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LICENCE DROIT – 1 ÈRE ANNÉE SECTION A ANNÉE UNIVERSITAIRE 2006/2007 PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL Cours du Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE FICHE 2 : L’ÉTAT I. La notion d’État R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits). II. La distinction État unitaire / État fédéral G. Scelle, Précis de Droit des gens (Extraits). R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits). La Constitution des États-Unis d’Amérique (Extraits). III. Le cas particulier de l’État régional P. Moderne, P. Bon, les autonomies régionales dans la constitution espagnole (Extraits) La Constitution espagnole (Extraits) IV. Le statut de l’Union Européenne Projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe (Extraits) J.-C. DIRIS, L’Union européenne : vers une nouvelle forme de fédéralisme ? (Extraits) Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l'Europe (Extraits) Équipe pédagogique : Néda ARMBRUSTER, Damien CATTEAU, Matthieu CATTEAU, Isabelle CRÉPIN, Isabelle SAUNIER et Bruno VILLALVA.

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LICENCE DROIT – 1ÈRE ANNÉE SECTION A

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2006/2007 PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL

Cours du Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE

FICHE 2 : L’ÉTAT

I. La notion d’État R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits). II. La distinction État unitaire / État fédéral G. Scelle, Précis de Droit des gens (Extraits). R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits). La Constitution des États-Unis d’Amérique (Extraits).

III. Le cas particulier de l’État régional P. Moderne, P. Bon, les autonomies régionales dans la constitution espagnole (Extraits) La Constitution espagnole (Extraits) IV. Le statut de l’Union Européenne Projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe (Extraits) J.-C. DIRIS, L’Union européenne : vers une nouvelle forme de fédéralisme ? (Extraits) Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour l'Europe (Extraits) Équipe pédagogique : Néda ARMBRUSTER, Damien CATTEAU, Matthieu CATTEAU, Isabelle CRÉPIN, Isabelle SAUNIER et Bruno VILLALVA.

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LA NOTION D’ÉTAT R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, p. 2s., (Extraits).

Dans chaque État, on trouve d’abord un certain nombre d’hommes. Ce nombre peut être plus ou moins considérable : il suffit que ces hommes soient parvenus en fait à former un corps politique autonome, c'est-à-dire distinct des groupes étatiques voisins. Un État, c’est donc avant tout une communauté humaine. L’État est une forme de groupement social. Ce qui caractérise cette sorte de communauté, c’est qu’elle est une collectivité publique, se superposant à tous les groupements particuliers, d’ordre domestique ou d’intérêt privé, ou même d’intérêt public local, qui peuvent exister entre ses membres. Tandis qu’à l’origine, les individus n’ont vécu que par petits groupes sociaux, famille, tribu, gens, isolés les uns des autres quoique juxtaposés sur le même sol, et ne connaissant chacun que son intérêt particulier, les communautés étatiques se sont formées en englobant tous les individus qui peuplaient un territoire déterminé, en une corporation unique, fondée sur la base de l’intérêt général et commun qui unit entre eux, malgré toutes les différences qui les séparent, les hommes vivant côte à côte en un même pays : corporation supérieure et générale qui a constitué dés lors un peuple, une nation. La nation, c’est donc l’ensemble d’hommes et de populations concourant à former un État et qui sont la substance humaine de l’État. Et quant à ces hommes pris individuellement, ils portent le nom de nationaux ou encore de citoyens au sens romain du mot civis : expression qui désigne précisément le lien social qui, par-dessus tous leurs rapports particuliers et touts leurs groupements partiels, rattache tous les membres de la nation à un corps unique de société publique.

Le second élément constitutif des États,

c’est le territoire. Déjà on vient de voir qu’un rapport de liaison nationale ne peut prendre de consistance qu’entre hommes qui

se trouvent mis en contact par le fait même de leur cohabitation fixe sur un ou plusieurs territoires communs : le territoire est donc l’un des éléments qui permettent à la nation de réaliser son unité. Mais, en outre, une communauté nationale n’est apte à former un État qu’autant qu’elle possède une surface de sol sur laquelle elle puisse s’affirmer comme maîtresse d’elle-même et indépendante, c'est-à-dire sur laquelle elle puisse tout à la fois imposer sa propre puissance et repousser l’intervention de toute puissance étrangère. L’État a essentiellement besoin d’avoir un territoire à soi, parce que telle est la condition même de toute puissance étatique. Si par exemple l’État possède quelque puissance sur ceux de ses nationaux situés à l’étranger, c’est dans la mesure seulement où il lui est possible de leur appliquer sur son propre territoire la sanction des prescriptions qu’il prétend leur imposer, durant leur séjour au dehors. En revanche, sur son territoire, la puissance de l’État s’étend sur tous les individus, étrangers comme nationaux.

Les auteurs modernes s’accordent à dire

que la relation juridique qui s’établit entre l’État et son territoire, ne consiste pas en un droit de dominium, mais bien d’imperium : l’État n’a pas sur son sol une propriété, mais seulement une puissance de domination, à laquelle on donne habituellement dans la terminologie française, le nom de souveraineté territoriale. (…)

La véritable idée à laquelle il faut s’arrêter à cet égard est donc que la sphère de puissance de l’État coïncide avec l’espace sur lequel s’étendent ses moyens de domination. En d’autres termes, l’État exerce sa puissance non pas seulement sur un territoire, mais sur un espace, espace qui, il est vrai, a pour base de détermination le territoire lui-même.

Enfin et par dessus-tout, ce qui fait un

État, c’est l’établissement au sein de la nation d’une puissance publique s’exerçant supérieurement sur tous les individus qui font partie du groupe national ou qui résident

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seulement sur le sol national. L’examen des États sous ce rapport révèle que cette puissance publique tire son existence précisément d’une certaine organisation du corps national : organisation par laquelle d’abord se trouve définitivement réalisée l’unité nationale, et dont aussi le but essentiel est de créer dans la nation une volonté capable de prendre pour le compte de celle-ci toutes les décisions que nécessite la gestion de ses intérêts généraux : enfin, organisation d’où résulte un pouvoir coercitif permettant à la volonté ainsi constituée de s’imposer aux individus avec une force irrésistible. Ainsi, cette volonté directrice et dominatrice s’exerce dans un double but : d’une part elle fait les affaires de la communauté ; d’autre part, elle fait des actes d’autorité consistant soit à émettre des prescriptions impératives et obligatoires, doit à faire exécuter ces prescriptions.

En tenant compte de ces divers éléments fournis par l’observation des faits, on pourrait donc définir chacun des États in concreto comme une communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres, une puissance supérieure d’action, de commandement et de coercition. (…)

Pris dans son acception précise, le mot souveraineté désigne, non pas une puissance, mais bien une qualité, une certaine façon d’être, un certain degré de puissance. La souveraineté c’est le caractère suprême d’un pouvoir : suprême, en ce que ce pouvoir n’en admet aucun autre ni au-dessus de lui, ni en concurrence avec lui. Quand donc on dit que l’État est souverain, il faut entendre par là que, dans la sphère où son autorité est appelée à s’exercer, il détient une puissance qui ne relève d’aucun autre pouvoir et que ne peut être égalée par aucun autre pouvoir.

Ainsi entendue, la souveraineté de l’État est habituellement présentée comme double : on la divise en souveraineté externe et interne. La première se manifeste dans les rapports internationaux des États. Elle

implique pour l’État souverain l’exclusion de toute subordination, de toute dépendance vis-à-vis des États étrangers. Grâce à la souveraineté externe, l’État a donc une puissance suprême, en ce sens que sa puissance est dégagée de toute sujétion ou limitation envers une puissance extérieure(1). Dire que les États sont souverains dans leurs relations réciproques, cela signifie aussi qu’ils sont respectivement égaux les uns aux autres, sans qu’aucun d’eux puisse prétendre juridiquement à une supériorité ou autorité quelconque sur aucun autre État. Dans l’expression souveraineté externe, le mot souveraineté est donc au fond synonyme d’indépendance : il n’a ainsi qu’une portée toute négative. Au contraire, dans l’expression souveraineté interne, il semble prendre une signification positive. La souveraineté interne implique en effet que l’État possède, soit dans ses rapports avec les individus qui sont ses membres ou qui se trouvent sur son territoire, soit dans ses rapports avec tous autres groupements publics ou privés formés au dedans de lui, une autorité suprême, en ce sens que sa volonté prédomine sur toutes les volontés de ces individus ou groupes, celles-ci ne possédant qu’une puissance inférieure à la sienne. Le mot de souveraineté sert donc ici à exprimer que la puissance étatique est la plus haute puissance existant à l’intérieur de l’État, qu’elle est une summa potestas.

(1) Naturellement, ceci ne veut pas dire que l’État souverain ne puisse se trouver tenu d’obligations envers d’autres États : il peut être lié juridiquement envers des États étrangers, comme aussi à l’intérieur envers des particuliers ; seulement, il ne pourra l’être qu’en vertu de sa propre et libre volonté, de son consentement, et c’est en cela même que consiste sa souveraineté.

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LA DISTINCTION ÉTAT UNITAIRE / ÉTAT FÉDÉRAL G. Scelle Précis de droit des gens, (Extraits). 3 Critique

Les critères qui ont été cherchés pour caractériser le fédéralisme et distinguer, en particulier, ses formes les moins intégrées de l'État et de l'État fédéral, l'ont été dans trois directions : la distinction de nature juridique entre l'État et les autres collectivités juridiques ; la distinction entre les collectivités personnes et les collectivités sans personnalité ; la possession ou la non possession de la souveraineté. Ce sont des impasses où nous ne saurions nous engager. Il n'y a pour nous que des différences de degré ou de forme entre les diverses réalisations du fédéralisme. (...) Les critères juridiques

Pour qui fait de la souveraineté la caractéristique de l'État, il faut choisir entre les termes d'une alternative : reconnaître la qualité d'État à l'État fédéral et la refuser à l'État membre, ou inversement, car la souveraineté, dans son sens classique est indivisible.

Certains auteurs ont essayé de

construire un partage de la souveraineté, une discrimination de ses attributs entre l'État fédéral et les États membres. Ils aboutissaient ainsi à établir une situation d'égalité statique entre l'État fédéral et ses membres. Mais cette conception apparue vite contraire aux faits : la répartition des compétences n'est pas fixe et il y a inégalité, superposition et contrôle de l'État fédéral. Il a donc fallu opter. Certains ont nié l'État fédéral en affirmant que les États membres ne pouvaient se dépouiller de leur souveraineté sans cesser d'être, qu'ils ne pouvaient qu'en déléguer l'exercice, de telle sorte que seuls ils restaient souverains, et qu'il leur était juridiquement

possible d'annuler tout acte de l'État fédéral contraire à la Constitution. Cette théorie, elle aussi nettement démentie par les faits, est connue sous le nom de la théorie de la nullification.

