvaises

langues.Elleétaitl’unedescinqgouvernantesdel’hôteldesThomas,avaitsoussaresponsabilitéunevingtaine

d’employésetlesplusbellessuitesdel’hôtel.Jen’avaispaspenséquemarelationavecRickpouvaitavoirdesconséquencessursontravail.Est-cequeGeorgeThomasseraitcapabledelamettreàlaportepourdéfiersonfrère?Ill’auraitdéjàfait,non?—Vousenêtesoù?demanda-t-elle.AvecRick?Prise au dépourvu, je réfléchis. Je l’aimais désespérément, mais est-ce que ça suffisait ? Et lui ?

Miami,c’étaitbien,sionoubliaitdisputesetquiproquos,Carl,Kristenetsafamille,maisNewYork…NewYork,c’étaituneréalité!C’étaitEthan!—Tunesaistoujourspas,ditmamère.—C’estunpeupluscompliquéqu’un«jenesaispas».—Etlui?Qu’est-cequ’ilendit?Ilmevoulait,moi!C’est-cequ’ildisait!—Là,c’estungigantesque«jenesaispas»,ironisai-je.Elle me fixa d’un air de reproche. J’avais terriblement envie de lui dire que j’étais loin d’être

insouciante,quemadécisionétaitprise,etquejen’attendaisplusquecelledeRick.Oui.Jevoulaisqu’ilfassepartiedemavie.Etdecelled’Ethan.

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Finalement,sonvisageseradoucit,etelles’approchademoipourm’enlacertendrement.Jeposaimatêtesursonépaule.Çamemanquait.Nossoiréesetnosmatinsremplisderirememanquaient.—Ethanl’aimedéjà,medit-elle.—Ethanaimetoutlemonde…Ellerit.—Tumarquesunpoint.Maisilnes’agitplusdeseregarderetdeparleràtraversunécran,Oceana.

Rickestici.Avecvous.—Nous,larepris-jeavecvéhémence.Ilestavecnous.—LorsqueEthanauraétéopéré,jeveuxquetuprennesunappartement,medit-elleavecfermeté.Elleseretournaetouvritlerobinetd’eaupourlaversatasse.Est-cequ’ellevenaitdesigneroralementunesortedepréavisd’expulsion?Monestomacse tordit.

Est-cequejelagênais?Nousavionstoujoursvécuensemble.—Jenecomprendspastrèsbien…Ellesoupiraetseretourna.—Nousreparleronsdetoutçalorsquetuserasrentrée.As-tudéjàpréparéledéjeunerd’Ethan?Jesecouailatête.—Non. Tu ne peux pasme dire ça et parler ensuite du repas demidi d’Ethan, comme si de rien

n’était!Sansrépondre,ellepritlepaquetdepaindemiedansleplacard.Apparemmentsi,ellelepouvait.—Maman…—Oui,Nana?Oui.Ellelepouvait.Ellecommençaàpréparerlerepasd’Ethan.Jenesavaismêmeplussijedevais

êtreénervée,agacée,vexéeoutoutsimplementattristée.—Suis-jeunesigrossechargepourtoi?Ellecessauninstantdebeurrerunetranchedepainpourmecaresserlajoue.—OhNana,biensûrquenon!C’estplutôtmoiquin’aipasmaplaceavecvous.—Pourquoidis-tuça?m’affolai-je.—Oceana,est-cequetuteverraisvivreavecMmeThomas?—Je…Tun’espasMmeThomas.Cettefemmeest…—OceanaDouglas,jenet’aipasélevéecommeça.C’estgrâceàellequetonfilspourraêtreopéré.

Qu’importentsoncomportement,sonmanqued’affectionouses«apriori»surlesgens.Elle avait raison. Même si cette mégère dépourvue de sensibilité, hautaine et… STOP ! … ne

m’employaitplus,j’étaisàMiamiparcequ’ellel’avaitpermis.Etsij’encroyaislesproposdeRick,elleauraitmêmeétéprêteàluilaisserlestroiscentmilledollarsavantquejen’embrasseCarl.—Rickestsi…différent,répondis-je,finalement.—Jesais.Maisiln’enestpasmoinsunThomas.GeorgeThomaspeutsemontrersévèreetfroid;il

n’enestpasmoinsjusteavecsesemployés…—Jenevoispasenquoiçavam’aideràapprécierlesThomas!raillai-je.Jeposaimonmugsurleplandetravail.J’avaiseumadosed’excitantpourlamatinée.

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—Jene savaispasque tu lesdétestais…Ceque jeveux tedire, c’estque tuneconnaisRickquedepuispeudetemps.Tunesaispascommentilsecomportelorsqu’ilseretrouveavecdespersonnesdumêmerangsocialquelui.— Je le sais. Alors quoi ? J’aurais dû refuser cette semaine à New York et passer à côté de la

premièrerentréescolaired’EthanparcequeRickm’accompagnait?Sestraitsseradoucirent.—Biensûrquenon.Maissivousdécidezdeconstruirequelquechoseensemble, tunepourraspas

fairecommes’iln’étaitpasunThomas!Tunepourraspasseroutrelefaitquevousnefaitespaspartiedumêmemilieu.J’envisageaisdem’enfuir.Oui.Courirsousladouche,m’habilleretm’engouffrerdanslachambrede

mamèrepourréveillerEthan.Leseulfaitdepenseràluimedétendit.Ethan.Jesoupiraietmurmurai:—Maisjenem’attachepasàça,maman.JeneveuxpasdeRickpoursonargentousonstatutsocial.—Toi.Oceana.Maispeut-êtrepaslui.Jeteconnais.Mêmes’iln’accordeaucuneimportanceàtout

ça,est-cequetulelaisserasseséparerdesafamillepourtoi?Voilà.Ellel’avaitinstalléedansmatête.Laculpabilité.Etlepire,c’estqu’elleavaitraison.Comme

d’habitude.Non.JenevoulaispasqueRickcoupelespontsavecsafamille.Jenesavaisquetropbiencequec’étaitdevivresanspère.Unraclementdegorgenousfittournerlatête.Rick,setenaitsursesbéquillesàl’entréedelacuisine.

Depuiscombiendetempsétait-illà?Qu’avait-ilentendu?—Bonjour,murmura-t-iltimidement.Waouh. Rick était dans ma cuisine. Dans cette minuscule cuisine, à peine plus grande qu’un des

placardsdesavilla.—Bonjour,Rick,ditmamèred’unevoixenjouée.J’espèrequevousavezbiendormi.Unefractiondeseconde,sesyeuxbleusglissèrentsurmoi.Jerougisinstantanément.Dormirn’étaitpas

lebonmot.Jem’empressaideluiserviruncafédansmonmugetyajoutaiquelquesgouttesdelait.—Bien…maispasassez,dit-il.Jeposailemugsurlatable.—Tiens,commetul’aimes.Sers-toi,jevaisprendremadouche.Vite,avantquemamèren’aborded’autressujetsdélicats.

J’yétais.Enfin.Lachambreétaitplongéedansl’obscurité,etjedevinaiseulementlaprésenced’Ethanàlapetiteforme

ronde sur le lit. Lentement, le corps si léger qu’ilm’aurait permis demarcher sur desœufs sans lescasser,j’avançaietm’arrêtaiaupieddulit.Jemeliquéfiaidevantsonvisagesipaisible.Lajoueécraséecontrel’oreiller,laboucheentrouverte,

allongésurleventre,EthanserraitfermementcontreluisondoudouCaptainAmerica.C’étaitcommedansmesrêvesàMiamietmessouvenirsàNewYork.Sesbouclesblondesdéposées

telleunecaressesursonvisage,sespetitsdoigts,sapeaublancheetparfaitedontjesentiraisladouceurdansquelques secondes, et tout le reste.Ses lèvres roses.Ses longs cils.Sonpetit nez retroussé.Son

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odeur.Sesbras.Regardermonenfantdormir,c’étaitunexquismélangeentrelefrissondanslegrandhuitetlasérénité

d’un champ de coquelicots au printemps. C’était prendre conscience que cette vie devenait uneprolongationdelamienne.C’étaitm’imaginerquej’étaisl’auteurd’unchef-d’œuvre.C’étaitmedirequemescellulesavaientfaitlessiennes.C’étaitmerappelerqueleschoseslesplussimplesétaientaussilesplusbelles.Jem’agenouillai,lesyeuxnoyésdelarmesetlesoufflecoupé.—Ethan…soufflai-je,lagorgenouée.Jevis sesyeux s’ouvrir instantanément.Pas le tempsdedireouf,waouhouEthan : sonpetit corps

m’avaitpercuté,mefaisanttomberàlarenversesurleparquet.Entredeuxsanglots–lesmiens,lessiens–,jerefermaimesbrassurlui.—Maman!Maman!—Jesuislà,trésor.Ses larmes chaudes coulaient dansmon cou. Instinctivement, je le berçai pour l’apaiser. Il était là.

J’étaislà.Riend’autrenecomptait.C’étaitplusdivinquelemeilleurgâteauauchocolatdumondeetpluspuissantquel’envold’unmilliarddepapillons.Jesentais lapressiondesesdoigtsdansmondos.Lesyeuxfermés,jepouvaispresquedessinerleurscontoursparfaits.Jesentaislachaleurdesesbrassurmesépaules,ladouceurdesapeausurlamienne.Jedusl’embrasserdesmilliersdefoispourmepersuaderqu’ilétaitbienlà,dansmesbras.Labouche

sèche, comme si toute ma salive avait servi à alimenter mon canal lacrymal, je gloussai dans sescheveux:—Tum’aidesàsautercommeunkangourou?—Elleestplusmieuxtasurprise,maugréa-t-ilcontremoi.Cettepetitevoix…—C’estcelledeRick,chuchotai-je.Ilseredressa,plongeantsesyeuxgrisdanslesmiensavantdecollersajouecontrelamienne.Ilsedéfisunenouvellefoisdemoietplissalesyeuxavantdediredansunhochementdetête:—Onl’appelleracesoiraveclapetitecaméra,pourluidiremerci.—Tun’enauraspasbesoin.Ilestdanslacuisine.Ilsautasursesjambesetpartitencourantverslesalon.—Riiiiiick!Oui,mamèreavaitraison.Ethanl’aimaitdéjà.Siçanemarchaitpas,ilsouffriraitautantquemoi.Je

laissaimesdoutesetmaculpabilitédecôtéet,lecœurvibrantdepapillons,jelesuivis.Danslacuisine,EthanétaitaccrochéauxjambesdeRick.—Attends,bonhomme,gloussacedernier,enperditionavecsesbéquilles.—Doucement,Ethan!legrondamamère.Jem’appuyaicontrel’encadrementdelaporte,larespirationcoupéeetlesjambesflageolantes.Etsi

çamarchait?RickposasescannescontrelatableetsoulevaEthandanssesbrassanseffort.—T’asledroitdefaireça?demandaEthan,sespetitsbrasautourdesoncou.

Page 178: Couverture : © Alis ISBN : 978-2-01-397649-7ekladata.com/3PQh--1oZoTm77YbIVehTWJaFQM/Brise_e_-_Sophie_Sa… · Chapitre 1 Répudié La chaleur était presque insoutenable. Non. En

—Non.Mamantel’adit,lesadultesnefontpastoujoursleschosescommeillefaut.—Çava?s’inquiétaRick.Je regardai la tête blonde d’Ethan, qui semêlait aux autres enfants dans la cour de l’école. Jeme

dressaisurlapointedespiedsdevantlagrille.Là.Ilétaitlà.Jeluifisunsignedelamain.Seslèvresarborèrentunmerveilleuxsourire.Jefermailesyeuxbienfort,pourimprimercetteimagedansmatêteàtoutjamais.—Merci,soufflai-jeàRicksansdétachermesyeuxd’Ethan.EthanrigolaitavecAndreaSuamez,l’unedenosvoisines.D’autresenfantsdescendirentencourantdes

busjaunespourrejoindreleportaildel’école.Ilseraitparmieuxlasemaineprochaine.Toutétaitdéjàplanifiédepuisdesmois.MamèreledéposeraitchezlesSuamez,nosvoisins,avantdepartirautravail,puisilprendraitlebusavecAndrea.À15h30,ilrentreraitavecelleetattendraitchezlesSuamezquemamèrerentreàsontour.Avecl’argentéconomisépoursagardehabituelle,nousavionspupayer lesfraisdescolaritédecetteécoleprivée,quisetrouvaitàdixminutesdemarchedelamaisonet,surtout,danslequartieroùjetravaillais.—C’estpastropdur?Laséparation?repritRick.Séparation?PartiràMiamiétaituneséparation.Là,c’étaitmettreentreguillemetsquelquesheuresde

lajournée.—Jepensequecen’estpaslebonmot…Ethanallaitàlagarderiecatholiqueavant.Laseulechose

quidiffèreaujourd’hui,c’estlerythmescolaire.—C’estungrand.—Passeulement.Ilvadevoirunenouvellefoisfairefaceàsesdifférences…—Pourquoinepasavoirattendu,alors?Jesourisenconstatantsonmanquedediscernement.—Jenepeuxpas lepriverd’uneannée scolaire sousprétextequ’ilnepourrapascourir ! Il saura

s’adapter.Ethann’apasenviederesterenfermédansunebulle,àl’abridetoutproblème.Rickhochalatête.Jemeglissaiderrièresonfauteuiletlepoussailelongdutrottoirendirectionde

l’appartement.—C’estçaquiestdifficile,pasvrai?—Làoùd’autresmamanssepréoccupentdesavoirsileschaussuresdeleursenfantssontbiencirées

et leurs tenues d’écolier impeccables, s’ils n’ont pas oublié leur goûter ou leurs cahiers, moi jem’affoleraienentendantlasonneriedemonportableetjeprieraidetoutesmesforcesqu’ilnes’agissepasdeladirectricedel’écolem’annonçantqu’Ethanaeuunecrise.Rickenclenchalesfreinsdesonfauteuil.—Jecroisquejevaisresterdevantcegrillagejusqu’àcequ’ilsorte.—Ethansevexerait.Etmoiaussi,d’ailleurs…

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Chapitre31

Bébé

Lamatinéeavaitfiléàviveallureetmontéléphonen’avaitpassonné.Soulagement.JenepouvaispasendireautantdeceluideRick.Lepremiercoupdefilavaitàpeinetroublésabonnehumeur;j’avaiscrucomprendrequ’ils’agissaitdeCarl.Assisàcôtédemoidanslasalled’attentedemongynécologue,iln’avaitréponduaudeuxièmequeparphrasesbrèvesetmonosyllabes,comme«Toutàfait.»,«Oui.»,«Non.»,«Cettesemaine.»,«Àcode.»,«JenesuispasàMiami.»ouencore«MmeThomasvousdonneratouslesdétails.».Sontonavaitétésicourtoisetsolennelquejel’avaisimaginéencostumeetchaussurescirées.Etsijen’avaispasétésiangoisséeparcequim’attendait,jemeseraislaisséealleràdespenséesérotiquesàsonsujet…avec,commeaccessoire,unecravatesatinée.Pour ma contraception, j’avais choisi le stérilet. Protection immédiate : je n’aurais pas besoin

d’attendre lecommencementd’unnouveaucycleet,avecunpeudechance, jen’auraispeut-êtremêmeplusmes règles. La pose du stérilet ne créait enmoi aucune anxiété,maismon entretien avecGreenMorgan,mongynécologue(etami),oui.Ilconnaissaitmondossierparcœur,etsurtoutlecasd’Ethan.Etlamaladied’Ethanétaitmonproblème,pasceluideRick.J’auraispréféréqu’ilnesoitpaslà.Leluidiremoi-mêmeounepaslediretoutcourt.—Tuasfaitletest,Oceana?avaitdemandéMorganpendantqu’ilm’auscultait.Lesyeuxfixéssurlefauxplafondblanc,j’avaisignorésatêtedégarnieentremesjambesetluiavais

répondu:—Non.Jen’envoispasl’intérêt.—Jecroispourtantcomprendrequetucomptesrefairetavie.Expressiondébile.Refairesavie.Jen’avaisaucuneintentiondelarefaire,jel’améliorais.Nuance.—Ettuvasmeposerunstérilet.EninsérantlepetitobjetenformedeT,ilavaitsouriàRick,assisdevantsonbureauàquelquesmètres

derrièrenous.—Tufaisl’autruche,Oceana.Lepèred’Ethanpeutêtreporteurdelamaladie.Çanevientpeut-être

pasde toi.C’est fini, tupeux te rhabiller,avait-ilconcluenfaisantclaquersesgantsen latexpour lesretirer.—Vouspouvezm’éclairer?avaitdemandéRick.La question était adressée àMorgan,mais je connaissais assez bien Rick pour comprendre qu’une

discussionhouleusem’attendait.— Lamaladie d’Ethan est héréditaire. Soit Oceana, soit son géniteur – oumême les deux –, sont

porteursde lapathologie,porteurs sainspuisqu’ilsne l’ontpasdéveloppée. J’aivivement conseillé àOceanadefaireuntestdesongénomeavanttoutenouvellegrossesse.Voilàpourquoijenevoulaispasd’autresenfants.Jenemesentaispascapabled’assumerdenouveau

leparcoursducombattantquotidienquej’affrontaisavecEthan.C’étaitnon.Radicalementnon.

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Morganavaitcontinuéaveclessujetssensibles.Iln’avaitplusétéquestiondemonutérusoudemonADN,maisdemonavenir.D’aprèslui,jegâchaismonpotentielencontinuantàtravailleràdomicile.Jeperdaismes connaissances etmon savoir-faire. Là encore, il avait su susciter l’intérêt deRick en luiexpliquantqu’unposte, largementmieuxrémunéré,n’attendaitquemoidanssaclinique.Cequ’ilavaitoubliédeluidire,c’étaitquedanscettemêmeclinique,uncertainBen,legéniteurd’Ethan,venaitfairequelquesvacations.Etlàaussi,c’étaitnon.Radicalementnon.Jenepourraisjamaistravailleraveccethomme.Le silence avait plombé le restede lamatinée etmalgré les températures estivalesquenousoffrait

NewYork,leclimatentreRicketmoiétaitredevenuglacial.Aurestaurantchinoisducoin,pasunmot,pas un regard, il s’était contenté demanger, les yeux rivés à l’écran de son téléphone. Puis, après unrapidepassageaulaboratoire,oùnousavionslaissédeuxtubesdenossangspourdestestssérologiques,l’heurederécupérerEthanétaitenfinarrivée.J’étais de nouveau excitée et bourgeonnante de joie. J’allais retrouver mon trésor. Des écoliers

dévalèrent lesmarches de l’entrée et se ruèrent dans les bus jaunes stationnés devant l’école, sous leregarddesinstitutricesetdesaccompagnateurs.Postéeprèsd’undespiliersenbriquerougequiservaientdesupportauxgrilles,j’épiaischaquepetitetêtequisortait.—Ethan!appelai-jelorsquejel’eusenfinaperçu.Ilcourutversmoi,faisantballottersonsacàdossursesépaules.Jem’accroupis,etilm’enlaçaavec

fougue.Oui je suisbien là,avec toi, pensai-je.Non.Çan’était pasun rêve, j’avaisbien été là à sonréveil,etjeleseraisencoredemainetjusqu’ausamedisuivant.Moncœurseserraàlaperspectived’unnouveaudépart.Unenouvelleséparation.Depresquedeuxmoisencore.—Bonjour,mademoiselleDouglas,mehélaunevoixd’homme.Jereconnusl’instituteurd’Ethan,M.Powell,unhommed’unetrentained’annéesquej’avaisrencontré

lors de la journée d’inscriptions, en juin. Ses cheveux noirs et sa peau hâlée par le soleil de l’étéfaisaientressortirlevertdesesyeux.Malgrésatailleetsacarrure,ilparaissaittimideetgêné.Commentarrivait-il,enclasse,àimposersonautorité?Jemeredressai,luisourisetluitendislamainpourlesaluer.—Bonjour,monsieurPowell.Ilpritmamainavecautantdedélicatessequesielleavaitétéensucre,etsemblasurprisdel’appuide

mesdoigtssurlasienne.—Jevousrejoins,dis-jeàRick.Celui-cifronçalégèrementlessourcilsavantdetendrelesbrasàEthan,quis’installasanshésitation

sursesgenoux.—Ya-t-ileuunproblème?demandai-jealorsqu’ilss’éloignaient.—Euh…Non…balbutia-t-il.C’étaitseulementpourvousdirequelajournées’étaitbienpassée.Ilsegrattalatête,désarmé.Jenevoulaispasqu’Ethanaituntraitementdefaveuretjeleluiavaisdéjà

précisé lors de notre première rencontre. Mal à l’aise, je préférai refaire passer le message avechumour:—Sivousdevezappelerchaqueparentpourluidirequetouts’estbienpassé,vousrisquezd’ypasser

lanuit…—Jevoulaissimplement,hum…vousrassurer.—Jevousremercie,monsieurPowell.Je…commentdire,vousn’êtespasobligédefaireça.Jevous

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faisentièrementconfiance.(Seslèvresfinesdessinèrentunbeausourire.)Maintenant,sivousvoulezbienm’excuser…—Oh…euh…Oui,biensûr,jenevousretienspas,bonaprès-midi,àbientôt.JeluisourisetrejoignisRicketEthan.—Qu’est-cequ’ilvoulait?grognaRick.—Euh…Ilmanquaitdesinformationsdansledossierd’Ethan,mentis-je.Ilm’adressaunregardenbiais.—Oh!Onpeutallerauparc,maman?s’excitaEthan,toujourssurlesgenouxdeRick.Celui-cis’arrêtacommepourattendremonaccord.—Pasenuniforme.Tumontestechanger,etjet’yaccompagne,répondis-je.Rickrepritsacourse,levisagefermé,pendantqu’Ethanracontaitsapremièrejournée.M.Powellleur

avaitfaitvisiterl’école,leuravaitexpliquécequ’ilsferaienttoutaulongdel’année,puisilsavaientjouéàdesjeuxdeprésentation,quinel’avaientpasenchanté.Ricknousattenditenbasdel’immeuble.Uncoupdefilàpasser.Ethanmitàpeinedeuxminutespour

sechanger,tantilétaitsurexcitéàl’idéedepouvoirmontreràRickcommentilescaladaitlescordesdesportiques.Moi, j’étais épuisée. Pourtant nous n’avions pas fait grand-chose, à part attendre dans une salle

d’attente,attendreaulaboratoire,attendreaurestaurant,attendredevantl’école.Ilnemerestaitplusqu’àattendrepatiemmentl’heureducoucher!L’avantage àNewYork, c’était qu’il y avait des parcs dans tous les quartiers.Celui qui bordait la

routeenfacede l’immeubledemamère(puisqu’ilnes’agissaitplusdumien),àBrooklyn,étaitassezgrandpouryfaireunjogging.Deschemins,certainsenterre,d’autrescimentés,étaientbordésdebancs.Enceinted’Ethan,jem’yétaisassiseetjem’étaislaisséetransporterparlesodeursdefeuillesmortesetdeterremouillée.L’automneétaitmasaisonpréféréeàNew-York.Lestempératuresrestaientdouces,lespaysagesseparaientdemillecouleurscommesurlapalettedeVanGogh.Assisesurunbancàquelquesmètresdesjeux,j’observaiEthan,parmilesautresenfants,escalader,

grimper, sauter et glisser. Je souris malgré moi à l’énergie qui émanait de ce petit corps pourtant sifragile.—Alors?Ilvoulaitquoi?demandaRick.—Rien.Ilvoulaitseulementmerassurer.—Àt’entendre,ondiraitqueçateposeproblème.— S’il veutm’envoyer un texto tous les soirs, je n’y vois pas d’inconvénient,mais Ethan n’a pas

besoinqu’onluirappellequ’ilestdifférentdesescopainsdeclasse.—C’est-cequetuluiasdit?s’enquit-il.Qu’ilt’envoieuntextotouslessoirs?Jemeretinsderire.—Biensûrquenon!Jeluiaijustefaitcomprendrequejen’avaispasbesoindesavoirquetoutallait

bien.Ethanconnaîtseslimites.—Jen’aimepascetype,bougonna-t-il.Mais il souriait. Presque. J’avais toujours ce pouvoir sur lui.Nous en revenions toujours aumême

pointtouslesdeux,nousnesavionspasnousdétester.Ethanpeinaitàgravirl’échelledutoboggan.Alorsquedeuxenfantss’impatientaientderrièrelui,ilne

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selaissapasdémonteretcontinuaàgrimperenleurcriantdenepaspousser.Jecroisailesjambespournepasinterveniretserraidesdents.—Ilnevapastarderàrevenir,annonçai-je.—Commentlesais-tu?— Il a les joues rouges comme s’il venait de courir unmarathon, alors qu’il n’a joué qu’un quart

d’heure.Effectivement,Ethanrevenait,essoufflé,versnous.—Çanevapas,bonhomme?s’inquiétaRick.Ill’ignorapourmedemander:—Jepeuxavoirdel’eau,s’ilteplaît?Je sortis sa gourde de son sac et la lui tendis. Il s’assit à côté demoi, tout en avalant de grosses

gorgées bruyantes. Rick l’observait. Je l’avais pourtant prévenu : Ethan n’aimait pas qu’on lui fasseremarquer ses faiblesses. Il aurait préféré queRick lui dise un truc du style « Il est aussi haut qu’ungratte-ciel,tontoboggan!».—Tusaispourquoijen’aipasprismesbéquillesaujourd’hui,Ethan?—Mamant’asinterditdemarcher?—Non,bonhomme,commepour toi,mamansaitque jeconnaismes limites.Jene lesaipasprises

parcequejecrainsdetombersuruntrottoir,etquej’aipeurdemeretrouver,unefoisdeplus,bloquédansunlitd’hôpital.Ethansautadubancetvintseplacerdevantlui.Illetoisauninstant.—Toi,tuaspeur?demanda-t-il,peuconvaincu.Moiaussi,j’auraiseupeuràsaplace.Deuxmoisdansunlitàdépendredesunsetdesautres.Deux

mois sans pouvoir toucher la terre ferme du bout de l’orteil. Deux mois à se poser des milliers dequestionssursonavenir.Deuxmoisàsedemandersisesjambesseraientcapablesderefairecequ’ellesfaisaientavant.—Bienentendu,acquiesçaRick.Ethanmeregardatimidementavantdemurmurer:—Mamann’ajamaispeur,elle.Moncœurseserra.Jenevoulaispasqu’ilmevoiecommeça.Qu’ilpensequej’étaisinsensibleàsa

maladie.Est-ceque jem’étais trompéesur toute la ligne?Est-ceque jedevraiscraquerdevant luidetemps en temps ? Rick remarqua mon malaise et m’offrit un clin d’œil pour me rassurer. Loupé. Jedéglutisavecdifficulté.—C’estpeut-êtreunesortedesuper-hérosmaisen femme, répondit-ilàEthansur lemême ton.En

touscas,mêmesijetefaisentièrementconfiance,moi,j’aieupeurpourtoitoutelajournée.Ethangrimaça.Ildevaitsedemander,commemoi,s’ildevaits’arrêtersurlemot«confiance»ousur

l’inquiétudedeRickàsonégard.—Moiaussij’aipeurparfois,chuchota-t-il.Parcequejecoursetquejen’aipasledroitdelefaireet

quejerisquederetourneràl’hôpitalaussi.Etlà,ilneparlaitpasdeseslimitesmaisbiendesapeur.Commes’ilpensaitqu’iln’avaitpasledroit

d’êtreeffrayé.Àcausedemoi…Enpleineréflexion,Rickluisourit.

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—Monte, bonhomme, on va faire la course avecmaman jusqu’à lamaison, tu vas pouvoir couriraujourd’hui.Ethannesefitpasprier.Illuisautasurlesgenoux,luiarrachantuncouinementdedouleur.Entemps

normal, j’auraipumelaissertenterparunsprint jusqu’àl’appartement.Maislà, j’étaisnoyéedansmaculpabilité.Et,enplus,unedouleurlancinantedansmonbas-ventremerappelaitlaposedustérilet.Nonsansmal,jemelevaietfisminedepresserlepasderrièrelefauteuilroulant,écoutantlescrisdejoieetlesencouragementsd’Ethan.—Jusqu’àsamedi,alors?demandaEthanavectristesse.Àgenouxdevantsonpetitlit,jeluicaressaislefront.Laveilleusemepermettaitdedistinguerchaque

détail de son visage angélique. Les deux petites lignes blanches sur son nez, dues à ses multiplesgrimaces, lafossettesursonmenton,ses jouesroséesd’avoir troprigoléavecRick,sesbouclesfines,sesyeuxgris,seslongscilsblonds.Jehochailatête,incapabledetrouverunemeilleureréponse.—Çafaitcombiendedodos,dis?Jefisminederéfléchiretdénombrai:—Aveccesoir,çanousferacinqdodosetautantdematinsensemble.Jeremontailedrapsursonépaulepourleborder.—C’estpasgravesiçafaitpasbeaucoup.Elleestquandmêmesupercettesurprise,déclara-t-il.Jesourisàsafacilitéàdevinerlalumièredanslesténèbres.—Jesuisd’accordavectoi.Jedéposaiunbaisersursajoue.Elleétaitchaudeetsentaitlavanille,commemoi.—Dismaman,tun’espasencolère?—Pourquoivoudrais-tuquejesoisencolère?—Parcequ’ilm’arrived’avoirpeur.Jem’attendaisàcequ’ilm’enparleetj’avaiseuletempsdeméditersurcepointtoutlerestedela

journée.Jenevoulaisniledécevoirniluilaisserpenserqu’ilpouvaitêtrelacausedemesangoisses.—Tupeuxgarderunsecret,trésor?(Ilhochalatête.)SurtoutnedisrienàRick,c’estmonpatient,et

s’ilsavaitça,iln’auraitpeut-êtreplusconfianceenmoi.(Ilseredressasuruncoudeetmesourit,partagéentrelafiertéetl’amusement.)Envrai,jemefaisconstammentdusoucipourtoi,trésor.Passeulementparcequetuesmonfils,niàcausedetonpetitcœur,maisparcequejet’aimesifortquelesimplefaitdepenserquejenepourraisplustevoirempêchelemiendefonctionner.Parfois,jepleure,d’autresfoisjepanique ou jemange des tonnes de chocolat,mais ilme suffit d’imaginer ton petit sourire, de tendrel’oreilleàtapetitevoixoudeplongermonnezdanstescheveuxpoursavoir.Savoirquetueslàetquetumedonnerasassezdecouragepouroublierquej’aipeur.Mavoixsemblaitlointainetantmonsangpulsaitdansmesoreilles.—Jesuistonsuperpouvoir,alors?s’extasia-t-il.—Oui,trésor.Monsuperpouvoircontrelapeur.Ilserallongeasurleflancetattrapamamainpourjoueravec.J’aimaisça.Ilentremêlaitsesdoigtsaux

miens, glissait dessus, me caressait avec une infinie douceur. Ça me rappelait tous ces momentsprivilégiéslorsquejelenourrissais,d’abordauseinpuisaubiberon.

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—Enfait,jenevoudraispastevoirpleurer,grimaça-t-il.Parcequeçamerendraittriste.Jememordisl’intérieurdelabouchepournepasflancher.—Jesuisd’accord.Allez,dodomaintenant.Jen’aimeraispasquemonsieurPowellmediseque tu

t’esendormisurtonbureaudemain.Ilmesourit,inconscientdemonmalaise,etlâchamamainpourserrersondoudoucontresapoitrine.—Bonnenuit,maman,murmura-t-il,toujourssouriant.Jet’aimejusqu’àlalune!—Moiaussi,trésor.Àdemain.Jemefaufilaijusqu’àlaporte,larefermaietm’yadossai,lesyeuxfermés,enrelâchantchacundemes

muscles.Puisjemedirigeaiverslaportedel’appartement.Aupassage,jefissigneàmamère,quis’étaitlevéeducanapé,denepasmesuivre.Jemeretrouvaiassisesurlapremièremarche,sousleporchedel’immeuble.J’avaisbeaumesouvenir

dusourired’Ethan,merappelerlesondesavoixetladouceurdesapeau,rienyfaisait.J’avaismaldansmapoitrine,dansmonventre etdansma tête. J’enavais assezde trop réfléchir, de tropmecontrôler.J’étaisépuisée.Contemplantsansvraimentlesvoirlesfeuxdesvéhiculesquicontinuaientàcirculeràcetteheuredela

soirée,lesmainstremblantes,jerestaislà,àattendre.Sansrienfaire.Sansrienfaired’autrequ’attendrequeçapasse.Etçanepassaitpas.Aucontraire.Mavisionsetroubla,magorgeseserradavantage,etmatêteme

semblaitprisedansunétau.—Tumefaisuneplace?entendis-je.Jemedécalaivers lecentredesmarchespour laisseràRick l’espacecontre la ramped’escalier. Il

passasesbéquillesdevantluiets’assit.Jemecollaicontresonépaule,laissantéchapperunsanglot.—Tuveuxenparler?Jehaussailesépaules.Iln’yavaitrienàcacheretrienàdire,pourtant.Ilnesepassaitriendegrave,

Ethanétaitbienauchauddanssonlit,àlamaison,pasàl’hôpital,et,pourtant,jecraquais.—Jenet’aipasvuesouventpleurer,Vanille.Jevoulaisqu’ilcontinuedeparler.Qu’ilfassetairecevacarmedansmatête,unbruitpirequecelui

desKlaxonenpleinManhattan.—Aujourd’hui,tum’asvraimentfaitpasserpartouslessentiments,murmura-t-ildansmescheveux.

D’abord la jalousieavecceMorganetcet instit.Puis tum’asénervéaveccettehistoirede testde tongénome.Tum’as laissé culpabiliser pourEthan.Tum’as attendri avec ce que tu viens de lui dire et,maintenant,jesuisdésemparédetevoirdanscetétat.—Nelesoispas.Tueslà.Jemeredressaietdéposaiunchastebaisersursajoue.Ilessuyameslarmescommes’ilvoulaitdire:

«Jesuislà,oui,net’inquiètepas».—Ah ! J’aioublié la frustration, reprit-il. J’aimeraispouvoir t’embrasser et te toucherquand je le

souhaite.—Tuauraispulefairecetaprès-midi.— Tu passais ton temps à regarder autour de nous comme si tu avais peur que quelqu’un que tu

connaissesnousvoieensemble.Cen’étaitpasunreproche,maisunsimpleconstat.

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—Jen’aipasfaitattention,jesuisdésolée.—Tuespardonnée.Aprèstout,çapourraitarriverjusqu’auxoreillesd’Ethan.Ilallongeases jambes le longdesmarchesetplaçasonbrasderrièremondos.Samainpressamon

flanc pourme rapprocher. Jeme blottis contre son torse. J’entendais les battements de son cœur, sesamplesrespirations.Ilétaitlà.—Jalouxdemongynéco?demandai-je.Ilrelevamonmenton,plongeantsesyeuxdanslesmiens.—Oui.—Tun’asrienàenvieràunvieuxcroûtondégarni!letaquinai-je.—Ilamissonnezdanstonintimité.Ilappliquaseslèvressurlesmiennes.Nossoufflessemêlèrentetnosmusclesserelâchèrent,comme

si,pourtouslesdeux,cebaiserdevenaitvital.Oui.Rickétaitvitalpourmoi,commeEthan.Penserquejeneleverraispeut-êtreplusjamaisdansdeuxmoism’étaitdifficile,voireimpossible.Jenem’imaginaisplussanslui.—Etcettehistoiredetest…Nousdevionsenparler.Plusdesecrets.Ilagrippamanuqueetembrassamonfront.—C’estjustementça,leproblème.Sontéléphonesemitàsonner,etjemeredressai.Ilregardal’écranetignoral’appel.—Tunerépondspas?—C’estKristen.Oh.Moncœursefissura.Kristen.MêmeàplusdedeuxmillekilomètresdeMiami,elleétaitencorelà.—Pourquoitunerépondspas?Ilrepliasesjambesetjoignitsesmainssursesgenoux,feignantdes’intéresserauspectacledelarue.—Parcequec’estunecomposantedumêmeproblème.Tu te rappelles lorsque je t’aiparlédemes

souvenirsjusteavantmonaccident?(Commes’ilrevivaitunescènepénible,ilchangeadenouveaudeposition,allongeasesjambes,lescroisa,serralespoingsetsecoualatête.)Attends.Jereprends.Est-cequetuvoudrasunjouravoirdesenfantsavecmoi?Jeredoutaiscettequestion.Plusdesecretsetencoremoinsdemensonges,c’estcequej’avaisdécidé.—Non.Jeneveuxpasd’autreenfant.Jeneveuxpasrevivretoutça.Sonregardsechargeademélancolie.—Tuvois,çan’estpaslefaitquetun’enveuillespasquimeposeproblème,parcequejesuiscertain

depouvoirtefairechangerd’avisoud’êtreassezcombléparEthan–leproblème,c’estmaréaction.(Ilsoupira.)Çamefaitmal.J’ail’impressionqu’onm’enfonceunpieudanslapoitrineetqu’ons’amuseàjoueravec.Jevoulaisluihurlerquej’étaisdésoléeetquejel’aimais.Ilreprit:—Pourquoilorsquetumedis,toi,quetun’enveuxpas,jesouffrecommejamais,alorsque,lorsque

Kristenm’aannoncéqu’elleétaitenceintedemoi,jen’aipasvouludecebébé?Sonnée, j’essayaisdésespérémentde remettrede l’ordredansmes idées–de reconstituer l’histoire

dontj’apprenaispeuàpeudesbribes.Cejour-là,Kristenluiavaitannoncéqu’elleétaitenceinte,etilluiavaitditqu’iln’envoulaitpas…Ilavaitmalréagi.Elles’étaitaffolée, ilavaitvoulularattraperet ils

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avaienteuunaccident.Unbébé.Kristenétaitenceinte.Ouavaitétéenceinte?

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Chapitre32

Envie

Oceanaavaitquittémonlit(ouplutôtlesien)unpeuavant2heuresdumatin.Aprèsdescaressesetdesbaisersàn’enplusfinir,elleavaitdélaissémesbraspourceuxdeMorphée,surlecanapédesonsalon.NousavionsparcourulesruesdeManhattantoutelamatinée,justepourpenseràautrechosequ’àce

trucentrenous.Ilmedevenaitdifficiledenepaslatouchersansbanderquandsamèreétaitàcôté,alorstouslesdeuxseulsdanscetappartement…Nousn’avionsplusdepréservatifs,etlesrésultatsdenostestssanguinsneseraientprêtsqu’endébutd’après-midi.Ilfallaitpatienter.Justepatienter.Longtemps…Enréalité,àpeinelesrésultatsrécupérés,ceseraitlemomentd’allerrécupérerEthanà

l’école,puisnouspartirionschezWendyetPeteretnousnerentrerionspasavant…Faischier!Jeregardaiunedernièrefoisl’écrandemonportable.Kristenavaitcessédemeharceler.Jenesavais

pascequ’ellevoulait,maisçaattendraitmonretouràMiami.Quechangeraitunediscussion?Ellemel’avaitdéjàrépété.J’avaistuénotrebébédèsl’instantoùjeluiavaisditquejen’envoulaispas.Jenecomprenaispas.Oceananonplus.Ellen’avaitpasmalréagi.ElleavaitseulementforméunO

avec sa bouche, puis avait secoué la tête, les yeux fermés, pour enfin dire « Impossible ». Pourtant,Kristen avait fini parmemontrer le test degrossesse, ladernière foisquenousnous étionsvus, et lerapport de l’hôpital après notre accident. Avortement spontané causé par un choc à l’abdomen. Ilspouvaientappelerçacommeilsvoulaient, j’avaiscausél’accidentquiavait tuénotrebébé.Làencore,Oceanan’avaitpasmalréagi.Ellenem’avaitpasnonplustrouvéd’excuses,elles’étaitcontentéededire«C’estpasnet.».Nousavionslesmêmesimpressions.AvecKristen,nousn’avions jamaisparlédeça. Ilnem’était jamaisvenuà l’espritqu’ilexistaitun

moment particulier, pour un couple, où il fallait se poser de part et d’autre d’une table pour discuterd’avoirounonunenfant.Onnedécidaitpasçadujouraulendemain.Ilfallaituneraison.LamienneavaitétéOceana.Bienavantseshistoiresdegénomeetdemaladiehéréditaire.LaquestionavaitmûriavecEthan.Avantdeleconnaîtreetencoreplusdepuisquejel’avaisvusourire.Alorspourquoiaurais-je refuséd’avoirunenfantavecKristen,monpropreenfant,quandceluid’un

autremeprocurait tantdeplaisir?Commeme l’avaitditOceana,çan’étaitpasnet.Oualors, j’avaischangé.Changé à tel point qu’aujourd’hui avoir un enfant,mon enfant, avec elle devenait presqueuneobsession!Jemeretournaietenfouismonnezdansl’oreillerparfumédevanille,qu’Oceanavenaitdedélaisser.

Jem’endormis.Unelégèreagitationsurlematelasmeréveilla.Lapénombremepermitdedistinguerunepetiteforme

aupieddulit.Ethan.—Mamieronfle,chuchota-t-il.JeretinsungloussementenimaginantMadelyn,sagrand-mère,laboucheentrouverteetunfiletdebave

surlementon.Jeregardail’écrandemontéléphone.Bientôt6heures.Ilmepritlecoussindesamèreets’installasouslesdrapsavecladélicatessed’unenfantdesonâge.

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Autantdirequelelitdevintunvraichampdebataille.—Rendors-toi bonhomme,murmurai-je endégageant sonvisagede ses boucles blondes. Il te reste

encoreunebonneheurededodo.Ilrelevalatêteversmoietgrimaça.—J’aiplussommeil.C’étaitvraimentlacopieconformed’Oceana.Lemêmeregardgris,siexpressif,lemêmepetitnezqui

s’agitait au gré de ses humeurs, lesmêmes cheveux et lamême peau blanche. La seule chose qui lesdifférenciaitétaitlabouche.Celled’Oceanaétaitgénéreuseetpetite,lasiennefineetlarge.—Qu’est-cequec’est?demanda-t-ilenappliquantundoigtsurunedescicatricessurmonventre.Ilseredressasuruncoudeetapprochasatêtedemontorse.JecommençaisàconnaîtreassezEthanpoursavoirquesijem’embarquaisdansunepremièretentative

d’explication,destonnesdequestionssuivraient.—Jetelediraiquandtuteserasrendormi.—Tuenasd’autre?s’enquit-il,ignorantmaréponse.Jesoupiraiettapotaidemamainsonoreiller.— Sur les jambes, répondis-je néanmoins. Dodo, Ethan. Ce soir, tu vas te coucher tard, tu te

rappelles?Ilhochalatêteetserallongeasurledos,lesbraslelongducorps.—Àmonécole,jesuisleseulànepasavoirdepapa.Je déglutis. Je pouvais lui apprendre à faire du surf, luimontrer comment faire rougir samère, lui

trouverdenouvellescachettespoursesbonbons,maislesujetpaternel,çan’étaitpasmonfort.—Tusais,Ethan,commençai-je,l’important,çan’estpastellementd’enavoirun,c’estsurtoutd’être

aiméparlespersonnesquinousentourent.Ilsourit.Cesouriremefaisaitcraquer,commeceluidesamère.Avecça,ilpourraitachetern’importe

qui.Missionaccomplie!—Est-cequetum’aimes,toi?Merde.Nouvellequestion.Nouvelleépreuve.Laréponseétaitpourtantévidente.—Biensûr,bonhomme.Vienslà.Je lui tendis lesbras, et ilvint senichercontremoi.La jouecontremon torseetunemain surmon

ventre, il me donnait l’impression d’avoir de l’importance. Il sentait la vanille, comme sa mère. Jeremontailedrapjusqu’àsonépauleetl’étreigniscommepourleprotéger.—Est-cequeçaseraitunmensongesijedisaisàmescopainsquetuescommemonpapa?Saquestionmepritaudépourvu.Jenem’attendaispasàça.Ilauraitputoutaussibiendire:est-ceque

tuveuxêtremonpapa?Est-cequejepouvaisluidirequ’ilnedevaitpasmevoircommeça?Etmoi,qu’est-cequejevoulais?—Çan’estpaslavérité,répondis-jefinalement.Maisjenetegronderaispas.Je sentis sa joue frémir contremoi. Il souriait. Si ça le rendait heureux, alors qu’il le crie à toute

l’école !Moncœurse remplitde fierté.Deux joursavec lui,et ilnem’avaitpasseulementchangé, ilm’avaittransformé.Commesamère.Sarespirationdevintsifflanteetlégère,satêtesefitpluslourde.Ildormait.

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Despasprécipitésrésonnèrentsurleparquetdanslecouloir.Madelynavaitdécouvertlelitd’EthanvideetOceanaseulesurlecanapé.Laportedelachambres’ouvrit;jeportaiundoigtàmabouche,pourindiqueràmaoumesvisiteuses

denepasfairedebruit.—Ilestlà,maman,entendis-jeOceanachuchoteràsamère.Laporteserefermaderrièreelle.—Laisse-le,ilvientjustedeserendormir,murmurai-je.—Désolée.Je lui tendis lamainpour toute réponse.Moins spontanéequ’Ethan, elle choisit de s’asseoir àmes

pieds, les jambes entrelacées aux miennes. Ses petits pieds gelés me firent sourire. Sage décision.Qu’auraitditEthans’ill’avaitdécouvertedansmesbrasàcôtédelui?Pourtant,Oceanaserapprocha.Àquatrepattes,elleremontalelitjusqu’àmoi.—Jeconnaismonfils,chuchota-t-elle.Unouraganpourrait le frôlerqu’ilnese réveilleraitpas. Je

saisaussiqu’ilpeutdirejusqu’àcinquantefoislemotmamandanssonsommeiletqu’ilnesupportepasdedormirdanslesbrasdequelqu’unparcequ’ilatoutletempschaud.Ensuiteilprendratoutelaplace,adopteradespositionsdigned’uncontorsionniste,pourfinirbrasetjambesécartésentraversdulit,ettun’aurasd’autrechoixquedetelever.Àpeineeut-ellefinitsaphrasequ’Ethansemitàbougeretseretourna,embarquantledrapaveclui.Oceanasouritavecfierté.—Debout,Ricklesurfeur,souffla-t-ellesurmabouchesanslatoucher.Unechoseétaitcertaine,j’allaissurferaujourd’hui.Maispassurunevague,seulementsursapeauet

surseslèvres!Jerécupéraimesbéquilleset,avecleplusdediscrétionpossible,jelarejoignisdanslacuisine.Elle

ne se retourna pas àmon entrée et continua à préparermes délicieux pancakes dont je connaissais larecette par cœurmaintenant.Aumouvement de ses bras et au tintement de la vaisselle, j’en déduisisqu’elle en était à monter les blancs en neige. À deux pas derrière elle, je l’observais. Ses hanchesondulaientdansceputaindelegging.Jejalousaistoutcequiavaitledroitdemouleravecindécencesonpetit cul parfait.Moi aussi, je voulais ne faire qu’un avec sa peau,m’immiscer entre ses cuisses et yrestertoutelajournéeettoutelanuit.Aubruitdel’eauprovenantdelasalledebains,jesupposaiquesamèreétaitsousladouche.Jeme

collaiàelle.Ellefrémitaupassagedemeslèvresprèsdulobedesonoreille.—Rick…Ellenemegrondaitpas.Ellenemerepoussaitpas.Commemoi,ellen’enpouvaitplusdeseretenir.

Rienn’étaitcommeàMiami,oùnouspouvionsnoustoucher,nousfrôler,nousregarder.Ici,ilyavaitlacraintequ’Ethannoussurprenneetquesamèrenoussermonne.—Àquelleheure,lesrésultats?haletai-jedanssoncou.Ellerejetasatêteets’appuyacontremoi,appliquantsesfessesauplusprèsdemonintimitétendue,et

soupira.—13heures…—Hum.Bordel.Samère.Là,pourlecoup,mesjouesdevaientêtreaussirougequecellesd’Oceana.Jebondis

enarrière,cedontjefusrécompenséparunefulgurantedouleurdansmajambedroite.

