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L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 6329 00). Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Hamda Elkhiari. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux.Collaborateurs permanents : Thierry Ananou, Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Benjamin Decormois, Clarisse Guiraud, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert,Stéphane Rio, Nicolas Sueur. Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73,

www.comdhabitude.fr. Publicités : GMF (p. 2), UNCME (p. 5), MAE (p. 11), CFC (p. 17), MGEN (p. 47), MAIF (p. 48). Compogravure : C.A.G., Paris.Imprimerie : Roto France, Lognes (77). CPPAP. n° 0123 S 06386. ISSN n° 0751-5839. Dépôt légal à parution.Illustration de couverture : © Manifestation pacifiste au Pré-Saint-Gervais en 1913, PRUNIER Gaston,© Musée Jean Jaurès. Prix du numéro : 3 €. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30 € ;étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €.

SOMMAIRE30 jours 4

Portrait 6• Anne Sylvestre

Actualité 8• Suicide de Christine Renon• Choix politique : régression• Climat : se mobiliser• Congrès FSU : thème 2• Mutations• Retraite par points :

– Retraite ou salaire ?– Refuser l’intox

• Bac Blanquer• Parcoursup• Comité de suivi des réformes• Colloque : éducation prioritaire• Élections des parents d’élèves

Éco/social 18• La situation économique,

monétaire et financière mondiale• Le Mercosur et le Ceta• Le manuel indocile de sciences sociales

Dossier 21• Mouvement social :

vers un renouveau des luttes ?

Métier 28• Autonomie et aide à domicile• Sciences et réforme du collège• Enquête SNES-FSU sur le métier

ÉditoPlus jamais ça !Le suicide de notre collègueChristine Renon, directriced’école, a provoqué une viveémotion chez tous lespersonnels de l’Éducationet déclenché de nombreusesréactions. L’opinion découvreque la souffrance au travail,les méfaits d’un mode degouvernance à la fois autoritaireet inepte, les conditions detravail de plus en plus dures,touchent l’Éducation nationalecomme d’autres services publics,l’hôpital, La Poste ou FranceTélécom, tandis que l’institutiondemeure muette, voire seréfugie dans le déni. Les alertesfurent pourtant nombreuses,qu’elles proviennentd’enseignants épuisés parl’accumulation des tâches etla valse des réformes, despersonnels de vie scolaire oud’orientation, dont les missionssont malmenées, descontractuels menacés à toutmoment de perdre leur emploi...Elles émanent de ceux et cellesqui, au quotidien, doivent sedébrouiller avec les sureffectifs,les injonctions hiérarchiques,les multiples réunions,l’insatisfaction devantl’impossibilité de faire du bontravail et qui s’épuisent, alorsque, pourtant, ils sont portés pardes valeurs, mus par l’adhésionà des principes, soucieux del’éducation de tous les jeunes.C’est dans cette situation mêmeque le gouvernement, censés’occuper du « bien-être »des personnels, dixit Jean-Michel Blanquer, réduitles compétences des CHSCT,supprime de nouveau des postes

dans le seconddegré, n’a àla bouche quele « travaillerplus »...

Frédérique Roletsecrétaire générale

21 DossierMouvement social

Catégories 30• Psy-ÉN : dans l’action• Éducation à la sécurité dans les transports• CNED• Préprofessionnalisation des AED

Sur le terrain 32• AESH : quel statut ?

Fenêtre sur 34• Gratuité des transports publics

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions

Entretien 40• Alice Zeniter

Rattrapage 42• Les dispositifs d’accompagnement

Dans la classe 43• L’oral du brevet

International 44• Mali : insécurité et déscolarisation• Congrès de l’Internationale

de l’Éducation• Italie : situation politique

Droits et libertés 46• PMA pour toutes• Mort de Steve Caniço

34 Fenêtre surGratuité des transports publics

6Portrait

Anne Sylvestre

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4 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

BILLET D’HUMEUR

Mielleux !

30 JOURS

Petit Ours brun est orphelin.Cette nouvelle a ému desjeunes et moins jeunes lec-teurs. Elle a visiblement inspiréle Directeur général de l’en-seignement scolaire (DGESCO),qui a le sens des priorités ! Ils’est fendu d’un tweet, un di-manche soir, à la mémoire deMarie Aubinois, son auteuredécédée, « un exemple de viedédiée à la transmission ». Pendant que tweete le DGESCO,que font les professeurs ? Ilsse débattent avec de nouveauxprogrammes, pour lesquels desfiches Eduscol arrivent trois

semaines après la rentrée ; ilsimaginent ce qu’ils vont répon-dre à des élèves et des parentsstressés par les E3C, sans au-cune information de la DGESCO,à trois mois des épreuves.Petit Ours Brun, le colibri « oi-seau de tous les records, vif,agile  », voilà à quoi le n° 2 duministère occupe ses soirées.Les professionnels, quant àeux, sont laissés seuls avecleurs dilemmes quotidiens. Lesilence est assourdissant. Bien-venue dans l’Éducation natio-nale de 2019 ! n

Sophie VénétitayPas prophète en son paysPlainte contre Uber après la loi sur les salariés en Californie.

11sept.

Sans faire de vagueLa société Tepco, propriétaire de la centrale de Fukushima vadéverser de l’eau radioactive directement dans l’océan.

10sept.

Un pansement750 millions d’euros pour désengorger les urgences.

9sept.

Le choc des photosCharlie Cole, le photographe du « Tank Man » de la place Tian’anmen, est mort.

13sept.

Je t’aime moi non plusDans une nouvelle lettre, Kim Jong-un invite Trump à Pyongyang.

15sept.

Début de l’automneAlgérie : nouvelle arrestation dans les rangs des opposants.

20sept.

Ça roule5e journée sans voiture à Paris en plein débat sur l’auto en ville.

22sept.

Du cinémaSous pression, Trump promet de divulguer les détailsde son entretien avec le président ukrainien Zelenski.

24sept.

Ça chauffe vraimentUn glacier du Mont-Blanc menace de s’effondrer côté italien.

25sept.

Putain, l’éternité !Décès de Jacques Chirac

26sept.

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R

Pas à la fêteDébat tendu entre Delevoye et Martinez à la Fête de l’Humanité.

14sept.

Copier mais pas colléeNommée à la Commission européenne, Sylvie Goulard, alors députéeeuropéenne recopiait les demandes du lobby bancaire allemand…

7sept.

Après « Taisez-vous », écoutez-moi !Jean-Michel Blanquer annonce la meilleure rentrée depuis dix ans.

2sept.

Il a la coteLeboncoin rachète le groupe Argus.

8sept.

EnfumagesLe drame industriel qui a touché l’agglomération rouennaise fin

septembre prouve à qui regarde la vérité en face que la « nouvellepolitique » ressemble à s’y méprendre à l’ancienne. Les marcheursfont de l’œil à la société civile mais le fossé qui sépare État etcitoyens n’a jamais été aussi profond. La protection d’État aveugleassurée aux forces de l’ordre dans le cadre des violences policièresdes derniers mois avait déjà refroidi de nombreux citoyens. Enplein été, le rapport de l’IGPN affirmant qu’il était impossibled’établir un lien entre la charge de la police et la mort de SteveCaniço, à Nantes, avait définitivement jeté le discrédit sur la parolede ce pouvoir. Avec l’incendie de l’usine Lubrizol, le gouvernements’enfonce encore un peu plus dans l’omission, voire dans le men-songe d’État. De sombres nuages planent sur nos têtes. Les incidentsne datent pas d’hier. Le danger est patent mais aucune mesure n’aété prise. Pendant ce temps, le préfet « communique », la PlaceBeauveau s’affaire, Matignon se veut rassurant. Plus personne n’ycroit ! Face à une population à qui on ne la fait plus sur les enjeuxenvironnementaux, le gouvernement, qui dépêche cinq ministressur place, dont le Premier, jongle entre dissimulation et transparence,et, au final, ne fait que raviver les braises de la défiance. Qui aparlé de pompiers pyromanes ?

L’arbre qui cache la forêtBrésil : pas de « catastrophe climatique », dit le chef de la diplomatie.

11sept.

Méthode CouéMacron motive les troupes LaRem pour une rentrée périlleuse.

16sept.

Comme un avion sans aileAir France n’a pas déposé de nouvelle offre pour Aigle Azur.

19sept.

Coup de semonceGrève massive à la RATP pour dénoncer la réforme des retraites.

13sept.

Tonton flinguéBalkany condamné pour fraude fiscale, envoyé en prison.

12sept.

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

PORTRAIT ANNE SYLVESTRE

la chanson, c’est celle qui se distingue, parses qualités les plus éminentes : sa sobriétéd’interprétation ; elle puise l’inspirationcomme le font tous les poètes dans ce quiconcerne l’Homme [...] ; c’est la chansonintérieure, le poème chanté ». La justesse deses mots, la musique et la poésie que ren -ferment ses phrases, en un mot la qualité deses textes la distinguent très tôt, et c’est ànouveau la première femme à voir son œuvrefigurer, en 1967, dans l’illustre Poésie etchanson des éditions Seghers, qui lui consa-crent un volume. Dans cette même période, Anne Sylvestrecrée un répertoire de chansons pour enfants,et là encore, elle est première à le faire : lesFabulettes sont écrites pour une de ses fillesau départ, elle ne sait pas alors le succèsconsidérable qu’elles vont rencontrer. Cerépertoire pour enfants participe à sa notoriétésur la durée, son succès ne se dément paspuisqu’elle vend encore aujourd’hui 10 000albums par an : le public des Fabulettes serenouvelle, les parents restent fidèles auxpetits qu’ils ont été, et les chansons résonnenttoujours dans les chambres d’enfants. La

ELLE EST TRÈS CONNUE DU GRAND PUBLIC, TOUTES GÉNÉRATIONS CONFONDUES. Certains l’ont écoutée enfants,et ont adoré ses comptines ; d’autres l’ont entendue assis à l’arrière de la voiture de leurs parents, sur unecassette audio, et ont grandi, nourris de ses chansons parfois drôles, parfois amères. Pour d’autres encore, elleest l’idole de jeunesse, une héroïne féministe.

Juste une femme librechanteuse se vante d’avoir donné auxenfants le goût des mots, et qu’ils lesaiment comme des bonbons ! Cerépertoire pour enfants, elle n’a jamaisvoulu le chanter sur scène, contraire-ment à Aldebert qui reconnaît uneforme de filiation quand il dit « C’estla première chanteuse que j’ai enten-due, j’espère que je continue danscette veine-là »(3). Ils sont nombreux les artistesqu’Anne sylvestre a influencés, ceuxqu’elle a connus et avec lesquels ellea chanté, bien sûr, mais aussi les plusjeunes : Jeanne Cherhal a réalisé unetrès belle reprise d’une de ses célèbreschansons, pourtant « vieille » de 40ans, Les gens qui doutent. Parce queles chansons d’Anne Sylvestre, àl’écriture classique, ciselée, percutante,recèlent des propos engagés, nous par-lent de la condition humaine, abordentdes questions de société, elles sont deportée universelle et résonnent en cha-cun de nous. Pour cette chanson enparticulier, Anne Sylvestre dit : « Je

voulais m’élever contre ces gens qui ont descertitudes [...] Et puis des gens ont fait atten-tion à cette chanson, se sont identifiés. Je nesavais pas qu’il y avait autant de gens quidoutaient. C’est devenu la chanson préférée,c’est drôle [...]. La chanson, ça sert à dire :“Vous n’êtes pas tout seul” ». Son public l’acompris et l’accompagne lui aussi, fidèle, aulong de sa carrière.

Une artiste engagéeAnne Sylvestre a très souvent devancé lesquestions d’actualité : son attention au monde,aux autres, sa sensibilité et sa profonde huma-nité lui ont permis de toucher du doigt dessujets essentiels, avant même qu’ils ne devien-nent vifs dans la société. La chanson qui l’afait connaître, Mon mari est parti, deviendrale chant emblématique des femmes pendantla guerre d’Algérie. La chanson a pourtantété écrite avant, mais en parlant de LA guerre,l’artiste parvient à toucher au cœur de façonatemporelle. Plus tard en 2007, avec Gay,marions-nous, elle plaide pour le mariagepour tous, bien avant le vote de la loi ; elledéfend l’environnement dans ses chansons,notamment dans Un bateau mais demain, oùelle dénonce les désastres écologiques. Un message tient une place d’exception dansl’œuvre de l’artiste : celui qu’elle consacre aux

Tout au long de ses 60 ans decarrière, Anne Sylvestre a très rare-ment été diffusée sur les ondes.

C’est pourtant une des grandes figuresde la chanson française, elle chantetoujours, et inlassablement, fait sallecomble.C’est un événement : Anne Sylvestredonne un récital de quatre concertsexceptionnels à la Cigale, à Paris, encette rentrée. Son spectacle, Manèges,compte six nouvelles chansons. Cetitre s’est imposé, « parce que la vieest un manège, parce qu’on n’arrêtepas de tourner en rond [...]. J’ai penséaussi à une image qui me reste de monenfance »(1). Son enfance, avec sesdeux frères et sa jeune sœur, elle lapasse près de Lyon. Puis la familledéménage à Suresnes pendant son ado-lescence, et elle s’installe ensuite àParis, pour longtemps. Elle y vit encoreaujour d’hui, dans un quartier populaireet vivant qui lui ressemble. Elle nourritune passion de jeunesse pour les mots,elle se dirige naturellement vers lesétudes de lettres, mais s’en échappera assezvite pour se tourner vers la chanson. En 1957,au cabaret la Colombe, c’est là que tout com-mence.

La première !Elle-même n’en revient pas quand MichelValette, qui dirige la Colombe, l’embaucheet lui fait donc une place aux côtés des« grands » de l’époque : P. Perret, G. Béartou J. Ferrat. Des femmes sur scène, il y en apeu. Et Anne Sylvestre est de surcroît auteur-compositeur-interprète, première femme àtenir tous ces rôles. Mais ce n’est pas si simpled’être pionnière, et Anne Sylvestre vit malses débuts, convaincue d’être mauvaise :« Quand tu défends tes propres textes, c’estton cœur et tes tripes que tu présentes auxautres. Est-ce que les gens allaient compren-dre ce que j’écrivais ? ».Non seulement les gens la comprennent, maiselle rencontre son public : durant dix ans,elle fait de nombreux cabarets, fait la premièrepartie de chanteurs vedettes, les Bécaud, Brel,Mouloudji. Elle devient une figure majeurede la rive gauche à Paris, égraine aussi lestournées en province, en Europe, à l’étranger.Elle force l’admiration des plus grands, Bras-sens préface son deuxième album, et dit àson sujet(2) : « Parmi les nouveaux venus dans

« Je suis. Je suis féministe,

je l’ai été en naissant »

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femmes. Deux chansons exceptionnelles ontbouleversé plusieurs générations de femmes,mais aussi d’hommes : Une sorcière commeles autres et Non, tu n’as pas de nom. Ceschansons féministes, engagées (Non, tu n’aspas de nom est un chant en faveur du droit àl’avortement, écrite avant la loi Veil), qui disentle pouvoir, la dignité et les droits des femmesdans la société patriarcale des années 1970,en ouvrant le champ des possibles, ces chansonssont un véritable appel d’air. Le message s’exporte et le propos (donc laquête de liberté) franchit les frontières, grâceaux tournées internationales de l’artiste, à sesamitiés avec les chanteurs canadiens notam-ment. Anne Sylvestre chante souvent au Qué-bec : elle y croise Reggiani avec lequel ellepartage la scène (elle écrit pour lui Mauma-riée, autre chanson dédiée àla condition féminine), ellechante de nombreusesannées avec Pauline Julien,chanteuse québécoise qu’ellea rencontrée à ses débuts,dans les cabarets parisiens,et avec laquelle elle entretiendra une longueet solide amitié. Ces chansons féministes ontprofondément et durablement marqué lesfemmes, et nombre d’entre elles sont encorechantées par des chorales, militantes ou non :sous des dehors légers, enrobées dans unemélodie douce et joyeuse, Clémence est uneode à la liberté des femmes et prône le droit

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 7

à la paresse, ainsique le partage destâches ménagères...Petit bonhommemoque un marivolage dont lesfemmes se vengent ense passant de lui : soli-darité et complicitéféminines ! Anne Syl-vestre l’avoue volon-tiers : « On n’a pasbesoin de me qualifierde féministe. Je suis. Jesuis féministe, je l’ai étéen naissant ». Si Unesorcière est devenue un hymne pour lesfemmes, Non, tu n’as pas de nom est un chant

de combat : jamais chan-son n’avait em ployé desmots si forts et si directspour défendre la libertédes femmes à disposerde leur corps (voir enca-dré ci-dessous). L’artiste

a-t-elle été censurée à la sortie de cette chan-son ? « Après Non, tu n’as pas de nom, iln’y a pas eu de réaction, mais je ne l’ai chan-tée qu’en concert. La réaction, c’est qu’ellen’est passée nulle part. Elle est réapparueau moment de la loi Veil. » Cette chansonculte, qui n’est jamais passée en radio, estpourtant bien connue des femmes.

Femme un jour, féministe toujours Dans les années 1980, outre ses tournéesinternationales, Anne Sylvestre enchaîne lesconcerts sur de grandes scènes des théâtresparisiens. Elle prend son indépendance etdevient sa propre productrice, ce qui n’estpas courant dans le milieu de l’époque. Sonstyle évolue (elle « lâche » sa guitare), elleinnove et multiplie les formes originales despectacle : avec Pauline Julien, elles donnerontplus de cent représentations d’un spectacleentre récital et théâtre musical. Début desannées 1990, elle écrit « Lala et le cirque duvent » une comédie musicale pour enfants,ou encore La Fontaine Sylvestre, un spectaclemusical inspiré des célèbres fables. À l’oc-casion de ses 40 ans de chanson, elle donneun récital à l’Olympia, sort une intégralede son œuvre et publie ses textes. De 2007 à2009, elle fête ses cinquante ans de carrièreet chante Mon jubilé.Non, Anne Sylvestre ne s’arrête pas, elle conti-nue d’écrire, toujours : « Dès l’âge de 11 ans,j’ai su que j’écrirai [...]. L’écriture était ungeste naturel. Plus tard, elle est devenuedavantage : une nécessité physique, un moyende survivre, vraiment ». Anne Sylvestre a sur-vécu en effet à une grave maladie, c’est à cemoment qu’elle a écrit une autre de ses chan-sons célèbres : Écrire pour ne pas mourir.Elle ne s’arrête pas et n’en a pas fini avecses combats : « Ce qui me blesse, et merévolte, ce sont les violences, les violencesfaites aux femmes bien sûr ». En 2013, ellesort un album intitulé Juste une femme, danslequel une chanson éponyme s’indigne contreles violences faites aux femmes : un couplety dénonce un certain DSK... Dans cet album,la chanson Violette met en scène une femmede 80 ans et des poussières. Si les femmesvieillissent – tout comme elle –, elles restentau cœur de son œuvre. n

(1) Les citations sont extraites d’interviews : RTL,TV5 Monde, Télérama.(2) G. Brassens en 1961 (INA)(3) TV5 Monde

PERLES ET MERVEILLES (Paroles de chansons)

◗ Non, tu n’as pas de nom (1974)Non, non, tu n’as pas de nomnon, tu n’as pas d’existencetu n’es que ce qu’on en pense...  [...]À supposer que tu vivesTu n’es rien sans ta captiveMais as-tu plus d’importancePlus de poids qu’une semenceOh ce n’est pas une fêteC’est plutôt une défaiteMais c’est la mienne et j’estimeQu’il y a bien deux victimes

◗ Une sorcière comme les autres (1999)Vous m’avez aimée servanteM’avez voulue ignoranteForte vous me combattiezFaible vous me méprisiez [...]Ce n’est que moiC’est elle ou moi Celle qui aimeOu n’aime pasCelle qui règneOu se débat [...]Et c’est ma mèreOu la vôtreUne sorcièreComme les autres

◗ Un bateau mais demain (2011)Un bateau s’est cassé, GrégoireOn veut déjà nous rassurerEt pourtant, c’est la mer à boireÀ boire et puis à en creverUn bateau mais demain, CarinePuisqu’un bateau a pu faillirDemain, ce sera une usineQui sera la mort à venir

◗ Juste une femme (2013)Il y peut rien si elles ont des seinsQuoi, il est pas un assassinIl veut simplement apprécierC’que la nature met sous son nezMais c’est pas graveC’est juste une femmeC’est juste une femme à saloperJuste une femme à dévaluerJ’pense pas qu’on doiveS’en inquiéterC’est pas un drameC’est juste une femme

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert

« L’écriture est devenue

une nécessité physique,

un moyen de survivre »

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Et ce n’est pas fini, puisqu’Anne Sylvestre a déclaréle 5 septembre : « J’ai encore des chansons à écrire » !

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8 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

ACTUALITÉSUICIDE DE CHRISTINE RENON

FORTE ÉMOTION DANS LA PROFESSIONLe SNES-FSU a exprimé sa plus profonde émotion après le suicide de Christine Renon,collègue du premier degré qui a mis fin à ses jours sur son lieu de travail. Dans sa lettre, pourexpliquer son geste, tout indique que ses motivations sont d’ordre essentiellement professionnel.

Le geste désespéré de Christine le samedi21 septembre, directrice de l’écoleMéhul à Pantin, bouleverse toute la

profession. Par un courrier adressé àquelques personnes, notre collègue décritle difficile exercice de son métier d’ensei-gnante et de sa fonction de directrice. Elley explique la surcharge de travail, avecl’accumulation de tâches au quotidien, etson impuissance malgré son profond atta-chement à sa mission, à ses élèves et à leurfamille, comme à ses collègues. Sa lettreexplique comment cette impossibilité defaire face a conduit à son épuisement, puisà l’irréparable pour mettre un terme à sasouffrance devenue insupportable.

Souffrance au travailSon geste témoigne en effet d’une extrêmesouffrance au travail qui fait écho au mal-être de l’ensemble de la profession.La forte émotion et le mouvement de pro-testation des enseignants du premier degréqu’ont suscités cet acte tragique révèlent les

difficultés auxquelles sont confrontés lesdirecteurs d’école, surchargés de travail etaccablés d’injonctions hiérarchiques.Il pose beaucoup de questions sur les condi-tions de travail des personnels présents auquotidien dans les écoles et les établissementset sur la perte de sens des métiers.Au-delà, c’est en effet toute la communautéscolaire, dans sa diversité de métiers, quise reconnaît dans le sentiment d’abandonexprimé par Christine Renon : les personnelssont laissés seuls face aux difficultés toujoursplus aiguës que connaît l’École. Ils compo-sent avec l’absence de soutien d’une hié-rarchie plus prompte à mettre en œuvre lesnouvelles politiques publiques managérialesqu’à faire corps avec la profession, à imposerdes réformes pensées sans et contre les per-sonnels. Ces pratiques managériales méconnaissentles réalités de l’enseignement, dessaisissentles personnels de leur expertise, et ne leuraccordent ni reconnaissance ni les moyensnécessaires à l’exercice de leur métier.

Aujourd’hui, les personnels sont écartelésentre le sens de leur engagement et la réalitéqu’ils vivent au quotidien. Ce sont ces situa-tions professionnelles qui sont responsablesd’une grande souffrance et sont à l’originede ce drame.

Personnels méprisésUn an après le mouvement #pasdevague lacolère légitime des personnels de l’Éducationest intacte. Le gouvernement n’a rien faitpour y répondre.Des personnels de l’Éducation nationale meu-rent au travail et de leur travail. Cette situationest intolérable. Le ministre doit prendre toutela mesure de la situation de l’École, apporterdes réponses urgentes pour un meilleur fonc-tionnement et garantir la santé, la sécurité etle bien-être au travail de l’ensemble de sespersonnels.Avec la FSU, le SNES présente ses condo-léances à la famille et aux proches de Chris-tine Renon. Elle apporte tout son soutien auxpersonnels touchés par ce drame. n

blements organisés dans tout le pays. Partouten France, dans de très nombreux établis-sements, les enseignants ont multiplié jeudiles initiatives en mémoire de ChristineRenon : une minute de silence, des motionset signature de la pétition « Plus jamais ça »(https:// plus-jamais-ca.fr). Une mobilisationpour lancer un cri d’alerte. En réponse, leministre rejette la faute « sur la société [...]et les journalistes qui mettent de l’huile surle feu ». Sur RTL, le jour même des obsèquesil poursuivait : « nous sommes tous dans lemême bateau qui s’appelle France » et sou-haite mettre en place un comité de suivi dela fonction de directeurs. Un énième comité,alors que c’est tout le management publicqu’il faut remettre à plat ! n

UN CHSCT EXTRAORDINAIRELa FSU par la voix de son représentant,et au nom de l’ensemble des représentantsdes personnels au CHSCTM demande àJean-Michel Blanquer la tenue, de touteurgence, d’un CHSCT extraordinaire. « Mon-sieur le Ministre, président du CHSCT minis-tériel de l’Éducation Nationale, le suicidede notre collègue directrice de l’écolematernelle Méhul de Pantin, dernier endate, est particulièrement éloquent et pro-voque un émoi et une colère profondsparmi les personnels. C’est régulièrementet à tous les niveaux que les représentantsdes personnels, notamment en CHSCT,alertent l’administration et signalent ouont signalé des événements dramatiquesou des situations très préoccupantes met-tant gravement en jeu la santé des agents.La situation mérite une réponse, c’estpourquoi, conformément aux articles 70et 69 du décret 82-453, les représentantsdes personnels au CHSCT ministériel del’Éducation nationale demandent la réuniondans les plus brefs délais d’un CHSCT extra-ordinaire sur la prévention des actes sui-cidaires des personnels des services, éta-blissements et écoles de l’Éducationnationale  » courrier adressé au ministrede l’Éducation nationale, le 1er octobre.

DE L’ÉMOTION À LA COLÈRE

Pour rendre hommage à Christine Renon,le SNUipp-FSU, FO, Sud, la CGT, leSE-UNSA et le SGEN-CFDT appe-

laient, en Seine-Saint-Denis, à une journéede grève et à un rassemblement devant l’ins-pection académique le 3 octobre. Plus de lamoitié des écoles du 93 étaient fermées. Lessyndicats, qui avaient saisi le CHSCT, ontorganisé la manifestation le jour des obsèquesde Christine Renon et au moment même dela tenue de ce CHSCT. Des parents de Pantinse sont également associés à cet hommageet ont écrit au ministre. Mais ce suicide sus-cite beaucoup d’émotion aussi en dehors dela Seine-Saint-Denis. Le SNES-FSU a appelétous les personnels à participer aux hom-mages rendus dans les nombreux rassem-

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Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 9

Il indique sans ambages : si les États netiennent pas leurs engagements climatiques,le niveau des mers aura augmenté de 60 à

110 cm d’ici la fin du siècle. Cette haussene serait « que » de 30 à 60 cm si les accordsde Paris (2015) étaient respectés. Ces chiffreschocs s’accompagnent de projections alar-mantes sur la biodiversité et la productivitémarine, sur les épisodes climatiques extrêmes,sur l’avenir des populations côtières (10 %de l’humanité).