Il restait alors qu'à nier le caractère étatique des États membres, parti non moins difficile à prendre, car c'est assimiler l'État fédéral à l'État unitaire. Pour y échapper on a voulu distinguer entre la participation à la substance et la participation à l'exercice de la souverai-neté, et faire des États membres soit de véritables organes de l'État fédéral, soit des circonscriptions douées d'un pouvoir particulier, celui de participer à la forma-tion de la volonté de l'État fédéral. Retenons cette notion de participation, mais en notant qu'on ne peut concevoir la distinction entre l'exercice et la substance d'une compétence "souveraine", celle-ci n'existant plus, par définition, si la faculté de l'exercer disparaît.

Échappant alors à la sujétion du critère de l'État souverain, des maîtres du droit public ont essayé de caractériser l'État fédéral en disant qu'il posséderait seul le droit de souveraineté, tandis que ses membres, tout en demeurant des États, ne seraient plus souverains. Ils resteraient cependant des États, parce qu'ils gardent "le pouvoir de domination" dans toute la limite où ils ne sont point subordonnés à l'État fédéral, ou, ce qui revient au même, une autonomie propre qui leur permet, notamment, de s'organiser constitutionnellement. Les États membres deviennent ainsi des espèces d'États médiatisés, États si l'on considère au-dessous d'eux leurs sujets de droit, simples organes si l'on regarde au-dessus d'eux l'État fédéral, l'entité politique complexe, "l'État d'États". Malheureusement, cette fois encore, on ne découvre pas de critère juridique qui permette la distinction entre ces États "médiatisés" et certaines

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provinces ou pays décentralisés qui ont aussi l'autonomie et le pouvoir de commandement, et qui, souvent même, jouissent de garanties internationales que ne possèdent pas les États membres d'un État fédéral. On voit même plus de différence essentielle entre l'État fédéral et la Confédération d'États dont les membres, eux aussi, conservent leur qualité d'États, mais perdent leur autonomie dans la mesure où le pacte confédéral la leur enlève. (...) 4 La loi de participation

Nous voici maintenant en présence d'une caractéristique dominante du fédéralisme, mais dans toutes ses modalités, et non seulement dans l'État fédéral.

Participation à la formation de la volonté de l'État fédéral, on ne peut accepter la formule que comme une façon de parler, une métaphore, dès lors que l'on repousse la théorie de la personnalité de l'État et, par la suite, l'existence d'une volonté étatique distincte de celle des gouvernants et agents. Les collectivités composant n'ayant pas de volonté propre ne peuvent contribuer à former la volonté de la collectivité composée qui n'en a pas d'avantage. Ce qu'il faut dire, c'est que les gouvernants et agents des États membres collaborent avec les gouvernants et agents de l'État fédéral, à créer des situations juridiques qui sont valables pour la collectivité fédérale globale, et notamment, participent aux modifications de la Constitution, à la répartition des compétences. C'est là en effet un trait capital du fédéralisme ; c'est par lui qu'il est un droit de collaboration et non de subordination. Le trait apparaît dans tous les États fédéraux. Mais il est encore insuffisant pour servir de critère, car il ne se trouve pas seulement dans l'État fédéral. On le rencontre en effet, à un degré encore plus accentué, dans la Confédération d'États, et à un degré cette fois beaucoup

moins accentué dans l'État unitaire. L'exemple typique est celui de la Prusse d'après la Constitution de Weimar. Les agents des circonscriptions décentralisées de la Prusse collaborent aux décisions gouvernementales des organes étatiques. Cette participation se retrouve même dans des États dont l'unitarisme n'est pas niable, et pour les collectivités dont la décentralisation est très peu poussée, comme les communes ou les départements français : les conseils municipaux et les conseils généraux participent à la formation d'une des chambres législatives, et par conséquent, quoi qu'au deuxième degré, aux décisions gouvernementales et même constitutionnelles. La loi de participation n'est donc pas un caractère exclusif de l'État fédéral, ni même, du fédéralisme. Elle est seulement de sa nature.

L'autonomie - C'est pourquoi on a voulu compléter le critère en lui adjoignant un nouvel élément. A la loi de participation s'ajouterait l'autonomie des collectivités fédéralisées, et il n'y aurait vraiment État fédéral que lorsque la participation et l'autonomie coexisteraient.

Malheureusement, le terme autonomie

est en soi assez vague. S'applique-t-il à toute compétence de décision propre, ou seulement aux décisions d'ordre législatif ? Faut-il que l'autonomie aille jusqu'à la compétence en matière constitutionnelle ? On admet généralement qu'il n'y a État fédéral que si les États membres possèdent une certaine autonomie constitutionnelle. Mais là encore, il faut bien constater qu'en fait cette autonomie est plus ou moins garantie selon les constitutions fédérales, qu'elle ne l'est jamais complètement, sauf les cas exceptionnel des droits réservés ; qu'elle l'est parfois davantage pour certaines provinces décentralisées ; qu'elle l'est toujours beaucoup plus dans la Confédération d'États. De telle sorte que ni la participation des États membres à la formation de la volonté fédérale, ni

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l'autonomie entendue au sens d'auto-organisation ne fournissent un critérium juridique propre à l'État fédéral.

C'est une approximation, pas d'avantage. Aussi a-t-on proposé de compléter le critérium par un troisième élément : la possession d'attributions exclusives garanties par la constitution fédérale aux organes des États membres. Ce caractère de la compétence ne se retrou-verait pas dans les circonscriptions administratives des États unitaires, dont les attributions peuvent toujours être modifiées par le législateur et non pas seulement par le législateur constituant.

A notre avis, cette nouvelle approximation est encore insuffisante à distinguer l'État membre de certains pays décentralisés ou provinces autonomes. En outre ces "compétences exclusives" sont, avons-nous dit, des compétences discrétionnaires et facultatives. Les auto-rités locales agissent seules, mais c'est parce qu'il n'existe point de contrôle de l'opportunité mais seulement un contrôle de légalité. Ce dernier subsiste dans tous les cas, sans quoi il n'y aurait pas de régulateur des compétences entre systèmes juridiques superposés.

La seule différence serait donc finalement celle-ci : le déterminateur des compétences serait, dans certains cas, dans celui de l'État fédéral, le législateur ordi-naire. Mais ce critère reste de nature formelle car il n'y a entre la loi constitutionnelle et la loi matérielle ordi-naire qu'une différence formelle. Le critère ne pourrait donc plus jouer dans les pays où le législateur ordinaire a une compétence constitutionnelle, par exemple en Angleterre, ce qui exclurait du système fédératif tout le Commonwealth. Une fois de plus, nous dirons : l'attribution aux gouvernants de collectivités inférieures de compétences discrétionnaires, ce qui en fait des gouvernants et non des agents, est en effet un signe distinctif de l'État fédéral.

Mais ce n'est pas un critère, car la garantie de la compétence discrétionnaire par le système juridique en vigueur, à un moment donné, dans une collectivité composée ou intersociale, se retrouve dans tous les systèmes juridiques intersociaux, depuis l'État le moins décentralisé jusqu'à la fé-dération la plus large.

Notre conclusion générale sera donc qu'il ne peut pas y avoir de critérium juridique spécifique de l'État fédéral, pour cette raison, par ailleurs exposée, qu'il n'y a pas de critérium juridique spécifique de l'État. Nous ne conclurons pas qu'il n'y a pas d'État fédéral, pas plus que nous avons conclu de l'absence de critérium juridique de l'État à l'inexistence de l'État. Ce serait nier la réalité. Nous dirons simplement que l'État fédéral est, comme toutes les autres formes sociales, un phénomène politico-historique qui peut avoir les origines les plus diverses et aboutir à des répartitions de compétences très différentes. Il n'y a pas une, mais plusieurs formes d'État fédéral ; aucune ne peut être considérée comme la forme type exclusive. L'État fédéral, n'est lui-même que l'intégration la plus poussée du fédéralisme, mais en étudiant le droit positif, on s'aperçoit que ce n'est pas toujours dans l'État fédéral que le génie du fédéralisme est le mieux respecté, ni l'indépendance des collectivités fédéralisées la mieux assurée. L'État fédéral, notamment, ne comporte pas toujours une organisation suffisante pour trancher le conflit de compétences entre les autorités fédérales et les autorités locales. On ne peut donc, scientifiquement, étudier le fédéralisme qu'en fonction des autres formes d'organisation politique dont il est l'une, et rechercher ses caractéristiques générales, sans s'obstiner à édifier des critères juridiques qui ne peuvent pas exister.

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R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État, pp. 102-111 (Extraits)

36. — L'idée de corporation d'États étant écartée, comment faut-il caractériser l'État fédéral? Pour déterminer la nature de cet État, il est essentiel d'observer que dans sa Constitution il entre à la fois un principe unitaire et un principe fédératif. L'État fédéral est tout ensemble un État et une fédération d'États. D'une part, il tient de l'État unitaire, et par là il se distingue de la confédération d'États ; d'autre part, il est formé d'États multiples reliés entre eux par un lien fédératif, et par là il se différencie de l'État unitaire. Il faut examiner successivement ces deux aspects de l'État fédéral. A. L'État fédéral se présente d'abord sous un aspect unitaire. Un État fédéral peut se former de deux façons : par l'union d'États précédemment indépendants, par le morcellement d'un État précédemment unitaire. Si l’on raisonne en particulier sur le premier cas, il est permis de dire que la formation de l’État fédéral implique l'unification des territoires multiples des États confédérés en un nouveau territoire étatique qui est celui de l'État fédéral, et en outre l'unification des diverses nations respectivement comprises dans les États confédérés en un corps national supérieur et global qui est la nation fédérale. Au point de vue politique, en effet, la naissance de l'État fédéral répond aux aspirations unitaires de peuples qui, soit parce qu'ils ont pris conscience de leurs affinités, soit parce qu'ils visent à un accroissement de puissance, tendent à se réunir en une seule et même population nationale. Au point de vue juridique, l'État fédéral, pris en soi et envisagé dans l'exercice de la compétence que lui assigne en propre la Constitution fédérale, ressemble à un État unitaire, en ce que — comme le remarque Jellinek (loc. cit., t. II, p. 542-543 et 546-547) — dans la mesure de cette compétence fédérale, les séparations et frontières existant entre les États particuliers disparaissent : en tant que soumis à la puissance fédérale, les territoires et populations multiples de ces États ne forment plus qu'un territoire et qu'un peuple uniques. Bien plus, dans la mesure de la compétence fédérale, les États particuliers s'évanouissent eux-mêmes : car, en tant que leurs sujets et territoires sont soumis à la puissance directe de l'État fédéral, ils ne sont pas plus des États que ne sont États les communes ou provinces

d'un État unitaire (Cf. G. Meyer, op. cit., 6e éd., p. 46). Sous ce premier rapport donc, on ne peut considérer ni les États particuliers comme des États, ni l'État fédéral comme un État d'États.