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—Dé…désolé.Madelynm’ignorapourlancerunregardréprobateuràOceana.—Tuvois,Oceana,c’estpourcetteraisonquejeveuxquetuaiestonappartement!Oceanam’avaitvaguementparlédeça.Moi,jen’étaispascontre.Maisjem’étaisretenudeluifaire

partdemonavis.Ellesemorditsalèvreinférieureetseremitàlaconfectiondespancakes,commesisamèren’avaitriendit.Unsourireauxlèvres,Madelynmedemandapolimentsimanuits’étaitbienpasséeets’excusapourl’arrivéed’Ethanaupetitmatin.PendantqueOceanaprenaitsadouche,jeluioffrisànouveaudesejoindreànouspourlasoiréeet,

commelaveille,ellerefusa.Néanmoins,l’explicationqu’ellemedonnamefitsourire.Ilétaitquestionde la liberté de sa fille, de prendre ses distances avec elle et de lui laisser un semblant d’intimité.J’appréciaisbeaucoupMadelynet,mêmesiellerestaitréservéesurlarelationquej’avaisavecsafille,jesavaisquec’étaitréciproque.Finalement,commelaveille,nousavionspassélamatinéedanslesmagasins.Oceananesevoyaitpas

débarquer chez Peter et Wendy les mains vides. Bougon, je l’avais suivie dans une boutique depuériculture,puisdansunmagasinde jouetset,enfin,nousavions rejoint le laboratoire.Munisdenosenveloppes encore fermées, nousnous étionshâtésde retourner à l’appartement– j’étaismêmearrivéavantelleenhautdesmarchesdel’immeuble,lesdoigtsengourdisd’avoirchassélesrouestoujoursplusvitesurlebitumeetlesjambesdouloureusesd’avoirfaitl’effortdeportermonfauteuiljusqu’àlaported’entrée.Jem’encontrefichais!Àpeineeut-ellepassélaportequ’elles’empressadesouleversarobeblancheencoton.—Non,non,non,Vanille,tumelalaisses…L’instit l’avait lorgnéesansvergognecematin, laissantglissersesyeuxsurses jambesnuesavecun

peutropd’insistanceàmongoût.Et jevoulaismevenger.Jevoulaispouvoir luidiredansuneheure:«Salut connard, je lui ai enlevécette foutue robeet j’ai embrasséchaquecentimètrede sadélicieusepeau!».Enréalité,jenediraisrien,maislesjouesd’Oceana,rougiesdenotreétreinte,parleraientàmaplace!—Lestests,dit-elle.Jelarejoignisassezvitepourlafairesursauter.Mesmainsfilèrentàvivealluresoussarobe,jusqu’à

safineculotteendentelle.J’embrassaisaclavicule.Ellefrémit.—Jet’enprie,fais-moilalecture…Putaindevanille.Malangueglissajusqu’àsoncou.Lebruitd’unpapierqu’ondéchireeffleuramon

oreille.Premièreenveloppe.Undemesdoigtscourutsousladentelle,jusqu’àsonclitoris,lepressa,fitdepetitscercles.—Jenepeux…haaaa,gémit-elleenfermantlesyeux.J’appuyaimonmembredurcisursacuisse.—Jesuiscertainquetupeuxyarriver.J’inséraiundoigtenelle.Trempée.Elletrembladansmesmains.Jelasoulevaipourlaporterjusqu’à

latable,luiarrachantuncridedésespoir.—Négatif,haleta-t-ellecontremoi.Elle?Moi?Peum’importait.J’entendislefroissementdeladeuxièmeenveloppe.BonDieuqu’elle

étaitbelle.Jeposaimeslèvressursoncou,descendissursonépaulepuisàlanaissancedesonbuste.

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—Négatif,haleta-t-elleunenouvellefois.Coupd’envoi.Commelegongd’unmatchdeboxe.Plusriennepouvaitnousarrêtermaintenant.Jefis

glisserlesbretellesdesarobeetmereculaipourl’observer.Sapoitrineenferméedanssonsoutien-gorgeen dentelle se soulevait rapidement. J’introduisis une main dedans. Découvrant entièrement un sein,j’effleuraidemalanguesontétondurci.—Qu’est-cequetuveux?—Quetumemordes.Je souris avantdem’exécuter.Doucement,maisassez fortpour la fairegrimacer.Et commechaque

fois,jeluioffrisunesuccion,feignantdeluiaspirertoutedouleur.Ellegémit,latêterejetéeenarrière,ses ongles s’enfonçant dansmes omoplates. J’aimais tant la voir dans cet état, les joues rougies, lesmuscles bandés, la peau parcourue de frissons. Elle croyait être ma soumise, mais il n’en était rien,j’étaissonpantin,jerespiraisuniquementpourlasentir,jelacaressaisseulementpourlafairefrémiretjen’existaisquepourlafairejouir.Elle me retira mon polo. En un tour de main, j’ôtai pantalon et caleçon. J’appuyai mon pénis en

érectionsursadentelletrempée.Jevoulaisluifairesentirl’effetqu’ellemefaisait.Unrâlesortitdesabouche,oupeut-êtredelamienne,jenesavaisplusbien.Jen’étaisplusrien.Ellesesoulevapourm’aideràluiretirersaculotte.Bordel.Nousyétions.Cedontjerêvaisdepuis

desjourssetrouvaitdevantmaqueue.Jelapénétraidansungrognement.Là.Ilétaitlà.L’objetdemesfantasmes.L’exquisechaleurhumidedesonvagin.Jelasentais.Sansbarrière.Sansentrave.Entièrement.Avalantmonsexesanspudeur.Bordel,jen’allaispastenirlongtemps.C’étaitsibon.—Mouilléeàsouhait,haletai-je.Jel’embrassai,suçaiseslèvres,entrelaçainoslangues.Puis,àl’appuidesestalonssurmesfesses,

j’agrippaiseshanches.Jem’agitaisenelle.J’oubliaistout,lachaleurdelapiècesansclimatisation,lebruitdelacirculationetmêmelefaitquenousétionssurlatabledelasalleàmangerdesamère.Àlatensiondesesbrasautourdemoncou,jesusqu’elleallaitexploseretm’emporteravecelle.—Pasencore,Vanille,soufflai-jeenm’immobilisant.Pasencore.De se poings, elle pressa les fesses avec audace, pour s’empaler plus profondément sur moi. Je

devenaisfou.Maisjevoulaissesbrasautourdemoi.Jelasoulevaiet,sanspenseràladouleurdemesjambes,laportaijusqu’àsoncanapéoùjemelaissaitomberenarrière.Ellemedévisageauninstant.Oui.Jevoulaisqu’ellemechevauche.Ainsiassissouselle,jepouvais

menoyerenelleetsurelle.Aumouvementdesescuisses,jecompriscequim’attendait.Ellem’enfonçaenelledansungrondement.Jegémissurundesesseins.Observailatensiondesoncou.Soutinslepoidsdesondosaucreuxdemesmains.Elleondulait surmoi.Sapoitrineglissait surmon torse.Toutétaitlisse,chaudethumide.Sapeau,sonsouffle,dehors,dedans.L’orgasmepointaitsonnez.Jegrognaides«Oceana!»,haletaides«Oui!»etsoufflaides«Encore!».Jelâchaiprise.Ellejouitavecardeurdansmonoreille, criant desmots incompréhensibles, la boucheouverte, les yeuxbraqués sur lesmiens. Jem’effondraisursonépaule,lesoufflecourt.Jenevivaisquepourelle.Jeneregrettaisqu’unechose,quesapeauaitaussibiencicatriséetquelehâleaitsiviterecouvertmes

morsures de la semaine précédente. Parce que cette robe laissait tant voir de son décolleté que lesalopardd’institaurait,enlesdécouvrant,unbonsujetderéflexion.Oceana,lesyeuxrivéssurlamassed’écoliersquidévalaitlesmarchesdel’institution,n’yvoyaitque

du feu. Une seule chose comptait. Ethan. Moi, en revanche, j’avais chargé les miens de noirceur,

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uniquementpourcetype.Etlepiredanstoutça,c’étaitqu’iljouaitletimoréetl’effarouchédevantelle,maisàl’abridesesregards,ill’épiaitcommeunvieuxpervers.Ethanseruadanslesjambesdesamère,puissautasurlesmiennes.Cettefois-ci,jenepusmeretenir

degrimacer.Jen’avaisrienditàOceana,maisquelquechoseclochaitdanslajambedroite.ÇaattendraitmonretouràMiami.Commelepremierjour,l’instituteurs’approchad’elleetluiservitsonnumérode«Jenesaispasquoivousdirepourvousparler…».Oceanamesouritpourmefairecomprendredenepasl’attendre.J’assenaiaufauxcoincéunregardnoirqui lefitdéglutiretprisdel’avance.Lentement.Auboutde

quelquesmètres,jem’arrêtaietmeretournai.Ethanm’expliquaitqu’ilsavaientunpoissonrougedanslaclasse.Jenel’écoutaisqu’àmoitié.Oceanarevenaitversnous,tropdoucement,leregardhagardetleslèvrespincées.Arrivéeànotrehauteur,elleenfouitsamaindanslachevelured’Ethanpuislaluitendit,sansmeregarder.Ill’attrapaetdescenditdemesgenoux.—Oceana?Sansrépondrenitournerlatêteversmoi,ellerepritsonascensionversl’appartement.Jeréitérai:—Oceana?EllesouritàEthanquis’étaitarrêtéetluidit:—J’aiunetrèsgrosseenviedefaireungâteauauchocolat,trésor.Moncœursebrisa.Sielleavaituneenviedegâteauauchocolat,çan’annonçaitriendebon.Etc’était

moidontellechoisissaitd’ignorerl’existence.

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Chapitre33

Désolé

WendyetPeterhabitaientdansunluxueuxappartementautrentièmeétaged’unimmeubledel’UpperWestSide.Oceana avait gardé la tête biendroite et la bouche fermée surun charmant sourire à notrearrivée. Jen’avaispaspenséuneseule secondequ’ellepourrait se sentirmalà l’aiseavecmesamis.C’étaitOceana.EtOceanas’accommodaitdetout,non?Il fallait croire que non. Elle avait rougi naïvement en distribuant ses cadeaux à Lily et àWendy,

commesicequ’elleavaitchoisineseraitjamaisàlahauteurdeleursattentes.PeteretWendypouvaientparaîtresuperficiels,puisqu’ilsneregardaientjamaisàladépense,maisilsn’enaimaientpasmoinsleschosessimples.Peter,àladifférencedeWendy,devaitsonargentàseseffortsetàsonambition.IssudelaLittleHaïti,àMiami,lequartierlepluspauvredelaville,ilavaitréussiàobteniruneboursed’étudesetàintégrerlaprestigieuseécoledecommercedeMiami,lamêmeannéequemoi.Dèsl’obtentiondesondiplôme, il avait plié bagage pourNewYork et fait la connaissance deWendy dans des circonstancescocasses.Lesparents deWendypossédaient denombreux appartements, etPeter occupait l’und’entreeux.SaufquePeter, tout commemoiàcetteépoque,n’avait en rien l’apparenceduparfait intellectueltimideàlunettes,maisplutôtcelledumauvaisgarçon.EtWendy,quihabitaitàl’étageinférieur,enavaitfaitlesfrais.Elleavaitsubi,presquetouslessoirs,lescrisdesfillesetlesgrincementsdesressortsdesonlit,desheuresdurant.Bienquegentille,éléganteetdebonnefamille,ellen’étaitpasdustyleàselaisserfaire.Elleavait,unsoir,simuléunejouissanceexagéréetoutenmartelantavecrythmelemurdelachambre.Peteravait cessé sesactivitésnocturneset avait fait livreràWendyune rose rouge, tous lesjours,pours’excuser.Pendantunmois.—J’aicrucomprendrequevousétiezinfirmière?demandaWendyenposantlepaquetcadeausurses

genoux.Oceana, assise dans le sofa en cuir blanc en face d’elle, acquiesça avec appréhension. Je pensais

pourtantque l’excitationdeLily l’avait rassurée.Sitôt soncadeauouvert, celle-ci avait foncédans sachambreavecEthan.Peteravaitraison,cesdeux-làs’entendraientàmerveille.Jequittaimon fauteuil roulantpourm’asseoirplusconfortablementdans le sofaàcôtéd’elle.Peter

revenaitavecnosboissons,jusd’orangepourlesfemmesetbièrepourluietRick.Jenepusmeretenirdefrôlersacuisseduboutdesdoigtspar-dessusletissuenveloursdesarobenoire.Ellesetendit,maislecoindeseslèvressereleva.Premièreréactionpositivedepuisquecesalegarsd’institluiavaitparlé.Sitôtrentréeàl’appartement,elleavaitpréparésongâteauensilence,plongéedanssespensées;elleenavaitmêmeoubliédeproposeraubonhommede lécher leplat. Il l’avaitboudée jusqu’ànotrearrivéechezPeteretWendy.Ouplutôt,Lilyavaitréussiàluifaireoublierson(presque)caprice.—Vousn’auriezpasdûpour le cadeau, c’est trèsgentil à vous, la remerciaWendyendéfaisant le

rubanvert.Oh!C’estmagnifique ! s’extasia-t-elleenbrandissant lepetitpyjamableu turquoise.Maisbleu?Pourquoi?—J’aicrucomprendrequec’étaitungarçon,murmuraOceanaenjetantunrapidecoupd’œilàPeter.

Wendysetournaverslui.

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—Ungarçon?Etcommentpeux-tuenêtrecertain?—Jenevoulaispascauserdedisputes,intervintOceana.—Peter,j’espèreréellementquetuneconnaispaslesexedubébé,sinontupeuxrécupérertonoreiller

etfilerdroitverslachambred’amis!menaçaWendy.—J’aigardéleticketdecaisse,voussavez…repritOceana.—Alors,Peter?insistaWendy.—Net’inquiètepas,ilssonttoujourscommeça,murmurai-jeenmepenchantversOceana.Wendusoupira.—Jeneferaipasdetroisièmeessaipouravoirungarçon,alorsilvautmieuxpourluiqu’ilsefasseà

l’idéed’avoirunefille.Jeseraismêmeprêteàluifairesubirunevasectomie,railla-t-elle.—Elleneleferaitpas,meditPetersansgrandeconviction.—Tuveuxparier?ledéfiaWendy.LilyetEthanrevenaientencourant.—Onasoif,papa!s’écriaLily.Peterposasabièresurlatableetlasoulevadanslesairs.—Çan’estpascommeçaqu’ondemande,jeunefille…—S’ilteplaît,papa!Ethan,essoufflé,lessuivitjusqu’àlacuisine.Oceanasemblaitpréoccupée.Elleaussiavaitremarqué

sesjouesexagérémentrouges.— Comment arrivez-vous à concilier votre vie de famille et votre vie professionnelle ? demanda

Wendu. Lily est constamment dans mes pattes. Je ne trouve même pas le temps d’aller chezl’esthéticienne!—Mamèrem’aidebeaucoup.Maispeut-êtrequeLilyveutprofiterdevousavantquesapetitesœur

arrive?suggéraOceana.Wendysepenchaversnous.— En réalité, chuchota-t-elle, c’est un garçon. Je le sais depuis quelques semaines, mais Peter

l’ignore.Jeveuxlevoirpleurercommeunefilleàlanaissance!Ettoi,Rick,tuferaismieuxdetetaireoùjeteprometsdetefairesubirlavasectomieàlaplacedetonpote!Oceanasemitàrire.—Laissemescouillestranquilles,Wendy,jecomptebienavoirdesenfantsunjour,rétorquai-je.Lerired’Oceanas’arrêtanet.Commesimaphraseavaitcoupésescordesvocales.— Il va falloir que tu te mettes sérieusement au travail, Rick. Peter m’a raconté pour… comment

s’appelle-t-elle,déjà?Kristen.Tuaseudesnouvelles,depuis?Jehochailatête,incapabled’endireplus,etbusd’untraitmabière.Wendyserelevaengrimaçant,

gênéeparsonénormeventre.—Jevousfaisvisiter?luidemanda-t-elle.Oceanaselevaàsontour,sanssefaireprier.Ellen’avaitpasl’aird’avoirenviederesteràcôtéde

moi.J’auraisvoululuidirequej’étaisdésolépourEthan,désolépourKristen,désolépourlesenfantsquejedésiraisetqu’ellerefusaitd’avoir.Non.Enréalité,jen’étaispasdésolé.J’avaiscruagirpourlemieuxavecEthan,Kristenavaitfaitpartiedemavieet,qu’elleleveuilleounon,jevoulaisdesenfants.

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QuandPeterrevint,ilsemontradirect.—Oùtuenes,avecKristen?—Tafemmem’aposéàpeuprèslamêmequestion,ilyacinqminutes.Jen’ensaisrien.Etjen’avaisaucuneenvied’abordercesujet…—Maintenantquetuespresquesurpied,tucomptesreprendretesaffairesavectonpère?—Dansdeuxmois,soufflai-je,lesyeuxrivéssurOceana.Sesbouclesblondesdansaient sur sondos.Lesbrasappuyés sur le comptoirde l’îlot centralde la

cuisine,ellediscutaitavecWendydevantlesfourneaux.Cetterobeenveloursnoirdessinaitchacunedesescourbes.Sinousn’avionspasétéàNewYorkavecEthan,j’auraisdéjàglissémesmainsdessousetremontélentementlegalbedesescuissesjusqu’àlacambruredesesreins.Jem’yvoyaisdéjà.—Oceanaestunejoliefille.Plusquejolie,même.—Jet’aivularegarder,continua-t-il.Ellenetelaissepasindifférent.C’estquoi,l’embrouille?—Pourquoiveux-tuqu’ilyaituneembrouille?—Tun’asplustellementbesoind’elle,maistulagardesencoreavectoiàMiami.Soittuesunputain

d’égoïstequipréfèrelaséquestrerplutôtquedelalaisseravecsonfils,soitilyauneembrouille.—Embrouille.Elleabesoind’argent.PourEthan.Ilfronçalessourcils,indécis.—Pourquoituneluidonnespascequ’elleveut?—Parcequejenepeuxpas.C’estCarlquivaluidonnerl’argent,figure-toi.Jejetaiuncoupd’œilàOceana.Ellemesouritrapidementavantdedétournerlatête.—Carl?J’aidumalàtecroire!D’oùluivientcetélandegénérosité?Je le savaispour avoir euunediscussionavec lui. Il pensait éprouverquelquechosepour elle.Au

départ, il s’agissait d’un simple défi, parce qu’elle lui avait résisté et qu’elle l’avait repoussé.Maismaintenant, après l’avoir vue rire, sourire, s’amuser, il était comme moi. Dépendant. Tombé sous lecharmede«lavanilledeRick»,commeildisait.— Ça n’est pas de la générosité. En fait, je pense qu’il ne sait même pas pourquoi Oceana en a

tellementbesoin.Ettuleconnais.Ilnedonnerienpourrien.Alorsquemoi, je luiauraisdonnéces troiscentmilledollarsaujourd’hui, si je lesavaiseus.Pour

Ethan.Pourmonbonhomme.—Quelestsondeal?Ilm’avaitpromisdeneplusriententeravecelletantquejeseraisaumilieu.Aumilieu.Commesije

pouvaisêtreunsimplecaillouqu’onpouvaitécarterduboutdupied.—Unputainderendez-vousparsemaine.Etlasemaineprochaine,ill’embarqueradeuxjoursentiers.Amer, jefinismabièred’unetraite.J’espéraissimplementquemonplanfonctionnerait.Sic’était le

cas,Carlseraitéliminédujeu,ellepourraitrentrerchezelleplustôt,etEthanauraitsonopérationplusvite.—Çan’apasl’airdet’enchanter.Mais,d’aprèsmoi,çan’estpasnonpluslevraiproblème.Jeme

trompe?

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—Qu’est-cequejevaisfaire,Peter?Jeveuxdire,OceananevoudrajamaisvenirvivreàMiamiavecEthansanssamère.Etmoi,àNewYork,jenesuisrien!Jen’aipasunsou,mesparentsm’ontcoupélesvivres,etjenemevoispasleculsurunechaisedansunputaindebureau.Ilmesourit.—Çan’estpassiterrible.Jefronçailessourcils.—Lesbureaux.Laissetomber,c’étaituneboutaderatée.Quelleestladifférence,aufond,entreêtre

assisderrièreunbureauàNewYorkouderrièreceluidetonpèreàMiami?Jesoupirai.Oceanafaisaitladifférence.Maispouvait-ilcomprendrequ’àMiamitoutétaitdéjàtracé

etécrit?C’étaitunevaleursûre.Unpeucommelameilleureportedesortiedansunmanoirhanté.—Ici,jenesuisqu’untypesurdesbéquilles,alorsqu’àMiami,j’aiuneplacequim’attend,répondis-

je.Illevalesyeuxauciel.—Pourlapremièrefoisendixansd’amitié,jevaist’insulter;neleprendspasmalsurtout.Tuagis

commeunsalegossederiches.—Cen’estpasuneinsulte,c’est-cequejesuis…—Non.C’estpire,s’esclaffa-t-il.Tun’asjamaisétécommeça.Tut’estoujoursdébrouillésanstes

parents.Etlà,àlapremièredifficulté,tuprendstesjambesàtoncou.Tuesunputaindetocardderiches,enréalité.Jesoupirai.Est-cequ’ilavaitraison?Toutauraitétéplussimplesij’avaisgardémonclubdesports

aquatiques ! J’aurai juste eu besoin d’un gars pour donner les cours et gérer la boutique en attendantd’êtrecapabledelefairemoi-même.Sij’avaissu…—Jepeuxtoujourstetrouverunpostedansmonentreprise,reprit-il.Jesaiscequetuvaux.Ettun’as

pasbesoindetesjambespourbosserpoureux.Réfléchis-y.—Réfléchiràquoi?demandaWendy,quisortaitde lacuisineunplateaud’amuse-boucheentre les

mains—Àtravailleravecmoi,répondit-il.Oceanamefrôlaenprenantplaceàcôtédemoi. Jemeraidis.Ellemeparutplusprocheque toutà

l’heure.Noscuissespouvaientpresquesetoucher.Qu’ellen’aitpaschoisil’autreextrémitéducanapémerassura.—Aumoinstuaurasunebonneexcusepourrentrertard,annonçaWendyàsonmarienluiplantantun

doigtdansleflanc.Je profitai de leurs chamailleries pour prendre la main d’Oceana et la porter à ma bouche pour

l’embrasser rapidement. Un sourire angélique naquit sur ses lèvres. J’allais y réfléchir. Je devais yréfléchir.Lasoirées’étaitbienpassée.Oceana,détendue,avaitbeaucoupri.Etàprésentquenousallionsenfin

nousretrouverseuls,jemedemandaissic’étaitlebonmomentdeparlerdecequil’avaitagacéeendébutd’après-midi.Jen’avaisaucuneenviedemedisputeravecelle.Parceques’ilétaitquestiond’Ethanetde son enviededire que j’étais comme sonpère, je nem’excuserais pas.Elle,mieuxquequiconque,pouvaitréaliseràquelpointc’étaitimportantpourluidenepasparaîtredifférent.—Ils’estrendormi?luidemandai-je.

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Ellehochalatêteetposasesyeuxsurmesjambesnues.Assissurlelit,jelesmassais.Nosgalipettesde l’après-midi nem’avaient pas laissé indemne.Etmême siEthan ne devait pas peser plus de vingtkilos,l’avoirportésurmesgenouxdelavoitureauporchedel’immeublen’avaitpasarrangéleschoses.Maisj’étaisfierqu’ilaitvouluêtreavecmoi,surmoi.— J’ai passé une bonne soirée, annonça-t-elle en récupérant son oreiller et sa couverture dans son

armoire.Ilétaittoutauplus22heures,etellepartaitdéjà.—Tunerestespas?—Jesuisbarbouillée,quelquechosen’estpaspassé.Ellesefrottaleventreengrimaçant.—Est-cequec’estlaseuleraison?Ellesecoualatête,puissoupira.—Jenet’obligepasàrestersitun’aspasenvied’êtreavecmoi…Ellevintseplacerdevantmoietsetourna,soulevantsescheveux,pourmedonneraccèsàlafermeture

àglissièredesarobe.Cetterobe…BonDieu!Lentement,jelatiraijusqu’aubasdesesreins.Sapeaudouceétaitgelée.Je

l’attiraiàmoipourlaréchauffer.—Qu’est-cequ’ilt’adit?L’instituteur?demandai-jecontresapeau.Ellefrissonnaunenouvellefois.J’ôtaimonT-shirtetleluitendis.Elles’empressadel’enfiler.—Pascesoir,Rick.Jet’assurequeçanevapas.Jesuisréellementbarbouillée,jesuisgelée,j’aides

courbaturesetj’aidumalàparler.Sonmurmuremedéchira. J’ouvris le lit ; elle s’allongeaprèsdemoi.Ellene frissonnait plus, elle

grelottait.J’éteignislalampedechevetetétreignisOceana,nichantsatêtecontremontorseetentrelaçantsesjambesauxmiennes.—D’accord,chuchotai-je.Jenevoulaispasqu’ellemequitte.Jevoulaiscomblerlefosséfroidethostilequ’elleavaitcreusécet

après-midi.Jevoulaisqu’ellesachequej’étaislàpourelle,aussibiendanslesbonsmomentsquedanslesmauvais.Commesiellepouvaitliredansmespensées,elleposaunbaisersurmonbrasetseserracontremoi.

Sonnezfroidsurmontorsemesurprit.Elleétaitréellementmalade.—Jeresteavectoi…Jefrictionnaisondosetcaressaisescheveuxjusqu’àcequ’ellecessedegrelotter.Cinqminutes?Dix

minutes?Peut-êtreplus.Àguettersessoubresautsdanssonsommeilagité,àobserversachambredanslapénombreetàécoutersarespiration.Finalementsonsouffledevintrégulier,sesmusclesserelâchèrent.Elles’étaitendormie.Lanuitnefutpascalmepourautant,Oceanapartitencourantjusqu’auxtoilettesaumoinsquatrefois.

Jenepouvaisfairemieuxqueluitenirlescheveuxetluitendreuneserviettepours’essuyerchaquefoisquecelaseterminait.—Qu’est-cequisepasse?S’inquiétaMadelynennousdécouvrantsurlesoldelasalledebains.Le dos contre le carrelage froid, je tenaisOceana dansmes bras. Elle s’était rendormie entremes

jambes,épuisée,seulementcouverted’unepetiteserviettedebain.

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—Quelquechosen’estpaspassé,luiexpliquai-je.J’aiessayédeluifaireprendreunantivomitif,maisellenegarderien.Elleresserralaceinturedesonpeignoirblanc.—JevaisposerunjourpouremmenerEthanàl’école,serésigna-t-elle.—Jem’enoccupe,nevousinquiétezpas;jesaisquechaquejourcomptequandOceanaestàMiami.Ellesavaitquej’avaisraison.Enl’absencedesafille,ellen’acceptaitpluslesheuressupplémentaires

etrefusaitdebosser leweek-end.C’était temporaire,mais jeconnaissaisassez lemilieuhôtelierpourcomprendrequ’elleperdait tous les joursunpeuplusd’argentetque le traitementde faveurdontmonfrèrel’avaitgratifiéen’étaitpaspasséinaperçuauprèsdesautresemployés.EtilyavaitEthan.Sijamaisilluiarrivaitquelquechose,elledevraitprendredesjoursdecongépourêtreauprèsdelui.Alors,autantprofiterdemaprésence.—Froid…murmuraOceana.Sespaupièresfrémirent,commesielleessayaitdelesouvrir.Jecaressaisonvisagepâle.—Net’inquiètepas.Vouspouvezm’aider?demandai-jeàMadelyn.Celle-cis’agenouillapourmaintenirOceanaassise.Jem’appuyaide toutesmesforcessurmesbras

pourmereleveretretinsuncritantlesdéchargesdansmesjambesdevinrentinsupportables.Àboutdesouffle, le visage crispé par la douleur, jeme baissai pour hisserOceana.Madelynme regarda avecinquiétude.—Çavaaller,mentis-je.Vingt-deuxpas.Vingt-deuxpaspourrejoindresachambre.C’étaitaussilongqu’atroce.Jevacillaisur

lesderniers.Bloquantmonsoufflecommes’ilmepermettaitderetranchermadouleurplusloin.Cenefutquelorsquejesentislecadredulitcontremestibiasquejepusrespirer.Jeladéposaidélicatementsurlematelasdansungrognementlibérateuretreprismonsouffleavantdetenterdelarejoindre.—Laissez-moivousaider.Là,ilnes’agitplusd’Oceana,Rick.Jenerefusaipas.Madelynm’aidaàcontournerlelitetàsoulevermesjambescrispées.—Merci.Ellemesouritavectendresse.—Jevous apporte unebassine, nevous levezplus, vousm’entendez ?Sinon, jem’occuperaimoi-

mêmed’Ethandemainmatin.C’estcompris?—Rick…m’appelaOceana,labouchepâteuse.Je…Rick,je…—Jetel’aidit,jesuislà,net’inquiètepas,mavanille.JemefoutaispasmaldeMadelyn.Decequ’ellepouvaitvoir.Moi,torsenu,dansunlitavecsafille

vêtuedemonT-shirtquicouvraitàpeinesesfesses.Oudecequ’ellepouvaitentendre.Mesmotsdoux.Jesavaisqu’elleavaitdépassétoutça.Qu’ellenejugeaitpas.Qu’iln’étaitquestionquedemonaffectionpoursafille.—Appelez-moisiçanevapas,d’accord?insista-t-ellechaleureusement.Je n’avais plus le choix. L’amertume m’envahit. Comment pourrais-je m’occuper convenablement

d’Ethan et d’Oceana au quotidien si aujourd’hui je n’étais même pas capable de gérer une simpleindigestion?Jenevoulaispasêtreunpoids.Jenevoulaispasêtreunfrein.Jevoulaisêtreunmoteur.Jevoulaisêtrelatraînéelumineusedecesdeuxétoiles.Jevoulaisseulementlesportertoujoursplushautetplusloin.

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Etjen’étaispasdetailleàlefaire.

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Chapitre34

Séparation

Je grimaçai devant le miroir de la salle de bains. Ou plutôt devant l’image qu’il me renvoyait.Désolante.Maigre. Blafarde. Immonde. Jeme rappelais avoir passé une nuit effroyable. Une journéeentièreà luttercontre les spasmesdemonestomacvideetcontredesaccèsde fièvre.Rickétait restéavecmoi.Unmédecinaussiétaitpassé,dontjenemerappelaismêmepasavoirvulevisage.Rick.Ilm’avaittenulescheveux,tenduuneserviettemouillée,cajolée,offertsaprésenceetsachaleur.

Etj’avaisessayédeluifairecomprendrequejenevoulaispasqu’ilmequitte,quej’étaisdésoléepourtoutça,etpourlereste.J’enfilairapidementunchemisierblancetunjean,appliquail’anticernesdemamèresousmesyeux,

exagéraileblushsurmespommettes,passaisurmeslèvresunefinecouchedeglossrose.Jeparaissaismoins fade. Mais l’essentiel pour moi, c’était d’être assez remise pour emmener Ethan à l’écoleaujourd’hui.Mamèrem’avait raconté lanuitdemercredià jeudi,et la journéequiavaitsuivipendantnotre petit déjeuner qui, je l’espérais, resterait à sa place dans mon estomac. Rick s’était occupéd’habillerEthan,deleconduireà l’écoleetderetourner lechercher.Puis ilsavaientprisuntaxipourCentralPark,avaientvisité lezoo,canotésur le lacetregardélecielchangerdecouleur,allongéssurl’herbe.Cequejeredoutaiss’étaitproduitàmoninsu,Ethans’étaitprisd’affectionpourlui.Venirensembleà

New York n’avait pas été notre meilleure idée. D’une part, Ethan allait devoir faire face à deuxséparations et, d’autre part, je devais encore mettre certaines choses au clair avec Rick. Plus tard.Lorsqu’Ethanseraitàl’école.Lorsquenousserionsseuls.QuandEthanmevit entrerdans lacuisine, il sautade sachaiseet seprécipitadansmes jambesen

hurlant«Maman!».Iln’avaitpasl’habitudedemevoirmalade.Jevenaisderattraperdesannéesderésistancesauxvirusenuneseuleindigestion!Jecaressailatêtedemonfils.Leprolongementdemavie.Lameilleure partie demoi. Ethan.Ce petit être au cœur fragilemais au pouvoir de reconstruction sigrand.Ilmesuffisaitdeleregarder,lesyeuxrayonnantdegaieté,pourcomprendrecequ’étaitl’amour.Jen’étaispasaumieuxdemaforme.Jefustoutdemêmecapabled’emmenerEthanàl’école,pendant

queRickdormaitàpoingsfermésdansmonlit.Aprèstoutcequ’ilavaitfait, ilméritaitbiensagrassematinée!Lamétéo semblait demoncôté, le soleil rayonnait dansun ciel bleu, sansnuage.C’était ledernier

matin.Moncœur se serra enpensantquecette semainemeparaîtraitpresque irréelle le lendemain, etbienplusencorelesjoursquisuivraient.Unrêveéveillé.Laprochainefoisquejeposeraislespiedssurle sol deNewYork, la nature se serait habillée des couleurs de l’automne, la brise serait fraîche etvivifiante,etEthanpourraitavoirsonopération.C’étaitmonseulobjectif.Je le laissai monter les marches blanches de l’école et lui envoyai un baiser soufflé avant de

rebrousserchemin.Laconversationlaplusdifficiledemaviem’attendait.J’avaiscinqminutes,letempsqu’ilmefallaitpourrentreràlamaison,pourfairelepoint.Peut-êtreplus,siRickdormaitencore.

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D’abord toutsedire :plusdesecrets.CesserdecroirequeRickpourraitpartirencourantquand ilentendraitcequej’avaisàluidire.Jenevoulaispasd’autresenfants.Insistersurcepoint.Qu’ils’engageenconnaissancedecause.Jene

changeraispasd’avis. Jeneprendraispas le risquede revivre toutes ces épreuves, jenevoulaispasentendreunlaborantinmedirequetoutétaitmafaute,quej’avaisléguéàmonfilslemauvaisgène.Quejelerendaismalade.Ethan. Jen’étaispas seule.Au risquedeme répéter, s’ilvoulaitvivreavecmoi, etpourmoi, il ne

pouvaitpasomettreEthan.Nousétionsunlot.Jeneluidemanderaispasdedirequ’ilétaitsonpère,maisje voulais qu’il prenne conscience qu’en s’engageant avec moi, il prenait aussi le risque qu’Ethans’attacheàlui.Qu’ilnepourraitpasdire«Oui,jesuislàaujourd’hui,maispeut-êtrepasdemain.».Ensuitelui.Etsafamille.Jenevoulaispasêtrelaraisondeleurséparation.Jenevoulaisriend’autre

qu’êtreOceanaetEthan.Jenelesdétestaispas,jenelesméprisaispas.Jen’avaisjamaisrencontrésonpère, et quelque chose me disait qu’il aurait autant de considération pour moi que pour un vulgairechewing-gumcollésuruntrottoir!Pourcequiétaitdesamère…j’étaispresquecertainequ’ellen’étaitpas le dragon qu’elle paraissait. Pourquoi, sinon, avait-elle accepté demedonner les trois centmilledollars dont j’avais besoin ?Et son frère… Il était le patron demamère, et, d’après elle, quelqu’und’humain.J’avaispeineàycroire.Quoid’autre?Notreavenir. Je le suivrais, c’étaitdécidé.S’ilvoulaitque jevienneàMiami, je le

feraissanshésiter.Jen’auraisaucunmalàtrouverunpostedansunedesnombreusescliniquesdelavilleetunenouvelleécoleàEthan,jelesavais.Mamèreavaitraison,jedevaism’envoler.Etaussiluilaissersonespace.Notrerelationfusionnelleempiétaitsurnotrevieprivée.Deloinleplusimportant.Jel’aimais.Jedevaisluidire.Leluicrier.Leluirépéter,mêmes’iln’était

pascapabledel’entendre.Finalement, cinqminutes avaient suffi. Très calme, j’entrai dans l’appartement. La cuisine baignait

danslapénombre.Iln’étaitpaslevé.—Jetel’aidit,jen’ensaisrien,Kristen,entendis-je.Kristen…Mesjambesflageolèrent.—Non.Tu…tunepeuxpasmedireça.Tum’aslaissépartir.Tuespartie!Parfaitmélangedelatendresseetdeculpabilité,letondesavoixm’acheva.Jechancelaietm’appuyai

aumurducouloir.—C’estunenfant,Kristen,neparlepascommeçadelui.Tuneleconnaismêmepas.Lecœurbattantlachamade,j’entreprisdecontinuermonascensionjusqu’àmachambre.—Nelecomparepasànotrebébé!Nemélangepastout!Bienconscientequejen’avaispasàécoutercetteconversation,jefranchislepasdelaportepourlui

fairesavoirquej’étaislà.Lalumièredelalampedechevetsereflétaitsurlapeauluisantedesondos.Assisauborddulit,latêteentrelesmains,l’airabattu,ilneremarquapasmaprésence.—Jerentredemain.Nepleurepas,s’ilteplaît.Je…(Ilsoupira.)Demain,Kristen.S’ilteplaît.Jetoquaidoucementàlaporte.Ilseretourna.—Non.Jetelerépète,jen’ensaisrien,murmura-t-il.Autant sa phrase que son expressionme firent rebrousser chemin jusqu’à la cuisine, oùme laissai

tombersurlapremièrechaisevenue.Ilnesavaitpas?Ilnesavaitpasquoi?!Pasletempsd’imaginerlepireoudemonterunscénariodansmatête,ilétaitdéjàlà.

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—Jenesaispascequetuasentendu,commença-t-il,maisjesuisdésolé.Jepouvaisimaginerlepire.Ilétaitdésolé.Jemelevaietprisunetassepropredansleplacard.—Oceana…Jeremplislatassedecaféetluitendis.Mamaintremblait.—Disquelquechose,mesupplia-t-il.Direquoi?Encinqminutes,j’avaiseuletempsd’échafaudertoutundiscours,maisilnem’avaitfallu

quequelquessecondespourperdretousmesmoyens.Jenesavaisplusrien.—Qu’est-cequ’elletereproche?soufflai-je.Il s’emparade la tasseet laposasur la table.Ladistanceentrenousse réduisit sensiblement.Mon

corpsréagit,aussitôtattiréparlesien.—Qu’est-cequetuasentendu?demanda-t-il.Jeneveuxplusqu’ilyaitdesecrets,jeneveuxplusquetutecaches.Dis-moisimplementcequ’ellete

reproche.Sesyeuxbleussechargèrentdetendresse.—D’aimerEthan,det’aimer.Moncœurseserra.Ilnousaimait.—D’aimerEthan,alorsquetunevoulaispasdetonpropreenfant?repris-je.Sabéquilletombaavecfracassurlesol.Ilpritmonvisageentresesmains.—Est-cequetuasentenducequejeviensdetedire?Jeviensdetedirequejet’aimais,Oceana!Jefermailesyeuxuninstantpourfixersesmotsdansmatêteetoublierladétressedesonregard.—Moiaussi.Maisrépondsàmaquestion.EllepensequetupréfèresEthanaubébéquetuauraispu

avoiravecelle?Ilhochalatête,lestraitstirésparlaculpabilité.Ilsavaitqu’elleavaitraison.—Estcequetuveuxavoirunenfant?Àtoi?repris-je,leventrenoué.—Paspourl’instant,répondit-ilensecouantlatête.—Maisunjour,oui.Tuypenses,n’est-cepas?Sonsilencefutaussilourdetdurqu’uncoupdepoingdansl’estomac.—Jeneveuxpas,moi,réussis-jeàluiavouer.Sessourcilssefroncèrent.—Seulementparcequetuaspeur.Peut-être,maispasseulement.—Jeneveuxpas.Ethanmedonnetellementd’amourquejeneressenspaslebesoind’enavoirplus.

Toutsimplement.—Alorsj’auraiEthanaussi.—Nedispasça…Je reculai.Sachaleurm’hypnotisait, saprésencem’enivrait,nousdevionsparler. Je fisminedeme

serviruncafé.

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—Unjouroùl’autre,tumeledemanderasettumereprocherasdenepasvouloirtedonnerunenfant.Tonenfant.Etalors,turegretterasdeneplusavoirlechoix.—Est-cequetuesentraindemedirequ’ilfautquejechoisisseKristen?Non.Jevoulaisqu’ilmedisequ’ilm’aimaitplusquetout,qu’ilessaieraitdemefairechangerd’avis,

etque,s’iln’yparvenaitpas,ilmeséquestreraitetm’attacheraitdansunlitàbaldaquinjusqu’àcequejesoisenceinteetqu’ilaitunbambinàlui.Jenevoulaisenaucuncasqu’ilmeparledeKristen.Moncœursebrisa.IlpensaitàKristen.—Est-cequec’esttonchoixaujourd’hui?Jeveuxdire,est-cequetupensesquetudoischoisirentre

Kristenetmoi?Parcequesituypenses,c’estquetuyasdéjàréfléchi.Chancelant,ilattrapaunechaiseets’assit.Ilavaitmalauxjambes.J’évacuaisadouleurdansuncoin

dematête,nousdevionsparler.Sijem’inquiétaispourlui,sijeletouchaismaintenant,çaenseraitfinidenotreconversation.Nousfinirionssurcettetableoubiendansmonlit.—Kristenm’aquitté,souffla-t-il.— Non. Elle a fui parce que tu ne voulais pas de son enfant. Elle revient parce qu’elle sait

qu’aujourd’hui tu ne réagirais plus de la même manière. Parce qu’elle sait que tu veux un enfant.Maintenant.Jeportailatasseàmeslèvressanspourautantappréciermoncafé.—Tunepensespascequetudis.Biensûrquenon,jenelepensaispas.Elleétaitpartie.Perdreunbébén’étaitpasuneraisonvalable.

C’étaitunaccident.—Etsionlaissaitcettehistoiredecôté?Pourquoiétais-tudésolé?Ilsoupira.— Je suis terrifié,Oceana.Terrifié parce que je ne sais pas quoi faire pour vous rendre heureux !

Terrifiéparcequejeneseraijamaiscapabledesubveniràvosbesoins…—Maisdequoituparles?—Regarde-moi!Soncrimefittressaillir.Jenefaisaisqueça,leregarder.Avecl’enviedemeréfugierentresesbras.—Jenepeuxrienfairesansavoirmalauxjambes,reprit-il.Leseulchoixquej’aie,c’estderentrerà

Miamietdetravaillerpourmonpère.—Ettesparentsneveulentpasdemoi,conclus-jeàsaplace.Jepouvaislecomprendre.Jen’étaisqu’unesimpleinfirmière,mamand’unpetitgarçondecinqans,

filled’unedeleursemployés.Àquoibons’attacheràmoi,alorsqu’ilavaitKristen, jeune,richeetdebonnefamille?LepoingdeRicks’abattitsurlatable.Jesursautai.—Jemefousdecequ’ilsveulentounon!s’exclama-t-il.Monpèreestunéternelinsatisfaitet,quoi

quejefasse,çaneserajamaisassezbien.—S’ilavaitsipeud’estimepourtoi,ilnetepermettraitpasdedevenirlefuturdirecteurdesonhôtel.

Tusaisquej’airaison.Ilsoupiraetmedévisagea.—Alors,quoi?—Est-cequetul’aimesencore?

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Je retins ma respiration. Le visage impassible, j’essayais de faire bonne figure. En réalité, j’étaisbriséeenmillemorceaux.Toutétaitdouleurenmoi.—Kristen?Je…C’est…Jen’ensaisrien.Est-cequ’onpourraitparlerd’autrechosequedeKristen?Ilnesavaitpas.Commentpouvait-ilhésiter?Commentpouvait-ilencoreluidonnerunechanceaprès

cequ’elleavaitfait?Ilattrapamonpoignetettentadem’attireràlui.Jerésistai.—Non.Parcequelà,tuaslechoix.TuaslechoixentreKristen,appréciéedetafamilleetquidésire

avoirunbébéavectoi,etmoi.Ses yeuxnem’offraient plus l’azur desCaraïbes,mais le bleumarine du fond froid et hostile d’un

océan.—Ettoi,quelesttonchoix?Est-cequetuveuxdemoi?Sesdoigtsfirentpressionsurmonpoignet.Jedéglutis.—Pasdanscesconditions.Pastantquetun’auraspasréglétesproblèmesàMiami.Pastantquetune

seraspasconvaincuquejemefousdel’argentetdetesjambes.Déçu,ilmelâcha.—Nefaispasça.Tuchoisisàmaplace.Ilavaitraison.Jelelaissaispartirparcequejenevoulaispasqu’ilseretourneunjourensedisant

qu’ilavaitfaituneerreur.Jenevoulaispasvivreavecsesregrets.—Non.Jechoisisdet’aimeretdeprendrelerisquedeteperdre.Jem’engouffraidanslasalledebainsetrefermailaportederrièremoi.Qu’est-cequej’étaisentrain

de faire ? Je détruisais mon bonheur. Pourquoi n’étais-je pas égoïste ? Pourquoi n’étais-je pasmédisante?J’auraisgerbédestonnesd’insultessurKristenetsafamille,etjeluiauraisdemandédetoutquitterpournous.Non.Jen’étaispascommeça.Lanauséemeprit.Jen’eusqueletempsd’atteindrelestoilettes.Aubruit,Rickaccourut.D’unsignedelamain,jeluiintimail’ordrederesteràsaplaceetmelevai.—Jevaisbien.—Nemerepoussepas,mesupplia-t-il.Jemelavairapidementlaboucheavecunpeudedentifrice.J’étaisincapabledelerepousser.S’ils’approchaitdemoi,jenepourraisplusrépondredemoncorps.

Monchemisierblanctachédecaféfutmaportedesortie.JedépassaiRicketmeréfugiaidansmachambre.—Oceana,s’ilteplaît…Mavisionsetroubla.Jedéfislesboutonsnacrésdemachemiseetlajetaidansuncoindelapièce.

J’eus l’impressiondemieux respirer l’espaced’une seconde. Jusqu’àcequeRickpose sesdoigts surmonépaule.—Oubliecettehistoiredebébé.OublieKristen,soufflai-je.Qu’est-cequetuauraisfait,siriendetout

çan’existait?Ilmecaressalehautdubras.—Je…jenesaispas,balbutia-t-il.JeveuxêtreavectoietEthan,maisjeneveuxpasdépendredetoi.

Jeveuxpouvoirm’assurerquevousnemanquiezderien.

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Dansmatête,c’étaitTchernobyl,alorsquemoncorpsseliquéfiaitsoussatendresse.—Estcequejeteparaisvénale?Seslèvressurmanuquem’électrisèrent.Lesbretellesdemonsoutien-gorgetombèrent.—Biensûrquenon,Oceana.Jeveuxsimplementpouvoirjouermonrôleàlaperfection.—Mais tu l’as jouéà laperfection.Ethan t’aimecommeunpère, il acriéà tous sescopainsqu’il

avait,luiaussi,unpère!Tuluiasdonnéencinqjoursautantd’amouretd’importancequemoiencinqans.Tuluiasfaitcroirequetuseraistoujourslà!—Jesuisdésolé.—Non.Tunel’espasparcequetupensaisbienfaire.Jenetereprochepasd’avoirvoululuifaire

plaisir.Ilcaressamajoue,apparemmentsoulagé.—Tum’aspourtantboudépendanttoutunaprès-midi.—J’étaisencolèrecontremoi.Jenel’aipasvuvenir.—Jesuisdésolé,répéta-t-il.Sonpouceeffleuramonmenton.—Tunepeuxpastoutluidonnerettoutluireprendrelelendemainparcequetuasdesdoutes.C’estun

enfant,ilnecomprendrapas.—Jesais.Nemerepoussepas.Parpitié,nemerepoussepas.Pitié.Cefutledéclicdansmatête.Jeprismoncourageàdeuxmains.—Tu…JevousaientenduparlerCarlettoi,lesoirdecettedernièresortieettu…tudisaisavoirde

lapitiépourmoi.Est-cequejetefaispitié?Sonregardsedurcitetsonbrasretomba.—Dequoiparles-tu,Oceana?Troptardpourfairemachinearrière,mêmesij’étaisterrifiée.—Tuasditquetuneressentaisquedelapitiépourmoi.Ilserralespoings.—C’estpourçaquetuespartiedecettemanière-là?QuetuasembrasséCarl?Quetut’esdonnéeen

spectacle?—Je…Peut-être,balbutiai-je,incapabledeluidonneruneraisonvalable.—Estcequetum’asentendudiretonnom,neserait-cequ’uneseulefois?—Non.—Bordel,Oceana,tuasembrasséCarlsanssavoirsijeparlaisdetoi!Qu’est-cequej’avaisfait?J’avaisagicommeuneécervelée.Jem’étaislaisséguiderparlafolie,je

n’avaispasréfléchi.—Jesuisdésolée.—Pasautantquemoi!cria-t-ilenseretournant.Ilselaissatombersurlelit.—Çanesereproduiraplus,ettulesaistrèsbien,promis-je.—Jen’ensaisrien.Tuvaspasserdeuxjoursentiersaveclui.

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Jemeprécipitaiàsespiedsetposaimesmainssesbras.Moncœurbattaitsifortqu’ilenétaitpresquedouloureuxdelesentir.—Iln’yaurarien,insistai-je,affolée.—Etlesautresrendez-vous?—Iln’yenaurapasd’autres.JecompteréclamercequeCarlm’apromisetrentreràNewYork.