TartufferieDans ce contexte, le sommet « Action climat »ouvert le 23 septembre à l’ONU semble unefuneste plaisanterie. Les médias ont com-plaisamment relayé les propos du présidentfrançais se permettant de criti quer les mou-vements de jeunes et leur conseillant d’aller

définies, à la fin du principe de solidaritéavec le développement des complémentairesprivées... Après la grève massive à la RATP,d’autres secteurs se sont mobilisés et, le24 septembre, l’appel initié par la CGT apermis d’enclencher une forte dynamique demobilisation ; de nombreux personnels del’Éducation ont défilé ce jour-là. Ils sontconscients des dégradations qui frapperaientles fonctionnaires à l’avenir, notamment lesenseignants, peu concernés par les primescensées compenser la baisse de leur pension.

Inquiétudes dans le second degréLa question inquiète de plus en plus les per-sonnels du second degré et le SNES avec safédération met en place une campagne des-tinée à informer, éclairer sur les réalités duprojet de réforme afin de permettre l’impli-cation la plus large dans un mouvement unis-sant l’ensemble des salariés. Le 5 décembre,début de la grève reconductible à la RATP,offre l’opportunité de ce rassemblement et

devra faire l’objet d’un débat lors des pro-chaines réunions des fédérations de fonc-tionnaires et de l’interprofessionnel la semainedu 7 octobre. La dénonciation des consé-quences du projet de retraites doit aussi s’ac-compagner de propositions et la thématiquede l’égalité, brandie par le gouvernement,doit être travaillée par les organisations syn-dicales.

Une autre politique est possibleLe principe directeur doit être qu’on ne cor-rige pas les inégalités en faisant régresser lesdroits mais en cherchant à corriger ces der-nières, que ce soit les différences de pensionhommes/ femmes, précaires, carrières inter-rompues...Des solutions existent, elles passent par l’aug-mentation des ressources, la lutte contre lechômage, l’augmentation des salaires... Le motréforme ne doit plus être systématiquementsynonyme de régression mais de progrès. n

Frédérique Rolet

manifester en Pologne, comme si la politiquefrançaise avait des leçons à donner alors queles discours verts sont systématiquementcontredits par les réformes à l’œuvre. Lamilitante Greta Thunberg l’a dit « how dareyou ? », « comment osez-vous ? » hypothé-quer l’avenir, traiter de façon aussi légèreune question aussi grave ?La mobilisation mondiale de la jeunesse levendredi (« Friday for future ») continue, lesmarches pour le climat s’amplifient : unenécessité, l’enjeu est vital. n

Valérie Sipahimalani

(1) Groupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat. Synthèse du rapport duGIEC : lejournal.cnrs.fr/articles/il-faut-respecter-de-toute-urgence-laccord-de-paris

CLIMAT : MOBILISATION IMPÉRATIVELe « Rapport spécial du GIEC(1) sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changementclimatique » a été publié le 25 septembre.

PARTIR EN CAMPAGNE !La campagne d’information sur la réforme des retraites bat son plein, le temps de la mobilisation arrive.

ÉLECTIONS AU CA : VOTEZ !Renforcez le poids de représentants engagés pour ladéfense et la promotion du service public de l’Éducationnationale, l’amélioration des conditions de travail despersonnels et d’étude des élèves, le respect de la liberté

pédagogique des personnels et des décisions des équipes.

Pour toutes questions : le Courrier de S1 n° 2 du 21 sep-tembre 2019 spécial conseil d’administration :https://bit.ly/2mSVrgc

Le président de la République aura besoinde déployer tous ses talents d’orateur s’ilveut convaincre du bien-fondé de sa

réforme des retraites ! L’opinion publiquequi a bien compris la réduction des pensionsprogrammées est majoritairement défavorableau chef de l’État et à ses propositions. Ellesconduisent tout droit à la fin des prestations

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10 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

ACTUALITÉ

Les commissions paritaires ne seront pluscompétentes en matière de mouvementdès le 1er janvier 2020. Chaque demandeur

de mutation devra, individuellement, déciderde contester ou non l’affectation communiquéepar l’administration. Les élus ne seront plusdestinataires, en amont des décisions de l’ad-ministration, des projets de barème puis demutation. Ils pourront toutefois intervenir surtoutes les situations sur lesquelles ils aurontété saisis individuellement.

Continuer à conseillerCe changement ne sera pas sans conséquencespour les personnels tant les erreurs, au niveaudes barèmes comme au niveau du projet demouvement, étaient nombreuses. Plus que jamais, les personnels devront faireappel au SNES et à la FSU pour faire respecterleurs droits. Dans le nouveau cadre imposépar la loi, le SNES-FSU sera, comme il l’atoujours été, aux côtés des personnels pourles aider et les accompagner dans leur demande

de mutation tout au long de la campagne 2020.Il est d’autant plus important, pour faire ensorte que tous les éléments de votre barèmesoient pris en compte, de prendre contact avecdes représentants du SNES-FSU et de parti-ciper à l’une des nombreuses réunions sur

les mutations organisées par le SNES-FSU.Dans tous les cas, en dépit de la volonté gou-vernementale de gestion opaque et arbitraire,vous pourrez compter sur le SNES-FSU, laforce que lui donnent le nombre de ses repré-sentants et leur expertise pour que vos droitssoient respectés.Une fois les résultats du mouvement connus,tout participant qui ne sera pas satisfait, c’est-à-dire tout candidat qui n’aura pas obtenu sonvœu 1, sera fondé à faire appel aux représen-tants SNES-FSU pour l’aider dans desdémarches de recours auprès de l’administra-tion, le recours étant prévu par la loi. Il est plus que jamais indispensable de solliciterles représentants SNES-FSU dans le cadre dumouvement, que ce soit lors de la phase interou de la phase intra. Nos publications à venir(papier et sur le site www.snes.edu) vous indi-queront la marche à suivre, l’administrationn’ayant pas encore pris de dispositions en lamatière. n

Thierry Meyssonnier

MUTATIONS : NOUVELLES MODALITÉSLE SNES-FSU TOUJOURS À VOS CÔTÉSLa loi n° 2019-828 dite de « transformation de la Fonction publique », promulguée le 6 août 2019, faitvoler en éclats une série de dispositions statutaires qui organisaient notamment des garanties collectives.

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CONGRÈS FSU, DES SERVICESPUBLICS ET DES PERSONNELSDans un contexte d’attaque majeure contre le statut de la Fonction publique, demarchandisation et d’externalisation des services publics, de modification profondedu système des retraites, le thème 2 se travaillera sous un jour particulier.

Depuis des décennies, l’offensive néoli-bérale en vue de transformer les servicespublics, soutenue par les différents gou-

vernements, aboutit à la marchandisation dubien public et des services publics par l’ap-plication de choix politiques et budgétairesaustéritaires. L’arrivée d’E. Macron s’est tra-duite par une transformation accélérée de laFonction publique et des services publicsavec le dynamitage du statut général desfonctionnaires. À l’inverse, la FSU reven-dique, pour remplir les missions d’intérêtsgénéral, de renforcer le statut et de créer despostes, dans un mouvement d’investissementmassif pour les services publics dans l’intérêtdes usagers et des personnels.

Défense du statutLa première partie du thème analyse la situa-tion des services publics, l’insuffisance deleur financement mais aussi les conséquencesde la territorialisation, de la privatisation oude l’externalisation. Cette partie se conclutsur les propositions de revendications pour

les services publics existants, tout en mettanten avant les besoins nouveaux de servicespublics. La question de leur financement esttraitée dans le thème 3.La seconde partie porte sur la situation despersonnels. La loi Fonction publique promul-guée cet été prévoit notamment de renforcerle recours aux contractuels : il est essentielde rappeler l’attachement de la FSU au statutgénéral de la Fonction publique et au recru-tement par concours. Cette partie décline aussiles projets de revendications de la FSU pourles carrières, les rémunérations et les retraitesdes personnels, titulaires comme contractuels.La question de l’égalité professionnelle esttraitée dans chacune des sous-parties.Le thème se conclut avec deux zooms, l’unsur les instances de consultations des élusdans la Fonction publique, mises à mal parla loi ; l’autre sur la laïcité. n

Gregory Frackowiak, Xavier Marand

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12 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

ACTUALITÉ

L’absence de financement supplémentaire,tandis que le nombre des plus de 60 ansva mécaniquement augmenter, inscrit la

réforme Delevoye dans la logique régressivedes précédentes. Le défi auquel est confrontéela retraite par répartition est bien celui dereconquérir un haut niveau d’emploi. Dansun système économique qui réalise des gainsde productivité, la réduction du temps de tra-vail est une forme de partage de ces gainsqui est nécessaire pour assurer un minimumde régulation. En deux siècles, le temps detravail individuel a été divisé par deux pendantque le nombre d’emplois augmentait de trois-quarts. Vouloir faire travailler les salariésplus longtemps revient à rompre le contratentre les géné rations.

Renouveler le contrat entre les générationssuppose de définir le niveau de vie à garantirpour les retraités avec un objectif de taux deremplacement, mais cela ne fait toujours paspartie de ce qui est mis en débat.

Devant le Conseil commun de la FPAlors qu’aucune simulation n’a encore étéfournie pour les enseignants, le ministreétait présent jeudi 3 octobre au Conseil commun de la Fonction publique. LeSNES, avec la FSU, a porté les spécificitésrelevant d’une construction historique dudroit à pension, à commencer par le régimede la Fonction publique, complètementimbriqué avec le droit à la carrière et doncau statut.

C’est désormais reconnu par tous, y com-pris au gouvernement : les enseignantsseront les grands perdants de la réforme

des retraites, avec une baisse des pensionsallant de 300 à 1 000 euros par mois, selonles estimations du SNES-FSU. Le ministre aouvert la porte à une revalorisation dans lecadre de cette réforme : c’est un piège ! Celareviendrait à accepter le cadre d’un nouveausystème de retraites qui fait voler en éclat lesprincipes de solidarité, aggrave les inégalités(notamment entre les femmes et les hommes),et laisse le montant des pensions incertainpuisque la valeur du point dépend de laconjoncture économique.

Sortir de l’impasseUne augmentation de salaire dans ce cadren’est qu’un jeu de dupes. Et cette pseudo-

revalorisation n’entrerait en vigueur qu’en2025, échéance fixée par le gouvernementpour la mise en place de la réforme. Dans le détail, la piste d’une augmentationdes primes est souvent évoquée, puisque lesenseignants en touchent peu par rapport àd’autres catégories de fonctionnaires. Maisles primes sont souvent attachées à des fonc-tions particulières, moins occupées par lesfemmes, ce qui aggrave les inégalités sala-riales – en particulier les inégalités hommes-femmes. Elles peuvent aussi être un redoutableoutil de management et ainsi contribuer àmettre en concurrence les personnels.

Avec le SNES-FSU, combattonsla réforme des retraites et exigeonsune revalorisation immédiate denos salaires. n

Sophie Vénétitay

Comme le SNES-FSU l’a montré, l’applicationdes paramètres du nouveau système(www.snes.edu/le-rapport-Delevoye.html) àune carrière relevant intégralement du régimeà points conduit à une baisse drastique des pen-sions, baisse qui n’est toujours pas contreditepar les promoteurs de ce nouveau système.

Public-privé : même combat !Même la Cour des comptes précise que « desrègles différentes n’induisent pas obligatoi-rement des inégalités de retraite, de même,au demeurant, que des règles similaires appli-quées à des populations différentes ne garan-tissent pas nécessairement l’équité »(1). Il fautdonc cesser d’opposer le public au privé. Sil’on doit réfléchir sur les retraites du publicet du privé, il faut faire un affichage d’objectifsconvergents, notamment en termes de tauxde remplacement pour les futurs retraités, etnon alimenter le soupçon. n

Erick Staëlen

(1) Rapport de la Cour des comptes d’octobre 2016sur les pensions de retraite des fonctionnaires.

LA RETRAITE PAR POINTS, C’EST DE LA RETRAITE EN MOINSLa pension n’est ni un revenu de transfert garanti par la « solidarité » (pour charité ?) nationale,ni le résultat d’une épargne individuelle. C’est un DROIT pour tous les salariés en tant que tels.

RETRAITE OU SALAIRE ?NE PAS TOMBER DANS LE PIÈGE ! Actant la perte sèche que provoquerait pour les enseignants la mise en œuvre du rapportDelevoye, le ministère propose à la profession un marché de dupes particulièrement pervers.

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Calcul actuel (code des pensions) Calcul système par points Perte de revenus

Pension Taux de Pension Taux de mensuels pour

mensuelle brute remplacement mensuelle brute remplacement l’enseignant retraité

40 ans 2 281,49 € 53,91 % 1 755,92 € 41,49 % 525 € (– 23 %)

38 ans 1 912,43 € 45,19 % 1  638,11 € 38,71 % 274 € (– 14,5 %)

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d’années

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Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 13

La fin des régimes spéciauxsupprimerait-elle des inégalités ?Appliquer des règles différentes à des situa-tions différentes n’est pas nécessairementsource d’inégalités, et appliquer une règleunique peut au contraire en générer. Les car-rières du secteur privé ne sont en généralpas linéaires et le calcul de la pension surles 25 meilleures années du régime général,même s’il représente une régression par rap-port à la situation antérieure à 1993, éviteque les années moins fastes n’amputent lapension. À l’inverse, les carrières des fonc-tionnaires sont ascendantes et la pension cal-culée sur la base des six derniers mois donnepourtant des taux de remplacement (rapportentre le dernier/meilleur salaire et le montantde la retraite) comparables au secteur privé.

Qu’en est-il des inégalités entreles femmes et les hommes ?La réforme proposée aujourd’hui dégraderaitle montant de la pension de toutes les femmestant dans le régime général que pour les fonc-tionnaires : fin de l’assurance vieillesse parentsau foyer AVPF, fin de la majoration de ladurée d’assurance et fin de la compensationdes temps partiels ou des interruptions de car-rière pendant les trois ans qui ont suivi lanaissance. Les bonifications pour enfants nés avant 2004seraient remplacées par une majoration uniquede 5 % par enfant pour l’un des deux parentset les droits supplémentaires accordés auxparents de trois enfants et plus seraient sup-primés.

Le système par points prépare-t-ille terrain à la capitalisation ?Le système par points a beau relever de larépartition, il impose une vision individualistedu modèle social en développant un espritd’accumulation personnelle qui favorisera

REFUSER L’INTOX DU POUVOIRLe système universel par points est présenté comme la solution à toutes les injustices et inégalitésentre les différents régimes et au sein même de ces régimes. Qu’en est-il vraiment ?

QUELQUES CHIFFRES BONS À RAPPELER3  % des salariés relèvent de régimes spéciaux. Le gouvernement met l’accent sur cesrégimes qui ne sont en fait que des conventions collectives compensant certaines contraintesspécifiques. Pourtant, tous les salariés seraient perdants si les préconisations du rapportDelevoye s’appliquaient.

40 % des salariés du privé ne sont plus en activité au moment de liquider leur retraite.

63 ans : c’est l’espérance de vie en bonne santé pour les hommes, 64 pour les femmes.Elle tend à régresser en raison du recul de l’âge de départ à la retraite… que le gouvernementvoudrait encore reporter !

Source : Eurostat.

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l’acceptation et le développement de sys-tèmes par capitalisation. De plus, le plafon-nement des dépenses de retraites à moinsde 14 % du PIB, couplé à l’augmentationinévitable de la part des retraités dans lapopulation totale, implique la baisse relativedu niveau de vie des retraités et constitueune incitation forte au recours à des méca-nismes d’épargne individuelle pour ceux quile pourront.

Un euro cotisé donne les mêmesdroits : une mesure de justice/égalité ?Dans un système par points, un euro cotiséne donne pas nécessairement le même nombrede points (voir ci-dessous) et, du fait desvariations de la valeur de service, un pointne donnera pas toujours les mêmes droits.De plus, contrairement au système actuel quine prend pas en compte les moins bonnesannées, dans un système par points, toutesles années comptent, tirant le niveau des pen-sions vers le bas.

Un financement sécurisé, cela veut-ildire que le montant de ma pensionest garanti ?Le système universel par points est présentécomme un système pérenne au financementsécurisé. Mais cela ne signifie absolument

pas qu’il garantit le montant des pensions.Bien au contraire ! Dans un système parpoints, le montant des pensions pour un mêmevolume de cotisations individuelles est condi-tionné par l’évolution de la valeur d’achatdu point au long des années de cotisation etpar la valeur de service du point au momentde la liquidation. L’ajustement de ces deuxparamètres permet donc très facilement d’as-surer l’équilibre financier du système (saufcrise majeure), sans jamais augmenter lescotisations, mais en baissant les pensions.Libre à chacun de travailler plus longtempspour préserver son niveau de vie à la retraite !

Maintenir le système actuel, est-ce possible ?Pour le SNES et la FSU, l’enjeu n’est pas demaintenir un système existant que les réformessuccessives, depuis vingt-cinq ans, ont consi-dérablement dégradé, mais de renforcer lessolidarités inter- et intragénérationnelles.Garantir de hauts niveaux de pension pourtoutes et tous implique un système de retraitesfondé sur l’emploi, les salaires et une autrerépartition des richesses. Cela nécessite despolitiques volontaristes en matière d’emploiet de ne pas limiter les dépenses de fonction-nement des retraites à 14 %. n

Erick Staëlen, Emmanuel Séchet

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ACTUALITÉ

LE POINT DE VUE DU SNES-FSU©

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Avec des épreuves communes de contrôlecontinu (E3C) non organisées et desprojets d’épreuves de Terminale au

cadrage souvent incohérent, quel avenir pourle diplôme national ? Le ministère a beauconvier les organisations syndicales pour dis-cuter du cadrage des épreuves, il ne réunitjamais les conditions nécessaires au débat etempêche toute consultation en amont descollègues en ne communiquant les documentsde travail qu’au dernier moment.

La main au local ? Le ministère s’est enfermé dans une organi-sation complexe des E3C, coincé entre lanécessité de cadrage et la volonté de laisserla main à l’organisation locale. La mise enœuvre des E3C apparaît désormais commebien aléatoire. Banques nationales de sujetstoujours vides aux dires mêmes du ministère,organisation de la passation sur le temps ordi-naire des cours, commissions académiquesd’harmonisation sans calendrier connu, copiescorrigées qu’il faut rendre aux élèves touten les conservant trois ans, modalités indé-terminées de la dématérialisation des correc-tions, toutes ces incertitudes plombent l’en-semble du système d’évaluation.

Incertitudes pour les épreuves de TerminaleRésultat des discussions entre les servicesdu ministère et les inspections générales, les

projets de note de service souffrent de la pré-cipitation et des incohérences de la réformedu bac elle-même. Avancées en mars, lesépreuves de spécialité ne concerneraientqu’une partie des programmes, sans que l’onsache si ce programme limitatif comporteraitune liste de chapitres ou de thèmes, ou biennécessiterait une adaptation des programmesspiralaires. Aucun programme limitatif nesemble cependant envisagé pour certainesdisciplines comme les LLCER (langues, lit-térature, cultures étrangères et régionales).Des interrogations demeurent également sur

les épreuves « d’oral de contrôle » : pourcertains enseignements pluridisciplinaires iln’y aurait qu’un examinateur... Encoreaujourd’hui, l’épreuve du Grand oral constituel’angle mort du nouveau baccalauréat car nulne sait comment ses modalités peuvent s’ar-ticuler avec les oraux ou les épreuves pra-tiques de spécialités qui auront lieu trois moisavant. Alors que la session 2021 commencedès le deuxième trimestre, les personnels etles élèves sont placés devant une équation àplusieurs inconnues. n

Sandrine Charrier, Claire Guéville

BAC BLANQUER : IMPROVISATION COUPABLE Le bac devient un monstre bureaucratique à mesure que les arrêtés, les circulaires et autres notes deservice s’amoncellent. Avec des épreuves communes de contrôle continu (E3C) non organisées et desprojets d’épreuves de Terminale au cadrage souvent incohérent, quel avenir pour le diplôme national ?

Tout montre que la première session d’E3C s’annoncecatastrophique mais le ministère continue de nier l’évi-dence, emmenant droit dans le mur toute une cohorted’élèves et leurs professeurs, en accélérant à mesureque l’échéance se rapproche. Le SNES-FSU continue d’impulser, de relayer etde fédérer les luttes contre les réformes Blanquer.Dans l’immédiat, il exige :• la suppression de la première session de cesépreuves communes (E3C), et la transformationde toutes les épreuves de baccalauréat du 3e tri-mestre de Première en épreuves nationales ;• l’abandon de la prise en compte du contrôle continu aubaccalauréat et le retour à des épreuves nationales ter-minales ;• l’application du décret sur les indemnités d’examen

pour l’ensemble des épreuves du DNB et du bacca -lauréat.Le bac Blanquer est construit selon la logique du « Teachto test  », selon laquelle on enseigne dans le seul but

d’avoir des bons résultats à des évaluationsstandardisées. Une telle logique conduit à uneperte de sens de l’enseignement, à la fois pourles professionnels et les élèves, tous se trou-vant alors pris au piège d’une course contrela montre pour se conforter aux impératifs del’évaluation au détriment du temps nécessaireà la maîtrise des enseignements. Le SNES-

FSU refuse cette logique et réclame une organisationdes épreuves qui laisse le temps aux élèves et aux pro-fesseurs de construire leurs savoirs et leurs enseigne-ments.

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Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 15

Seuls 1 175 bacheliers restaient sans pro-position de poursuite d’études se félici-taient les deux ministères, Éducation

nationale et Enseignement supérieur, manièrede faire oublier la disparition des statistiquesde près de 20 % des lycéens et les dysfonc-tionnements majeurs de la plateforme. La première session avait fait la démonstra-tion que ce dispositif était pensé comme unoutil de tri social. Malgré les revendicationsdes personnels, des familles, et même dudéfenseur des Droits qui a appelé à rendrepubliques les algorithmes locaux qui permet-tent la sélection des jeunes, le gouvernementpersiste à ignorer les critiques. Cette nouvellecampagne d’affectation post-bac confirmeles premières conclusions : Parcoursup n’estpas un outil d’orientation mais bien un outilde sélection.

Une session chaotiqueCette session a d’abord été marquée par unbug lors de la publication des premiers résul-tats. Après avoir reçu une proposition d’ad-mission, des élèves se sont vus signifier qu’ilsétaient en réalité sur liste d’attente et nonadmis. Les ministères ont communiqué surune supposée erreur de calibrage des capacités

d’accueil de certaines formations. Ils ontpointé la responsabilité des équipes sans s’in-terroger sur le fonctionnement de la plate-forme, notamment sur la pratique du surboo-king, ou leur responsabilité de n’avoir pasdétecté de telles anomalies. Des dizaines demilliers de candidats, au moins 7 % au total,ont vu leurs propositions d’affectation post-bac réinitialisées. Le gouvernement n’a jamaisfait un bilan sincère de ce dysfonctionne-ment.

Les ministères brouillent les pistesToute comparaison avec l’année dernière estrendue extrêmement difficile car le gouver-

nement a non seulement tardé à publier letableau de bord de la plateforme mais a modi-fié les bases de calcul des données. Au 19 juil-let, date de la fin de la session principale, lenombre de candidats ayant reçu au moinsune proposition mais ne l’ayant pas encoredéfinitivement acceptée n’était pas connu.Cela peut pourtant constituer un critère d’éva-luation du taux de satisfaction. L’an dernier,ils étaient 148 787, en y ajoutant les68 510 candidats sans proposition, on pouvaitdire que 26,75 % des candidats n’avaient pastrouvé leur formation. Aujourd’hui, encoreplus qu’hier, le ministère fait le choix del’opacité. n Claire Guéville

PARCOURSUP : SILENCE, ON TRIE !Le 20 septembre dernier se clôturait la seconde campagne de Parcoursup dans le concertdes discours officiels d’autosatisfaction.

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Le ministre s’est d’abordréjoui de voir « réunie lacommunauté éducative ».

Malgré des annonces initialesévoquant un comité restreint,l’assemblée était pléthorique.Avec un seul délégué, le SNES-FSU était scandaleusementsous-représenté ; pourtant, cecomité ne doit son existencequ’aux actions menées dans lesétablissements l’an dernier. Ilest piloté notamment parPierre Mathiot et a pour tâched’évaluer les enjeux desréformes du lycée, leur mise enœuvre et leur inscription dans le cadre plusgénéral de l’après-bac.Pour le SNES-FSU, il sera nécessaire d’établirdes bilans contradictoires, d’évaluer vérita-

blement la mise en place des réformes et deprendre en compte tous les paramètres perti-nents (organisation des enseignements, rôledes professeurs principaux et des Psy-ÉN,

conseils de classe, E3C,dédoublements... lessujets ne manquent pas).

Devoir de contrôleIl ne saurait être questionde siéger pour valider lesconstats positifs que nemanqueront pas de faireles représentants de l’ad-ministration. Si tel étaitl’objet de ce comité, leSNES-FSU se réserve ledroit de le quitter. Etmême si le temps estcompté parce que des

réponses sur les E3C (voir ci-contre) doiventêtre apportées d’ici octobre, il s’agira d’éviterde souscrire aux conclusions hâtives.À suivre, donc. n Frédérique Rolet

RÉFORME DU LYCÉE ET DU BAC :PAS DE SUIVISME !Le Comité de suivi des réformes a été installé le 24 septembre 2019 par Jean-Michel Blanquer.

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16 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

ACTUALITÉ

décider ce qu’une association ou un syndicatdoit penser ou faire. L’intervention d’un minis-tre dans une élection de parents d’élèves peuts’apparenter à une tentative d’influence surcette élection. Quoi que l’on puisse penserde cette affiche sur le fond, et de l’opportunitéde faire de cette question un argument élec-toral auprès d’une catégorie particulière deparents, l’intervention du pouvoir exécutif

dans les choix des corps intermédiaires estinacceptable.