Sous un autre rapport au contraire, les

États particuliers se distinguent essentiellement de la commune ou province, et par suite l'État fédéral se différencie, lui aussi, de l'État unitaire. La différence capitale entre les uns et les autres provient de ce que, pour toutes les matières qui n'ont pas été réservées à la compétence spéciale de l'État fédéral, les États particuliers conservent, avec l'organisation étatique qui leur est propre, la faculté de se déterminer librement à eux-mêmes leur propre compétence : en cela ils sont des États. Au point de vue politique, en effet, le type État fédéral répond à ce fait que les peuples divers qui composent cet État, ont entendu, tout en s'unifiant en lui à certains égards, conserver pour le surplus leur répartition et organisation en groupements étatiques particuliers, groupements qui gardent dès lors le pouvoir d'étendre leur compétence à toutes les matières qui ne sont pas devenues fédérales. Au point de vue juridique, la Constitution fédérale reconnaît ces groupements particuliers pour des États véritables, en tant qu'elle admet qu'ils ont chacun le droit de s'organiser et de fixer leur compétence par eux-mêmes, et de plus en tant qu'elle admet que ce droit repose sur leur propre puissance et non sur une délégation venue de l'État fédéral. Dans cette sphère donc, l'État particulier se comporte comme un État ordinaire (Jellinek, loc. cit., p. 547); seulement, sa compétence étant limitée par celle de l'État fédéral, il est clair qu'il n'est pas un État souverain. (…) 37. — B. Jusqu’ici on n’a vu apparaître ni le côté fédératif de l’État fédéral, ni le rapport de fédération qui unit entre eux les États particuliers, et qui vaut à l’État supérieur dans lequel ils sont compris, son nom d’État fédéral. D’après l’opinion commune (Le Fur, op. cit., p. 600 et s., 682 ; Jellinek, loc. cit., t. II, p. 243, 540-541, 543-544), le caractère fédératif de cet État se révèle dans l’organisation spéciale et fédérative de sa puissance étatique. Le trait distinctif de l’État fédéral, à cet égard, consiste en effet en ce que les États particuliers sont appelés comme tels à participer à sa puissance et à concourir à la formation de sa volonté. Non pas sans doute en ce sens que la volonté fédérale se confonde avec celle, même unanime, des États confédérés ; s’il en était ainsi, l’État fédéral ne se distinguerait plus de la confédération d’États, et

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il cesserait d’être un État : car un État quelconque ne peut exister qu’à la condition d’avoir une volonté propre, ou plus exactement des organes propres de sa volonté. Mais les États particuliers participent à la puissance fédérale, en ce que précisément ils sont appelés par la Constitution fédérale à être des organes de l’État fédéral. Cette participation est une condition essentielle de l’État fédéral : le nom même de cet État implique en lui du fédéralisme. De plus, c’est en leur qualité d’États que les États particuliers tiennent de la Constitution fédérale un droit à participer, comme organes, à la formation de la volonté fédérale (V. notamment Jellinek, loc. cit., p. 556). (…) 38. — a. Dans tout État fédéral on trouve d'abord certains organes qui n'ont point d'attaches spéciales avec les États confédérés et qui ne sauraient en aucun sens être considérés comme réalisant une participation véritable de ces États à la puissance fédérale : ils sont purement et simplement organes constitutionnels de l'État fédéral, et l'organisation de celui-ci est, sous ce rapport, semblable à celle d'un État unitaire (Jellinek, loc. cit., t. II, p. 544; Le Fur, op. cit., p. 614 et s.). Ces organes correspondent en effet à l'unité étatique qui existe dans l'État fédéral et qui doit y trouver son expression dans l'organisation de sa puissance, de même qu'on a vérifié plus haut cette unité quant aux deux autres éléments de cet État, la population et le territoire. Les organes de cette première catégorie peuvent être soit un chef d'État héréditaire, soit un président tirant son origine de l'élection par le corps fédéral des citoyens, soit un conseil exécutif fédéral, soit le corps des citoyens lui-même dans les pays comme la Suisse où les citoyens sont appelés à se gouverner directement. De plus, on trouve dans tout État fédéral une assemblée législative élue par tous les citoyens actifs que comprend cet État.

39 — b. Le côté fédératif de l'État fédéral commence à se révéler d'une façon bien nette dans une seconde sorte d'organes fédéraux, qui, ceux-ci, ont des attaches particulières avec les États confédérés, mais dont on ne saurait cependant affirmer qu'ils aient pour destination absolue d'exprimer et de faire valoir dans l'État fédéral les volontés spéciales des États confédérés. Tel est le cas d'un organe qui se retrouve dans tout État fédéral et qui est l'une des institutions caractéristiques de cette forme d'État : à savoir l'assemblée dite des États.

Dans tout État fédéral on constate en effet qu'à côté de la Chambre élue par le corps fédéral des citoyens, il est institué une deuxième assemblée, qui assurément dans son ensemble est un organe de l'État fédéral, mais dont les membres pris individuellement devraient, d'après une opinion fort répandue (V. notamment Jellinek, loc. cit., t. II, p. 286); être considérés comme « représentant » spécialement les États confédérés. La composition de cette deuxième assemblée varie suivant que l'État fédéral se trouve établi dans un milieu monarchique ou démocratique. Dans le premier cas, cette assemblée est formée des monarques régnant sur les divers États confédérés ou — ce qui revient au même — des mandataires délégués par les Gouvernements monarchiques de ces divers États : il en est ainsi en Allemagne, où le Bundesrat est composé des fondés de pouvoir qui y sont envoyés par les différents princes allemands et aussi par les sénats des villes libres : d'où il résulte que cette assemblée n'a aucunement le caractère d'un corps parlementaire, mais uniquement d'une réunion de plénipotentiaires des États. Dans l’État fédéral démocratique au contraire, on rencontre une véritable seconde Chambre, qui, comme la première, est élue et qui peut même, comme c'est en majeure partie le cas en Suisse (Veitb, Der rechtliche Einfluss der Kantone auf die Bundesgewalt, thèse Strasbourg, 1902, p. 84 et s.; de Seroux, Le Conseil des États et la représentation cantonale en Suisse, thèse, Paris, 1908, p. 123), être élue par les mêmes électeurs que la première Chambre. Mais, tandis que la première Chambre correspondait à l'unité du peuple fédéral pris en entier et envisagé sans distinction d'États, il est non seulement incontestable que les États particuliers sont pris en considération dans l'organisation donnée à la seconde Chambre, mais encore il semble qu'ils s'y trouvent, en un certain sens au moins, spécialement et respectivement représentés : cela ressort de ce fait que chacun d’eux, quels que soient le chiffre de sa population et l'étendue de son territoire, y possède un nombre égal d’élus. Cette seconde Chambre apparaît ainsi, à la différence de la première, comme la Chambre des États : aussi il va de soi que chacun des États particuliers, et non plus l'État fédéral détermine par ses propres lois le régime électoral applicable à la nomination des membres qu'il a à y envoyer. Bref, c'est dans cette seconde Chambre que se manifeste le lien fédératif qui relie les États confédérés entre eux et à l'État fédéral, et en outre on prétend que, par cette assemblée déjà, les États se trouvent habilités à concourir à la formation de la volonté législative de l’État fédéral.

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Constitution des États-Unis d’Amérique. (Extraits).

PRÉAMBULE Nous, Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d'Amérique. (…) Article I (…) Section 4. L'époque, le lieu et la procédure des élections des sénateurs et des représentants seront déterminés dans chaque État par la législature de cet État ; le Congrès peut toutefois, à tout moment, déterminer ou modifier par une loi les règles des élections, à l'exception de celles relatives au lieu des élections des sénateurs. (…) Section 8. Le Congrès aura le pouvoir : De lever et de percevoir des taxes, droits, impôts et excises, de payer les dettes et pourvoir à la défense commune et à la prospérité générale des États-Unis ; mais lesdits droits, impôts et excises seront uniformes dans toute l'étendue des États-Unis ; De faire des emprunts sur le crédit des États-Unis ; De réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec les tribus indiennes ; D'établir une règle uniforme de naturalisation et des lois uniformes au sujet des faillites applicables dans toute l'étendue des États-Unis ; De battre monnaie, d'en déterminer la valeur et celle de la monnaie étrangère, et de fixer l'étalon des poids et mesures ; D'assurer la répression de la contrefaçon des effets et de la monnaie en cours aux États-Unis ;

D'établir des bureaux et des routes de postes ; De favoriser le progrès de la science et des arts utiles, en assurant, pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs le droit exclusif à leurs écrits et découvertes respectifs ; De constituer des tribunaux inférieurs à la Cour suprême ; De définir et punir les pirateries et crimes commis en haute mer et les atteintes à la loi des nations ; De déclarer la guerre, d'accorder des lettres de marque et de représailles, et d'établir des règlements concernant les prises sur terre et sur mer ; De lever et d'entretenir des armées, sous réserve qu'aucune affectation de crédits à cette fin ne s'étende sur plus de deux ans ; De créer et d'entretenir une marine de guerre ; D'établir des règlements pour le commandement et la discipline des forces de terre et de mer ; De pourvoir à la mobilisation de la milice pour assurer l'exécution des lois de l'Union, réprimer les insurrections et repousser les invasions ; De pourvoir à l'organisation, l'armement et la discipline de la milice, et au commandement de telle partie d'icelle qui serait employée au service des États-Unis, en réservant aux États respectivement la nomination des officier s et l'autorité nécessaire pour instruire la milice selon les règles de discipline prescrites par le Congrès ; D'exercer le droit exclusif de législation, en toute matière, sur tel district (d'une superficie n'excédant pas 10 milles au carré) qui, par cession d'États particuliers et sur acceptation du Congrès, sera devenu le siège du gouvernement des États-Unis et d'exercer semblable autorité sur tous lieux acquis, avec le consentement de la législature de l'État dans lequel ils seront situés, pour l'érection de forts, dépôts, arsenaux, chantiers navals et autres constructions nécessaires ;

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Et de faire toutes les lois qui seront nécessaires et convenables pour mettre à exécution les pouvoirs ci-dessus mentionnés et tous autres pouvoirs conférés par la présente Constitution au gouvernement des États- Unis ou à l'un quelconque de ses départements ou de ses fonctionnaires. Section 10. Aucun État ne pourra être partie à un traité ou une alliance ou à une Confédération ; accorder des lettres de marque et de représailles ; battre monnaie ; émettre du papier-monnaie, donner cours légal, pour le paiement de dettes, à autre chose que la monnaie d'or ou d'argent ; promulguer aucun décret de confiscation, aucune loi rétroactive ou qui porterait atteinte aux obligations résultant de contrats ; ni conférer des titres de noblesse. Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des impôts ou des droits sur les importations ou les exportations autres que ceux qui seront absolument nécessaires pour l'exécution de ses lois d'inspection, et le produit net de tous les droits ou impôts levés par un État sur les importations ou les exportations sera affecté à l'usage du Trésor des États-Unis ; et toutes ces lois seront soumises à la révision ou au contrôle du Congrès. Aucun État ne pourra, sans le consentement du Congrès, lever des droits de tonnage, entretenir des troupes ou des navires de guerre en temps de paix, conclure des accords ou des pactes avec un autre État ou une puissance étrangère, ni entrer en guerre, à moins qu'il ne soit effectivement envahi ou en danger trop imminent pour permettre le moindre délai.