MoiquipensaisquecetteconversationavecRickseraitmonpiresouveniraveclui,j’étaistrèsloinde

m’imaginerquenotreretouràMiamilesurpasseraitlargement.Enréalité,çaneseraitpasunsouvenir,maisuncauchemar.Passeulementlemien,maislenôtre.Nousnenousattendionspasàça.Encorechambouléeparlespleursd’Ethanànotredépart,vaseuseaprèslestroisheuresdevol,jeme

seraisécrouléesurlegravier,devantsavilla,sijen’avaispasétéassisedansletaxi.—Qu’est-ceque…commença-t-ildansunmurmurepresqueinaudible.Ilm’avaitpromisd’essayer.Deréglersesproblèmesetderevenirsansdoutesetsansregrets.Quitteà

retourneravecelle.Enrevanche,jenem’attendaispasàdevoir,dèsnotrearrivée,êtreconfrontéeàça.Ilpritmamainet l’étreignitavecforcesanspourautantmeregarder.J’étais là.Oui.J’étaisbienlà,

assisedanscetaxi.Pourl’instant.Pluspourlongtemps.—AppelleCarl,réussis-jeàdire.—Non…Je refrénaimonenviede leprendredansmesbrasetdepleurer contre lui. J’avais l’impressionde

vivreuneséparation.Ladeuxièmeenunejournée.Sijepartaismaintenant,danscombiendetempsnousreverrions-nous?Unelarmedévalamajoue.—Montre-moilesphotos,hoquetai-je.Ilsortitsontéléphoneetfitglissersesdoigtssurl’écranjusqu’àafficherl’albumphoto.Jen’avaispas

prisletempsdelesregardercettenuit.Ilvoulaitmeprendreenphotolesjouesrougiesparl’extaseetilavait réussi. Je souris malgré moi en me découvrant les yeux brillants d’ivresse, la lèvre inférieuremeurtrie parmes dents retenant le gémissement suprême de l’explosion demon orgasme, les joues sirougesqu’onauraitpresquepupenserqu’ellesbrûleraienttousceuxquilestoucheraient.Ilavaitréussiàmesubtilisercemomentsiérotique.Ilfitdéfilerlesclichés,lentement.Ceuxd’après.Ilsmefirentpenserà des photos de jeunes adolescents insouciants et amoureux. Des grimaces. Des sourires. Des bisousvolés.Etmoiquidormais.Jepensaispourtantm’êtreendormieaprèslui.Cettenuit.Cettedernièrenuit.—Envoie-moicelleoùjeteregarde,l’implorai-je.Ils’exécuta.—Maintenant,appelleCarl.—Tun’espasobligéedepartir.—Jenesouhaitepasresteravecvousdeux.Ilfautquetuluiparles.Commepourclore ladiscussion, jedéposaiun rapideet ardentbaiser sur sa tempeetmedégageai

poursortirdelavoiture.

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L’airhumideet chauddeMiamime suffoqua.Comme lapremière fois, jeme surpris à chercherduréconfortdans labriseet,denouveau,riennesepassa.Jecontournai le taxipourprendremonsacdevoyage,lavaliseetlefauteuildeRickavantdecommencermonascensionjusqu’àl’entréedelavilla.Jusqu’àelle.Kristen.Elleétaitlà.Adosséecontrelemontantdelaporte,lesbrascroiséssoussapoitrine,levisageferméet

dédaigneux.Jem’arrêtaiàsahauteur.LeregardfixésurRickqui,derrièremoi,devaitréglerlacourseduchauffeur,ellemurmura:—J’airassemblévosaffaires;jesuislàmaintenant,nousn’avonsplusbesoindevosservices.Ellepouvaitdirecequ’ellevoulait, riennepouvaitm’atteindre.Rickm’aimaitetquelquechoseme

disaitqu’ilneluioffriraitpaslequartdecequ’ilm’avaitfaitvivre.J’avaispresquepitiéd’elle.Ilallaitcertainement lui offrir une seconde chance, lui pardonner et lui promettre dem’oublier, et elle n’étaitmêmepascapabledemeregarderenface.Aubruitdesbéquillessurlegravier,jemeretournai.Rickcherchamonregard.Lemien,paslesien.Je

leregardaicommesic’étaitlapremièrefoisquejelevoyais.Jemerappelaissespremierspasdanslapiscine. Le goût de ses lèvres sous la douche. Ses bras rassurants pendant l’ouragan.Mais aussi sescaressessurmoncoupdesoleiletsessourireslorsqu’ilmefaisaitrougir.—Carlseralàdanscinqminutes,m’informa-t-ilenarrivantànotrehauteur.Jehochailatête,lagorgenouée.—BonretouràNewYork,persiflaKristenentournantlestalons.Jenerépondraispasàsesattaques.Qu’elleleveuilleounon,jeresteraisencoreunpeuàMiami.Le

tempsdepersuaderCarldemelaisserpartiravecmonargent.

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Chapitre35

Miseenbouche

D’habitude,Carlsemontraitcausant,souriantetmoqueur.Mais là…Audébut, j’avaispenséque laprésencedeKristenétaitlacausedecettehumeurmais,mêmedanssavoiture,loindelavillaetdecettemégère dépourvue de sentiments, il ne s’était pas déridé.Çame convenait.Aumoins, j’étais certainequ’ilnemeposeraitaucunequestionsurNewYorkousurlaprésencedeKristenàlavilla…ouencoresur le fait qu’il devait m’héberger. De toute façon, j’aurais été incapable de lui donner une réponserationnelle. J’étais trop secouée. Si je fermais les yeux, je pouvais de nouveau entendre les pleursdéchirantsd’Ethanànotredépart,lessarcasmesdeKristen,etrevoirl’expressionindéchiffrabledeRicklorsquej’avaisrejointCarlàsavoiture.J’avais trouvémesaffairesregroupées,pliées,rangéessurunecommoded’unedeschambresd’ami.

Ennotreabsence,certaineschosesavaientchangé.LebureaudeRickavaitretrouvésaplacedansmonanciennechambre;lelitmédicaliséavaitdûêtrerenduàlasociétédelocation.Iln’avaitplusbesoindemoi.Iln’avaitplusbesoindemesservices,commeKristenl’avaitsibiendit…Maismoi,j’avaisbesoindelui.Pourmefairesourire,rire,rougiretvivre.Toutsimplementpourme

fairevivre.Leplusdifficileavaitétédeconstaterquetoutcelanesemblaitpasl’affecter.Commes’ils’yattendait.

J’auraisaiméqu’ilmedisequelquechose.Maisnon.J’avais vuCarl comme une bouée de secours.Dès son arrivée, j’avais sauté sur le siège passager

aprèsavoirjetémesbagagesdanssoncoffre.Puisj’avaisattenduqueCarletRickfinissentdediscuteravantdevoirlespalmiersdel’alléedelavilladisparaîtrederrièrenous.Et maintenant, alors que le soleil deMiami entamait sa descente derrière les grands buildings, je

n’étaismêmepluscertainedevouloirresteravecCarl.Sansl’opérationd’Ethan,j’auraisprislepremiervoldirectpourNewYork.Lespaysagesdéfilaientàtraverslesvitresdesonpick-upetmoi,jetremblais.—J’aifaitaussivitequej’aipu,marmonnaCarl.Mêmes’ilnemevoyaitpas,bientropconcentrésursaconduite(ouautrechose),jeluisouris.—Vousavezeudelachance:àquelquesminutesprès,jen’avaispasmontéléphonesurmoi,reprit-il.Delachance?Est-cequejedevaisvoirCarlcommemachance?Aprèstout,jel’avaisbientraitéde

bouéedesecours…—J’aiperturbétesplans,désolée,répondis-jed’unevoixfêlée.Ilne réponditpas. Jemesentiscoupable.Après la tristesse, la frustrationet l’impuissance, jem’en

seraisbienpassée.Lesbuildingsavaientlaissélaplaceauxplagesetàl’océanquis’étiraitàpertedevuesousunciel

orangé.Peut-êtrequedemain,jeseraisplusdisposéeàenapprécierlabeauté.Carls’engageadansunparkingsousunimmeubled’unetrentained’étagesentièrementvitré,etsegara.

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Nousyétions.Toujourssilencieux, il sortitdesavoiture, récupéramesbagageset, sansm’attendre, ilpartitaupasdecoursedansuncouloir.Quandjelerejoignisdevantl’ascenseur,jen’ytinsplusetlançai:—Demain,jechercheraiunesolution.Cettefois-ci,saréactionfutimmédiate:—Unesolution?Jelevailatêteversluitimidement.—Unechambred’hôtelenattendantdepouvoirrepartiràNewYork.Lesportess’ouvrirentsurunecabineluxueuse,toutedemarbreetdemiroirs.Ilyentra,jelesuivis.—N’importequoi!bougonna-t-ilensélectionnantlevingtièmeétage.—Jenevaispasrestercheztoiéternellement.Ilhaussalesépaules.—Pourquoipas?Tunemedérangeraspas.Enfin,jen’ensaisrienpuisquejen’aijamaisvécuavec

uneautrefemmequemamère.J’avaisoubliécedétail.Quidevenaitsoudainunénormeproblème.Jeseraispourluiuneproiefacile.

Est-cequejedevaisavoirpeurdelui?—C’estpourçaquetutecomportesdecettemanière?Autantcreverl’abcèsdèsmaintenant.—Commeuncon,tuveuxdire?Lesportess’ouvrirentsurunlongcouloirblanc.C’estvrai,jen’avaispasréfléchiauxconséquences.

J’avaisdemandéàRickd’appelerCarl,parcequec’étaitl’uniquepersonnequejeconnaissaisàMiami.—Jesuisdésolée…—Çan’estpasàtoidel’être.Jesuisénervéaprèsmontrouduculdepote.—C’estpourtantmoiquivaisdormircheztoi,ajoutai-jealorsquenoussuivionslecouloir.—Jetel’aidit,tunemedérangespas.Etjedevraismêmemeréjouirdesavoirquetuseraschezmoi,

saufquejen’yarrivepas.Tueslàparcequetun’aspaslechoix,etseulementpourça.C’estlapremièrechosequim’énerve.Devantuneporte,illâchamessacs.Lescléstintèrentdanslapochedesonshortcommes’ilsebattait

enduelavecelles.Jebaissailesyeux,honteuse.—Ladeuxième,reprit-il,c’estdevoirRickretourneraveccettefille,ouplutôtdeconstaterqu’ilte

laisse tomber pour cette fille. Tu vaux cent fois mieux qu’elle. Je dirais même que vous êtesincomparables!Etçaaussi,çadevraitmeréjouir.Uninstant,jecrusqu’ilseretenaitd’ajouterqueçaluilaissaitlechamplibre.Il ouvrit la porte et, d’un signe demain,m’invita à entrer. Je vis une cuisine entièrement équipée,

meublesInoxlaquésgris.Surlagauche,faceàl’îlotcentral,aprèsunelonguetablerectangulaireetsessixchaises,unénormecanapéd’anglebeigedevantunécranplat.Parlabaievitrée,j’aperçusunevueàcouperlesouffle.—Jeluiaidemandédefinircequ’ilavaitcommencéavecelle,précisai-je.L’océans’étendaitdevantmoi.Lesoleilparait lecieldemillenuancesorangées,puis se teintaitde

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bleufoncéetdevenaitpresquenoiraurasdelaligned’horizon.—Tuesmaso,maparole!Maso ? Non. Je m’étais plusieurs fois posé la question. Je l’aimais. C’était à lui que le choix

incombait.Jen’avaispasàlepersuaderdequoiquecesoit,niàtrouverdessolutionsàdesproblèmesquinemeconcernaientpas.Jehaussai lesépaulesetouvris labaievitréepour sortir sur la terrasse.Peut-êtreque levingtième

étagem’offriraitlaboufféed’oxygènequimemanquaitdepuismondépartdeNewYork?Les yeux fermés, les deuxmains cramponnées à la balustrade, j’essayai de respirer largement.Une

mèchedemescheveuxfrétillacontremajoue,maisl’extases’arrêtalà.QuefaisaitRickencetinstant?Quelquechosemedisaitquecettequestionallaitmetarauder.—Je…Enfin…,balbutiaCarlderrièremoi.Tumangesdetout?Jemeretournai.—Jen’aipastrèsfaim.—Tantquetuseraschezmoi,tumangeras,Oceana.Jedevinaiautondesavoixqu’aucunenégociationneseraitpossible.—Viens,jetemontretachambre,situveuxterafraîchirpendantquejeprépareledîner.Iltraversalesalon.Jelesuivissansentrain.Ilouvrituneporteentrelecoinsalonetlecoinsalleàmanger.C’étaitlaseuleporte,endehorsdela

ported’entrée.Jedemandai:—Oùesttachambre?—C’estmachambre.J’eusunmouvementderecul.Jedéglutisbruyamment.Carl,amusé,émitungloussement.—Jedormiraisurlecanapé,m’informa-t-ilcommepourmerassurer.—Jepeuxaussidormirsurlecanapé,m’empressai-jededire,labouchesèche.—Tupeuxaussidemanderàmonvoisindepaliers’ilneveutpastesous-louerunedeseschambres,

semoqua-t-il.Jetepréviens,c’estunvraipervers.Ilpassesontempsàépierlesjeunesfillesenbikinisurlaplage.—Jen’aipasdebikini…—Danstoncas,n’importequoiferaitl’affaire.Sesyeuxglissèrentsurmondébardeur,puissurmonshort,lelongdesjambesnues.Immédiatement,je

bannisdema tête l’idéedeporterunquelconquevêtementmoulant, sexyoucourt. Ilnemerestaitpasgrand-choseàmettre.Sachambredonnaitsurlaterrassedusalon,surlagauche;j’imaginaileleverdesoleilqu’ellepouvait

offrir lematinauréveil.Aucentre,entredeux tablesdechevetsgrises, trônaitun litkingsize en faced’un écran plat. Sur la droite, je devinai l’entrée d’un dressing. Je m’avançai. Carl me montra lesinterrupteurset lesLEDauplafonds’allumèrent.Ledressingavaitétéaménagédepartetd’autred’uncouloiraufondduquelserévélaitunesalledebainscarreléedemarbre.Jeretinsmonsoufflefaceauluxedecetappartement.Jenem’yferaisjamais.J’avaisl’impressionde

nepasêtreàmaplaceici.Unpeucommesij’étaisledessind’unenfantdetroisansexposéaumilieudesœuvresdePicasso.

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—Tutrouverasdesserviettesdanslemeubledubas,jet’apportetesbagages.Jem’engouffraidanslasalledebainsetfermailaporteàdoubletour.Seule.J’étaisseule.Avecma

nausée.Avecmes questions lancinantes. Je tentai de refouler un sanglot en pensant qu’elle pouvait letoucher, le regarder. Je me souvenais de la place de ses cicatrices sur son ventre, des marquesdisgracieuseslaisséesparlesagrafes.Ellenelesaimeraitpasautantquemoi.Toutsimplementparcequepourmoi,sesjambesétaientsynonymesdechaleuretd’affection.Ellesétaientlepremierlienquej’avaisnouéaveclui.Jesursautaiàlavibrationdemontéléphonedanslapochedemonshort.C’étaitmamère.Ethanallait

bien,ils’étaitendormi.Sonmessagem’arrachaunminusculesourire.Mêmemonfilsnepouvaitrienpourmoi.Jen’étaispasseulementtriste,j’étaisanéantie.Commeengloutieparlesténèbres.Toutétaitnoiretsansfin.Matêtebourdonnaitetmefaisaitatrocementmal.Mapoitrinemebrûlait,commesiunebraiseavaitétéglisséeàmoninsudansmonœsophage.Elleétaitlà,maréalité.Jel’avaislaissérepartiravecelle.

Mespoumonsmebrûlaient;jemelaissaitomberàgenouxsurlesablefrais,éreintée.—Tut’arrêtesdéjà?semoquaCarlquicontinuaitàcourirsurplaceàcôtédemoi.Oui. Déjà. Ça devait faire trente bonnes minutes que nous courions le long de la plage. Et j’étais

épuisée. Jen’avaispassa formeathlétique,etcavaler sur le sabledemandaitplusd’effortsquesur laterreferme.Jeluioffrisunregardnoir.—Enmêmetemps,situmangeais,tuauraisplusdeforcepouravancer….Nouveau regard noir. J’avais seulement sauté le repas d’hier soir, en m’endormant juste après ma

douchesurson lit.Non,enréalité, j’avais fait semblantdedormirpournepasavoiràparler,etaussipourpleurerlibrement.—Situnelèvespastesfessesdecesable,jetejettetoutehabilléedansl’eau.Bizarrement,jen’avaispasassezmalauxjambespourm’arrêterlà.Jemelevaiprécipitammentetme

remisàcourir.Ilmedépassadanslafoulée,maisjepréféraislesavoirdevantplutôtquederrièremoi,àreluquermesfesses.Deuxminutesplustard,mescuissesmebrûlaient,etj’avaisdumalàrespirer.Lesoleilmontaitdansle

ciel, attirant les baigneurs sur les plages qui s’étendaient à perte de vue devant des grands bâtimentsluxueux.Carlm’attendait devant le sien. Il s’étirait, une jambeen appui suruneborne, sondébardeur sur la

nuque.Jemeretinsdelaissertraînermesyeuxsurlatensionparfaitedesesdorsalesetdesestrapèzesetledépassaipourrejoindrelaported’entrée.Carlétaitplusquecharmant.Ildevaitfairerêverbiendesfemmes,maisiln’étaitpasRick.MonRick.

Jelesimaginaistouslesdeux,traînantdanslesbarsilyaquelquesannées.Lebrunténébreuxetlebeaugosseauxyeuxbleus.J’étaispresquecertainequ’ilsdevaientpariersurceluiquiemballeraitleplusdefilles.Sitôt rentrée, jemeprécipitai sousunedouchebouillantepourdétendremesmuscles.Et, comme je

l’avaisdécidélaveille,jebannisshortsetjupes,préférantunjeanetuntopsansmanchestrèslarge.Il pritma place dans la salle de bains, tandis que jem’affairai à préparer notre petit déjeuner.Ce

footingmatinalm’avaitfinalementouvertl’appétit.Malheureusementpourmonestomac,cetétatnedurapas.Machinalement,j’avaispréparésixpancakes…Est-cequeKristensavaitlesfairemieuxquemoi?

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—Tun’étaispasobligéedefaireça.Jesursautai,meretournaietmanquaidepeuderenverserl’assiettequejetenais.—Désolé,lâchaCarlavecunegrimace.Seulementvêtud’unboxer,ilseséchaitlescheveuxavecuneserviette.Ilm’étaitimpossibled’ignorer

letableauqu’ilm’offrait.—TunepeuxpasmettreunT-shirt?!lançai-je,agressive.Aulieuderetournerdanssachambre,iltraversamonchampdevisionpourprendredeuxverresdans

un placard et le jus d’orange dans le frigidaire. Je me retournai hâtivement vers le plan de travail.Inspirer. Expirer. Pourquoi avais-je réagi ? Maintenant, il allait penser qu’il ne me laissait pasindifférente.Jem’obligeaiàrefoulerlesouvenirplaisantdesonbaiser.Je.Ne.Devais.Pas.Penser.À.Ça.PlusdepenséespourCarl.PlusdepenséespourRick.Quemeresterait-il?Ahoui!Monfils!Penser

àEthan!—Ilfautquenousparlions,hasardai-jeenprenantplaceenfacedelui.Ilremplitlesverresdejusd’orange.—Jenesaispaspourquoi,maisjesensquejenevaispastellementaimer.—Làn’estpaslaquestion,Carl.Sonregards’assombrit.—Bienentendu,toutlemondesefichedesavoircequej’apprécieounon!Cen’étaitpascequejevoulaisdire.—Laissetomber,soufflai-je.Jeregagnailachambreetclaquailaportederrièremoi.Jeprismontéléphonesurlatabledenuit,puis

fisglissermesdoigtssurl’écran;lerépertoiredéfilajusqu’àlalettreR.Rick.L’appeler,unréflexe.Mais.Ilétaitavecelle,jenedevaispasledéranger.Commelaveille,mesentraillesseretournèrent.Jene

pouvaispasl’appeler.Jedevaisseulementjouirdelavuequem’offraitcetappartement,fairelescentpassurleparquet,me

jeter sur le lit et regarder la télévision jusqu’à ce que lui décide deme contacter. Je devais attendre.Patiemment.Menourrir,sortirsurlaplage,melaver,dormir,sansoublierderespirer.Patiemment.

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Chapitre36

Cinqjours

Cinqjourssansnouvelles.Centvingtheuressanslevoir,sanslesentir,sansletoucher.Jemerendaiscompteàquelpointj’avaisétéstupidedenepasleretenir.Pluslesheurespassaient,plusmeschancesdeleretrouverdiminuaient.J’étaisenmanquedelui,desonodeuretdesachaleur.Desonsouffledansmoncoulematinauréveil.Desesmotsquimefaisaientrougir.Desescaressesetdesessourires.Delui.Commentavais-jepupenseruneseulesecondequej’allaispouvoirvivresanslui?!J’étaisstupide.Jeregrettaisdenepasluiavoirditdestonnesdefoisjet’aime…J’avaisl’impressiond’avoirétérouéedecoup,tantmoncorpstoutentiersouffraitdesonabsence.Malheureusement,jen’arrivaispasàluitrouverdesexcusespournepasm’appeler.Cinqjours,c’était

bien trop long pour une simple discussion avecKristen. Il fallait que jeme fasse une raison. Il étaitretournédéfinitivementavecelle.Sinon,ilm’auraitdéjàappelé,non?Alors,touslessoirs,jemecouchaisavecunnouvelobjectif,voirlelendemainautrement,apprécierla

beauté de Miami, visiter la Floride, me baigner dans l’océan, sourire, vivre, tout simplement. Oulaborieusement, sans lui.Maischaquematinétaitunpeuplus fade,etchaque journéeplusdifficile. JepartaiscourirtôtalorsqueCarldormaitencore,jeprenaismadouche,jedéjeunaisetjerepartaispournerevenir que le soir. Je ne faisais pas grand-chose. J’errais dans lesmagasins sans rien acheter, jemesurprenaisàresterdesheuresassisesurunbancpublicsansrienregarderetj’attendais,letéléphoneàlamain.J’avaisseulementchangédesmartphone,pourenacquérirunquipermettaitd’appelerEthanetdelevoirenmêmetemps.C’estàpeinesiCarletmoiéchangionsunbonjour.Ilpartaitluiaussilematinavecsaplanchedesurf

pours’entraîner,etjenelevoyaisquelesoir.Mondînerm’attendaitchaquejoursurlatabledelasalleàmanger.Ilnedînaitpasavecmoietsortaitavantquej’aieterminé.Jenesavaispasoùilallait,maissesvêtements parlaient pour lui. Pantalon à pinces et chemise, cheveux parfaitement disciplinés, montreRolexhorsdeprixaupoignet.Ilrentraittarddanslanuit;jenedormaisjamais,jenedormaisquetrèspeud’ailleurs,monsommeilétaitagitéetcauchemardesque.Ilavaitprisl’habitudedepassersatêteparlaportedelachambre,pours’assurerquej’étaistoujourslà.Puisilsejetaitsurlecanapétouthabillé.C’étaitdécidé,demain,jechercheraisdutravail,n’importequoi,denuitcommedejour,pourneplus

penseràRicketKristenetàmaculpabilitéenversCarl.Miamiregorgeaitdecliniquesetd’hôpitaux.Allongéedanslelit,jeregardaiunedernièrefoisl’écrandemontéléphoneetlereposaisurlatablede

chevet.Pourlapremièrefoisencinqsoirs,jeréussisàignorerlaphotoqu’ilm’avaitenvoyée.Jen’avaisplusbesoindelaregarder,ilmesuffisaitdefermerlesyeuxpourm’enrappelerchaquedétail.Sesyeuxbleus,undemi-souriresurseslèvresrougiespardesbaiserséchangés,sescheveuxindisciplinés,etmoiblottiedanssesbras,leregardperdusursonvisage,commesic’étaitladernièrefoisquejelevoyais.Etc’était presque ça. Je me rappelais ce que j’avais pensé à ce moment-là, que jamais je n’aimeraisquelqu’uncommejel’aimais,lui.1 heure du matin. J’éteignis la télévision et fixai le plafond, suppliant le sommeil de m’emporter

rapidement.J’observaislesdessinsqueprojetaitlalunedanslachambre,devinaislesombresdesobjets

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sur les murs et comptais les secondes qui défilaient. Au moment où mes paupières se faisaient pluslourdes, lecliquetisdelaported’entréemefitsursauter.Jefronçai lessourcils,surprise.Carlrentraittôt.Ilétaitaussiplusbruyantquelesautressoirs.Iljura,etjedevinaiqu’ilavaitpercutéunobjet.Jemelevaietpassailaportedelachambre.Carl,avantdeplisserlesyeux,assissurunechaise,le

pantalondéfait,maintenaituntorchonsurundesesgenoux.—Jenevoulaispasteréveiller,s’excusa-t-il.Jehaussailesépaulesetposaimamainsurlasiennepourdécouvrirsongenou.Ileutunmouvementde

reculàmoncontact.Lesentirsurladéfensivemefitl’effetd’unedouchefroide.Pendantcinqjours,jen’avaisfaitquepenseràmoietàmoncœurbrisésansjamaispenserqueCarlpuisseêtreaffectéparmadistanceetmamorosité.Jedevaischanger.—Nebougepas,murmurai-jeencourantjusqu’àlasalledebains.Jeprisdes compresses, un sprayantiseptique et du sparadrapdans l’armoire àpharmacie et revins

danslesalon.—C’estjusteuneégratignure,m’informa-t-il.Jemedébarrassaidemonmatérielsur la tableetmemisàgenouxdevant lui.J’ouvris lepaquetde

compresseset en imbibaiquelques-unesdedésinfectant. Je jetaiun rapidecoupd’œil à sonvisageetreposaimamainsurlasienne.Cettefois, ilselaissafairedansunedéglutition.C’étaitunebelleplaiequi,néanmoins,nenécessiteraitpasdepointsdesuture.Tantmieux.—Je…euh…Jesuisravidetevoiràgenouxdevantmoi,semoqua-t-il.Carletsafranchise!Aulieuderougir,j’appliquaifermementlacompresseimprégnéed’antiseptique

sursaplaie.Ilgrimaçadedouleurtandisquejeluioffraisunsourirenarquois.—TudormaisaussidanscettetenuechezRick?Commentvoulait-ilquejedorme?Nue?Enjean?Ici, jen’enfilaismondébardeuretmonshorten

satinquelorsquej’étaiscertainedenepluslecroiserdanslamaison.Loupépourcettenuit.—Commenttuasfaitça?demandai-je.—Letiroirducasserolier.Pauvretiroir.—Tiens-moiçaettendstajambe,ordonnai-je.Jeluifisunpansementlâche,quinelegêneraitpasenmarchantouensebaissant.Concentrée,jenevis

passamains’approcherdemonépaule.Elleremontamonbicepspourreplacerlafinebretelledemondébardeur.Aufrissonquimegagna,jemefigeai;sessourcilssefroncèrent.Jeposaimamainbienàplatau-dessusdesongenouetluisourisavecaffection.—Çadevraitsuffirepourlanuit,l’informai-je.—Merci,souffla-t-il.Pourlapremièrefoisencinqjours,j’avaiseul’impressiondeserviràquelquechose.Ilm’avaitmême

faitsourire.Alorsc’étaitpeut-êtreàmoideleremercier.Mercidem’accueillir.Mercidesupportermoncomportement.Mercidemeforceràmenourrir.D’insisterpourquejesurvive(mêmestupide).—Oùas-tuapprisàfairelacuisine?luidemandai-jeenallantjeterlescompressesusagéesdansla

poubelledelacuisine.—Mamère.Enfin,jemesouviensl’avoirregardéependantdesheures.Après s’être débattu avec son pantalon qui s’étalait à ses pieds, il se mit debout pour défaire les

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premiers boutons de sa chemise. Je me retournai vers le Frigidaire et en sortis une bouteille d’eaufraîche.Jel’avaisdéjàvutorsenu,maisj’avaisdumalàleregarderdanslesyeuxlorsqu’ilsepavanaitdevantmoienboxer.—Jemesuisrégalée,dis-je,toujoursdosàlui,avantdeboiredirectementaugoulot.—Ravi.Tumefaisboire?Moiaussi,j’aisoif.Ilétaitàcôtédemoi.Lesfessesappuyéescontreleplandetravail,brascroiséssursontorsenu,ilme

dévisagea,songeur.Lesoufflecourt,jeluitendislabouteille.Sonregardfiévreuxplantédanslemien,ilbutunegorgée.—Bonnenuit,lançai-je.Vite.Respirer.Vite.Marcher.Toutdroit.Enévitantlecasserolier,sonpantalonsurlesol.Vite.Sans

tournerlatête.Jusqu’àsachambre,dontjerefermailaportederrièremoi.—Oceana?entendis-je.Jemecrispai.Ilétaitlà.Contrelebattant.—Oceana,jevoudraisqu’onparle,mesupplia-t-il.Pourquoias-tubesoindecetargent?J’ouvrislaporte.Ilfallaitquejel’affronte,cettefois.—Monfils.Ildoitsefaireopérer.Sonregardseradoucitetsamains’approchadangereusementdemajoue.—Arrête,Carl,leréprimandai-je,paniquée.Ilsoupira,dépité.—Monfils,Ethan,aunemalformationcardiaque.J’aibesoindecetargentpourlesauver,répétai-je.Ilrestaunmomentsilencieux.—Donne-moijusqu’àlundi,ettupourrasrentrercheztoi,dit-ilenfin.Rentrer.Chez.Moi.—Je…J’aipeurdenepascomprendre,bégayai-je.—Çan’est pas pour l’argent, je le ferai virer sur ton comptedès quepossible.Àmoins queRick

réussisseàfaire…cequ’ilvoulaitfaire.Bref.Jeveuxseulementqueturestesavecmoijusqu’àlundi.Jeveuxtemontrerquejenesuispasceluiquetucrois…Jeluisautaiaucou,délivrée.Commesijevenaisderespirermapremièreboufféed’airdelasemaine.—Je…euh…balbutia-t-il,surpris,avantdeposersesmainsàlanaissancedemesreins.Jenebougeaipasetmelaissaisubmergerparlebonheur.J’allaispouvoiroffriràmonfilsunnouveau

cœur.Ilallaitpouvoircourircommetouslesenfantsdesonâge,sauter,danser,rire.GrâceàCarl.Jel’étreignisavecforce,levisagetrempédelarmes,deslarmesdejoie,cettefois.—Merci,hoquetai-je.Merci.Merci.—Je…euh…C’estdifficilepourmoidetetenirdansmesbras…danscettetenue.Jecommençaisàleconnaîtreassezpoursavoirquesonironiedissimulaitunréelmalaise.Maisrien

nepouvaitm’atteindreàcetinstant.Jerentreraisplustôt.Dansquatrejours.EtEthanseraitopéré.—Tais-toi,Carl.Jesuisheureuseetj’aiconfianceentoi.

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Quelquesmèchesdemescheveux,échappéesd’unecasquettedebase-balldixfois tropgrandepourma tête, s’agitaient au rythmedes bourrasques de vent. Je fermai les yeux, agrippée à la rambardedenotreembarcation,pourapprécier l’airhumideet saléqui lissaitmonvisage.Carl,qui conduisait sonbateaudeplaisanceàviveallure,souritenmevoyantm’extasierpoursipeudechose.Pour lapremière foisenunesemaine, j’avais réussiàdormirunenuitcomplète.Savoirque j’allais

pouvoir rentrer plus vite àNewYork et organiser l’opérationd’Ethan,me faisait unbien fou. J’avaismêmeréussiàocculterladouleurlancinantedemoncœurbrisé.J’étaiscommeanesthésiée.Levrombissementdumoteursefitplusdouxetl’airpluscalme;nousperdionsdelavitesse.—Ici,çaseraparfait.Carlarrêtalemoteur.—Àl’eau!clama-t-ilenôtantsonT-shirt.Jegrimaçaitoutenscrutantlefondmarin.Est-cequej’avaisenviedemefaireboufferunejambepar

unrequin?—Jevaist’attendreàbord,netegênepaspourmoi,medéfaussai-je.Exaspéré,ils’écria:—Jeneteregarderaipas,Oceana!Je ne parlais pas de ce requin-là, maismaintenant qu’il soulevait le problème dumaillot, hors de

question que je quitte le bateau. Pour affirmermon refus deme baigner, jeme jetai sur la banquettederrièremoi,brasencroixsurmapoitrine.—Soit tu y vas toute seule, soit je te jette à l’eau, comme tu es. Et je te préviens, je n’ai pas de

rechangeàteproposer.J’imaginaisquedestonnesd’éclairssortaientdemespupilles.Etiln’étaitpasquestiond’éclairsen

chocolat.—Tumetstropdetempsàtedécider!Jeluijetaimessandalesàlatête;ilfitunpasversmoi.Vite,jemedébarrassaidemarobeetdesa

casquetteetcourusjusqu’àl’échelle.Peineperdue!Ilmeceintura,etnousbasculâmespar-dessusbord.J’avalaiunegrandegorgéed’eausalée.Carllâchaprisepourmelaissertousseretreprendrehaleine.—Tuesfou!suffoquai-jeententantderejoindreleborddel’échelle.—Voisleboncôtédeschoses,Oceana,tarobeestsèche!Jel’éclaboussaipourfairecessersonfourire.—Nousavonsdesvisiteurs,annonça-t-ilenseprotégeantdesesbras.Desvisiteurs!Jefonçaidanssesbrasetmecramponnaiàlui.Cen’étaitpeut-êtrepasunebonneidée,

d’ailleurs. Il était blessé au genou. J’avais entendu qu’un requin pouvait sentir l’odeur du sang à descentainesdemètres.—Calme-toi,Oceana,tenta-t-ildemerassurer.Cenesontquedesdauphins!—Sûr?Dauphins?Pasderequins?— Non, ils nous auraient déjà bouffés, s’esclaffa-t-il. Les requins se déplacent en solitaire et

approchentrarementlescôtes.—Vachementrassurée,marmonnai-je.—Découvrepartoi-même,murmura-t-ilcontremoi.

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Son souffle chaud se déposa sur ma joue telle une caresse. Je frémis et décidai de mettre cettesensationsurlecomptedelacrainte.Uneformesombre,fuselée,glissaitdanslesprofondeursturquoisede l’océan.Laformerepassa.Avecagilité.Longueetgrise.Puisuneautre.Etuneautre.Carlsemitàfrapperl’eauduplatdelamain.—Lebruitlesattire.Ilssonttrèscurieux.Effectivement, les dauphins dansaient autour de nous. Ils nous encerclaient. Je me détendis.

Légèrement.Partagéeentrel’excitationetlacraintedel’inconnu.— Il faut les laisser s’approcher, m’expliqua Carl. Nous ne devons pas oublier qu’ils restent des

animauxsauvages.Parfois,ilsselaissenttoucher,d’autresfois,ilssecontententdenagerautourdenoussansjamaisvenirànotrerencontre.Etilsembleraitqu’aujourd’huinousayonsdelachance.Tumefaisconfiance?Ànouveausonsoufflesurmajoue.Serendait-ilcomptedel’effetqu’ilpouvaitavoirsurmoi?Jeme

retinsdetournerlatête,danslacraintederencontrersabouche.Jedéglutisetmurmuraiun«oui»lesyeuxfixéssurl’eau,oùlescétacéspassaientetrepassaient.—Alorsretienstarespirationetgardelesyeuxouverts.Et il plongea. Je resserrai ma prise autour de ses hanches. À unmètre de nous, trois dauphins se

chevauchaient, se frôlaient avec volupté. Quand l’un d’entre eux s’approcha dans une ondulationmajestueuse,Carlmesaisitlebrasetm’obligeaàletendre.Ledauphinpercutadélicatementmamaindesonrostreetglissasurmapaume,commeunchat.Lisse,soyeuse,tiède,sapeaumeparutirréelletantelleétait parfaite. J’eus l’impression d’être très petite et très ignorante face aumondemarin, inconnu, quinousentourait.Est-cequeladécouvertedequelquechosedenouveaudonnaittoujourscettesensation?J’aurais pu rester des heures ainsi, sous l’eau, si ma cage thoracique douloureuse ne m’avait pas

pousséeàremonteràlasurfacepourreprendredel’air.Dans une inspiration bruyante,Carlme rejoignit. Il souriait ; il devait sentir l’état d’euphorie dans

lequelilm’avaitplongée.Jevoulaisyretourner.Encore,etencore,jusqu’àcequelesdauphinsselassentdenousetqu’ilstrouventunemeilleureattraction.Àchaqueplongeon,ce fut lamême joie,unenouvelledécouverte,d’autres sensations. Je rencontrai

l’œild’undauphinetmesentistranspercéeparsonregard,commes’ilm’avaitacceptéetellequej’étais,m’avaitpurifiéeetlavéedetoutetristesse,m’avaitremplied’unamourinconditionnelpourlanature.Letempsparutalorssuspendu,commesinousn’avionsété,luietmoi,qu’uneseuleetmêmepersonne.—Alors?medemandaCarldansunefiertéàpeinedissimuléeenmerejoignantsurlebateau.Iln’yavaitpasdemotpourdécrirecequejevenaisdevivre.—Divinementextraseraittropfaible,répondis-je.Sonregards’attardauninstantsurmonsourire.Puisilouvrituncoffreprèsdupostedepilotageeten

sortitdeuxserviettes. Il endépliaune,où jeme réfugiaiavecempressement. Je tremblaisde toutmoncorps.Carlfrictionnamesavant-bras.—Jerécupèrelaglacièreetjeterejoinsdevant.Emmitoufléedanslaserviette, j’escaladai l’échelleetm’assissur lepontavantrecouvertd’unlarge

matelasqui,jelesupposais,devaitfaireofficedetransat.Le tissu, encore imprégnéde la chaleur du soleil,me réchauffa. J’avais nagé avecdes dauphins, je

n’avaistoujourspasdecoupdesoleilet,danstroisjours,jeseraisàNewYorkaveclestroiscentmilledollars nécessaires à l’opération d’Ethan. J’ignorai le pincement fugace de mon cœur et l’image duregardbleudeRick.

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—Çavamieux?s’inquiétaCarlendéposantlaglacièreàcôtédemoi.Tuveuxunebière?—Non.Jemesuispromisdeneplustoucheràunegoutted’alcool!— Je m’en doutais. J’ai apporté du jus d’orange. Tiens. Tu devrais enlever ta serviette, elle est

trempée,suggéra-t-il.Jemeretinsdemeretournerpourledévisageretobéisàsasuggestion.—J’aibiencruqu’ilfailleencorequejenégocie,raillaCarl.—Estcequetunégociesaussiavectescoupsd’unsoir?Ilcollasontorsebrûlantcontremondos.C’étaitbienplusagréablequeletissumouilléetfroiddela

serviette.Jem’installaiconfortablement,etmelaissaimêmealleràposermatêtesursonépaule.—Leprincipemêmeducoupd’unsoir,c’estjustementdepasserlanuitavecunefillequineposera

aucunequestion,quipenseradelamêmemanièrequemoi.—Commentfais-tu?—Jeluidemandesielleestpartantepourunenuittorrideavecmoi.End’autrestermes,sielleveut

baiser.—Carl!Jeneparlaispasdeça!Commentfais-tupourfairel’amouravecunefillesanscréeraucune

attache?—Je…euh…,balbutia-t-il.Tufaischieravectesquestions,Oceana.LegrandCarl,àl’egosurdimensionné,avaitpeurdeparleravecmoi!—Jefaischier?Laquestionestsimple,pourtant.Àmoinsquetuneveuillespasyrépondre?—Jenemevoispasparlerdeçaavectoi,c’esttout.—Jedoissérieusementremettreenquestiontoustesplans,cesdernierstemps…—Tunecroispassibiendire!J’allaisluirappelerqu’ilseraitdébarrassédemoidanstroisjoursquandilreprit:—Cen’estpascequetucroisOceana!Jeneramèneaucunefillechezmoi.L’imagedeCarlbaisantdansuneruellemaléclairéemedonnalanausée.—Alors, si tu as ce que tu veux toutes les nuits, en quoi est-ce que je remets en question tous tes

plans?—Jenefaispascegenredechosetouteslesnuits…Jesorsaussipourm’amuser,pourboireetme

détendre,lorsquejenesuispasencompétition.Etjen’aipasréussiàtoucherunefilledepuisplusd’unesemaine.Jeretinsnonsansmalungloussement.—Tuvasmefairecroirequecettesemaine,tuessortitouslessoirspourboireettedétendre?—Non,pourt’éviter.Ouplusprécisémentpourmeretenirdetesauterdessus.—Cesoir,tusors?Ilsemitàrirefranchement.—Non.Jemesuisfaituneraison.Tuparsdanstroisjours.Mêmesijedoisagoniserdansd’atroces

souffrances,subirlesmédisancesdemoncerveauetlesbrûluresdemaqueue,jepréfèreprofiterdetoi!—D’atrocessouffrances?Tun’avaispasl’aird’êtreàl’agonietoutàl’heureaveclesdauphins.—Là,jeprofitais.L’agoniec’estquandtumerepoussesouquetuparstoutelajournée,jenesaisoù,

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fairejenesaisquoi.Ilsemitàjoueravecmesdoigts.Jeregardaiauloinlesoleilentamersadescentederrièrelesgrands

buildingsdelaville.—Jevaist’avouerquelquechose,dis-jefinalement.Jepréfèreêtresurcebateauplutôtquejenesais

où,àfairejenesaisquoi.Sesbrasseresserrèrentautourdemoi.—Toutàl’heure,dansl’eau,çafaisaitlongtempsquejenet’avaispasvuaussiheureuse…Aussitôt,jepensaiàRick.Ilvoulaittellementmefairenageraveclesdauphins.Ilytenait.Etcen’était

pasavecluiquej’avaispartagécetteexpérience.—Tupensesàlui,n’est-cepas?Jesoupirai.—Toutletemps,murmurai-je,lagorgeserrée.—Oceana,regarde-moi.Jen’enfisrien.Jemeconcentraisurlachaleurdesesbrasautourdesmiensetsurl’odeursaléedela

brisepouroublierlamélancoliequisemblaitvouloirmedévasterànouveau.—Oceana,ilestavecelle.Est-cequ’ilavaiteudesnouvelles?Quellequestion!C’étaitsonmeilleurami!—Jelesais…—Jenetedemandepasdeneplusêtretristeoudenepluspenseràlui,maisseulementd’essayerde

vivretavie.Tout serait plus simple àNewYork. J’aurais l’esprit préoccupé par Ethan, parmon travail, par la

recherched’unnouvelappartement.Est-cequejepenseraisencoreàlui?—Pourquoitufaistoutça,Carl?Prisaudépourvu,iltressaillit,puismarmonna:—IlsembleraitqueRickn’estpasleseulàavoircraquépourtesbeauxyeuxgris.Jenem’attendaispasàça.Oupeut-êtrequeçameplaisait,aprèstout.Carln’avaitjamaisappréciéune

filleaupointdefairedesconcessions,dechangerseshabitudes.—Commentpeux-tuenêtrecertain?demandai-je.J’étaistoujoursblottiedanssesbras,etmamainn’avaitpasquittélasienne.—Jenelesuispas,répondit-il.Maistuhantesmespensées,assezpourpouvoirespérerunevieavec

toi.J’eneuslesoufflecoupé.Jedéglutisetmurmurai:—C’estcequetuvoudrais?Quejesoisavectoi?—Non.Jeneveuxpaspasseraprèslui.Jeneveuxpasêtretonsecondchoix.—Quiteditquejepenseàluilorsquejesuisavectoi?—Sijetedisquetusensbon(Ilfrottasonnezdansmoncouetprituneprofondeinspiration.),tuvas

penser à la vanille de Rick. Si tu poses tes yeux surmes jambes, je suis presque certain qu’elles tesemblerontimparfaitespuisqu’ellesneportentpassescicatrices.Sijecaressetajoueduboutdesdoigts(Il joignit legesteà laparole.), tuvassûrement tedirequecenesontpas lessiens,qu’ilssontmoinshabilesetplusrugueux.Sijet’embrasselà(Ilposaundoigtsurmeslèvres.),maintenant,tuchercheras

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songoûtàlui…Ilôta rapidement sondoigtet attrapa sabouteilledebière.Est-ceque jedevais luidirequ’il avait

autant raisonqu’ilavait tort?Certes,avantetaprèschacundesesbaisers, j’avaispenséàRick,maispendant…pendant,iln’yavaitqueluicontremoi,seslèvresassoifféesetindélicates,salangueintrusiveetsesmainsardentess’appropriantmoncorps.Jeleregardaiducoindel’œil.Ilarboraitunairdétaché.Iln’enétaitrien.Ilpensaitànous.Et,comme

moi,devaitsedemanders’ilétaitstupideenmelaissantpartirsansriententer.—Horsdequestion!protestai-jeensubtilisantàCarllatélécommandedelatélévision.Jemeréinstallaiàlahâteàl’autreboutducanapé,lelaissantsurpris,etchoisisunfilmauhasarddans

la catégorie « science-fiction ». Puis je cachai la télécommande derrière mon dos, sous un énormecoussin.—Petitenature!semoqua-t-il.—Jen’aipaspeur!Jen’aimepaslesfilmsd’horreur,point!J’avaisdéjàdumalàdormirlanuit…—Donne-moitontéléphone,ordonnaCarlavecmalice.—Pourquoifaire?—Jevais régler tonréveilpour troisheuresdumatin.L’heureoù lediableetsesacolytesviennent

rendrevisiteauxmortels.—Horsdequestion!—Jecroyaisquetun’avaispaspeur?—Ilestsurlatabledechevet,marmonnai-je.Ilsautaducanapé.Quandilrevint,sonregard,fixésurmonécran,étaitdevenuinexpressif.—Tu…tudevraisrappelertamère,dit-il.—Qu’est-cequeturacontes?Appelermamèrealorsqu’ildevaitêtreplusde23heures?—Tuasunecinquantained’appelsenabsence.Tousdetamère.Mon verre de jus d’orange s’écrasa sur le sol.Mes doigts avaient lâché prise. Ils avaient compris

avantmoi.Plusdebatterie.Ethan.Téléphonelaisséenchargeavantdepartir.Ethan.Lajournéeentièresanstéléphone.Ethan.J’avaisétéinjoignable.Ethan.IlétaitarrivéquelquechoseàEthan.Ethan…Jeluiarrachailetéléphoneetcomposailenuméroquejeconnaissaisparcœur.—Oceana!criamamèreàl’autreboutdufil.—Maman,qu’est-ce…—Machérie,je…IlfautqueturentresàNewYork.Maintenantmachérie,maintenant.Jeconnaissaisceton-là.Magorgesenoua.—OùestEthan,maman?soufflai-je.—Je…jenepeuxpastelepasser,ilfautjustequeturentres.

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Non.Jevoulaisl’entendre.L’entendremedirequ’ilallaitbien.Qu’ilavaitfaitdesbêtisesaujourd’hui.Qu’ilavaitfaitungâteauauchocolat.J’entendisuneautrevoix,plusfaible.—MadameDouglass?Jesuisledocteur…Plusrien.Unfroissement.Jedevinaiqu’elleavaitmissamainsurletéléphone.—Maman?Maman!hurlai-je.Lefroissementcessaenfin.—Rentre,Oceana,ordonna-t-ellefermement.—OùestEthan,maman?NemelaissepasprendreunavionsanssavoiroùestEthan.OùestEthan?

OùestEthan?hurlai-je,prochedelafolie.— Il y a eu un souci à l’école. Ethan vient de sortir du bloc opératoire, il est en réanimation

pédiatrique.Letéléphonefitlemêmeplongeonquelejusd’orange.Oupeut-êtrequemesgenouxleheurtèrentavant

lui. Tout devint flou et noir. Ce que j’avais redouté pendant cinq années venait de se produire.Réanimationpédiatrique.Çanevoulaitdirequ’uneseulechosepourmoi.Laviedemonfilsne tenaitqu’à un fil. Etmoi, j’étais là, àMiami.Quelque part sur le sol du salon deCarl. Dans ses bras quim’enveloppaient.Soussesmurmuresquitentaientdemecalmer.Noyéedansmeslarmesalorsquemonfils,Ethan,tentaitdesurvivre.Alorsquelaviepouvaitlequitterd’uninstantàl’autre.Mespoumonshurlaient la souffrancedemoncorps.Ma têtebourdonnait etme renvoyaitdes tonnes

d’images,toutesplushorribleslesunesquelesautres.Sonvisageinexpressif.Sesyeuxclosetsabouchemasquéeparun tuyau.Sesbrasmeurtrispar lesperfusions.Sespetitesmains inertesetpâles.Unpetitgarçonquisebattaitpourvivre.Sanssamère.Sansmoi.Chapitre37Gélulesbleuturquoise

Uneheureàregarderlapiscine,appuyésurmesbéquilles.Soixanteminutesàlorgnerl’écrandemontéléphone, dans l’attente d’un message de Carl qui me rassurerait. Trois mille six cents secondes àl’écoutedumoindrebruit dans la villa, signede la présencedeKristen.Rien.Rien à voir prèsde lapiscine.Rien surmonécrande téléphone.Riennonplusdans le salon ;Kristenn’avait pasquittémachambre.Cequiavaitéténotrechambre.DepuisNewYork,jesouffraisconstamment,deboutcommeassis,éveillécommeendormi(pourlepeu

que jedormais).Çadevenait insupportable ; j’avais l’intentiondecontactermonchirurgien lundi,à lapremièreheure,etj’avaisdéjàl’impressionqueriennesepasseraitcommeprévu.L’anciennechambred’Oceanaavaitretrouvél’allureetlasobriétéd’unbureau,demonbureau.Seule

l’odeurdélectabledelavanillesemblaitpersister,pourmonplusgrandbonheur.Plusdepetitesphotosd’Ethan et, surtout, pas d’Oceana.Elle était partie. Je l’avais laisséepartir sans lui expliquer quemamèreavaitfaitréagencerlamaisonpourlavendre,sansluiavouerque,bientôt,j’auraisenmapossessionl’argentpourl’opérationd’Ethan,etsurtoutsansluicrierunedernièrefoisquejel’aimais.Jemelaissaitombersurmonfauteuil.Mesbéquillesheurtèrentlecarrelagealorsquemontéléphone

vibraitenfindansmapoche.C’étaitunmessagedeCarl.T’esqu’uncon.Ellevapastropmal.