NauséabondOn ne peut s’empêcher de rapprocher cettesortie de la récente campagne lancée par lechef d’État contre l’accueil des demandeursd’asile et l’immigration. La convergence esttrop évidente pour être innocente. Déjà le 31 août dernier, le ministre déclarait :« Il y a plus de filles que de garçons qui nevont pas à l’école maternelle pour des raisonssociétales. Et appelons un chat un chat, lefondamentalisme islamiste dans certains ter-ritoires a fait que certaines petites filles vontà l’école le plus tard possible ». Alors que lapresse faisait état de chiffres qui contredisaientcette affirmation, son cabinet reconnaissait,quelques jours plus tard, que le ministre nes’appuyait que sur des « signalements » deséquipes laïcité de certaines académies.La lutte contre le communautarisme et le res-pect de la laïcité méritent mieux que cetteinstrumentalisation. n Thierry Ananou

Pour les personnels, la priorité en termesd’amélioration des conditions de réus-site des élèves et d’attractivité des éta-

blissements de l’éducation prioritaire est labaisse des effectifs des classes, selon lesrésultats de l’enquête FSU Éducation prio-ritaire d’avril 2019. Les syndicats de la fédé-ration, dont le SNES-FSU, ont rappelé l’im-portance, là plus qu’ailleurs, d’un travail enéquipe pluriprofessionnelle complète.

L’essentiel, c’estla démocratisationL’éducation prioritaire, a rappelé Jean-YvesRochex, professeur en sciences de l’éduca-tion à Paris 8, s’est mise en place sur unconstat d’« achèvement » du collège unique,qui n’a pas permis à lui seul de démocratiserla réussite scolaire. J.-Y. Rochex pointe« les paradoxes d’une politique incertaine »,qui donne des moyens sans pour autant

vilégie la réussite de quelques-uns au nomdu mérite, la FSU défend le principe d’unedémocratisation pour toutes et tous. n

Anne-Sophie Legrand

Jean-Michel Blanquer s’est autorisé àdonner son avis sur une affiche de cam-pagne de la FCPE. Elle montre une

femme revêtue d’un voile religieux et accom-pagnée de son enfant. Elle est sous-titrée :« Oui, je vais en sortie scolaire et alors ? ».Le ministre a même appelé la FCPE à la« corriger ». Ce n’est pas la première foisque Jean Michel Blanquer se croit légitime à

ÉLECTIONS DES PARENTS D’ÉLÈVES : FÂCHEUSE INTERVENTION Sur la radio RMC, le 24 septembre, Jean-Michel Blanquer a considéré qu’une affiche de la FCPE était« une erreur ». Une intervention dans la droite ligne des propos d’Emmanuel Macron sur l’immigration.

COLLOQUE : LA FSU ENGAGÉEPOUR L’ÉDUCATION PRIORITAIRELe silence du ministère sur les inégalités scolaires et sur l’éducation prioritaire est assourdissant.Pour la FSU, une réflexion sur ces questions est urgente, comme l’a montré le colloque du 2 octobre.

outiller les personnels. Pour lui, il faut à lafois une politique de ciblage pilotée natio-nalement, aux critères transparents et débat-tus, qui peut s’ajouter à une allocation dif-férentielle des moyens, et un outillagepédagogique des enseignants.Le SNUipp-FSU (premier degré), le SNESet le SNUEP (enseignement professionnel)ont rappelé la nécessité d’un bilan partagéavant toute nouvelle réforme, d’un travailserein avec la hiérarchie, l’importance dela formation initiale et continue, la nécessitéde labelliser des lycées.En conclusion, Bernadette Groison, secré-taire générale de la FSU, a donné de grandsaxes de travail, notamment libérer du tempspour le travail collectif, revaloriser la rému-nération et faire tomber collectivement lespressions managériales pour aboutir à untravail serein avec la hiérarchie. Contraire-ment à la philosophie du ministre, qui pri-

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Récessioni

Du côté de la ChineLa croissance de la productionindustrielle, note Les Échosdu 17 septembre 2019, est à sonplus bas niveau depuis 17 ans.Le gouvernement chinois depuisl’entrée dans la crise systémique(en 2007-2008) essaie d’impulserun nouveau modèle dedéveloppement qui substituela consommation des ménagesaux exportations. Pour le moment,ce modèle est en devenir, ce quiexplique les risques de crise.

APLi

Baisse à tous les étagesLe gouvernement a annoncé lamise en œuvre d’un nouveau modede calcul des aides au logementqui entrera en vigueur au débutde l’année 2020. Cette réformefera perdre en moyenne 80 eurospar mois à près de la moitié des6,5 millions d’ayants droit. Legouvernement va ainsi économiserentre 900 millions et un peu plusd’un milliard d’euros sur l’année2020. En outre, la revalorisationdes APL du 1er octobre est plafonnéeà 0,3 % par le gouvernement, alorsque l’indice de référence des loyersest de 1,53 %, d’où une nouvelleperte de pouvoir d’achat pourles allocataires.

Couples homosexuelsi

266 000En 2018, 266 000 personnes viventen couple avec un conjoint de mêmesexe. Cela représente environ 1 %des couples cohabitants. Cescouples sont plus fréquents dansles grandes villes, toutparticulièrement à Paris, où ilsreprésentent 3,7 % des couples.15 % des couples d’hommes sontd’ailleurs parisiens. Les personnesvivant en couple homosexuelsont plus diplômées en moyenneque celles vivant en couplehétérosexuel. 14 % de ces couplesvivent avec des enfants, pourl’essentiel des couples de femmes.

Grandes Régionsi

Pas d’économies à la cléNouvelles grandes Régionsfusionnées, la Cour des comptesse lamente : « les économiesde gestion annoncées ne sont pasencore au rendez-vous ». Pas très

ECO/SOCIAL

Les répliques du séisme de la fin des années2000 sont de plus en plus fortes, faisant craindrele pire pour la fin de cette année 2019.

L’OCDE, institution qui réunit les pays les plusriches du monde, a revu à la baisse ses prévisionsde croissance mondiale à 2,9 % pour cette annéeet 3 % pour 2020. Le plus bas niveau depuis dixans. Le plus intéressant est le commentaire joint àce pronostic – « Si les gouvernements n’agissentpas maintenant, la croissance en 2020 sera encoreplus faible » –, qui sonne comme un constat d’échecdes politiques d’austérité et de baisse continue du« coût » du travail.

Croissance vs accumulation du capitalLa question clé n’est pas celle de la croissance,mais celle de l’accumulation du capital. Les inno-vations liées à la révolution numérique transformentla vie quotidienne, mais ne se traduisent pas enefficacité industrielle.Les grandes entreprises ne visent rien d’autre quel’augmentation du profit afin de distribuer desdividendes qui rendront les riches encore plusriches. Le résultat : l’approfondissement des iné-galités. Pour contrer ce mécanisme, les gouver-nements devraient rompre avec les politiques deréductions d’impôt des entreprises – notammentle CICE en France –, qui accentuent les écarts derevenus sans permettre la relance nécessaire desinvestissements productifs.Tous les indicateurs poussent à ce changement depolitique économique. La récession menace enEurope : elle touche déjà l’économie allemande,première économie de la zone euro. Et aussi lesÉtats-Unis, l’Inde ou les grands pays d’Amériquelatine : l’Argentine est en dépression, le Brésil encrise de la dette. La Chine elle-même connaît unebaisse de sa croissance et se trouve proche d’unecrise de surproduction.

Limites de la politique monétaireJamais les cours de la Bourse n’ont été aussi élevés...et aussi désynchronisés avec la réalité de l’écono-mie. Le décalage s’explique largement par la poli-tique monétaire de quantitative easing (QE) miseen place par les différentes banques centrales (Fed,BCE...). Pour éviter le retour de la crise financière,elles ont inondé les marchés financiers de liquiditésvia une baisse inédite des taux d’intérêt – les gou-vernements allemands et français empruntent parexemple à des taux d’intérêt négatifs – et des achatsmassifs d’obligations d’État. Les banques se trou-vent ainsi fragilisées et certaines sont même prochesde la faillite. Elles mènent en conséquence desrestructurations qui passent principalement par dessuppressions d’emplois, le coût du travail étant laseule variable d’ajustement qui leur reste.La crise financière a été évitée mais, faute d’inci-tation, les entreprises ont amassé du « cash » aulieu d’investir. Signe de surproduction, la déflationest toujours à nos portes, puisque le taux d’inflationne dépasse pas la barre des 1 % dans la zone euro.Quant aux spéculateurs, ils se tournent vers le mar-ché des actions, faisant ainsi monter artificiellementles cours. Aujour d’hui, la politique de quantitativeeasing commence à montrer ses limites alors queles banques centrales n’ont à leur disposition quecet instrument, qui ne suffira pas à éviter la crisequi vient et qui s’annonce plus profonde encoreque celle de 2008.La conjonction des crises devrait inciter les gouver-nements à changer de braquet au lieu de se voiler laface. Il y a urgence à lancer un plan d’investissementspublics pour lutter contre les mutations climatiqueset la crise écologique, tout en réduisant les inégalités.Si, comme le dit Thomas Piketty, le capitalisme nepeut pas réaliser ce programme vital pour notresurvie, alors il faut sortir de la logique de la valori-sation du capital... n Nicolas Béniès

BASCULEMENT DU MONDE

Les crises sont-elles inéluctables ?

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

La crise systémique de 2007-2008 a ouvert une nouvelle période dans l’histoire du capitalisme.Elle appelait à des révolutions pour répondre au basculement du monde, mais les gouvernants sesont enlisés dans des politiques néolibérales qui ont démontré à la fois leur nocivité et leurincapacité à répondre aux enjeux de la nouvelle donne mondiale.

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L’US Mag : Quelle analyse Attac fait-elle du projetd’accord UE-Mercosur ?Maxime Combes : Bolsonaro ou pas, feux deforêts ou pas, l’accord UE-Mercosur est inaccep-table. Il est inacceptable, car le processus de négo-ciation a été totalement opaque. La Commissioneuropéenne a obtenu des États-membres un mandatde négociation en 1999. Elle ne l’a jamais publiédepuis. Récemment fuité(1), ce mandat reflète unmonde qui n’est plus : en vingt ans, le Brésil estdevenu une puissance régionale et un géant del’agro-business, l’économie mondiale s’est profon-dément transformée et les crises écologiques etsociales se sont aggravées. S’il devait entrer en vigueur, l’accord UE-Mercosurincarnerait parfaitement cette mondialisation de lamalbouffe et de la catastrophe écologique qui estaujourd’hui mise à l’index. Il approfondirait uneglobalisation économique qui fait de la satisfactiondes intérêts des multinationales, notamment cellesde l’agrobusiness, un objectif supérieur à la pro-tection de la planète, aux droits sociaux et aux inté-rêts des populations. L’UE offre un accès élargi à ses marchés pour lebœuf, la volaille, le sucre et les biocarburants. Enretour de quoi elle obtient une ouverture favorableà l’exportation d’automobiles, de biens de consom-mation et de services financiers. Il est important

MERCOSUR ET CETA

Tous deux « inacceptables » !Économiste de formation, Maxime Combes est l’un des porte-parole d’AttacFrance. Militant altermondialiste, mais aussi de l’urgence climatique, il vientde publier Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition au Seuil.

surprenant mais le plus inquiétant,c’est que la Cour des comptes pointedu doigt : la hausse des indemnitésdes élus, mais aussi «  l’absence depolitique volontariste de réductiondes effectifs  » et l’alignement parle haut des régimes indemnitairesdes personnels des Régionsfusionnées. En creux, c’est une sorted’injonction à la baisse des effectifset des rémunérations des agentsterritoriaux, et donc un reculdes services publics.

Chômagei

Réformedes indemnités La réforme de l’assurancechômage concoctée cet été parle gouvernement va avoir des effetsredoutables. L’objectif affichéétait de réaliser 3,4 Md€d’économies d’ici 2021. Cela vase faire sur le dos des chômeurs.La réforme va entraîner un reculdes droits pour 40 % desdemandeurs d’emploi bénéficiantactuellement de l’assurancechômage, en restreignant l’accèsà l’indemnisation ou en diminuantson montant. La logique libéraleest immuable : le chômage estdû aux indemnités qui poussentles chômeurs à rester au chômage.

Inégalitési

Enfances de classe Résultat d’uneenquête menéepar un collectif dedix-sept chercheursdans différentesvilles de France,sous la directionde Bernard Lahire,auprès de 35enfants âgés de5 à 6 ans issus desdifférentes fractions des classespopulaires, moyennes etsupérieures. L’ouvrage fait leportrait d’une enfance au seinde laquelle, déjà en grande sectionde maternelle, les inégalités sontimmenses. Une lecture passionnanteet un projet ambitieux, celui dedonner à voir les importants écartsentre ce qui est accessible aux unset inaccessibles aux autres, dansdes domaines aussi différentsque le sport, l’école, les loisirs,le langage. Les enfants viventau même moment dans la mêmesociété, mais pas dans le mêmemonde, on ne peut plus fairecomme si on ne le savait pas…❱ Enfances de classe, De l’inégalitéparmi les enfants, sous la directionde B. Lahire, Seuil.

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de noter que le Brésil continue d’être un pays rela-tivement fermé avec un taux d’ouverture de moinsde 20 % du PIB, le plus faible des pays du G20.Les multinationales européennes du secteur desservices (eau, énergie, déchets, etc.) lorgnent doncnotamment sur les marchés publics des collectivitésterritoriales des pays du Mercosur. Enfin, cet accord UE-Mercosur est inacceptableparce qu’il revient à délivrer un blanc-seing à desdirigeants qui, au Brésil, en Argentine et au Para-guay, laissent se multiplier et/ou encouragent desatteintes graves aux libertés, aux droits et à la démo-cratie tout en démantelant les politiques de pro-tection de l’environnement.

L’US Mag : Comment peut-on qualifier la poli-tique d’Emmanuel Macron sur ces accords delibre-échange (Ceta, Mercosur...)M. C. : Il fait à Paris le contraire de ce qu’il affirmeà New York ou à Genève. D’un côté, il dit, aussibien en 2018 qu’en 2019, qu’il n’est plus possibled’avoir « un agenda commercial contraire à notreagenda climatique ». De l’autre, il fait entre tempsratifier le CETA en plein été, alors que cet accordentre l’UE et le Canada a pourtant été qualifiécomme incompatible avec la lutte contre les dérè-glements climatiques par la commission Schubert(2)

que l’exécutif avait lui-même mise en place. En « débranchant » l’accord UE-Mercosur à laveille du G7, alors que la planète entière était sousle coup de l’émotion face aux feux de forêts enAmazonie et à l’absence de réaction de Bolsonaro,Emmanuel Macron a voulu jouer sur deux tableaux.Raffermir son image de « champion du climat » àl’international et tenter de temporiser face aux trèsvives critiques et aux mobilisations du monde agri-cole contre les accords Mercosur et CETA sur leplan national. Alors que des divisions grandissantesse font jour au sein de sa majorité parlementaire àce sujet, l’exécutif cherche à opérer une distinctioninfondée entre le « bon CETA » d’un côté et le« mauvais Mercosur » de l’autre. Résultat, le hiatus entre le « dire » et le « faire »ne cesse de s’approfondir. Au moment où la poli-tique commerciale européenne est dans une tripleimpasse(3), Emmanuel Macron énonce tout haut– réguler la mondialisation – le strict contraire dela politique qu’il mène : ouvrir de nouveaux mar-chés et protéger coûte que coûte les intérêts desmultinationales françaises. n

Propos recueillis par Daniel Rallet

(1) www.bilaterals.org/?ue-mercosur-directives-de(2) Voir le Rapport de la commission d’évaluation duCETA du 8 août 2017, disponible en format PDF surwww.gouvernement.fr(3) Voir « La triple impasse de la politique commercialede l’UE » sur le site d’AOC : https://aoc.media

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ECO/SOCIAL

20 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

Fiscalitéi

Baisse de l’impositionsur les donations G. Darmanin a annoncé auxuniversités d’été du Medef qu’ilcomptait refondre la taxationsur les donations. Pas questionévidemment de taxer davantageles successions alors même quel’héritage est un puissant vecteurd’inégalités… Il s’agirait plutôt defaciliter les donations, au prétextede l’allongement de la durée dela vie qui ferait hériter de plusen plus tard. Donc de réduiredes droits sur les donationsqui devraient rapporter environ2,4 milliards d’euros cette annéeau budget de l’État…

Salairesi

Progressionpour les cadresSelon une étude de l’Apec publiéedébut septembre, le salaire médiandes cadres a progressé de 4 %entre 2016 et 2018. Désormais,la moitié des cadres perçoiventplus de 50 000 euros par an.Ceux dont les salaires ont le plusaugmenté sont les hommes,de moins de 30 ans, les salariésde l’industrie et ceux des grandesentreprises. Pas d’augmentationcependant pour les femmesau cours de ces deux dernièresannées, ce qui montre bien queles incitations des pouvoirs publicssont insuffisantes et que desmesures plus contraignantesdoivent être mises en place. Au seinmême des cadres, il existe de fortesinégalités, les grandes entreprisesindustrielles sont celles qui paientle mieux, tout particulièrementcelles d’Île-de-France…

Fiscalitéi

RepentisLa cellule qui gère les «  repentisfiscaux  », ceux qui ont des avoirsà l’étranger qu’ils souhaitentrégulariser, a traité plus de47 000 dossiers en cinq ans.Bien que fermée en 2017, elle aencore traité plus de 11 000dossiers en 2018. Trop tarddésormais pour les contribuablesqui souhaiteraient rapatrier leurscomptes cachés en payant despénalités allégées par rapportà ce que leur coûterait un contrôlefiscal… Au total, 10 milliardsd’euros auront été récupérésen cinq ans, ce qui donne une idéede l’ampleur du phénomèned’évasion fiscale.

MANUEL INDOCILE

L’autre manuelde sciences socialesLe débat économique est descendu dans la rue et sur les ronds-points. Il n’est plus réservé àun cercle étroit d’initiés qui partagent les mêmes a priori, réflexes idéologiques des puissantsau service du maintien de leur domination.

Il fallait au moins les 1 000 pages du Manuelindocile(1) pour mettre à jour le système de repré-sentations qui obscurcit le processus réel de la

vie et du travail, et 46 auteurs,économistes, sociologues, poli-tologues issus de l’Universitécomme de l’enseignement desSciences économiques etsociales. Leurs parcours etappartenance sont divers, maisils se retrouvent dans une mêmeapproche des sciences sociales,résolument critique.Il fallait au moins ça pourébranler le monument à la gloiredu marché et de la concurrencequi sert de fondement à toutela réflexion autorisée. Ce livresort au bon moment, quand àla recherche de compétitivitécomme seul horizon depuis lesannées 1980 se substituent desinterrogations au plus près des enjeux sociaux denotre temps et en particulier, en cette rentrée, celuides inégalités.

Rétablir des véritésLes exemples abondent de renversements que lesauteurs dénoncent. Non, les fonctionnaires ne tra-vaillent pas moins que dans les entreprises, ils sont37 % à travailler le dimanche contre 26 % dans leprivé. Non, les salaires ne constituent pas un coûtpour la société, mais une source de richesse. Et,oui, la baisse des cotisations sociales abaisse larémunération des salariés.Des mises au point sont salutaires. L’État ne dépensepas 57 % du PIB comme on le lit fréquemment,

mais 12,6 % si l’on prend uniquement en comptece qui est consacré au fonctionnement des admi-nistrations, et non les transferts sociaux. De même,

les comparaisons internationalesn’ont guère de sens. Si lesdépenses de santé sont largementsocialisées en France, elles nele sont pas aux États-Unis, ellesn’en constituent pas pour autantune dépense pour les ménages.La sociologie y trouve sa place.Le « talent » par exemple estremis en cause comme « vertumystérieuse et indéchiffrable »(voir encadré ci-dessous)comme l’avait déjà fait Nor-bert Elias(2).

L’idéologie navranteLe Manuel indocile ne cherchepas à construire une nouvellethéorie générale, mais simple-

ment à offrir « des matériaux pour résister [...]reconstruire entre nous des intérêts communs ».Vous n’y trouverez aucun programme politique,mais une critique détaillée de la production des« images inversées de la réalité » (Marx) queconstitue la doxa libérale.Pour autant, pour être complet, il ne parvient pastoujours à éviter le paradoxe de l’idéologie qui pro-duit des critiques elles-mêmes prisonnières d’autresréférents idéologiques(3). n Thierry Ananou

(1) Manuel indocile de sciences sociales, Philippe Boursieret Willy Pelletier (dir.), La Découverte, 2019.(2) Mozart, sociologie d’un génie, Le Seuil, 1991.(3) Idéologie et utopie, Karl Mannheim, 1929.

« L’émergence d’une élite athlé-tique dans certains pays d’Afriquedu Nord et de l’Est à compter desannées 1980 résulte en fait d’unensemble de conditions socio- historiques. Les succès des cou-reurs marocains s’enracinent ainsi[...] dans une longue histoire. Pen-dant la période coloniale, dejeunes Marocains se spécialisenten course à pied parce que l’accèsà la plupart des autres pratiquessportives leur est fermé. Aprèsl’indépendance, la croyance selon

laquelle “les Marocains sont desêtres très doués pour la courseà pied” se cristallise et sert desoubassement à une politique sys-tématique de détection et de for-mation de coureurs à pied dansce pays. [...] Parallèlement, dansla même période, l’espace athlé-tique international connaît unetransformation décisive, avec ledéveloppement d’une forme par-ticulière de professionnalisme, ausein duquel les athlètes sontrémunérés uniquement sous la

forme de primes et jamais desalaires. Ce nouveau type derémunération, fondé sur une dis-tribution particulièrement inéga-litaire des gains, conduit un grandnombre des coureurs européensà déserter le marché athlétiqueinternational, laissant ainsi laplace à d’autres, souvent issusd’Afrique de l’Est et du Nord, àmême d’accepter la précarité qu’ilinduit. Vous avez dit ”talen-tueux” ? »

Par Manuel Schotté, p. 710.

EXTRAIT

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DOSSIERVers un renouveau des luttes ?

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 21

Érigées en modèle par

les uns, fustigées par

les autres, des formes

d'auto-organisation

des luttes ont largement

occupé la scène sociale

ces derniers temps.

Dossier coordonné par Frédérique Rolet et Clarisse GuiraudOnt participé à la rédaction : Tiphaine Colin, Laurent Frajerman, Romain Gény, Claire Guéville, Sophie Vénétitay

Mouvement social

Si le mouvement le plus emblématique est demeuré celui des Gilets jaunes, le phénomènea aussi touché des secteurs professionnels comme celui de l'éducation avec le conflit surle baccalauréat notamment.Éloignés des syndicats ou défiants à leur égard, des salariés ont voulu exprimer leur colèrepar des modalités inédites d’action, le refus des circuits habituels des revendications, une

grande rapidité dans les prises de décision favorisée par le rôle décisif joué par les réseaux sociaux.Au centre de la contestation, les questions d’injustice et d’inégalité, celles vécues par les classespopulaires en proie au mépris des classes dominantes, par les enseignants touchés par le déclassementsalarial, travaillant pour beaucoup dans les établissements les plus ghettoïsés, par les jeunescontraints à des emplois précarisés sous couvert d’entrepreneuriat.Quel que soit le regard porté sur ces mouvements, ils ont le mérite de remettre la question sociale aucentre de l’activité politique, de rassembler dans le cadre de luttes collectives, permettant ainsi desvictoires même partielles. Les concessions arrachées à Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d’achatdes salariés les plus démunis comme les quelques ouvertures faites par le ministre de l’Éducation entémoignent. Quant aux syndicats, trop vite considérés comme hors-jeu par des éditorialistes aspirant àlaisser le libéralisme sans entraves, ils ont joué pleinement leur rôle, ne se contentant pas d’apporterune aide logistique mais travaillant à fédérer les revendications et à donner des perspectives pour tous.

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Vers un renouveaudes luttes ?

Crise du syndicalisme ?

Des syndicats sans syndiqués ?Les syndicats français sont nombreux, mais ont peu d’adhérents, preuve de leur

manque de représentativité... Ce discours « prêt-à-penser » doit être remis en cause.

Pourquoine pas se syndiquer ?

Les causes de la faible syndicalisation en France sont multiples, etsouvent éloignées des «  évidences » diffusées par les discours anti-syndicaux.

Depuis les années 1980, le taux de syn-dicalisation diminue en France, et sem-ble se stabiliser à un niveau très bas.

Dans l'ensemble, 8,4 % des salariés du privéet environ 19 % des fonctionnaires sontmembres d'un syndicat. Globalement, toussecteurs confondus, neuf salariés sur dixn’adhèrent pas à un syndicat.Ces chiffres, mis en relation avec le nombreimportant d'organisations syndicales concur-rentes, est souvent pris comme une preuveflagrante de la faible représentativité, et dela faiblesse plus générale, des syndicats fran-çais – notamment en comparaison des pays d’Europe du nord, où les taux de syndicali-sation peuvent être très élevés.

Quand on ne pointe pas, dans certainsdiscours paresseux, le « conserva-tisme » et « le refus du dialogue »

de certains syndicats comme frein à l’adhé-sion massive des salariés, on accuse la« bureaucratisation » des militants syndi-caux. Étonnantes affirmations bien difficilesà démontrer objectivement. En revanche,d’autres explications plus simples paraissentplus convaincantes. D’abord, le développe-ment général de l’individualisme, qui peutpousser au comportement de « passagerclandestin » de l’action collective (profiterde l’action des autres sans s’y engager soi-même). Mais aussi l’affaiblissement des

bastions syndicaux historiques, du fait dela désindustrialisation, qui s'est accompagnéedu développement de la sous-traitance quiisole les salariés... Et puis encore le déve-loppement du chômage et de la précarité,ou encore d’un management individualisant,qui rendent difficiles la participation auxactions collectives – surtout quand lesentraves ou les mesures de rétorsion patro-nales sont fréquentes, ce qui est le cas enFrance, comme le montre une enquêterécente du Défenseur des droits (voir ci-dessous). Les freins à l’adhésion syndicalesont donc nombreux, mais ils ne se trouventpas là où on le dit souvent... n

Ce tableau bien sombre doit être largementnuancé. D’abord, on peut remarquer que laquestion de la représentativité n’est jamaisposée aux organisations patronales, ou auxpartis politiques... Surprenant, quand on saitqu’à elle seule, la CGT a plus d’adhérentsque l’ensemble des partis politiques réunis.De plus, depuis les années 1950, le taux desyndicalisation n’a jamais dépassé les 30 %.