Article V Le Congrès, quand les deux tiers des deux Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des amendements à la présente Constitution ou, sur la demande des législatures des deux tiers des États, convoquera une convention pour en proposer ; dans l'un et l'autre cas, ces amendements seront valides à tous égards

comme faisant partie intégrante de la présente Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des États, ou par des conventions dans les trois quarts d'entre eux, selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été proposé par le Congrès. Sous réserve que nul amendement qui serait adopté avant l'année mi l huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la quatrième clause de la neuvième section de l'Article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement, privé de l'égalité de suffrage au Sénat. X° Amendement Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux États-Unis par la Constitution, ni refusés par elle aux États, sont conservés par les États respectivement ou par le peuple. XIV° Amendement Section 1. Toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, et soumise à leur juridiction, est citoyen des États-Unis et de l'État dans lequel elle réside. Aucun État ne fera ou n'appliquera de lois qui restreint draient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis ; ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière ; ni ne refusera à quiconque relève de sa juridiction légale protection des lois. XV° Amendement Section 1. Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne sera dénié ou limité par les États-Unis, ou par aucun État, pour des raisons de race, couleur, ou de condition antérieure de servitude. XVI° Amendement Le Congrès aura le pouvoir d'établir et de percevoir des impôts sur les revenus, de quelque source qu'ils dérivent, sans répartition parmi les divers États, et indépendamment d'aucun recensement ou énumération.

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LE CAS PARTICULIER DE L’ÉTAT RÉGIONAL P. Moderne et P. Bon, les autonomies régionales dans la constitution espagnole. pp. 48 et suivantes. Section III : Sur la nature de l’État espagnol.

Il n’est pas facile de qualifier l’État espagnol. Il semble pour l’instant échapper aux catégories du droit constitutionnel classique et, au demeurant, il faudra attendre le terme du processus en cours pour porter un jugement sur des bases plus solides. (…)

État régional ? État régionaliste ? État fédéral-

régional ? État des autonomies ou État « autonomique » ? Toutes ces étiquettes ont été associées à l’État espagnol contemporain après la Constitution du 27 décembre 1978. C’est dire l’embarras des juristes. Une seule qualification a été unanimement récusée (…) : celle d’État unitaire centralisé.

Nous ne cherchons évidemment pas à trancher

dans une controverse dont toutes les données ne sont pas clairement établies. Il faut quand même aborder le problème sous deux angles principaux : le thème du fédéralisme et celui de l’État régional.

Il apparaît en effet que le fédéralisme a été

nettement repoussé par les constituants (au même titre que la théorie de l’État unitaire centralisé) cependant que le modèle de l’État « régional » était plus proche de leurs préoccupations. §1. Le rejet du fédéralisme :

On a dit que, parmi les sources du régionalisme en Espagne, les théories fédéralistes avaient leur place. Le fédéralisme a même eu, avec la Première République, une première expression constitutionnelle, mais sans lendemain.

Le courant fédéraliste n’a pas cessé d’alimenter la réflexion politique depuis lors. La question a été débattue lors des travaux préparatoires de la Constitution du 9 décembre 1931. Mais la notion d’État « intégral » qui fut adoptée alors entendait se situer entre le concept d’État unitaire et celui d’État fédéral. Par la suite, le parti socialiste (P.S.O.E.) s’est montré favorable à l’institution de l’État fédéral. La « résolution sur les nationalités » voté au Congrès de 1976 préconisait une « République fédérale des travailleurs composée par tous les peuples de l’État espagnol » et décrivait les structures souhaitables de l’organisation fédérale. Le Parti Communiste, dans son manifeste-programme de septembre 1975, estimait également

qu’une République fédérale était de nature à régler le problème de l’État « multinational » espagnol et qu’il convenait de tenir compte, dans ce cadre général, des situations spécifiques de la Navarre, du Pays Valencien, des Baléares et des Canaries.

Après la mort de Franco, dans le vaste échange de point de vue sur le devenir de l’Espagne dont la presse redevenue libre se fit l’écho, les thèses fédéralistes furent de nouveau avancées de divers côtés. Dans une conférence prononcée le 16 janvier 1978 devant le Club XXIe siècle, le député socialiste E. Mugica Herzog semblait toutefois adopter une position de retrait par rapport aux positions jusque là officielles de son parti : « ce que nous proposons en tant que socialistes est un cadre fédéral qui, sans faire obstacle à un futur État fédéral, voit dans ce dernier le résultat d’un processus naturel et non la satisfaction idéologique d’un dogmatisme fait d’a priori ». (…)

Il ressort de l’analyse du texte constitutionnel que la structure de l’État espagnol ne correspond pas à celle d’un État fédéral en dépit de quelques ambiguïtés.

D’abord, la Constitution écarte l’hypothèse d’une pluralité d’États, caractéristique de l’État fédéral/ Il n’y a qu’un seul État espagnol (Article 1-1), une seule souveraineté nationale (Article 1-2). La volonté du peuple espagnol s’exprime de diverses manières : par les partis politiques (Article 6), par l’initiative populaire (Article 87-3), par le référendum populaire (Article 92), par les élections aux Cortes Générales (Article 66-1). L’unité de l’État reflète « l’indissoluble unité de la Nation Espagnole » dont fait état l’article 2.

Ensuite les Communautés autonomes ne disposent pas du pouvoir constituant, et la création de l’État espagnol ne résulte pas d’un accord entre entités souveraines préexistantes (…). Les théoriciens du fédéralisme ont souvent insisté sur cette analyse. Les statuts des Communautés autonomes ne sauraient être regardés comme des Constitutions au sens plein du terme, même s’il existe des analogies entre le « pouvoir constituant » et le « pouvoir statutaire ». Les statuts ne peuvent entrer en vigueur qu’au terme d’un processus faisant intervenir les Cortes Générales et le vote d’une loi organique. Selon certains auteurs, l’établissement d’un État fédéral à partir de la situation d’un État unitaire supposerait une redistribution des compétences entre État fédéral et les États fédérées et, concrètement, la reconnaissance au profit de ces derniers d’un pouvoir constituant.

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L’État était jusqu’alors un État unitaire centralisé. Sa mutation constitutionnelle l’a amené à répartir le pouvoir politique, à partir d’un acte souverain (la Constitution), entre diverses entités dont il reconnaît le droit à l’autonomie. Même si les finalités de l’État fédéral sont identiques, la procédure est différente, souligne-t-on le cas échéant.

On notera encore que la deuxième chambre (le Sénat) ne peut être considéré comme une deuxième Chambre fédérale, malgré la volonté des Cortes d’en faire une chambre de « représentation territoriale » (Article 69-1) et le droit, pour les Communautés autonomes, de désigner un sénateur supplémentaire par millions d’habitants (Article 69-5). Au demeurant, les Cortes Générales « représentent le peuple espagnol ». (…)

Par ailleurs, la révision de la Constitution (Articles 166 et suivants) ne fait pas intervenir directement les Communautés autonomes et n’attribuent pas un rôle particulier au Sénat, plus proche malgré tout des Communautés autonomes.

On ajoutera que l’article 145 interdit la « fédération des Communautés autonomes » (« en aucun cas la fédération des Communautés autonomes ne sera admise »). (…)

On est donc, sur le plan juridique, en dehors du

cadre de l’État fédéral. Mais certaines similitudes existent malgré tout entre « l’État des autonomies » et l’État fédéral classique.

Sur le plan du fonctionnement concret du système, par exemple, la convergence des résultats obtenus par la Constitution espagnole et celle des États fédéraux a parfois été soulignée. Une partie de la doctrine s’interroge d’ailleurs sur la portée exacte du fédéralisme dans plusieurs États contemporains et estime que les Communautés autonomes bénéficient de pouvoirs peut être plus importants que certains États fédérés. La technique de répartition des compétences entre l’État et les Communautés autonomes n’est pas sans rappeler, au surplus, celle des États fédéraux. Comme la Constitution du 27 décembre 1978 ne définit pas la nature de l’État espagnol, on a proposé parfois d’y voir un État « fédéral-régional ». §2. Le modèle de « l’État régional »

La catégorie « État régional » distincte de l’État fédéral et de l’État unitaire centralisé pourrait trouver une illustration supplémentaire dans la Constitution espagnole de 1978.

Déjà la Constitution de 1931 avait tenté d’introduire dans le vocabulaire politique le concept

d’État « intégral » dont la présentation fut faite par L.Jimenez de Asua dans son discours célèbre devant les Cortes Constituantes. Mais le terme ne réussira pas à acclimater et il n’était pas juridiquement des plus clairs. L’État « intégral » se caractérisait par le droit à l’autonomie des régions et des communes ; il se voulait une « synthèse » de l’État unitaire et de l’État fédéral.

La notion d’État régional a été développée à partir des expériences de la Constitution républicaine espagnole du 9 décembre 1931 et de la Constitution italienne du 27 décembre 1947. En Espagne, la promotion en est assurée inlassablement par le professeur J.Ferrando Badia.

Le concept d’État régional fait l’objet de nombreuses controverses dans la doctrine espagnole.