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Samedi10Sept05:08PMUncon?Pire.Unabruti.SiseulementKristenn’avaitpasétélàànotrearrivée…Maisqu’est-ceque

çaauraitchangé,après tout?Cette situationétait inévitable.Maiscomment savoir si je faisais lebonchoix?Enoutre,était-ceréellementmonchoix?Oceanam’avaitdemandéderéglermesdifférendsavecKristen. Elle ne voulait pas que jeme lève un jour et que jeme dise : « Peut-être que ça aurait étédifférentsi…»Kristen.Nousdevionsdiscuter,nousdisputerpeut-être,pourcesserdenousdétesteretrepartirsurde

bonnesbases,quellequesoitnotrerelationfuture.Jenepouvaispasrejeterenblocnosannéesd’amitiépuis d’amour parce qu’elle m’avait quitté au moment où j’avais le plus besoin d’elle. Quelque part,j’avaisétéresponsabledemasolitude.Àcausedel’accident,desafaussecouche.Etpourtant…quelquechoseclochait,j’avaisbeaumerepasserlascènedenotreaccidentenboucle,jevoyaistoujourslamêmechose,labouchedeKristensetordre,sonvisagepâlir…Samainquidémarraitsonjet-skipourmefuir.Mais jamais je ne m’entendais dire que je ne voulais pas de ce bébé. Jamais. Je voulais tirer cettehistoireauclair,maisjeredoutaisl’emprisequ’ellepouvaitencoreavoirsurmoi.—Jetesersquelquechoseàboire?Jeme retournaiversKristen,deboutdans l’encadrementde laporte.Elleme sourit.Elleportait un

pantalondetailleuretunechemisetteensoied’uneblancheuréclatante,elleétaitparfaite.Toutétaitlisse,soyeux,fin,desescheveuxnoirsàsesvêtements.Pasdetaches,debretelleéchappéedesonépaule,dechignonoudequeuedecheval fait à lava-vite : tout étaitparfait.Tropparfait.Retenantun soupir, jehochailatête.Enfaisantclaquersestalonsaiguillessurlecarrelage,ellemarchaversleminibar,l’ouvritetensortitunebière.—Seulementde l’eaugazeuse, l’informai-je.Pasd’alcool avec lesmédicaments. J’aidû faire trop

d’effortscesdernierstemps.Elle haussa les épaules avec désinvolture avant de replonger sa tête brune dans le minibar. Son

indifférencemefit lemêmeeffetqu’uncoupdepoingenpleinvisage.Oceanan’aurait jamaisréagidecette manière. Je l’imaginais à mes genoux sous ce bureau, ses mains fraîches et réconfortantesappliquéessurmescuisses.—Ilfautqu’onparle,Kristen.Pasd’Oceanasouslebureau.Pasdemassagesdélicats.SeulementKristen,moi…etlapetitebouteille

d’eaugazeusedontleverreéclatasurlesol.Kristenseretournalentement.—Nefaispasça.Jet’ensupplie,Rick,nefaispasça.Pasaprèstoutcequ’onavécuensemble.—Commentveux-tuquejeréagisse?Tuespartie,j’aidumalàtepardonner.Elle baissa les yeux sur les débris de verre à ses pieds. J’avais l’impression de revoir laKristen

écorchéed’uneviequ’ellen’avaitjamaisvoulue.Samèreavaitétél’amanted’unsénateur,mariéettrèsinfluentenFloride,etKristenlefruithonteuxdecetteunionextraconjugale.Iln’yavaitpasdeplacepourlamaîtresseet sa fille illégitimedans laviedecethomme.Jusqu’au jouroù lavéritéavaitéclaté.Samère, grâce aux sommes conséquentes qu’elle avait reçues du père de sa fille, leur avait payé unenouvelleidentitéetavaitmontélaplusgrandeagenceimmobilièredeMiami.—Moi,j’airéussi,murmura-t-elleenfin.J’airéussiàtepardonner.Elleselaissatomberàgenouxsurlecarrelageetsemitàrassemblerlesmorceauxdeverre.Elleme

pardonnait.Même si des larmes coulaient sur ses joues, délayant sonmaquillage, j’avais dumal à ycroire.JeconnaissaisassezbienKristenpoursavoirqu’elleignoraitcequ’étaitlepardon.—Plusdedeuxmoissansavoirdetesnouvelles,Kristen,dis-jepluscalmement.Est-cequetusais

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quelssontlespremiersmotsquej’aiprononcésàmonréveil?Jen’aipasdemandécequ’ils’étaitpassé.Jen’aipasdemandécequejefoutaislà,dansunputaindelitd’hôpital,j’aijustedit«OùestKristen?»Tuasétémaseulepensée.Etoùétais-tuàcemoment-là?Tuvidaiscettemaisonquidevaitêtrelanôtre.Tu es partie alors que j’avais besoin de toi. Bébé ou pas bébé, je ne méritais pas ça. Tu aurais pum’insulter,mefrappersituvoulais,maispaspartirdecettemanière-là!—Jesuisdésolée.Nemerejettepas,s’ilteplaît.Laisse-nousunechance.Jepouvaiscomptersurlesdoigtsd’unemainlenombredefoisoùjel’avaisvuepleurer.Lejouroù

ellem’avaitracontétoussessecrets,unenuitdecauchemarssursonpassé,etunesoiréemondaineoùsonpère avait été invité.Mon cœur se serra en la voyant si démunie et si fragile. Je ne voulais pas êtreresponsabled’undesesnombreuxchagrins.Jenepouvaispasl’être.C’étaitau-dessusdemesforces.Jeluitendislamain.—Viensici.J’étais vraiment le pire connard deMiami. Quel que soitmon choix aujourd’hui, je rendrais triste

quelqu’undemain.Mais est-ce que j’étais suffisamment fort pour faire semblant d’aimerKristen ?OupouraffrontermonpèreettoutplaquerpourrejoindreOceana?Kristense relevaet,enquelquesenjambées, se retrouvasurmesgenoux, levisageenfouidansmon

cou.Jel’enlaçai,ravalantmonamertume.—Undernièrechance,mesupplia-t-elle.Son parfumboiséme rappelait toutes ces nuits où j’avais déposé à son insu des bisous sur sa tête

pendantqu’elledormait.Kristenn’étaitpasdenaturecâlineet,à ladifférenced’Oceana,n’aimaitpasparticulièrementdormirdansmesbras.—S’ilteplaît,Rick.Elleresserrasesbrasautourdemoncou.—OK,lâchai-je,incapablededireautrechose.Sessanglotsnecessèrentpaspourautant.Ilsredoublèrent.Maréponsebrèvenel’avaitpastotalement

satisfaite.—Kristen,regarde-moi…Elledégageasatêtedemoncouetessuyaseslarmes.Leregardfuyant,ellesemitàjoueravecl’une

desesbagues.Pasn’importelaquelle.Lamienne.Cellequiétaitcenséescellernotreamour.Laportait-elleladernièrefoisquenousnousétionsvus?Impossibledem’ensouvenir.—Pourquoin’es-tupasrevenueplustôt?demandai-jefinalement.Maquestionlapritaudépourvu.Ellesefigea.—Je…je…jenesaispas.J’avouequecettefillem’afaitpeur.—Oceana,larepris-jeenserrantdesdents.—Tul’aimes,c’estça?—Ne change pas de sujet, Kristen. Est-ce que je dois comprendre que la jalousie a été ta seule

motivation?—Oui.Etarrêtedeprononcersonnom.J’aidéjàdumalàmedéfairedecette image…vousdeux,

danscetaxi.Mesyeuxseposèrentsurmontéléphonerestésurlebureau.Ilcontenaitmesplusbeauxsouvenirsde

NewYorkavecOceana, lesplusdifficilesaussi.Notredernièrenuit.Sademande.Mesdoutesetmes

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plusgrandespeurs.Malâcheté.—Tudevraislaremercier.Nousneserionspasentraind’avoircettediscussionsiOceananem’avait

paspousséàrevenirverstoi.Elletressaillit.Jeneluiavaisjamaistenutête.—Nous avons tous les deuxnos torts,Rick.Tu asprovoqué cet accident quim’a fait perdrenotre

bébé,etjet’aiquittéalorsquetuétaisdanslecoma:nemereprochepaslereste.Non.Ellen’étaitpasresponsabledel’étatdemesjambes.Mêmesielleaccentuaitladouleurenrestant

surmesgenoux.—Ettoi,nemereprochepasdenepaspouvoiroublier.Ellesoupira.Cetteconversationnenousmèneraitnullepart.—Pourquoivends-tulamaison?—PourEthan,lefilsd’Oceana.Oui,jedésiraisprendresoindecetenfantquin’étaitpaslemien.Pasdeceluiqu’elleavaitperdupar

mafaute.—Comm…—C’estnonnégociable.—Tusaiscequecettemaisonsignifiepournous.C’est…—C’estunevillabientropgrandepournous.Piquée, elle eut unmouvement de recul. En réalité, elle était bien plus que ça. Elleme l’avait fait

visiteralorsquenousn’étionsencorequedesamis,etjel’avaisinvitéeàfêtermonacquisitionquelquessemainesplustard.Lespiècesétantencorevidesdemeubles,nousavionsmangéàmêmelesoldusalondes tacos du meilleur traiteur mexicain du coin, et bu, directement au goulot, du champagne à milledollarslabouteille.Puisjel’avaisembrassée.SauverEthanvalaitmieuxquetoutça.—Nonnégociable…répéta-t-elle.—Pournotrenouveaudépart,conclus-jepourlarassurer.—OK.Maisjeneveuxplusentendreparlerde…Oceanaetdesonfils.Jeneveuxplusquetupenses

àelle.Impossible.—Trèsbien,mentis-je.Unsourirenaquitsurseslèvres.Jeretinsunhaut-le-cœuràlasensationdesabouchesurlamienne.

Heureusement pourmoi, son baiser fut rapide, et je n’eus aucun besoin d’y répondre. Elle se pressacontremoietjel’enlaçaiàmontour–ça,jepouvaislefaire.—Siçanetedérangepas,luidis-je,jevaisprendredesantalgiquesetmecouchermaintenant.Elleme dévisagea un instant. Peut-être avait-elle compris que je voyais dansma douleur une sorte

d’échappatoire.À vrai dire, jem’en foutais. Je ne voulais plus avoirmal. Je désiraism’endormir etoublierleslarmesintarissablesd’Ethanànotredépart,levisagemeurtrid’Oceanaenquittantlavilla.Kristenmelibéra,marmonnantquelquechoseàproposderamassersesbêtisesetdemerejoindre.Je

me dirigeai vers la salle de bains, examinai les boîtes de médicaments sur les étagères, et choisisvolontairement lesgélulesbleu turquoise.Lamorphine. J’enavalai rapidementuneet, sansprendre lapeinedemedouchernidemedéshabiller,jem’affalaisurmonlit.

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Encore groggy, j’avais passé ma journée du dimanche dans mon lit, entre délires, rêves, folies et

brèves périodes d’éveil. Il me semblait queKristen avait dormi contremoi, qu’ellem’avait ôtémesvêtements,qu’ellem’avaitaidéàboire.Ladouleurdansmajambedroitenemequittaitpas,déchiranteetéreintante. Même les gélules bleu turquoise n’en venaient pas à bout, elles la tenaient en sourdinequelquesheures,puismonsupplicereprenaitdeplusbelle.Laseulechosepositive,c’étaitquejen’avaispasàsupporterlesregardsindiscretsdeKristenquandjedormais.Comme je l’avais décidé, j’avais contactémon chirurgien à la première heure le lundi. Après une

radiologiedecontrôle,lepronosticétaittombédanslamatinée.Jedevaismefaireréopérer.Coupdur.Leplusvitepossible,d’aprèsmonchirurgien.Laplaque implantéedansmon fémurdroit avaitbougé,retardant la consolidationde l’oset engendrant lesdouleursque je ressentais en lacérantmonmuscle.J’avaisnégociéunesemaine.Unesemaineetjel’appelleraispourconvenird’unedate.Jenemesentaispasencorecapabled’affronterunequelconqueopérationquimecoûterait,unefoisencore,dessemainesd’immobilisation.Dansletaxi,j’avaishésitéplusieursfoisàcontacterOceana.C’étaitmonpilier.J’avaisbesoind’elle.

JemefoutaistotalementdelaréactiondeKristen.Ilnem’avaitfalluquedeuxjourspourréaliserquejenepourraispas faire semblant. J’aimaisOceana. Ilneme restaitplusqu’à trouver lesbonsmotspourKristen.Malheureusement,ellefaisaittellementd’effortspourmesatisfaire,etsurtoutpourchanger,quej’avais

dumalà luiavouerque jenepourrais jamaisêtreavecellecommeelle l’espérait.Elleavaitprisunesemaineentièredecongé,sibienqu’ellenequittaitjamaislavilla.Elletentaitdepréparernosrepasaulieudetoutcommanderchezletraiteurcommenouslefaisionsavant,seblottissaitdansmesbrasdèsquel’envie lui en prenait, et je l’avais même surprise à animer une visite pour la vente de la villa. Enrevanche,sespasdanslavillarésonnaientsanscessedansmoncrâne,jesavaisdansquellepièceellesetrouvait sans même la voir, alors qu’Oceana avait toujours été discrète et légère – une plume. Sespancakes étaient fades.Nos discussions aussi étaient différentes. Trop courtoises. Trop sérieuses. Lestaquineriesd’Oceanamemanquaient.Nosjeuxderôle.Nosfaussesguerres.Lamanièrequ’elleavaitdem’observerpar-dessus l’écrandemonordinateur.Sa façonenfantinedegrimper surmonbureauetdes’installeren tailleuravecunbouquin, simplementpourêtreavecmoi.Sesdoigts froidset finsqui sebaladaientsurmescicatrices.Sesmainsappliquéesquis’évertuaientàmesoulager.Saboucheauxlèvrespleines,quelquefoisrougiesdemesbaisers.Sonregardamuséetattristédevantsasériepréférée.Et,jedevaisbienmel’avouer…labretelledesonmerveilleuxpyjamaensatin.Mesjournéesétaientennuyeusesàmourir.Jesuffoquaisdanscettevilla.Jedépérissaisdansceputain

defauteuilroulant.Jem’enterraisdèsqueKristenmeparlaitpendantdesheuresdesventesqu’elleavaitpufaire,delanouvelleagencequesamèreavaitouverte.Etjemeshootaistouslessoirsavecmesjoliesgélulesbleuturquoiseafind’éviterdefairel’amouravecKristen.Ilm’encoûtaitdéjàdelasentircontremoitouteslesnuitsetderépondreàsesbaisers.Leseulmomentoùjemelaissaisalleràsourireétaitlorsqu’EthanmecontactaitsurSkype.Lechenapanattendaitquesagrand-mèreailleprendresadouchepourm’appeler.Iln’étaitpasdupeetm’avaitconfiéqu’ilsavaitquesamèrenevivaitpluschezmoi.Jeluiavaisditquec’étaittemporaireetque,sitoutsepassaitcommejel’avaisprévu,Oceanaseraitaveclui la semaine suivante. Il m’avait brisé en me demandant si je serais là, moi aussi. Et comme lemerveilleuxconnardquej’étais,j’avaismenti.Oui,jeseraislà.J’avaisaussisuggéréàCarld’emmenerOceanavoirlesdauphins.Jetenaisàcequ’ellelefasseavant

departir.Ravagéeparunconnard.Sixjourssanslavoir,sanslasentir,sanslatoucher.Contraintàbâtirdesrêvesmerveilleuxetàsubirunréveilconsternant.

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Levendredi,Kristenm’avaitinforméqu’ellecomptaitinvitermesparentsàdîner.J’avaisvudanscettesoirée une porte de sortie. Je devais parler avecmonpère.Lui proposer quelque chose de sensé.AurisquedetoutplaqueretdemeretrouverderrièreunbureauàNewYork,souslesordresdePeter.J’étaisdécidé.TellepetitPoucet,j’avaiserrépendantsixjourspourretrouverenfinmoncheminenramassant,nonpasdescailloux,maisdepetitesgélulesbleuturquoise.Finalement,lamorphinem’avaitouvertlesyeux. Oceana n’était pas une femme vénale. Oceana avait simplement besoin de se sentir soutenue.Oceanaétaitlafemmedemavie.Etjemeplaisaisàmerépéterqu’Ethanpouvaitêtremonfils.Kristenavaitassurésesarrièresennousoffrantleluxed’uncuisinierfrançaispourlasoirée,d’autant

qu’ellesavaitmamèrefriandedelagastronomiedecepays.Elleavaitsortilegrandjeu.Robedesoiréerouge,décolletéedansledos,chignonimpeccable.Jedevaisl’avouer,elleétaittrèsbelle.Etsiparfaite.Trop,encoreunefois.Mapensée,unefoisencore,s’étaitégaréeverslesouvenird’uneautreroberouge.Celled’Oceana.Lesretrouvaillesavecmonpèrefurentfroides.Àpeinesiseslèvresremuèrentpourmedirebonjour.

Pourquoidiableavait-ilacceptél’invitationdeKristen?Peuimportait:l’essentiel,c’étaitqu’ilsoitlà.Mamère, en revanche, parut presque peinée deme revoir dansmon fauteuil roulant.Àmon grand

étonnement,larelationentreKristenetellesemblaitavoirévolué.J’avaispresquel’impressionquemamèrecherchaitàdéstabiliserma«fiancée».Pourmapart,jen’avaispasouvertlabouchedelasoirée,saufpourdirequelaratatouilleétaitexcellente,etsurtoutpourmeféliciterdelanouvelleannoncéeparmamère…ilyavaitunacheteurpourlavilla.Ilnemanquaitplusquemasignature,et,lundi,jeseraisenpossessionde treizemillionsdedollars.Si jen’avaispasété si superstitieux, j’aurais aussitôt appeléOceanapourluiannoncerlanouvelle.AlorsqueKristenaffichaituneminesombre,monpère,jusque-làmurédanssonsilence,s’excusaetseretiradansmonbureau.Maintenantoujamais!mecriamaconscience.Encoreenproieàl’euphorie,jelerejoignis.Plantéfaceàlabaievitrée,ilnebougeapasàmonentrée.—Ilfautqu’onparle,papa.Jen’avaispasmieux,commeréplique?JejouaismavieavecOceana;iln’étaitpasquestiond’une

planchedesurfoudechoisirl’employédumois!—Non,répliqua-t-il.—Quetuleveuillesounon,jevaisteparler,repris-jefermement.Rienàfoutrequetusoisd’accord

ounonaveccequej’aiàtedire.Jen’attendspastabénédiction.—Surveilletonlangage,Rick,meprévint-ilenmefaisantface.S’ils’agitdeteslubiesàproposdu

surf,laréponseestencorenon.Elleresteralamême.Rienn’achangé.—C’estquoitonproblèmeavecmaplanche?Tum’asbienregardé?Jesuisclouédansunfauteuil,

bordel.Tumecroisvraimentcapablederemontersurunsurfunjouretdefaireletourdumonde?Mesrêvessontmortsdepuislongtemps,ettulesaispuisquejel’aifaitpourtoi,tonputaind’hôteletKristen.Unseconde,jecruslevoirflancher.—Tunetesouviensdoncvraimentderien…—Dequoidevrais-jemerappeler?Ilsecoualatête.—Laissetomber.Dequoivoulais-tumeparler,s’iln’étaitpasquestiondecela?—Oceana.

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Ilfronçalessourcils.—C’estlafilled’uneemploy…—Jedirigerail’hôtelsitunetemêlespasdemarelationavecelle.—Sinonquoi?—Jecroisbienqu’ilvatefalloirtrouverquelqu’und’autrepourlefaire.—Etquecomptes-tufairedetavie?Son dédain n’eut aucun effet surmoi. J’étais bien loin de tout çamaintenant. Je n’avais plus aucun

doute.J’accepteraisn’importequoitantquejeseraisavecelle,aveceux.Leseulfaitd’ypensermefitsourire.—Unjobm’attendàNewYork,répondis-jeenfin.Etêtreassisderrièretonbureauouceluid’unautre

nefaitpasgrandedifférencepourmoi.—Ettamère?Tuypenses?Bienvu,lechantageaffectif…maisçaneprendraitpas.—Cettefillet’aretournélecerveau,maparole!Piqué,jemelevaidemonfauteuiletl’affrontaidebout.—Cettefillem’aquittéparcequ’elleneveutpasêtrelacausedenosdisputesfamiliales.Cettefille

penseplusàvousetàmoiqu’àsaproprepersonne.Cettefille…—Dis-lelui,Patrick,mecoupamamèred’untonautoritaire.Elleétaitentréependantnotrediscussion.Jemefigeai.Patrick.Lesraresfoisoùelleavaitappeléson

mariparsonprénomsecomptaientsurlesdoigtsd’unemain.Etilnes’agissaitjamaisdeconversationsaffectueuses.Bienaucontraire.Monpèreblêmit.—Medirequoi?Monpèrerestasilencieux.—Situneluidispas,c’estmoiquileferai,lemenaçamamère.Ilsoupira.—Lejouroùtuaseutonaccident,nousnoussommesdisputés,annonça-t-ild’unevoixmonotone.—Commed’habitude…—Tais-toi,Rick,m’ordonnamamère.— Tu m’avais soumis une idée, reprit mon père. Quelque chose qui permettrait à l’hôtel de se

démarquerdesautres…Soudain,jemesouvins.—Proposerdescoursdesportsaquatiques.—J’airefusé.Catégoriquement.Sansmêmeétudiertaproposition.Sanst’écouter.Mon cœur semit à battre plus rapidement. Je connaissais cette sensation. Je fermai les yeux pour

accueillirlesouveniramerdecejourquiavaitdonnéunautresensàmavie.Jelerevoyaisdevantmoi,assisdanssongrandfauteuildirectorial,mebalançantlesfeuillesd’undossiercenséluidémontrerquemapropositionvalaitlecoupd’êtretentée.—J’aiexplosé,murmurai-jeentitubantjusqu’àmonfauteuil.

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Voilàpourquoij’avaisprismonjet-ski,quej’avaismisauplacarddepuislafermeturedemonclub.Parcequej’avaislittéralementexplosé.J’avaiseubesoindeliberté.Jecomptaistoutplaquercejour-là.Fairemachinearrière.Quittersonhôtel.Lavéritémesautaauxyeux.S’ilm’avaitécoutécejour-là,jenemeseraisjamaisretrouvésurcejet,etKristennem’auraitjamaisrejoint.—Jesuisdésolé,murmura-t-il.Je lui lançaimonregard leplusnoir.Desexcuses,maintenant? Iln’avaitmêmepasétécapablede

venirmevoiràl’hôpital.Commentpouvais-jeêtresidifférentdelui?—Danslefond,çat’abienarrangé.Maintenant,jesuisobligédefairecequetuveux.—Jesuisdésolé,répéta-t-il.Iln’étaitmêmepascapabledeformulerdesexcusesdignesdecenom.—Tul’asdéjàdit.Sorsdechezmoi,maintenant.Sestraitssedurcirent.Latristessenel’avaitpasaffectébienlongtemps.Alorsqu’ilmedépassait,je

repris:—Ettucomprendsbienquemapropositionestobsolète.Jelevisseraidir.—Réfléchisbienàcequetufais,Rick,murmura-t-il.Justement,j’avaisdéjàtropréfléchi.Cethôtelnereprésentaitrienàmesyeux.Sicen’étaitunecordeà

moncou.—Iln’yaqu’elle,papa.Elleetsonfils.C’était bien la première fois que je ne partais pas en claquant la porte, que je ne quittais pas son

bureauenfulminant.Maislui,cesoir-là,lefit.Mamèreposasamainsurmonépaule.—Jetefaisparvenirlesdocumentsdemaindanslajournée.Bonnenuit,Rick.J’eus presque l’impression qu’elle approuvait mon choix. Non. Elle n’avait aucune estime pour

Oceana.Peut-êtrevoulait-ellesimplementmedirequ’elleaussiétaitdésolée?Auloin,j’entendisleséchangescourtoisentreelleetKristen.Jerécupéraimontéléphoneetconstatai

quej’avaisreçuunmessagedeCarl.Àmongranddésespoir,ellen’apasdecoupdesoleil…Vendredi16Sept6:21PM

Etlesdauphins?Commentva-t-elle?Vendredi16Sept9:08PM

Jenel’aijamaisvueautantsourire!Ellesortdeladouche.Jepeuxplusteparler.Vendredi16Sept9:07PM

Et j’avais ratécemoment. Jememisà fairedéfiler lesphotosdeNewYork. Jene l’avaispasvue

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nageraveclesdauphins,maisj’avaisça.Cesinstantsvolés.Unorgasme,desjouesrougiesparlagêne,unsommeilprofond,dessouriressincères,ceregardquimetransportait.—J’aientenducequetuasdit.Je tournai à peine la tête vers Kristen qui m’observait dans l’encadrement du bureau. Son visage

n’exprimait aucune émotion. Toujours parfaite en toute circonstance. Je soupirai en rangeant montéléphone.—Nem’ignorepas!Jenetereconnaispas.Ouplutôt,j’ail’impressionderevoirleRickinsouciantet

sauvagedemajeunesse.Aucontraire.J’allaisenfinprendremespropresdécisions.Iln’étaitplusquestiondedevoirfamilial,

decontraintesetdecomptesàrendre.J’étaislibredechoisir.—Jen’aipaschangé,Kristen.Jesuislemême.—Tuvascontinueràmepunirparcequejen’aipasétélà.Pourtant,j’aiétélàtoutecettesemaine.J’ai

étélàlejouroùtuasapprisquetudevaistefaireréopérer…—Unesemainesurplusdetroismois,Kristen…Elles’indignasoudain:—Etmoi,quedevrais-jedire?Tunevoulaispasdebébé,maismaintenanttuveuxdecetenfantalors

qu’iln’estmêmepasletien!Nousenrevenionsaumêmepoint.Mais,encoreunefois,quelquechosemefaisaittiquer.Pourquoine

pasdire«notrebébé»?—Maintenant,dis-jesimplementenmerapprochantd’elle.—Quoi,maintenant?Ellejetaunrapidecoupd’œilautourd’elle,commesiellecherchaituneissue.J’espéraisjustenepas

metromper.—Faisonsunenfantmaintenant,précisai-je.Elleblêmitetreculad’unpas.—Tunepensespascequetudis.Ellenemediraitjamaislavérité.Jedevaislapousserdanssesretranchements.—Tuveuxquejeresteavectoi?Alorsfais-moiunenfantmaintenant.Çanedevraitpasteposerde

problème,non?Je luioffrismonplusbeausourireetmerapprochaid’elle.Puis jedéposaiun tendrebaisersurses

lèvrestremblantes.J’enreconnusparfaitementlegoût;maisiln’yavaitpascettesensationdepassion,d’envolverslescieux,dechaleurquejeconnaissaisbien,maintenant.Jeplaquaisonbassinaumienetremontaisaroberougelelongdesacuisse.—Rick,arrête,mesupplia-t-elle.—Jeveuxunbébé.Maintenant.Sabouchesedéformacommesijevenaisdeluiannoncerlaplusterribledesnouvelles.Jelarevissur

son jet. Je pouvais presque sentir les rayons de soleil caresser ma peau et les vagues agiter monembarcation. Je me revoyais. J’étais heureux, ce jour-là. Elle venait de me redonner le sourire enprononçanttroispetitsmots:«Jesuisenceinte.».—Jen’aijamaisditquejen’envoulaispas,murmurai-jelesoufflecourt.C’était elle qui n’en voulait pas. Jeme souvenais. Trop tôt, avait-elle dit avant d’ajouter, d’abord

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l’hôtel,macarrière,notremariageetplustard,peut-être,unbébé.Unbébé.Pascelui-là.Pasnotremaisun.Lebrouillardse levait lentement.Elleavaitprévudesefaireavorteretavaitpaniquélorsqueje lui

avaisditqu’iln’enétaitpasquestion.Unbateaudeplaisancepassaitnon loin.Elleavaitdémarrésonscooter des mers sans lui prêter attention. La suite, je la connaissais par cœur. Elle avait perdu lecontrôleetm’avaitpercutédepleinfouet.Titubant, je longeai lemur jusqu’àma chambre, sans écouter ce qu’elleme disait. J’étais à la fois

meurtri et soulagé.Blessépar sesmensonges et libéré dema culpabilité. Je n’avais jamais refusémapaternité, bien au contraire. Plus rien nem’obligeait à être avec elle. Pasmême les sanglots quimeparvenaientàprésentdemonbureau.Etencoremoinslesinsultesqu’ellemecriait.Finalement, je n’étais pas le pire connard de Miami, mais le plus bel abruti de Floride. J’avais

délaisséOceana.Pourça.

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Chapitre38

NewYork

Mesjambesm’avaientportéejusqu’àl’aéroport.Mesbrasavaientsoutenumesvalises.Etmaboucheavait articulé quelque chose qui ressemblait à une question à propos du premier vol pourNewYork.Carl,blanccommejenel’avaisjamaisvu,avaitreformulémademandeet,quelquesheuresplustard,jem’étais retrouvée dans un avion en partance, coupée de toutmoyen de communication avecmamère.Seule.Maisçan’étaitpaslepire…Jusqu’àcet instant, jen’avaispaspasséunquartd’heure sans l’appelerpourprendredesnouvelles

d’Ethan.Toujourslesmêmesmots.Étatstationnaire.Attendre.Etlà,laréalitémepercutaitviolemment.L’odeurdeJaveletdepropreté,lesbipsdumonitoring,les

voixdupersonnelsoignant,Ethandansunlitd’hôpital.C’étaitçalepire…Delaviepartout,sauflàoùelleauraitdûêtre.Surleslèvresdemonpetitgarçon,danslegrisdeses

yeux,auboutdesesdoigts.Jevoulais l’entendremediredesmilliersdechoses, levoirs’agiteret lesentirfrémircontremoi.Parcequec’étaitça,mavie.Mavie,c’étaitmelevertouslesmatinsfatiguéemaismesentirpuissanteetressuscitéedèsmonpremierregardsurlui.C’étaitmesurprendreàsourirebêtementdevantundessinouunephoto.C’étaitfairedesgâteauxauchocolatenpleinenuitpourmefairepardonnerdel’avoirgrondélaveille.Jen’étaispaspréparée.Jenel’auraisjamaisété.J’yétais.Mesgenouxs’affaissèrentaumomentoùmamainattrapa lasienne.Chaudeetdouce, je la

collaiàmajoue,lahumai,l’embrassaidélicatementcommes’ils’agissaitdelaplusbellerécompenseaprèsdesjoursdesupplice.Parréflexed’infirmière,jenepusm’empêcherderegarderlemonitoring.Saturationenoxygène,OK.

Fréquencecardiaque,OK.Tension,OK.Fréquencerespiratoire,OK.ToutétaitOK.Maispasdansmatête.—Ilseréveilleetserendortaussitôt,chuchotamamère.Assisedel’autrecôtédulit,unemainposéesurl’avant-brasd’Ethan,ellem’offritunsourirequise

voulait réconfortant. Je fus incapable d’y répondre.Mes yeux reprirent leur inspection.Les rayons desoleil entraient par la fenêtre caressaient les boucles blondes d’Ethan, son visage au teint de pêchesemblait paisible et serein ; quelques électrodes parsemaient son petit torse qui se soulevaitimperceptiblement à chacune de ses inspirations et une seule perfusion était branchée à son bras. Pasd’énormetuyaureliéàunrespirateur.Pasdetonnesdefilsbranchésàsonpetitcorps.Etsurtout…Pasdepansements sur sa poitrine ! Ça ne voulait dire qu’une chose. Pas d’opération à cœur ouvert. Pas dethoracotomie. Réduction des risques liés à l’opération. Le chirurgien avait utilisé une voix moinsinvasive.Aulieudepratiqueruneouverturesursapoitrine,ilavaitpréférépasserparunedesesartères.Pourenavoir lecœurnet, je jetaiuncoupd’œilsous ledrap. Ilétait là.Unpansementcompressifau

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niveaudel’aine.Jeressentisenfinunlégersoulagement.Ethanavaitétéopéré,ilnesouffriraitplusdesoncœur.—Qu’est-cequis’estpassé?réussis-jeàarticuler.Mamèresegratta lagorge.Samineendisait longsur lesheuresdifficilesqu’ellevenaitdepasser.

Desmèchesdecheveuxs’évadaientdesonchignonhabituellementsiparfait,sesyeuxétaientbouffisetcernéset elleportait encore sonuniforme,dont la chemisedonnait l’impressiond’êtrepassée sousunrouleaucompresseur.—L’écoleaappeléenfindematinée,Ethanavaitdumalàrespirer, l’instituteurn’apashésitéà le

fairetransporteràl’hôpitalet…J’eus le souffle coupé en entendant sa voix se briser. Je devinais la suite comme si je pouvais la

revivreà saplace.Tout laisser tomberetpartir, seule,affronter l’inconnu.Sedemanders’il s’agissaitd’unesimplecriseoudel’étattantredoutéquimettraitsavieendanger.Couriraussivitequepossibleens’imaginantarrivertroptard.Etlereste…entendrelesmotsd’unmédecinsansencomprendrelamoitié.Puisl’attente.Debout,assise,fairelescentpas.—Jesuisdésolée,murmurai-je,aussibienpourEthanquepourmamère.—Çan’estpastafaute,nicelled’Ethand’ailleurs:leplusimportant,c’estquetusoislàmaintenant.Savoixétaitcommeunecaressepourmoi.Etcommepourrépondreauxparolesdesagrand-mère,la

maind’Ethanfrémitentremesdoigts.Aumomentoùsespaupièress’ouvrirentsurmoi,moncœurs’embrasadansmapoitrineetmagorge

étouffa un « mon trésor » plein d’espoir. L’espoir que le pire était derrière nous. Ses yeux grisrencontrèrent lesmienset toutdevint flouautourdemoi. Je flottais sur son sourire.Un faible sourire,maispourtantaussipuissantquelesrayonsdusoleil.Chaud,divin,rassurantetvivant.—Vas-ydoucement,Ethan,legrondamamèreenlevoyantdévorersonmaigreplateau-repas.—Chépascrébonmaisj’aicréfaim,répondit-il,labouchepleinedepaindemietartinédefromage

frais.Jemeretinsdepoufferenvoyantmamèreleverlesyeuxauciel.—Ettoi?m’interpella-t-elle.Jeladévisageai.Elleavaitmeilleuremine.Moi,j’étaisicidepuisdeuxjours,moncœursemblaitpeu

àpeuserépareraurythmedeceluid’Ethan,etjevoulaisoublierlespiresheuresdemavie,lesenterreretneplusjamaisypenser.—Quoi,moi?Ellemefitlesgrosyeux.—Depuisquandn’as-tupasmangé?Devais-je lui dire que les chips du distributeur automatique de l’hôpital étaient un vrai délice ?

Enfin…plutôtlerepaslepluscopieuxdistribuéparlamachine.—Depuisquandn’as-tupasdormi?reprit-ellesurlemêmeton.Rien ne servait de mentir, le fauteuil n’était pas assez confortable pour y dormir – et mes cernes

parlaientpourmoi.J’auraispupostulerpourlaprochainesaisondeTheWalkingDead.—Prisunedouche?Je ne quittais pas Ethan d’une semelle depuis deux jours, elle le savait très bien. Mais peut-être

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devais-jel’informerquej’avaisbienfaitcacaetpipi?—Turentresà lamaison,Nana.Tute laves, tumangeset tudors.Jeneveuxpas tevoirdanscette

chambreavantdemainmatin.Enlavoyantrécupérermonsacàmain,jem’affolaietmelevai.HorsdequestionquejequitteEthan

pourmereposer.—Etsi…commençai-jeàl’instantoùlecardiologued’Ethanpénétraitdanslachambre.Suividesesinternes,ledocteurBenson,unquinquagénaireauxcheveuxgrisonnants,souritàmamère.

Ellereposaprécipitammentmonsacsurlatabledechevetetlissasajupe–non,jenemetrompaispas,elleavaitrougi!—MadameDouglass,mademoiselleDouglass,dit-ilennousserrantlamain.AlorsEthan,commentte

sens-tu,aujourd’hui?—Trèsbien!s’exclamaEthanenlevantlesdeuxpoucesverslehaut.—Tum’envoisravi!Demainmatin,nousvérifieronsparéchographiesi toutsepassebienpour ta

valveet,sic’estlecas,jepensequetupourrasrentrercheztoidansl’après-midi.Çatedit?Ethanhochalatêtefrénétiquement.—Cen’estpasunpeutôt?objectai-je.J’agrippaifermementlespiedsdulitpourjugulermonangoisse.Ets’ilsepassaitquelquechoseàla

maison?Lemédecinmeservitlesouriretypiquedupraticienquisouhaiteréconforterlesparentsdesespetits patients. Ça ne marchait pas avec moi. J’étais infirmière et je ne voyais que par des donnéescliniquesetbiologiques.— Le risque zéro n’existe pas, vous le savez aussi bien que moi, annonça-t-il, compatissant.

L’opération s’est bien passée, Ethan a bien répondu aux traitements, ses constantes sont stables, sesanalyses sanguines plus que correctes, et il sera toujours mieux chez lui que dans cette chambred’hôpital!Bienentendu,reprit-ilàl’attentiond’Ethan,pourlesactivitéssportives,jetedemanderaid’yaller progressivement.Ton cœur est peut-être réparé,mais tu vas devoir leménager encore un temps.Nousnousreverronsdansunmoispourcontrôlerquetoutvabien.—Super!T’asentendu,maman!Demain,jerentreàlamaison!s’exclamaEthanensautantdesonlit.JesourisunefoisdeplusaudocteurBenson.Ilavaitindéniablementraison.Tandisqu’ilsaluaitmamère,jeprisEthandansmesbras.Ilmeparutsilourdquejenepusretenirun

grognement.Mamèreaussiavaitraison.Moncorpsnetiendraitpaslongtempsàcerythme.—Tuesrassurée?medit-elleaprèsavoirrefermélaportedelachambre.Le serais-je un jour ? Nous avions toujours vécu dans cette angoisse permanente, cette peur du

lendemain.Nous allions devoir réapprendre à vivre, commeEthan allait devoir faire confiance à soncœur,quineletrahiraitplusjamais.Jerefoulaiundemesplusbeauxrêvesaufonddemonesprit.Troptôt pourm’imaginer le voir courir dans les feuilles orangées de l’automne. Trop tôt pourm’imaginerl’entendredirequ’il aimait être essoufflé.Trop tôtpour l’imaginer rougecommeune tomate,mais leslèvresretrousséesdansunmerveilleuxsourire.Troptôt,maisbientôt.Toutétaitfini.—Queljoursommes-nous?demandaEthanenjouantavecunemèchedemescheveux.—Lundi,trésor.Jecollaiunbisousursajouechaudeetfrottaimonnezausien.—Alors,c’estaujourd’huiqu’ilrevient?Oupeut-êtredemain?

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Jequestionnaimamèreduregard.Ellesecoualatête.—Ilm’apromisqu’ilseraitlàcettesemaine,repritEthan.Rick?Quand?Où?Comment?Duregard,jesuppliaimamèredeveniràmonsecours.Ellesegratta

lagorge.—Rick t’apromisou il t’a seulementditqu’ilviendraitdans la semaine?demanda-t-elled’un ton

assuré.Ethanfronçalenez.Çan’annonçaitriendebon.—Ilvavenir,maman?Ils’agissaitbiendeRick.CommentexpliqueràEthanqu’illuiavaitpeut-êtredittoutuntasdetrucs

pourluifaireplaisir?Commentluiavouerquejel’avaislaissépartir?QueRickneseraitjamaisavecnous?—Ildoitavoirdeschosesàfaire,répondis-jefinalement.Contretouteattente,levisaged’Ethans’éclaira.—C’estvrai,ilm’aditqu’ilavaitdesproblèmesàrégler!Il sauta sur son lit et attrapa la télécommande de la télévision. Je n’étais pas sortie d’affaire pour

autant.J’avaisseulementrepoussésacuriositédequelquesjours.Etlevoirpasseràautrechosen’atténuaen rienmonmalaise. Je reconnus sans peine la douleur qui nem’avait pas quittée pendant toute unesemaine.Cettebouleaufonddelagorgequim’empêchaitdemenourrir.Cepoidsdanslapoitrinequimefaisaitsuffoquer.Cesbrûluresdanslesyeuxquimerappelaientquej’allaispleurer.Etcevidedansmoncœur,quimefaisaitprendreconsciencequ’ilneseraitplusjamaisavecmoi.J’avais quitté l’hôpital, laissant Ethan avec ma mère. Je n’étais plus capable de raisonner

correctement.J’étaisfaiblementalementetphysiquement.Allongéedansmonlit,dansl’obscurité,aprèsavoirmangétroisbouchéesdequicheaupouletetprisunedouched’unedemi-heure,jeluttaispournepaspleurer.EtsiCarln’avaitpastenusapromesse?Ilm’avaitjurédeneriendireàRick.Jemerisquaiàregarder l’écrannoirdemontéléphone,meprenantàespérerqu’ilsonne,alorsqu’iln’avaitplusdebatteriedepuisledimanchematin.—N’importequoi!m’exclamai-jeenlebranchantàsoncordondechargeprèsdematabledechevet.Il m’échappa des mains au moment où un tintement de cloche retentissait. L’oreille tendue, je me

redressai. Le tintement reprit. Je n’étais pas folle. J’allumai ma lampe de chevet. Je refis un tourd’horizon.Lafenêtrefermée,macommode,macoiffeuse,monarmoireetmon…L’ordinateurportablen’étaitpaséteint. Ilétait seulementenveille.Jesursautaiunenouvelle foisau

bruitdelacloche.Çanepouvaitêtrequelui.C’étaitsonordinateur.SonmoyendecommunicationavecEthan.J’attrapaimonoreilleretleserraicontremapoitrine.Jenedevaispascéderàlatentationniàlapanique.Jedevaisjustepatienter.Attendrequelaclochearrêtedetinter.Subir.—Inspirer.Expirer.Serrerlecoussin,merépétai-je.La cloche sonna de nouveau. Je mis mon oreiller sur ma tête. Peut-être arriverait-il à étouffer les

tintements?Oum’étoufferait-il, toutsimplement?Voilà!Jesombreraisdirectementdansuneléthargiesilencieuseetdouce.Le.Rêve.Nouveautintementdelacloche:j’envoyaimoncoussinendirectiondel’ordinateur.Malheureusement, comme ma mère n’avait cessé de me le répéter durant toute mon enfance,

extériorisersacolèreparlaviolencen’apporteengénéralriendebon.Rickapparutàl’écran.Levoirme

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fitautantdebienquedemal.Ilétaitsibeau,sansl’ombred’unerepoussedebarbe,vêtud’unechemiseblanchedontleboutonduhautavaitétédéfait.IlressemblaitauRickquim’avaitemmenéedéjeunerdanscerestaurantauxmillecouleurs.Maiscesoir,ilnes’étaitpasfaitbeaupourmoi.Ilparaissaitenpleineforme, alors quemoi j’avais dû perdre cinq kilos en une semaine et affichais un teint si blafard quen’importequelmédecinauraitsuspectéuneanémie.—Oceana?Jerefoulaiunsentimentdebien-êtreenentendantsavoixchaudeetrauque.Ellem’avaitmanqué.Ilme

manquait.Jeserrailedrapaucreuxdemesmainspourleurintimerdeneplustrembler.—Quefais-tulà?Carlm’aditquetunerentreraisquedemain,aprèsque…—J’aipréférérentreraujourd’hui,lecoupai-jesuruntonunpeutropferme.J’étais soulagée de savoir que Carl avait tenu parole. Et fâchée de constater que Rick n’avait pas

cherchéàmejoindre.Ilavaitjusteprisdemesnouvellesauprèsdesonami.—Jen’aipaseudenouvellesd’Ethandepuisjeudisoir,jecommençaisàm’inquiéter,dit-il.Oùest-

il?Ilvabien?Jereconnaissaissanspeinemonanciennechambre.Derrièrelui,labaievitréelaissaitvoirunepartie

dujardinencoreéclairéparlesderniersrayonsdesoleil.—Ildortdanslachambredemamère,mentis-je.Sesyeuxrevinrentsurmoi.Jefrissonnai.—Ilvabien,alors?Jehochailatête.Maintenant,ilallaitbien.—SituesàNewYork,j’enconclusqueCarlt’adonnétonargent?C’étaittoutcequ’ilavaitàmedire?Pasde«tumemanques»oude«çafaitdubiendetevoir?».

Non.BienentenduqueCarlnem’avaitpasdonnécestroiscentmilledollarspuisquejen’enavaisplusbesoin.Jen’envoulaispas.—Pasencore.Surpris,ilfronçalessourcils.—Je…J’aiquelquechosed’importantàtedire.Sesyeuxbleusserivèrentauxmiens.Çanefaisaitaucundoute,j’aimaiscethommeplusquetout.«Jetesersquelquechoseàboire,Rick?»entendis-jedanslemicro.Unevoixféminine.Ilsetourna,manifestementgêné.Kristen?—Attends-moidanslesalon,jen’enaiquepourquelquesminutes,répondit-il.Quelquesminutes…untsunamidecolèrem’envahit.Moi,jenelevoulaispaspourquelquesminutes,

mais pour toute une vie. Et je ne voulais certainement pas l’entendreme dire que lui et moi, c’étaitimpossible,quej’avaisraison,quesavieétaitàMiamietqu’ilnevoulaitpasavoirderegrets.Jemelevai,courusjusqu’àl’ordinateur,refermail’écransurleclavieretôtailabatterieavecrage.Fini.Toutétaitfini.Toutétaitnoir.Jerevivaislepire.Appuyéecontreleplandetravaildelacuisine,jeregardaisEthanassemblersonnouveaupuzzledes

Avengers,cadeaudesasortiedel’hôpital.J’auraisdûêtreheureuse,sourireàlavie,àsavie,maisjen’yarrivaispas.J’entendaisl’eaudeladouchecouler,signequemamèreoccupaittoujourslasallede

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bains.C’étaitlesseulesminutesderépitsquejem’accordais,enplusdecellesoùj’yétaismoi-mêmeetmesdeuxdernièresnuits. Je relâchaismonsourire forcé,détendaischacundemesmusclesetpleuraissilencieusement.Endehors de ces quelques instants, j’ignoraisma souffrance.Ethan était là,mamèreétaitlà,et,pourtant,jenem’étaisjamaissentieaussiseule.—Maman!m’appelaEthansansquittersonpuzzledesyeux.Jesoupirai.—Oui,trésor?Illâchaunepièceetmefixadesesgrandsyeuxgrisavecinquiétude.—Letéléphone,maman.Ilsonne.Jemesecouaietmedirigeaiversleguéridondusalon,telunpantinàlamécaniquefatiguée.Troptard.Lerépondeurm’avaitdevancée.Lavoixenregistréed’Ethanretentit:«Nous ne sommes pas là !Maismaman etmamie disent que tu peux laisser unmessage après le

biiiiiiiip!Voilà!»Aussitôt,letéléphoneseremitàsonner.Cettefois,jedécrochai.—Allô?—Oceana?—Carl?—Bonsang,Oceana,çafaittroisjoursquej’essaiedetejoindre!s’exclama-t-il.—Désolée,je…Jen’aipasrallumémontéléphone.Ethanvabien,ilestrentréàlamaison.MonderniermessagepourCarl remontait audimanchematin, je luiavaisditqu’Ethanétaithorsde

danger,pourl’instant.—Oui.Euh…Ça,jelesais,cen’estpaspourçaquejet’appelle.Commentpouvait-ilsavoirqu’Ethanétaitsortidel’hôpital?Ilnemelaissapasletempsdeluiposer

laquestion.—Rickvasefaireréopérer.—Carl,situm’appellespourmeparlerde…—Jevoulaisaussitedirequetuétaisaussistupidequelui.—Carl,jevaisraccrocher.—Etjepeuxtecertifierquesituraccroches,jeprendslepremieravionpourNewYork…Jemismamenace à exécution sansmême attendre la fin de sa phrase. Je n’avais aucune envie de

parlerdeRickdevantEthan.D’autantqu’ilavaitlâchésespiècesetm’observaitcommes’ilavaitpeineàcroire,quemoi,samaman,j’avaispuêtrevilaineavecquelqu’un.—C’étaitqui?medemanda-t-il.Jecherchaidésespérémentunmensongequinememèneraitpasunefoisdeplusverslaquestiontant

redoutée:«Ilvientquand,Rick?».—Je…commençai-jeavantqueletéléphoneneseremetteàsonner.Cettefois,jedécrochaiavecempressement.—Jevoulaistenterunedernièrefoisdet’appeleravantdeprendrel’avion.Àmoinsquetuveuilles

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vraimentquejeterejoigne?Parcequetusaisquejeseraiscapabledelefaire…Jemetournaiverslafenêtre,àl’abridesregardsd’Ethan.—Viens-enaufait,Carl.—Ilyabeaucoupdechosesàdire,et jerestepersuadéqueçan’estpasàmoidelefaire,maisen

mêmetemps,vousnemelaissezpaslechoix,railla-t-il.Tuasreçul’argent?—Jet’aiditquejen’enavaispasbesoin,Ethanaeuson…—Ilsneviennentpasdemoi,mecoupa-t-il.Rickn’arienvouluentendre.Jepaniquai.—TuluiasditpourEthan?—Oui.Ilsavait.—Jen’aipastenumapromesse.Jeluiaitoutraconté,ilétaitvraimentencolèrecontretoimaisilt’a

quandmêmefaitunvirementdetroiscentmilledollarsparcequ’iltenaitabsolumentàtelesdonner.—Jen’enveuxpas.—Ça,c’esttonproblème.Tun’asqu’àvenirlesluirendre.Enrevanche,jetiensàteprévenir,ilest

retournécrécherchezsesparentsenattendantdetrouverunappartement.—Ilavendulavilla…murmurai-je,lecœurbattantlachamade.—Oui.RickavaitvendusavillapourEthan.Jereculaijusqu’àlatablebasseetm’yassis.—EtilaquittéKristen.—Carl…—C’estuntrouducul,tonna-t-il.IlaquittéKristendepuislongtemps,tuétaisencoreàMiami.EncoreàMiami…Iln’avaitmêmepasessayédemeledire. Ilm’avait laisséesouffrir.Quiétaitcette femmeavec lui,

l’autresoir?—Jeneveuxpasquetumedisestoutça.—Ettoituesstupideparcequetuneluilaissesmêmepasunechancedesejustifier.Cen’étaitpastoutàfaitça.J’avaisétéstupidedel’avoirlaissépartir,maisluin’avaitpasessayéde

mejoindre.Ilauraitdûm’appeler.PasCarl.Ilavaitsachance,monportableétaitpeut-êtreéteintmaislalignetéléphoniquedechezmamèretoujoursdisponible.Ilauraitdûmeledire,lui.—Jen’enaipluspourlongtemps,annonçaCarlensoupirant.Attends,jerelismonpapierpourêtresûr

de ne rien oublier…Alors… les trois centmille dollars, la salope deKristen, l’opération dans deuxjoursauRyderTraumaCenter…Aufait,c’estmadameThomasquim’agracieusementdonnélenumérodetondomicile.Finalement,jen’airienoublié.—Gracieusement?memoquai-jeàmoitié.—J’auraispréféréqueturetiennesRyderTraumaCenter.—Dansdeuxjours,j’aientendu.Ilsoupira.—Maistuneviendraspas?