Des syndicats très présentsIl faut dire que les victoires et les avancéesobtenues par la lutte syndicale bénéficient,en France, à tous les salariés, syndiqués ounon, situation qui n’incite pas les salariésles moins politisés à adhérer. Ce n’est pasle cas dans plusieurs pays d’Europe du nord,où l’adhésion à un syndicat est nécessairepour bénéficier d’un certain nombre de droits

(notamment, parfois, le droit à une assurancechômage). Enfin, le taux de syndicalisationest très sensible à la présence d’un syndicatsur le lieu de travail, et celle-ci est très varia-ble selon la taille de l’établissement. Ce quin’empêche pas les salariés, même non syn-diqués, d’avoir le réflexe de se tourner versun syndicat lorsqu’ils rencontrent une diffi-culté au travail. Les discours simplistes surle rejet des syndicats par les salariés enFrance sont donc très contestables. n

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Lecture : 12,8 % des salariés en CDI ou titulairessont syndiqués, contre 1,2 % des intérimaires.

Taux de syndicalisation (%)

Enquêtedu Défenseurdes droits

Discriminationsyndicale46 %des personnes syndiquéesaffirment avoir déjà étédiscriminées.

Crainte desreprésailles42 %des salariés considèrentque s'investir dans lesyndicalisme est un risque.

Frein à l'évolutionprofessionnelle59 %des syndicalistes du privé et39 % de ceux du publicconsidèrent que se syndiquer estun frein pour leur carrière.

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Une grève particulièreUne grève qui ne fait pas perdre de l’argent à l’employeur.

20 %des salariés de la Fonctionpublique sont syndiqués, contre9 % de ceux du secteur privé.

24 %des fonctionnaires de l’Éducation,de la formation et de la recherchesont syndiqués.

L’idée que les enseignants sont des gré-viculteurs ne relève pas que du cafédu commerce. Les statistiques offi-

cielles démontrent que notre profession aun pouvoir de grève très élevé, même s’ilfluctue selon le contexte.

SurconflictualitéLe questionnaire scientifique Militens(1)

montre que 80 % des professeurs ont déjàparticipé à une grève dans leur carrière. En2015, un personnel du ministère de l’Édu-cation nationale avait fait en moyenne cinqfois plus de jours de grève que le reste desactifs (voir graphique). Le cœur de cettesurconflictualité résidant alors parmi lesprofesseurs de collège, en lutte contre la

contre-réforme qui les visait, soit environ150 000 collègues. Cependant, tout est relatif, et cette donnée montre aussi l’ef-fondrement de la pratique gréviste dans leprivé, du fait du développement de la sous-traitance, de la précarité, de l’effondrementdes secteurs conflictuels de l’économie(métallurgie, mines...). De nombreux sala-riés du privé prennent des RTT pour mani-fester, alors que la force d’une lutte ensei-gnante se mesure toujours au nombre degrévistes. n

1. Recherche dirigée par Laurent Frajerman. Le questionnaire représentatif (IR FSU, CERAPS uni-versité de Lille et DEPP ministère de l’Éducationnationale) a recueilli 1 400 réponses de PLC.

Les enseignants ne se mobilisent pas dela même manière que les salariés desentreprises. Leur action est principale-

ment nationale, puisque l’employeur estl’État. Elle risque de perdre en force si elles’étire, puisqu’ils ne font pas perdre de l’ar-gent à leur employeur, au contraire. Dansles entreprises, plus le mouvement dure, plus

les stocks diminuent, plus les clients s’im-patientent et plus l’employeur a intérêt ànégocier. La grève enseignante a néanmoinsun impact social (garde des élèves) et poli-tique (pression sur les élus employeurs).

Sensibiliser l’opinionElle permet d’abord d’interpeller l’opinion,sensible à la qualité de l’éducation. Les ensei-gnants ne peuvent donc s’engager dans unelutte impopulaire, ce qui se répercute surleurs mots d’ordre (les recrutements au nomde la diminution du nombre d’élèves parclasse, plus que les salaires). Les mouve-ments réussis alternent temps forts et actionsde sensibilisation, des médias et des parentsd’élèves notamment. n

Salariés des entreprises

Personnels du MEN

Autres fonctionnaires d'État

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du salariat

Répartition des grèves (2015)

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La grève enseignante

Puissance insoupçonnéeLes enseignants ont un pouvoir de grève plus élevé que les salariés du privé.

Qui fait grève ? Pourquoi ? Il existe plusieurs types de grévistes. DansMilitens, on peut distinguer trois groupescohérents  : les non ou peu grévistes (40 %du corps), les grévistes occasionnels (36 %)et les grévistes réguliers (24 %). Logique-ment, plus un professeur fait grève, plus ilest syndiqué, apprécie le service public, voteà gauche, etc. Les grévistes réguliers sereconnaissent dans la FSU et dans des syn-dicats comme la CGT, SUD ou FO, tandis queles non-grévistes qui font confiance à un syn-dicat se tournent vers le SGEN-CFDT et leSNALC. Si un non-gréviste s’inquiète d’aborddu besoin des élèves d’avoir régulièrementcours, les grévistes réguliers pensent à ladégradation du système.Réussir une grève majoritaire suppose deconvaincre le groupe intermédiaire, or celui-ci est moins sensible à l’unité syndicale queles grévistes réguliers. Aujourd’hui, le discoursfataliste est le principal obstacle. Il légitimel’absence de participation à de nombreusesactions, mais témoigne aussi d’une recherchede sens. Les enseignants regrettent le manqued’efficacité actuel de la lutte, ils ne la rejettentpas en soi.

La grève enseignante aun impact social et politique©

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Chiffres 2,5 millionsd’électeursIls ont voté pour leurs représentantsdu personnel aux comités techniquesen 2018, ce qui représente un tauxde participation de 50 %. Ce taux étaitde 43 % pour les élections professionnellesdans le secteur privé de 2017.

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Vers un renouveaudes luttes ?

Ibis-Batignolles

Et pourtant elles luttent !Grâce aux soutiens dont elles bénéficient de la part de leur syndicat et

des habitants du quartier, une vingtaine de femmes de chambre se mobilisentcontre leurs conditions de travail et d’emploi.

Deliveroo

Les livreurs lèvent la tête du guidon !Comment se mobiliser et faire grève quand on n’est pas un vrai salarié  ? Les livreurs de la plateforme Deliveroo

ont créé un collectif pour défendre leurs droits.

Hôpital

Grève des urgencesEntamée il y a six mois dans un hôpital parisien, la grève des urgences a essaimé dans toute la France.

Difficile de se mobiliser quand on est unsalarié précaire, à temps partiel et isolépar la sous-traitance. Et pourtant, en

décembre dernier, les salarié-e-s d’une entre-prise sous-traitante de l’hôtel Hyatt de la placeVendôme ont réussi à mener une grève dequatre-vingts jours et à obtenir la satisfactiond’une partie de leurs revendications, notam-ment une revalorisation salariale.Depuis le mois de juillet, une vingtaine defemmes de chambre salariées de la mêmeentreprise, travaillant à l’hôtel Ibis-Bati-gnolles, situé à Paris dans le 17e arrondisse-ment, sont en grève. Elles protestent contreleurs conditions de travail, la cadence detrois chambres et demie à l’heure, impossible

à suivre sans des dépassements horaires quine leur sont pas payés. Elles dénoncent leurscontrats à temps partiel subi et la sous-trai-tance qui les écarte des droits qui seraientles leurs si elles étaient employées par legroupe Accor, propriétaire de l’hôtel Ibis.

Sous-traitanceElles sont là, tous les jours, sur le piquet degrève devant l’hôtel. Si elles tiennent, fermesdans leurs revendications, c’est grâce à la pré-sence à leurs côtés de leur syndicat, la CGT-HPE et d’un comité de soutien local. Et aussià la mise en place d’une caisse de grève(https://www.lepotsolidaire.fr/pot/0oz7r5n8)qui a permis de récolter plus de 17 000 euros.

Même si leurs conditions de travail onttout du salariat exploité, les livreursà vélo des plateformes numériques

sont contraints à un statut de travailleur indé-pendant qui les prive du bénéfice du droitdu travail et les écarte du champ traditionnelde l’action syndicale.Deliveroo, tout comme Uber, peut comptersur une véritable armée industrielle de réserveet profiter de la misère de nombreux chô-

meurs durablement écartés de l’emploi sala-rié. Pour ceux-ci, il n’y a guère d’autreschoix que d’accepter les conditions imposéespar les plateformes, fussent-elles indignes.

Appel au boycottC’est Deliveroo qui fixe les tarifs, de façonunilatérale, et la plateforme a décidé débutaoût de baisser celui des courses courtes,avec pour conséquence une chute de la rému-

nération horaire des livreurs. Dans cecontexte, le Collectif des livreurs parisiens(CLAP) a appelé à plusieurs jours de grèvedurant le mois d’août, à des rassemblementset a demandé aux consommateurs de les sou-tenir en boycottant la plateforme lors de lajournée du 7 août. Certes le rapport de forcereste déséquilibré mais les livreurs commen-cent à s’organiser et à faire entendre leurvoix. n

Face aux défaillances de l’hôpital public,les urgences sont en première ligne. Les100 000 fermetures de lit qui ont eu lieu

au cours de ces vingt dernières années pèsentlourdement sur les conditions de travail despersonnels, qui sont souvent démunis quandils doivent hospitaliser les patients qu’ils pren-nent en charge. Dans de nombreux services,les effectifs sont insuffisants pour accueillircorrectement les malades qui se présentent.Ce sont d’abord les paramédicaux qui sesont mis en grève, les aides-soignantes, les

infirmières, les brancardiers, ceux qui sontle plus directement touchés par le manqued’effectifs mais qui peinent le plus à faireentendre leur voix... Mais leur mobilisationa essaimé et ce sont désormais plus de250 services qui sont en grève.Mi-septembre, l’Association des médecinsurgentistes de France (AMUF) a décidé derejoindre le mouvement et, avec elle, ce sontdes médecins qui réclament à leur tour desréouvertures de lit, des embauches et desrevalorisations salariales. n©

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Tous les jours surle piquet de grève

La sous-traitance est un moyen pour lesentreprises donneuses d’ordre de s’offrir unemain-d’œuvre sous-payée et surexploitée.Et surtout, celle-ci casse les collectifs de tra-vail et bride la possibilité de se mobiliserpour défendre ses droits. C’est par la soli-darité, le retour au collectif et la sortie del’isolement que les salariées des Batignollesont pu courageusement se mettre en ordrede bataille pour réclamer leur dû. Souhai-tons-leur tout le succès qu’elles méritent ! n

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Grève du bac

Construction d’une mobilisation inéditeSi le mouvement de grève lors des surveillances des épreuves du baccalauréat et de leur correction revêt un caractère inédit,

c’est davantage par son ampleur que par sa nouveauté.

Il y a déjà eu par le passé des refus d’obéirau calendrier de remontées de notes, par-fois de façon récurrente comme en philo-

sophie, en protestation contre la dégradationdes conditions de travail, mais rarement unetelle contestation n’avait été si ancrée et silargement soutenue.

La chronique d’une grève annoncéeAlors que le ministre déroulait ses réformesen choisissant d’ignorer toutes les alertes,et disqualifiant les critiques réduites à des« infox », la contestation s’est étendue duranttoute l’année, prenant des formes multiples.Note de 20/20 attribuée à tous les élèves,refus d’organiser les bacs blancs, démissioncollective de la mission de professeur prin-cipal, journées de grève... Le mouvementde juin ne vient pas de nulle part. En prenantappui sur la consultation de ses syndiqués,le SNES-FSU a pu fédérer avec l’appel à lagrève le premier jour des surveillances desépreuves de bac. La réussite de la grève du17 juin a ainsi joué le rôle d’un catalyseurpour la poursuite de l’action au moment descorrections et favorisé l’émergence de mou-vements revendicatifs plus larges.

Un processus d’enracinementL’Université d’été des enseignant-e-s et del’éducation (UEE) est une émanation desluttes contre les réformes Blanquer. Ouverteà tous, elle a réuni pendant trois jours à lafin du mois d’août de nombreux acteurs dumonde éducatif, bien au-delà du cercle habi-

tuel des militants. Syndiqués ou pas, mem-bres de collectifs ou non, la FSU, la FCPE,des mouvements pédagogiques et des asso-ciations se sont ainsi retrouvés pour des

débats dans une ambiance festive à la Cartoucherie de Vincennes, afin d’engagerla réflexion pour un projet éducatif alternatifaux politiques à l’œuvre ces dernièresannées. Mobilisation originale, elle est carac-téristique de la mutation de mouvementssociaux, protéiformes et horizontaux commeles réseaux sociaux qu’ils utilisent, maiscontinuant à s’inscrire pleinement dans l’ac-tion syndicale. n

L’US Mag : Pourquoi avoir rejoint les Stylos rouges ?Mohamed Boujemaoui : Le collectif des Stylos rougesest né en décembre 2018, inspiré de celui des Giletsjaunes. Il regroupe des enseignants du premier degré,du second degré, des CPE, des AESH, etc., qui se sontmis en relation par le biais des réseaux sociaux. Ce quim’a intéressé, ce sont les formes inédites de mobilisationproposées par les Stylos rouges, avec des actions plusspontanées, décidées de façon plus horizontale. C’estune organisation plus souple que celle des syndicats etqui attire aussi des collègues qui sont réticents par rapport auxmodes d’action traditionnels. Je suis convaincu de l’intérêt de lagrève mais je trouve que c’est bien de proposer d’autres choses.L’US Mag : Les Stylos rouges sont-ils critiques des syndicats ?M. B. : Certains Stylos rouges sont hostiles envers les syndicatset les pensent inutiles. Ce n’est cependant pas un point de vue

majoritaire et ce n’est pas le mien. Je pense aucontraire que les syndicats sont indispensables. Descollègues se sont syndiqués cette année après avoircommencé à militer chez les Stylos rouges, ce quiprouve que la défiance envers les syndicats est loind’être générale.

L’US Mag : Et sur les revendications,il y a unanimité chez les Stylos rouges ?M. B. : Les Stylos rouges ont des profils très diffé-

rents, et nous ne sommes pas tous d’accord sur tout. Nous avonscependant rédigé un manifeste qui récapitule nos revendicationsen trois points : revalorisation de notre métier, bienveillance del’État pour les élèves, reconnaissance de notre travail. Nombrede nos demandes rejoignent celles du SNES-FSU : dégel du pointd’indice, abandon de la réforme des retraites, baisse du nombred’élèves par classe, suppression du jour de carence, etc.

TROIS QUESTIONS À MOHAMED BOUJEMAOUI, syndiqué au SNES-FSU et Stylo rouge

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Une universitéd’été de l’éducation

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Les leçons de la grève du bac Jusqu’ici, une grève du bac était impensable. En effet, toutes les grèves d’examen s’étaientbrisées sur un double écueil  : l’arsenal réglementaire qui permet de sanctionner pour «  servicenon fait  » et surtout le sens du service public, de l’intérêt des élèves, qui s’oppose à une tellemobilisation alors qu’il en constitue habituellement un puissant moteur. De plus, l’attachementdes français au bac en fait une grève particulièrement impopulaire (en 2019, un sondage Kantarindiquait que 61 % des français soutenaient les sanctions financières et disciplinaires dontBlanquer menaçait les grévistes).Mais un contexte nouveau a permis à l’initiative du SNES-FSU de dépasser cet obstacle  : la finprogrammée du bac – non perçue par l’opinion publique, qui croit à des aménagements –, lesprovocations du ministre, le sentiment surtout de détenir un moyen d’action puissant, quoiquedifficile à manipuler. En fixant l’objectif de retarder de trois jours seulement la publication desrésultats, le mouvement a limité le déchaînement médiatique, même si la focalisation attenduesur le déroulement de l’action, sur l’angoisse des élèves, a perturbé son message. La rétentiondes copies n’était le fait que de plusieurs centaines de correcteurs, mais le soutien manifestépar la majorité de leurs collègues a évité qu’ils ne soient isolés, et donc vulnérables. Cettelutte atypique montre le besoin d’innover, de durcir le ton face à un pouvoir déterminé, tout enconservant un principe fondamental  : construire des grèves majoritaires, qui permettent auxenseignants de se faire entendre de l’opinion publique.

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faut discuter », et aussi avec celles et ceux qui votent RN (pasforcément par adhésion aux idées du RN d’ailleurs).

L’US Mag : Vous évoquez le rôle des médias : ont-ils participé àdélégitimer les Gilets jaunes, notamment en mettant l’accentsur les actes de violence ? L. B. : C’est un élément structurel dans les médias que d’insistersur les violences dans les mouvements sociaux, on l’a vu aumoment de la loi Travail. Mais pour la première fois, avec lesGilets jaunes, le traitement médiatique de la violence s’est inversé :on a pu voir évoqué dans des journaux très installés la mention

de « violences policières », ce quiest inédit2. Il y a donc une prise deconscience de la part des journa-listes de terrain. Mais tout cela s’ins-crit dans un contexte beaucoup pluslarge de disqualification des mou-vements sociaux.

L’US Mag : Comment lesGilets jaunes eux-mêmes sepositionnent-ils par rapportà cette violence ?L. B. : Il faut d’abord rappeler quel’usage de la violence par les Giletsjaunes n’est pas majoritaire. Beau-coup ne la considèrent pas commelégitime. Mais ce qu’on a vu au furet à mesure, tout particulièrementquand un certain nombre de vitrinesdes Champs Élysées ont été brisées,et que le Fouquet’s a été pris à partie,

c’est un refus de condamner ces actes-là. Cela s’explique par laviolence des inégalités sociales que représente ce quartier. C’estquelque chose d’assez nouveau, qui est lié aussi au fait que lesGilets jaunes ne se sentaient pas respectés.

L’US Mag : Quelle est la place du syndicalisme dansle mouvement des Gilets jaunes ?L. B. : C’est une question absolument centrale, un enjeu majeurpour l’avenir du mouvement.Le mouvement des Gilets jaunes permet une réflexion sur les pra-tiques syndicales, pas du tout en les disqualifiant, mais en lesnourrissant. Si on veut vraiment remporter quelques batailles faceà ce gouvernement qui est implacable, il faut s’unir. n

1. Formule prononcée en 1968 à l’Odéon et reprise par l’historienMichel de Certeau.2. Voir le travail du journaliste David Dufresne qui recense les violencespolicières contre les Gilets jaunes.

Entretien

L’US Mag : Vous avez évoqué la « portée émancipatrice »du mouvement des Gilets jaunes  ?Ludivine Bantigny : En 1968 on disait « en 1789 on a pris laBastille, en 1968 on prend la parole »1, les Gilets jaunes sontaussi un mouvement qui a « ouvert la parole ». Des milieuxsociaux très divers se sont retrouvés dans ces formes de solidarité,et sentis légitimes à s’exprimer et à prendre l’espace : les rondspoints où il s’agit de se retrouver, d’imaginer des alternatives,mais aussi des lieux proches du pouvoir comme les Champs Ély-sées. Cette façon d’intervenir dans le champ du social et dupolitique a forcément une portée émancipatrice, cela permet dese libérer du repli sur soi, de laconcurrence entre individus.C’est aussi une manière de s’appro-prier la chose politique comme unbien commun, de se dire que les élu-e-s ne sont pas les seuls légitimes ày prendre part. On l’a bien vu dansles Cahiers de doléances et le VraiDébat. C’est un mouvement éman-cipateur car il confère une prise surl’histoire, une reprise en main de sondestin individuel et collectif.

L’US Mag : En quoi les Gilets jaunesremettent-ils en cause la société  ?L. B. : D’un point de départ sur lataxe carbone s’est déployée tout desuite une réflexion plus large sur lafiscalité, la justice sociale, l’évasionfiscale, les salaires, les revenus mini-mums, les SDF, la démocratie. Lemouvement a produit du collectif,du temps pour se retrouver, partager des idées, des espoirs. Toutcela prend à bras le corps l’ensemble du système social et poli-tique.

L’US Mag : Pourtant, ce mouvement n’a t-il pas aussides aspects «  réactionnaires »  ?L. B. : Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas homogène. Ilfaut l’envisager dans sa diversité.Lors des deux premières semaines, il y a eu très ponctuellementdes actes et insultes racistes et homophobes. Il ne faut pas balayerd’un revers de la main ces actes-là, car ils ont été graves, maisêtre lucide sur le fait que les médias ont essayé d’en faire unenjeu central alors que ces actes étaient minoritaires.Les personnes qui votent Rassemblement national (RN) ne sontpas majoritaires dans le mouvement, mais ce que disent beaucoupde Gilets jaunes qui ont pourtant une détestation absolue duracisme et de tout ce que représente l’idéologie du RN, c’est « il

« Le mouvement des Gilets jaunes a produit du collectif »Ludivine Bantigny est historienne, maîtresse de conférences en histoire contemportaine àl’université de Rouen-Normandie, spécialiste de Mai 68.©

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Dynamique de mobilisation

Le SNES-FSU dans les luttes actuellesLe SNES-FSU est-il dépassé, comme un symbole de l’ancien monde ?

Le raccourci ne résiste pas à l’analyse rigoureuse. Est-il à l’écoute de ce qui s’exprime dans des formes nouvelles de mobilisations  ?

Incontestablement, la réponse est oui.

Les luttes actuelles ont d’une certainemanière confirmé l’importance du cadresyndical pour l’action, tout en ouvrant

de nouvelles perspectives. Le SNES-FSU aainsi occupé une place importante dans lesmobilisations du champ éducatif de l’an der-nier : production et diffusion d’analyses,reconnues pour leur sérieux et leur soliditéqui ont permis, petit à petit, de convaincreles collègues des conséquences désastreusesdes réformes en cours. Mais les luttes récentesont aussi montré le souhait d’une plus granderéactivité et d’une plus grande horizontalitédans l’organisation de l’action. Le SNES-FSU s’est efforcé de s’adapter à ces nouvellesexigences, preuve qu’il n’est pas déconnectéde la réalité du terrain, comme certains aimentà le caricaturer.Par exemple, le SNES-FSU a produit unecarte collaborative des mobilisations(www.snes.edu/Mobilisations-2019) : lessyndiqués, quel que soit leur niveau de res-ponsabilité, pouvaient ainsi compléter cettecarte, en indiquant leur établissement et lesmodalités d’action retenues (grève, démissiondes PP, etc.). Assez rapidement, elle a permisd’avoir un panorama fiable de l’état de mobi-lisation, tout en permettant quasiment entemps réel de répondre à une question quis’est beaucoup posée dans les établisse-ments : « mais que se passe-t-il dans l’éta-blissement voisin ? ».Par ailleurs, le SNES-FSU travaille depuis

plusieurs années à renforcer sa présence surle terrain, à travers ses sections d’établisse-ment (S1), qui permettent d’être au plus prèsdes collègues, afin d’organiser les actionslocales et, dans le cadre de notre organisation,avec les sections départementales et acadé-

miques, d’être en mesurede coordonner l’action.Ce renforcement des sec-tions d’établissement estune des pistes deréflexion prioritaire deces prochains mois dansle cadre des instances duSNES-FSU.

Renforcer la présencesur le terrainLe SNES-FSU a donctoute sa place dans lesluttes actuelles, d’unepart car il peut apporterun cadre d’analyse et

d’action qui reste indispensable pourconstruire des luttes efficaces, mais aussiparce qu’en étant toujours à l’écoute de sessyndiqués, il a su faire évoluer certainesde ses pratiques pour s’adapter à un contextede mobilisation mouvant. n

Des nouvelles formes d’action ?Comment agir à l’heure des réseaux sociaux, quand les flux d’informationen continu saturent l’espace médiatique, tout en imposant un rythmequi favorise le zapping, au détriment de l’analyse de fond ?Pour le SNES-FSU, il ne s’agit pas de céder à la mode de la communicationà outrance, mais de tenter de s’adapter à ce nouveau contexte quiimpose de rendre les actions plus percutantes et visibles.Tout au long de l’année dernière, le SNES-FSU a alerté sur les consé-quences de la loi dite de transformation de la Fonction publique. Ilfallait aussi rendre visible cette transformation d’ampleur, afin quechacun prenne la mesure de ce qu’elle suppose. Plusieurs sectionsacadémiques (Rouen, Marseille, Rennes, Bordeaux) ont alors organisédes happenings, à l’occasion des FPMA qui se sont tenues pour le mou-vement intra, en juin. Lecture solennelle de déclaration préalable,départ de la salle, commissaires paritaires vêtus de tee-shirt revendi-catifs, ou encore mise en scène du bâillonnement des élus des personnels

pour illustrer symboliquement le silence désormais imposé aux com-missaires paritaires... le tout largement relayé sur les réseaux sociaux.Les mobilisations lors des examens de fin d’année symbolisent aussicette double exigence d’analyse et d’actions nouvelles, qui permettentà la fois de rassembler et de porter les revendications des personnels.Après plusieurs mois d’action et d’analyse, le SNES-FSU a innové enfin d’année. Le 17 juin, jour de la grève des surveillances du baccalauréat,plusieurs sections académiques ont, là encore, fait preuve d’imaginationpour rendre visibles les conséquences des réformes Blanquer. À Toulouse, ou en région parisienne, les militants ont ainsi organisé desmises en scène des épreuves de philosophie, faisant plancher les manifestants-candidats sur des sujets particulièrement d’actualité(«  Communiquer, est-ce dialoguer ? »). Les sections SNES-FSU deParis, Créteil et Versailles poussant même le sens du détail jusqu’àorganiser leur manifestation... rue du Bac  !

Carte collaborativedes mobilisations

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28 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

MÉTIER

LA DEPP(1) a publié deux notes d’information au sujet des résultats de l’enquête CEDRE 2018(2) en sciences(SVT et physique-chimie).

Sciences et réforme du collège :faut-il faire le lien ?L

es résultats montrent qu’en fin de pri-maire, le niveau est stable depuis 2007et s’homogénéise. Les professeurs des

écoles déclarent que leurs élèves ont de l’ap-pétence pour les sciences. En fin de Troisième,si les écarts de résultats sont toujours liés auprofil social des élèves, le niveau a baisséaussi bien dans les collèges défavorisés quedans ceux favorisés alors qu’il était restéstable entre 2007 et 2013. En revanche, l’écartentre filles et garçons s’est resserré.Nouveauté depuis 2013 : les élèves ontrépondu sur support numérique. Les typesd’items proposés se sont complexifiés.CEDRE évalue aussi des compétences expé-rimentales. Si 80 à 90 % des élèves de Troi-sième savent mettre en œuvre un protocoleexpérimental selon l’activité proposée, ils ne

sont plus que 60 à 70 % à être à l’aise avecdes gestes manipulatoires fins. 48 % des élèvessont capables de proposer un protocole expé-rimental correct, à partir d’une question posée,dans une situation connue.