L’entité de base, la région, doit être appréhendée juridiquement selon les théoriciens de l’État régional, comme une collectivité territoriale de droit public dotée de l’autonomie législative. L’autonomie législative est donc un des traits distinctifs de la région par rapport à la collectivité administrative décentralisée qui ne dispose que du pouvoir réglementaire. Mais la région n’a pas le pouvoir de se doter d’une Constitution – ce qui la sépare de l’État fédéré. Si les régions bénéficient d’une autonomie statutaire, en ce sens qu’elles peuvent déterminer leur organisation interne, ce pouvoir, on l’a dit, ne saurait être regardé comme un pouvoir constituant. Le degré d’autonomie laissé sur ce point aux autres collectivités territoriales est évidemment moindre : leur organisation administrative est déterminée par les textes étatiques, et il s’agit d’un modèle uniforme. (…)

La distinction de l’État régional, de l’État unitaire et de l’État fédéral oppose les auteurs. Nombreux sont ceux qui voient dans l’État régional une variante de l’État unitaire. D’autres y voient une forme de l’État fédéral. D’autres encore s’efforcent de maintenir l’originalité juridique de l’État régional. Il semble que la doctrine espagnole soit aujourd’hui plus favorable à ce dernier courant ; elle insiste volontiers sur la spécificité du modèle d’État proposé par la Constitution du 27 décembre 1978.

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La Constitution espagnole (Extraits)

PRÉAMBULE

La nation espagnole, désirant établir la justice, la liberté et la sécurité et promouvoir le bien de tous ceux qui la composent, proclame, en faisant usage de sa souveraineté, sa volonté de: Garantir la coexistence démocratique dans le cadre de la Constitution et des lois, suivant un ordre économique et social juste. Consolider un État de droit qui assurera l’empire de la loi, en tant qu’expression de la volonté populaire. Protéger tous les Espagnols et les peuples d’Espagne dans l’exercice des droits de l’homme, de leurs cultures et de leurs traditions, de leurs langues et de leurs institutions. Promouvoir le progrès de la culture et de l’économie afin d’assurer à tous une digne qualité de vie. Établir une société démocratique avancée, et Collaborer au renforcement de relations pacifiques et d’une coopération efficace avec tous les peuples de la Terre. C’est pourquoi, les Cortés approuvent et le peuple espagnol ratifie la suivante

TITRE PRÉLIMINAIRE

Article 1. 1. L’Espagne se constitue en un État de droit social et démocratique qui proclame comme valeurs suprêmes de son ordre juridique la liberté, la justice, l’égalité et pluralisme politique. 2. La souveraineté nationale réside dans le peuple espagnol duquel émanent les pouvoirs de l’État. 3. La forme politique de l’État espagnol est la Monarchie parlementaire. Art. 2. La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles. Art. 3. 1. Le castillan est la langue espagnole officielle de l’État. Tous les Espagnols ont le devoir de la connaître et le droit de l’employer. 2. Les autres langues de l’Espagne seront aussi officielles dans les Communautés autonomes respectives, conformément à leurs statuts. 3. La richesse des différentes modalités linguistiques de l’Espagne est un patrimoine culturel qui sera respecté et protégé de façon particulière. Art. 4. 1. Le drapeau espagnol se compose de trois bandes horizontales, rouge, jaune et rouge; la bande jaune ayant une largeur double de chacune des bandes rouges. 2. Les statuts pourront reconnaître des drapeaux et des enseignes propres aux Communautés autonomes. Ils seront utilisés à côté du drapeau espagnol sur leurs édifices publics et à l’intérieur de ceux-ci et à leurs cérémonies officielles. (…)

TITRE III.-Des Cortes générales

CHAPITRE PREMIER.-Des Chambres (…)

Art. 69. 1. Le Sénat est la Chambre de représentation territoriale. 2. Dans chaque province quatre sénateurs seront élus au suffrage universel, libre, égalitaire, direct et secret par les votants de chacune d’elles, dans les termes que définira une loi organique. 3. Dans les provinces insulaires, chaque île ou groupe d’îles ayant un "cabildo" ou conseil insulaire constituera une circonscription aux effets de l´élection des sénateurs; trois sénateurs seront élus dans chacune des grandes îles —Grande Canarie, Majorque et Tenerife— et un sénateur dans chacune des îles ou groupes d’îles suivants: Ibiza-Formentera, Minorque, Fuerteventura, Gomera, Hierro, Lanzarote et La Palma. 4. Les villes de Ceuta et Melilla éliront chacune deux sénateurs.

5. Les Communautés autonomes désigneront, en outre, un sénateur, en plus de celui qu’elles désignent pour chaque million d’habitants de leur territoire respectif. La désignation incombera à l’assemblée législative ou, en son absence, à l’organe collégial supérieur de la Communauté autonome, conformément aux dispositions des statuts qui assureront, dans tous les cas, la représentation proportionnelle adéquate. (…)

TITRE VIII.-De l’organisation territoriale de l’État

CHAPITRE PREMIER.-Principes généraux

Art. 137. L’État se compose, dans son organisation territoriale, de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie pour la gestion de leurs intérêts respectifs. Art. 138. 1. L’État garantit l’application effective du principe de solidarité consacré à l’article 2 de la Constitution, en veillant à l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste entre les différentes parties du territoire espagnol, compte tenu tout particulièrement des circonstances propres à l’insularité. 2. Les différences entre les statuts des diverses Communautés autonomes ne pourront impliquer, en aucun cas, des privilèges économiques ou sociaux. Art. 139. 1. Tous les Espagnols ont les mêmes droits et les mêmes obligations dans n’importe quelle partie du territoire de l’État. 2. Aucune autorité ne pourra adopter des mesures qui directement ou indirectement entraveraient la liberté de circulation et d’établissement des personnes et la libre circulation des biens sur tout le territoire espagnol.

CHAPITRE II.-De l’administration locale

Art. 140. La Constitution garantit l’autonomie des communes. Celles-ci jouiront d’une personnalité juridique complète. Leur gouvernement et leur administration incombent à leurs conseils municipaux respectifs, formés par les maires et les conseillers. Les conseillers seront élus par les habitants de la commune au suffrage universel, égalitaire, libre, direct et secret, sous la forme établie par la loi. Les maires seront élus par les conseillers ou par les habitants. La loi déterminera les conditions dans lesquelles il conviendra d’établir le régime du conseil ouvert. Art. 141. 1. La province est une entité locale ayant une personnalité juridique propre, déterminée par le groupement de communes, ainsi qu’une division territoriale en vue de mener à bien les activités de l’État. Toute modification des limites provinciales devra être approuvée par les Cortes générales au moyen d’une loi organique. 2. Le Gouvernement et l’administration autonome des provinces seront confiés à des Conseils généraux ou à des collectivités à caractère représentatif. 3. On pourra créer des groupements de communes différents des provinces. 4. Dans les archipels, les îles disposeront, en outre, de leur propre administration sous forme de "Cabildos" ou Conseils. Art. 142. Les Finances locales devront disposer des moyens suffisants pour exercer les fonctions que la loi attribue aux collectivités respectives; ces moyens proviendront essentiellement de leur propre imposition et de leur participation à celle de l’État et des Communautés autonomes.

CHAPITRE III.-Des Communautés autonomes

Art. 143. 1. En application du droit à l’autonomie reconnu à l’article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, les territoires insulaires et les provinces ayant une entité régionale historique pourront se gouverner eux-mêmes et se constituer en communautés autonomes, conformément aux dispositions du titre VIII et des statuts respectifs.

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2. Le droit d’initiative, en matière d’autonomie, incombe à tous les Conseils généraux intéressés ou à l’organe inter insulaire correspondant et aux deux tiers des communes dont la population représente au moins la majorité du corps électoral de chaque province ou de chaque île. Ces conditions devront être remplies dans le délai de six mois à partir de l’adoption du premier accord en la matière par l’une des collectivités locales intéressées. 3. L’initiative, si elle n’aboutit pas, ne pourra pas être reprise avant cinq ans. Art. 144. Les Cortes générales pourront, par une loi organique, et pour des motifs d’intérêt national: a) Autoriser la constitution d’une communauté autonome lorsque son territoire ne dépasse pas celui d’une province et ne réunit pas les conditions de l’article 143, paragraphe 1. b) Autoriser ou, s’il y a lieu, agréer un statut d’autonomie pour des territoires qui ne sont pas intégrés dans l’organisation provinciale. c) Exercer le droit d’initiative en lieu et place des collectivités locales auxquelles ce droit incombe, conformément à l’article 143, paragraphe 2. Art. 145. 1. On n´admettra, en aucun cas, la fédération de Communautés autonomes. 2. Les statuts pourront prévoir les cas, les conditions et les termes dans lesquels les Communautés autonomes pourront conclure des accords entre elles pour la gestion et la prestation de services qui leur sont propres, ainsi que le caractère et les effets de la communication correspondante aux Cortés générales. Dans les autres cas, les accords de coopération entre les Communautés autonomes requerront l’autorisation des Cortes générales. Art. 146. Le projet de statut sera élaboré par une assemblée composée des membres du Conseil général ou de l’organe inter insulaire des provinces intéressées et par les députés et les sénateurs élus dans chacune d’elles et sera transmis aux Cortés générales pour qu’il lui soit donné cours en tant que loi. Art. 147. 1. Dans le cadre de la Constitution, les statuts seront la norme institutionnelle fondamentale de chaque Communauté autonome et l’État les reconnaîtra et les protégera comme partie intégrante de son ordre juridique. 2. Les statuts d’autonomie devront contenir: a) Le nom de la Communauté qui correspondra le mieux à son identité historique. b) La délimitation de son territoire. c) La dénomination, l’organisation et le siège des institutions autonomes propres. d) Les compétences assumées dans le cadre établi par la Constitution et les bases pour le transfert des services correspondants à ces compétences. 3. Toute révision des statuts suivra la procédure établie par ceux-ci et exigera, en tout cas, l’approbation des Cortés générales, au moyen d’une loi organique. Art. 148. 1. Les Communautés autonomes pourront assumer des compétences dans les matières suivantes: 1) L’organisation de leurs institutions de gouvernement autonomes. 2) Les modifications des limites des communes comprises dans leur territoire et, en général, les fonctions qui incombent à l’administration de l’État en ce qui concerne les collectivités locales et dont le transfert est autorisé par la législation sur le Régime local. 3) L’aménagement du territoire, l’urbanisme et le logement. 4) Les travaux publics intéressant la Communauté autonome sur son propre territoire. 5) Les chemins de fer et les routes dont le parcours se trouve intégralement sur le territoire de la Communauté autonome et, dans les mêmes conditions, le transport assuré par ces moyens ou par câble. 6) Les ports de refuge, les ports et les aéroports de plaisance et, en général, ceux qui n’ont pas d’activités commerciales. 7) L’agriculture et l’élevage conformément à l’ordonnancement général de l’économie. 8) Les eaux et forêts et l’exploitation forestière. 9) La gestion en matière de protection de l’environnement. 10) Les projets, la construction et l’exploitation des installations hydrauliques, des canaux et des systèmes d’irrigation, présentant