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Jemeretournaiverslacuisine,oùEthanjouaitdenouveauavecsonpuzzle.Mamèrelesbrascroisés,emmitoufléedansunpeignoirdebain,m’épiait.Depuisquandétait-ellelà?Qu’avait-elleentendu?—Je…Ethanabesoindemoi,murmurai-je.Ellelevalesyeuxaucieletseretournapourseservirunverred’eau.Quoi?— Je savais que j’avais oublié quelque chose ! s’exclamaCarl assez fort pourme faire sursauter.

MadameThomas offregracieusement, une nouvelle fois, une semaine de congés payés à ta mère, letempsqu’Ethanpuisseprendrel’avionpourMiami.Qu’est-cequ’elleestgénéreuse!Lacolèremegagnait,etsonhumourm’agaçait.—C’estellequit’ademandégracieusementdem’appeler?—Non.Disons qu’ellem’a juste aidé à construire un plaidoyer que j’aigracieusement foutu à la

poubelle. J’ai seulement gardé l’argument des congés payés, mais quelque chose me dit que ça nechangerarien,pasvrai?—Rien,répondis-jesèchement.—Réfléchis-y aumoins,vanilledeRick. Il est dans lemêmeétatque toi, et jeneparlepasde sa

jambe.Jenesavaisriendecetteopérationetjevoulaisfairecommesijenesavaispasqu’ilseraitauRyder

TraumaCenterdansdeuxjours.—Mercid’avoirappelé,Carl,articulai-jed’unevoixmonotone.—J’espèrejustequetuchangerasd’avis.Sansrépondre,jeraccrochai.Toutétaitfloudansmatête.J’étaisencolèrecontreRicketdésespérée

denepasêtreàsescôtés.Ilm’avaitlaisséesouffrir,sansnouvellesdeluipendantdesjours,etpensait,aujourd’hui,assurermonbonheuravecsonargent.Quandavait-ilcommencéàpenserquec’étaitlaseulechosequim’intéressait?—Quiétait-ce?demandamamère.—Carl.—Oh,l’amideRick…Àcenom,Ethanrelevalatête.Laflammequej’aperçuslusdanssesyeuxmefitmal.—Ilvavenir?demanda-t-il.—Non.Ildoitsefaireréopérer.—Oh.Alorsçaveutdirequetuvasdevoirrepartir?Jenem’attendaispasàça.Jemelevaietreplaçailetéléphonesursonsocle.—Non,trésor,jen’aiplusbesoindetravaillerpourRick.—Maisquivas’occuperdelui,alors?—Tusais,ilyaaussidesinfirmièresàMiami…—Maisçan’estpaspareil,n’est-cepas,maman?—Ethan,tuveuxbienrapporterceciàlamamand’Andréa,s’ilteplaît?luidemandamamèreenlui

tendantunplat.Ellemesauvait–pourlemoment.Jeregardaimonfilsprendreleplatetsortirsansempressement.Il

avaitl’airdéçuettriste.—Estcequetul’aimes?medemandamamère.

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Laquestionétaitabrupte.—Jepensequetuconnaislaréponse.Ellefronçalessourcils.Mauvaiseréponse.—Oui,soufflai-je.—Tul’aimes,maisvousn’êtespasensemble?—C’estbienpluscompliquéqueça.—Jet’écoute.Àmoinsquetunepréfèresqu’Ethansoitlà,pourlemettreaucourantluiaussi.— Il ne m’a pas appelée ! explosai-je. Je n’attendais pas plus qu’un message. Juste un message,

maman.Mêmes’ilmebrisaitlecœur,jem’enfoutais.Jevoulaisjustevoirsonnoms’affichersurmonécran,poursavoirqu’ilnem’avaitpasoubliée!—Ettuvasluienvouloirtoutetavieparcequ’ilnet’apasappelée?—Jenesaispas.—Moi,jesais,affirma-t-elle.Cen’estpasàluiquetuvasenvouloir,maisàtoi.Plustard,tunete

rappelleras que des merveilleux moments que vous avez passés ensemble et de ce choix. Et tu tedemanderassituasfaitlebon.PourtoietpourEthan.—Qu’est-cequetuensais?Ellebaissalesyeuxetsoupira,commes’illuiencoûtaitdemefairedesconfidences.—Jenet’aipasditlavéritésurtonpère.Iln’estpasparti.Ilnenousapasabandonnées.Jel’aiquitté

parcequ’ilétaitviolentetquej’avaispeurpourtoi.Etpendantdesannéesjemesuisdemandéesij’avaisfaitlebonchoix,allantmêmejusqu’àregretterdenepasluiavoirdonnéunesecondechance.—Je…Je…Jesuisdésolée,maman,murmurai-jeenlaprenantdansmesbras.Ellemecaressalatêtecommequandj’étaistoutepetiteouépuiséedemebattrepourEthan.Comment

aurais-jefaitsanselle?—Tun’aspasàl’être,medit-elle.Iln’auraitjamaischangéetmavieauraitétéd’autantplusdifficile,

parcequej’auraispassémontempsàmefairedusoucipourtoi.MaisRickmachérie…Iln’yapasdechoixàfaire.C’estuneévidence.Ilnet’apasappelée,ettoi,tuneluiasrienditpourEthan.Avait-elleraisonunefoisdeplus?Étais-jeaussifautivequelui?—Nemeprendspasparlessentiments,lasuppliai-je.Àcetinstant,laported’entrées’ouvrit.—Tut’estrompée,mamie,criaEthan,lamamand’Andréaditqueçan’estpasàelle.—Ahbon?Tusaistrésor,jeperdsquelquefoislatête,ditmamère.Ethanétouffaunrire.L’orageétaitpassé.—Gâteauauchocolat?luiproposai-je.Sesyeuxpétillèrentdejoie,etilseruasursonpuzzlepourrangerlespiècesdanssaboîte.Jesentis

maculpabilités’atténuerunpeu,maismaconsciencemerappelatrèsviteàl’ordre.TaculpabilitéausujetdeRick,tucompteslafairetairedequellemanière?

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Chapitre39

Sorcièreetmédailleenchocolat

C’étaitlegrandjour.Ouplutôt,çal’auraitétésij’avaiseuunbut.J’avaisfaitdesprojets,déménageràNewYork,travaillerpourPeter,tenterderevoirOceanaetEthan;jen’avaisplusaucunecertitude.Monchirurgienetsesacolytesvenaientdequittermachambre.LedocteurTongm’avaitexpliqué la

procédurequ’ilappliquerait,maisjenel’avaisécoutéqu’àmoitié.Laseulechosequej’avaisretenudetoutsonjargonmédical,c’étaitquejenedevaisenaucuncasprendreappuisurmajambedroiteavantsixsemaines. Mes meubles avaient trouvé une place dans l’immense garage de mes parents, mes habitsavaient regagné lapenderiedemachambred’adolescent,etmonfoutuculboiteuxavec.Plusdevilla,plusdepiscine,plusd’Oceana!Jeneregrettaisrien.Seulement…çanedevaitpassepassercommeça.J’étaiscensélarejoindrechezCarletluidirequejel’aimaisavecsonchèquedetroiscentmilledollarsentrelesdoigts,avantqu’ellenes’envolepourNewYork.NousdevionsquitterMiamiensemble.Lavérité,c’étaitquej’avaisunefoisdeplusfaitlesmauvaischoix.J’avaissous-estimésasouffrance.

Jen’avaispaspenséuneseulesecondequel’étatd’Ethanpuissesedégrader.J’avaisfoiré.Jeluiavaispourtantditdem’appeler.Elleauraitdûm’appeler.Etmaintenant,elleneprenaitplusmes

appels.Jetombaisdirectementsursamessageriequi,saturée,nepouvaitplusaccueillirmesdéprimantesexcuses.Finalement,j’avaisacceptél’aidedemamèrequiavaitsusoutirerdesinformationsàmonfrère.Ethanétaitsortidel’hôpital,sainetsauf,avecuncœurréparé.Enfinrassuréquantàsonétatdesanté,jen’étaispascapabledefairepleuvoirautrechosequedes«désolés»pathétiquessursaboîtevocale.Allongé dans le lit, habillé d’une robe bleue en papier, je me laissais manipuler par une jeune

infirmièresousleregardindéchiffrabledemamère.Uncalot,deschaussons.Elleparaissaitinquiète,cequi m’étonnait, et pressée – comme d’habitude. En même temps, je ne l’avais pas forcée àm’accompagner.Depuisdes jours, ladouleurque je ressentais–dansma jambe,dansmapoitrineaussi–mefaisait

payermalâchetéetmonégoïsmeetmesconneries.Jerefusaisdeprendreunquelconquecalmant.Pasdetramadol.Pasdegélulesbleueturquoise.Malgrétout,jecontinuaisàespérer,jetentaisdelajoindrepartéléphone, je tentaisde lacontacterparSkype,etcematin, j’étaismêmeallé jusqu’àsuivreune jeuneinfirmièreblondeàtraversl’hôpital,enpensantqueçapouvaitêtreelle.Iln’enétaitrien.—Toujourspasdenouvelles?demandamamère.Assise sur le fauteuil placé à droite demon lit, elle feuilletait les pages d’unprospectus de ventes

immobilières.—Parfois,ilfautlaisserfaireletempsfaire,ajouta-t-elled’unevoixneutresansleverlatête.Sielle

t’aime,ellereviendra.Àmoinsqueçanesoitqu’unehistoired’argent.Aprèstout,tuluiasfaitdondetroiscentmilledollarsalorsqu’elleenavaitplusbesoin.Ellenepouvaitpass’empêcherdedévaloriserOceana.Déjàtroisjoursqu’elleseretenait:jedevais

peut-êtreluidonnerunemédailleenchocolat?—Tuneprotestespas?s’étonna-t-elle.

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Pourdirequoi?Qu’Oceanaétaitloind’êtreunefemmevénaleetquesaseuleetuniquerichesseétaitEthan?—Àquoibon,maman?—C’estpeut-êtrequecelat’aeffleurél’esprit…Non, l’idée ne m’avait pas, une seule seconde, effleuré l’esprit, comme elle disait. Je tapotai sur

l’écrandemontéléphone, tentantunenouvellefoisdejoindreOceana.Àla tonalité, jemetendis.Bonsang,çasonnait!Unefois.Deuxfois.Jedéglutis.Troisfois.Jecessaiderespirer.Quatrefois.Jecrusmourir en entendant la voixmonotone du répondeur prendre le relais. Je connaissais déjà la suite. Jeraccrochai,labouchesècheetlesoreillesbourdonnantes.—J’espèrepourtoiqu’ellereviendra,ditmamèred’untonsec.—Parpitié,maman,situesvenuepourmeparlerd’Oceana,rentreàlamaison.J’aidéjàassezavec

maconscienceetCarlpourmetraiterd’abruti,jen’aipasenplusbesoindetoipourlamettreplusbasqueterre.Tunelaconnaispas.Ettun’asmêmepasessayé.Piquée,ellemelançaunregardnoir.—Tonpère est un abruti, toi tu es amoureux.Tu as fait lesmauvais choix parce que tu t’es laissé

aveu…—Pourl’amourducielmaman,arrêteça.Jememis à compter les carreauxblancsdu fauxplafondpourmecalmer.Quandmamère reprit la

parole,jefusétonnédeconstaterquesavoixétaitcalmeetmêmebienveillante.— J’allais seulement te dire qu’elle aussi faisait lesmauvais choix. Par amour, c’est ce que nous

faisons tous.Unpeucommetonpèreavec toi. Iln’acceptepasque tupuisses faireautrechosequecequ’ilveut,parcequ’ilt’aimesifortqu’ilnevoudraitenaucuncastevoiréchouer.C’estunabrutiparcequ’iln’estpascapabledereconnaîtresestorts.Ettoi,tuesunabrutiparcequetuaslaissépartirOceanaetque tune fais riend’autreque regarderce téléphone toute la journée.Etelle,elleest stupideparcequ’ellet’ignorealorsque…—C’estànous!s’exclamauneinfirmièreenentrantdanslachambre.Jemeravisai;pasdemédailleenchocolat,maisuneenor.J’avaispresqueenviedemepincer.Non,

çan’étaitpasunrêve.Mamèreseleva,attrapasonsacàmainetlissasajupedetailleur.—Nousreprendronscetteconversationplustard.Jeserailààtonretourdubloc,dit-ellesurunton

quisevoulaitrassurant.—Toutauplustroisheures,l’informauneautreinfirmière.Paroùétait-elleentrée,celle-là?—Danstroisheures,donc,répétamamère.Etjet’aitrouvéquelqu’unpourtessoinsàdomicile.Sonné,jemelaissaitransporterjusqu’aublocopératoire.Aprèsavoirpassélesportesdel’ascenseur,

jeréalisaisoudainlasignificationdesesparoles.Personned’autrequ’Oceanan’avaittouchémesjambesdepuisuneéternité.Sesdoigtsfinsquimassaientmesmuscles,sonparfumexquisdevanille.Çaneseraitpaspareilavecuneautre.L’unedesinfirmièrestentaitdemedétendreenracontantuneblague.Jesourispourluifaireplaisiret

memisàobserverleplafondquidéfilaitau-dessusdemoi.Le froiddublocsaisit chacundemesmuscleset la lumièrem’aveugla.Deshommesetdes femmes

habillésenvert,masqués,latêtecouverted’uncalot,s’agitèrentautourdemoi.Àlasensationdechaleur

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dansmoncorps,jecomprisqueleproduitanesthésiantcouraitdansmesveines.Mavisionsetroubla.Jeneluttaipas.Jecomptai…Un…Deux…Trois…Jefermailesyeux.Uneodeurdevanille, fugacemaissidouce,caressamesnarines ; j’ouvris lesyeux.J’étaisdansma

chambre.Lanuqueendolorie,jebalayaiduregardlapièceencoreéclairéeparlesoleil,toutenhumantl’air climatisé tel un chien truffier. Rien. Je divaguais. Sans lutter, je me rendormis, avec la netteimpressiond’avoirétédupéparlesanesthésiants.Jemevoyaisboiredestonnesdebouteillesd’eausanspourautantarriveràétanchermasoifsousle

soleil cuisant sur l’unedes plages deMiami. Ilme semblait pourtant sentir le liquide couler dansmagorge.Mais ça ne suffisait pas. Je vidai les bouteilles une à une jusqu’àme rendre à l’évidence : jerêvais.Etj’étaisassoiffé.Jesoulevaimespaupières.Elleétaitlà.Oceanaétaitlà.Debout devant la baie vitrée, les rayons du soleil éclairant ses cheveux blonds répandus sur ses

épaules.Elleportaituntopmarinetunjeanbleufoncé,unpeugrandpourelle:elleavaitperdudupoids.Àcausedemoi.—Bonjour,murmurai-je.Bonsang,j’avaissisoif.Maisjenevoulaispaslalâcherdesyeux.Jenevoulaispasprendrelerisque

de la voir disparaître. À tâtons, je palpai le lit jusqu’àma cuisse droite, touchai le long pansement.J’appuyaiundoigtdessus.Unélancementdedouleurm’arrachaungrognement.—Tucherchesàfairequoi,là?ditOceana.Cen’étaitpasuneillusion!Jerespirais.Siseulementj’avaispusortirdecelit…—Jepeuxsavoircequitefaitsourire?J’avais seulementvoulume faireassezmalpourmesentirvivant.Et jene l’avais jamaisétéautant

qu’aujourd’hui.—Tueslà.Bonsang,tueslà.Ellesoupira.—Jesuisvenuepourterendretonargent.Jecrusdéfaillir.Jenepouvaispaslalaisserpartircommeça.Cetargent,jem’enfoutais.—Oceana,ilfautquejet’explique,j’ai…—Jesais,mecoupa-t-elle.J’aiécoutétoustesmessages.Tuesdésolé.Mesmusclesserelâchèrent.—Tous?Mêmeceuxoùjetetraited’égoïste?—Tous.—Oh.Ellebattitdespaupières,évitantmonregard.—Ethanvabien,net’inquiètepas.—Ilestlà?—Non.IlestàNewYorkavecmamère.Ellel’avaitlaissépourvenirmevoir,etilluiencoûtaitdel’avoirfait.Elleétaiticietpasaveclui.

Ellesoupira,puismecontournapourvenirseplacerdel’autrecôtédulit.

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—Rallonge-toi,nousdevonsparler,annonça-t-ellefinalementensaisissantunboîtier.Sais-tucequec’est ? Ce boîtier est une pompe àmorphine,m’informa-t-elle. Elle ne s’active que si tu appuies là,ajouta-t-elleenmemontrantunesortedegâchette.Nousallonsjoueràunjeu.Jeteposedesquestionsetsij’estimequelaréponsen’estpaslabonne,j’appuieraidessus.OK?—Tusaisquejen’aimepaslamorphine.Tuessadique,Oceana.—Mauvaiseréponse,lâcha-t-elledansunsourireenjoignantlegesteàlaparole.Elleappuyasurlebouton,lapompetinta.Jemevoyaisdéjàsombrerdanslesommeil.—OK,OK…—Estcequetuasmal?demanda-t-elleenpoussantlégèrementmajambesainepours’asseoirsurle

lit.Non.Jen’avaisplusmalnullepart.Elleétaitlà.Sonparfumàlavanillem’enivrait.Sachaleurtrouva

macuisseàtraversledrap,ettouteslescellulesdemoncorpssemirentàfredonner.Elleétaitlà.Lesyeuxscintillantsdiscrètementmaquillé,lesjouesrosées,leslèvresbrillantesd’unglossquinelesrendaitqueplusdésirables.—Non.J’aitrèssoif,répondis-je,lesyeuxfixéssursabouche.Soifd’eau,maisplusencoredesonsouffle.—Tunepeuxpasboire.Tudoisattendre16heures.Qu’est-cequis’estpassépourtajambe?Pourquoin’avais-jepasécoutélemédecinquandilm’expliquaitlaprocédure?—Jenesaispastrop.—Perdu.(Elleappuyasurlebouton.)Moi,jevaisteledire.Tuastropforcé.Tut’escrucapablede

fairecertaineschosesettuasperdu,saufqu’ilnes’agissaitpasd’enfreindremesrègles,maiscellesd’unchirurgien.Tuasjouéavectavie.Çaauraitpuêtreplusgrave.J’étaispersuadéqu’elleparlaitaussid’Ethan.Ilavaitrepousséseslimitesaupérildesavie.—Tuasraison.—Pastoutletemps.Qu’est-cequetucomptesfaireplustard?Tetoucher,meperdredanstoncouetenbaiserchaquecentimètrecarréjusqu’àtabouche…—TravaillerpourPeteràNewYork.Ellesoupira;mesyeuxdévièrentsurleboîtier.—Encoreperdu.Jefislescomptes.Troisdosesdemorphine.—Etqu’est-cequ’ilfaudraitquejefasse?m’indignai-je.Tupeuxappuyerautantdefoisquetuveux

surcesatanébouton,çanechangerarien.Jeseraisoùtuseras,Oceana.Unvraisourirenaquitsurseslèvres.C’étaitlaplusbelledessorcières.— Bizarrement, tu viens de donner la bonne réponse. Nouvelle question. Est-ce que tu comptes

remettreunpied,unjouroul’autre,surtaplanchedesurf?—Je…Oceana…balbutiaije.—Jevaisappuyer!—Ilyaunfosséentrecequej’aimeraisetcequejepourraifaire,tentai-je.—JedoisdoncdemanderàCarld’apprendreàEthanàfairedusurf?Ellemeprenaitpar lessentiments.Maiselle laissaitaussientendrequetoutn’étaitpasperdu.Nous

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n’étionspasperdus.—Tuespirequesadique,sorcière.—Perdu.(Lapompetinta.)Etnon,jenelesuispas.Jeveuxseulementt’ouvrirlesyeux.Rappelle-toi

pourquoituasabandonnétesrêvesetcequ’ilteresteaujourd’hui.Cequetuasaujourd’hui.Devais-jecomprendrequejel’avais?Quejelesavais?—Jesaisquetunem’empêcheraspasderéalisermesrêves,mêmes’ilt’encoûtedemelaisserfaire.

Maisjenesaispassij’enseraicapable.—Quelesttonproblème,alors?—Tulesaistrèsbien.—Danssixsemaines,si tusuis lesconsignesde tonchirurgien, tupourrasdenouveaucourirsur le

sableetnagerdansl’océan,Rick.Savoixsebrisa.Jemesouvinsalorsdesonvisageilluminéenmevoyantmarcherpourlapremière

foisdanslapiscine.Oceanaseréjouissaitenpermanencedubonheurdesautres,etc’étaitaussipourcelaquejel’aimais.—Jedoistefaireconfiance?demandai-je.—Tuasdevancémaprochainequestion,répondit-elleenhaussantlesépaules.Ilest16heures,tupeux

boire.—Commentlesais-tu?Ellelâchaleboîtieretpritmonverresurlatablette.Plusdemorphine.Jesourismalgrémoi.—Parcequ’ilétaitdéjà16heuresilyaplusd’uneheure…Jebusl’eaud’unetraite.J’étaislibre.J’étaisrassasié.J’étaisgroggydemorphine.Etj’allaisprendre

ledessusdanscetteconversation.—Surquoid’autrem’as-tumenti?—Lapompeàmorphinen’estpasconnectéeàtaperfusion.J’aiexpliquéàl’infirmière,pendantquetu

dormais,quetudétestaisça.Nouveaurésumé.J’étaislibre.J’étaisrassasiéetjem’étaisfaitroulerdanslafarine.Jeposaimonverresurlatablettesanslaquitterdesyeux.Sesjouess’empourprèrentetellefitminede

selever.—Jet’ensupplie,resteavecmoi,suppliai-je.—Jesuisépuisée,Rick.Jen’aipasdormidepuisaumoinsdeuxsemaines.—Jesuisdésolé.—Iln’yapaseuquetoi.Ethanafaitpartiedemessoucis.Ilenfaittoujourspartie,d’ailleurs.Maiselleétaittoutdemêmelà.—Tureparsquand?—Jenesaispas.J’aitrouvéunnouveautravail.—Jenesurvivraipassitut’envas.Jete…—Tamèrem’aoffertunjob,mecoupa-t-elle.Ilsembleraitquesonfilsaitànouveaubesoindemes

services.—Je…

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—J’aijusteposédeuxconditions,reprit-elled’unairfaussementdétaché.Ellerestait.Bonsang,ellerestait.Jevoulaisl’embrasser.Qu’attendait-ellepourlefaire!?—Lesquelles?demandai-jetoutdemême.—Elledoitm’appelerOceana…etc’estmoiquiprépareraitespancakesettoncaféaulaittousles

matins.Jepouvaisimaginerlaréactiondemamère.Étonnementetincompréhension.Nousallionspartagerla

mêmetasse!—Qu’a-t-ellerépondu?—Elleasouri.Waouh.Jeluidevaisvraimentunemédailled’or.—Maisilmeresteencoreundétailàrégler.Jelevailessourcils.Quoiencore?—Toi,souffla-t-elleenappliquantsondoigtsurmapoitrine.—Jesuisplutôtgroscommedétail,tunecroispas?—Maintenantquetuasrécupérétonargent,tuvaspeut-êtrepouvoirchoisirunautreendroitquechez

tesparentspourvivre.Mamère,c’étaitunechose,maislesThomas…Ellegrimaça.—Dèsquejesorsdel’hôpital,jem’enoccupe.Promis.—Ethanarrivelundi.Affaire-toivite.Sij’enavaisétécapable,j’auraissautédejoie.Ethanseraitlàluiaussi!—Maintenantrepose-toi,jereviensdemain.—Jet’ensupplieOceana,neparspas.J’aiencoredestonnesde…Elleappliquaundoigtsurmeslèvres.—Tais-toi.Jeneveuxplust’entendremedirequetuesdésolé.(Elletouchaitmeslèvres!)J’aiaussi

mes torts. Jen’aurais jamaisdû te laisser retournerverselle, j’auraisdû t’appelerpour tedireque jet’aimaiset,surtout,j’auraisdûtelaissert’expliquer.Bordel,jelesaimais.Elle.Lui.—Tuasposétondoigtsurmabouche,Oceana…Sonvisages’illumina.J’enfermaisajouedansmamain.—Moi,j’aifaitça?fit-elleminedes’étonner.Lentement, j’effleurai ses lèvres.Un premier baiser innocent,mes yeux plongés dans ses yeux gris.

Puisundeuxième,plusappuyé,maistoutaussidoux.Mesdoigtsglissèrentdanssescheveuxsoyeux,unebulle de savon explosa dans mon ventre. Le troisième baiser vint d’elle et m’arracha un souffle dedélivrance.Commesijeconnaissaisenfinlevraisensdumot«soulagement».—Jevaispeut-êtreresteravectoicesoir,sourit-ellecontremeslèvres.—Cesoirettouslesautres.L’émotionmeprità lagorge.Ellenepartiraitplus. Jedéposaiune traînéedebaiserssurses joues,

humantsapeaucommeundroguéprenantsadosedecocaïneaprèsdessemainesentièresd’abstinence.Mavanille.

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J’entendis ses chaussures claquer sur le sol ; ses jambes se faufilèrent sous le drap, puis ses piedsfroidssecollèrentàmajambegauche.—Lamaison,elleestpourmoioupournous?interrogeai-je.—Toi,Ethanetmoi.Situleveuxbien?murmura-t-ellecommesiellesuggéraitunesolutionaprèsune

grossebêtise.—Jeveuxquetulachoisisses,toi.Pournous.Tuascarteblanche,jen’aiqu’uneseuleexigence.—Uneseule?Jenetereconnaisplus!Unedesesmainsseglissasousmachemisebleue.Jegrognai,labouchedanssescheveux.Sesdoigts

trouvèrentaussitôtunedemescicatrices.—Oui.Oupeut-êtredeux.Unepiscineetunedoucheàl’italienne.—Tusaisquetuesinterditdepiscinependantaumoinssixsemaines.Jecaressaisonépaule.Ellesetortilla.—Paspourmoi.Enfin…indirectement,si…Jerêvedetevoirprendreunnouveaubaindeminuitetje

prieraitouslesjourspourquemasavonnettem’échappe!

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Épilogue

Soncorpsondulesur lemienà lamanièred’unevaguesur lesablehumide.Monventredébordedecoconsàpapillons,jesuisprèsdel’explosionquilesferaécloretousenmêmetemps.Sesyeuxbleusmefixentavecintensité,habitésparcettelueurquimecrie«Jesuisàtoi!»Je sens son long membre coulisser lentement entre mes jambes, dans d’exquis va-et-vient. J’ai

l’impression qu’il cherche à aller toujours un peu plus profond enmoi et que je peux l’engloutir toutentier.Monbas-ventren’estqu’électricitéetdélice.Jesuisauborddel’extase.Jeleregardes’agiter.Jesaiscequ’ilpense.Labonnenouvelleesttombéecematin,ilpeutdenouveau

prendreappuisursajambedroiteaprèssixsemainesdeconvalescence,cequil’autoriseàmeprendredecettemanière. Lui surmoi. Là,maintenant, dans notre lit à baldaquin, c’estmoi qui suis à lui. Ilmepossèdecommeill’entend.—Çafaisaitsilongtemps,Oceana…Sonsoufflechaudcaressemapeauetlacouvredechairdepoule.Sesmainsprennentpossessionde

mes seins, il les suce et les lèche délicatement, jusqu’à mes tétons, si durs qu’ils en sont presquedouloureux.Jenesaisplusoùdonnerdelatête.—C’estcequetuveux?demande-t-il.Illesaitetilaimequandjeleluidis.—Mords-moi,s’ilteplaît.Sesdentsserefermentsurundemestétons.Salanguejoueavecsamorsureet,commechaquefois,la

douleurlaisseplaceàunplaisiruniqueetindéfinissable.Saboucheetsesdentss’amusentsurmapeauetmelaisseront,àcoupsûr,desrougeurspendantquelquesjours.Çam’estégal.Là,maintenant,alorsquenousdevrions être en train de finir de déjeuner, il n’y a que lui surmoi, lui enmoi, lui pourmoi. Jel’aime.—Silongtemps…répète-t-il.Sesbaisersbrûlentmeslèvres.Sescoupsdereinssontpluscalculés,sonsoufflecourt.Ilsecontient.

Sesmainsappliquéessurmeshanchesrefrènentmesardeurs,maisjesuisimpatiente.Mesonglesgriffentsesomoplates,etmestalonsappuientsursesfesses.—Plusfort!Lasueurperlesursonfront.Ilseretirepresqueentièrementpourrevenirplusfort.Jem’oublie.Jene

saisplussurquoimeconcentrer.Sursesmains?Surseslèvres?Sursesdents?Jenesuismêmepluscapable de respirer, je suis submergée par un raz-de-marée de papillons. Je bégaie des motsincompréhensibles.—Bordel…Oceana…Savoixrauqueetsaccadéemefaitplongerencoreplusloin.Jejouisfort,agrippéeàlui.Moncorps

n’estplusqu’uneenveloppeardentedeplaisir,etilmerejointàlaminuteoùjecriesonnom.Jelesenstrembleret l’entendshurler.Ses« je t’aime»me transpercent. Je lui répondsquemoiaussi.Puis soncorpsretombesurlemien.Iln’yaplusquesonsoufflechauddansmoncou,sonfronthumidesurunedemesjouesetlesderniersremousdenossexesimbriquésl’undansl’autre.—Net’endorspas,nousallonsêtreenretardàl’école…

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Ilsoupireetm’embrassedanslecou,commes’ilavaitpeurdemebriser.—J’aimecejourderepos!lance-t-ilenroulantsurledosetenm’attirantdanssesbras.Je suis d’accord avec lui.Même si je ne travaille que lematin à l’hôpital, aujourd’hui est un jour

spécial.Ilavaitrendez-vousavecsonchirurgien,etjevoulaisl’accompagner.—Tuasparléàtonpère?Çan’estpaslegrandamourentreeux,maisleurrelations’estnettementamélioréedepuisl’opération

deRick.Chacunamisdel’eaudanssonvin.Ricktravailleàl’hôteltouslesmatins,etsonpèreneluidemandepasd’enfaireplus.J’aimêmequelquefoisl’impressionqu’ilapprouvequeRickveuilleêtreàlamaisonavecEthanl’après-midi,enattendantquejerentredel’hôpital.Ilfautdirequ’Ethanplaîtàtoutlemonde.Jepensemêmequec’estleseulàavoirlesecretduCommentfairerirelesThomas.Je retrace du bout du doigt les cicatrices sur son abdomen. Je les aime. Et la dernière signifie :

nouveaudépart, nouvellevie, c’estnotrequatrièmeA, attirance, affection, amouretanalepsie…Nousnoussommesreconstruit.Ensemble.—Ilveutbienessayer.Son père est donc d’accord pour tester le club de sports aquatiques. Je ne suis pas soulagée pour

autant.Quelquechosedanssavoix.Jecessemonactivitéartistiquesursontorse.—Mais?—Jevoudraisattendreencoreunpeu.Jenepeuxpasleforcer,c’estsadécision.Ilembrassechacundemesdoigts, lapaumedemamain,

soufflesurmonpoignet.J’ail’impressiondecourirdansunchampdecoquelicotsauprintemps.—Jesuisterrorisé.Jevoudraisêtrecertainquemonfémursoitconsolidé.Salangueglissesurlapeaudemonavant-bras.Jenageenpleinbonheur,etmelaissealleràfermerles

paupières.Seulementcinqminutes…justecinq.Maismaconsciencemeréveilleenmerappelantcequej’aifaitcematinàl’insudeRick.Laprisedesang.Lefameuxtestgénétiquequimedirasi,ouiounon,jesuisporteusedugènedecettemauditemalformationcardiaque.Quimedirasi jesuis responsabledesannéesdesouffranced’Ethanetsi,unjour,jeseraicapablededonnerunenfantàRick.Troislongsmoisd’attente jusqu’aux résultats. Troismois ! J’ai affrontémes pires craintes, je veux que Rick fasse demême.—Ilnet’apasempêchédemefairel’amourtonfémur!—J’aimequandtutemetsencolère,medit-ilavectendresse.Turougis!—Nechangepasdesujet!—Si ça peut te rassurer,mon père a déjà commandé tout lematériel. Tout sera opérationnel pour

janvier.—Çatelaissedoncunpeuplusdedeuxmois.—Deuxmois à jouer dans la piscine avec Ethan. À réapprendre à courir. À nager avec toi dans

l’océan…—Tuoublieslesdauphins.—Bienentendu.Deuxmoispourremontersurmaplanche.Etsurtout…surtout…Sonsouffledansmoncoumefait frissonner.Sesyeuxbleusseplantentdans lesmiens. Ilsontcette

flammedudésirquim’embrase.—Surtout…

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Sonbassinsepressecontrelemien.Sonmembredurcifrotteunedemescuisses.Monsexepulse,jesuspectemoncœurdeneplusêtreàsaplace.—Surtout,deuxmoisàtestermajambeentefaisantl’amour.Jeglousseensentantsesdentséraflermonoreille.—Tuesinsatiable!—Jet’aime,Oceana.Cesmots,cettevoix,c’estlacaressedupremierrayondesoleilaprèsdesjoursentiersdepluie,voire

pire,unetempêtedeneige.Jefonds.—Moiaussi,Rick,jet’aime.

Jelatiensentremesdoigts.L’enveloppe.Jen’aipaspulalâcherdepuisquejesuisalléelachercher

aulaboratoire.Jen’aipaspul’ouvrir.Jesaisseulementquecequ’ellecontientestimportantetqu’elleestblanche.Importantpourmoi,etpourRick.J’essaiederetrouvermoncalmeencontemplantlafaçadedenotremaison.Voilàpresquequatremois

que nous nous y sommes installés.Elle ressemble un peu à l’ancienne villa deRick, avec la pagailled’Ethanenplus.Unballon,unvéloet,àl’intérieur,desfeutres,despuzzles,desdessinsetdesfigurinesdesuper-héros.J’entendslescrisprovenantdelapiscine,del’autrecôtédelamaison.J’imaginedéjàletableau :Ricka récupéréEthanà l’école,et il faisaitbien tropchaudpour lui faire faire sesdevoirs.Pauvrepetit.Ilsdoiventjoueràsesauterdessusetàceluiquinoieral’autreenpremier.Ethangagnetoutletemps.Non,jerectifie,Rickfaitsemblantdeperdre.Qu’importe:aujourd’hui,lapiscinemedonnedusursis.Jepénètred’unpasdécidédans lamaison. Je contourne le cartabled’Ethan jeté aubeaumilieude

l’entréeetcontinuejusqu’àlaterrasse.Jesuisvraimentailleurs.Maispassiloin.Monespritvagabondeentremesdoigtsetcetteenveloppe.—Jesuisrentrée!Mesdeuxhommestournentversmoidesvisagesjoyeux.Rickm’offreunemouequi,jecrois,seveut

navrée.Jeluipardonne.Pouraujourd’hui.Pourcetteenveloppe.Detoutefaçon,deloin,iln’yvoitquedufeu,ilneremarquepasàquelpointjesuismortifiée.SinousavionsétéàNewYork,j’auraisfilédroitdanslesjuponsdemamère,quémandantassezde

courage pour ouvrir cette satanée enveloppe. Mais elle ne peut rien faire pour moi. Une vague demélancolieme prend à la gorge. Je ne l’ai pas vue depuisNoël. Je doisme contenter de nos appelstéléphoniques tous lesdeux soirs,qui s’éternisentdesheuresdurant.Audébut, c’étaitdifficile.Autantpournousquepourelle,maisfinalement,sasolitudel’apousséeàsortir lesoiravecsescollèguesdeboulot, et ellea rencontréquelqu’un.Charlie.Uncomptable.Ellen’estplus seuleetnous,nousavonsRick.Encoreunefois,elleavaitraison.Vivreloinl’unedel’autren’estpassidifficile.J’aimemavieici,àMiami.MeréveillertouslesmatinsdanslesbrasdeRick,m’exaspérerendécouvrantEthanlovéànospieds,travailleràl’hôpital,déjeuneravecmesnouveauxamis,rentrercheznous,prendremadoucheavecRick,voirEthancourirdans le jardin, regarderdescouchersdesoleilet lesétoilesdans leciel.J’aimemavie.JeneretourneraispourrienaumondeàNewYork.Ethandébouledanslamaisonetchassemamélancolie.—Fileàladouche!luiintimeRick,peuconvaincant.—Bonjour,Vanille.

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Sesbrasmouillésm’enlacentetseslèvressenichentcontrematempe.—Tunedisrien?Sesdentsjouentavecmonlobed’oreille,sontorsesecolleàmondos.—Qu’estcequisepasse,Oceana?Saquestionmerenvoiedirectementdansmonenveloppe.Jemeretourneetluisersunsourirecrispé.—Pourquoiveux-tuqu’ilsepassequelquechose?Sesyeuxbleusmedévisagent.J’aienviedeluidemandersileslettresE.N.V.E.L.O.P.P.E.sontgravées

surmonfront.Finalement,j’optepour:—Comments’estpasséetajournée?Son regard glisse surmondécolleté. Je prie pour qu’il fasse une remarque surma tenue. Jaloux, il

n’aimepasquejeportedesrobesoujupestropcourtes.Çamepermettraitdem’énerver.Iln’enfaitrien.—Bien.Ilm’attrapeparleshanchesetmesoulèvesansforcerpourm’asseoirsurleplandetravail.Lefroiddu

marbremesurprend.Jedissimulemesmainsderrièremondos.—Ettoi?Il remontema jupe le longdemescuisses.Ses cheveux trempés effleurentmonmenton.Mesdoigts

lâchentl’enveloppe.Parfait.—Plutôtbienaussi…Jeneveuxpluspenseràcesrésultatsdelaboratoire,ilnousrestecinqminutespournouscajoleravant

quenotrebonhommenedébarqueetaccaparel’und’entrenous.Sanssefaireprier,sabouchedescendàlanaissancedemesseins.—Mesparentsvoudraientqu’onailledînerchezeuxcesoir.Sesdoigtsjouentavecladentelledemaculotte.Ilsfrôlentcepointsisensibleentremesjambes.Jeme

sens frustréeà l’idéededevoirattendrequ’Ethansoitcouchépourprévoirunorgasme.Pour lapeine,j’endemanderaideux.—Tunedistoujoursrien?Salanguedessineunchemintortueuxjusqu’àmaclavicule.Jehausselesépaules.Jen’airiencontre

l’idéededevoirallermangerchezsesparents.—Qu’est-cequisepasse,Oceana?répète-t-il.—Pourquoiveux-tuqu’ilyaitquelquechose?—Tun’aspas levé lesyeuxaucielennousdécouvranten trainde jouerdans lapiscineau lieude

fairelesdevoirs.Tunemegrondespasalorsquejesuistrempéetquejemetsdel’eaupartout…Ilmeconnaîtsibien.Jerendslesarmes.—J’aifaituntest…Saboucheesquisseunsourireàpeinedissimulé.—Tuesenceinte?Sajoiemetranspercelecœur.J’aidumalàrespirerettoutautantàleregarder.—J’aifaitletest.—Ethanmesuffitamplement,Oceana,nousenavonsdéjàparlé.

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Faux.NousenavionsdiscutéàNewYorkalorsquenousn’étionspas… tout ça.Nousn’étionspasencorecenous,symboledefamille.—Àmoinsquetudésiresunenfantavecmoi,toiaussi?continue-t-ilaveclamêmedouceur.J’envienspresqueàcroirequ’ilmeconnaîtmieuxquejenemeconnaismoi-même.Oui,j’ypense.Je

veuxpartageraveclui laplusbelledeschosesquenousoffrelavie.Leprolongementdelanôtre.Mel’avouersuffitàmedonnerducourage.Jeplongemesyeuxdanslessiens.Ilssontremplisdetendresseetd’amour.Euxaussimedonnentdelaforce.Jerécupèrel’enveloppedansmondosetlabrandisdevantmoid’unemaintremblante.—Si cette enveloppe contient unemauvaise réponse, je ne prendrai pas le risque de voir un autre

enfantsouffrirparmafaute.Notreenfant.—Attendsunpeu,là.Tuneconnaispaslesrésultats?Ilm’arrache l’enveloppe, l’examine et soupire comme s’il cherchait sesmots. Il peut chercher très

loin,mêmedansuneencyclopédieuniverselle,iln’yarienàdire.Jemetétanise.J’aipeur.—Qu’importecequ’ellecontient,lasituationestdifférente,Oceana.Nousn’auronspasàcouriraprès

l’argentpouruneopération,rienneseferadanslaprécipitation,ettuneseraspasseule.Noussommesunefamille.Siseulementtoutétaitaussisimple.Jefermelesyeuxetmeforceàpenserqu’ilaraison.J’entendsle

bruitdupapierdéchiré;jesuiscommeunaccuséattendantsasentence.Jesuispathétique.—Elleestoù,tarecettedetongâteauauchocolat?Çanesignifierien.Gâteauauchocolat,c’estmasolutionàtout.J’enfaispourchasserlapeur,mefaire

pardonner,donnerduplaisir.Jesuisterrorisée.Lepapiercrisse.Lesyeuxtoujoursfermés,jel’imaginefroissé, en boule, un peu comme chaque organe vital de mon corps. Puis la bouche humide de Rickeffleuremajoue,s’aventuresurlamiennedansunchastebaiser.— Il va falloir que tume l’écrives quelquepart, juste au cas où je doive t’apporter ungâteau à la

maternité…undecesjours.Jeme sens soudain aussi légère qu’unemolécule d’oxygène délestée d’un électron. Je l’étreins de

toutesmesforces,jehurlemajoie.Aujourd’hui,jepeuxlecrier.Jenesuisplusbrisée,maisjeveuxl’entendremeledire.—Lis-moiça!Ildéclamed’unairsolennel:—«Auvudestestsréalisés,noussommesenmesuredevousassurerqu’aucuneanomaliegénétique

potentiellementresponsabled’unemalformationcardiaquecongénitalen’aététrouvée».Jen’avaispas réaliséàquelpoint ce testpouvait être important.Pendant troismois, je l’aioublié,

pendantdesannées,bannidemonesprit,maisaujourd’hui,avecRick,c’estuneréalité.—Estcequetuveuxavoirunenfantavecmoi?Jepouffe.—Ondiraitunedemandeenmariage!Ilmescrute,lesyeuxplissés.—Celle-làjecomptaistelafaireàgenoux,parcequemaintenantjepeuxlefaire,devantuncoucher

desoleilàMiamiBeach.Oh.

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—Maintenantquetulesais,ilvafalloirquejetrouvemieux,reprend-il.Ilpourraitlafaireaveclabouchepleinedepizza,çam’estégal.—Tudisoui,alors?—Jedisoui.Lescoinsdeseslèvresserelèventavecmalice.—Aubébéetaumariage?J’ai dumal à respirer.C’est à la fois terrifiant etmerveilleux.Ça ne s’explique pas.C’est comme

apprécier l’afflux d’adrénaline d’une descente dans lesmontagnes russes et redouter que lewagon sedécroche.Jel’attireàmoietposemajouesurlasienne.—Chaquetrucensontemps,tuveuxbien?

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REMERCIEMENTS

Mespremiers remerciementsvontàmabelle-sœur, sansqui jen’aurais jamaispuêtre repéréepourBrisé(e). Sarah, je me souviens encore du jour où tu m’as dit : « Pourquoi tu ne publies pas surWattpad?»Traduction,àl’époque:«Tumesaoulesàm’envoyerteschapitresetàmedemandermonavis…».Aujourd’hui, j’en suis encore là, àmurmurer des «Waouh » devant lemail d’IsabelVitorino,mon

éditrice.Merci, Isabel,pour laconfiancequevousm’avezaccordéeet l’intérêtquevousavezportéàBrisé(e)etàmoi.Désormais,àchaquefoisquej’entendrailemot«Waouh»,jepenseraiàvous!Lessuivantsvontàmafamilleetmesamies,masœur,l’undemesnombreuxfrères,Droudrou,majolie

maman,mon joli papa,monpapa (bienplusque surunmorceaudepapier), quiont cruenmoi etquim’ontlue–jefermeencorelesyeuxenpensantauxpassagesérotiques(bonsangilsontluça!).Àmonchérietàmesenfantsquiontdûsupportermessautesd’humeurquandjen’avaispasd’inspiration,mesheuresetmessoiréespasséesàécrire,bref,mapiètrecompagnie;jem’enexcuseetjevousaime,vousêtesmesmuses.QuandjevoisBrisé(e),jenepeuxpasoublierWattpadettoutesmeslectrices/teursquim’ontfaitrire,

pleureretquelquefoisragerdevantleurscommentaires.Jepenseàcellesetceuxquimesuiventdepuisledébutde l’aventureetàqui jemesuisplusattachéeque jene l’aurais imaginé.Vousmemanquez, lesfilles!Jesuisaddict!Vousêtesenquelquesortemadeuxièmefamille.Jenepeuxpastoutesvouscitermaisjepenseplusparticulièrementà@SophieHameury,@Boutchoupitchouet@Reading3000(quelbruitça fait une tortue quand ça pète ?), @Anaelle-faustine (qui aime Rick à la folie…), @Isasteaur,@leaticed07,maisaussi@Lilaslilas,unemamanquis’estreconnuedanslasituationd’Oceanaetquim’aénormément touchée : je te souhaite plein de courage… Merci pour vos encouragements et voscommentaires,vousêtesmonaventure!Pourfinir,jevoudraisremercierSophie,unechroniqueuselittéraire(entreautres)extraordinaire,quia

écritsursonblogLabibliodeSophie,unarticlesurBrisé(e).Jevousinviteàyjeterunœil,elleestdetrèsbonconseil.Merciàtoutescellesetceuxquej’aidûoublier,jesuisencoresouslechocd’avoirterminéd’écrire

Brisé(e)!Sophiequin’estpassurlabanquisemaissurunénormenuage!