Moins d’une classe sur deuxexpérimente La baisse des résultats des élèves en fin decollège est-elle liée à la réforme qui en 2016a mis en concurrence les enseignements pra-tiques interdisciplinaires, l’accompagnementpersonnalisé et les dédoublements, notammenten sciences ? D’après l’enquête CEDRE, seuls39 % des professeurs déclarent faire manipulerleurs élèves régulièrement. Les dédoublementsse sont raréfiés et les préconisations institu-tionnelles portent davantage sur la compré-

hension de la démarche scientifique que surla manipulation. Dans ces conditions, com-ment les élèves pourraient-ils maîtriser « desgestes manipulatoires fins », alors que cetobjectif n’est plus recherché ?En outre, si les élèves se déclarent intéresséspar les sciences, ils admettent y consacrer peude temps de travail personnel alors que 40 %envisagent exercer un métier dans le domainescientifique. Il serait temps de permettre àtous les élèves d’expérimenter en sciences dansde bonnes conditions ! n

Anne-Sophie Legrand, Fabrice Rabat

(1) Direction de l’évaluation de la prospective et dela performance.(2) Cycle d’évaluations disciplinaires réalisées suréchantillon en fin d’école et en fin de collège, tousles cinq ou six ans, à partir des programmes.

AUTONOMIE. Il y a plus d’un an, le président de la République annonçait une réforme du grand âge etde l’autonomie pour fin 2019. De rapport en mission, cette réforme se fait sans consultation.

Aide à domicile : il y a urgenceL

e 28 mars dernier, Dominique Libault,en charge de la réforme, présentait unrapport qui considère que sur la question

des métiers du grand âge, leur attractivité faitpartie des dix propositions clés de la futureloi. C’est la priorité n° 1. Début juillet, AgnèsBuzyn confiait une mission à ce sujet àMyriam El Khomri. L’ancienne ministre doitpréparer un « plan de mobilisation nationale

en faveur des métiers du grand âge » selonquatre axes :• évolution des métiers ;• modalités concrètes pour « renforcer la capa-cité des employeurs à recruter » ;• mise en place des structures pour améliorerla qualité de vie des professionnels ;• perspectives de carrière.Aujourd’hui, en dépit d’une concertation affir-

mée par Agnès Buzyn, ni la FSU, ni le SNES,pourtant compétents sur les questions de for-mation, n’ont été consultés. La FSU a remis,en novembre 2018, ses propositions à Domi-nique Libault. Elle insistait sur le besoin depersonnels en nombre suffisant, bien formés,qualifiés et bien rémunérés. Elle a détailléconcrètement sa conception d’une filière deformation depuis le lycée professionneljusqu’à l’Université et défendu la nécessitéd’un grand service public.

Secteur sinistréL’importance du dossier, son urgence ne sontplus à démontrer. Les mouvements unitairesdepuis 2018 ont montré la situation catastro-phique des personnels des EHPAD et de l’aideà domicile, à tel point que le secteur a degrandes difficultés à recruter. Les réponsesgouvernementales sont très insuffisantes. Unemotion adoptée le 5 septembre par la confé-rence des EHPAD et de l’aide à domiciledéplore le « mépris et l’immobilisme » despouvoirs publics et appelle à des mobilisations.Plusieurs journées sont prévues, le 8 octobrepuis le 15 octobre, jour de la remise du rapportdes métiers du grand âge à la ministre. Lesretraités du SNES-FSU seront présents auxcôtés des salariés. n

Marylène Cahouet© C

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RÉFORMES, EFFECTIFS À PRENDRE EN CHARGE, relations hiérarchiques... nos conditions d’exercicesse dégradent, quoiqu’en dise le ministre. Le SNES-FSU propose une grande enquête.

Une enquête pour tout se direE

nseignants, personnels de vie scolaire,Psy-ÉN sont nombreux à témoigner decette fatigue qui s’installe de plus en

plus tôt dans l’année scolaire. Une mauvaisefatigue car on ne s’en repose pas. Fatiguequi entraîne problèmes de santé, physiqueou psychique. Depuis des années, les mili-tants du SNES-FSU à tous les niveaux(départemental, académique, national), danstoutes les instances où ils siègent, alertentles représentants de l’institution sur lesrisques croissants pour les personnels. Com-bien faudra-t-il encore de drames pour êtreécoutés ?« Aujourd’hui, samedi, je me suis réveilléeépouvantablement fatiguée, épuisée aprèsseulement trois semaines de rentrée ». Oui,on peut se réveiller épuisé par le travail. Les premiers mots de la lettre de la directriced’école de Pantin qui a mis fin à ses jours,malgré leur apparent paradoxe, éveillent denombreux échos dans le second degré.

Accroissement de la charge de travail, mul-tiplication des tâches et des sollicitations,accélération des réformes, intensification dutravail, confusion accrue de l’organisationdu travail, sentiment d’inefficacité et rienpour soutenir les personnels, une indifférencede la hiérarchie qui confine au mépris et dessalaires en berne. Au total, une vie privéeperturbée, déstabilisée par des préoccupationsprofessionnelles permanentes.

Une enquête pour prendre la paroleLe SNES-FSU lance une grande enquête

avec la double ambition de recueil-lir la parole des personnels et ques’ouvre le débat dans la salle desprofesseurs.Ne restez pas seul devant votre écran

avec cette enquête. Parlez-en avec vos col-lègues. Échangez sur vos réponses, posez uneheure d’information syndicale, débattez de cequi ne va plus, de ce qui ne peut plus être

accepté, communiquez le fruit de vos échangesà votre direction... Il est temps de prendre durecul pour reprendre la main sur nos métiersdont l’institution nous exproprie. n

Yannick LefebvreAccès : bandeau déroulant www.snes.edu

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Questions vives... Laïcité, évaluation des enseignantsDeux questions qui s’invitent en salle desprofs. La laïcité, sujet récurent, (d’où vient-elle ? son cheminement avec le système sco-laire) et l’évaluation des enseignants, sujetd’actualité et son histoire qui n’est pas nonplus un long fleuve tranquille.Ouvrage d’actualité, illustré par les analyseset témoignages de ceux qui, au SNES, enfurent les acteurs à des moments cruciauxpour ces questions.

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Enseignement de l’histoire. Enjeux,controverses autour de la question du fascismeL’enseignement de l’histoire n’a jamais été un sujet neutre.Deux collègues, en partant de l’évolution des programmes cestrente dernières années, cherchent à répondre à la question :

permet-elle aux jeunes des collèges etlycées d’acquérir les clés pour comprendrele monde actuel ?❱ Joëlle Fontaine et Gisèle Jamet, ADAPT-SNES, 2016, 126 p., 12 €

Le nouveaumanagementpublic et l’éducationNos métiers se transforment et cette trans-formation génère des doutes. Quelles sontnos nouvelles missions ? Que devient leservice public ? Il s’agit pourtant d’unepolitique concertée. Ce livre est un outil

pour comprendre, pour apporter des idées et avancer.❱ Coordonné par David Rafroidi, ADAPT, 2018, 230 p., 14 €

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CATÉGORIES

Les audiences des organisations syndicalesn’y changent rien. Le ministère, dansson refus complet du dialogue social,

maintient sa réforme dans son intégralité.Elle vise le démantèlement du service publicd’orientation de l’Éducation nationale et latransformation des missions des enseignantset des CPE.Cette réforme acte la fermeture des CIO quisigne la disparition d’un service public del’ÉN dédié à la réussite de tous les élèveset le transfert de 155 emplois des DR/ONI-SEP aux Régions. Les Psy-ÉN EDO sonttransformés en « ingénieurs en orientation »en redéfinissant leurs missions essentielle-ment autour de la mise en œuvre des plansd’actions régionaux. Les missions d’accom-pagnement des élèves dans l’élaboration deleurs projets d’orientation leur sont retiréespour être attribuées aux enseignants et CPE

qui devront passer une « certification » obte-nue en quelques semaines.

Du déjà-vu !Est ainsi niée l’approche psychologique dela question des choix d’orientation à l’ado-lescence et l’orientation est assujettie auxrésultats scolaires et aux besoins d’emploisdans les territoires.Cette réforme présentée comme modernen’est qu’une reprise du projet de professeurconseiller et de conseiller professionnel duministre Peyrefitte en 1967 ! Pense-t-on auministère que les professeurs et CPE serontplus dociles pour se laisser prendre auxpièges d’une vision adéquationniste del’orientation ? Il s’agit surtout de faire de laplace aux chambres professionnelles et orga-nismes mandatés par les Régions qui assu-reront l’information des élèves sur les métiers

et les formations dans le cadre des heuresdédiées à l’orientation.Le ministre doit présenter ses arbitrages enoctobre. Sans attendre, il faut l’empêcher ladestruction de ce service public de proximitéqui accompagne et éclaire pour leur orien-tation les jeunes les plus fragiles et/ou lesplus modestes face aux algorithmes, auxintérêts patronaux et aux organismes privésde plus en plus largement subventionnés.Le SNES-FSU est bien déterminé à se faireentendre : ces choix de démantèlement denotre service public d’information et d’orien-tation sont synonymes de privatisation etd’accroissement des inégalités. Toutes et

tous mobilisés le 15 octobre !ht tps: / /www.snes.edu/Pour-defendre-le-service-public-d-orientation.html n

Géraldine Duriez

Cette appréciation servira à les départagerlors de la prochaine opération de carrièrequi les concernera : gain d’une année

pour l’avancement d’échelon des collèguesétant au 6e ou au 8e échelon, accès plus oumoins rapide à la hors-classe pour ceux étantau 9e échelon.De nombreux bugs ont émaillé la transmis-sion des avis : retards dans la transmission,difficulté voire impossibilité de lire l’avis oude pouvoir exprimer sa volonté de faire unrecours... Les raisons sont connues : servicesadministratifs débordés, outil informatiqueutilisé par l’administration souffrant dediverses imperfections. Les interventionsmultiples du SNES-FSU ont permis de résou-dre ces problèmes tout en préservant les droitsdes collègues concernés, en particulier lesdélais dont chacun dispose pour entamer uneprocédure de recours.

Ce que de droitDes problèmes bien plus redoutables se révè-lent alors. Dans de nombreux cas, l’appré-ciation finale n’est pas en cohérence avecles éléments renseignés par les évaluateursprimaires : les items des grilles et leurs appré-ciations littérales. Il n’est pas rare, par exem-ple, qu’un collègue ayant recueilli une majo-rité d’item « excellent » et les autres « trèssatisfaisant », accompagnés d’appréciations

littérales élogieuses, se voit affublé d’uneappréciation finale « très satisfaisant », voire« satisfaisant ».Il convient alors de suivre avec attention lesétapes du recours engagé et les délais suc-cessifs de ces étapes : le SNES-FSU a misen ligne (www.snes.edu/Le-compte-rendu-d-evaluation-et-la-determination-de-la-valeur-professionnelle.html) tous les éléments néces-

saires pour aider les collègues dans leursdémarches, ainsi que la fiche de suivi indi-viduelle dédiée (www.snes.edu/Rendez-vous-de-Carriere-Saisie-de-la-Commission-Paritaire.html). Dans tous ces cas, contacterla section académique afin de recueillir lesmeilleurs conseils (les professeurs agrégés s’adresseront à la section nationale :[email protected]). n Christophe Barbillat

RENDEZ-VOUS DE CARRIÈRE. Les collègues ayant eu un rendez-vous de carrière en 2018-2019 ont reçu courantseptembre l’avis final du recteur (du ministre, pour les professeurs agrégés)  : c’est «  l’appréciation de la valeurprofessionnelle  ».

Le SNES-FSU aux rendez-vous

LE 15 OCTOBRE sera une nouvelle journée de mobilisation intersyndicale des Psy-ÉN, DCIO,personnels des CIO et DR/ONISEP dans nombreuses académies.

Orientation, dans l’action le 15 octobre©

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Le décret permettant de recruter des AEDen contrat de préprofessionnalisation àla rentrée 2019 a été publié le 25 sep -

tembre. Ce texte a subi plusieurs modifica-tions importantes depuis son examen enComité technique ministériel qui le rendentnotamment plus flou pour ce qui concerneles fonctions de ces AED. À cette rentrée,ce sont 1 500 étudiants qui doivent êtrerecrutés en L2 (dont 800 dans le seconddegré) en mathématiques, lettres, anglais etallemand – et ce, dans 17 académies. Levolume de recrutement doit être porté à 3 000les années suivantes. Le dispositif est financé,pour cette année par la mise en extinctiondes EAP, mais rien n’est budgeté pour lasuite. Il ne serait pas acceptable que lesmoyens en AED pour les vies scolaires soientmis à contribution !

Vigilance nécessaireCes AED sont recrutés par les établissementsaprès une sélection organisée par le rectoraten partenariat avec les universités concernées.Ils ne doivent en aucun cas être des moyensde surveillance. La priorité à leurs études

doit être impérativement respectée et leursemplois du temps doivent être établis en lienavec l’université.

Le SNES-FSU s’est battu pour limiter l’éten-due des missions qui peuvent leur êtreconfiées. Celles-ci doivent être de nature pédagogiqueet permettre une entrée progressive dans lacarrière de professeur avec un accompa-gnement et une prise de responsabilité adap-tée : observation en classe et participationà des dispositifs tels que Devoirs faits enpremière année, ce à quoi s’ajoute de laco-intervention avec le professeur-tuteuren deuxième année, puis prise en charged’une classe en responsabilité avec appuidu professeur-tuteur en troisième année(M1). Le temps de présence hebdomadaireen établissement est de 8 heures parsemaine.Le SNES-FSU a dénoncé la mise en res-ponsabilité en M1 qui fait écho à ce qui seprofile en matière de recrutement et de for-mation et que nous condamnons : unconcours plus professionnalisé placé en M2,aucune diminution de la durée de servicedes stagiaires, et une priorité donnée au ter-rain comme lieu de formation. n Emmanuel Séchet

AED. Attaché à la préprofessionnalisation des étudiants se vouant au professorat, le SNES-FSU se bat et se battra pour que les AED recrutés dans ce cadre disposent de conditions de travail convenables.

Assistants, pas surveillants !

Effectifs insuffisants, mépris de la paroledes personnels, évolution professionnelleentravée, management par le chiffre et

le chronomètre, et même recours à des pres-tataires externes dans les périodes de picd’activité sont quelques-unes des nombreusesraisons de cette mobilisation.La sous-traitance à des officines privées spé-cialisées dans le marketing téléphonique estparticulièrement problématique. Elle dégradeà la fois la qualité du service public et le sensdu travail des agents du Centre de relationclients (CRC).

Recours à la sous-traitanceLa télé-assistance du CNED exige uneconnaissance précise du fonctionnement etdes services proposés qui ne peut être trans-mise en quelques jours aux opérateurs dusous-traitant, pour lesquels le CNED n’estqu’un client parmi d’autres. Cette externali-sation s’inscrit en outre dans une dérive com-merciale qui touche l’ensemble du CNED etque les syndicats de la FSU dénoncent.Aucune négociation n’a été ouverte entre ledépôt du préavis et la journée de grève, maisun plan d’action a été présenté aux personnelsle 5 septembre. Certaines des demandes des

agents ont été prises en compte. La directiongénérale a ainsi annoncé le retour des réunionsde service régulières et promis une meilleurecommunication de la part des managers et laparticipation des conseillers formations aurecrutement des opérateurs externes. Ce seraitune sorte de retour à la normale.Mais les problèmes les plus importantsdemeurent. La direction générale refuse derevenir sur le recours à des prestataires

externes, les « managers » continueront dedécider sans concertation avec les personnelset les outils de contrôle de la « productivité »des agents sont maintenus et généralisés.Les personnels du CRC vont donc maintenirleurs revendications qui trouvent un largeécho dans les autres sites du CNED où lesagents vivent des pressions managériales etcommerciales du même ordre. n Hervé Moreau

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CNED. Le 2  septembre, 75 % des agents du Centre de relation clients du CNED étaient en grève. Coup deprojecteur sur une mobilisation d’ampleur.

Rester à distance du privé

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L’émergence de ce métier d’accompagnantest étroitement liée à la volonté, de lapart de l’État et de la société, d’inclure

et d’intégrer les élèves en situation de han-dicap dans la classe. La loi du 11 février2005 pour l’égalité des droits et des chanceset la participation et la citoyenneté des per-sonnes handicapées symbolise cette recon-naissance des personnes en situation de han-dicap dans la société civile mais égalementdans l’Éducation nationale. Cette dernièredoit désormais s’adapter aux exigences del’intégration des élèves dans l’institution sco-laire.Parallèlement à la loi de 2005 on assiste à lacréation des Contrats uniques d’insertion(CUI), Contrats d’accompagnement dans l’em-ploi (CAE) pour le secteur non marchand.Ces collègues se voient confier des missionsde secrétariat mais également un travail d’ac-compagnement des élèves en situation de han-dicap. Ces contrats précaires de droit privédans la fonction publique sont courts (24 mois)et entraînent un turnover important. Le décret

de 2014 marque à cet égard une étape impor-tante qui crée véritablement les AESH. Depuis,un certain nombre de textes ont été publiésqui tendent à spécialiser la fonction. La loi de2019 sur l’école de la confiance est assortied’une circulaire qui encadre les contrats detravail des AESH. Ces derniers sont désormaisrecrutés sur des contrats de trois ans renou-velables une fois avant cdisation.

Professionnaliser les AESHJusqu’à une période récente, la fonction d’ac-compagnant a été pensée dans le temporaire.Depuis 2016, il existe un Diplôme d’Étatd’accompagnant éducatif et social (DEAES)de niveau V (CAP) avec une spécialité« Accompagnement à l’éducation inclusiveet à la vie ordinaire ». La détention de cediplôme permet de postuler auprès des ser-vices académiques. Pour les non-titulairesde ce diplôme une formation de soixanteheures existe qui doit avoir lieu au plus tardavant la fin du premier trimestre et si possibleavant même la prise de fonction. Les per-

sonnels en poste peuvent aussi s’engagerdans une démarche de Validation des acquisde l’expérience (VAE). Il est ainsi possiblede candidater à des formations continues.Tous les trois ans les AESH bénéficient d’unentretien professionnel conduit par l’IEN oupar le chef d’établissement.

Un métier à part entièreLes AESH aident les élèves en situation dehandicap dans les actes de la vie quotidienne,dans l’accès aux activités d’apprentissage,dans les activités périscolaires ainsi que dansles gestes techniques spécifiques. Ils peuventêtre affectés auprès d’élèves ayant une notifi-cation individuelle (avec un nombre d’heuresdéfini par la Maison départementale des per-sonnes handicapées [MDPH]) ou mutualisée(accompagnement non continu et non sou-tenu, sans précision horaire de la MDPH),ou enfin à une ULIS (AESH collectifs). Ilexiste ainsi une très grande variété de situa-tions. Si les missions des AESH sont cadrées,il arrive que l’on demande à ces personnels

SUR LE TERRAIN©

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118 000 ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP étaient scolarisés en 2006, ils sont 340 000 en 2018. 26 000 étaientaccompagnés, ils sont aujourd’hui plus de 166 000. Les Accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH)sont indispensables tant auprès des élèves que dans les équipes éducatives. Il reste encore beaucoup à faire pourque ce métier soit reconnu à sa juste valeur.

Se battre pour une véritablereconnaissance professionnelle

AESH : quel statut ?

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de réaliser des tâches qui ne relèvent pas deleurs missions (réalisation des photocopiesde l’administration ou des enseignants, sur-veillance d’examens ou de couloirs, sup-pléance de personnels administratifs...). Deszones grises subsistent également quant àcertaines fonctions, à l’image des gestes tech-niques spécifiques, peu ou pas assez définies.Le travail des AESH peut être difficile. Eneffet l’accessibilité et l’aménagement deslocaux (absence d’ascenseur, de rampe d’ac-cès, toilettes non adaptées) ont un impact surle travail des AESH et leur santé, en parti-culier les troubles musculosquelettiques quandils sont amenés à porter l’élève ou son siègeadapté, notamment lorsqu’ils accompagnentdes élèves à mobilité réduite.

Un contrat de droit publicDepuis 2014, les AESH sont recrutés surdes contrats de droit public. À partir de sep-tembre 2019, tous les accompagnants serontrecrutés avec un contrat de trois ans. Lerecrutement concerne les personnes titulairesd’un diplôme d’aide à la personne, d’undiplôme de niveau IV ou justifiant d’aumoins neuf mois d’expérience dans l’ac-

compagnement des personnes en situationde handicap. Le recrutement s’effectue enCDD, par contrat de trois ans de droit publicrenouvelable une fois. Après six annéesd’exercice, l’AESH peut prétendre à un CDI.L’administration est tenue de notifier sonintention de renouveler ou non le contrat auplus tard deux mois avant son terme (troismois en cas de renouvellement en CDI).Seul un motif lié à l’intérêt du service peutjustifier un non-renouvellement en CDI. Pourle calcul des six années permettant de bénéfi-cier d’un CDI, les services accomplis à temps

partiel sont comptés comme des services àtemps complet. Les périodes de moins dequatre mois entre deux contrats, le congéparental et le changement d’académie nesont pas interruptifs. La période d’essai estappliquée au premier contrat. Elle dure dedeux à trois mois.Pour le SNES, avec la FSU, les AESH doiventobtenir la reconnaissance de l’État par la créationd’un statut de fonctionnaire de catégorie B. n

Rubrique réalisée par Nicolas Sueur

◗ CHIFFRES. Rémunération mensuelle brute =indice de rémunération × valeur du point d’in-dice × quotité travaillée (temps de serviceannuel de l’agent / 1 607 heures). Pour un pleintemps (première année d’exercice), la rému-nération mensuelle brute est ainsi calculée :325 × 4,69 € (taux actuel) × (39,20 heures ×41 semaines / 1 607 heures) = 1 524,43 €. Pourun temps partiel (première année d’exercice),sa rémunération mensuelle brute est ainsi cal-culée : 325 × 4,69 € (taux actuel) × (24 heures× 41 semaines / 1 607 heures) = 933,33 €.◗ AVENANT. Lorsque l’administration veutmodifier la quotité de temps de travail ainsique le lieu d’affectation, elle doit obligatoire-ment proposer un avenant. Le refus de signercet avenant peut entraîner un licenciement.La révision à la baisse de la quotité du tempsde travail, en particulier lors du passage enCDI, est un point sur lequel le SNES-FSU esttrès offensif. ◗ ABSENCES. En cas d’absences liées à unemaladie ou un accident professionnel, le trai-tement est maintenu avec une durée qui varieselon l’ancienneté. ◗ CONGÉS. Le congé maternité est de seizesemaines à plein traitement. Le congé paren-talité est de trois jours, pas forcément consé-cutifs, dans les quinze jours entourant la nais-sance, puis de onze jours dans les quatre moissuivant la naissance.◗ TEXTES. Décret n° 2014-724 du 27 juin 2014relatif aux conditions de recrutement desAESH, précisé par la circulaire n° 2014-83 du8 juillet 2014 (conditions de cdisation), puisdu 27 juillet 2018. Circulaire de gestion n° 2019-090 du 5 juin 2019.

Samir Kermouni, AESH élève et François Josephine,AESH enseignant au lycée Saint-Charles de Marseille.

Trois questions à...

L’US Mag : Comment es-tu devenu AESH ?

Samir Kermouni : J’ai eu un parcours un peu chaotique et heurté. Après une année de facd’anglais, j’ai débuté en tant qu’emploi jeune comme auxiliaire d’intégration scolaire. Lecontrat était de 35 heures. J’ai fait ce travail pendant trois ans. Par la suite je suis devenuAED-AVS (Auxiliaire de vie scolaire). Le travail était très précaire. Cela a duré six ans.Puis l’inspection académique a refusé de renouveler mon contrat, malgré les demandes dela famille de l’enfant que j’accompagnais. J’ai alors alterné période d’activité et de chômage.J’ai été obligé de retourner vivre chez mes parents. J’avais réussi à trouver un emploi entant qu’animateur périscolaire dans une école primaire. Comme je les avais déclarés onm’a déduit ces 150 euros du chômage ! C’était affreux. En fin de droit pour le chômage j’airéussi à obtenir un emploi aidé. Je percevais un peu plus de 600 euros par mois, puis je suisretourné au chômage. J’en ai souffert et j’en voulais à tout le monde. Sans mes parents jene sais pas ce que je serais devenu. On peut basculer très vite.

François Josephine : Je travaillais en studio et j’ai été obligé de trouver un travail avec unsalaire régulier. J’ai eu connaissance de ce travail par une amie. J’ai été recruté en mai 2016en tant qu’AESH élève pour un contrat de 21 heures. Par la suite je suis devenu AESHenseignant. Aujourd’hui je m’occupe d’une collègue handicapée et l’aide à porter ses affaireset à se déplacer.

L’US Mag : Quels sont les aspects du métier que tu souhaiterais voir améliorer ?

S. K. : Il est très difficile de construire quelque chose de stable dans une telle précarité.Cela affecte la vie de famille. Lorsque l’IA m’a appelé et que j’ai obtenu un CDI ça a étéune délivrance pour moi, j’ai eu l’impression de pouvoir vivre. Je trouve que le métiern’est pas suffisamment reconnu. On ne pense pas suffisamment à ce que deviennent lesélèves ensuite. Les élèves ont besoin de soutien moral. Ils ont parfois des vies très compliquées.Il m’est arrivé de prendre en charge des élèves scolarisés dans des écoles éloignées de monlieu d’habitation. Sans voiture, sans aide supplémentaire et avec des contrats aussi précairesc’est une partie du salaire qui part dans les déplacements.

F. J. : Lorsque l’on est sur plusieurs établissements ce n’est pas toujours satisfaisant, surtoutlorsque cela se produit plusieurs fois dans l’année. La rémunération n’est pas toujours satis-faisante. Il peut arriver qu’il y ait des tensions avec les chefs d’établissement relativementà notre contrat. Quand on est recruté sur un contrat de 32 heures mais que l’élève a 25 heuresde cours, il peut arriver que l’on cherche à nous imposer de compléter les 7 heures restantes.Dans le contrat figure en effet que l’on est à disposition de l’établissement pour la partieadministrative. Il m’est arrivé de faire du travail de vie scolaire ou des tâches administratives.En tant qu’AESH enseignant, j’ai été recruté sur un contrat de 40 heures pour aider unecollègue, malvoyante à 80 %, qui avait 12 heures de cours. J’effectuais toutes les tâchesécrites (leçon au tableau, cahier de textes...). Le chef d’établissement considérait que celan’occupait pas mon nombre d’heures et voulait absolument que je reste dans l’établissementune fois que j’avais terminé. J’ai même eu des retraits sur salaire.

L’US Mag : Quelles sont les parties du métier que vous appréciez le plus ?