un intérêt pour la Communauté autonome, et les eaux minérales et thermales. 11) La pêche dans les eaux intérieures, l’exploitation des fruits de mer et l’aquiculture, la chasse et la pêche fluviale. 12) Les foires locales. 13) Le développement de l’activité économique de la Communauté autonome dans le cadre des objectifs fixés par la politique économique nationale. 14) L’artisanat. 15) Les musées, les bibliothèques et les conservatoires de musique, présentant un intérêt pour la Communauté autonome. 16) Le patrimoine monumental présentant un intérêt pour la Communauté autonome. 17) Le développement de la culture, de la recherche et, s’il y a lieu, de l’enseignement de la langue de la Communauté autonome. 18) La promotion et l’aménagement du tourisme sur leur territoire. 19) La promotion du sport et l’utilisation adéquate des loisirs. 20) L’assistance sociale. 21) La santé et l’hygiène. 22) La surveillance et la protection de leurs édifices et de leurs installations. La coordination et d’autres fonctions en rapport avec les polices locales selon les dispositions que déterminera une loi organique. 2. Au terme d’une période de cinq ans et par la révision de leurs statuts, les Communautés autonomes pourront étendre successivement leurs compétences dans le cadre établi à l’article 149. Art. 149. 1. L’État jouit d’une compétence exclusive dans les matières suivantes: 1) La réglementation des conditions fondamentales qui garantissent l’égalité de tous les Espagnols dans l’exercice de leurs droits et dans l’accomplissement des devoirs constitutionnels. 2) La nationalité, l’immigration, l’émigration, l’extranéité et le droit d’asile. 3) Les relations internationales. 4) La défense et les Forces armées. 5) L’administration de la justice. 6) La législation commerciale, pénale et pénitentiaire; la législation de la procédure, sans préjudice des spécialités nécessaires qui, dans ce domaine, découlent des particularités du droit substantiel des Communautés autonomes. 7) La législation du travail, sans préjudice de son application par les organes des Communautés autonomes. 8) La législation civile, sans préjudice de la conservation, de la modification et du développement, par les Communautés autonomes, des droits civils, des droits découlant des "fueros" ou des droits particuliers là où ils existent. Dans tous les cas, les règles relatives à l’application et à l’efficacité des normes juridiques, le cadre juridique en droit civil des formes de mariage, l’organisation des registres et instruments publics, les bases des obligations contractuelles, les normes visant à résoudre, les conflits de lois et la détermination des sources du droit, compte tenu, dans ce dernier cas, des normes du droit découlant des "fueros" ou du droit spécial. 9) La législation de la propriété intellectuelle et industrielle. 10) Le régime douanier et tarifaire; le commerce extérieur. 11) Le système monétaire: devises, change et convertibilité; les bases de l’organisation du crédit, des banques et des assurances. 12) La législation des poids et mesures et la détermination de l’heure officielle. 13) Les bases et la coordination de la planification générale de l‘activité économique. 14) Les finances générales et la dette de l’État. 15) Le développement et la coordination générale de la recherche scientifique et technique. 16) La santé extérieure. Les bases et la coordination générale de la santé. La législation sur les produits pharmaceutiques. 17) La législation fondamentale et le régime économique de la sécurité sociale, sans préjudice de la mise en œuvre de ses services par les Communautés autonomes. 18) Les fondements du régime juridique des administrations publiques et du régime statutaire de leurs fonctionnaires qui, dans tous les cas, garantiront aux administrés un traitement

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commun devant elles; la procédure administrative commune, sans préjudice des spécialités découlant de l’organisation propre des Communautés autonomes; la législation sur l’expropriation obligatoire; la législation fondamentale sur les contrats et les concessions administratives et le système de responsabilité de toutes les administrations publiques. 19) La pèche maritime, sans préjudice des compétences qui, dans l’organisation du secteur, seront accordées aux Communautés autonomes. 20) La marine marchande et le pavillon des bateaux, l’éclairage des côtes et la signalisation maritime; les ports d’intérêt général; les aéroports d’intérêt général; le contrôle de l’espace aérien, le transit et le transport aériens; les services météorologiques et l’immatriculation des aéronefs. 21) Les chemins de fer et les transports terrestres qui traversent le territoire de plus d’une Communauté autonome ; le régime général des communications; le trafic et la circulation des véhicules à moteur ; les postes et télécommunications, les câbles aériens et sous-marins et les radiocommunications. 22) La législation, l’aménagement et la concession des ressources et installations hydrauliques lorsque les eaux traversent plus d’une Communauté autonome et l´autorisation de procéder à des installations électriques lorsque leur utilisation affecte une autre Communauté ou lorsque le transport d’énergie dépasse les limites de son territoire. 23) La législation fondamentale sur la protection de l’environnement sans préjudice des facultés qu’ont les Communautés autonomes de définir des normes additionnelles de protection. La législation fondamentale des eaux et forêts, de l’exploitation forestière et des chemins suivis par les troupeaux. 24) Les travaux publics d’intérêt général ou dont la réalisation concerne plus d’une Communauté autonome. 25) Les bases du régime minier et énergétique. 26) Le régime de production, commerce, détention et usage d’armes et explosifs. 27) Les normes fondamentales du régime de la presse, de la radio et de la télévision et, en général, de tous les moyens de communication sociale, sans préjudice des facultés qui incombent aux Communautés autonomes en ce qui concerne son développement et son application. 28) La protection du patrimoine culturel, artistique et monumental espagnol contre son exportation et son spoliation; les musées, les bibliothèques et les archives appartenant à l´État, sans porter atteinte à leur gestion par les Communautés autonomes. 29) La sécurité publique, sans préjudice de la possibilité, pour les Communautés autonomes, de créer des polices sous la forme qu’établiront leurs statuts respectifs, dans le cadre des dispositions d’une loi organique 30) La réglementation des conditions d’obtention, d’expédition et d’homologation de titres universitaires et professionnels et les normes fondamentales pour le développement de l’article 27 de la Constitution, afin de garantir le respect des obligations des pouvoirs publics en cette matière. 31) La statistique aux fins de l´État. 32) L’autorisation de convoquer des consultations populaires par voie de référendum. 2. Sans préjudice des compétences que pourront assumer les Communautés autonomes, l´État considérera le service de la culture comme un devoir et une attribution essentielle et facilitera la communication culturelle entre les Communautés autonomes, en accord avec elles. 3. Les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État par la Constitution pourront incomber aux Communautés autonomes, conformément à leurs statuts respectifs. La compétence dans les matières qui ne figurent pas dans les statuts d’autonomie incombera à l´État, dont les normes prévaudront, en cas de conflit, sur celles des Communautés autonomes dans tous les domaines qui ne leur seront pas réservés exclusivement. Le droit étatique suppléera, dans tous les cas, le droit des Communautés autonomes. Art. 150. 1. Les Cortes générales pourront, dans les matières relevant de la compétence de l’État, attribuer à toutes les Communautés autonomes ou à certaines d’entre elles la faculté de décréter, en ce qui les concerne, des normes législatives dans

le cadre des principes, des bases et des directives fixés par une loi étatique. Chaque loi-cadre arrêtera, sans préjudice de la compétence des tribunaux, les modalités de contrôle qu’exerceront les Cortes générales sur les normes législatives des Communautés autonomes. 2. L’État pourra transférer ou déléguer aux Communautés autonomes, par une loi organique, des facultés lui appartenant qui, par leur nature même, sont susceptibles d’être transférées ou déléguées. La loi prévoira, dans chaque cas, le transfert correspondant de moyens financiers, ainsi que les formes de contrôle que l’État se réservera. 3. Lorsque l’intérêt général l’exigera, l’État pourra promulguer des lois qui établiront les principes nécessaires à l’harmonisation des dispositions normatives des Communautés autonomes, même pour des matières relevant de la compétence de celles-ci. L’appréciation de cette nécessité incombe aux Cortes générales, à la majorité absolue des membres de chaque Chambre. Art. 151. 1. Il ne sera pas nécessaire de laisser passer le délai de cinq ans auquel se réfère l’article 148, paragraphe 2, lorsque, non seulement les Conseils généraux ou les organes inter insulaires correspondants, mais aussi les trois quarts des communes de chacune des provinces intéressées qui représentent, au moins, la majorité du corps électoral de chacune d’elles, décident d’exercer le droit d’initiative, en matière d’autonomie, dans le délai prévu à l’article 143, paragraphe 2, et que cette initiative est ratifiée, par voie de référendum, par la majorité absolue des électeurs de chaque province, dans les termes qu’une loi organique établira. 2. Dans le cas prévu au paragraphe précédent, la procédure d’élaboration du statut sera la suivante: 1.º Le Gouvernement convoquera tous les députés et sénateurs élus dans les circonscriptions comprises dans le territoire qui aspire à se gouverner lui-même pour qu’ils se constituent en assemblée, à la seule fin d’élaborer le projet de statut d’autonomie correspondant, avec l’accord de la majorité absolue de ses membres. 2º Dés qu’il sera adopté par l´assemblée de parlementaires, le projet de statut sera remis à la Commission constitutionnelle du Congrès qui, dans le délai de deux mois, l’examinera avec le concours et l’assistance d’une délégation de l’assemblée qui en a fait la proposition, afin de déterminer, d’un commun accord, sa rédaction définitive. 3º S’il y a accord, le texte adopté sera soumis, par voie de référendum, au corps électoral des provinces comprises dans le territoire visé par le projet de statut. 4º Si le projet de statut est approuvé, dans chaque province, à la majorité des votes valablement exprimés, il sera déféré aux Cortés générales. Les deux Chambres, convoquées en réunion plénière, se prononceront sur le texte par un vote de ratification. Un fois adopté, le statut sera sanctionné par le Roi qui le promulguera en tant que loi. 5º S’il n’y a pas accord conformément à l’alinéa 2.0 du présent paragraphe, le projet de statut sera remis en tant que projet de loi aux Cortes générales. Le texte adopté par celles-ci sera soumis, par voie de référendum, au corps électoral des provinces faisant partie du territoire visé par le projet de statut. S’il est approuvé par la majorité des votes valablement exprimés dans chaque province, on procédera à sa promulgation selon les dispositions de l’alinéa 4º 3. En ce qui concerne les alinéas 4º et 5º du paragraphe précédent, le fait que le projet de statut ne soit pas approuvé par une ou plusieurs provinces n’empêchera pas les autres provinces de constituer la Communauté autonome envisagée, sous la forme qu’établira la loi organique prévue au paragraphe 1 du présent article. Art. 152. 1. Dans les statuts approuvés par la procédure définie à l’article 151, l’organisation institutionnelle autonome se fondera sur une assemblée législative élue au suffrage universel, suivant un système de représentation proportionnelle qui assurera, en outre, la représentation des différentes zones du territoire, un Conseil de Gouvernement qui exercera les fonctions exécutives et administratives et un président, élu par l’assemblée parmi ses membres et nommé par le Roi, qui sera chargé de diriger le dit Conseil de Gouvernement, représentation suprême de la Communauté autonome et représentation ordinaire de l´État dans