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Prologue

Rafael

—Rafael,défensede...Troptard.Ellenemepensaitpassiprèsd’elle.Lesgrandsyeuxbleusmefoudroienttandisquejejettedansla

saucelescopeauxdechocolat.Jebalancesurlecomptoirlaplaquettequejesuispartichercheretm’écartevite.Samoueagacéeme

file de nouveaux coups au cœur.C’est comme si onme l’arrachait, palpitant comme jamais, et qu’onl’écrasaitaveclespiedsenhurlant:«traître!».Ouconnard,auchoix.—Jenecherchepasàgoûtertroisfois,oumêmevingt,jerecommence!Jel’arrêteaussitôt:—Non,essaie!—Essaiequoi?—Detrouverunnouveléquilibre.Ajouteunpeudetabasco.Ellemefixe,l’airsuspicieux.— Je croyais qu’on recommençait quand on avait tout gâché ?marmonne-t-elle en tentant de faire

remonteràlasurfacedesonmélangel’ingrédientquimanquait.—Jen’airiengâchédutout.Maissi,pauvrecon,tuastoutgâchéendécidantdetefairecettefille.Tout.Tuméritesdoncque

toutt’échappeaujourd’hui.Sanscesserdetournerunespatuledanslacasserole,Santasehissesurlapointedespiedspoursaisir

l’écumoire,danslelavabo.Machemiseseretroussesursesfesses.Sesfessesquitiennentàpeinedanssaculotterose,àcœursencoreplusrosesquesescheveux.—Mamèret’auraittordulecousituavaisosémettrelenezdanssasaucetomate!—Ettoi,Rainbow,tuvasfairequoi?Ellerenonceàrattraperlasauce.Elleseretourne,lesmainssurleshanches,etpréfères’enprendreàmoi.Ma chemise remonte encore ; sur ses cuisses, cette fois.Mon royaume pour ces putains de cœurs

roses...Lacrèmedesshoots,legraaldesperversdansmongenre.Jesuisquoi,d'abord?Unfétichistedesarcs-en-ciel?Dessirènes?Desfillesadorables?Ellepenchelatête,navrée,puispointelaspatuleversmoi,encoreplusfurieuse.—Jelaissetomber.Jedéglutis.—Tulaissestomberquoi,aujuste?

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Çayest?C’estellequivientànotresecoursavantqu’onailledroitdanslemur?Toutçaparcequejesuisincapabledem’éloignerd’elle...—Tutedémerdesaveclabouffe,RafMagicdemesfesses!Ah,justeça.Est-cequejesuissoulagé?Ellecroiselesbrassursesseins,emprisonnantaupassagedelonguesmèchesbouclées.Roses.Jenesaisplustrèsbienàquelmomentellem’aeue.ÀVenise?AuDroz?Ilyadixjours?Ilyadeux

secondes?—Çatombebien,c’estmonjob.—Parfait.Démerde-toi,alors,lance-t-elle,l’airdes’enfoutre.Mais je neveuxpas qu’elle s’en foute.S’il y a bienune choseque je refusedepuis peu, c’est que

quelqu’uncommeelles’enfoute.C’estpourcelaquelarejoins,etquejefaislaseulechosequimedonnel’impressiond’oublierdans

quelpétrinjenenousaifourrés;jel’embrasse.Adieuveau,vengeance,vanité.Ellerépondaveclamêmefougue,parcequ’elleabesoindelamêmechosepourserassurer.—Onnevapasmangerdesitôt...gémit-elle.—Onmangeraàmafaçon,c’esttoiquiviensdeledécider.—Tufaischier,Rafael...Jesais.—Tufaischieraussi,avectessecrets,répète-t-elleplusfaiblement.Tusaisça?Elle m’arrache à son visage, en tenant fermement une poignée de mes cheveux. Ses yeux disent :

«...maiscontinuequandmême,jet’enprie.»—Ouais,jesais,Santa...Pardon.Jesoupire,maisj’aidéjàouverttroisboutonsdelachemisequ’ellem’apiquéeavantdesortirdulit.

Jesecoue la tête,mais lesmanchesglissentsursesbras.Sesseinssontdansmespaumes,mespoucesfrottent les cheveux roses sur sa peau mate et douce comme du velours, sur ses tétons souples etdélicieusementtièdes.Jecroisentendrelasonneriedemontéléphone,auloin.HighwaytoHell.Jesaisdequiils’agit.—Encoretonportable...Tudevraisrépondre.Monputaindeportable,quefaitsonnermonputaindepatron.—Non,d’abordlescœurs...Lescœursquitombentsurlecarrelageenmêmetempsquelaspatule.Salangueagardélasaveurdela

saucetomate,jemetraitedetaréensongeantquejen’aijamaisriengoûtédesidélicieuxdanslabouched’unefille,etàcinqheuresdumatinenplus...Santagrogne,Santaexigequemontee-shirtfoutelecampetjem’exécute,parcequec’estellequime

tientetpaslecontraire,malgrélesapparences.—Onvaoù,Rainbow?—Onestcheztoi,non?—Jesaisqu’onestchezmoi...jegrogne,presqueagressif.

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Elleestsurprisemaisnesedémontepas.—Leplandetravail?Aprèslelit,lecanapéetlatableduséjour…Ouais,leplan,c’estbien.Jenecomprendspaspourquoinousn’yavonspaspenséplustôt.Je la soulèveet l’y installe.Elle secambrequand je l’attaqueànouveau,maboucheprend tout,de

peur qu’il n’en reste pas une miette, même si je pense qu’elle ne laissera pas tomber ce soir. Maisdemain,siellesait...—Ouvrelabouche,l’arc-en-ciel!Ellefroncelessourcilspendantquejesaisisd’unemainlaplaquettedechocolat,ledéballe,lecasse,

puisfaisglissersurseslèvresuncarré.UngrandcrudeColombie,trèscorsé.Santalecaptureenmêmetemps quemon index avec sa langue, et aspire. Je frissonne ; et si ce n’était pasmon doigt dans sabouche...—C’estpassimauvaisqueça,ronronne-t-elle.Parcequejel’aichoisipourtoi,querida.—Parfait.Maintenant,laisse-moicuisiner,l’arc-en-ciel...Elleobéitetécartelescuissesenseléchantlesbabines.Sacolèreafondudepuismonarrivée...Jelareprendsdansmesbras;ellem’avaitmanqué.Ellememanqueraquandelleconnaîtralavérité.—Situsavais,Rainbow...jechuchotedanssonoreilleaumomentoùelledéboutonnemonjean.—Situmedisais,Rafael...articule-t-elle,horsd’haleine,surmajoue.Hicetnunc.Jepourraisluidire,icietmaintenant.Ouavantqu’ellemequitte.Oucesoir,surlequaidelagaredu

Nord.Puisjepartirai,ouc’estellequipartira.Désintégrationdeladreamteam,desonmonde,demoncœur.C’estcequiarrivera.Maisilfautquejeparle,putain;jenesuispasunlâche,moi.

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Chapitre1

Santa

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Unmoisetdemiplustôt

—Santa,c’estvous?C’estuneblague?Jefroncelessourcils,regardemespieds,mavoisineauxcheveuxencorepluscolorésquelesmiens,

puisGermainMarnier,ànouveau.—Jusqu’àmonarrivéedansvosstudios,oui,ilmesemble.C’estpeut-êtreuntest?Le producteur de l’émission fixe la pointe de mes cheveux qui tombent sous ma poitrine. On m’a

défendudelesattacher,delesrecouvrirmême.C’étaitjusteavantdememaquiller...—Vousn’aimezpasleviolet?Jeviensdecomprendre.Ilpenchelatêtesurlecôté,arboreunemouecrispée.Jereprends:—Vousvousattendiezàautrechose?Sous-entendu,uneMéditerranéenne toutebrune,mignonnette, pleinede tachesde rousseur.Avec les

yeux clairs en prime. Celle qui souriait discrètement sur la photo jointe au dossier d’inscription àl’émission–etsurlaquelleonnevoyaitpaslapointedesescheveuxteintsen...violet.—Oui,dit-ilfranchementenmeregardantdanslesyeux.Ah...GermainMarnierestdéçu.Ilvoulaitvoirfigurerdanslecastinguneimaged’Épinal;iladevantlui

uneCorsepasfarouche,souriante,en leggingsnoirsetballerinesprune–assortiesà lacouleurdesescheveux...Jenem’offusquepas;cen’estpaslapremièrefoisqu’ilyatromperiesurlamarchandise,cenesera

pasladernière.—C’est très bien quandmême, se rattrape-t-il aussitôt. LoïsCardi n’a pas tari d’éloges sur vous.

Alors,jesuisravidevouscompterparminous!Etjerougis.Touché!—C’estgentildemelerapporter!Maiscen’estpascequimeferagagnerpuisquenoussommestous

logésàlamêmeenseigne.Dommage...Ilrit.LaCorseaquandmêmedelaniaque,c’estaumoinsçadepris.—Bonnechance,Santa!conclut-ilavantd’interrogerlejeunehommeblond,prèsdemoi.Jereportemonattentionsur leplateauensoupirantdesoulagement : lesplansde travailéquipésde

robotsderniercri,lajolieépiceriedébordantdecouleursetdematièrespremièresexquiseset,enfin,lescandidats.Nous nous sommes croisés, timidement présentés par nos prénoms, sans évoquer nos parcours.

L’ambiance est faussement cordiale ; je crois que nous attendons de savoir de quelle cuisine chacuns’échappepourvenirparticiperàl’émission.Çamerendnerveuse.Jenesuispasàmaplacedanslegrandstudio.Maplusgrandecrainteestquece

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nesoitpasseulementliéaustressdesdébutssouslesfeuxdelarampe.—C’estCardiqui tepistonne?s’exclamemavoisinequin’a rienmanquéde laconversationavec

Marnier.—Oui,jetravaillepourluidepuistroisans.Leregarddelarouquinesefaitsurprisetenvieux.AvancerlenomdeCardicréeceteffet-là.Jenelui

diraipastoutdesuitequelleplacej’occupedanslabrigade.Quandilssauront,jedeviendrailacandidateàabattre...—Mais...commenttuasfait?Est-cequ’ellevacomprendrequejeblaguesijedisquej’aicouché?—J’aieudelachance...Oupastantqueça,maiscen’estpaslemomentdel’évoquer.L’équipe de l’émission s’agite sur le plateau, il va être l’heure de se jeter dans l’arène. Sitôt la

compétitioncommencée, iln’yaurapasdequartier.C’est le jeuencuisine, j’imaginequ’onobéit auxmêmeloisdansunjeudecuisine.GermainMarnierfrappedanssesmainspourobtenirnotreattention.—Lesjurésde«Chef!»serontparminousdansquelquesminutes.Ilsvousexpliquerontbrièvement

les enjeux de la première épreuve. On vous regarde seulement travailler aujourd’hui. Les camérasprendrontcequ’ellesveulentetonrecadreracequidépassepourquetoutlemondesoitcontent.Etmoi,eteux!termine-t-ilendésignantlesjurésquiviennentdefaireleurentrée.Jen’aid’yeuxquepourNorikoBrunelle, lastarduprogramme.Longue,bruneet intimidante.Ellea

gagnésapremièreétoileàvingt-troisans, lemêmeâgequemoiaujourd’hui.Elleestfranco-japonaise,géniale,ettyranniqueencuisine.Commenombred’entreeux.GaspardMalletetOliverVaughn,lesdeuxautresjurés,lasuiventdeprès.—Enpiste,lesjeunes!clameGermainMarnierquiprendtrèsàcœursonrôledechefd’orchestre.Il est euphorique. Sans doute parce qu’il a bu trop de champagne, celui qu’on nous a servi à notre

arrivéedanslegrandstudio.J’auraismieuxfaitd’enboireunecoupedeplusaveclui...—Santa,venezparici,s’ilvousplaît,appelleunefemmeentailleurgrisenmefaisantsignedesortir

dugroupe.Vousêtestropgrandepourêtredevant.Jevaisvousattribuerunepositionpourtouslesplanslargesqu’onferadugroupe.Vouslaconserverezjusqu’àlafindel’émission.Oujusqu’àmonélimination...Bonsang,jeviensdéjàdemedécourager?Ladamequi connaîtmonnommedéplace sur le côtépourque je ne fassepasd’ombre auxquatre

autresfemmes,pluspetites.Jemeretrouveàcôtéd’unautrecandidat.Uncandidatàquijeneferaipasd’ombre,c’estcertain : luiestbienplusgrand,et trèséchevelé.Ondiraitqu’ilvientdesortird’un litaprèsn’yavoirpasfaitquedormir.Cesontsesyeuxbrillantsquiledisentquandnosregardssecroisent.Et c’est mon esprit quelque peu agité par la situation qui l’imagine. Le teint doré, les pommettessaillantes,et...—Bonsoir!s’exclameGaspardMallet.J’aisursauté,etbousculémonvoisinquiposesamainsurmesreinspourmerepousserlégèrement.Ilafrôlémescheveux,etjelevoisfroncerlessourcilsendécouvrantmesexcentricitéscapillaires.Jerelèvelatête,prêteàmeconcentrer,maisilfaitsoudaintrèschaudsouslesprojecteursbraquéssur

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nous.—Est-cequetoutlemondeadéjàcuisinédel’espadon?demandeMalletàlacantonade.Noushochonstouslatêted’unairconvaincu.Monvoisinmejetteuncoupd’œilavantdeseraviser.Il

neditrien.Ilplissesesyeux,seslèvresbienourlées.—Onyva,Germain?demandeJenny,l’animatriceblondedel’émission.—Onyva,mabelle!Germainfrétille.Ilveutdesimages–etdusang.Jeserrelemanchedemoncouteauféticheglissédanslapochedelavestenoirequ’onnousaremiseà

notrearrivée. J’inspirepourmedonnerducourage.L’expiration s’estperduequelquepart, auboutdumonde.—Attention...Onnousfaitsignederegarderunhommequitientunecaméra,unpoucelevéversnous.Unjolisourirepourmaman,quirisquedenepasaimerceviolet-là...—Moteur...Moncœurbatvite.Jesaiscequejesuisvenuechercher,ensachantaussiquecelaraviveraitmespires

craintes.—Action.Çatourne!

—Tropfrais.Jen’espéraispasqueNorikoBrunelleporte auxnuesmonpremierplat,maisme faire réprimander

commeunedébutanteestplusdésagréablequeprévu.—Ettropsucré!grimace-t-elleenretroussantsonnez.—Moi,jetrouveçabienéquilibré!Gaspard Mallet prend ma défense en m’adressant un sourire compatissant. C’est le gentil flic de

l’émission,etilleprouvedèslepremiertest.—Letempsimpartiétaittropcourtpourquejepuisseélaboreruneémulsiondefleursdecourgettes

quiauraient...—Desfleursdecourgette?s’exclameOliverVaughn,ledernierjuré.Iln’avaitpasencorerendusonverdict.Ilmetoise,l’airimpénétrable.—Avecdugingembre?reprend-il.Lacuisine,c’estunescienceexacte,mademoiselle,paslerésultat

d’uneloteried’ingrédients!J’auraisdûlafermer...—Merci,Santa,trancheenfinNoriko,agacée.Onmefaitsignederamassermesdeuxassiettesetderejoindrelesautrescandidatsquiattendentd’être

exécutésàleurtour.J’obéis,déçueetfrustrée.—Siçatournemal,tutelamords,Santa.Étoilésoupas,çarestedeschefs.Lesmêmesquetuaspu

côtoyerdepuisquetuesdanslemilieu.—Jememordsquoi,aujuste?—Lalangue.

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Oui,chef.Mais,ouch,çafaitmal!J’avaispresqueoubliéàquelpoint.Jepesteenrejoignantlesautres:sij’avaiseuàdispositionduthonetdusaumon,j’auraisrecrééla

compositionsucrée-saléequeLoïsavaitadoré,maisqu’ilavaitrefusédefairefigurersurlacarte...Tandisquemalanguemauditmonpatron,jecroiseleregarddeceluiquiaeulamêmeidéequemoi.

Sonassiettedecarpaccioà lamain, leplayboyque j’aicôtoyédeprèsavantquenousprenionsplacedevantlesplansdetravailmefusilledesyeux.Qu’est-cequecegarsaurafaitdemieuxquemoi?—Oh,l’allianceduyuzuetdelafraisedansunpoisson,c’estosémaisbientrouvé!sepâmeNoriko

Brunelleengoûtantsonplat.Jeserrelespoingsetmeretiensdegrimacerparcequelacamératourne.— Laisse tomber... me glisse la rouquine pétillante dont j’ai oublié le nom,mais pas le prénom :

Marianne.Elleestrousse.Unrouxcorailartificiel,c’esttrèsjoli.Elleestaussitoutepetite,maisilfautdireaussi

quejesuistoujoursplusgrandequetoutlemonde.—L’ArgentinadûdevenirleurfavoriquandMarnieradécouvertqu’ilétaitencorepluscanonenvrai

quesurlaphotodudossierdecandidature...reprend-elle.UnArgentin?Jecroisaussiavoirentenduparlerd’unAméricaintoutàl’heure.Avecmoi,çafaittrois

candidatssusceptiblesd’offrirquelquesclichésdugenreauxtéléspectateursenmald’exotisme.—Toi,c’estBianca?C’estça?Marianne chuchote, même si on ne s’intéresse pas à nous ; la caméra est passée dans le dos de

l’Argentin.Luiattendquelesautresjurésgoûtentsoncarpaccionul.Ilestimmobile,seslargespoignetssontcroisésdanssondos, toutaussi large.Ilestsacrémentathlétiquepouruntypequipiétinesouslesspotsetlesnéonsdescuisines...—Non,moic’estSanta.—C’estitalien?Perdu.Ellem’apourtantentendueparlertoutàl’heure?—Corse.—Ah...Ellesecouelatêteavantdeseconcentrersurlascènequisedérouledevantnosyeux.Malletditencorequelquechose, l’Argentinhoche la têtemaisne répondpas.Sescheveuxsont très

ébouriffés.Ilsdescendentsursanuque,chatouillentsesoreilles.—Merci,Rafael,susurreNoriko.Nouveauhochementdetête;jemedemandes’ilparlefrançais...Puis il s’en retourne, son visage aux pommettes saillantes exprimant à peine son contentement. Il

semblemêmerenfrogné.—Ilalenomd’unange,cesalaud...renchéritMarianne.Onestfoutues.Euxsontfoutus.— J’ai modernisé une recette de papillotes, reprend Marianne, l’air abattu. Mallet va adorer et

Brunellevatrouverçavulgaireetrevu.C’estcourud’avance.—Onestlàpourqu’ilsnoustapentdessusdetoutefaçon,non?Commeunretourauxsources,etc’estcequimefaisaitlepluspeurdansl’histoire.

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—Ouais,ilparaît...Pourlefricaussi.—Ontepaiesimalqueça?Tubossesoù,déjà?—Jesuissous-chefàl’Aurore.—L’Aurore,c’estprestigieux.—LeJérichodeCardi, c’est laclasse internationale, souffle-t-elleaumomentoùGermainMarnier

nousrejoint.Qu’est-cequetufouslà?C’est une excellentequestion, à laquelle je vais devoir savoir répondre. Je n’y couperai pasquand

Loïsdécouvriraàquelpointj’airejointleplateauàreculons.GermainMarnierrevientversnousquandoncoupe.Ilestcontrarié.—Ilnousmanquedesséquencesencuisine,annonce-t-il.Ilfaudraitretournerquelquesplans.Latélé-réalité...Onm’avaitpourtantprévenue.SeulRafael le séraphin ne semble pas concerné ; il rabat unemèche de ses cheveux derrière une

oreille,plongelesdeuxmainsdanslespochesdesonjean,soussavestedecuisine.Etilmedévisage;j’enfaisautant.—Ilabeauavoirunegueuled’amour,c’estmoiquigagnerai,meglisseMarianneavantquenousnous

séparions.Peut-être.Entoutcas,jen’aijamaispenséqueçapouvaitêtremoi.J’enailaconfirmationaujourd’hui.

Loïsvoulaitquejesortedemazonedeconfort,c’estréussi...Jen’aijamaisétéaussimalàl’aisedepuislongtemps.—Onreprendaumomentoùvousapprenezquevousserezmangésparl’espadon!Essayezdeparaître

aussiterrorisésquelapremièrefois.Jevaisdétestercegenredemiseenscène.Jecroismêmequejevaisdétestercuisinerpour«Chef!».

Jemordsmes lèvresplutôtquemalangue,et j’avancevers leplande travailqu’onnousdésignepourfairedel’esbroufe.Deuxmois.Oumoins.Jesuissûrequeceseramoins.

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Chapitre2

Santa

C’estenfinterminé...Certains s’attardent auprès des jurés, auprès du producteur qui prodigue quelques conseils pour se

familiariser avec l’exercice du tournage. Je soupçonneMarianne, et les autres, de faire du zèle pours’attirer leursbonnesgrâces.Tout lemondesaitcuisiner,maiscertainsd’entrenousnesemblentpasàl’aisefaceauxcaméras.C’estmoncas,maisjefilequandmême.Jenelaisseraiàpersonneletempsdeposerlamoindrequestion.SanscompterquelabrigadeduJérichoestdéjààpiedd’œuvreàcetteheure,etquej’aibesoind’enêtre.Pressée,etintimidée,jesalue,deloin,lesjurés.SeulGaspardMalletm’aentendueetmerépond.Les

autressonttropoccupéspourmeprêterattention,etc’esttantmieux.Jequittel’immenseloftquelachaîneaaménagéenstudiopourtournerl’émission,etregagnelarue–

l’airlibre.Leprochaintournageauralieudansunesemaine.Unlundi,commeaujourd’hui.Lesautressuivrontàla

mêmefréquence.Noussommes tous salariés, tous trèsoccupés.Nospatronsontbesoindenous, il estimpossibledebousculerlesbrigadesenréquisitionnanttouslescandidatsdixjoursd’affilée.Uncoupd’œilàmamontre.Jesuisvraimentenretard,etpestesurletrottoir.Quandjerelèvelatête,

je surprends le regardduseulcandidatquin’apas tenuàgonfler sacoted’amourauprèsde l’équipe.Parcequ’ilaunegueuled’amour,justement?Ouparcequ’ilsembleplutôtdoué,enmêmetempsquetrèssûrdelui?L’Argentins’engagedans la ruepresqueenmêmetempsquemoi.Je tourneàgauche,à l’angled’un

carrefour,etm’engagesurleboulevardMaillot.Ilestencorelà!Lastationdemétroestenvue.Etiln’apaschangédedirection...Ilmeflique?Ilestcurieux?Ilveutdéjàconclureunesortedepacte,commedanslesémissionsde

surviedanslajungle?Peuimporte.Jemedépêche,j’enaieuassez.Vendredisoir; lasoiréedébuteàpeine,etilyadumondesurlequai.Jesupposequec’esticique

nousnousperdronsdevue,jusqu’àlaprochainefois,dansunesemaine.Sousterre,nousnousmêlonsà lafoule.Jemesuis trompée: l’Argentinse tient toutprèsdemoi.Il

m’observeencore:mescheveux,quilerendentdéfinitivementcurieux,puislajolieblouseblanche,sousmavesteenlin,dontlaborduredudécolletéestajourée.Ilsouritpourlui-même,jusqu'àcequ’ilrencontremonregardmeurtrier.—Tuesanglaise?J’écarquillelesyeux.J’aidûmalentendre.—Je...Non!

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J’aiconfirmationdedeuxchoses:un,ilparlefrançaispresquesansaccent.Deux:commemoi,ilvientd’ailleurs:onn’abordepasimpunémentn’importequisurlequaid’unegare,àParis.—LesfillesontlemêmelookquetoiàLondres.Presquepasd’accent...Maislepeuquifiltreentrelesmotsrendletoutassezcharmant.J’admets:—J’yvaisdeuxfoisparan,ilsepeutquejesoisrevenueinspirée,unjour...—Tantquetunet’inspirespasdecequ’ilsosentservirdansleursassiettes,toutirabien!—TuseraiscapablederépéterçadevantOliverVaughn,lasemaineprochaine?Ilnesouritpas.Unemèchedecheveuxeffleuresonsourcilavantdetombersursesyeuxnoisette.Argh...Marianne avait raison, l’Argentin a un capital séduction très très élevé... Ça n’a pas pu

échapperauxgensdel’émission.Iln’apasletempsderépondre;lesifflementdelaramequiserapprochesefaitentendre.L’Argentin

se glisse à mes côtés dans le wagon où je suis soudain bienmoins à l’aise. Cinq ans à Paris, et jesupportetoujoursaussipeulapromiscuité.Mamèreretrouveraitsafilledanslemétro;jenesuisjamaisaussipeuparisiennequequandj’atteinslessous-solsdelaville.Jemetourneversl’Argentinquim’observetoujours,lesmainsplongéesdanslespochesdesonjean

moulant,etjemelance:—LeyuzupourNoriko,c’étaitunpeufacile...Iln’yapasderaisonqu’ilsoitleseulàs’amuser.—Àlaguerrecommeàlaguerre,non?Çanel’agacepaslemoinsdumonde.Jesuispresquedéçue.—Pourquoiilsnet’ontpasfaittournerdenouvellesprises,commenous?—Parcequej’aiététrèstrèsbonlapremièrefois?Cettefois,jeledévisage.Luiattendlariposte,quinevientpas.Jen’aipasd’énergieàgaspillerdans

cettebataille.Loïsnousenferaassezvoirencuisinetoutàl’heure.—Tun’espasmalnonplusdanstongenre,reprend-il.Lesautressontrestéspourqu’onretienneun

peuplusque leurprénom.Mais tuasmieux jouéqu’eux, finalement.Parcequ’onvasesouvenirde lafillepartiecommeunevoleuse.—Etc’estpourçaquetum’asimitée?Commepourlecarpaccio?J’aibienditquejen’avaispasdetempsàperdre,non?Pourquoiest-cequej’ail’impressionquema

voixestdevenueplusaiguë?—Jesuispartieparcequejetravaillecesoir!—Tun’espaslaseule,répond-ilentournantlatête.Ilestredevenudistant,aussivitequ’impertinent,toutàl’heure.Celajetteunfroidentrenous.Larames’arrêtedeuxfois,nousnenousregardonsplus.Encoredeuxstations,ethastalavista,Rafael.Maisavant...—Oùest-cequetucuisines?Ou,end’autrestermes:quiestaussiexigeantqueLoïsCardi–aupointdenepasluiavoirdonnésa

soiréeaprèsletournagedel’émission?—AuDroz,répond-ilsansmeregarder.

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Çanemeditrien.Jefroncelessourcils.—Dansle13 ,précise-t-il.Ilvamedonnerlenomdesonparrain,etpeut-êtrequ’alors...Lewagons’arrête,lesportess’ouvrent,etl’Argentinavanced’unpaspourpatienterderrièreceuxqui

vontdescendreenmêmetempsquelui.—Bye,l’Anglaise.Unclind’œil,puisleséraphin,sonjeanmoulantsesfesses–quejem’empêched’imaginerfermeset

bombées–,etsescheveuxenbatailles’évaporent.Bondébarras.

Jerefaissurfacedixminutesplustard.Jecourssurletrottoir,ilesttard.19h30.Asseztardpourme

faireengueuler...Immense,moulurée, la façadedu Jérichoapparaît à l’anglede la rueSaint-Roch,puis son enseigne

lumineusemythique,noirmétallisé.—Siontelibèreauxheuresdeservice,jeteveuxdansmacuisineillico,Santa.—Oui,chef.Jenevaispasluidiretoutdesuitequeçam’arrange...Jepassedevantl’entréeprincipaledugrandhôtelpouratteindrelaportedeservice.Jesorsmonpass,

puisjem’engouffreàl’intérieur.Levestibuleestétroitetsombre,lesolenduitdebétonlisse;mespiedsnefoulerontpaslemarbreetlescarrelagesmiroirduhallprincipalavantlafinduservice.Jedébarquedansl’immensecuisine,essoufflée,etrejoinslesmiens,toutencamouflantmescheveux

tropépaissousunjolifoulardàpoisnoirs.Sanssurprise,onm’interroge.—Oui,c’étaitsympa!Commeunhors-d’œuvre.Onverrabienlasemaineprochaine...Une réponse diplomatique. Je la répète trois fois durant le trajet entre la porte et le comptoir des

commandes.Cetteémissionimpressionnetoutlemonde,saufmoi.J’éprouveunsoupçondeculpabilité.Jeprendsplacedevantlecomptoir.Loïsn’estpaslà,maissafilleetsonfils,oui.—Salut,Santa!lanceArchibalddesavoixhautperchée.Ilseprécipiteversmoietjem’accroupispourl’accueillirdansmesbras.—Tuesenretard,meglisse-t-ildansl’oreilleavantdereculer.Tuvastefairegronder!Jefaismined’êtreterrorisée.—Jecomptesurtoipourmedéfendre,Archi!Ilmanque deux dents à son sourire. Ses yeux d’enfant pétillent tandis que ses doigts entortillent la

pointecoloréed’unedesmèchesquidépassentdemonfoulard.Archibaldestmonpremier–etseul–fan;jeleluirendsbien.—Biensûr!J’aipaspeurdepapa,moi!Ilestbienleseulici...J’entendsdéjàrirederrièrenous.—Mamanaussivasefairegronderparcequ’elleestenretard,ronchonne-t-ilengrimaçant.Enmerelevant,jelesoulèveetl’assiedssurlecomptoirdescommandes.

e

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—Alors,enl’attendant,tuvascompterlesassiettesqu’onvapréparer,Archi.Ravi,ilpointedéjàdudoigtlesfeuilletsquesasœuraépinglésau-dessusdemoi.Lesmainssurleshanches–sontailleurnoirlessouligneharmonieusement–,ArielleCardiscrutemon

visage tandis que je prends connaissance de ce qui va être envoyé quand le boss va débarquer. Elleessaiedemeperceràjouretnesecontenterapasdurefrainquej’aiserviauxautres.Jelâcheenfin:—C’étaitaussinasequejelepensais.—Nase,comment?—Ilsveulentdebellesimages,unepointed’humiliation,unsoupçondeglamour.Etj’imaginequ’on

verseradansledramedansquelquessemaines...—Oui,letempsquetoutlemondeseconnaisse,complète-t-elle,enfindétendue.Quevouscouchiez

ensemble,ettout,ettout...—Vousallezdormir?demandeArchibald,unmorceaudepapieràlamain.Jeleluireprendsgentimentetl’épinglesurlarampe,nonsansjeterunregardmeurtrieràArielle.—Non,onvafairelacuisine,surtout!—Encoreheureux,Santa!Nous sursautons enmême temps : Loïs vient de faire son entrée sur son territoire... Si sa fille est

amusée,luiestagacé.—Etquiva...«dormir»avecqui?reprend-il,lessourcilsfroncés.Jerépondsàmonpatron:—L’avenirnousledira.Ilsontrecrutéenconséquence.C’estunpeugros,maispassifaux.LoïslèvelesyeuxaucielavantdefairedescendreArchibaldducomptoir.—Mamant’attendderrièrelaporte.File!Il l’embrasse, puis retrousse lesmanches de sa veste noire sur ses bras hâlés tandis qu’Archibald

traverselacuisineentrottinant.—Ilsne t’ontpas tropfatiguée, j’espère?reprend-il,bienmoins tendre.Parcequ’àdéfautdefaire

chaud,ilafaitbeautoutelajournée:ilyadumondedehors,etbientôtdanslasalle.Onnedéconneplus.Sontalond’Achilledisparu,lechefestderetour,etsesyeuxgris–lesmêmesque

ceuxdesafille–brillentd’excitation.LoïsCardiestunmaîtredans laprofession.Unchef international reconnuquiestdevenuunhomme

d’affaireaviséetambitieuxquandiladécidédeneplusvoyager–etdeneplusfairedebêtises...Ilestpropriétairedequatreétablissementsdanslacapitale,avecdeuxettroisétoilesaucompteur.Unempirequ’onluijalouse,maisqu’ilamérité.C’estsurtoutuntypeintègre,aussigénéreuxdanslaviequedanslacuisine;jesuisfièrequ’ilm’ait

toutappris,qu’ilm’aitsauvée.—Lescommandes,Arielle!vocifère-t-il.Arielle,quiattendtoujoursquejeluilivredesdétailsaubeaumilieuduchampdebataille...Elle les lui tendengrimaçant,maisellene répliquepas.Pasencore, au risquede foutreen l’air le

début du service. Comme tous les chefs, son père est un brin susceptible et despotique.Mais jamaisinjuste,etjamaisviolentsurtout.

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Loïslitlescommandesenmêmetempsqu’illesreplacesurlarampeàhauteurdesesyeux.—Allez,onenvoie.Santa,tulanceslacuissondeslangoustes.Turevienspourledressage.Aveclui.Jesourisenrejoignantlepostedupoissonnier.«Chef!»estloindansmonesprit.Danslavapeuretla

fuméequisedégagentdescasserolesetdespoêlons,surlesfeuxdupiano,jerespireenfin.Leservices’achève,deuxheuresetdemieetdeuxcenttrentecouverts,plustard.Loïspointeavecmoi

les défauts de préparation du chef de partie chargé d’élaborer les sauces. À bout, Loïs a fini parm’envoyer lui donner un coup demain. L’intéressé n’a pas cessé deme jeter des regards noirs. J’ail’habitude:j’aiapprisàfermerlesyeuxtantqueçanedevientpasméchantnidéloyal.—CommentvaMarnier?Je relève la tête, surprise.Laquestionestarrivéecommeuncheveusur la soupe.Unespécialitéde

Loïs,quivitàcentàl’heureetnes’embarrassepasdestransitions.—Ilvoussalue.Ilavaitl’airtrès...excité.Loïsricane.—Çaluivabiendedirigerdixgossespendantdeuxmois!Àdéfautd’avoirréussiàfairetournerune

affaireplusd’unan!—Pasquedesgosses...Ilyauntypeplusâgéquenous.Etaumoinsdeuxétrangers.—Etd’oùsortent-ils?—Jen’ensaisrien.Jen’aipasposédequestions.—Tuneposesjamaisdequestions,detoutefaçon,répondLoïs,amusé.Si,quelques-unesdanslemétro,avantd’arriver…J’argumenteànouveau,l’airsombre:—Jeposelesbonnes,etçameréussit.C’est Loïs qui a eu l’idée de me faire participer à l’émission, parce qu’il estime que je suis

suffisammentcréativeetdouéepourvolerdemespropresailes.Ilaraison:jenepourraipasrestersaprotégéeéternellement...— Ils ont parlé des dates et des endroits où ils allaient vous envoyer pour tourner les émissions

spéciales?—Non,pasencore.Loïstientdéjààs’organiser,lessoirsoùjeneseraipaslà.Onnegèrepasunempiresansmaîtriser

toussesrouages.Jepoursuis:—J’aicrucomprendrequ’ilsfaisaientdesessaisaujourd’hui.Onnousamisàl’épreuveetjugés,sans

que personne ne soit éliminé. Ils vont peut-être se débarrasser de ceux qui ne sont pas asseztélégéniques?Loïs a dû percevoir l’espoir dans ma voix. Il termine d’agrafer les rectangles de papier des

commandesdecesoir.Puisilrelèvelatêteetfixelespointesvioletélectriquequitouchentlebasdemondos.Ilesquissecesouriresecretquim’exaspère.

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—Ilestcertainqu’ilnesedébarrasserontpasdetoi,entoutcas.Envoie-leurdubleuoudurose,lasemaineprochaine,etlaFrancetomberaamoureusedel’arc-en-cielduJéricho!Jeme fous de que la France pensera.Maismamère, elle, rendra des comptes au village, ça c’est

certain...Jesouffle,enfindépitée:—J’aiéténulle...Ilsn’ontpasaimécequej’aifait.—Sers-toidecequetuconnaisdumilieu,Santa,grondemonpatron,quin’aimedécidémentpasqueje

soisdéfaitiste.Ilyaunepartdesubjectivitélà-dedans,tulesais.—Oualorsilsvousdétestent...Loïsricane.—Non,jenecroispas!Personnen’auraitd’intérêtàmedétester!Maisilsneteferontaucuncadeau,

j’yaiveillé.Niàtoiniauxautres.Jen’enattendaispasmoinsdelui,maisçafaitmal...Pasaussimalqu’uncoupdecouteau,maismal

quandmême.—Ça roulera, reprend-il pourme rassurer. Tant que tu poseras les bonnes questions, que tu te la

mordrasquandilfaut,etquepersonnenes’enverraenl’airentredeuxservices.Jerisetacquiesce,mêmesijenesuispastoutàfaitconvaincue.Loïsentermine.Ilvapartir,fairelatournéedesestroisautrestablespourfairelepointavecleschefs

enplace.Ilneserapasrevenuavantdeuxheuresdumatin.—Bonnesoirée,Santa.Et...forza!—Merci,Loïs.Mercipourtout.Unclind’œil,puislechefquittelacuisined’unpaspressé.Lescommisnettoientlesderniersplansdetravail.Jeleurdonneuncoupdemain,puisprendsàmon

tourlechemindelasortie.Unedouche,unbouquin,monlit.MaisAriellem’attenddanslesasquiséparelabrigadedelasalle...—Tunevaspast’entirercommeça,Santa!tempête-t-elleenmesautantdessus.Elleadétachésescheveuxroux,troquésonchemisier-tailleurcontreunerobepatineuserosepoudré.—Etneprétendspasvouloirretournerencuisinepourm’échapper!Jelèvelesmains,innocente.—J’allaispartir,juré!Quand je suis heureuse, je cuisine. Quand je suis triste, je cuisine encore plus. Et quand je suis

fatiguée,jedors.Cesoir,jesuisépuisée.—Tuviensboireunecoupequandmême?L’assistantdusommelierareçudessuperbouteilles,ce

matin...Jeneveuxpassavoircommentelleapuygoûterenavant-première.Ariellecoucheparfoisavecles

employés,elle...Àl’insudesonpère,évidemment.—DuBillecart-Salmonextrabrut,insiste-t-elle.

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Là, elle me prend par les sentiments. Peut-être bien aussi que j’ai envie de lui raconter l’étrangeparenthèsedutournagedel’émission.Jesoupirepourlaforme.—OK,vendu.Jemedébarrassedemavestedetravailprune,merafraîchislevisage,puisnoustraversonslehallgris

etnoirduJéricho–façonarchitectureindustriellepar-dessuslesmouluresduplafond.Ilfutuntempsoùtoutceluxem’intimidait,désormaisilfaitpartiedupaysage.Nousparvenonsjusqu’aubar,oùlalumièreesttamisée,lestonsducarrelageetdesmursocreetmiel.

Plus chaleureux àmon goût ; c’est l’endroit où jeme sens lemieux dans l’établissement, aprèsmonappartementcachéauboutd’uncouloirduquatrièmeétage.Nousnousinstallonssurlabanquettelaplusconfortable,dansunangledelasalle,presqueàl’abrides

regards.Mon amienous sert elle-même le breuvage.Lesbulles, roses et légères, rampent le longdesparoisdelaflûte.—Asaluta.—Tchin,Santa.Etc’est...divin!Arielleavaitraison.—Tuvois!s’exclame-t-elle,ravie.Ilestcool,cegarçon!Ilsaitcequiestbon,etilsaitcequ’ilfait

aulitaussi...Situveux,jet’arrangeuncoupaveclui.Commeça?Sifacilement?Arielle...—Non,merci.—Cen’estpasfauted’avoirencoreessayé...—Jen’aipasbesoind’hommedansmavie.Oualors,undetempsentemps.Etpas...—...auboulot,finit-elleenmêmetempsquemoi.Danslecasting,alors?Jevaisdroitaubut,jesuiscertainequ’ellesemoquepasmaldel’identitédesquatreautresfilles–

quejenesauraismêmepasnommer,àl’exceptiondeMarianne.—Pourquoipas... Ilssont jeunes, ils sont tousbeaux,etchaudscommelabraise. Ilsnesont làque

pourça,d’ailleurs.—Quoi,s’envoyerenl’air?—Ouais.Certainssecroientmêmeplusmalinsquetoutlemonde...Jerevoislesyeuxnoisetteetlesjouesmal

raséesduséraphinargentin.Ariellelèvelesyeuxaucielencomprenantquejememoqued’elle.—Etd’oùilsviennent?...etquisuis-je?Oùvais-je?J’ail’impressionquenousn’enavonspasfiniaveccerefrain-là.—Jeparledeleursparcoursprofessionnels,évidemment!ajoute-t-elle,aucasoù.Évidemment...—Del’Aurore,duDroz.DuHiltonaussi.Enfin,jecrois.—LeDroz?Connaispas.LeHilton,nonplus,plaisante-t-elle.Monregardseperddanslevide.

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— Ça craint, n’importe qui à ma place serait ravi de participer à cette émission... C’est uneopportunitéunique.—Tuauraispurefuser,Santa...Non.Jenelepouvaispas.Loïstenaitàcequej’ensois,etjenepeuxpasledécevoir.—Etcommenttutesens?reprendmonamie.Bonnequestion...—Commelejouroùj’aipassélaportedelacuisineduJéricho.Et que j’ai voulu laisser tomber le lendemain... Ma mère m’avait passé le savon de ma vie au

téléphone.Ariellelesait,c’estellequim’atrouvéencolèreetensanglotssurletrottoir.—C’estquoi,tonplan?Monplan?Monplan,c’estdenepasmebrûlerlesailes,denepasvoiraussigrandqu’àmesdébuts.D’aviserau

jourlejour.—Jenecomptepassur«Chef!»pouravoirunerévélation.Parcequejenetiendraispastroismois.—Pourquoi?—D’abord,parcequec’estdelatélé-réalité.Jecrainslemomentoùilsvontexploiternosallianceset

nosmésententes... Ensuite, parce qu’ils sont tous assoiffés de sang. Ils sont là pour gagner, coûte quecoûte.Etilsontsûrementdesprojets,eux...Arielleacquiesce,ellesaittoutça.Ellemesourit,etjeleluirendsavecchaleur.ÀParis,j’aiquelquesamis,maisj’aisurtoutLoïs,etsonclan.Etc’esttout,etçamesuffit.Enfin,je

crois.

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Chapitre3

Rafael

Lundi.Jourdetournage.Actedeux.Onattaquedéjàlesunsaucorps;lafilleauxcheveuxrougesn’arrêtepasdemesourire.J’aivuclair

danssonjeudèsledébut,etceseranon.Jelafixeunpeupluslongtemps.Non,miamor.Jesuislàpourfairelejob,etgagner.Jebaiseraiplustard.Elleestdéçueetretourneàsesaffaires,feignantdes’intéresseràlaconversationqu’entretientSantadi

Livio avec le vieux de service. Simon, je crois. Il est rabat-joie, surdoué sur le tard selon lui, etpaternaliste.La têtedebiteduprogramme,quoi.Çapromet,maisçamesembleplus facilequesur lepapier.—Uncafé,mec?Legars leplusdiscretaprèsmois’estassisàmescôtéssur lemuretenparpaings,dansuncoindu

studio.Iln’arrêtepasdememateraussidepuisquejesuisarrivé...Ilmetendungobeletetm’adresseungrandsourire.C’estsuspect.—Thanks.Ilestaméricain,etjesuispoli.—NoeCooper.Toi,c’estRafael?Leblondinetmetendsamain.Jetiensàmettreleschosesauclairdèsledébut.—Oui,etjenejouepasdanscetteéquipe.—CelledeNewYork?Moinonplus,depuisqu’ilsontchiédanslacollecettesaison!UnYankee.Unvraidevrai.Etilsemarreenplus...Moipas,parcequejevaisdevoirmettrelesdeux

piedsdansleplat.—Jenesuispasintéressé.—Parlefoot?C’estpasgrave!Onvaparlercuisineetbusiness,situpréfères.Ilsefoutdemoi,ouquoi?—Jenesuispasgay,tusais...Jel’aiditenanglais.NoeCoopersefige,puiséclatederire.—Putain,tuascruque...Ouais,j’aicruque...Nousattironsl’attentiond’unautregroupedecandidats,ànotredroite.—C’est pasmon trucnonplus ! Je venais juste conclure une alliance.L’outre-Atlantique contre le

restedumonde.Jemesensvraimenttrèscon.

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Unegorgéedecafé.Ilestignoble,maislajournéeaétélongueetelleseprolongesurletournagedel’émission.—Tuluiasparlé,àcegars?demande-t-ilendésignantceluiqui tentedes’improviserchefdeclan

parminous.—Oui,c’estlatêteàclaquesduprogramme.—Parcequ’ilestvieux.—Non,parcequ’ilestcon.LeYankees’esclaffe.—EtPinkiePie,tulaconnais?—Qui?—L’Anglaiseavecquituespartieladernièrefois.Unpointpourmoi.LuiaussiacruavoiraffaireàunedecesLondoniennesexcentriques.—Elleestpasanglaise.Tuenasvubeaucoupdesbritishcommeelle?—Non,maiselleadescheveuxtrèsfun,etpleindetachesderousseur.C’estmignon.Mignon.Elleestdiscrète,aussi.Jenem’yattendaispasnonplus.—C’estquoi,Pinkiemachin?—Tun’aspaseudesœur?—Non.J’aifailli.—Dommage pour toi ! C’est unemerde de poney rose aux cheveuxmulticolores, explique-t-il en

faisantdegrandsgestes.Jeregarde«l’Anglaise»quiporteunleggingnoiretunechemiseunpeutransparente.C’estvraique

sescheveuxsontvraimenttrèstrèslongs.—C’estunponeysuperbienfoutuentoutcas,conclutNoeCooper.Jenelecontredispasetboisunegorgéedecafédégueulasse.J’aime bien Noe Cooper. Il a la gouaille impudique des New-Yorkais ; ça me rendrait presque

nostalgique.—Bon,tuviensd’où?—DeBuenosAires.EtNew-York,etParis.—Ettucuisinesoù?—Dansunbaràtapas.Ilmecolleuncoupdepoingdansl’épaule.—T’escon!Plussérieusement?—AuDroz,dansle13 .Etçasuffirapourlemoment.—MoiauPearlResort.LePearlResort,àNewYork,c’estdulourd.SiCoopercarbureauxmêmestrucsquelesgarsdeSoho,

jerisquedenepastenirlacadence.

e

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Jehochelatête.—J’aiétéchefdepartieauMeadow.NoeCoopers’anime.Jeveuxdire,encoreplusqu’avant.—Putain,c’estgénial!Maisqu’est-cequetufousàParis,alors?C’estunelonguehistoire...—Qu’est-cequetoi,tufousàParis,leYankee?Ilricaneencore.—LaFrance,çarestequandmêmeletemple,leGraal,tuvois.Ouais,jevois.Maiscen’estpasleparadisnonplus.Oualorsc’estleGraaldansletemplemaudit.—Donc,c’estmoil’immigrédeservice?reprend-il.T’espasunvraiArgentin!—JetegarantisquejesuisArgentindelaracinedescheveuxjusqu’auboutdelaqueue,mec.—OK,OK!seravise-t-il.Entoutcas,tuplaisàlarouquine,là-bas!Jesais...—Elleestsurlesstarting-block!poursuit-il.Mais,moi,jepréfèresacopine,PinkiePie.Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom,c’estbienaussi.Jelemetsengarde.—PinkiePieestunecandidatesérieuse.—Tulaconnais?Tul’asdéjàbaisée?Non.Jedemande,moqueur:—Toi,tuesvenulàpourça?NoeCooperricane.—Etpourcuisineraussi.Sionpeutfairelesdeux,jenediraipasnon,mec.—Penseàteméfierdecettefilleavantdevouloirtelafaire.Observe-latravaillertoutàl’heure.Elle

vavite,elleconnaîtbienlesproduits,etelleneparlepasbeaucoup.Etc’estvraiqu’elleestvraimentbienfoutue...—OldMacSimonnepeutdéjàpaslablairer,ditNoe.Etildiscuteavecelle?Quelenfoiré,celui-là.Simonlevieuxetleconnarddeservice,donc.NoeCoopern’apeurderien,ilfrappeungrandcoupsurmacuisseenrigolant.—Bon,onvaleurmontrercequ’onvaut,mec.Hein?—Onferacequ’onpeut,mec.Marnierentresurleplateauetfrappedanssesmainspournousfairesigned’approcher.—Votreattention,s’ilvousplaît!L’Anglaise–quin’enestpasvraimentune–semordleslèvrespours’empêcherderigoler.J’aibien

envied’enfaireautant,leproducteurestpathétiquedanssonrôledechefdecoloniedevacances.Ilparaîtquecegarsétaitunasàl’époque...J’aipeineàycroire.Onnel’amêmepasvutoucherune

fourchettepourgoûternospréparations,ladernièrefois.—Onvapasserauxchoses sérieuses, les jeunes !Aujourd’hui,onva fairedans le traditionnel ! Il

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paraîtqueleschefsnewgenerationneconnaissentplusleursclassiques,onvavérifierçaensemble.J’envoisquipâlissent–Noeenfaitpartie.D’autrestententd’apercevoircequireposesurl’étalqu’on

faitroulerversnous.Delaviandedebœuf,pourunbœufbourguignon.C’esttellementclichéquecertainsn’ontjamaispris

lapeinedelecuisinercorrectement,etdeleréussir.Évidemment,lesjuréss’attendentàcequelarecettefasseaussidesétincelles.L’Anglaise reste impassible. Un minuscule sourire flotte sur ses lèvres. Je suis certain qu’elle ne

nagerapaseneauxtroubles.Onnousbriefecinqminutessurledéroulementdel’épreuve,quiressembleàcequenousavonsdéjà

faitladernièrefois,puisc’estlesignaldudépart.NoeCooperestàlatraîne,àmescôtés.—C’estlaruéeversl’or,mec!Jesensqu’ons’éclater.Jen’ensuispassisûr...Jejetteunœilaupanierdel’Angl...deSantaquandellerevientdel’étal:navets,carotteset...Elleme

dissuadedepoursuivremonespionnaged’unregardmeurtrier.Etellesoupirequandjeprendsmesquartierssurleplandetravailplacéderrièrelesien.Jenesuis

paslàpourlamater,maisjenemepriveraipasdel’agacer.Enplus,jesuiscurieuxdevoircequ’ellevaconfectionneraujourd’hui.Lesjurésdonnentletopdépartet,dèslasecondesuivante,toutlemondes’active.Norikopassederrièreleplandetravail,avecmoi.Ellevoitlaplaquettedechocolat–paslemeilleur,

d’ailleurs.Pasdecaméraàl’horizon;elleosemefaireunclind’œilavantdem’encourager:—C’est intéressant d’utiliser du cacao, je suis curieusedevoir dequellemanière ça explosera en

bouche...Tulesaisparfaitement,envérité.Jemeconcentresurladécoupedelaviande.Lecouteaufrappeunpeutropviolemmentlaplancheen

bambou.Santa s’est retournée, elleme regarde, l’air suspicieux. Je l’ignoreet enfonce rageusement lapointedanslemorceaudebœuf.Elleenfaitautant.Lesjurésreviennentversnous,lescaméraslessuiventdeprès.Unconseil,unegrimaceetilsrepartent

aussivite.Prisdanslefeudel’action,onfiniraitpresqueparlesoublier.Presque.Jesuissurlepointdeterminerdetaillermeslégumes.Uncouteautombe.C’estceluideSanta,quiseplieendeux,ensilence.Merde!—Çava?Ellehochelatête,fermelesyeuxetsedépêched’enroulerplusieursfeuillesd’essuie-toutautourdesa

main.Samain,carrément?Les feuilles s’imbibent de sang, trop vite. Santa est devenue blanche, c’est d’autant plus flagrant

qu’ellealeteintplutôtmat.Sesyeuxsonttoujoursfermés,ellevacilleets’accrocheauplandetravail.Çanevapas!Vraimentpas!—Attends,onvafairevenirle...—Onnefaitvenirpersonne!Toutvabien!C’estsuperficiel!J’enaivud’autres.