S. K. : Je suis heureux de la reconnaissance des familles mais aussi des élèves. Je suisconfronté souvent à la souffrance et psychologiquement c’est parfois difficile. Du fait denotre proximité avec les élèves on se retrouve parfois dans une position délicate par rapportaux enseignants. On développe une relation de complicité avec certains élèves. On perçoitleurs souffrances, leurs difficultés.

F. J. : J’aime bien ce métier. Lorsque j’étais AESH élève j’ai trouvé cela gratifiant d’accompagner l’élève jusqu’à son diplôme. Par la suite, en tant qu’AESH enseignant, ilm’est arrivé de faire le cours avec le collègue. C’est intéressant.

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290 réseaux existants. Pourtant, comme àTallinn, les résultats sont concluants. Pionnière, la ville de Châteauroux, dans l’In-dre, a vu, en dix-sept ans d’existence, la fré-quentation dans les bus multipliée pardeux. À Niort, elle a augmenté de plus de20 % la première année, puis 30 %, la muni-cipalité faisant état de plus de 4 000 nou-veaux usagers du bus chaque jour. À Dun-

kerque, les résultats d’une enquête menéesur une année confirment ce succès : + 65 %de fréquentation en semaine et + 125 % lesweek-ends. Dans toutes les villes « sansticket » la moitié des personnes interrogéesdéclarent utiliser « plus souvent » ou « beau-coup plus souvent » le bus depuis la miseen place du nouveau réseau gratuit.

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FENÊTRE SUR

Depuis septembre 2017, il n’y a plusbesoin de payer pour prendre le bus àNiort. Tout comme à Dunkerque depuis

plus d’un an. À Niort, la gratuité des trans-ports publics collectifs concerne les 45 com-munes de l’agglomération soit plus de120 000 habitants. Dunkerque a détrôné lechef-lieu des Deux-Sèvres en devenant lapremière communauté urbaine, avec un bas-sin d’habitat de 200 000 personnes, à instituerla gratuité des transports en bus. Ces villes françaises imitent en cela Tallinn,en Estonie, seule capitale au monde à dis-poser, depuis 2013, d’un réseau de transportsen commun gratuits (gratuité réservée à sesseuls résidents). Après trois ans, Tallinnavançait une hausse de la fréquentation de8 %. Devant ce succès, le gouvernementestonien a fait le choix d’étendre cette gra-tuité à l’ensemble du pays, devenant ainsi,depuis juillet, le premier pays au monde àproposer un service de bus entièrement gra-tuit en attendant le Luxembourg, où tous lestransports en commun (bus, tram, train) leseront en 2020.En France, on recense seulement une trentainede réseaux ayant fait le choix de la gratuitétotale, soit une minorité sur les quelque

Premier argument avancé, les économiesréalisées par les usagers.« Avant, il fallait que je débourse en moyenne1,30 euro pour un ticket. Financièrement,pour moi et mes enfants, tout a changé »explique une mère de famille niortaise. Lagratuité est également l’élément déclencheurpour 80 % des nouveaux usagers à Dun-kerque. Avec l’étalement urbain, qui a repoussé lesfamilles modestes en quête de logementaccessible en périphérie des villes, le coûtdes transports pèse sur le budget des familles.La gratuité, en tant que mesure sociale,redonne donc du pouvoir d’achat auxménages. Elle permet aussi aux personnesisolées et modestes de se rendre plus facile-ment dans le centre-ville pour les démarchesadministratives ou des raisons de santé. À Dunkerque, deux catégories de la popu-lation ont particulièrement bénéficié de cetteinitiative : les jeunes adultes et les personnesâgées. Ces deux groupes sociaux partagentla même dépendance au transport en com-mun. Pour les personnes âgées, la conduiteautomobile devient de plus en plus difficileavec les années, sans compter la baisse deleur pouvoir d’achat. Chez les jeunes, l’accès

À SIX MOIS DES ÉLECTIONS MUNICIPALES, la question de la gratuité des transports publics va inévitablement s’inviterdans les débats. Avec 31 collectivités ayant franchi le pas, la France est devenue le premier pays européen en nombrede réseaux de transports en commun gratuits. Plusieurs agglomérations telles que Grenoble, Lyon, Clermont-Ferrandou Amiens et même Paris réfléchissent à adopter cette mesure éminemment sociale.

Je monte sans valider

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Gratuité des transports publics

110collectivités dans le monde

dont 31 en France, 39 aux USA pratiquent la gratuité

LE CHIFFRE

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Ce seul argument de la rentabilité ne tientplus car la gratuité agit sur d’autres ressorts :respect de l’environnement, avec un centre-ville moins encombré par les voitures (lestransports motorisés sont responsables de30 % des émissions de CO2 et la voiture yentre pour moitié), et amélioration de la santépublique par la diminution de la pollutionde l’air et des nuisances sonores. Car dans les villes concernées, le constatest partout le même. Parmi les nouveaux

usagers des bus gratuits, d’anciens auto-mobilistes laissent désormais leur voitureau garage. Dans l’enquête menée à Dun-kerque, pour la moitié des 2 000 personnesinterrogées, à la question quel mode detransport le bus gratuit venait-il remplacer,48 % ont répondu « la voiture ou un deux-roues motorisé ». Philippe, retraité nor-diste, n’a pas racheté de voiture quand lasienne a rendu l’âme en 2018 : « Ma voi-ture était vieillissante, je l’ai abandonnéecar je n’en ai pas besoin, je fais tout enbus et à pied ». De nombreux collectifs pour la gratuité destransports publics dans l’agglomération secréent dans les principales métropoles fran-çaises. Ils confirment que la gratuité est undéclic pour changer les habitudes et contri-bue à des avancées environnementales, sani-taires et sociales répondant aux défis dumoment. À l’occasion des deuxièmes rencontres inter-nationales des transports publics gratuits àChâteauroux, début septembre, la coordina-tion nationale des collectifs a lancé un appelpour interpeller et mobiliser dans la pers-pective des prochaines élections municipales.À n’en pas douter, la gratuité des transportspublics sera un des enjeux de la prochainecampagne en mars 2020. n

même à l’automobile est problématique enraison de son coût élevé. La gratuité destransports a supprimé ces contraintes et parailleurs renforcé les liens sociaux en favo-risant la mise en relation des habitants.Elle présente d’autres avantages : la vie desusagers est simplifiée, le travail des conduc-teurs est facilité et les conflits usagers-contrô-leurs s’atténuent. À Dunkerque, les incivilitéssont effectivement en baisse les week-endset, autre avantage, la gratuité a introduit dela mixité sociale avec les familles. Et s’il aété constaté une augmentation des incivilitésà Châteauroux – avec la gratuité il n’y avaitplus de contrôleur – il a suffi de réintroduireune présence humaine dans les bus pouraméliorer la situation.

Un choix qui en vaut le coûtLes détracteurs de la gratuité mettent enavant une perte de recettes pour les régiesurbaines. Un argument qui ne tient pas pourles villes concernées. Le fonctionnement d’un réseau de transporturbain est financé de trois manières : lesrecettes liées à la billetterie, les subventionsdes collectivités locales et le versementtransport, une contribution locale desemployeurs de plus de onze salariés. C’estsur ce dernier levier que certaines munici-

palités ont joué en augmentant la taxe trans-port versée par les entreprises. Ces dernièresont pu, en partie, compenser cette hausseen supprimant l’indemnité transport verséeà chaque salarié.Dans ces villes, les transports urbains étaientlargement déficitaires. Les réseaux qui ontfait le choix de la gratuité avaient une fré-quentation faible et des recettes presqueinexistantes (la billetterie ne compensaitque 10 % du coût total des transports). Alors,quand les bus tournent à vide et que lesrecettes sont presque inexistantes, ne vaut-il pas mieux les remplir grâce à la gratuité ?C’est le choix qui a été fait. Selon les spécialistes, cette gratuité seraitdifficilement applicable dans les grandesagglomérations comme Paris où les billetset les forfaits Navigo représentent encore28 % du financement du réseau. La mairede Paris y songe néanmoins. Une volontéréfutée par la présidente de la Région Île-de-France en charge des transports, qui meten avant l’argument financier et donc le côtéintenable de l’opération.

Rubrique réalisée par Thierry Pétrault

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 35

Michel Jallamion, président de la Convergence des services publics

Trois questions à...

L’US Mag : La gratuité des transports coûte-t-elle cher ?Michel Jallamion : Cela ne « coûte » rien mais il faut savoir qui paie à laplace des usagers. En 15 ans, le reste à charge pour les usagers est passé de 50

à 25 % ! Rendre l’usage gratuit ne concerne donc que ces 25 %. Comme les politiques d’austéritécontraignent les finances locales, le choix est souvent fait de faire payer la gratuité aux entreprisesvia la contribution transport : la gratuité augmente le pouvoir d’achat des habitants et doncbénéficie aux entreprises. De plus, ce n’est que leur reporter 12,5 % du coût pour celles qui rem-boursent déjà 50 % des frais de transport de leurs salariés.

L’US Mag : Seulement une trentaine de villes ont fait le choix de la gratuité, c’est trop peu ?M. J. : Si depuis les années 1970, Provins, Colomiers et Compiègne ont les transports gratuits,elles n’ont été rejointes qu’à partir de 2000. C’est donc un mouvement récent. En 2009 unepremière ville de plus de 100 000 habitants rejoint ce mouvement : Aubagne, puis en 2017 Niort,2018 Dunkerque... ce n’est pas si mal, d’autant que des villes qui l’envisageraient se heurtent àdes problèmes réels : réseaux saturés, manne touristique, tarification progressive selon le revenuen place... Le report sur la contribution transport est facile pour les villes dynamiques pourvoyeusesd’emplois, plus difficile ailleurs.

L’US Mag : Ainsi selon vous il est difficile de rendre les transports gratuits au-delà des 31 villesactuelles ?M. J. : Au contraire ! Nous sommes face à des enjeux sociaux et écologiques majeurs. Développerles transports collectifs et les mobilités douces doit être une priorité politique. Rendre le transportgratuit dans les villes dynamiques aux transports non saturés relève d’une volonté politique, nond’un problème économique ! Pour les villes aux centres urbains peu attractifs là encore c’estsocialement et même économiquement « rentable ». Pour les métropoles touristiques, il y a lapossibilité de reporter une partie du coût sur la taxe de séjour de l’hôtellerie de luxe. Pour lesvilles ayant des transports saturés, il faudrait un grand plan national afin d’investir massivementaux côtés des collectivités pour rapprocher travail, services publics et habitat, lutter contre laspéculation immobilière... bref légiférer et renouer avec une politique d’aménagement du territoire !Si l’on considère au XXIe siècle que l’accès aux transports publics est un droit alors il faut lagratuité comme pour la justice, l’école, la police, la santé... revendiquer la gratuité des servicespublics c’est poser la question de l’accès aux droits, de la répartition de l’impôt, des richesses etremettre en cause l’austérité.

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64,6 MILLIARDSChaque seconde, 2 049 déplacements sontengagés par les Français qui réalisent177 millions de déplacements par jour enbus, métro, voitures, trams... Ce sont donc64,6 milliards de déplacements, avec unedistance moyenne de 25 km par jour, queréalisent les Français chaque année.

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection◗ CADAVRE EXQUIS BIOGRAPHIQUE

À l’origine du livre de BrigitteBenkemoun, l’achat sur le Netd’un petit agenda de cuir vin-tage ; un répertoire de 1951,qu’on y a oublié, contient unnombre stupéfiant de nomscélèbres : Breton, Brassaï…L’autrice enquête : c’est le

carnet de Dora Maar ! Au gré des cha-pitres consacrés successivement à plusieurs noms du répertoire, seconstruit le portrait quasi cubiste decelle qui ne fut pas seulement la maî-tresse de Picasso mais une grandephotographe et une peintre de talent.On appréhende peu à peu sa person-nalité déroutante, tour à tour révolu-tionnaire et réactionnaire, inspiratriceet souffre-douleur, fascinante etpitoyable. Le lecteur se passionnerapour le milieu artistique et intellectuelfréquenté par Dora, évoqué avec brio.

B. Cacheux, G. Chourreu• Je suis le carnet de Dora Maar, B. Benke-moun, Stock.

◗ UNE PLONGÉE DANS L’HISTOIRELes éditions Allia proposent deredécouvrir un texte rare etprécieux : le premier livret fran-çais consacré à la vie des vaga-bonds écrit dans notre langueà la première personne du sin-gulier. Le livret facétieux dePechon de Ruby, publié à Lyon

en 1596, permet une plongée fascinantedans la vie de ces gens de peu auxconditions de vie très difficiles, maisaussi aux formes de solidarité éton-nantes. La Vie généreuse est le plusimportant monument lexicographiquedu jargon ancien jusqu’à la fin du XVIe-

siècle. Édition remarquable, enrichied’un dictionnaire-glossaire et de nom-breux documents qui permettent desaisir le contexte historique. S. Rio• La vie généreuse des mercelots, gueux etbohémiens, Pechon de Ruby, Allia.

◗ UN RÉCIT INTIME ET COLLECTIFÊtre jeune aujourd’hui à Alger,Beyrouth, Jérusalem, Gaza etailleurs, qu’est-ce que c’est ?Depuis 2011, Aurélie Charonparcourt le globe à la rencontrede celles et ceux qui ont sonâge, ici et ailleurs. De ses

voyages sont nées d’exceptionnellesséries radiophoniques sur Radio France.Son livre, C’était pas mieux avant cesera mieux après est préfacé parPatrick Boucheron. Ni méthode Coué,ni optimisme béat mais la nécessitéde faire entendre les voix de sa géné-ration, des jeunes qui ne se satisfontpas du monde tel qu’il est et veulentle changer. Un récit intime qui portehaut le collectif. C. E.• C’était pas mieux avant ce sera mieuxaprès, A. Charon, éd. L’Iconoclaste.

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HISTOIRE, MÉMOIRE ET ROMANS

Partir à la découverteL

a rentrée serait sous le signe de l’austérité.Moins de livres que l’an dernier, disent les spé-cialistes qui font état de plus de 530 romans et

ne comptent pas les essais et autres publications.Même ainsi, le choix est inhumain. Il ne peut s’agirque d’un échantillon très limité provenant plus del’instinct que de la rationalité. Pourtant, le travailde mémoire est le point de chute de la plupart desromans. Comme si la recherche du passé se posaitcomme vitale face à un monde vacillant qui fait

de l’accélération son seul credo. Deux portraits de femmes viennentallumer toutes les flammes. MarcPautrel dessine L’éternel printempsd’une quasi-sexagénaire qui faitattiser l’attente pour forcer le désirtout en se dérobant à tout instantpour laisser la part au rêve, à l’ima-

gination, au mystère. Javier Marias s’emploie àdévoiler toutes les facettes de BertaIsla, un patronyme étrange pourune figure de l’Espagne actuelleet de ses mémoires. Il mêle sesréférences littéraires et l’histoirepour offrir une vision d’un paysqui a du mal à accepter son passé.La traduction de Vies écrites dumême auteur qui paraît en même temps permet deparfaire la connaissance de Javier Marias.

Jonathan Coe vise Le cœur del’Angleterre en se servant de nou-veau de la famille Trotter dont lesmembres vieillissent avec lui etavec nous. Une chronique qui sedéroule de 2010 à nos jours pourconserver vivante la mémoire dece pays qui a choisi, poussé par

des démagogues en quête d’idéologie et de pouvoir,le « Brexit ». Pas toujours réussi mais nécessaireen ces temps de perte de sens. Wolfgang Koeppen (1906-1996),écrivain allemand des années1950 oublié, est crédité de troischefs-d’œuvre dont La mort àRome qui fait partie des bonnesnouvelles de cette rentrée. Unroman jamais traduit en français.Chez lui aussi, la mémoire est un travail constantet désespérant. Il constate que les anciens nazisont encore pignon sur rue et servent les pouvoirsen place. Une écriture précise, une conscienceaiguë des rapports de classe et une rage qui expli-quera pourquoi il arrêtera d’écrire malgré ou àcause de son succès.

La Chine a aussi des auteurs descience-fiction. Liu Cixin fait partiedes plus renommés. Boule de foudrese veut un quasi-manuel de physiqueet devient une interrogation sur laChine d’aujourd’hui et, au-delà, surle monde tel qu’il ne va pas, dépen-sant sans compter pour des armes

de plus en plus meurtrières. Les mutations clima-tiques servent de toile de fond à cette errance dansdes mondes pas très éloignés du nôtre.Peut-on apporter encore quelques couleurs à la vie

de Rimbaud ? Alexandre Blaineaus’y est risqué par une entrée étrangeLes Chevaux de Rimbaud, de quoifiler plusieurs métaphores tout envalorisant ce compagnon fantasquede l’Homme. Rimbaud, quant àlui, a quelques fois tendance às’échapper...Jean-François Samlong interroge

l’histoire de La Réunion et de ses liens complexes,coloniaux avec la métropole. Deux mille mineursréunionnais ont été forcés à l’exil dans la Creuse.Une tragédie puissante, scanda-leuse racontée sans pathos maisavec la volonté d’apporter sapierre à un travail de mémoirenécessaire. Un soleil en exil estun titre générique pour tous lesmigrants persécutés. Un premier roman c’est souventdes promesses. Anne Pauly s’est lancée dans l’his-toire d’une maison qu’il faudrait vider puisque c’estce qu’on fait quand les gens meurent. La maisondu père, un « gros déglingo » alcoolique : « Monmacchabée, ma racaille unijambiste, mon roi misan-

thrope, mon vieux père carcasse »,qui reste à découvrir dans les décom-bres. Un splendide récit de deuil,cocasse et profond. Avant que j’ou-blie est un titre qui pourrait servirpour beaucoup de romans actuelsqui se donnent pourobjectif de creuser

la mémoire collective. Sylvie Germain mêle encore, dansLe vent reprend ses tours, Histoireet mémoire via des destins indi-viduels. Ramené fortuitement àson enfance et à la figure tutélairede Gavril, poète saltimbanque, Nathan découvrela tragédie de ce rescapé des dictatures. Le sou-venir du Roumain qui l’avait initié au pouvoirdes mots, l’entraîne vers une nouvelle vie. Unemétaphore en forme d’espoir. nNicolas Béniès, avec nos envoyées spéciales sur lefront de la rentrée littéraire, Brigitte Cacheux,Geneviève Chourreu, Cécile Exbrayat • L’éternel printemps, Marc Pautrel, L’infini/Gallimard ;Berta Isla, Javier Marias, Du Monde Entier/Gallimard ; Viesécrites, J. Marias, Arcades/Gallimard ; Le cœur de l’Angle-terre, Jonathan Coe, traduit par Josée Kamoun, Du MondeEntier/Gallimard ; La mort à Rome, Wolfgang Koeppen,traduit par Armand Pierhal et Maurice Muller-Strauss, leséditions du Typhon, Marseille ; Boule de foudre, Liu Cixin,traduit par Nicolas Giovanetti, Exofictions/Actes Sud ; Leschevaux de Rimbaud, Alexandre Blaineau, Actes Sud ; Unsoleil en exil, Jean-François Samlong, Continents Noirs/Gal-limard ; Avant que j’oublie, Anne Pauly, Verdier ; Le ventreprend ses tours, Sylvie Germain, Albin Michel.

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La Turquie de Erdogan nousraconterait-elle notre avenir ?Le vide idéologique actuel

est comblé par la référence à lareligion et au nationalisme le pluséculé pour permettre la mise enplace d’un programme qui n’apas changé et qu’il faut nommernéolibéralisme. L’arbitraire poli-cier est une nécessité pour impo-ser ces politiques. Depuis le coup d’État avorté dejuillet 2016, le pouvoir turc amultiplié les arrestations danstous les milieux, des fonction-

naires aux cadres de l’armée enpassant par les journalistes accu-sés d’être des putschistes. Il fallaitfaire taire toute opposition.Ahmet Altan, romancier, es -sayiste et directeur de journal, afait partie de ceux-là. Je ne rever-rai plus le monde, des Textes deprison, raconte son arrestationun matin, 45 ans après celle deson père, sans raison officielle.Avec humour, il se décrit etconstate les tentatives dérisoiresde ses gardiens. Poète, il s’évade dans d’autressphères faisant de l’imaginationune des clés de sa liberté. Unegrande leçon d’humanité. Il contesa rencontre avec le juge qui l’ac-cuse, sans preuve, de tentativede putsch. Étrangement, il estaccompagné de ses avocats. Laréalité fait bon ménage avec lafiction pour provoquer à la foisle rire et la peur. Dans la description qu’il propose,avec le souci du détail qui carac-térise un journaliste, il constatela survivance des formes démo-cratiques, comme si la dictaturen’était pas totale. Une farce ! Quiest en train de se retourner contreson auteur. L’AKP, le parti duprésident, a perdu les élections àIstanbul et les populations serévoltent. Une des raisons qui apermis la libération, en plein mois

d’août, de Ahmet Altan qui a purevoir le monde. n N. Béniès• Je ne reverrai plus le monde, A. Altan,traduit par Julien Lapeyre de Cabanes,Actes Sud. Babel réédite Le silencemême n’est plus à toi, Asli Erdogan.

NOS COLLÈGUES PUBLIENT

Publié une première fois en 2010, cet album n’avaitpas vraiment rencontré son public. Depuis, le scé-nariste Régis Hautière a connu le succès avec la

série La guerre des Lulus, tribulations de quatre orphe-lins pendant la Première Guerre mondiale. La rééditionde De briques et de sang donne une seconde chance àce polar historique et social, un huis clos dans le« Palais social » fondé par Jean-Baptiste Godin (créateurde la manufacture produisant les fameux poêles), leFamilistère situé à Guise en Picardie. Une femme, dont le père vient de mourir, raconte. Elleévoque, dans une lettre, une vieille affaire qui secouaen son temps la communauté des « familistériens », àla veille du déclenchement de la Grande Guerre. Enjanvier 1914, à Guise, dans l’Aisne, le corps d’un vieilouvrier est retrouvé assassiné, tout près du monumentdédié à Jean-Baptiste Godin, où sont gravés notammentces mots : « La haine est le fruit des mauvais cœursne la laissez pas pénétrer parmi vous ». Peu de tempsaprès, la veuve Granger, une autre habitante du Fami-listère, est retrouvée noyée dans la piscine. Un jour-naliste de L’Humanité mène l’enquête aux côtés d’unejeune femme, Ada, dont le père était proche de laseconde victime. Ensemble, ils explorent les bâtimentsdu Familistère – bientôt frappé par d’autres mortsétranges – et le passé des victimes. Cette enquête, des-

sinée dans un style qui rap-pelle celui des caricaturistesde la presse de la BelleÉpoque, est l’occasion pourle journaliste comme pour leslecteurs et lectrices de décou-vrir le fonctionnement d’unlieu extraordinaire, utopiesociale en actes qui fut ins-pirée à son fondateur par lesidées de Charles Fourier. Godin, mort en 1888, nefut pas un patron paternaliste comme il en exista beau-coup avant 1914. Modeste ouvrier serrurier devenuindustriel, il fit bâtir à Guise une cité de 2 000 habitants,à côté de sa fonderie, comprenant des pavillons d’ha-bitation collective ainsi que de nombreux équipementsde service. Les ouvriers et ouvrières de l’usine Godinn’étaient pas contraints d’habiter au Familistère. Etsurtout, réunis au sein de « L’Association coopérativedu capital et du travail », ils devenaient propriétairesde l’usine ainsi que du « Palais social ». À traversune intrigue criminelle plutôt bien menée, De briqueset de sang fait revivre un pan d’histoire sociale demanière originale. n Amélie Hart-Hutasse• De briques et de sang, scénario Régis Hautière, dessin etcouleurs David François, Casterman, 2019.

Le coin de la BD Le policier dans le social

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 37

Féministe !Que faire lorsque votre corpsse couvre lentement d’uneépaisse fourrure ? Voilà cequi arrive à des milliersd’adolescentes dans lemonde tandis que leurs senss’aiguisent… Perçues comme desmonstres par certains, elles subissentmoqueries puis discriminations pourfinir en camps de travail. Commeseule et même réponse à la domi-nation masculine, à l’urgence clima-tique et au populisme, des « félines »vont résister et défendre leur liberté.À l’instar de son roman Sirius, l’issueviendra d’un retour au respect de lanature et des différences. Engagéet haletant. Catie Pillé• Félines, S. Servant, Le Rouergue, 2019.

FOR THE KIDS

◗ COMBATTANTES DE LA LIBERTÉFemmes d’Afrique du Sud, unehistoire de résistance part dela volonté de donner toute saplace aux luttes des femmes,pionnières des combats pourtoutes les libertés. Le régimed’apartheid de l’Afrique duSud offre une synthèse desquestions universelles de la politique.Trop souvent, l’Histoire s’écrit aumasculin. Il était temps de la mettreau féminin. N. B.• Femmes d’Afrique du Sud, JacquelineDérens, Non Lieu.

◗ MANIFESTETrop souvent, l’histoire domi-nante est celle des vain-queurs. Les chercheurs quin’endossent pas cette mis-sion sont ignorés et méprisés. La recherche historique n’ajamais cessé pourtant d’êtrecréative, inventive, parfois enga-gée. En référence à cette traditionet ce potentiel, les trois auteursvisent à réhabiliter le conceptd’«  émancipation  » pour replacerl’histoire dans la lutte contre lesdominations et se débarrasser dufatalisme qui nourrit le conserva-tisme réactionnaire. S. R.• L’histoire comme émancipation, L. deCock, M. Larrère et G. Mazeau, Agone/Aggiornamento.

◗ COLLABORATIONFrançois Delpla propose, dansHitler et Pétain, une lecturenouvelle de leurs relationspersonnelles pour compren-dre, à partir de mai-juin 1940,les évolutions du gouverne-ment de Vichy et de sa col-laboration avec l’occupant nazi. Dessources en grande partie inéditesmontrent l’implication personnelled’Hitler dans le projet de vassalisa-tion de la France. P. Laville• Hitler et Pétain, François Delpla, ÉditionsNouveau Monde, 2018.

LE NÉOLIBÉRALISME EN ACTE

Comment va le monde ?

ET LA FRANCE ?Dans La guerre sociale enFrance, Romaric Godin pro-pose une analyse à la foisde l’arrivée au pouvoird’Emmanuel Macron et del’offensive néolibérale pour imposer la dés-tructuration du « modèle social » françaisqui a résisté, grâce aux mobilisationssociales, jusqu’en 2008. L’entrée dans lacrise systémique a changé la donne. Lesdeux lois travail, la contre-réforme de laSécurité sociale, particulièrement du régimede retraite, montre la stratégie qui se meten place. Le sous-titre en forme d’oxymoredit toute la problématique : Aux sourceséconomiques de la démocratie autoritaire… Un premier livre pour ce journaliste à Média-part qui fait preuve de beaucoup d’opti-misme quant aux capacités de résiliencedes populations. N. B.• La guerre sociale en France, Romaric Godin,La Découverte.