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celle-ci. Le président et les membres du Conseil de Gouvernement seront politiquement responsables devant l’assemblée. Un Tribunal supérieur de justice, sans préjudice de la juridiction propre au Tribunal suprême, sera le plus haut responsable de l’organisation judiciaire du territoire de la Communauté autonome. Les statuts des Communautés autonomes pourront établir la base et les formes de participation de celles-ci dans l’organisation des circonscriptions judiciaires du territoire, conformément aux dispositions de la loi organique du pouvoir judiciaire et compte tenu de l’unité et de l’indépendance de celui-ci. Sans préjudice des dispositions de l’article 123, les appels successifs seront formés, s’il y a lieu, devant des organes judiciaires situés dans le territoire de la Communauté autonome où se trouve l’organe compétent en première instance. 2. Une fois sanctionnés et promulgués, les divers statuts ne pourront être modifiés qu’en vertu de la procédure qu’ils prévoient à cet effet et par un référendum auquel participeront les électeurs recensés sur les listes correspondantes. 3. Par le groupement de communes limitrophes, les statuts pourront créer des circonscriptions territoriales propres qui jouiront d’une pleine personnalité juridique. Art. 153. Le contrôle de l’activité des organes des Communautés autonomes s’exercera : a) Par le Tribunal constitutionnel en ce qui concerne la constitutionnalité de leurs dispositions normatives ayant force de loi. b) Par le Gouvernement, après avis du Conseil d’État, en ce qui concerne l’exercice des fonctions déléguées auxquelles se réfère l’article 150, paragraphe 2. c) Par la juridiction du contentieux administratif, en ce qui concerne l’administration autonome et ses normes réglementaires. d) Par la Cour de comptes, en ce qui concerne les matières économiques et budgétaires. Art. 154. Un délégué, nommé par le Gouvernement, sera chargé de diriger l’administration de l’État dans le territoire de la Communauté autonome et de la coordonner, s’il y a lieu, avec l’administration propre de la Communauté. Art. 155. 1. Si une Communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution ou les autres lois lui imposent ou agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de l’Espagne, le Gouvernement, après avoir préalablement mis en demeure le Président de la Communauté autonome et si cette mise en demeure n’aboutit pas, pourra, avec l’approbation de la majorité absolue des membres du Sénat, prendre les mesures nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou pour protéger l’intérêt général mentionné. 2. Pour mener à bien les mesures prévues au paragraphe précédent, le Gouvernement pourra donner des instructions à toutes les autorités des Communautés autonomes. Art. 156. 1. Les Communautés autonomes jouiront de l’autonomie financière pour développer et exercer leurs compétences, conformément aux principes de coordination avec les finances de l´État et de solidarité entre tous les Espagnols. 2. Les Communautés autonomes pourront agir comme délégués ou collaborateurs de l’État pour le recouvrement, la gestion et la liquidation de ses ressources fiscales, conformément aux lois et aux statuts. Art. 157. 1. Les ressources des Communautés autonomes seront constituées par: a) Les impôts cédés totalement ou partiellement par l’État; les surtaxes sur les impôts de l´État et autres participations aux recettes de celui-ci. b) Leurs propres impôts, taxes et contributions spéciales. c) Les transferts d’un fonds de compensation inter territorial et d’autres assignations à la charge des budgets généraux de l’État. d) Les revenus provenant de leur patrimoine et les recettes de droit privé. e) Le produit des opérations de crédit. 2. Les Communautés autonomes ne pourront en aucun cas prendre des mesures fiscales à l’encontre de biens situés hors de leur territoire ou qui pourraient constituer un obstacle à la libre circulation des marchandises ou des services.

3. Une loi organique pourra réglementer l’exercice des compétences financières énumérées au paragraphe 1, les normes visant à résoudre les conflits qui pourraient surgir et les possibilités de collaboration financière entre les Communautés autonomes et l’État. Art. 158. 1. Dans les budgets généraux de l’État, on pourra fixer une assignation aux Communautés autonomes en fonction de l’importance des services et des activités étatiques qu’elles auront assumées et des prestations minimales qu’elles s’engagent à apporter en ce qui concerne les services publics fondamentaux sur tout le territoire espagnol. 2. Afin de corriger des déséquilibres économiques inter territoriaux et de mettre en pratique le principe de solidarité, on constituera un Fonds de compensation destiné aux dépenses d´investissement dont les ressources seront réparties par les Cortes générales entre les Communautés autonomes et les provinces, s’il y a lieu. (…)

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Première—Dans les territoires jouissant d’un régime provisoire d’autonomie, leurs organes collégiaux supérieurs pourront, par une décision adoptée à la majorité absolue de leurs membres, exercer le droit d’initiative, en lieu et place des Conseils généraux provinciaux ou des organes inter insulaires correspondants, auxquels ce droit incombe, en vertu de l’article 143, paragraphe 2. Deuxième.—Les territoires qui, dans le passé, auraient approuvé par un plébiscite des projets de statut d’autonomie et disposeraient, au moment de la promulgation de la Constitution, de régimes provisoires d’autonomie, pourront prendre immédiatement les mesures prévues à l’article 148, paragraphe 2, lorsque leurs organes collégiaux supérieur préautonomes le décideront à la majorité absolue; ceux-ci communiqueront leur décision au Gouvernement. Le projet de statut sera élaboré conformément aux dispositions de l’article 151, paragraphe 2, à la demande de l’organe collégial préautonome. Troisième.—On considère que l’initiative du processus d’autonomie incombant aux collectivités locales ou à leurs membres en fonction de l’article 143, paragraphe 2, est différée, dans tous ses effets, jusqu’aux premières élections locales, organisées après l’entrée en vigueur de la Constitution. Quatrième.—1. En ce qui concerne la Navarre et son incorporation au Conseil général basque ou au régime autonome basque qui le remplacera, l’initiative, au lieu de s’exercer selon les dispositions de l’article 143 de la Constitution, incombe à l’organe "foral" compétent qui adoptera sa décision à la majorité des membres qui le composent. Pour que cette initiative soit valable, il faudra, en outre, que la décision de l’organe "foral" compétent soit ratifiée par un référendum expressément convoqué à cet effet et approuvée à la majorité des votes valablement exprimés. 2. Si l’initiative n’a pas abouti, elle ne pourra s’exercer que pendant un autre mandat de l’organe "foral" compétent et, dans tous les cas, après écoulement du délai minimum fixé à l’article 143. Cinquième.—Les villes de Ceuta et Melilla pourront se constituer en Communautés autonomes si leurs Conseils municipaux respectifs le décident à la majorité absolue de leurs membres et si les Cortes générales l’autorisent par une loi organique, selon les dispositions prévues à l’article 144. Sixième—Lorsque la Commission de la Constitution du Congrès sera saisie de plusieurs projets de statut, elle se prononcera dans l’ordre suivant lequel ils auront été déposés et le délai de deux mois mentionné à l’article 151 commencera à compter à partir du moment où la Commission aura achevé l’étude du projet ou des projets dont elle aura été saisie successivement. Septième.—Les organismes pré autonomes provisoires seront considérés comme dissous dans les cas suivants: a) Dés que seront constitués les organes prévus par les statuts d’autonomie adoptés conformément à la Constitution. b) Dans le cas où l’initiative du processus d’autonomie n’aurait pas abouti pour n’avoir pas rempli les conditions prévues à l’article 143. c) Si l’organisme n’a pas exercé le droit que lui reconnaît la première disposition transitoire dans le délai de trois ans. (…).

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LE STATUT DE L’UNION EUROPÉENNE

Projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe, adopté par consensus par la Convention européenne les 13 juin et 10 juillet 2003 Article 1: Établissement de l'Union 1. Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir commun, cette Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres confèrent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des États membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui transfèrent. 2. L'Union est ouverte à tous les États européens qui respectent ses valeurs et qui s'engagent à les promouvoir en commun. Article 2: Les valeurs de l'Union L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'état de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la tolérance, la justice, la solidarité et la non-discrimination. Article 5: Relations entre l'Union et les États membres 1. L'Union respecte l'identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité intérieure.

2. En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant de la Constitution. Les États membres facilitent à l'Union l'accomplissement de sa mission et s'abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts figurant dans la Constitution. Article 6: Personnalité juridique L'Union est dotée de la personnalité juridique. Article 10: Le droit de l'Union 1. La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées ont la primauté sur le droit des États membres. 2. Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de la Constitution ou résultant des actes des institutions de l'Union. Article 11: Catégories de compétences 1. Lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence exclusive dans un domaine déterminé, celle-ci seule peut légiférer et adopter des actes juridiquement obligatoires, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s’ils sont habilités par l'Union ou pour mettre en œuvre des actes adoptés par celle-ci. 2. Lorsque la Constitution attribue à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, l'Union et les États membres ont le pouvoir de légiférer et d'adopter des actes juridiquement obligatoires dans ce domaine. Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a

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pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l'exercer. 3. L'Union dispose d'une compétence en vue de promouvoir et d'assurer la coordination des politiques économiques et de l'emploi des États membres. 4. L'Union dispose d'une compétence pour la définition et la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune. 5. Dans certains domaines et dans les conditions prévues par la Constitution, l'Union a compétence pour mener des actions en vue d’appuyer, de coordonner ou de compléter l'action des États membres, sans pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines. 6. L'étendue et les modalités d'exercice des compétences de l'Union sont déterminées par les dispositions spécifiques à chaque domaine de la Partie III. Article 12: Les compétences exclusives 1. L'Union dispose d'une compétence exclusive pour établir les règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur, ainsi que dans les domaines suivants: - la politique monétaire pour les États membres qui ont adopté l'euro, - la politique commerciale commune, - l'Union douanière, - la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche. 2. L'Union dispose d'une compétence exclusive pour la conclusion d'un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l'Union, ou qu'elle est nécessaire pour lui permettre d'exercer sa compétence interne, ou qu'elle affecte un acte interne de l'Union.