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Moi aussi,mais quandmême ! Je la fixe, abasourdi.Qui refuse qu’on lui vienne en aide dans unesituationpareille?C’est«Chef!»,pas«KohLanta»!—Jecomprimeetçavas’arrêter,dit-elleentresesdents.JefixelebandageimprovisétandisqueGaspardMalletnousrejoint.Santa est toujours aussi pâle. Elle pince ses lèvres très fort et ses yeux bleu piscine sont brumeux.

Comprenant que je ne lâche pas l’affaire, elle dessine une croix sur sa bouche avec son pouce, l’airmenaçant,avantdeseretourner.Ça,cen’estpasanglais,j’ensuissûr.—Unproblème,Santa?Ellesedépêched’enroulerd’autresfeuillesautourdesamainblessée.—J’aidérapé,maistoutvabien.Savoixestunpeutrophautperchée.—C’estuneécorchuresuperficielle.Jevaissurvivre,nevousenfaitespas!Jel’espèrebien,oujen’auraisplusaucunadversaireàmamesure.Gaspards’encontenteets’intéresseàsarecette,avecbienveillance.L’incidentestpresqueclos.Santa

seretourneunedernièrefoispourhocherlatêtedansmadirection.Merci.Pasdequoi.Maistuneperdsrienpourattendre.Elleseremetàlatâcheaveclamêmeénergie,maissesépaulessontvoûtées.Elleestgrande,etmenue,

jeneleremarquequemaintenant.L’heuretourne.Jeguetteunsignedefaiblessedevantmoi,envain.Latensionmonted’uncranquand

nous en venons au dressage.Un dressage original pour une recette des plus classiques, c’est aussi cequ’onattenddenous,autermedel’épreuve.—Top!C’estfini!Nousreculons,soulagés.Etlesverdictstombent.Monplatplaîtàtoutlemonde.CeluideNoeCooper,aussi.VientensuiteletourdeSanta,queNoriko

malmènecommeladernièrefois.Santa,quiacachésamainblesséedanslapochedesaveste...Elleestidiote,ouquoi?L’épreuveest

terminée,elleatenubon.Ilsuffiraitdeparlerpourqu’onlasoigne!Jen’aimepaslesfillesquionttoujoursraison,etencoremoinscellesquifontdestrucsdébiles,juste

parfierté.—Qu’est-cequ’ellea,PinkiePie?demandeNoequis’estrapproché.—Elles’estcoupée.J’étaiscensélafermer,maisjeneluidoisrien,àcettefille.Absolumentrien.—Etelleneditrien?—Non,elleneditrien.Elleestefficace,sexy,maisbornée,apparemment.Devantmoi,Santacache samainblesséeengrimaçant.Personnen’a rienvu,ou tout lemondes’en

fout.Lesmots tournent dansma tête tandis que ses cheveuxviolets se balancent enmême tempsqu’elle,

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danssondos:Défensedeluinuire.Défensedeluirévélerlavérité.Elleseretourne,etsesyeuxclairslancentencoredeséclairs.J’aiquandmêmeledroitdeluiportersecours,non?

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©HachetteLivre,2016,pourlaprésenteédition.HachetteLivre,58rueJeanBleuzen,92170Vanves.

ISBN:978-2-01-161345-5

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Neufmoisplustard

Alexandreouvrit laportedesonappartementet lançasonsacdevoyagesur lecanapéavantdes’yeffondrer, exténué. Les trente-deux heures de voyage qu’il venait de subir pour revenir d’Indonésiel’avaientvidé,tué.Mercil’alerteàlabombe!Ils’étiraetattrapasontéléphoneavecl’intentiondesecommanderunepizza.Iladoraitsonboulotde

grandreporter,toujoursdanslefeudel’actiondanslescoinslespluschaudsdelaplanètemais,parfois,ilsesentaitcomplètementlessivé!Lepireétantque,pourunefois,ilrentraitd’unreportagetranquille!Presquedesvacances…Aprèsunrangementsommaire,etunefoissapizzaavalée,ilsetraînajusqu’àsonlit,n’ôtantqueses

chaussures.Tantpispourladouche.Ilallaitdormirdeuxjours,aumoins.Ensuite,sonrédacteurenchefnemanqueraitpasdeluiassignerunnouvelobjectif,etilluifaudraitcommenceràorganisersonprochaindéparttoutenbouclantlaséried’articlesencours.Laroutine…Lorsquesonportablesonna,Alexandreeutl’impressionquesatêtevenaitàpeinedetoucherl’oreiller.

Ils’obligeaàémergerd’unsommeilbéat.—Ouais…Quoi?marmonna-t-ild’unevoixpâteuse.—Merci,Seigneur!Alexandre,c’estMamie.Est-cequetuesenFrance?—Euh…Oui.Jeviensd’arriveràParis,pourquoi?Ilyaunproblèmeavecgrand-père?demanda-t-

il,bienréveillé,enseredressantd’unbond.C’estsoncœur?—Non, tout va bien. C’est Adrien, répondit-elle d’une voix tremblante. Il a été renversé par une

voiture.Ilestàl’hôpital.—Commentva-t-il?interrogeaAlex,craignantlaréponse.—Çaal’aird’êtregrave.Tesparentssontenroutepourlevoir.—Oùa-t-ilététransporté?voulutsavoirAlexenattrapantsonblousonetsesclefs.—AuCHUdeRouen.—J’yvaisetjevoustiensaucourant.Embrassegrand-père.—Jet’enprieAlex,soisprudent,monchéri.Nevapasavoirunaccident,toiaussi.—Jeferaiattention,jetelepromets.C’étaitunepromessedepureforme.Centcinquantekilomètresàmotoalorsqu’iltenaitàpeinedebout,

celafrisaitlafolie.Maisils’agissaitdelaviedesonpetitfrère!

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CommentAlexandreatteignit-ilRouensansavoird’accident? Ilauraitété incapablede l’expliquer.Son cerveau enmode « pilotage automatique » l’amena devant l’entrée de l’hôpital. À l’accueil desurgences, l’infirmière lui apprit que son frère venait d’être installé en soins intensifs au service detraumatologie.Ils’immobilisauninstantdevantlaportedelachambrepourfrottersesyeuxquibrûlaientdefatigue,

avantd’entrersansbruit.Lestoreétaitbaissépourprotégerlepatientdusoleilbrillantdecettefinmai,laissantlapiècedanslapénombre.Adrienétaitallongé,inconscient.Sousperfusion,ilportaitunmasqueà oxygène. Son bras gauche était plâtré, une minerve maintenait ses vertèbres, et un spectaculairehématomeviolacémarquaitetdéformait tout lecôtédroitdesonvisage.L’électrocardiogrammetraçaitsansrelâchelerythmedelavie.Danslefauteuilprèsdulit, tournantledosàlaporte, leurmèresanglotait,caressantlamaindeson

frère.Sonbeau-pèreluimassaitlesépaules,murmurantdesparolesderéconfort.AlexdécouvritAnaïsquipatientaitdebout,appuyéecontrelemurdanslecoinopposé.Lajeunefemme

luiadressaunregardsoulagéetreconnaissantquiluifitchaudaucœur.Quandellevintverslui,Alexfutagréablementétonnéqu’elleleserredanssesbras.Elletremblait,etuninstantilsepermitdelapressercontre son cœur pour lui communiquer sa force, lui faisant comprendre ainsi qu’il partageait soninquiétude.—Mercid’êtrevenu,chuchota-t-elleenreculantd’unpas.—Commentva-t-il?— Le bras cassé, quatre côtes fêlées, des vertèbres déplacées, mais le plus inquiétant, c’est le

traumatisme crânien. Sa tête a heurté le trottoir, expliqua-t-elle d’une voix basse, chargée d’angoisse.Nousattendonslesrésultatsduscanner.Sesentantmaladroit,Alexandreluipressalamainensignederéconfort.Iln’avaitjamaisététrèsdoué

pour ça,mais pour elle il était prêt à faire des efforts. Rassemblant son courage, il s’avança dans lachambre,posantaupassagesoncasquesurlapetitetableroulante.—Maman?murmura-t-ilens’agenouillantdevantMaryse.Samèrebattitdescilsetmitunmomentavantdetournerlatêteverslui.—Oh…Alexandre…Son regard trouble, perdu, retourna se souder au visage immobile et égratigné d’Adrien. Jean-Paul

tendit lamain à sonbeau-fils qui se relevait et la serra chaleureusement,manifestementheureuxde levoir.—Mercid’êtrevenuaussivite.Adrienseracontentdetevoiràsonréveil.Il…—Cen’estpasjuste,marmonnaMaryse.— Que dis-tu, ma chérie ? demanda-t-il en s’agenouillant à son tour devant son épouse dont

l’immobilitéetlevisagedéfaitl’inquiétaient.—Jedisquecen’estpasjuste!répéta-t-elleensetournantverseux,lesyeuxpleinsdelarmes.Adrien

étaitsurlepassagepiéton.Ilfaittoujourstrèsattention!—Unaccidentn’estjamaisjuste,luifitremarqueravecdouceursonmarienluicaressantl’épaule.Ça

arrive.C’esttout.—Toiettamauditelogique!s’exclama-t-elleavecviolenceensedégageant.Pourquoicen’estpaslui

quiaétéblessé?Alexandresursauta.

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—Pardon?—Tuastoujoursfaitl’imbécile,quecesoitenvélo,enskateouavectasatanéemoto.Tuprendsdes

risquesinsensés.Tuvasdanslespayslesplusdangereuxdumonde,etilnet’arrivejamaisrien!—Tupréféreraisquecesoitmoidanscelit,pasvrai?s’écria-t-il,ulcéré.PastonprécieuxAdrien,

non!Maistasaloperiedebâtard,pasdeproblème.Là,tuseraiscontente!Tuseraisenfindébarrasséedemoi.—Je…Je…—Putain,maisqu’est-cequejefouslà?Pourquoijesuisvenu?Maisquelcon!Alexandreattrapasoncasqueetsortitentrombedelachambre.—Rattrape-le!ordonnaJean-PaulàAnaïstoutensaisissantàbras-le-corpssafemmequis’effondrait,

victimed’unmalaise.

*

Lajeunefemmen’avaitpasattendupourselanceràsapoursuite.EllesavaitquesiAlexandrepartaitmaintenant, ilsnelereverraientjamais.Surtout,elleleconnaissaitassezbienpouravoirvusafatigue,son épuisement. Elle avait aussi compris la profondeur de son désespoir. Les paroles de sa mère lerenvoyaientàbiendesévénementsanciens–àcettepeurdenepasavoirétéaiméquileminaitetqu’iln’avouerait jamais. Si elle n’arrivait pas à l’empêcher de prendre la route sur son engin infernal, ilrisquaitdesetuer,etpeut-êtrepasparaccident…Anaïsdutcourirpourlerejoindredanslehall.—Alex!Arrête,attends-moi.—Fous-moilapaix!Vavoirtonchéri,répliqua-t-ilenl’écartantdesonchemind’ungestebrusque.Lajeunefemmehésitaunefractiondeseconde.Alexandreladépassaitdeplusdevingtcentimètreset

devaitpeseraumoinstrentekilosdeplusqu’elle…Malgrétout,elles’élança,lecontournaetsejetadetoutessesforcescontrelui, l’épauleenpremier.Elleeut l’impressiondeheurterunmurenbétonetseretrouvaprojetéeenarrière,surlecarrelageduhall.Deuxsecondesplustard,elleentenditAlexsoupirer,etlevitrevenirsursespas.Ilsepencha,lasaisit

parlecoudeetlaremitsurpied.—Tuessayaisdefairequoi,là?—Deprouverque jepeuxêtreaussi têtueque toi, ronchonna-t-elleense frottanténergiquement les

fessespouratténuerladouleurduchoc.Elleretintunsouriredesatisfaction.Elles’étaitfaitmalmaiselleavaitréussiàlestopper.—Tuasbesoindetecalmer.Viens,nousallonsnouspromener,proposa-t-elleens’accrochantàson

brasetententantdel’entraîner.—Jevaisrentrerchezmoi,dit-ilensedégageantavecunecertainedouceur.Jen’aiplusrienàfaire

ici.DisàAdrienquejeluisouhaiteunbonrétablissement.Vivecommel’éclair,Anaïsluiarrachasoncasquedesmains.—Tunecroispasquejevaistelaisserreprendretamotodansl’étatoùtues?Tutiensàpeinedebout.—Rends-moimoncasque!—Non!répondit-elleenlepassantdanssondosetenreculantd’unpas.

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—Jepourraislerécupérertrèsfacilement,fitremarquerAlexavecunsourireencoin.—Tupourrais.Saufquetun’utiliseraspaslaforcecontremoi.—Tuesbiensûredetoi.—Jeteconnais.Maisjesuissympa,jetelerendraicontreuncafé.—D’accord,maispasici.J’aibesoindeprendrel’air,concéda-t-il.Alexandreavaitaussibesoindesedétendre,deréfléchir.Dumoinsautantquesonextrêmefatiguele

lui permettait. Son instinct l’avait poussé à accepter, et pas pour qu’Anaïs lui en dise plus sur l’étatd’Adrien.Ilvoulaitjusteêtreprèsd’elleunpetitmoment.Tuessado-maso,monvieux,sedit-il.Tuaimestefairedumal.Ilssortirentdubâtiment,traversèrentleparking,puisremontèrentlarueetmarchèrentunpetitmoment

ensilence.Alex n’était pas revenu à Rouen depuis longtemps. La restauration du centre historique médiéval

progressait.LeurspaslesguidèrentverslapartiepiétonnedelarueEaudeRobec.D’uncommunaccord,ilss’installèrentàunetabledecafésurl’undespetitspontonsàfleurd’eauquifaisaientlecharmedel’endroit.Attendantleserveur,ilsrestèrentsilencieux,chacunperdudanssespensées,profitantdusoleiletd’unepaix illusoire.Alexsentait l’épuisementpesercommeunechapedeplombsur sesépaules. Iln’arrivaitmêmeplusàréagirauxparolesdesamère,nimêmeàlaprésenced’Anaïsprèsdelui.Ilsesentaitanesthésié.

*

La jeune femme observait avec attention l’homme assis en face d’elle, sa curiosité opportunémentmasquéeparseslunettesdesoleil.Alexandrepassasacommande–undoubleexpressotrèsserré–d’unevoixatone.J’aibienfait,songea-t-elle.Ilestàboutdeforces.Ellenesavaitpascequ’ilavaitfaitpourêtredanscetétat,maisellenedevaitpaslelaisserrepartir.

Mêmesielleluienvoulaittoujours,mêmesielleavaitjurédel’oublieretdeneplusjamaislelaisserapprocher d’elle, Anaïs ne pouvait pas accepter qu’il prenne de tels risques. C’était une question deprincipe.Étonnamment,Alexandre n’avait pas beaucoup changé en cinq ans, justemûri. Il n’avait jamais été

beauausensclassiqueduterme.Ilavaitunvisagecarré,dur,quilaissaitdevineruncaractèredifficile.S’ilavaitdebeauxyeuxclairs,d’unagréablebleu-vert,cequ’onremarquaitchezluiaupremierabord,c’étaitsacarruresolide,satailleau-dessusdelamoyenne.Seulement,siparmalheurilsedécidaitàseservirdesonsouriremalicieuxdontiljouaitàmerveille,ilétaitcapabled’embobinern’importequi…Elle,lapremière.Maisaujourd’hui,ilétaitépuisé.Ilfermaitparfoislespaupièresetsemblaitavoirdumalàlesrouvrir.

Descernesprofondsetnoirsmarquaientsesyeux.Unpliameraucoindesabouchedurcissaitencoreunpeuplussestraits.—Depuisquandn’as-tupasdormi?demanda-t-elle,rompantenfinlesilence.—J’aipioncéuneheureoudeuxenarrivantàParis,cematin.—Tun’avaispasdormidepuiscombiendetemps?insista-t-elle.—J’aidûdormirsixheuresentroisjours,avoua-t-il.JerentredeDjakarta.Nousavonseuunealerteà

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labombe.Levoyageadurédixheuresdeplusqueprévu.—Ettunedorstoujourspasenavion,conclutAnaïs.Machinalement,Alexhochalatêteetregardasamontre.Ilmarmonnaunjuron.—Quelleheureest-il?demanda-t-ilenladétachantpourlarégler.—15h10.Tuvasvenirchezmoi,noussommesàdeuxpas,et tuvasdormir.Jenete laisseraipas

repartir,sinon.Tun’espasenétatdeprendrelaroute.

*

Alexandresoupira,maisneréponditpas.Iln’avaitpasenviedevoirlepetitnidd’amourquelafemmedesesrêvespartageaitavecunautrehomme,fut-ilsonfrère.Seulement,ilétaitaussiconscientd’êtreàdeux doigts de s’endormir la tête sur la table.Reprendre samoto serait suicidaire et, à cet instant, iln’avaitpaslecouragedesechercherunhôtel.Pourlapremièrefoisdesavie,ilregrettadenepasavoirdevoiture.Aumoins,ilauraitpus’yinstallerpourfairelasieste.—D’accord,accepta-t-ilenfin,résigné.AlexsavaitAnaïscapabledesemontreraussitêtuequeluidanscertainescirconstances.Àencroire

sonregardbraquésurlui,c’étaitlecasaujourd’hui.Ellenecéderaitpas…Ilsfinirentleurcafésanssepresser.Aufond,Alexandreavaitenviedes’attarderausoleil,enterrasse,

aveclafilledesesrêves–unesortedevisiondecequiauraitpuêtredansuneautrevie…Ilnesavaitpas ce que pensait Anaïs, mais elle ne le bousculait pas et ne semblait pas pressée de retourner àl’hôpital.Ilsrestèrentainsi,partageantunlongsilencepresquecomplice.C’estAlexqui,sentantsesdernièresforcesdécliner,pritl’initiativedeseleverlepremier.Ilattrapa

soncasque.—Jetesuis,dit-ilàAnaïsenseforçantàsourire.Ilsnemirentquequelquesminutesàatteindrelevieilimmeubleàcolombages,àproximitédel’église

Saint-Maclou, où se situait le logement de la jeune femme, audeuxième étage sans ascenseur.L’effortachevaAlexandre.Plein de caractère avec ses poutres apparentes et sa cheminée dans le salon, l’appartement était

chaleureux,meublédanslestyle«étudiantsunpeufauchés».Sedispensantdelatraditionnellevisitedeslieux,AnaïspilotaAlexandreverssachambre,aufonddu

couloir. Il aurait dû refuser, insister pour dormir sur le petit canapé qu’il avait entrevu par la porteouverte du salon – il avait connu pire –,mais un instinct plus fort que la faible voix de sa raison lepoussaitverslelitdelajeunefemme…commeautrefois.—Jetelaissedormir.Jevaisretourneràl’hôpital.—Tumetiensaucourant?—S’ilsepassequoiquecesoit,jet’appelleaussitôt.Situenasbesoin,monnumérodeportableest

notésurlecarnetàcôtédutéléphone,dansl’entrée.Jelelaisseraienvibreur.—D’accord,acquiesça-t-il,conscientd’êtrehagard,lesyeuxfixéssurl’oreiller.Anaïsfermalesvoletsdeboisgrinçants,etAlexlavitl’observerpours’assurerqu’ilallaitbienlui

obéiretsecoucher.—Nemeregardepascommeça.

Page 287: Couverture : © Alis ISBN : 978-2-01-397649-7ekladata.com/3PQh--1oZoTm77YbIVehTWJaFQM/Brise_e_-_Sophie_Sa… · Chapitre 1 Répudié La chaleur était presque insoutenable. Non. En

—Tu as une tête de zombie. Tu pourrais jouer dansWalkingDead sansmaquillage. Avant, mêmequandturentraisdebringue,tun’étaispasaussiravagé.—Jevieillis,rétorqua-t-il.Maintenant,espècedepeste,ilfautquejedorme.Elleavaitàpeinefermélaportedelachambrequ’illaissatombersonblousonencuirsurlesol.Son

tee-shirtsuivitlemêmechemin.Ilfaillitavoirunvertigeensepenchantpourretirerseslourdesbottesdemoto.Ils’effondraensuitesurlelit.Tirantlacouettesurlui,Alexs’endormitdanslasecondesuivante,baignéparunparfumqu’iln’avaitjamaispuoublier.

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Anaïsrefermalaportedel’appartementsansbruitensedemandants’ilétaitbiennécessairequ’elleprenneautantdeprécautions.Ellen’avaitpasmenti:Alexavaitunetêteàfairepeur,ilétaitalléau-delàdesesforces.Mêmelecaféenintraveineusenepouvaitplusrienpourlui.Ildevaitdéjàdormir.EllepréféranepaspenseràAlex,àsoncorpsmuscléallongédanssonlit,aumilieudesesoreillers.

Celaréveillaitdessouvenirsquiluifaisaientencoreétonnammentmalmalgrélesannéesécoulées.Ellene voulait pas se remémorer ce qu’ils avaient partagé d’heureux – pendant des années d’amitié et decamaraderieetpasseulementdurantlestroissemainesdeleurliaison–etserralesdentsaveccolèreensentantunfrissonlaparcourir.Unefoisdanslarue,lajeunefemmeremitseslunettesdesoleiletrepritlechemindel’hôpital.Elle

n’avaitaucuneenvied’yretourner.Elleavaitsipeurpourlavied’Adrienqu’ellesentitdeslarmesluibrûler les yeux.Allait-il s’en sortir ?Aurait-il des séquelles ?L’avenir lui paraissait soudain sombrealors même que ce matin, ils avaient pris leur petit-déjeuner ensemble, faisant des projets pour lesvacances,heureux,insouciants.Toutavaitbasculéenunefractiondeseconde…Etpuis,Anaïs admettait ne pas avoir envie devoirMaryse.Elle nevoulait pas être obligéede lui

parlernidesemontreraimableaprèscequesabelle-mèreavaitosédireàAlex.Elleavaitgrandidanslamaisonvoisine;toutesonenfance,elleavaitvucettemèrequinecachaitpas

sonadorationpoursoncadet–àquiellecédaittout–,etsedisputaitsanscesseavecl’aînéàquiellenepardonnaitpaslemoindreéchec.EtpourtantAlexandreéchouaitrarement.Lamèreetlefilsavaientlemêmecaractèreentier.Dedifficile,leurrelationétaitdevenueconflictuelle

quand Alex avait découvert la vérité sur ses origines et cherché à connaître le nom de son pèrebiologique.Commentlesdeuxfrèresn’enétaient-ilspasvenusàsedétester?Adrienadoraitsonfrèreaîné,qu’il

considéraitcommesonmodèle.Alexandrecouvaitsonpetitfrère,leprotégeantets’ingéniantaussiàluiapprendretoutcequ’ilsavait–surtout lepire–,àcommencerparlesgrossièretésquandAdrienavaittroisans!La présence de Jean-Paul avait sans doute beaucoup joué. Lui avait essayé de ne jamais faire de

différenceentrelesgarçons.Mais,tropgentil,tropbonnepâte,iln’avaitpastoujourseulederniermotcontresafemme.Leplusgrandregretd’Anaïs,cequ’ellesereprocheraitjusqu’àlafindesesjours,étaitquelesdeux

frèressesoientbrouillésàcaused’elle.EllesavaitàquelpointAlexandremanquaitàAdrien,mêmes’ilenparlaitrarement.Elleétaitpersuadéequelaréciproqueétaitvraie.Sinon,Alexserait-ilvenusiviteenapprenantl’accident?Arrivée à l’hôpital, la jeune femme passa la tête dans l’entrebâillement de la porte. Jean-Paul, en

l’apercevant,selevaetjetaunregardinquietverssonépouseavantdesortirdanslecouloir.Assiseprès

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d’Adrien,Maryse lui tenait toujours lamain, les yeux dans le vague, comme perdue dans sonmondeintérieur.Illarejoignit,fermantlebattantderrièrelui.—Commentva-t-elle?demandaAnaïsparpolitesse.—Elleaeuunecrisedenerfs.Lemédecinluiadonnédescalmants.Ilvoulaitquejelaramèneàla

maison mais elle refuse de s’éloigner d’Adrien et… elle a réclamé Alexandre. Je n’ai pas vouludéclencherunesecondecriseenessayantdelacontraindreàrentrer.Vousauriezdû,songeaAnaïsavecrancune.Vousaveztoujoursététropgentilaveccettegarcesans

cœur.Vousêtestropmou.Jean-Paulsefrottalevisageàdeuxmains;lasituationsemblaitledépasser.—Àpartça,ellen’aplusditunmot.D’ailleurs, j’étais très inquietdenepas tevoir reveniravec

Alexandre. Je voulais t’appeler, et je l’aurais fait s’il n’avait pas d’abord fallu que je m’occupe deMaryse.Commed’habitude!seretintdericanerAnaïs.La jeune femme s’obligea à revenir à plus demodération :Adrien était dans le coma, et Jean-Paul

s’inquiétaitpourAlex–lui!—Jel’aiinterceptéaurez-de-chaussée,lerassura-t-elle.Jel’aiconvaincud’allerprendreuncafé,et

j’airéussiàlepersuaderd’allerdormirquelquesheureschezmoi.—Pourquoi?—Ilestarrivéd’Indonésiecematin.Ilestvenuicidèsquevotremère l’aappelé.Iln’apasdormi

depuistroisjours.—Seigneur…Jepréfèrenepaspenserauxrisquesqu’ilaprispourfairelaroute.Jean-Pauls’appuyalourdementcontrelemuretsemassalestempestoutenfermantlesyeux.— J’ai peur pour la vie demon fils et je ne sais plus quoi faire au sujet d’Alexandre, avoua-t-il

soudain.Quand j’ai rencontréMaryse,Alexn’avait pas encore un an. Je l’ai adopté, je l’ai élevé. Jel’aimeautantqu’Adrien.Tumecrois,n’est-cepas?—Oui…Jelesais.En partie calmée,Anaïs le regarda avec une certaine tendresse.Cet homme était une crème.D’une

gentillesse extrême, il était d’humeur toujours égale et avait été sincèrement désespéré par le départd’Alexandre.—Quelpèrepourraitnepasêtrefierd’ungarçoncommelui?Anaïsneréponditrien,carlaquestionn’enétaitpasune.Alexandreavaitétéunélèvebrillant–même

s’il faisait le pitre et laissait croire qu’il était un cancre –, un sportif accompli. Jean-Paul, ancientroisièmelignelui-même,l’avaitinscrittrèsjeunedansunclubderugby.Àsagrandefierté,Alexavaitjoué jusqu’au niveau des championnats universitaires. Son physique lui aurait peut-être même permisd’envisagerunecarrièreprofessionnelles’iln’avaitpastoujourseupourambitiondedevenirjournaliste.Passionnédemécanique,Jean-Paul l’avaitaussi initié très jeuneauplaisirde lamoto.Dèsqu’ilen

avait eu l’âge, il lui avait offert une petitemoto de cross. Tous deux avaient de nombreuses passionscommunes.D’ailleurs,Anaïsavaitsouventsoupçonnéquecetteproximitédansleursgoûtsétaitunedescauses des problèmes dans leur famille. Elle se souvenait très bien deMaryse accusant sonmari denégligerlepetitAdrienauprofitd’Alexandre.Adrien,quiaimaitlanatationetladanse,s’étaitastreintàassisterauxmatchsdesonfrèrependantdes

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annéesparamitiépourelle,pourqu’ellepuisseentrevoirsongrandamour.Adrienn’aimaitpasnonpluslamécanique,ni lesvoitures–etencoremoins lesmotos–,n’avaitpassésonpermisdeconduirequecontraintetforcé,deuxansauparavant,pourpouvoirdécrocherunstage,puisunjob.Ilyalongtempsqu’AnaïsavaitcomprisqueMaryseavaiteupeurquesonmaripréfèrel’enfantd’un

autreàsonproprefils,etqu’ilnenégligeAdrien.Unecrainteinjusteetinfondée,dontAlexandreavaitpayélesconséquences.Adrien, même placé devant la réalité des faits, refusait d’incriminer sa mère. Il lui trouvait de

nombreuses excuses, l’inflexibilité du caractère d’Alexandre venant en tête de liste, suivie de sonincroyablecapacitéàfairesortirdesesgondsn’importequelêtrehumain–àcommencerparsamère–quandildécidaitdeseconduirecommeunemmerdeur.LemêmeAdrienquiseplaignaitquesamèrelecouvaitàl’excès,luiinterdisant,parexemple,d’aller

encoloniedevacancesàcausedesasanté«tropfragile».Ellecontinuaitencoreaujourd’hui,appelantaumoinsdeuxfoispar jour,débarquantchezeuxà l’improvistepour leur livrerde«bonspetitsplatsmaison»,cequiavaitledond’exaspérerAnaïs.Sans s’en rendre compte, au fil des années,Maryse avait endurci son fils aîné.Elle avait créé une

rivalitéentrelesdeuxfrères,quis’adoraient.ElleavaitaussiréussiàfairefuirAlexandrecefameuxsoirdedispute.Malheureux,Adrienl’avaitracontéàAnaïs.—Tuneterendspascompte!luiavait-ildit.Ellenesavaitpaspourquoinousnousdisputions.Ellea

débarquédanssachambreenl’accusantd’êtreinsupportable.Qu’ildevaitarrêterdemepourrirlavieàlamoindreoccasion.Ilssesontengueuléscommejamais.Elleluiaditdepartirs’iln’étaitpasheureuxàlamaison,qu’elleneleretenaitpas.Etmonfrèreestparti!Toutcequemamèreatrouvéàdire,c’est:«Ilreviendraquandilseracalmé».Maisjeleconnais:Alexesttêtucommeunemule.Cettefois,c’estallétroploin,ilnecéderapas,ilnereviendrapas…D’impuissance,Adrienavaitdonnéuncoupdepoingdanslemur,etAnaïsavaitcomprisqu’elleaussi

avaitperduAlexandrece soir-là.Lapetitepartd’espoirqui avait survécudans soncœur, celuid’uneréconciliationencorepossible,étaitmorteàcemoment.

*

Jean-Paulseredressaetpassalamaindanssescheveux,hagard.—Combiendefoisai-jeessayéd’ouvrir lesyeuxdeMarysesur lefaitqu’elleétaitplusdure,plus

intransigeanteavecAlexandrequ’avecAdrien? reprit-il, faisant échoauxpenséesde la jeune femme.Combiende fois ai-je dû intervenir pour essayer de rétablir l’équilibre entre les garçons ? Jene saismêmeplus.Maiscequ’elle luiaditaujourd’hui, riendeceque jepourraisdireoufairene l’effacerajamais.—J’enaipeur.—ElleaimeAlexandre…passionnément,n’endoutejamais,maisjenecomprendspaspourquoielle

estincapabledeleluimontrer.—Jenelecomprendspasnonplus,réponditAnaïs,dubitative.— Savais-tu qu’elle collectionne tous les articles qu’il publie ? Elle est abonnée aux différents

magazines pour lesquels il écrit. Elle a aussi un pseudo pour pouvoir le suivre discrètement sur lesréseauxsociaux.Quandilestdansdeszonesdeguerres,jevoisbienqu’elleestinquiète:ellenedortplustantqu’iln’indiquepassursapagequ’ilestrentré.

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—Ellelecachebien!neputs’empêcherdedireAnaïs,surpriseparcesrévélations.Unsilencesongeurtombaentreeux.—Ilfautyretourner,finit-ellepardire.—Jecroisqu’illefaut…Jepasseraichezvouscesoir.Ilfautquejem’expliqueavecmonfils.Cette

situationnepeutplusdurer.Tupensesqu’ilseraencorelà?—Ilseralà,j’ensuiscertaine,réponditAnaïs.Jepensemêmequevouspourrieznevenirquedemain

matin,quandilaurarécupéré.Ellesortitdesapocheuntrousseauqu’elleagita.Lesclefsd’Alexandre!Jean-Paulhésitauninstant,

puisleluipritdesmains.—ResteavecMaryseetAdrien,s’ilteplaît.Jevaisconduirelamotodanslacourdetonimmeuble.Il

vautmieuxqu’ellenepassepaslanuitsurleparkingdel’hôpital.Alexnesupporteraitpasqu’onluivoleouqu’onluiabîmesonbébé.Unefoisdehors,ileutunehésitation,maislesiglesurlacléluipermitd’identifierlanouvellemoto

d’Alexandre. Ce n’était plus la très belle Honda VFR800F noire qu’il avait admirée en septembredernier–etqu’illuiavaitproposéd’essayeràl’insudeMaryse.LuiseulsavaitqueJean-Paulavaitcédéà savieille passion en s’offrant un run sur l’autoroute, aumépris de ses points de permis.Alexandreavaitchangédemodèle.IlroulaitsurunemagnifiqueDucatirouge,une1299Panigale.Cetengin,dontilavaitluledescriptiftechniquedanslesmagazinesspécialisés,étaitunmonstredepuissance.Quesonfilssoitarrivéenunseulmorceaudansl’étatdefatigueoùilsetrouvaitrelevaitdumiracle.N’ayant pas de casque, Jean-Paul fit bien attention de ne pas se faire remarquer sur le court trajet

jusqu'àl’appartement,danslelabyrinthedesruesdelavieilleville.Ilsegarahorsdevue,etremitenplacel’imposantantivolsurlamachine.Ils’autorisaquelquesminutesderêve,admirantcetteformidablemécanique,échappantainsiàladureréalité:undesesfilsàl’hôpital,lemalaisedesafemme,safamilledéchiréeparunconflitqu’ilétaitimpuissantàrésoudre.SiaumoinsilparvenaitàconvaincreAlexandredesemontrermoinsinflexible,plusconciliantavecsamère…Marysesemontreraitplusaimante,ilenétaitcertain.Quand,vingtminutesplus tard, il entradans la chambred’Adrien, sa femmeétait à lamêmeplace,

danslamêmeposition.Anaïsselevaetvintàsarencontre.—Desnouvelles?demanda-t-ilàvoixbasse.—L’interneestpassé. Iladitque leneurologueavaitétudié lescanner. Ilest trop tôtpourmesurer

l’ampleurdesdégâts,àcausedel’hématome.Pourl’instant,laseulechosequenouspouvonsfaire,c’estattendreencroisantlesdoigts.—Jevoudraisvoirleneurologue.—J’enai fait lademande. Ilsdoivent refaireunscanneràAdriendemainmatin. Ilvousrecevraen

débutd’après-midipourfaireunbilancomplet.—Etelle?—Ellem’ademandéoùétaitAlexandre.—C’estdéjàunprogrès.Anaïssecouanégativementlatête,l’airdésolé.—Quoi?—Elle…Lajeunefemmehésitaetbaissaencorelavoix.

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—Elle a dit qu’il n’avait pas daignévenir voir son frère…qu’il n’avait aucun sensde la famille.Commesielleavaitoubliélascènedetoutàl’heure.—Seigneur,soupira-t-ilensepinçantlesailesdunez.Anaïsnementionnapas l’autrephrasedeMaryse.« Ilnevautpasmieuxquesonpère», avait-elle

lâché.Intriguéeetcurieuse,Anaïsavaitalorstentésachance.—Maisdequiparlez-vous?Quiestlepèred’Alex?Mais Maryse était déjà retombée dans son état catatonique, et n’avait plus prononcé un seul mot

depuis.

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Alexandreseréveillaensursaut.Ils’assitaumilieudulit,repoussantlacouettequil’étouffait.Ilmitplusieurssecondesàémergeretàsesituer,luiquiétaitpourtanthabituéauxréveilsintempestifs.Enfin,ilse souvint d’où il se trouvait :Rouen.La chambre d’Anaïs.Le lit d’Anaïs…C’est sans doute ce quiexpliquait le rêveérotiquequi l’avait tirédusommeilet l’inconfortqu’iléprouvait, serrédans le jeanqu’iln’avaitpasôtéavantdes’endormir.Ilpivotaetposalespiedsparterre,cherchantàtâtonsl’interrupteurdelalampesurlatabledechevet.

Unelumièretamiséeserépanditdanslapièce.Uncoupd’œilàsamontreluiappritqu’ilétaitplusde21heures.Bonsang!pesta-t-ilenpassantlesmainsdanssescheveuxtroplongs.Aveccemauditdécalagehoraire,ilétaitcomplètementdanslecirage.Ilsefrottalesyeux,puispritle

tempsd’examiner ledécor, auquel il n’avaitpasprêté attentionavantde s’effondrer.Lachambreétaitpetiteetplutôtféminineavecsahoussedecouettemauveetlesbibelotsdanslabibliothèque.C’étaitsanslemoindredouteunechambreoùvivaituneétudiante:unordinateurétaitposésurlebureau,encombréde livres etdeclasseurs.Alexandre savaitqu’Anaïs terminait cette année sa secondeannéedemastercommunication.Il avait aussi appris qu’Adrien avait trouvé du travail l’année précédente, après l’obtention de sa

licence.Ilétaitadjointauresponsabled’unegrosseenseigned’électroménagerencentreville.MerciMamie,pensa-t-il.C’étaitsagrand-mèrequiletenaitaucourantdetouscesdétails.QuandAlexandreappelaitsamère–

jamais l’inverse–,ellesecontentaitdeluidemanderdansquelpayspourri ilcomptaitencoreallersetraîner.Ellenel’interrogeaitpassursasanté,sursesprojets,neluidemandaitmêmepass’ilavaitunepetiteamie–questionàlaquelleiln’auraitpasrépondudetoutefaçon.Coupantcourtàcespenséesdéprimantes,Alexandreattrapasontee-shirtetl’enfila.Ilpritletempsde

posercorrectementsonblousonsurledosdelachaisedubureauetdeglissersesbottesendessous.Parcuriosité–etparhabitudeprofessionnelle–, ilexaminalesobjetsexposéssur lesétagères. Ily

avaitplusieursphotosdelafamilled’Anaïs,etuneseuleoùlajeunefemmefiguraitavecsonfrère.Elleestencoreplusjoliequ’avant,songea-t-ilencaressantleverreduboutdudoigt.Bizarrement,poséeà côtédece cadre, se trouvaitunepeluche. Il se souvenait trèsbiendecegros

nounoursduveteuxqu’AnaïsavaitbaptiséCaramelenraisondesacouleur.Ill’avaitgagnépourelleàlafoireSaintRomain,austanddetiràlacarabine.Elledevaitavoirdixansàl’époqueetcelaavaitcoûtéàAlex l’intégralitédesonargentdepochedumois,maisAnaïsvoulait si fortce jouet,elleavaitétésiheureusequandilleluiavaitoffert!Elleluiavaitsautéaucoupourl’embrasseretleremercier.Ilsouritàceprécieuxsouvenir:illuicédaitdéjàtoutàcemomentlà.Unregarddesesbeauxyeux,un

sourire,etellepouvaittoutobtenirdelui.Leplusamusantétaitqu’ellenes’enétaitjamaisrenducompte.

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C’étaittoutdemêmeétonnantqu’elleaitencorecetours…Àlaplaced’Adrien,iln’auraitpasacceptéquesacompagnemetteensibonneplace,dansleurchambre,unsouveniraussivisible–etsymbolique–d’unex-petitami.Alexandre se frotta énergiquement le visage et les cheveux pour essayer d’émerger du coaltar dans

lequelilétaitenglué.Sonestomacgargouilla,luirappelantqu’iln’avaitpresquerienavalédelajournée.Entendantunmurmuredevoix,ilseditqu’Anaïsétaitrentréeetdevaitregarderlatélévision.Ouvrantlaporte de la chambre, il se figea sur le seuil, bien réveillé cette fois :Anaïs était debout aumilieudusalon,danslesbrasd’unhomme!Unevagued’émotionviolenteparcourutAlexandre.Ilserralespoings,pris d’une colèremeurtrière à l’idée que la jeune femmepuisse tromper son frère –mais aussi d’uneviolentepulsiondejalousie.—Jedérange?lâcha-t-ilenentrantaupasdechargedanslesalon.—Alex!Tuesdéjàréveillé!s’exclamalajeunefemmeenseretournant.Elleneparaissaitpaséprouverlamoindreculpabilité.Ellesemblaitmêmecontentedelevoir.—JeteprésenteDenisAgostini,notrecolocataire,annonça-t-elle.C’estluiquidortdanslachambre

enfacedelamienne.Denis,jeteprésenteAlexandre,lefrèred’Adrien.LedénomméDenisétaitungarçoncharpenté,detaillemoyenne,auvisageagréable.IladressaàAlex

unsourireincertainenluitendantlamain.Celui-cilaserra,plusfortqu’ilnel’auraitdû.Voyantsonvis-à-vis réprimerunegrimace, il seditqu’ilavaitexagéré,cequine l’empêchapasderemarquerque lejeunehommetremblaitetquesesyeuxsombresbrillaientunpeutrop.Denissemblahésiteruninstantavantdesedécideràs’asseoirsurlecanapé;ilserraitsesmainsl’une

contrel’autrecommepoursedonnerunecontenance.—CommentvaAdrien?demandaAlexandreens’appuyantaumur,brascroisés.— Pas grand-chose de nouveau, répondit Anaïs en s’asseyant elle aussi. Je suis restée à l’hôpital

jusqu’àlafindesvisitesavectesparents.Toutcequelesmédecinsontpunousdire,c’estqu’ilsvontfaire un nouveau scanner pour évaluer l’étendue de la commotion cérébrale et que, d’ici là, il fautattendre.Du coin de l’œil,AlexvitDenis blêmir et baisser la tête, fixant le sol,mais sans faire lemoindre

commentaire.—Ilsnousontditderappelerdemainvers9heuresaubureaudesinternes.Ilsnousdirontcomment

Adrienapassélanuit,poursuivit-elle.Alexandre rêvait de partir, de reprendre sa moto et de retrouver le cours normal de sa vie mais,

maintenantqu’ilétaitcalmé,ilsesentaitl’obligationd’attendreaumoinsjusqu’àcequelesmédecinsseprononcent.Celaallaitlecontraindreàresterquelquesjours.Côtéboulot,cen’étaitpasunproblème,ilavait des congés à prendre. En revanche, côté famille… Sans compter qu’il allait devoir demanderl’hospitalitéàAnaïsetDenispourcettenuit.Ilétaittroptardpourselanceràlarecherched’unechambred’hôtel.L’idéed’allerdormirchezsesparentsneluitraversamêmepasl’esprit.Si rester à l’appartement était la solution la plus simple, Alexandre savait que ce n’était pas pour

autant une bonne idée. Il doutait de ses capacités de résistance, surtout avec la fatigue qui leminait.Soumisàlatentation,iln’étaitpascertaindepouvoirgardersonsecrettrèslongtemps,alorsqu’Anaïsserait là, toutprèsdelui.Seulement,s’ilparlait, ilseconduiraitcommeunvéritablesalaud.Tenterderécupérerlapetiteamiedesonfrèrealorsquecelui-ciétait inconscientsurunlitd’hôpital,n’étaitpashonorable. C’était même immoral à ses yeux. Car, quoi que puisse en dire sa mère, Alexandre avait

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certains principes…Legenre de principes qui n’avaient pas étoufféAdrien quand il lui avait volé lafemmedesavie.Sonestomacgargouilladenouveau,lerappelantàl’ordredespriorités.—Celanevousembêtepassijefaisunedescentedansvotrefrigo?—Nousallons t’accompagner.Nousn’avonspasmangénonplus, acquiesça-t-elle enprécédant les

deuxhommesdanslaminusculecuisine.

*

Tout en mettant de l’eau à chauffer pour faire cuire des pâtes, Anaïs observa du coin de l’œilAlexandrequiaidaitDenisàmettrelatable.Ildevaitsesentirmieux,maisdescernesnoirsmarquaienttoujours sonvisage, et ses traits étaient tirés.Elle s’attendrit : en chaussettes, il était nettementmoinsimpressionnant…—Merde!s’exclamasoudainAlex.J’ailaissémabécanesurleparkingdel’hôpital.—Tonpèrel’aconduiteici.Elleestdanslacour,derrière.Illâchaunsoupirsoulagé,ensepassantlesmainsdanslescheveux.—Jepréfèreça.—Qu’est-cequec’est,commemodèle?demandaDenis,soudaintrèsintéressé.Pendantquelesdeuxhommesparlaientmécanique,Anaïsversaladosehabituelledepâtespourtrois,

hésita,puisvidatoutlepaquetdanslacasserole.Sielleavaitbonnemémoire,Alexavaitunsolidecoupdefourchette;lesprovisionsdelasemainerisquaientd’enprendreuncoup.Lessteakshachéssurgelésmisàgrillerdanslapoêle,elles’assitàtable,écoutantlesdeuxhommes

parler fourche télescopique et freins au carbone.Elle ne put s’empêcher d’observer à la dérobée sonancienpetitami,hésitantàaborderlesujetquilapréoccupaitpresqueautantquelasantéd’Adrien.Ellen’avaitpasenviedesedisputeraveclui,maisilallaitbienfalloirquequelqu’unparleàAlex…Elleprofitad’unblancdanslaconversationausujetdescarburateurspourselancer.—Tamèren’allaitpasbiendutout.—Sansblague!lanarguaAlexenlafixantdroitdanslesyeux.Sonpetitchérid’amourestàl’hosto.

C’estlafindumonde,pourelle.Enuneseconde,ilavaitchangéd’attitude.D’amicaletsouriant,sonvisageétaitdevenudur,cynique.

Anaïssoupira.ElledevaitcalmerAlexandre–mêmesi,aufond,elleétaitplutôtdesoncôté–,l’ameneràfairelapaixavecmère,aumoinsenapparence.Sanscelal’ambianceautourdulitd’Adriendanslesjoursàvenirseraitirrespirable.—Ellenepensaitpascequ’ellet’adit,tenta-t-ellesansgrandeconviction.—Maisbiensûr,commeàchaquefois!—Surlecoup,ellen’apasmesurélaportéedesesmots,etmaintenantelle…—Maisbiensûr!répéta-t-il.Onvamedemanderdepardonner.Commed’habitude.D’êtreungentil

filscompréhensif.Commed’habitude.—Elleaeuunmalaisequandellearéalisécequ’ellet’avaitdit.Sansréfléchir, la jeunefemmeavaithaussé le ton ;Alexandres’était redressésursachaisepour lui

faireface,furieux.Ilss’affrontaientduregard.