DÉCOUVERTEContre le fascisme est letitre générique des texteschoisis de Camillo Berneri,anarchiste italien mortassassiné pendant la révo-lution espagnole en 1937.Il était aux premières loges. L’arrivée aupouvoir de Mussolini, en 1922, incitait àl’analyse pour appréhender cette dimensionbarbare inédite du capitalisme. Il décrypteles conséquences du pourrissement de lasociété pour expliquer le coup d’État vic-torieux de cet aventurier. Stimulant. N. B.• Contre le fascisme, Camillo Berneri, Édition éta-blie par Miguel Chueca et, pour la traduction fran-çaise, par Marie Laigle, Philippe Olivera et SarahBlandinières, Agone/Mémoires sociales.

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CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac le

CINÉMARéinventer le cinéma

À la suite d’unerupture amou-reuse, FranckBeauvais quitteParis où il a réa-lisé plusieurscourts-métrages,pour un petit vil-

lage d’Alsace. Isolé, privé demoyen de locomotion, il connaîtla plus profonde solitude, passantle plus clair de ses journées et deses nuits à visionner des films. Pourillustrer cette expérience de totaldénuement, ce cheminement entremisanthropie dépressive et extra-lucidité, le cinéaste hyper-cinéphileutilise une infinité de plans extraitsdes films sous la forme d’imagesà ce point fugitives qu’elles gardentle secret de leur provenance.Une voix off distille un texte criantde sincérité où le mal-être, la rési-gnation et les constats négatifslaissent parfois place à des fulgu-rances poétiques pour parler dumonde aujourd’hui et des raisonsqui privent tout individu lucide desérénité. Ne croyez surtout pas queje hurle par une construction inno-vante et une démarche narrativeinédite, à sa façon, réinvente lecinéma. F. D.• Ne croyez surtout pas que je hurle,Franck Beauvais (France).

SÉRIESous le chocSur les pas du chi-miste V. Legassovet du vice-prési-

dent du Conseil des ministres,B. Chtcherbina, cette fictionreconstitue au plus près la catas-trophe nucléaire survenue enUkraine le 26 avril 1986. Ondécouvre l’ambiance des années1980 soviétiques et le déroulement

des événements lors desquelsdévouement et bureaucratie s’op-posèrent. À l’heure de l’urgenceclimatique, cette mini-série pas-sionnante connaît un grand succèsbien mérité. C. Pillé• Chernobyl, USA/Grande-Bretagne,HBO/Sky, C. Mazin/J. Renck, 2019.

MUSIQUES❱ CLASSIQUEMusique américaineEn écoutant JohnAdams, on per-çoit immédiate-ment la spécifi-cité grandiose,pleine de dyna-misme et d’incandescence de lamusique américaine de la fin duXXe siècle. Si on a pu qualifier cettemusique de minimaliste, à l’instarde celle de Philip Glass et de SteveReich, Adams, compositeur essen-tiel, a cependant su s’écarter decette école pour créer de vastesfresques, amples et lyriques, parfois empreintes de spiritualité,qui ne sont pas sans faire écho à lafois aux vastes espaces, et auxvilles trépidantes des États-Unis.La direction de Nagano est commesouvent élégante et précise, et l’enregistrement de Short Ridein a Fast Machine est absolumentfascinant, tout comme la troisièmepartie de Harmonielehre, Meister Eckhardt and Quackie.

Nicolas Morvan• The John Adams Album, OrchestreSymphonique de Montréal, KentNagano, Decca.

❱ ROCKUn folk dépouillé

17e album de BillCallahan, song -writter du Mary-land, qui débutaavec son projetSMOG et se fit

connaître par des compositionsgraves, d’une beauté austère. Sur cetopus, Shepherd in a sheepskin vest,(Drag City), c’est dans un nouvelunivers que nous convie un Callahantoujours solitaire. Un univers peupléde titres folk dépouillés et acous-tiques, habillé de sa voix si chaleu-reuse. Une série de vignettes illumi-nées par l’amour de son épouse etla naissance de son fils. Pour que lalumière estivale traverse nos soiréesautomnales. Éric Loizeau• Shepherd in a sheepskin vest, BillCallahan, label Drag City.

❱ JAZZL’automne du jazzNevers, une descapitales du jazz ?Sans nul doute enfonction des actionsd’éducation artis-tiques et culturelleset du programmeproposé qui va desVoyageurs de l’Espace à Éric Sévaen passant par Joe Lovano, Géral-dine Laurent, Papanosh, NaïssamJalal... Comme tous les festivals,rencontres, tables rondes, exposi-tion – d’Ernest Pignon-Ernest – etdes découvertes. N. B.• D’jazz Never Festival, du 9 au 16/11,www.djazznever.com.

20 ans et toutes ses dentsIl suffit de passer lepériphérique etc’est tout de suitel’aventure... du Tri-ton qui fête, avecmunificence, ses20 ans. Et c’est pas

tous les jours ! Il propose, lesamedi 14 décembre, 20 heures demusique non stop et une entréelibre. Aucune excuse pour refuserde découvrir ce lieu unique.Programme habituel jusqu’au19 décembre. N. B.• www.letriton.com, 01 49 72 83 13.

❱ MUSIQUES DU MONDEUne Amérique, deux Amériques...

Le continent amé-ricain ne se réduitpas aux États-Unis. Chaque na -tion a sa propreculture qui passepar la définitiond’une musique

spécifique provenant d’une fusionétrange entre les racines africaines,européennes et amérindiennes.Pour découvrir ces spécificités, lefestival « Villes des Musiques duMonde » propose, pour sa 22e édi-tion, « ses » Amériques sur le ter-ritoire de l’Île-de-France. Hip-hop,cumbia, jazz, soul, funk, disco,RnB, électro... Comme d’habitude,des débats, du cinéma, des atelierset de la cuisine. N. B.• www.villesdesmusiquesdumonde.com,01 48 36 34 02.

Folies de l’IMAL’Institut dumonde arabeorganise le 3e

temps d’Ara-bofolies, Initiations. Une ported’entrée aux musiques, aux culturesqui sont en général délaissées,oubliées. Les musiques arabes, sou-fies et kurdes pour l’occasion, sedoivent d’être dé couvertes. Ellessont un condensé de mémoire etd’histoire tout en restant desmusiques populaires et dansantes. L’IMA propose aussi un débatautour des droits des femmes à tra-vers la pratique du soufisme ; unforum sur l’urgence écologique, enlibre accès. La part des influences

arabes sur le jazz est miseen lumière par la pré-sence de la trompettisteanglo-bahreinie YazzAhmed (photo). N. B.

• Arabofolies, IMA, du 18 au 27/10.

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Camille Lepage, une jeune photojournalisteaussi novice que passionnée, décide de partiren Centrafrique couvrir la guerre civile qui

se prépare. Un peu plus chaque jour, elle va sepassionner pour ce pays où elle pressent que sondestin va se jouer. Pour lutter contre la Selaka,une coalition de groupes rebelles musulmans dontl’extrême cruauté oblige les populations à trouverrefuge dans la brousse, des milices d’autodéfense,les anti-Balaka, se créent. Camille choisit d’infiltrerune de ces patrouilles pour s’immerger dans leconflit, en découvrir tous les tenants et aboutissantset en rendre compte dans les médias français.

C’est à la frontière avec le Cameroun, au coursd’une embuscade, que la journaliste trouvera lamort à 26 ans.Une mise en scène discrète gommant les effets,l’utilisation de photos fixes pour relater la violencedu conflit, laissent toute sa place au personnagede Camille. Nina Meurisse incarne Camille. Il nefait aucun doute qu’elle s’est totalement investiedans le projet. Son efficacité, sa sensibilité, saforce expliquent que le récit échappe complète-ment au biopic et se déroule dans une belle fluidité,malgré un réalisme frontal. n

Francis Dubois

CAMILLE, UN FILM DE BORIS LOJKINE (FRANCE-RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE)

Portrait de femme journaliste

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Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 39

L’US Mag : Vous dirigez ce théâtre depuis 2015.Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce lieu et quellemission lui assignez-vous ?Benoît Lavigne : C’est un des premiers lieux oùj’ai pu créer des spectacles grâce à la confiance deson créateur. J’y ai rencontré Laurent Terzieff, quiest une figure essentielle du Lucernaire et qui m’abeaucoup impressionné par son intelligence, sarigueur, son désir de servir les auteurs. Un lienaffectif m’y attache car j’y ai fait des rencontresqui ont compté et c’est une pépinière de jeunescréateurs. Le lieu était en difficulté, on évoquait sadisparition. Or je voulais qu’il continue à vivre caril est essentiel dans le paysage parisien. Sa missionest depuis le début d’accueillir des jeunes compa-gnies (les théâtres qui les accueillent sont peu nom-breux), et de maintenir un certain éclectisme : auxcôtés des jeunes compagnies des artistes confirmés,du théâtre classique et du théâtre contemporain, desspectacles jeune public, musicaux et d’humour.

L’US Mag : Où en est aujourd’hui la situationfinancière du Lucernaire ?B. L. : Grâce au travail de l’équipe et au soutienprécieux des Éditions de l’Harmattan, le théâtres’approche de l’équilibre. Nous n’avons plus de sub-ventions sauf pour le cinéma classé Art et Essai. Laville ne pouvant pas augmenter notre subvention,nous avons fait le choix de rejoindre le SyndicatNational et l’Association de soutien des ThéâtresPrivés. On a ainsi des aides à la création et pourl’accueil des jeunes. Cela a clarifié la situation avecles Compagnies. Désormais nous coréalisons avecelles (50 % des recettes pour elles, 50 % pour lethéâtre) et on partage le paiement des droits d’auteur.

L’US Mag : Comment concevez-vous votre tra-vail de directeur et qu’est-ce qui vous guidedans vos choix de programmation ?B. L. : Je suis le chef d’orchestre d’une équipechargée d’animer le lieu au quotidien, de donnerles grands choix artistiques et faire en sorte quetous les pôles culturels, théâtre, cinéma, librairie,fonctionnent ensemble. L’an passé par exemplenous avons fait une rétrospective Cassavetes pouraccompagner la pièce éponyme. Dans mes choix,ce à quoi je tiens c’est à une vraie écriture, untexte. Pour le théâtre l’équipe de programmationva voir des spectacles à Avignon, en province etregarde des captations. Nous avons aussi nosréseaux avec une fidélité à des personnalités aveclesquelles nous avons déjà travaillé comme DidierBezace, Xavier Gallais ou Philippe Calvario ouque l’on va chercher sur des envies, comme Emma-nuel Besnault, sur le Scapin l’an passé. Le fringant cinquantenaire fêtera son anniversaireles 21 et 22 septembre. n

Propos recueillis par Micheline Rousselet

Fortement rénové et agréable-ment installé dans le pavillonLedoux place Denfert-

Rochereau, le musée de la Libé-ration de Paris est consacré à troisgrands hommes : le généralLeclerc, Jean Moulin et le colonelFFI Henri Rol-Tanguy. Les richescollections, constituées d’objets,de documents, de vidéos et debeaucoup de photographies, sont assorties de com-mentaires très pédagogiques. Les personnalités oppo-sées de Moulin et Leclerc sont bien évoquées, touten montrant ce qui les réunissait, le refus de plierdevant la barbarie et l’amour de la France (il est faitréférence à Aragon, La rose et le réséda). Les œuvressont présentées chronologiquement ou par thème,avec dans l’ordre, les prémisses de la guerre, la guerreelle-même, Pétain et la collaboration, de Gaulle, lavie sous l’Occupation, la Résistance et pour finir le

débarquement et l’arrivée de la2e DB à Paris. La dernièresemaine, du 18 août (appel deRol-Tanguy au soulèvement) au25 (entrée de Leclerc dans Paris),celle pendant laquelle Rol occu-pait un abri de défense situé à 20mètres sous le bâtiment, est illus-trée jour par jour. C’est trèsvivant. Dans le « PC Rol », on

prend conscience de la difficulté d’organiser la luttearmée dans des conditions de clandestinité aussi pré-caires. Tout au long des salles, des panneaux illustrésde photos et accompagnés d’objets évoquent de mul-tiples résistants, parfois très connus (Aubrac) et parfoispresque pas. n Sylvie Chardon

• Musée de la Libération de Paris, www.museeliberation-leclerc-moulin.paris.fr, 01 71 28 34 70. Attention : en raisonde l’exiguïté des lieux, le nombre de visiteurs est limité à18 dans le « PC Rol », et l’on ne peut pas réserver à l’avance.

ENTRETIEN. Le Lucernaire est un lieu unique à Paris avec troissalles de théâtre, un cinéma d’art et d’essai, une librairie, unrestaurant, un bar et une école d’art dramatique. Benoît Lavigne,son directeur, nous a reçus.

À 50 ans, le Lucernaire est toujours en mouvement

Une magnifique leçon d’histoire presque contemporaine

Devenir jeune !Tel est le titre durécent album deCourir les rues,chanteurs et musi-ciens talentueuxqui ont commencé très jeunes àécrire en s’engageant pour la pre-

mière fois sur unegrande scène àConflans (78). Ilssont maintenantaussi à l’aise en fan-

fares de rues que sur les scènesmultiples qu’ils arpentent.

Philippe Laville• www.courirlesrues.com, ci-dessusreproduction de la pochette de l’albumprécédent.

Découvrir Arshid Azarine De l’Iran, on connaît MarjaneSatrapi et Kheiron... et uneactualité qui nous glace lesang. Écoutez l’album Singme a song du pianiste franco-iranien Arshid Azarine, musicien etmédecin radiologue paisible etengagé qui nous convie au partage.Il mêle les mots des poètes persans,et leurs voix exilées,  à ses compo-sitions qui réunissent l’Occidentdominant où le jazz se renouvelle,et l’héritage du croissant fertile deson Iran natal. Lise Bergeron• Sing me a song, A. Azarine, autopro-duction. Au New Morning le 4 novembre.

FAIRE VIVRE LES REVUESDébattreLa revue de Médiapart fait peauneuve. Chaque numéro de la nou-velle formule du Crieur contient,en sus des enquêtes et du portfoliophotographique, une ouverturesous forme d’un grand format : fic-tion, manifeste, entretien, un récit,une position qui n’incarne pas laligne de la revue et une rubriquemonde des idées.Cette formule très ambitieuse avu le jour en juin. On attend avecimpatience le numéro à paraîtrele 17 octobre. Stéphane Rio• Le Crieur, revue trimestrielle, La Décou-verte/Médiapart.

Sapere aude !Et si on se (re)mettait aulatin ? De «  Rosa, rosa,rosam » à Cicéron, Virgileou Sénèque il n’y a presquequ’un pas. Ce petit ouvrageaux airs de cahier devacances se lit crayon en main,pour s’initier à la langue latine eten découvrir la richesse.

Cécile Exbrayat• Premiers pas en latin, idéal pour assi-miler l’ABC du latin, Sarah Bach, Larousse.

MUSIQUE

DANS LA CLASSE

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ENTRETIEN

souvenirs. Certains sont devenus desscènes du livre. Je pense notamment à lascène entre Ali, le cafetier et le policierdans le bar de Jouques. Elle vient d’unehistoire qui m’a été racontée à Toronto parle fils de l’ancien harki qui l’a vécue...

L’US Mag : Ali, Hamid, Naïma ; pourquoimultiplier les points de vue ? Pourquoi écrireà la troisième personne ? Pourquoi faireintervenir le/la narrateur/trice à certainsmoments du récit ?A. Z. : Je me suis longtemps posé laquestion de la forme à donner à ce livre.

AL ICE ZENITER

L’US Mag : Quelles recherches avez-vous effectuées pour écrire l’Artde perdre, pour retisser les fils deces histoires occultées ou perdues ?Alice Zeniter : Ce que Naïma vitdans la troisième partie ressemble(malheureusement) à une partiede mes recherches. J’ai acheté deslivres, parfois au hasard, regardédes documentaires. J’ai griffonnédes chiffres qui se contredisaientdans un cahier que j’ai gardé avecmoi tout au long de l’écriture...Rencontrer l’historienne SylvieThénaut a été un vrai plaisir et unimmense soulagement car ellefaisait preuve d’un grand calmeface aux données quim’assommaient et me donnaientle vertige. Elle pouvaitm’expliquer d’où certains chiffresvenaient, comment ils avaient étéétablis, par qui – et donc dansquel but.Le livre d’Abdelmalek Sayad,La Double Absence m’aénormément aidée lui aussi caren restituant les entretiens, il faitexister des personnes d’âges,de genres, de milieux sociauxdifférents, leurs expressions sontconservées, on peut entendreleurs voix, deviner les vies quitremblent là. Qui plus est, Sayadcherche à restituer le sentiment de lalangue arabe quand il traduit de l’arabe etcelle du kabyle quand il traduit du kabyle.C’était des questions que je me posaiségalement : comment écrire des dialoguesen français à des personnages qui nedevraient même pas parler cette langue ?Je n’ai pas mené d’entretiens, àproprement parler. J’ai discuté de monprojet avec de nombreuses personnes queje rencontrais, comme c’est souvent le cas.Ce sont elles qui, parfois, m’ont réponduqu’elles avaient un lien particulier avecl’Algérie et qui m’ont raconté quelques

Dans un premier temps, il meparaissait plus modeste ou plushonnête de passer par le regardde la troisième génération, qu’ils’agisse de Naïma ou moi (lespremiers textes, écrits il y aquatre ou cinq ans, sont à lapremière personne). J’avaisl’impression qu’il s’agissait duseul personnage dont je pourraisréellement restituer uneintériorité parce que je voyaismal comment je pouvaisprétendre écrire les pensées deHamid mais surtout celles d’Ali.Je crois que j’avais très peur dem’essayer à développer unpersonnage analphabète, moipour qui les textes sontl’interface la plus facile et laplus systématique avec lemonde. Le problème était que, sije choisissais cette forme, tout ceque je pourrais raconter d’Ali oude Hamid serait déformé, écrasépar le prisme subjectif de Naïma.On n’aurait jamais accès à eux,toujours à elle, à travers sonenquête sur sa famille ou sesrêveries. Or, je voulais raconterl’immigration sur un temps long,écrire un récit qui rappelle quetoute immigration est d’abordune émigration, écrire ce

« conflit de civilisation » au sein de toutefamille dont parle Pierre Bourdieu, maisqui existe de manière particulièrementintense au sein des familles immigrées.Je voulais absolument que l’on sente letemps qui passe, les générations quis’éloignent. Je ne pouvais donc pasdonner des parts inégales à Ali, Hamid etNaïma.Le roman est écrit à la troisièmepersonne car je voulais pouvoir alternerentre le point de vue des personnages,pris dans un présent-panique, n’ayantvécu que l’événement et pas le sens qu’il

« Je voulais raconter l’immigration surun temps long, écrire un récit

qui rappelle que toute immigrationest d’abord une émigration »

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« Entendre leurs voix, devinerles vies qui tremblent là »

Prix Goncourt des lycéens 2017, L’Art de perdre est un récit qui veut faire émerger du silenceun pays aux destins contrariés et douloureux. Alice Zeniter, l’auteure, est née d’un père kabyle et

d’une mère française. À travers trois générations, elle évoque trois vies nouéesautour de la grande Histoire ; celle d’une Algérie, qui se vit et se dit dans la fureur ou la honte.

Tantôt archéologue, traductrice, chercheuse ou sémiologue, elle reconstitue l’histoirequi se dérobe et se refuse, y mêle la fiction, pour en faire un roman vrai.

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a pu produire par la suite, et unenarration omnisciente capable de brassertoute la matière que j’avais accumulée aucours de mes lectures ou de mesvisionnages. La cruauté du livre vient, àmon avis, de ce que les lecteurs etlectrices sont bien mieux informésqu’Ali, Yema, Hamid ou Naïma. Nonseulement ils savent comment finira laguerre, ce que deviendra l’indépendanceet les problèmes de racisme que connaîtencore aujourd’hui la France, mais lanarration leur rappelle les noms, leurfournit des chiffres, fait des bonds enarrière pour revenir vers la causepremière, etc. De leurs côtés, lespersonnages s’échangent, timidement,des espoirs et des rêves. Je voulaistravailler sur ce que pouvait creuser cetécart et c’est pour cela aussi que le « je »de romancière apparaît. J’affirme ce queje suis en train de faire : un travail de laforme romanesque qui n’a rien à voiravoir la restitution de témoignagesfamiliaux ou d’un combat pour la dignité(on m’a demandé cent fois depuis lasortie du livre si c’était ce que j’avaisvoulu faire, je n’aime pas du tout cette

expression). Je n’écris pas en tant quepetite-fille d’immigrés, en tant quedouble caché de Naïma.

L’US Mag : Quelle est la place des femmesdans cette histoire de l’Algérie antérieurepuis postérieure à la Guerre ? Pourquoi est-ce une femme qui entreprend de reconstruirel’histoire de sa famille et du pays ? A. Z. : J’ai réalisé l’énorme écart qui peuts’établir entre des générations enrésumant un peu brutalement lessituations des femmes de ma famille.Pour moi, c’était leurs existences – ouplus exactement nos existences, puisqueje m’incluais – qui exprimaient le mieuxle conflit de civilisation cité plus haut.

J’étais chez ma grand-mère, avec mesparents et mes sœurs. C’était il y a unedizaine d’années peut-être. J’ai pensé :

ma grand-mère a étémariée à quatorze ans,ma mère a rencontrémon père quand elleétait encore au lycée,aujourd’hui mes sœurset moi ne sommes nimariées, ni mères, etpersonne ne nous fait la

moindre remarque. Je voulais queL’Art de perdre raconte aussi ce passaged’un statut de la femme dans la premièrepartie (Yema) à un autre tout à faitdifférent dans la troisième (Naïma), avecdans la deuxième, Clarisse et Dalila quise démènent chacune à leur manière pourprofiter un peu de la liberté desannées 1970.Par ailleurs, les femmes sont souventles grandes oubliées des récits de guerre.Lorsqu’on lit des livres d’histoire, on ytrouve des listes de noms masculins, ceuxdes grands hommes qui ont fait le Siècle.Des militaires. Des politiques. J’avaiscommencé à chercher à lire en creux lestrajectoires des femmes lorsque je menaisdes recherches sur la Hongrie pourl’écriture de Sombre Dimanche. J’avaistrouvé quelques récits ici et là, quitémoignaient de violences rarementmentionnées, spécifiquement exercéescontre les femmes : les viols de guerre,certains types de travaux forcés... Quefait une femme pendant la guerre et quelui fait-on, dans une société qui prétendque la guerre est exclusivement uneaffaire d’hommes ? C’est une questionqui me taraude depuis longtempsdésormais...

Même hors des situations de guerre, il y apeu de place laissée aux femmes dansles récits de civilisation. Ursula Le Guin aécrit un très beau texte (très drôle, aussi)à ce sujet, La Théorie de la fiction panier.Elle se demande s’il est possible d’écriredes récits passionnants sur les gestesrépétitifs de la cueillette ou si on a excludes textes fondateurs toute une partiede l’activité humaine (et celles qui laproduisent) parce qu’elle estirrémédiablement ennuyeuse : j’airamassé une graine et puis une autregraine et puis une autre graine, etc.

L’US Mag : Un(e) narrateur/trice achèvele récit sur de l’inachevé. L’histoire n’est pasterminée ; l’arrêter relève d’une décision.Que regrettez-vous de n’avoir pas écrit dansL’Art de perdre ?A. Z. : Je regrette de ne pas avoir puparler de la décennie noire qu’a traverséel’Algérie, de la manière dont celle-ci aenraciné le pouvoir des militaires,endeuillé les familles, entraîné descompromis avec les religieux, habituétoute une partie des gens que j’airencontrés ensuite à la proximité de lamort, une mort violente. J’aurais voulupouvoir faire exister ces années decouvre-feu, d’explosion, de routesabandonnées aux terroristes. Je crois que,dans une France marquée par les attentatsde 2015, il y aurait eu un sens particulierà rappeler qui sont les premières victimesdu terrorisme islamiste. Mais il auraitfallu tordre l’histoire de mes personnagespour les mener en Algérie dans lesannées 1990. J’ai préféré renoncer. n

Entretien réalisé par Hamda El Khiari

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 41

« Que fait une femme pendant la guerreet que lui fait-on, dans une société quiprétend que la guerre est exclusivementune affaire d’hommes ? »

CONFLITS DE GÉNÉRATIONS(EXTRAITS)

«  Ils parlent de moins en moins à leurs parents de toute manière.La langue crée un éloignement progressif. L’arabe est restépour eux un langage d’enfant qui ne couvre que les réalitésde l’enfance. Ce qu’ils vivent aujourd’hui, c’est le français quile nomme, c’est le français qui lui donne forme. Il n’y a pasde traduction possible.  »

«  Ils ne veulent pas du monde de leurs parents, un mondeminuscule qui ne va que de l’appartement à l’usine, ou del’appartement aux magasins. […] Un monde qui n’existe pasparce qu’il est une Algérie qui n’existe plus ou n’a jamaisexisté, recréée à la marge de la France.  »

«  Même mon fils, le plus jeune, tout à coup, il s’est mis à aller à la mosquée. Il s’est laissépousser la barbe. Je ne disais rien, je voulais lui laisser de l’espace. Et un jour, sur le marché,je le vois en train de mendier. Je n’arrivais pas à en croire mes yeux. Il mendiait de l’argentpour sa mosquée, tranquillement au vu et au su de tout le monde. Pour la première fois de mavie, j’ai cru que j’allais le frapper. […] C’est pour ça qu’on s’est battus ? On voulait offrir unpays libre à nos enfants, on s’est battus contre les fanatiques du FIS, on s’est battus entrenous et nos enfants nous tournent le dos, ils deviennent des cons à qui je n’ai plus envie dedonner dix euros et encore moins un pays.  »

BIBLIOGRAPHIERomans◗ Jusque dans nos bras, Albin Michel, 2010.◗ Sombre Dimanche,  Albin Michel,  2013.◗ Juste avant l’oubli,  Flammarion,  2015.◗ L’Art de perdre,  Flammarion,  2017.

Théâtre◗ Un Ours, of Course !, Actes Sud, 2015.◗ Quand viendra la vague, L’Arche, 2019.

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RATTRAPAGE

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Les dispositifs d’accompagnementPAP, PAI, PPRE, PPS... Il y a de quoi se perdre dans ce foisonnement de sigles dont l’administration est si friande.Sur le papier, chacun de ces dispositifs visant à aider les élèves en difficulté s’attache à une problématique particulière.Il est souvent plus difficile de les distinguer dans la pratique.