Article 13: Les domaines de compétence partagée 1. L'Union dispose d'une compétence partagée avec les États membres lorsque la Constitution lui attribue une compétence qui ne relève pas des domaines visés aux articles 12 et 16. 2. Les compétences partagées entre l'Union et les États membres s'appliquent aux principaux domaines suivants: - le marché intérieur, - l'espace de liberté, de sécurité et de justice, - l'agriculture et la pêche, à l'exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer, - le transport et les réseaux transeuropéens, - l'énergie, - la politique sociale, pour des aspects définis dans la Partie III, - la cohésion économique, sociale et territoriale, - l'environnement, - la protection des consommateurs, - les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique. 3. Dans les domaines de la recherche, du développement technologique et de l'espace, l'Union a compétence pour mener des actions, notamment pour définir et mettre en œuvre des programmes, sans que l'exercice de cette compétence puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur. 4. Dans les domaines de la coopération au développement et de l'aide humanitaire, l'Union a compétence pour entreprendre des actions et pour mener une politique commune, sans que l'exercice de cette compétence puisse avoir pour effet d'empêcher les États membres d'exercer la leur.

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Jean-Claude DIRIS, L’Union européenne : vers une nouvelle forme de fédéralisme ?, Revue Trimestrielle de droit européen 41 (2), avril-juin 2005, pp. 241-260. L’UNION EUROPÉENNE N’EST PAS UN ÉTAT

Les caractéristiques éminemment spécifiques de l’UE en font-elles un État ? Tel n’est pas le cas à l’heure actuelle, et il est assez improbable que l’UE prenne la forme d’un État, qu’il soit fédéral ou non, dans un avenir prévisible.

Si l’on reprend les différents critères de la définition classique d’un État, à savoir une population, un territoire, un gouvernement organisé, une pleine souveraineté, le droit et les moyens de contrôler toute personne et toute chose à l’intérieur des frontières, le pouvoir de faire la guerre et la paix et d’établir des relations internationales avec d’autres États, il est clair que l’UE ne satisfait pas à certains de ces critères.

En outre, l’UE ne dispose pas des moyens essentiels qui sont traditionnellement associés à la notion d’État souverain. Elle n’a pas de ressources financières propres et n’a pas le pouvoir de lever directement l’impôt. Elle n’est pas autorisée à établir ses « ressources propres », lesquelles sont fixées par une décision qu’il appartient aux États membres de ratifier. Le budget de l’UE ne représente qu’une très faible part du produit national brut des États membres (environ 1 %) et la grande majorité de ses dépenses (environ 85 %) est gérée par les administrations des États membres. L’UE a peu de capacités administratives et techniques. Ses dépenses administratives représentent moins de 5 % de son budget total et les ressources humaines de ses organes centraux (environ 30 000 personnes) représentent à peu près la moitié du personnel municipal d’une

grande ville comme Paris. L’UE n’a pas de moyens administratifs coercitifs. Elle ne dispose pas d’administration du fisc, des douanes, des questions vétérinaires, de l’ordre public de l’UE et de la répression. Elle n’a ni police, ni prison, ni armée. L’application du droit de l’UE dépend pour l’essentiel des moyens des États.

On pourrait avances que ces éléments ne sont pas décisifs, en ce qu’ils caractérisent un État unitaire de type classique, doté d’administrations centrales fortes, contrairement à un État fédéral décentralisé reposant sur le concept du « fédéralisme d’exécution » (ou de l’ « administration indirecte ») dans le cadre duquel la responsabilité de la mise en œuvre et de l’application du droit de l’UE incombe à ses composantes. Peut-être. Mais on peut ajouter qu’il existe des arguments additionnels, encore plus convaincants, montrant que l’UE n’est pas un État. Ces arguments reposent sur trois faits ?

Premièrement et surtout, l’UE n’a pas de demos unique. On ne peut pas dire qu’il existe un « peuple européen ». L’UE a « des peuples », plusieurs demoi. Elle n’est pas fondée sur un peuple unique exerçant des droits démocratiques et caractérisé par une identité commune. Elle n’est pas fondée sur « un ensemble de personnes dont la vaste majorité se sent suffisamment attachée aux autres pour vouloir se lancer dans un débat démocratique et des processus décisionnels contraignants ». Un demos est plus qu’une simple agrégation d’individus. Il comprend un sens de la communauté, un « sentiment collectif » -aussi modestement soit-il exprimé – pour que la démocratie ait un sens. Même au sein des institutions européennes « supranationales », normalement exemptes d’influences ou de réflexes nationaux, et devant parler pour le bien commun, les sentiments nationaux surgissent parfois lorsqu’un intérêt réellement essentiel est en jeu, souvent au

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parlement européen, parfois à la Commission, et cela pourrait devenir plus souvent le cas au cours de la période depuis fin 2004, pendant laquelle la règles « un État, un commissaire, un vote » sera applicable.

Deuxièmement, l’UE n’est pas « souveraine », en ce qu’elle ne dispose pas de ce que les Allemands appellent la Kompetenz-Kompetenz : elle n’a pas le pouvoir de définir l’extension de ses compétences. Ce pourvoir appartient aux « maîtres des traités » que les États membres. Quant au Traité de l’UE, il ne s’est pas mué en Grundnorm, c’est-à-dire en une règle de droit dont les autres règles de droit tiraient leur validité mais qui ne dépendrait pas elle-même d’une autre règle de droit pour sa propre validité. Il s’agit toujours d’un traité international, et le fait de la dénommer « Constitution » n’y changera rien. L’UE ne tient donc pas son autorité de ses citoyens, mais de ses États membres lesquels sont, à cet égard, pleinement souverains. Cela continuera à être le cas avec les articles IV-444 et IV-445 sur les procédures « simplifiées » permettant la modification de certaines dispositions de la Constitution, car elles exigent l’unanimité des gouvernements des États membres et l’absence de veto ou d’autorisation de tous les parlements nationaux.

Troisièmement, l’UE ne dispose pas d’une forte identité extérieure et des pouvoirs qui vont de pair. Les affaires étrangères et la défense restent entre les mains des États membres, malgré les dispositions relatives à ces questions adaptées depuis dix ans. L’UE est, à ce stade, une personnalité plutôt faible dans le monde. Elle ne dispose pas du plein pouvoir de conclure les traités, elle n’a pas compétence exclusive quant à ces pouvoirs essentiels qui symbolisent la souveraineté de l’État : politique étrangère, sécurité et défense. Les États membres sont certes obligés à coopérer, de se coordonner et de

respecter les décisions prises dans le cadre de la PESC, mais l’effectivité de ces dispositions dépend entièrement de la bonne volonté des États membres. Si l’un ou plusieurs d’entre eux décident de ne pas coopérer ou de ne pas coordonner leur position à l’avance, nul ne peut les y contraindre ou les forcer à respecter les dispositions du Traité. La Commission ne peut les attraire devant la Cour de justice ; et cette dernière n’est pas compétente en ces domaines. Quant au Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union, la création de cette fonction par le Traité d’Amsterdam a certes constitué une étape importante vers l’attribution de tâches de représentation à une personnalité considérée comme impartiale, indépendante des États membres, tout en étant étroitement liée au Conseil, qui est l’institution de l’Union dans laquelle tous les États membres sont représentés. Cependant s’il n’y a pas de position commune à exprimer ou à défendre, s’il n’y a pas de politique de l’UE sur un sujet donné, le Haut représentant ne peut publiquement exprimer de position au nom de l’UE. La situation ne changera pas fondamentalement avec la création de la fonction de ministre des Affaires étrangères de l’UE.

En ce qui concerne l’argument tiré du demos, certains répondront que l’UE n’aurait pas besoin d’un demos unique et pourrait reposer sur une pluralité de demoi afin d’aller vers une plus grande intégration. D’autres expliqueront qu’un demos préexistant n’est pas nécessaire et que la démocratie peut aussi exister au-delà de l’État-nation, que les entités peuvent être liées entre elles et se rapprocher, que des mesures de « promotion de l’identité » peuvent être prises par le biais de l’éducation et de l’enseignement des langues, pré-conditions à l’émergence de mass media paneuropéens et, par conséquent, de partis politiques et d’une société civile. D’autres,

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en revanche, insisteront sur le fait que l’UE ne sera jamais capable de développer une identité collective suffisamment forte, compte tenu de sa diversité historique, linguistique, culturelle et institutionnelle, laquelle s’est fortement accrue avec l’élargissement et s’accroîtra encore dans une UE a plus de 30 membres. Le fait est que « tous les membres de l’UE sont des États-nations dotés d’une pleine souveraineté politique et d’un sens marqué de leur identité historique », alors que les États qui formèrent initialement les États-Unis d’Amérique «n’avaient jamais réellement été souverains dans le sens plein ou exact du terme », ni même « maîtrisé les sources populaires d’affection et d’attachement traditionnel associés au nationalisme romantique et vorace de l’Europe des 19e et 20e ».

En ce qui concerne l’argument de la souveraineté, et plus spécialement son caractère illimité et indivisible, certains répondront que ce qui est important n’est pas tant de savoir qui est le détenteur de la souveraineté, mais plutôt celui qui l’exerce et la manière dont il l’exerce. Ils feront valoir que la souveraineté peut être partagée ou mise en commun et exercée par différents acteurs, ce qui constitue une réalité quotidienne dans les États fédéraux, où il n’y a pas d’autorité « omni compétente » détenant le pouvoir de décider dans tous les domaines. En dernière analyse, l’argument le plus décisifs contre l’idée que l’UE serait un État ou serait sur le point de devenir un État, est que ses maîtres, les États membres, ne veulent touts simplement pas que l’UE devienne un État.

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Voir aussi : Koen LENAERTS et Piet Van NUFFEL, La Constitution pour l’Europe et l’Union comme entité politique et ordre juridique, Cahiers de droit européen, n°1-2 2005, pp. 13-125.

____________________ Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 : Traité établissant une Constitution pour l'Europe Recueil, p. 173 - Journal officiel du 24 novembre 2004, p. 19885. « 9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », […], qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les États signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ; ».