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*

Oublié,Denis les observa l’un après l’autre, conscient d’avoirmanqué plusieurs épisodes. Il avaitfailli avoir une attaque en voyant ce type inquiétant surgir de la chambre de sa colocataire. Grand,baraqué,vêtud’unjeanuséjusqu’àlatrameetd’untee-shirtnoir,Alexandreétaitimpressionnant.EtilavaitparuencolèredelevoirserrerAnaïsdanssesbras.Ainsic’étaitlui,cefameuxfrèreaînédontAdrienneparlaitpresquejamais.Celuiqu’ilévoquaitàmi-

voix,etquiétaitpartisansseretourner.L’aventuriersanscesseauboutdumonde.Denisn’avaitaperçuAlexandrequesurquelquesphotos,maisquiremontaienttoutesàdesannées.Ilavaittoujourspenséquelesdeuxfrèresdevaientavoirunairdefamille:ilserendaitcomptemaintenantquecen’étaitpaslecas.Adrien avait les cheveux noirs, les yeux noisette et un tempérament affable et rieur. Il souriait tout letemps.Alex,unpeuplusgrand,avaitlescheveuxtroplongs,châtainsstriésdemècheséclairciesparlesoleil,lesyeuxclairsetétaitvisiblementd’untempéramentbeaucoupplusombrageux.Denistournalesyeuxverslajeunefemmequis’étaitlevée,poingssurleshanches.—Tunepourraispas,aumoins,fairelapaixavecellependantqu’Adrienestàl’hôpital?—Pourquoi?Qu’est-cequeçachange?rétorquaAlex,provocateur.Elleajusteuneopportunitédele

chouchouterencoreplus!Le comportement d’Anaïs surprenait Denis. Il savait qu’elle avait bien connu les deux frères,

puisqu’ilsavaientétévoisinstouteleurenfance,maisellen’évoquaitjamaisAlexandre.Ilenavaitdéduitqu’ellen’avaitguèrefréquentécegarçonplusâgéqu’elleetquesonaffectionseportaituniquementsurAdrien. Seulement, depuis qu’il les voyait ensemble, il n’en était plus si sûr. La façon dont ils separlaient, leurs regards, leursgestes laissaientpenser, aucontraire,qu’il existait entreeuxun lien trèsparticulier. Quelques minutes plus tôt, Alexandre avait posé ses mains sur les hanches d’Anaïs pourqu’ellesedécale,etqu’ilpuissepasserderrièreelledansleurcuisineexiguë.Lafaçondontilavaitposésesmains sur elle, très bas sur les hanches, presque à la hauteur des fesses, les doigts écartés, étaitambiguë.Denisavaitétésurprisparcetteprisedepossessionpresque…intime.Pourtant,Anaïsnes’étaitpasformalisée.Commesielleétaithabituéeàdetelsgestesdesapart…—Çacrame!annonçasoudainAlexendésignantlapoêle.Lajeunefemmeseprécipitaetsauvalessteaksquicommençaientàcarboniser.— Saignant… exactement comme j’aime, ronronna Alex avec un sourire ironique qui lui valut un

regardnoir.Alexandredevaitêtreaffamé,malgrétout,carilnelevapaslesyeuxdesonassiettedurantlesminutes

quisuivirent.—Ausujetdetamère…,voulutrelancerAnaïsdèsqu’ileutfinidemanger.—Stop!Situcontinues,jevaisdevenirvulgaire,prévint-ilenlevantlesmains.—Pourquoiest-cequej’ail’impressiondenepastoutcomprendre?Denisavaitprissoncourageàdeuxmainspourintervenir,espérantdésamorcerlabagarrequicouvait.

Alexandrepivotalentementversluiavecunsouriremauvais.—Parcequ’iltemanquel’épisodeoùmachèremèreaémislesouhaitquecesoitmoi,àl’hosto,au

lieudemonfrère.—Cen’estpaspossible!Unemèrenepeutpasdireça…—Lamienne,si.Adrienestsondieu.Moi,sijepouvaisavoirlabonneidéedecreverloin,trèsloin,

etsansfairedevagues,elleenseraitravie.

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—Alex,arrête!s’écriaAnaïs.Tunepeuxpasdiredestrucspareils.—Pourquoi?C’estpourtantlavérité.—Non,c’estfaux,ettulesais.Vousnevousentendezpas,vousvousdisputezsansarrêt,maisellene

t’ajamaissouhaitélemoindremal.—Saufaujourd’hui!Ilss’affrontèrentdurementduregard,Alexrefusantdesesouvenirdunombredefoisoùsamèrel’avait

emmené à l’hôpital après des chutes, morte d’inquiétude, oubliant les nuits elle l’avait veillé, sessacrificesfinancierspourluioffrirlescadeauxdontilrêvait…—Entoutcas,Adrienseraheureuxquetusoislàquandilvaseréveiller,ditDenis,tentanttoujours

d’apaiserlatension.—Passûr,rétorquaAlexenbraquantdenouveausonattentionsurlui.Tun’espeut-êtrepasaucourant,

maistongentilpotem’apiquémacopine.Denissursauta.—Alex,tuespénible!s’exclamaAnaïs.— Je sais,mais cela ne t’a jamais empêchée de coucher avecmoi. Je peux squatter votre salle de

bains?demanda-t-il,lesprenantparsurprise.Jen’aipasprisdedouchedepuisledépartdeDjakarta,etjemesenscrade.—Tuarrivesd’Indonésie?s’étonnaDenis.—Ouais…Jepeuxtepiquerunrasoirjetableetdelamousseàraser?—Biensûr,sers-toi.Dansleplacardàdroite.—Merci.Alexandre attrapa son assiette, ses couverts et les déposa dans l’évier avant de disparaître dans la

salledebains,unepommeàlamain.—Ilyadesserviettessouslelavabo!criaAnaïs.—Jevaissurvivre!Laporteclaquasurlui.

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—Waouh!s’exclamaDenisenécarquillantlesyeux.—AlexandreVandevilledanstoutesasplendeur.Têtu,arrogantetparfaitementinsupportable.—C’étaittonmec?—Laplusgrosseerreurdemavie.Anaïsluiracontacequis’étaitpassécinqansauparavantentreelleetAlex,etsurtoutpourquoielle

avaitrompu.—JecomprendsmieuxpourquoiAdrienditqueseréconcilieravecluiseraitcompliqué.J’aicomme

l’impressionqu’Alexn’apasdigérévotreséparation.—Sonorgueilenaprisuncoup.J’aiétélapremièreetsansdoutelaseuleàavoirosélequitter.Je

l’aitoujoursvuplaquerlesautresfilles.—Cen’estpasuntypeorgueilleuxquejeviensdevoir,maisunmecjaloux,lacontreditDenis, les

yeuxtoujoursrivéssurlaportedelasalledebains.—Alex?Tuveuxrire!C’estdéjàunmiraclequ’ilserappelledemoiaumilieudesonharem.Lejeunehommesecoualatête.Leurcomportement,leursgestes,disaientbiend’autreschosessurleur

relation.Quelquechosede très fortquiétait restéensuspens…Unesituation jamais résolueetquinepouvaitqu’évolueraucœurdece trio réunipardesévénements tragiques.L’avenirnes’annonçaitpassimple…

*

Alex se baissa et trouva cequ’il cherchait dans le placard sous le lavabo. Il ne put s’empêcher depouffer de rire. Une pile de serviettes blanches et roses à gauche, version fille, et une pile bleue etmarron à droite, version garçon ! Bien nettes, bien rangées… Par provocation, il attrapa une grandeservietterosepâle.Ilattendaitavecunejoiepresquesadiqued’entendreAnaïsrâlerqu’ils’étaitservidesesaffaires,aulieudeprendrecellesdesonfrère.Ladoucheluifitunbienfou.Ileutl’impressionquesonénergierevenait,qu’ilredevenaitlui-mêmeet

retrouvaitsoncalme.Ilressortitenfredonnantetensefrottanténergiquementletorse.Ilsefitlaréflexionquelasalledebainsétaitaussiminusculequelacuisine.Àtrois,touslesmatins,celadevaitdemanderunesacréeorganisationpourêtreàl’heure…etéviterlabousculade.Toutenseséchantlescheveux–quiavaientunbesoinurgentd’unecoupe–,illaissasonregarderrer

surlatablette.Deuxverresàdents,unpourlesgarçons,unpourlafille.Ellen’étaitpasobligéedepousserlegirlyjusque-là,s’amusa-t-ilenjouantaveclabrosseàdentrose

d’Anaïs.

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CommeleluiavaitindiquéDenis,iltrouvatoutlenécessairepourseraserdansleplacard«homme»àdroite.Avecunecuriositéassumée, ilouvrit celuidegauche :maquillage,déodorant…tampons.Ensouriant,ilpritleflacondeparfumetlehumaavecdélectation:douxetfleuri.Lafragranceallaitbienàlajeunefemme.Uninstant,ilselaissaalleràrêverqu’ilrespiraitcettedouceodeurdanslecreuxducoud’Anaïs,sursapeausatinée.—Arrêtededéconner!jura-t-ilentresesdentsenreposantlabouteille.C’estlafemmedetonfrère.Unepenséequi lui faisait toujoursaussimal,malgré lesmoisécoulésdepuis ladécouvertedecette

déplaisanteréalité.Alexrefermalaportedumeubleets’attaquaàsabarbedequatrejoursensifflotant.Contentd’avoir

retrouvéunvisagehumain, ilpassaensuiteunemainsursapeauirritéeetrouvrit leplacarddedroite,espérantytrouverunbaumeaprès-rasage…Maisilyfitunetouteautredécouverte.

Quand,dixminutesplustard,Alexandreressortitdelasalledebains,iltrouvaAnaïsetDenisinstallés

devantlatélévision,devantunreportagequimanifestementnelesintéressaitguère.Denisserongelesongles,ilestnerveux,nota-t-ilparhabitudeprofessionnelle.—J’aicraqué,luiavouasoudainlajeunefemme.J’aitéléphonéàl’hôpitalpendantquetutedouchais.

L’infirmièredenuitm’aditqu’iln’yavaitriendenouveau.Jeluiaifaitpromettredem’appelers’ilsepassequelquechose.Alexandrehocha la tête.ToutenobservantDenisducoinde l’œil, il se laissa tomberdans lepetit

canapéplacéentrelesfauteuils.—J’aiunequestion,annonça-t-il.—Laquelle?—QuandetcommentvotrebelleetvieilleamitiéàAdrienetàtois’est-elletransforméeenunetendre

histoired’amour?Commepersonneneveutjamaisrienmedire,danscettefamille,jesuisunpeulargué.—Je…jen’aipasenvied’enparler,réponditAnaïssoudainsurladéfensive.—Tu n’en as pas envie…C’est étonnant. Pourquoi ne pasm’expliquer à quel pointmon frère est

merveilleux?Àquelpointiltecorrespondmieuxquemoi?Àquelpointc’estgénialentrevousdeux?—Celaneteregardepas!s’exclama-t-elleenselevantd’unbondpourluifaireface.Loinderépondresurlemêmeton,Alexandrerestaassis,penchéenavant,lescoudesappuyéssurles

genoux,illadévisageaitd’unairétrange.—Ettoi,Denis?Tuesletémoinprivilégiédecettebellehistoire,tudoispouvoiréclairerlalanterne

dupauvreimbécilelaissépourcomptequejesuis.—Ce…Cen’estpasmonrôledem’enmêler.Toujours aussi calme, Alexandre laissa son regard passer de l’un à l’autre. Il prenait son temps,

sachanttrèsbienqu’illesavaitmissurlescharbonsardents;maisiln’avaitaucuneenviedesemontrerconciliant.—Quandvousaurezfinidemeprendrepourundemeuré,faites-moisigne!Anaïsdevintcramoisie,alorsqueDenissecrispaitnesachantquoidire.—Pourquoidis-tuça?finit-elleparrépondre.— Pourquoi j’ai fini dans le bureau du dirlo quand vous étiez en sixième ? lui demanda Alex

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abruptement.—Parcequetut’étaisbattu,murmuraAnaïs,blême,enseremémorantl’incident.—Tutesouvienspourquoijemesuisbattu?—DeuxcrétinsavaientinsultéAdrien,admit-elleavecréticence.—Oui,confirma-t-il. Ils l’avaient traitéde…de…C’estbête, lemotm’échappe.Rafraîchis-moi la

mémoire.Ilsl’avaienttraitéde…D’ungestecirculairedelamain,ill’incitaitàfinirsaphrase,lafixantdroitdanslesyeux,lamettantau

défi.—Detafiole,souffla-t-elle,atterrée,répugnantàrépétercemotordurier.—Bingo!s’exclamaAlex.Ilsautasursespieds,déployantsonmètrequatre-vingt-huit.—Pourêtreprécis, j’aidémoliunedizainede typespour lemêmegenredemotif.Çam’acoûtéau

moinstroispassageschezledirloetautantd’occasesdementiràmachèremère!Anaïsselaissatomberaufonddesonfauteuilensemassantlestempes.Elleavaitoubliécesvieilles

histoires.Pourtant,àl’époque,toutlemondesavaitques’enprendreàAdrienétaitlemeilleurmoyenderecevoir le poing d’Alexandre en pleine figure.Quand ils étaient enfants,Adrien, trop gentil, était lavictimetoutedésignéedescaïdsdebacàsable.Avecle tempset l’aidedesonfrère, ilavaitapprisàs’affirmer.—Maintenant,tuarrêtesdemeprendrepourundébile.Jeveuxlavérité!—Jenecomprendspas…tentaunedernièrefoisAnaïs.—Vousfaitesménageàtrois,outuesjustelàpourfaireécranetenfumermachèremaman?—Comment…comment?—C’estmonfrère!s’exclamaAlex.Jemesuistoujoursdoutédesespréférences.Surtoutquandila

commencéàveniràtousmesmatchs,figure-toi.—C’étaitàcausedemoi,corrigea-t-elle.Pourquejepuissetevoir.—Peut-être…Maisça luipermettaitaussidematermespotes!Tun’as toujourspasréponduàma

question:ménageàtroisouécrandefumée?—Écrandefumée,finitparavouerAnaïs,incapabledeluimentirpluslongtemps.Elleselevapourfairefaceàlacolèred’Alexandre,etDenisvintseposteràcôtéd’elle,ensoutien.—Çatedérange?demanda-t-il,prêtàendécoudre.—Aunomdequoiçadevraitmedéranger? rétorquaAlexen le fixantdroitdans lesyeux. Jen’ai

aucunproblèmeavecl’homosexualité.Jeparsduprincipequechacunaledroitd’aimerselonsoncœur.Maisjesuisenrogne!Furax!Ilsemitàtournerenrond,fourrageantdanssescheveuxencorehumides.—Pourlesparentsetcertainsdanslafamille,jepeuxcomprendrequ’ilhésiteàfairesoncoming-out,

maismoi?Pourquoim’avez-vousbaratiné?— D’après Adrien, répondit Denis avec une hésitation perceptible, tu n’es pas vraiment « gay

friendly».Alexandres’immobilisaetledévisagea,l’airahuri.—Tum’auraisditqu’ilneveutplusmeparleràcausedecequis’estpasséilyacinqans,d’accord,

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j’auraiscompris.Maislà,tumebalancesquemonfrèremeprendpourunhomophobe.J’aibiensaisi?—Alex,calme-toi! intervint la jeunefemmeenposant lamainsursonbras.Tudoiscomprendrela

situation…PersonnenesaitlavéritéendehorsdenoustroisetdesparentsdeDenis.—Cen’estpasuneraisonpourmeconnaîtreaussimal!—Avoueque tuas toutdumacho.Tucours les fillesdepuisdesannées.Tu roulesdesmécaniques

avectesmotos,ettuasmêmejouéaurugby!—N’importequoi!rétorquaAlex,écœuré.Denisaimelesmotosaumoinsautantquemoi.Etpuis,ce

quetudismefaitvraimentmal.Lesdeuxpersonnesquejepensaislesplusprochesdemoimejugentsurlabasedestéréotypesàdeuxballes.Secalantaufondducanapé,ilcroisalesbrasetbasculalatête,observantleplafondd’unairécœuré.

Unlourdsilences’abattitsurlesalon.—Tu acceptes qu’il te planque dans le placard ? demanda soudainAlex àDenis en se redressant.

Qu’ils’afficheavecunefille?—C’étaituncompromis,enattendant.Et…LavoixdeDenissebrisaet ilsedétourna,s’asseyant lesyeuxrivéssur lamoquette.Pourunefois,

Alexandredécidadefairepreuvedediplomatieetpréféranepasinsister.Visiblement,lejeunehommeétaitceluiquisouffraitleplusdelasituation.SetournantversAnaïs,illafixa.—Pourquoi?—Pourquoicettecomédie?Àcausedetesparents,etsurtoutdetamère.Pourquelleautreraison?

Comme à dix-neuf ans, Adrien ne lui avait toujours pas présenté de copine, elle a commencé à leharceler.Demoisenmois, la situationestprogressivementdevenue intenable.Undimanche,elle luiamêmeparlédeconsulterunpsy.Adrienacraqué:illuiaditquenousétionsensembledepuislongtempsmaisquenousn’osionspasleurdire.—Tuasjouélejeu?—C’estmonmeilleurami,ilm’atoujourssoutenu…Jeluidevaisbiença.—Vousviviezdéjàensemble?—Oui,depuisquelquessemaines.Nousavonsprétenduquenousnousétionsenfaitinstalléstousles

deuxsouscouvertdecolocation.—Quandnousnoussommesrencontrés,j’aimissixmoisàleconvaincredenouslaisserunechance,

avouasoudainDenisquiavaitsansdoutebesoindeparlerdesonhistoired’amour.Sixmoisàmebattrecontresespréjugésetsespeurs.Quandilaacceptéd’emménageravecmoi,j’aicruquej’avaisgagné.—Jenecomprendsplusletimingdevotrehistoire,l’interrompitAlexperplexe.—Quand j’ai rencontré ton frère, il étaitdéjàprévuqu’ilprenneunappart avecAnaïsà la rentrée

suivante.Jemesuisgreffédanslescénariocommeletroisièmelarron,celuiquiaideàpayerleloyer.Nousavonsemménagétousensembleenvironunmoisavantquetamèrenelepousseàbout.—D’accord,jesaisismieux…CelasignifiaitaussiquelejouroùAdrienavaitprétendudevantleurmèreêtreencoupleavecAnaïs,il

vivaitdéjàavecDenis.Maispourquoin’avait-ilpasprofitédecetteopportunitépourdire lavérité,au lieudes’engluer

danslesmensonges?s’interrogeaAlex,perplexe.Quandonalachancedepartagerlaviedelapersonnequ’onaime,onladéfend,onsebatpourelle.

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Luiavaitessayé,maisilavaitperdulabataille…Maispeut-êtrepaslaguerre!réalisa-t-ilsoudain,plusoptimiste.—Tuessurtouten traindecomprendrequ’aprèsdeuxansdeviecommune,ditDenisavecunpetit

souriretriste,nousensommestoujoursaumêmepoint.Personnenesaitàquelpointjel’aime!Alexandre nota que le jeune homme n’avait pas osé dire « nous nous aimons », tant le secret était

verrouilléautourdesoncouple…Peut-êtreDenisdoutait-ildel’amourd’Adrien?C’étaitpossible.—Jenepeuxmêmepasallerlevoiràl’hôpitalsansrisquerdenoustrahir,marmonnaDenis.Ilneme

lepardonneraitpas.—Vousavezdéconné,ditAlexenéchangeantavecAnaïsunregardchargédesens.— J’en suis consciente, figure-toi. Depuis des mois, j’essaie de convaincre Adrien d’arrêter cette

comédie.D’annoncerquenoussommesséparés,maisilneveutpas.—Pourquoi?—Parcequetamèreveutunpetit-fils!Ellen’arrêtepasdeluidirequenousdevonsmettreunbébéen

routeaprèsmondiplômeetavantquejecherchedutravail,queceseraitlemeilleurmomentpourça.— Il va faire quoi dans sixmois quand tu aurasun job et pas degosse ? Il vadire quevous avez

d’abordbesoindefric,pourgagnerencoredutemps?AlexandrestoppasadiatribeenvoyantDenisblêmir.Inutiled’enfoncerleclou.—Adriennesaitpluscomments’ensortir,avouaAnaïs.Ilapeurquevosparentslerenient.—Iln’asansdoutepas tort.La tolérancen’a jamaisété lepoint fortdenotrechèremaman,surtout

concernantl’homosexualité.Ettesparentsàtoi?demanda-t-ilàAnaïspourchangerdesujetetessayerd’épargnerunpeuDenis.—Ilspensentquecettehistoirenedurerapas.Mamèresaitquej’aieulebéguinpourtoi.Unjour,elle

m’adit:«Adrienestgentil,maisceneserajamaisAlex,alorsgrandisunpeu».—J’adoretamère.—Cen’estpasréciproque!— Je le sais, s’amusa-t-il. Elleme considère comme un danger public. En fait, elleme l’a répété

chaquefoisqu’ellem’ainterditdet’approcher!—Mamèret’avaitdemandédenepasm’approcher?s’étonnaAnaïs.Alexandreluiadressaungrandsourireespiègle.—Jemesuistoujoursdemandésiellenem’avaitpasvuveniret…—Jevaismecoucher,annonçasoudainDenisluicoupantlaparole.Bonnenuit.

*

Lejeunehommeselevaetseprécipitadanssachambre.Ilnevoulaitpasqu’untypecommeAlexandrelevoieleslarmesauxyeux.Stupideorgueildemec,semoqua-t-ildelui-mêmeenselaissanttombersursonlit.Àcetinstant,Denisétaitterriblementinquietpoursoncompagnon…poursasanté,poursaviemême.

Etilnepouvaitrienfaire.Unterriblesentimentd’impuissanceluiserraitlagorge.Commesicelanesuffisaitpas,ilétaitleseulànepaspouvoiralleràl’hôpital,carsonémotion,trop

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visible, l’aurait trahi.IldevaitsecontenterdesnouvellesqueluiavaitcommuniquéesAnaïs.Iln’avaitjamaiseusimal,sipeurdetoutesonexistence.Àcetinstant,ilavaitaussibesoind’êtreseulpourréfléchir.Cetaccidentétait,àsesyeux,unsignedu

destin.IlavaitramenéAlexandredanslavied’Anaïs.Denisavaitbeauêtreamoureux,ilétaittempsqueluiaussiréfléchisseàsonavenir.Cettesituationbancalen’étaitplustenable.Ilsetuaitàpetitfeu.

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Toutendansant,Adriensurveillait son frèreducoinde l’œil.Depuissonarrivéeendébutd’après-midi, dans la grande maison familiale où tous fêtaient les soixante-quinze ans de leur grand-père,Alexandresemontraitmaussadeetdistant.Cesoir,pendantledîner,alorsqu’ilétaitinstalléàtableenfaced’Adrien,ilavaitàpeinedesserréles

dents,éludant lesquestionsconcernantsavieousonmétierde journaliste.Autresignedesamauvaisehumeur : alors qu’Alex avait été pendant des années le photographe attitré de tous leurs événementsfamiliaux,iln’avaitmêmepasdaignésortirsonappareildesonsac.Depuis que la plupart des convives s’étaient lancés sur la piste de danse installée sur la pelouse,

Alexandre s’était réfugié dans l’ombre des arbres, silhouette massive et énigmatique dont lecomportementinquiétaitdeplusenplusAdrien.Sisonfrèrecontinuaitàjouerlesours,leurmèren’allaitpas tarderà lui tomberdessuspour lesermonner…etcelaallaitencoredégénérerentreeux.Le jeunehommenesouhaitaitpasvoirlafêtegâchéeparleconflitpermanentquiopposaitAlexandreàleurmère.Ilsouhaitaitde toutsoncœurque lasoiréesedéroulesansaccroc,surtoutaprès lesennuiscardiaquesqu’avaitconnusleurgrand-père:ilfallaitabsolumentleménager,c’étaitd’ailleurssansdoutepourcetteraisonqu’Alexandreétaitprésentcesoir.Iladoraitlevieilhommeetferaittoutpourluifaireplaisir.Adrienespérait,depuisdesannées,voirsonfrèreetsamèreseréconcilier,maisnesavaitcomment

s’yprendre.Ilcraignaitdedéclencheruneviolentedisputeenpoussantcesdeuxfortespersonnalitésdansleursretranchements.Oubliantunmomentleursproblèmesfamiliaux,Adrienrattrapaavecadresselamaind’Anaïsetlafit

pirouetter autour de lui dans une série de figures rapides et compliquées. Autour de la piste, lesspectateurs, impressionnés, lesapplaudirent. Ilavait falludesannéesdecoursderockacrobatique,depassionetdepatienceauxdeuxjeunesgenspourarriveràcerésultat impeccable,et ilsenétaient trèsfiers. L’un comme l’autre regrettaient d’avoir trop peu d’occasion de danser en dehors de la salled’entraînementetdesquelquescompétitionsrégionalesauxquellesilsparticipaient.Aprèsunpassageparticulièrementtechnique,sacavalièreluiadressaunsourireradieux.Desmèches

decheveuxboucléss’étaientéchappéesdesagrossepince.Sa juped’été légère tournaitautourdesesjolies jambes, attirant tous les regards.Adrien savait exactement l’image qu’ils renvoyaient quand ilsdansaientainsi:celled’uncoupleuni,heureux,àl’ententeparfaite.Lachansonarrivaàson terme, les laissantessouffléset trèscontentsde leurprestation.Lamusique

changea de style. Pour laisser à son public le temps de récupérer, le DJ venait de lancer un slowromantique,coupantlesspotslesplusviolentsetcréantuneambiancetamisée.Alorsquelejeunecouplesepostaitsurlecôtépourrécupérer,ilsfurentassaillisdecompliments.Puis

lesdanseursderockseruèrentverslebuffetpoursedésaltérertandisqued’autrescouplesgagnaientlapistededanse,tendrementenlacés.

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*

Alexandresurgitsoudaindel’ombreetsaisielamaind’Anaïs.—C’estmontour,annonça-t-ilenl’entraînant.LajeunefemmeéchangeaunregardimpuissantavecAdrien.Pasmoyendes’échapperàmoinsdefaire

un esclandre.Heureusement, à la seule lumière des lampions, personne ne remarqua qu’Alexandre sepermettaitdetenirlapetiteamiedesonfrèrecolléecontrelui,sesmainsplacéesbientropbassursesreins.—Tumeserrestrop,ronchonna-t-elleenessayantdes’écarterunpeudelui.—Tunet’enplaignaispasavant,rétorqua-t-ilsansplusfaireaucuneffortpourmasquersacolère.Cinq ans… Cinq très longues années sans se voir, sans recevoir la moindre nouvelle de lui…

L’explication qu’Anaïs craignait depuis si longtemps aurait finalement lieu au milieu d’une piste dedanse…Lajeunefemmesedoutaitqu’Alexandrevoulaitluiparlerdepuisqu’elleavaitsurprissonregardsur

ellependantledîner.Unregardchargédereproches.—Detouslesmecspossiblessurcetteplanète,ilafalluquetutemettesàlacolleavecmonfrangin!

attaqua-t-il.—Élégant,commeexpression!s’exclama-t-elle,renonçantàluifairerelâchersaprise.Maisvenant

detoi,jenedevraispasm’attendreàautrechose!

*

Alexandreserra lesdents,maisne ripostapas. Ilne l’avaitpasvolé. Ilétait leseul responsabledufiascodeleurrelation.Aprèscequis’étaitproduit,jamaisAnaïsn’avaitvoululerevoir.Àl’époque,ilauraitétéprêtàsetraîneràgenouxpourqu’elleluiaccordeunedeuxièmechance.Seulement,ellen’avaitplusvouluentendreparlerdelui,etlavies’étaitchargéedelesséparerpourdebon.Quandilavaitdécouvertlajeunefemmeassiseaumilieudusalonfamilial,lessentimentsqu’ilavait

toujourséprouvéspourelle étaient remontésà la surface, intacts,malgré les annéesd’éloignement.Samèreluiavaitalorsannoncéla«bonne»nouvelle:Adrienétaitvenuavecsapetiteamie,lajolieAnaïs.Ilavaitétéchoquéd’apprendrequelafemmequ’ilavaittoujoursaiméeétaitencoupleavecsonfrère

etqu’ilsvivaientensembledepuisplusd’unan.Celaluiavaitretournél’estomac.Adrienl’avaitfrappédans le dos, l’avait trahi, son petit frère, le seul aumonde à savoir pourAnaïs et lui. Le seul à quiAlexandreavaitavouéàquelpointiladoraitcettefille,àquelpointilétaitfoud’elle.Àcetinstant,Alexétaitmaladedejalousie,ilsouffraitlemartyre,surtoutaprèslesavoirvusdanser

ensemble,sicomplices,sibeaux…siamoureux. Ilétaità l’agonie,etAnaïsétait rayonnante,heureusecommeill’avaitrarementvue.Maintenant,illasentaittendueentresesbras,raide,suivantvaguementlamusique. Rien à voir avec la danseuse flamboyante qui évoluait avec son frère quelques minutesauparavant.Soncorpssouple,dontilconservaitlesouvenirincandescentcontrelesien,criaitsonrejetdetoutcontact.Alorsquelui,pauvrecrétin,sentaitsapeaulebrûler.Il fallait qu’il lui parle, qu’ils arrivent à discuter de certaines choses, ou l’avenir serait intolérable

pourlui.Mais,pourlapremièrefoisdesavie,Alexandrenetrouvaitplussesmots.—Lasituationesttrèsinconfortable,ditsèchementAnaïs,leprenantdecourt.J’aimeraisqueturestes

discretsurnous.Jeneveuxpasquetafamillepensequejemecontented’Adrienparcequetum’asjetée.

Page 306: Couverture : © Alis ISBN : 978-2-01-397649-7ekladata.com/3PQh--1oZoTm77YbIVehTWJaFQM/Brise_e_-_Sophie_Sa… · Chapitre 1 Répudié La chaleur était presque insoutenable. Non. En

—Mais…maisc’esttoiquim’asviré!—Ahoui?fit-ellesemblantdes’étonnerendaignantenfinleregarderdanslesyeux.Iln’yapersonne

iciquicroiraàcetteversiondel’histoire,mêmesic’estlavérité.Àcommencerpartamère.Ellen’avaitpastort.Auxyeuxdetous,Adrienavaittoujoursétéungarçonsérieux,avecdesprincipes

solides, alors que lui traînait une réputation de coureur de jupons, accumulant les aventures sanslendemainet laissantunsillondecœursbrisésderrière lui– réputation trèsexagérée,desonpointdevue.— Sans compter ton oncle Gérard, poursuivit impitoyablement Anaïs, qui avec sa délicatesse

légendaire irait demander à Adrien pourquoi il se contente de tes restes. Ou Sandy, ta cousinenymphomane,quinemanqueraitpasdem’interrogerpoursavoirlequeldevousdeuxestlemeilleuraulit!Alexandre serra les dents face à ces vérités si brutalement assenées. Anaïs avait raison. Elle

connaissaitbiensafamille,etdepuislongtemps.Detoutefaçon,quoiquejefasse,quoiquejedise,ilesttroptardpourmoi.Iln’auraitjamaisdûrevenir.IlauraitdûserappelerquetoutétaittoujourspourAdrien.Luidevaitse

contenterdesmiettes…etAnaïsn’étaitpasunemiette.Lecœurprisdansunétau,serrantlesdentspourseretenirdelasupplier,Alexandrepritunegrandeinspirationetfitl’unedeschoseslesplusdifficilesdesavie:illalâcha.

*

AnaïssentitAlexandreôtersesmainsdeseshanches.Ellelevitreculerd’unpas:danssonregard,ellelutquelquechosedeterriblequ’ellen’yavaitencorejamaisvu: lerenoncement.Ilpivotasursestalons sans un mot, et disparut dans l’obscurité, la laissant pétrifiée, peinant à contenir un immensesentimentdegâchis…Ellel’avaittellementaimé!Adrienlarejoignitetilsseremirentàdanser,espérantquepersonnen’avaitrienremarquédecequi

venaitdesejoueraumilieudelapiste.—Qu’est-cequ’ilt’adit?—Pasgrand-chose.Jeluiaidemandéd’êtrediscret.Iln’apasrépondu,ilestpartisansmêmeessayer

d’argumenter.—Sansdiscuter?Çam’étonnedelui…Adriensoupira,visiblementgênéd’avoirmissacompagnedansl’embarras.—Jen’auraispasdûtedemanderdevenir.Maiscelafaisaittellementplaisiràmaman…Anaïs lui adressa un pauvre sourire. Si elle avait su qu’Alexandre, le globe-trotter, daignerait être

présent, elle aurait trouvé une excuse pour s’abstenir. Depuis qu’elle vivait avec Adrien, ils avaienttoujoursévitécetteconfrontationsansdifficulté.Quandilsquittèrent lapiste, la jeunefemmese laissa tombersurunechaiseet regarda lesautresse

ruerversunmadisonendiablé.—Veux-tuquej’ailletechercheràboire?proposaAdrien,toujoursaussiserviableetgentil.—Unjusdefruit,s’ilteplaît.Nauséeuse,ellenesesentaitpascapabledesupporterquelquechosedeplusfort.Elleleregardaun

instants’éloigneravantquesesyeuxcherchent,malgréelle,uneautresilhouette,plusmusclée.Quandelle

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avait accepté de partager la vie d’Adrien, elle savait que cemoment arriverait. Elle en avait eu plusd’unefoisdescauchemars.Elleavaitimaginécentscénarios,maisjamaiscelui-là.Leplusétrangeétaitqu’Alexandreavaitparudésarçonné,blessé…Lajeunefemmeneputretenirunsourireironique.Alexblessé,quelleidée!Vexé,sûrement.Furieux,sansdoute.Aucunefemmen’avaitlepouvoirdel’atteindre…àpartsamère,maisc’étaituneautrehistoirequine

laconcernaitpas–quinelaconcernaitplus.Anaïsfrissonnasouslabrisenocturnequifraîchissaitetremitsongilet.Ellesesouvenaittropbien–et

avecunecertainehonte–del’adolescentetransied’amourqu’elleavaitété,entotaleadorationdevantlefrèreaînédesonmeilleurami,unevéritableobsessionquiavaitcommencéàdouzeans.Elleauraitfaitn’importe quoi pour apercevoir Alexandre. Elle ne vivait que pour les brefs moments où elle seretrouvaitensaprésence.Beaucouptroptimidepourlesmettreenapplication,elleimaginaittoutuntasdestratagèmespourattirersonattention.Elle était allée jusqu’à supplierAdrien de l’emmener les dimanches après-midi au stade pour voir

Alexjoueraurugby.Tropgentil,ils’étaitexécuté;ill’avaitaussiinvitéeàfaireleursdevoirschezlui,luioffrantainsilapossibilitéd’approchersonidole.Si, au début, son obsession avait amusé Adrien, il l’avait ensuite souvent mise en garde contre le

comportementdetombeurmachodesonfrère,l’implorantdebienréfléchiravantdefairequelquechosequ’ellepourraitregrettertoutesavie.Anaïs n’avait pas encore dix-huit ans le soir où, après un match, Alex l’avait invitée au cinéma.

Surpriseetheureuse,elleavaitacceptéetcruatteindrelenirvanaquandilavaitenfinmontrédel’intérêtpourelle.Leurpremierbaiseravaitmarquésamémoireauferrouge.Lessuivantsl’avaientconquiseetconvaincuequ’ilétaitl’hommedesavie.Labellehistoired’amouravaitdurétroissemaines.Troistoutespetitessemainesqu’elleavaitvécues

surunnuage,allantjusqu’àluifaireimprudemmentdondesavirginité.Elleétaitpersuadéequ’avecelle,Alexandre était différent, qu’il ne se conduirait pas comme il le faisait avec toutes les autres filles.Qu’euxdeux,c’étaitmagique,c’étaitpourtoujours…Lachuteavaitétéd’autantplusbrutale:violente,etinfinimentdouloureuse!Cedimanche-là,Anaïsavaitréussiàs’échapperaprèsunrepasenfamilleetavaitprislebuspourle

rejoindreaustade:ellevoulaitluifaireunesurprise.Elleétaitarrivéelà-baspendantladeuxièmemi-temps, et Alex ne l’avait pas remarquée dans les gradins. Après le coup de sifflet final, elle l’avaitattenduàlasortiedesvestiaires,excitée,impatiente…sinaïve,siamoureuse…C’estlàqu’elleavaitentenduunediscussionàtraverslaporte.L’undesjoueurschambraitAlexandreà

sonsujet.—LapetiteAnaïsétaitencoredanslestribunes.EtAdrienn’estpaslà…—Ahbon?—Arrête,mec!Qu’est-cequiteprenddeperdretontempsaveccettegamine?Tunevaspasmedire

quetuprendstonpiedaveccebébé?—Sijelabaise,cenesontpastesoignons,avaitrétorquéAlexd’untonblasé.— C’est vrai qu’il faut bien que certains d’entre nous se dévouent de temps en temps pour faire

l’éducationdesbébés,avaitditunetroisièmevoixgoguenarde.—Putain,mec!Sabrina,missgrosnichons,estprêteàtetomberdanslesbras!

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—Celle-là, je l’aidéjàsautée,avait réponduAlex.Je te la laisse,mais je tepréviens :ellevautàpeineun6/10enétanttrèsgentil.Entroiscoupsdequeue,c’estréglé.—T’enpincespourlagamine.C’estça!—Maisquelcon,cemec!Tunecomprendsrienàrien,l’avaitrabrouéAlexd’untondur,avantde

lâcherunriregraveleux.Cettemômefaittoutcequejeveux,etdanstouteslespositions.Leplusmarrant,c’estqu’ellegobetoutcequejeluiraconteetqu’ellecroitquejemecontented’elle,qu’ellemesuffit.Anaïs avait été pétrifiée d’horreur. L’homme qu’elle aimait, qu’elle idolâtrait depuis tant d’années,

bafouaitsessentimentsetsemoquaitd’elledevanttoutlemonde.Enplus, ilsevantaitdelatromper!Elles’étaitsentietellementmalquesonestomacs’étaitretourné;elleavaitfaillitvomir.Ellen’avaitpaseulaprésenced’espritdesecacherquandlaporteduvestiaires’étaitouverte.Alexandreétaitsortilepremierets’étaitfigéunefractiondesecondeenlavoyant,avantd’afficherun

grandsourirecharmeur.Réunissantcequirestaitdesafiertéetdesoncourage,Anaïsavaitredressélatête.—Net’approcheplusjamaisdemoi,espècedesalaud.Elleavaittournélestalons,essayantdeconserversadignité,soutenueseulementparsonorgueil,parce

quec’étaittoutcequ’illuiavaitlaissé.Uneseconde,elleavaitfollementespéréqu’ilselanceraitàsapoursuite,qu’illuidemanderaitpardon…Puiselleavaitréaliséque,quoiqu’ildise,ellenepourraitplusjamaislecroireniavoirconfianceenlui.Laquestionnes’étaitpasposée.Alexétaitpartidans ladirectionopposée,avec les joueursdeson

équipe,pourallerfêterleurvictoire.Àsagrandesurprise, lesoirmême,et lesjourssuivants, ilavait tentédelajoindre.Commeellene

répondaitpasautéléphone,ilétaitvenul’attendreàlasortiedulycée.Deloin,elleavaitrepérésamotoetavaitréussiàl’éviterenpassantparl’autreissuedubâtiment.Ilavaitétéjusqu’àprendrelerisqued’escaladerlafaçadedelamaisondesesparentspourvenirtaper

aux volets de sa chambre. Elle ne lui avait pas ouvert, n’avait pas répondu non plus à ses appelssuppliants.Elleavaitrefusédeluiparler.Illuiavaitfaittropdemal.Ellenecomprenaitd’ailleurspaspourquoiils’obstinait…saufàavoirpariéavecsespotesqu’ilpourraitlarécupérer.Anaïsavaitgardélesecretsursonchagrind’amourquelquesjoursmaisunsoir,enrentrantdulycée,la

douleuravaitétélaplusforte.Elles’étaiteffondréeenlarmesdanslesbrasd’Adrien.Elleluiavaittoutavoué,lahonte,l’humiliationquiluidéchiraientlesentrailles.—Jevaisaller luiparler,avaitdécidésonmeilleurami,désolépourelle.Luidirede te laisseren

paix.Tusais, jepensaisqu’ilétaitsérieux.Ilestmêmevenumedirequejen’avaispasàm’inquiéter,qu’ilétaitamoureux.C’estpourçaquejenemesuispasinterposé.Alexandreluiavaitaussiditqu’ill’aimait.Enfin,ilnel’avaitmurmuréqu’uneseulefois,àunmoment

oùAnaïsauraitdûcomprendrequ’ellenepouvaitpascroireensasincérité.—Tu…vousavez…avaithésitéàdemanderAdrien,quiétaitd’unepruderieétonnantepourungarçon

dedix-huitans.—Jemesuisconduitecommeuneidiote.Jeluiaidonnécequ’ilvoulait.Toutcequ’ilvoulait,avait-

ellemurmuréenreniflant,aveclesentimentd’êtreunepitoyableidiote.Elle avait été encore plus stupide que toutes les autres filles qui étaient tombées sous le charme

d’Alexandre.Elleleconnaissaitdepuisdesannées,elleauraitdûêtreassezintelligentepournepassefaireavoirparsonbaratinetsonsourire.À cause d’elle, le soir même, les deux frères s’étaient violemment disputés. Sans même connaître

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l’originedelaquerelle,leurmèreavaitprisfaitetcausepourAdrien.Excédé,Alexandreavaitquittélamaison familialeenclaquant laporte. Il s’était installéchezsesgrands-parents le tempsd’obtenirunechambreuniversitaire.Depuis, Anaïs avait appris qu’il avait obtenu son diplôme de journalisme et déménagé pour Paris,

larguantlesamarressansseretourner.Ilavaitfalluquesongrand-pèrefasseunmalaisecardiaquepourqu’ilsedécideàreprendrecontactavecsesparents.Depuis, il téléphonaitdeuxoutroisfoisparanetvenaitencoreplusrarement.Lajeunefemmes’étaittoujoursrefuséeàdemanderdesesnouvelles,mêmesielletrouvaitparfoisdesarticlesoudesreportagessignésAlexandreVandevilledanslapresse.Àcequ’elleensavait,ilpossédaitunpied-à-terreàParisetvivaitlestroisquartsdel’annéeàl’étranger.Comprenantbien lasituation,Adrienévitaitdementionnerson frèredevantelle.Quand ils s’étaient

installésensemble, ilsavaientsuque leproblèmedecetteconfrontationseposeraitun jourou l’autre.Anaïssedoutaitqueceseraithorriblementgênant;ellen’avaitpasprévuquecelaseraitsidouloureux.

*

Il était 4 heures dumatin, etAlexandre ne dormait toujours pas. Les yeux rivés au plafond de sonanciennechambrereconvertieenbureau,ilréfléchissaitenessayantd’ignorerl’inconfortdulitdecamp.Iltentaitaussidenepassesentirjaloux…La chambre d’Adrien était intacte, comme au temps où il vivait ici.Mais tout signe de sa propre

existenceavait étégomméde lamaison familiale.Sesphotos, sescoupes sportives, sesdiplômes, sessouvenirs,toutavaitétéremisé,sansdouteaugrenier–peut-êtremêmejetéàlapoubelle.C’étaitcommes’iln’avaitjamaisvéculà.Commes’iln’avaitjamaisexisté…Lespenséesd’Alex s’envolèrentunenouvelle foisvers l’autre chambre. Il avait attendudes années

qu’Anaïs, l’adorable fille des voisins, la camarade de classe et meilleure amie de son petit frère,grandisse.Ilaimaitsesbouclesauburnindisciplinées,sestachesderousseur,sapeaudouce,safaçondesemoquerdelui…Ilavaittoujoursvouluêtreleseuldestinatairedesessourires.Fairesavieavecelleétaitsonrêve,sonbut.Il était sorti avecun certainnombrede filles pour acquérir de l’expérience, pourqu’une fois à lui,

Anaïsn’aitjamaisenvied’allervoirailleurs.Entoutehonnêteté,ils’étaitbienamusé,maisl’idéeavaittoujoursétélà,aufonddesatête,fermantsoncœuràtouteslesautres,etcecomportementluiavaitvaluuneréputationdetombeur–exagérée,d’ailleurs.AlexavaitregardéAnaïssortirdel’enfance,flattéetrassurédel’intérêtmaladroitqu’elleluimontrait,

conscientquel’attiranceetlessentimentsétaientréciproques.Elleallaitavoirdix-huitansquandilavaitcraqué.Unpremierbaiserfabuleuxdansl’obscuritéd’unesalledecinéma.Ilneluiavaitfalluquetroisjourspourlaconvaincredelelaisserentrerdanssachambreetdanssonlit.Ilavaitvécutroissemainesdebonheurfou,absolu.Ilavaittoutgâché,commeuncrétin.Parorgueil,parbêtise.Pournepaspasser,devantsespotes,pour

untypeamoureux,ilavaitmenti.Quandilavaitcomprisqu’elleavaitentenducettestupideconversationdevestiaire,ilauraitdûseprécipiterderrièreelle,setraîneràgenoux–tantpispoursaréputation.Maisilnel’avaitpasfait.Ilavaitvoulujouerlesdurs,certaindepouvoirrattraperlasituation.Ilavaitdéjàremâchécetteerreurmonumentaledesmilliers,desmillionsdefois.Laplusgrosseerreurdesavie.Cejour-là,ilavaitperdul’avenirdontilavaitrêvéet,quandlasituations’étaitdétérioréeàlamaison,

il avait dû parer au plus pressé : déménager, travailler pour financer la fin de ses études, puis tenirjusqu’àcequ’ildécrochesonpremiervraijob,campantsurlecanapéd’uncopainparisienoudansdes

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foyersd’accueil…Troporgueilleuxpour rentrer,pours’expliquerunebonnefoispour toutesavecsesparents. Trop orgueilleux pour supplier la seule femme qu’il ait jamais aimée de lui accorder unedernièrechance.Alexandre avait essayéd’oublierAnaïs.D’oublier ses rêves de créer une famille unie, d’avoir des

enfants,unebellemaison–desrêvessimples,trèsloindesambitionsquebeaucoupluiprêtaient.Àforcedevolonté,ils’étaitconstruitunevieagréable,aventureuseetsansattache.Iln’auraitjamaispenséretrouversonseulamourpartageantlelitdesonproprefrère!Alexandrese

sentait trahi. Une fois de plus, c’était le petit chéri àmaman qui gagnait. Comme toujours. Il y avaitpourtant quelque chose de bizarre qu’il n’arrivait pas à identifier. Mais il renonça à se creuser lesméninges.De toute façon, l’attitude d’Anaïs avait été très claire : son regard chargé de reproches, sarépugnanceàsoncontact.Soncœurseserraplusdouloureusementencore.Jenevaispasperdreplusdetemps.Jen’aiplusrienàfaireici.J’aitoujoursétédetrop,detoute

façon.Jedevraislesavoir.Décidé,Alexserelevad’unbond.IlnevoulaitpassedisputeravecAdrienqui,aprèstout,n’yétait

pourriens’ilavaitétéassezcrétinpourlaisserpassersachanceaveclafemmedesavie.Sisonfrèreavait fini par tomber amoureux de sa meilleure amie, tant mieux. Adrien était un garçon adorable,lumineuxet,aumoins,Anaïsseraitheureuseaveclui.Refairesonsacneluipritquequelquessecondes.Ilhésita,puislaissaunmotexpliquantqu’ilavaitété

appeléenurgencepoursontravail.Alexandresefaufilahorsdelamaisonendormieetpoussasamotojusqu’auboutdelarue,avantdel’enfourcheretdereprendrelechemindesaviesolitaire.

*

Lelendemain,aprèslepetit-déjeuner,Adrienregardasamèrejeterlemotd’Alexandreàlapoubelle.—Sontravail!Tonfrèren’aurajamaislesensdespriorités.IléchangeaunregardinquietavecAnaïsetluifitsignedelesuivredehors.—Tucroisqu’Alexestpartiàcausedenous?demanda-t-il.—Enpartie,maisonnepeutpasdirequ’ilaitreçuunaccueilchaleureux.Ilnedevaitpass’attendreà

desmiracles,maisàcepoint…Tamèreaététrèsdureaveclui.—Mamannel’apasfaitpasexprès,plaidaAdrien.—Arrête!Est-cequetuterendscomptequ’ellel’ainvité,qu’illuiaconfirméqu’ilvenait,etqu’elle

nel’aditàpersonne?Ellen’avaitmêmepasprévuunlitpourlui.—Jelesais,soupiraAdrienquinepouvaitpasdéfendrepluslongtempssamère.C’estmoiquiaidû

allerchercherunlitdecampencatastrophechezlavoisine!— J’étais dans la pièce quand elle lui a dit : « Je ne pensais pas que tu viendrais vraiment cette

fois».J’aibienvularéactiond’Alex.Ellel’aencoreblessé.Lejeunehommesoupiraetpassaunemainnerveusedanssescheveuxnoirs,sisemblablesàceuxdesa

mère.Était-il leseulavecAnaïsàserendrecomptequ’Alexétaitàunevirgulederompretoutcontactaveclafamille?Adrienobservaparlafenêtredelacuisinesesparents–MaryseetJean-Paul–quidiscutaient.Dansla

périodesuivantladécouverteaccidentelledulivretdefamille,oùilétaitmentionnéqu’Alexandreétaitné de père « inconnu », et qu’il avait été adopté par Jean-Paul, son frère avait eu des problèmes.La

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psychologueavaitditqu’ilcherchaitàattirerl’attentiondesamèrepours’assurerdesonamour.Marysen’avait pas voulu la croire, affirmant qu’elle aimait ses deux garçons sans faire de différence, maisqu’ellen’allaitpaspunirAdrienquinefaisaitpasdebêtisesjustepourquesonfrèreaitunesensationd’égalité.ElleavaitmarteléqueJean-Paulétait lepèred’Alexandreparcequ’il l’avaitélevé,etavaitrefuséderévélerlenomdugéniteurdesonfils.Celui-ciavaitfiniparserebelleraussicontresonbeau-pèreetavaitcessédel’appelerpapa.D’annéeenannée,lasituationn’avaitfaitqu’empirer,jusqu’àcetteénormedisputequiavaitprécipité

ledépartd’Alex.SiAdrienavaitconscienced’avoirprofitédecertainespréférences–leurmèreavaitétébeaucoupmoinsdureavec luiqu’avecAlex–, il se reprochaitaujourd’huidenepasavoiraidéetmieuxprotégésongrand-frère,l’idoledesonenfance,l’unedespersonnesqu’ilaimaitleplusaumonde.