Le Projet d’accueil individualiséLe Projet d’accueil individualisé (PAI), créé par la circulairedu 8 septembre 2003, vise les élèves dont l’état de santé exigel’administration de traitements médicaux afin qu’ils poursuiventune scolarité dans des conditions aussi ordinaires que possible(aménagements d’horaires, organisation des actions de soins...).Si le chef d’établissement en est le responsable, c’est de fait

le médecin scolaire qui estle véritable pivot dudispositif, car c’est lui quiest le mieux placé,– notamment parce qu’il estle seul habilité à entreren relation avec le médecintraitant – pour préciser les

conditions de la scolarisation des enfants malades et les attentionsparticulières dont ils doivent bénéficier. Son interventionconstitue en outre une « couverture » pour les enseignantsen termes de responsabilité civile. n

Le Projet personnaliséde scolarisationLe Projet personnalisé de scolarisation (PPS) est undocument écrit qui définit les besoins particuliers d’unenfant en handicap tout au long de sa scolarité. Il peutpréconiser l’attribution de matériel pédagogique adapté,l’accompagnement de l’élève par un ou une AESH ouencore d’éventuellesdispensesd’enseignement. Pourmettre en place cedispositif, les parentsde l’enfant en situationde handicap, de leurpropre initiative ou suiteà une alerte émanant de l’équipe pédagogique, doiventsaisir la Maison départementale des personnes handicapées(MDPH). Une fois mis en place, il est transmis par courrierà la famille et au chef d’établissement. Dispositifd’accompagnement de long terme, le PPS est révisé àchaque changement de cycle ou suite à une orientation. n

Soucis

médicaux

Handicap

Le Plan d’accompagnementpersonnaliséAnnoncé dans la loi de Refondation de 2013, le Pland’accompagnement personnalisé (PAP) est définitivement créé parla circulaire du 22 janvier 2015. Il est présenté comme une mesurede simplification, permettant de décider et de mettre en œuvredes mesures d’aménagement de la scolarité d’un élève sans avoirbesoin de faire appel aux dispositifs spécifiques du handicap et doncsans faire le détour par la MDPH. Si le PPS a pour objectif decompenser le handicap, le PAP vise en effet à prévenir les difficultésscolaires d’un élève par l’aménagement de la scolarité. Mis en place

sous la responsabilitédu chef d’établissement,après avis du médecinscolaire, sur propositionde l’équipe pédagogiqueou sur la demande

de la famille, le PAP répond aux besoins des élèves « qui connaissentdes difficultés scolaires durables ayant pour origine un ou plusieurstroubles des apprentissages ». n

Dys- & C

ie

Le Programme personnaliséde réussite éducativeLe Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)a été créé par la loi du 23 avril 2005 pour venir en aideaux élèves « rencontrant des difficultés [...] dont la nature

laisse présager qu’elles sont susceptibles de compromettre,à court ou à moyen terme, leurs apprentissages »,notamment en français, en mathématiques ou encoreen langues vivantes. Ciblant des connaissances et descompétences précises, cette aide est temporaire, puisquesa durée est fonction des difficultés rencontrées par l’élèvequi en bénéficie, ainsi que de ses progrès. Sa mise en œuvrerelève de l’équipe pédagogique, dans laquelle le professeurprincipal joue un rôle essentiel, mais elle implique l’élèveet associe également la famille. n

Ressourcesi◗ http://www.enfant-different.org/scolarite/

pai-pps-pap-pia-ppre

◗ https://ecole-et-handicap.fr

◗ Sur le PAP en tant que tel :https://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=85550

Une médicalisation de l’échec scolaire ?I

◗ C’est le titre d’un ouvrage du sociologue Stanislas Morel paruà La Dispute en  2014 dans la collection «  L’enjeu scolaire ».

◗ Pour l’analyse du SNES-FSU, se reporter à un article« Difficulté scolaire : objet insaisissable  », paru dansL’US Mag 774 de novembre  2017 (p.  32-33), et consultableà l’adresse suivante :https://www.snes.edu/IMG/pdf/us_mag_774_pdf_bd.pdf.

Élèves en difficulté

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DANS LA CLASSE

Plusieurs notes de service ont redéfini l’épreuveorale sans jamais l’accompagner du cadragenational demandé par la profession et le SNES-

FSU. Parce que les élèves sont évalués par leursenseignants, l’oral ren-force le poids ducontrôle local par rap-port aux épreuves natio-nales. Quant aux ensei-gnants, ils se trouventen difficulté déontolo-gique pour évaluer lesélèves.Avec la réforme ducollège et l’impositiondes EPI et des par-cours, l’épreuve s’esttransformée en une présentation d’un seul projetdéconnecté des programmes d’ensei gne ment, avantla réin troduction de l’histoire des arts en 2018.Aujour d’hui, dans de nombreux collèges, deuxthématiques s’appuyant sur les parcours avenirou artistique et culturel sont privilégiées, les ensei-gnants ayant depuis le début recyclé l’oral d’his-toire des arts et celui des stages d’observation enentreprise.Dès la première session, le SNES-FSU n’a eu decesse de dénoncer le « bricolage » local, résultantde l’absence de cadre national et de l’affranchis-sement par des principaux de quelques règles :jurys composés avec des AED, oraux sur la pauseméridienne tout au long de l’année... Le ministèrea été forcé en 2011 de préciser la composition desjurys et la période de passation des épreuves (après

le 15 avril). Il a refusé de fournir une grille d’éva-luation et d’accorder une rémunération pour cetteépreuve, ouvrant la porte à des aménagementslocaux et à un bénévolat forcé. Ces pratiques mon-

trent l’abandon deséquipes par le minis-tère. Les collègues ontété laissés dans le plusgrand désarroi, sous lapression de chefs d’éta-blissement, voire deparents d’élèves.Cet oral, à l’instar dubilan de fin de cycle,amène à toutes lesformes d’évaluation :du « doigt mouillé » au

recours des grilles avec une multitude d’items quisaucissonnent l’évaluation jusqu’à la perte de sens,et « évaluent » plus une posture qu’un oral. Deplus, Il n’est pas rare que des résultats soient revusà la hausse pour atteindre les « performances » desannées précédentes afin qu’ils correspondent àl’image que certains chefs d’établissement veulentdonner aux parents et à leur hiérarchie.Le ministre annonce un renforcement de l’oral (viale barème ?) et la prise en compte des enjeuxciviques dans le DNB 2021, donc rien qui semblepouvoir répondre aux demandes de la profession.Le SNES-FSU continuera à se battre avec les col-lègues pour obtenir un cadre national de l’épreuveconnecté aux enseignements, un échange d’éta-blissements entre les jurys, un paiement décent desoraux d’examens ainsi que de leur préparation. n

Repèresi◗ 2009  : création de l’orald’histoire des arts (seulsles points au-dessus dela moyenne de 10 sur 20 sontpris en compte).

◗ 2011  : coefficienté 2.

◗ 2017  : l’épreuve orale portesur un des projets menés parle candidat, elle est notéesur 100 points sur 700.

◗ 2018  : l’histoire des arts estréintroduite ; 100 points sur 800.

Statistiquesi

88,67%des candidats ont été admisen 2019 :

48% de garçons

52% de filles

Sources : Le Parisien, juillet 2019.

Chiffre cléi

4C’est le nombre de réformesdu brevet depuis 2011 !

Inégalités socialesiSont reçus au brevet :

97% des élèves issusd’un milieu social favorisé

79% issus de milieupopulaire

Épreuve orale du breveti

◗ Durée : 15 minutes.– 5 minutes : exposé de l’élève.– 10 minutes : entretien avecle jury.

◗ Notation : 50/50.– 50 points : maîtrisede l’expression orale.– 50 points : maîtrise du sujet.

Citationi« L’épreuve orale d’histoiredes arts (juin 2016) restel’épreuve finale la mieux réussie :la moitié des élèves a au moins14/20, un quart a 17,5/20 ou plus.Un élève sur 10 a 20/20 ».Source : note DEPP, n° 17-07.

Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 43

L’US Mag : Commentse déroule l’oral du DNBdans ton établissement ?

Les élèves présentent au choix un projet du cycle 4.La préparation des élèves est assez chaotique :quelques HSE sont dégagées en fin d’année pourprendre en charge des entraînements seulementpour les élèves volontaires.

L’US Mag : Quels sont les problèmes pointéspar tes collègues sur cet oral ?Les collègues pointent des difficultés pour harmo-niser les exigences des différents jurys, entre ceuxqui attendent un travail conséquent sur une œuvred’art étudiée en classe, par exemple, et ceux quivalorisent davantage l’expression orale. Enfin,

comme pour l’oral de stage, les élèves qui ont eula chance d’être accompagnés par leur famille sontnettement favorisés.

L’US Mag : Avez-vous eu des remarquesde l’institution ou de parents sur les résultatsà cet oral ?Cet oral pose le problème de l’épreuve locale pourun examen national. Dans notre collège socialementfavorisé, on nous reproche souvent de noter « tropsec » par rapport aux autres collèges en se basantsur la note moyenne de l’académie. Une moyenneacadémique, une épreuve locale, ça laisse rêveursur le bac Blanquer ! n

Rubrique réalisée par François Lecointe

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L’ORAL DU BREVET

Variations sur le même thèmeExpérimentée en 2010 par Jean-Michel Blanquer, alors directeur au ministère, pour imposerun enseignement interdisciplinaire de l’histoire des arts, l’épreuve orale au DNB n’a cessé d’êtremodifiée en gardant une même absence de cadre créant confusion, surcharge de travail etaccroissement des inégalités entre les élèves.

TÉMOIGNAGE

« Une épreuve locale pour un examen national ? »Cécile Sanchez enseigne au collège Barnave de Saint-Égrève (académie de Grenoble).

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44 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

INTERNATIONAL

Àl’occasion de ce congrès, le SNES-FSUa renouvelé son soutien et son enga-gement auprès des syndicats étrangers

avec lesquels il travaille au quotidien et nouéde nouveaux contacts pour développer despartages d’expériences et des analyses surdes sujets communs.

Renouveau syndicalCette 8e édition a notamment posé la questiondu renouveau syndical à travers différentsgroupes de travail organisés tout au long dela semaine. Les organisations syndicales ontainsi été invitées à mettre en avant leurscompétences en matière d’organisation etde communication pour mobiliser les jeunesmembres et les inciter à participer aux acti-vités syndicales. Le renou vellement des

Cette tournée, financée par le programmede coopération SNES-FSU/SNEC, apermis d’entrevoir la violence qui sévit

sur le terrain.

Exactions en tout genreQuatre établissements secondaires et descentaines d’écoles ont dû fermer en raisonde l’insécurité dans la région de Mopti. Lesécoles ferment leur porte pour quelques joursou quelques mois, selon la gravité desattaques. Ceci entraîne fatalement une dés-

colarisation des élèves ou leur départ versles écoles coraniques qui, elles, ne sontjamais attaquées. On estime à plus de deuxmillions et demi les élèves déscolarisés pourdes raisons de sécurité dans le pays.Les enseignants des établissements ferméssont rapatriés vers des zones plus sûres, enville : s’ils continuent de percevoir leursalaire dans l’attente d’une nouvelle affec-tation, ils ne perçoivent aucune indemnité,ni aide au logement. Or, parmi les ensei-gnants touchés par l’insécurité, il y a beau-

coup d’enseignants du nord, redéployés entre2012 et 2015 dans le centre du Mali, quidoivent subir un second exil. Beaucoup souf-frent de traumatismes psychologiques. Cer-tains ont payé de leur vie les exactions dji-hadistes : huit d’entre eux ont été exécutéssommairement par les djihadistes. Troisenseignants se trouvent encore aux mainsdes djihadistes.La situation dans la région de Mopti demeuretrès instable, ce qui conduit des enseignantsà se réfugier à Bamako, pour bénéficier d’unsuivi psychologique suite à des traumatismesou pour protéger leur famille. De plus, desconflits entre Dogons et Peuls, les premiersaccusant les seconds de soutenir les djiha-distes, ont accentué l’insécurité : ce sontdésor mais plus de 200 enseignants peuls quiont quitté le pays dogon où leur sécuritén’était plus assurée.

Jeunesse sacrifiéeDans le centre du Mali, la situation varieselon les attaques, mais le SNEC a pu consta-ter que les cercles de Youwarou, Tenenkou,Douentza et Sokoura étaient les plus touchés,avec entre 80 et 50 % des établissementsscolaires fermés. En moyenne, ce seraient49 % des écoles de la région de Mopti quiseraient actuellement fermées. On mesureles funestes conséquences pour la jeunessemalienne. n

Élisabeth Jacquet, secteur international

forces militantes, à l’heure où les menacesqui pèsent sur la démocratie se multiplient,est ainsi apparu comme un enjeu crucial lorsde ce congrès.Enfin, un caucus « femmes » a inauguré lecongrès le dimanche 21 juillet et a rassembléde nombreux militantes et militants qui ontcollaboré autour de la représentation desfemmes dans les organisations syndicales.

La priorité climatiqueDès son discours d’ouverture, Susan Hopgood, présidente de l’Internationale del’Éducation, a souligné le rôle majeur dessyndicats de l’éducation en matière de sen-sibilisation et de formation de nouvellesgénérations de citoyennes et citoyens éclairéset responsables.

LE 8E CONGRÈS MONDIAL DE L’INTERNATIONALE DE L’ÉDUCATION (IE) a eu lieu à Bangkok du 18 au 26 juillet2019. Le SNES-FSU y était représenté par cinq délégués qui ont participé à cet événement regroupant plus de1 400 militants délégués et observateurs.

Enjeux et objectifs

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MALI. Le Syndicat national de l'enseignement et de la culture (SNEC) a récemment effectué une tournée syndicaledans le centre du pays, là où les enseignants sont confrontés à l’insécurité croissante en raison des incursionsrépétées des groupes djihadistes ou criminels. Ils ne peuvent plus exercer correctement leur métier.

Insécurité et déscolarisation au Mali

École de Mondoro, fermée pour caused’insécurité, cercle de Douentza.

Parmi les objectifs de ce congrès figurait doncla mise en œuvre des objectifs de dévelop-pement durable : les mobilisations massivesde la jeunesse pour la transition écologiqueet la justice climatique – devenu fait de sociétémondial – doivent conduire les syndicats del’éducation à participer à la défense de l’en-vironnement. C’est en tout cas l’engagementpris par l’Internationale de l’Éducation lorsde ce 8e congrès. n Mélanie Faivre

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Supplément au no 790 du 21 septembre 2019 - US MAGAZINE - 45

Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. Matteo Salvini vient de l’apprendre à ses dépens... Le ministre de

l’Intérieur italien s’était imposé commel’homme fort du gouvernement Conte. Sur-estimant le poids de la Lega à la Chambre, ila provoqué sciemment, début août, une crisegouvernementale, persuadé que des électionsanticipées consacreraient sa suprématie surla péninsule. On connaît la suite. Le M5S,majoritaire à la Chambre, est parvenu àconclure un accord de gouvernement avec leParti démocrate, principale force d’oppositionau cabinet sortant. De là à proclamer la finde l’hypothèque populiste, il y a un pas qu’ilserait imprudent de franchir trop vite.

Alliance contre-nature ?On a glosé sur le caractère improbable durapprochement entre le mouvement « anti-système » lancé par l’humoriste Beppe Grilloet le Parti démocrate, émanation chimique-ment pure du « système », puisqu’issu de lafusion de ce qui restait des deux pivots de lapremière République (1946-1992) : la Démo-cratie chrétienne et le Parti communiste.Le M5S s’est sans conteste construit sur ladénonciation des politiques d’austéritémenées à partir de 2011 par Mario Monti...et poursuivies avec zèle, de 2013 à 2018,par les gouvernements démocrates de Letta,Renzi, puis Gentiloni. Mais, la nature ayanthorreur du vide, le virage néolibéral de laformation de centre-gauche a renforcé, ausein du M5S, l’activisme écologique, ladéfense des jeunes précaires et le souci desplus pauvres, notamment au sud de la pénin-sule. Bref, presque à son insu, comme lesignale Christophe Bouillaud, spécialiste dela politique italienne, le mouvement qui sedit « ni de droite, ni de gauche » a fini pardéfendre « une politique sociale qui peutcorrespondre à ce que devrait être un partisocial-démocrate ».

L’accord conclu entre le M5S et le Partidémocrate est le fruit d’un rapprochementpolitique, mais aussi de la convergence desintérêts immédiats de deux partis de gouver-nement qui refusent aussi catégoriquementl’un que l’autre tout retour aux urnes. Au vudes sondages, le groupe parlementaire desCinque stelle risquerait en effet de fondrecomme neige au soleil. Quant aux députéspro-Renzi rescapés du naufrage de 2018, ilspourraient bien se faire évincer de la directiondu Parti démocrate en cas de convocationd’un congrès extraordinaire.

Changement dans la continuitéCe renversement des alliances ne devrait tou-tefois pas susciter de ruptures significativesdans la politique gouvernementale.Sur la question budgétaire, le M5S et le Partidémocrate, tout comme la Lega, sont per-suadés que l’austérité nuit à l’Italie. Si leparti de centre-gauche ne souhaite pas sefâcher avec les autorités européennes sur cepoint, force est de constater qu’une fois passésles premiers effets de tribune, ni le mouve-ment de Di Maio ni la formation de Salvinin’avaient été si virulents à l’endroit deBruxelles... En haut lieu, on escompte tou-tefois que la présence dans la nouvelle coali-tion d’un parti ouvertement pro-européenpermettra de faire accepter plus facilementle plan de relance en cours d’élaboration àRome. Ce souci de respectabilité a dû jouerun rôle dans la nomination du démocratePaolo Gentiloni au poste stratégique de com-missaire européen à l’Économie aux côtésd’Ursula Von der Leyen.Il en va de même sur la question de la « ges-tion » des migrants. S’il est probable que lesnouveaux partenaires gouvernementaux pros-criront les opérations ostentatoires du typeAquarius dont Salvini raffolait, tout porte àcroire que patrouilles en mer et sous-traitancedu « problème » à la Libye continuerontcomme avant. Car le durcissement des poli-tiques d’accueil ne date pas de l’arrivée du

leghiste en chef à l’Intérieur, puisqu’il étaitdéjà patent sous le gouvernement Renzi.Quant à l’opinion publique italienne, scrutéetout aussi fébrilement par les stratèges duM5S que par les conseillers du Parti démo-crate, elle reste nettement favorable à unstrict contrôle des arrivées. Ce sans quoi onpeinerait à comprendre le maintien en grâce,dans une partie de l’opinion, du vaincu del’heure : Matteo Salvini.

Salvini attend son heurtDélire d’omnipotence ? Naïveté confondante ?On ne sait toujours pas ce qui a bien pu pousserSalvini à mettre en péril sa position éminenteau sein du gouvernement Conte pour un hypo-thétique gouvernement homogène de la Lega.Il n’en reste pas moins que « Il capitano » necesse, depuis, de payer le prix de ses manœu-vres hasardeuses. Sa popularité a par exemplechuté de quinze points en un mois, passantde 51 à 36 % d’opinions favorables.Salvini n’a toutefois pas dit son dernier mot.Il sait que le temps peut jouer en sa faveur.La question budgétaire va certainement mettrele nouveau cabinet Conte à l’épreuve des faits.S’il n’obtient pas gain de cause à Bruxelleset s’il finit par imploser, Salvini serait le grandvainqueur d’éventuelles élections anticipées,où il ne manquerait pas de se présenter commele seul véritable opposant aux deux partisfaillis qui avaient, pour de sombres raisonspoliticiennes, fait bloc contre lui.Salvini pratiquerait donc la politique du pire,dans l’espoir de pouvoir se présenter commel’ultime recours ? Rien ne le prouve mieuxque la « divine surprise » qu’il appelle mani-festement de ses vœux. En effet, selon lecorrespondant de Libération à Rome, le leaderde la Lega a, début septembre, « clairementlaissé entendre qu’il comptait aussi sur leséventuels débarquements de migrants pouraccuser le nouveau pouvoir de faiblesse etattiser les passions nationalistes et xéno-phobes ». Tout un programme... n

Jean-François Claudon

ITALIE. Suite à l’accord conclu, fin août, entre le Mouvement Cinq étoiles (M5S) et le Parti démocrate, la crisepolitique provoquée à dessein par Salvini semble conjurée. Mais le leader de la Lega n’a pas dit son dernier mot.

Sur la touche... mais pas hors-jeu !

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Expulsionsi

Des jeunes menacésGvantsa, 19 ans, géorgienne, a faitsa rentrée en Terminale à Dijonaprès des péripéties éprouvantes.Assignée à résidence et menacéed’expulsion alors qu’elle dépendentièrement de son père (ensituation régulière), elle est arrêtéefin août puis libérée du CRA surdécision de la juge des libertés.La mobilisation en sa faveur estforte. La pétition en ligne initiéepar une militante SNES-FSU atteint7 000 signatures. Début septembre,la préfecture régularise enfinGvantsa mais expulse le même jourQadri, un jeune nigérian, pourtantdans une situation similaire. La mobilisation est en cours pourle faire revenir parmi les siens.Deux histoires qui rappellent quepartout sur le territoire des jeunesscolarisé-es ou en études sont lesvictimes d’une politique migratoireinsensée et inhumaine.

Climati

16Seize jeunes âgés de 8 à 17 ans,de douze pays, dont  la SuédoiseGreta Thunberg et la Française IrisDuquesne, ont déposé plainte contrecinq pays pollueurs :  France, Brésil,Allemagne, Argentine et Turquie.Ils dénoncent leur inaction contrele réchauffement climatique commeune violation de la convention surles droits de l’enfant.

Logementi

Record d’expulsésEn 2017, 15 547 ménages ont étéexpulsés. « Un record historique »,selon la Fondation Abbé-Pierrequi exige une action forte dugouvernement. Ce chiffre confirmela précarisation croissante dela population, le manque criantde logements sociaux et la haussedes coûts de l’habitat.Les vacances scolaires sont la hautesaison pour les expulsions locatives.C’est un phénomène courant : lesassociations sont moins disponibles,les solidarités plus aléatoires et lesfamilles désemparées ne savent oùs’adresser. Beaucoup d’entre ellessont pourtant éligibles au Droit aulogement opposable (DALO). Mais enÎle-de-France, on compte au moins800 candidatures prioritaireset aucune solution de relogement.Les dispositifs de l’hébergementd’urgence sont saturés. Le candidatMacron avait pourtant promisqu’il n’y aurait plus de SDF !

DROITS ET LIBERTÉS

Le chemin vers l’égalité des droits est souventlong et sinueux. Celui de l’accès à la PMApour toutes les femmes aura été particulière-

ment compliqué. Exclu de la loi sur le mariagepour tous, promesse de campagne sans cessereportée du candidat Macron, le projet de loi estenfin débattu à l’Assemblée à la rentrée 2019,alors que de récents sondages montrent un soutienlarge de la population à cette mesure.

De réelles avancéesLa PMA sera bien ouverte à toutes les femmes,célibataires ou en couple de même sexe, et la gratuitéde cet accès sera effectif. Suite aux auditions par-lementaires, le projet a été sensiblement amélioré.La question de l’établissement de la filiationdemeure cependant. Le gouvernement a heureu-sement abandonné le projet d’un établissementspécifique de la filiation réservé aux couples defemmes. Mais le dispositif présenté reste à mi-chemin : si la reconnaissance signée par les cou-

ples de femmes s’apparente à celle signée par lepère dans un couple hétérosexuel, la double recon-naissance demandée aux couples de femmes créeune discrimination. En effet, d’un côté on restesur un mode de reconnaissance par l’accouche-ment, de l’autre on demande une reconnaissanceanticipée y compris pour la mère qui porte l’enfant.Rien n’empêche de trouver une solution poursécuriser la filiation de la mère qui ne porte pasl’enfant, et permettre le même mode d’établisse-ment de la filiation pour toutes les autres, hété-rosexuelles ou homosexuelles.

Un projet incompletLe projet n’ouvre pas la possibilité aux hommestrans (femmes ayant effectué leur transition) d’ac-céder à la PMA. Or, depuis 2016 et la loi « Justicedu XXIe siècle », les personnes trans n’ont plus àsubir une opération de stérilisation pour changerd’état civil. Il faut donc en tirer toutes les consé-quences, sinon à obliger les hommes trans à reculerleur changement d’état civil. Cela leur permettraitlégalement d’accéder à la PMA, mais généreraitles nombreuses discriminations liées à la non-conformité genre/état civil.Il existe actuellement de fortes disparités dansl’accès à la PMA, et dans les pratiques, qui varientfortement d’un centre à l’autre... Le vote de cetexte doit également être l’occasion de doter lesCECOS* des moyens nécessaires pour assurer cetaccès pour toutes les femmes. n Olivier Lelarge

* Centre d’étude et de conservation des œufs et dusperme humains.

Depuis la disparition de Steve Maia Caniço,les autorités n’ont cessé de chercher à mini-miser leurs responsabilités, quand elles n’ont

pas tout simplement nié l’évidence. Il ne faitaujourd’hui aucun doute que la mort de Steve estla conséquence de l’usage disproportionné de laforce par la police, après la charge contre un groupede jeunes qui célébraient la fête de la musique aubord de la Loire.

Responsabilité politiqueL’annonce par le ministre de l’Intérieur de la« mutation », sans sanction disciplinaire, du com-missaire chef des opérations semble avoir essen-tiellement pour but de dédouaner la chaîne decommandement et de dépolitiser une affaire quiest exemplaire de la façon dont l’orientation sécu-ritaire du gouvernement est comprise « à la base ».Il y a deux ans, en effet, dans des circonstancessimilaires, au même endroit, la police avait décidéde ne pas aller à l’affrontement.

La justice, c’est d’abordque toute la lumière soitfaite sur la mort deSteve, et que les res-ponsables soient pour-suivis et condamnés.C’est aussi que le gou-vernement reconnaissesa responsabilité poli-tique et en tire toutesles conséquences,modifie radicalement safaçon de traiter le main-tien de l’ordre, au lieu de faire sauter des fusibleset d’ouvrir des parapluies.Cela implique aussi que soit mise en débat la créa-tion d’une autorité indépendante chargée d’enquêtersur les suspicions de violence policière, l’IGPNayant, par ses conclusions ridicules sur cette affaire,montré une fois de plus son inefficacité, voire sapartialité. n Hervé Le Fiblec

SÉCURITÉ

Mort pour avoir fait la fête

PMA POUR TOUTES

On y est (enfin, presque...)

46 - US MAGAZINE - Supplément au no 790 du 21 septembre 2019

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